Compte-rendu matinée présentation Escapades MIS A JOUR
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Compte-rendu matinée présentation Escapades MIS A JOUR
Compte-rendu de la matinée de présentation des livres du prix Escapades Samedi 28 Septembre 2013 Intervention de M. Ali IBRAHIM, professeur de littérature à Polytechnique, ancien directeur du centre culturel syrien La Deuxième personne : Thème central du roman : l’identité. Roman construit simultanément sur une trame policière. Un avocat, arabe israélien, s’inquiète du passé de sa femme, des hommes qu’elle a pu connaître avant lui. Malgré son excellente intégration sociale, il reste un homme arabe qui souhaiterait cacher son identité d’arabe. Il est rempli de la tradition d’amour fou propre aux hommes arabes qui date de la civilisation pré-islamique : l’amour fou du poète Majnoun pour Layla, chanté par la tradition littéraire arabe et également par André Miquel (Layla ma raison). La femme de l’avocat s’appelle Layla, ce n’est pas innocent. L’autre personnage, Amir, lui veut sortir de son identité d’arabe pour endosser une identité israélienne alors que l’avocat reste enfermé dans son identité (notion d’ipséité). Réflexion en filigrane à travers les soirées littéraires organisées chez l’avocat : quelle place pour l’histoire, la langue et la littérature arabe dans l’histoire d’Israël ? Message politique en filigrane de ce roman très bien construit : est-il possible de faire un état juif en Palestine ? Est-il possible de faire un état palestinien en Israël ? La réponse de l’écrivain semble être : faisons un seul état avec des citoyens qui n’aurait qu’une seule identité, celle de citoyens d’un unique pays. Les identités des juifs comme des palestiniens sont aujourd’hui difficiles à définir : Juifs d’Europe, juifs d’Orient, juifs nés en Israël, palestiniens refugiés en Jordanie, palestiniens des territoires, palestiniens citoyens d’Israël. La politique aujourd’hui recule devant l’ontologie et ne porte pas ce projet. Silence et tumulte : Thème central du roman : la politique L’écrivain dans le roman est l’écrivain Nihad Sirees. Unité de temps et de lieu : le roman se déroule en 24 heures dans la même ville. Pourtant on a l’impression que le roman dure plus longtemps. Grande habileté romanesque pour incarner l’actualité dans un roman. Deux personnages principaux : le héros et sa maîtresse ont été tous les deux jetés dans le silence. Lui, parce qu’il n’a pas souhaité prêter sa plume au régime, ell,e parce qu’elle a demandé et obtenu le divorce. La seule manière qu’ils ont trouvée pour sortir du silence face à la dictature ce qui demeure un problème dénué de solution et ne pas entrer dans le tumulte : le rire. Amir : Thème central du roman : le paradoxe Amir veut dire prince en arabe. L’intrigue est paradoxale. Amir a un vrai complexe de virilité. Sa grand-mère lui raconte comment sa mère, en s’asseyant sur le nourrisson, a creusé la cavité dans son torse. Deux mots récurrents dans tout le texte : concavité (homme) et convexité (femme). Il n’y a pas de réelle tension dramatique dans le roman mais la tension est dans la langue. Le discours narratif est construit avec la matière de la langue et pas avec la matière de l’action. Amir est un enfant copte à l’écoute des femmes : sa grand-mère, sa mère, son institutrice. Sa moitié de torse ne lui permet pas de tout ressentir, notamment la difficulté des coptes à vivre dans un état musulman car il lui manque la moitié de son lethos (lethos/pathos pour faire un être humain complet), la partie qui permet la compassion. Idée que l’interprétation couramment donnée par la critique (roman qui réécrit le mythe platonicien de l’androgyne) est erronée. Amir est-il réellement à la recherche d’un idéal féminin ? Wassila, la femme idéale, signifie moyen en arabe. Elle est handicapée dans sa féminité, elle ne peut faire l’amour sans sacrifier sa vie. Amir se moque qu’elle meure ou non, il n’a que l’obsession de remplir le vide. Après l’acte sexuel, elle se vide, l’odeur dans la pièce est répugnante. Amir est-il homosexuel ? est-ce finalement le thème sous-jacent du roman ? Intervention de M. Timur Muhidine, professeur de turc à l’Inalco et directeur de la collection Lettres turques chez Actes Sud. Littérature turque aujourd’hui en plein bouleversement. Auparavant renfermée sur ellemême, ne cherchait pas à s’ouvrir sur l’extérieur. Aujourd’hui les écrivains turcs cherchent à s’ouvrir, vont dérouler leurs romans ailleurs qu’en Turquie. Les deux romans turcs sélectionnés sont très critiques envers l’Europe actuelle. Crime d’honneur : Elif Shafak, romancière novatrice dans les années 80 90 ?, féministe. Très radicale. Son roman, La Batarde d’Istanbul a relancé le débat sur le génocide arménien en Turquie. Elle est détestée par les ultranationalistes. On lui reproche d’écrire pour le public étranger et pas pour les turcs (reproche plus largement récurrent envers de nombreux écrivains turcs et arabes). Elle a écrit d’ailleurs ses trois derniers livres en anglais. A lire Bonbon palace, écrit en turc. Sa langue était magnifique en turc, son anglais est assez faible. Crime d’honneur semble être un plaidoyer pour l’immigration contrôlée. Choix idéologique de la part de Shafak de traiter des kurdes. Trop d’angélisme dans son traitement. Le roman en turc s’appelle Iskender, en anglais Honnor, en français Crime d’honneur. Le titre s’adapte à la population du pays où il est publié. Les personnages les plus intéressants du roman sont insuffisamment développés : le mari palestinien et le petit frère Adem. Roman trop caricatural, la fin est une grosse ficelle. La construction est inutilement compliquée et trop de thèmes sont traités par la romancière : les punks, l’islam radical, la violence raciale. Traitement trop superficiel. Le chaos des consciences, lui, est intéressant. D’un extrême l’autre : Idée d’un roman qui s’inscrit dans une esthétique baroque. Se passe à Londres pour permettre à l’auteur une liberté totale d’expression. Côté fantaisiste et déjanté pour traiter de thèmes qu’on retrouve aussi chez Shafak mais sans se prendre au sérieux. Son roman est une fable, pas un roman réaliste. Son style est trépidant, imagé, inventif, évoque la BD. Thèmes traités : campagnes arriérés, thème classique dans la littérature turque ; villes en ébullition, les banlieues déshéritées, la vie religieuse, la violence ridiculise les hommes qui l’utilisent, la drogue (échange anglo-turc). La force du livre : avoir introduit de manière très intelligente la littérature dans sons roman. Hakan Günday s’amuse avec le réalisme qui domine la littérature turque contemporaine. Son style est grotesque et baroque. Il réhabilite l’ignorance. Nos si brèves années de gloire : Thème de la famille déclassée (3e roman de l’écrivain sur ce thème, après La Grande Maison, notamment). Se déroule sur une période assez longue, chronique du vieux Liban chrétien, tel qu’il n’existe plus depuis la guerre civile. Vraie épopée qui se termine sur une note optimiste. Portrait positif et nuancé d’un self-made man. Erotisme puissant. Très belle histoire d’amour. Un vrai morceau de bravoure dans le livre : le transport des machines. Vocabulaire technique précis. On retrouve cette épopée dans Caravansérail. Son style fait souvent penser à Modiano, son écriture calme la violence de l’histoire. En conclusion : en Orient le roman est forcément politique, il est le miroir de l’existence sociale donc politique. Fatwa sur les Versets sataniques s’explique ainsi. Le roman dit que Dieu n’a pas de langue, que le Coran n’a pas été dicté par Dieu donc il porte un jugement qui peut ébranler la société. La place du roman, dans la société, est plus importante qu’en Occident. Les rédacteurs de ce compte-rendu s’excusent par avance de toute erreur d’interprétation. N’hésitez pas à nous en faire part si vous en voyez ! Merci