Haïti, Port-au-Prince - VIENNET, Chloé

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Haïti, Port-au-Prince - VIENNET, Chloé
Chloé VIENNET
Rapport de fin de séjour
Haïti, Port-au-Prince, été 2013
Introduction
Durant les mois de juillet, août et septembre 2013, j’ai eu l’occasion, avec une amie étudiante en
psychologie comme moi, de partir faire un stage à Port-au-Prince, Haïti. J’ai pu ainsi être stagiaire à
l’hôpital psychiatrique Mars and Kline et à l’HUEH, l’Hôpital Universitaire d’Etat d’Haïti du 25 juillet au 25
septembre 2013.
Vie pratique
LOGEMENT
Il est compliqué de se trouver un logement à Port-au-Prince. Les prix sont élevés depuis l’arrivée du
personnel des associations humanitaires et l’état des habitations aux prix raisonnables laisse à désirer.
Certains endroits que j’ai visité pourraient facilement être classé insalubre. De plus, il est nécessaire de
passer par un intermédiaire, un contact haïtien en qui vous avez confiance et que celui-ci effectue les
démarches pour vous. Il est également compliqué de se déplacer dans la ville, entre les embouteillages
permanents et les transports en commun difficiles (voir la section vie quotidienne), il est donc important de
ne pas loger trop loin de son lieu de travail, ou de stage.
ARGENT
La monnaie officielle est la gourde, avec la conversion 1€= 56 GHT. Néanmoins, le dollar américain est
accepté plus ou moins partout, dans les établissements hôteliers, les restaurants, les boutiques. Dans la
rue, seule la gourde est valable mais il faut savoir que les haïtiens parlent, le plus souvent, en dollar
HAÏTIEN, un dollar haïtien équivalent à 5 gourdes. Cette monnaie est FICTIVE, elle n’existe pas dans la
réalité mais tous les habitants parlent en dollar haïtien et convertissent instantanément en gourdes. A vous
de ne pas vous mélanger quand on vous demande 5 dollars, et de donner 25 gourdes (prix d’une bouteille
d’eau ou de soda achetée à un marchand ambulant).
Il est difficile de retirer de l’argent, car les distributeurs automatiques et les banques sont souvent la proie
des voleurs. Les endroits les plus sûrs pour retirer sont les supermarchés, mais ils ne disposent pas tous
d’un distributeur. Certains accepteront de vous faire du «cash out» c’est-à-dire de vous sortir du liquide
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lorsque vous payez vous achats, mais pas toujours.
De plus, il est important d’avoir toujours de la petite monnaie, c’est-à-dire des billets de maximum 100 GHT
alors que vous aurez régulièrement, aux distributeurs et autres, des billets de 500 voire 1000 GHT. Ceux-ci
vous seront refusés par les petits commerçants et par les chauffeurs de bus. Le plus souvent, ils n’auront
pas la monnaie dessus. Pour se faire de la monnaie, il faut passer par une personne en qui vous avez
confiance qui ira en faire pour vous (auprès de vendeurs de rue le plus souvent, mais c’est une chose qu’en
tant qu’étranger vous ne pouvez pas vous permettre sans vous faire voler. Ou presque) et qui ira échanger
votre billet de 1000 contre des petites coupures.
SANTE
Il faut avoir avec soi une trousse de secours et il faut avoir pensé à tout ce dont on peut avoir besoin, que
ce soit pour un mal de tête, une vilaine coupure ou une intoxication alimentaire. Haïti n’est pas l’endroit
rêvé pour tomber malade. En cas de gros pépin, il faut faire appel à l’ambassade de France qui envoie ses
ressortissants vers l’hôpital le mieux adapté, en général une clinique privée (celle de Canapé Vert au
moment où je m’y trouvais). Les moyens sanitaires d’Haïti sont faibles et les conditions des établissements
publics laissent à désirer. C’est un pays pauvre et en reconstruction.
TELECOMMUNICATIONS
Il existe 2 compagnies de télécommunication, Natcom et Digicel, qui pratiquent des tarifs similaires et peu
coûteux. Il est dit que Digicel est moins cher mais que Natcom est plus performant. J’ai choisi Digicel et en 2
mois, j’ai rechargé l’équivalent de 20 € sur mon téléphone sans jamais être à court de crédit et sans
regarder mes dépenses. Néanmoins, il faut savoir que les haïtiens possèdent en général 2 numéros et donc
2 téléphones, un pour chaque réseau puisque les tarifs sont plus avantageux quand vous appelez un
numéro qui appartient au même réseau que le votre. Selon le numéro, il est facile de savoir de quel réseau
il s’agit.
Internet est parfois compliqué d’accès. L’électricité n’étant pas présente en permanence, surtout dans la
capitale, personne ne possède une ligne fixe ou presque et donc pas de box-internet. La clé 3G semble la
solution idéale : elle coûte environ 1000 GHT et l’abonnement illimité par mois coûte 1500 GHT (à cela il
faut rajouter quelques taxes qui peuvent varier, en général 10%). Il suffit d’enregistrer l’abonnement la
première fois et puis de recharger tous les mois. La connexion n’est pas toujours d’excellente qualité et
dépend du réseau téléphone. Personnellement, j’avais une clé Natcom et j’en étais assez contente.
VIE UNIVERSITAIRE
Je n’ai pas eu cours à l’université durant mon séjour mais je suis néanmoins allée quelques fois à la faculté
de sciences sociales. Les conditions y sont difficiles : une bibliothèque universitaire réduite et sans système
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de classement (elle s’est effondrée durant le séisme de 2010), peu de salles de cours, et un des bâtiments
est inaccessible car dangereux depuis le tremblement de terre. A la place, on trouve des «shelters»,
constructions temporaires (mais là depuis 3 ans) dans la cours qui servent de salles de classes.
STAGE
J’ai effectué un stage à l’hôpital psychiatrique et à l’hôpital général de Port-au-Prince. Les conditions y sont
très dures et les moyens limités. Il fut dur de s’intégrer dans cette ambiance d’urgence où les médecins
voient 40 patients en quelques heures. Les populations traitées n’y parlaient pas toujours bien le français
et s’exprimaient en créole, que je comprenais pour partie. Cela entrainait parfois des difficultés pour se
faire comprendre essentiellement.
De plus, étant étrangère, les gens (patients et personnels de santé) avaient tendance à me traiter comme
une professionnelle aguerrie et non comme une stagiaire, ce qui était censée être ma place. Les haïtiens
sont habitués à recevoir de l’aide de la part d’organisations humanitaires et donc pour eux, les étrangers
qui gravitent dans les centres médicaux et sociaux sont automatiquement des professionnels qui viennent
apporter leurs compétences, seule façon de justifier votre présence ici à leurs yeux. Ce statut peut être
compliqué à gérer et pousse les gens à vous demander plus que ce que vous pouvez leur donner.
Par ailleurs, les haïtiens sont très accueillants, et souhaitent facilement la bienvenue dans leur pays. Tous
les gens que j’ai rencontrés, surtout le personnel soignant, se sont proposé de m’aider, me dépanner, et
ont offert leur soutien.
VIE QUOTIDIENNE
Les transports en communs ne sont pas municipaux, il s’agit de bus «privés» qui effectuent des
circuits connus des habitués mais il n’existe aucun plan, aucun arrêt défini. Pour connaitre les circuits et les
bus dont vous avez besoin, il faut se faire aider par une personne de confiance qui connait bien la ville. Les
bus coûtent 15 ou 20 GHT, selon le circuit qu’ils effectuent, et quelle que soit la durée de votre trajet. Les
taptaps, moyen très utilisé, sont des camionnettes ouvertes à l’arrière avec des bancs. On y monte à 6 ou 7
par bancs, il faut se serrer et le trajet coûte 10 GHT. Il n’y a pas d’arrêt de bus défini, du moins pas
officiellement car certains endroits sont considérés comme tels, alors pour monter dans un bus ou un
taptap il faut se poster sur leur route et faire signe au chauffeur. Pour descendre, il faut crier un bien fort
«Merci» ou «Merci chauffeur» et le bus (ou taptap) s’arrêtera à l’instant même. Certains taptaps disposent
d’une sonnette ou d’un bout de bois qui vient frapper sur la vitre arrière de la camionnette et prévient ainsi
le chauffeur de votre intention. Dans tous les cas, les bus et les taptaps s’arrêtent n’importe où et tout le
temps. Ils ne partent de leur terminus que lorsqu’ils sont pleins, histoire de rentabiliser leur course
puisqu’ils sont payés en fonction du nombre de personne qui montent dans leur véhicule.
Pour faire ses courses, les supermarchés sont peu nombreux et souvent petits, avec peu de choix de
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produits comparés aux grandes surfaces françaises. Néanmoins, on y trouve tout ce qu’il faut. Pour les
fruits et les légumes frais, la meilleure chose est d’aller au marché mais le fait d’être étranger (et lorsque
vous êtes blanc à Haïti, cela saute aux yeux) pousse les marchands à vous faire payer le double ou le triple
du prix. De plus, les marchés, avec leur foule et leurs voleurs à la tire, ne sont pas les endroits les plus sûrs
de la ville.
Bilan de ce stage
Ce stage a été pour moi une belle opportunité et m’a permis de découvrir une différente prise en
charge de la maladie psychiatrique et de diverses pathologies psychologiques. J’ai pu comprendre à quel
point ce qu’on nous apprend peut être différent des techniques que l’on applique dans la réalité, à quel
point la théorie diffère de la pratique mais surtout comment la pratique doit s’adapter aux réalités du
terrain. Les médecins (psychiatres ou autres) doivent s’adapter aux moyens dont ils disposent pour soigner
la personne qu’ils ont devant eux. Faute de mieux, on fait avec ce que l’on a et les prises en charges ne sont
pas pensées en fonction de l’efficacité d’un médicament mais plutôt en fonction de ce qui est disponible et
en fonction de ce que peut se permettre le patient. Ce stage a été ma première immersion dans un pays
pauvre où les conditions de vie sont particulièrement difficiles suite au séisme du 10 janvier 2010 qui a
laissé une marque visible un peu partout : sur les immeubles encore effondrés, sur les routes encore
abîmés, sur l’esprit d’une population traumatisée. Il n’est pas toujours évident de trouver sa place, de
comprendre le fonctionnement des institutions qui n’est pas toujours cohérent entre instabilité
gouvernementale et les tentatives d’ingérence des organisations humanitaires. Il n’est pas toujours facile
d’avoir une couleur de peau différente de celle de la population que l’on côtoie tous les jours et qui voit en
vous leur opposé : quelqu’un qui a eut la chance de naitre dans un milieu favorisé. Il n’est pas toujours
facile de faire sa place en psychologie dans un pays où cette discipline n’en est qu’à ses prémisses et où la
psychiatrie a tendance à mettre votre valeur en doute. Néanmoins, malgré quelques difficultés qui m’ont
parfois données envie d’avancer mon billet d’avion de quelques semaines, je regarde cette expérience
comme positive. En tant qu’étudiante en psychologie, cette découverte brutale (et que j’ai reçu en pleine
figure) des conditions de vie de ce pays pauvre m’ouvre l’esprit et m’apprend qu’il faut aller chercher les
réponses du comportement humain dans le culturel mais parfois au-delà. Cette immersion haïtienne m’a
appris à relativiser certaines choses, à imaginer plus grand, à voir plus grand. Le monde ne s’arrête pas à la
sortie de l’Université et ne se borne pas à ce que je connais. Je trouve qu’il est important, pour ma
discipline, de s’ouvrir au monde et aux différentes cultures qu’on peut y trouver.
A l’heure de la mondialisation, il est important de savoir que le monde est à notre porte et qu’on va le
rencontrer tous les jours, petit bout par petit bout. Ce stage m’a également appris à m’adapter aux
situations problématiques que je rencontre et a penser ma pratique en fonction de mes patients tout
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d’abord et des conditions dans lesquelles je peux les aider. Cette souplesse, probablement due aux
difficultés que j’ai rencontrées mais que j’ai pu surmonter, me permet d’envisager plus sereinement la
suite des mes études et mes prochains stages : pas de soucis, on va faire avec ce qu’on a et tout ira bien.
Conclusion
Pour conclure, je conseillerais aux étudiants en psychologie ou d’autres disciplines de partir à l’étranger
comme je l’ai fait. Pas nécessairement Haïti, mais pourquoi pas Haïti ? Le pays est difficile, certes, et les
moyens sont faibles. Mais on y trouve tellement de choses à apprendre, et tout reste à faire, tout est à
construire. Cela signifie des possibilités infinies pour mettre en place des dispositifs ou des recherches que
l’on peut penser, élaborer et mettre en place soi même sans avoir à rentrer dans les carcans prédéfinis
d’une institution bien établie. A Port-au-Prince, tout est à construire, il suffit d’imaginer.
De plus, partir à l’étranger nous fait sortir de notre zone de confort, de nos petites habitudes bien établies,
de nos mauvaises manies, de toutes ces choses qu’on fait par facilité et nous permet de nous envoler, peut
être pas vers d’autres cieux, mais au moins d’autres horizons. Et beaucoup de soleil pour le cas qui me
concerne.
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