Le colloque « Palimpseste » est prévu à Toulouse sur 2 jours pour
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Le colloque « Palimpseste » est prévu à Toulouse sur 2 jours pour
Le colloque « Palimpseste » est prévu à Toulouse sur 2 jours pour mai ou juin 2016 (reste à définir). Ce colloque interdisciplinaire interrogera le cinéma, la littérature, les arts plastiques, l’architecture, l’archéologie, la chorégraphie, la neuropsychologie… Et sera support à une exposition collective d’arts plastiques. Organisation et contact : Grégory Bled ([email protected]), laboratoire LARA SEPPIA (Laboratoire de recherche en Audiovisuel – Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art) de l’Université Toulouse Jean Jaurès (anciennement Université Toulouse 2 Le Mirail). Modalités de soumission Les propositions de communications me parviendront sous la forme suivante : un texte d’environ 300 mots (espaces compris), accompagné d’un résumé et d’une courte biobibliographie de l’auteur avant le 2 novembre 2015 Définition : Nom masculin (Grec. Palin, de nouveau ; psêstos, gratté). Manuscrit dont on a gratté ou effacé l’écriture primitive pour écrire autre chose sur le parchemin. – Par des procédés chimiques, on fait réapparaître l’écriture primitive.1 Donc : Gratter, effacer, supprimer, détruire, tuer, oublier, disparaitre, vestige, trace, ruine, ancien, strate, passage, apparaitre, se souvenir, renaitre, reconstruire, bâtir, réécrire, remontrer, recréation, nouveau, temps, mémoire …………….. 1 Dictionnaire Quillet de la langue française, Paris : Librairie Aristide Quillet, 1948, p.1350. 1 Quelques pistes : L’écran, lieu du palimpseste. Cennino Cennini dans son Il libro dell’arte2, donnant conseil aux peintres, explique comment gratter, racler un parchemin au point de le rendre presque transparent. Le passage d’une couche d’huile de lin augmentera sa transparence. Le parchemin libéré de sa matière, de sa croûte, devient une porte ouverte au passage de la lumière donc à la vision. Fenêtre sensible à la lumière qui s’ouvre sur le monde extérieur, sur l’histoire. La transparence permet une vue à travers une perspicere. En cela, le parchemin en quelque sorte dématérialisé rejoint la vitre de Leonard de Vinci, le portillon de Dürer et le voile intersecteur3 d’Alberti. En fait, il se fait écran. L’écran situé en frontière est nécessaire comme un point nodal pour articuler le passage de l’espace au symbolique4. Fragmentation. L’écran peut alors, comme dans Meurtre dans un jardin anglais, se fragmenter. C’est à travers un dispositif de surcadrage, de fenêtres, que s’écrivent des micro-histoires traversées par des personnages. Micro-histoires qui effacent en partie ou se superposent à la grande histoire. Tel un palimpseste partiel, l’histoire nourrit l’histoire. Le fondu enchainé. Il peut devenir une véritable surimpression, être la représentation de la mémoire tel le gros plan du visage du vieil homme5 qui se fond sur les prairies du grand ouest des Etats Unis où il jouait enfant. Cette trace du souvenir est une mise en image du palimpseste, symbolique de la représentation de la fuite du temps. Le zoom. Ce changement de dimension qui peut nous faire basculer d’un plan large à un gros plan6 efface l’espace premier pour un nouvel espace. Il peut se faire abstraction, abstraction où changent les repères spatiaux. Un nouveau paysage se dessine, de nouvelles tensions apparaissent. Mais comme pour le palimpseste, ce nouvel espace cadré conserve en lui les gènes de l’espace large, il en possède la mémoire. CENNINI Cennino, Il Libro Dell’Arte, Traité des Arts, Paris : Éditions L’œil d’Or et Jean-Luc André d’Asciano, 2009, p. 55. 3 EICHEL P, sous la direction de LOJKINE Stéphane, L’écran de la représentation, Paris: Éditions L’Harmattan, Champs visuels, 2001, p. 228. « Le voile intersecteur est une méthode des plus utiles (nihil accomodatius) pour relever les lignes et la perspective linéaire des objets parce qu’il transforme la nature en tableau figé à deux dimensions » 4 LOJKINE Stéphane, (sous la direction), L’écran de la représentation, Paris: Éditions L’Harmattan, Champs visuels, 2001, p. 13. 5 Arthur Penn, Little Big Man, Etats-Unis : 1970 6 Le gros plan dans les deux ouvrages de, BONITZER Pascal, Décadrages. Peintures et cinéma, Paris : Cahiers du cinéma Éditions de L’étoile, 1995. Et BONITZER Pascal, Le champ aveugle, Essai sur le cinéma, Paris : Cahier du cinéma Gallimard. Éditions Gallimard, 1982. 2 2 La série télévisée. La série télévisée dans sa durée fait appel à la mémoire, une mémoire affective, celle du spectateur qui suit sur plusieurs années des personnages qui, au fil des saisons, disparaissent, s’effacent, et parfois réapparaissent. Idée d’une écriture quotidienne voire d’une réécriture du scénario, liée aux aléas de la production. La série a su se reproduire, accoucher d’elle-même, avec cette idée de spin-off. Cela y ressemble mais ce n'est pas la même chose. Ce palimpseste scénaristique du spin-off est proche du montage de Gus Van Sant pour son film Elephant qui, au détour d’un couloir, suit des personnages secondaires. Mais contrairement à Elephant, le spin-off est une histoire différente écrite sur le même parchemin que celui de la série mère, c’est un produit dérivé. Il « surcadre », colle, déchire, recrée. Le palimpseste sonore. Tati, dans son film Trafic, dans ce ballet mécanique, dans ce comique atmosphérique dixit le philosophe Elie During7, nous confronte à un comique sonore. On peut parler d’une forme de palimpseste d’objet sonore sur l’image. Le son comme celui de l’objet sonore d’une voiture par exemple perdure alors que la voiture qui a créé ce son a disparu de l’image. Le son s’accroche à l’image, nous sommes face à un son acousmatique, l’image de la voiture s’est effacée en laissant place à une trace sonore. Le palimpseste est le siège de la trace à la fois spatiale et temporelle, il interroge évidemment les sens. Littérature et cinéma. Deux citations : « Disons seulement que l’art de « faire du neuf avec du vieux » a l’avantage de produire des objets plus complexes et plus savoureux que les produits « fait exprès » : une fonction nouvelle se superpose et s’enchevêtre à une structure ancienne, et la dissonance entre ces deux éléments coprésents donne sa saveur à l’ensemble. » « Cette duplicité d’objet, dans l’ordre des relations textuelles, peut se figurer par la vieille image du palimpseste, où l’on voit, sur le même parchemin, un texte se superposer à un autre qu’il ne dissimule pas tout à fait, mais qu’il laisse voir par transparence ». 8 Faire du neuf avec du vieux, assister au spectacle des très belles images du Faust d’Alexandre Sokurov qui prennent leurs racines dans le travail de Goethe, être invités à un extraordinaire voyage, un grand voyage immobile. Le palimpseste possède dans sa structure cette immobilité créatrice. Philosopher avec Jacques Tati (2/4) : Trafic ou le comique atmosphérique/ France Culture, Les Nouveaux Chemins de la Connaissance 30.06.2015. 8 Gérard Genette, Palimpsestes, La littérature au second degré, Editions du Seuil, 1982.P.556 7 3 Une architecture, nature même du palimpseste et support au décor palimpsestique. De Tati, Carax, à Ernest Pignon- Ernest. La ville dans sa nature profonde est destructrice. Les premiers tracés réalisés par le Rex, étymologiquement « tireur de trait », à l’aide de son bâton dans le sol afin de délimiter la future enceinte de la ville, apparaissent comme un champ opératoire et tout ce qu’il y a dans cet espace doit être effacé, arbres coupés, collines arasées, cours d’eau détournés, nature des sols bouleversée. Puis devant nos yeux s’écrit une nouvelle histoire, l’histoire d’une cité. Cette cité nouvelle a effacé la campagne, et dilué l’âme paysanne, juste dilué car elle reste ancrée quelque part. A l’image du personnage Monsieur Hulot « Chez Tati, l’ancien paysan s’est adapté à la ville. Il est devenu un parfait citadin. Et Tati met en évidence que ce citadin, qui s’est plié à l’ordre urbain comme il s’était plié jadis à l’ordre naturel, reste un paysan. Naïf, crédule, ébaubi, innocent. » 9 L’architecture de la ville est en perpétuel changement même dans ses moindres recoins. Des petits détails présents un temps comme une rue défoncée, un panneau d’affichage, sont autant de rides architecturales. La ville comme objet s’use. Georges Perec parle ainsi de ces espaces en transformation perpétuelle : « Le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière : « Ici, on consulte le Bottin » et « Casse-croûte à toute heure » ».10 Ces plaies, ces rides qui déforment la cité, seront, pour certains, source d’inspiration. Le décorateur Michel Vandestien à propos du film de Léos Carax Mauvais sang, nous raconte : « Certains endroits de Paris ont aussi stimulé notre imaginaire, ces rues silencieuses ─ couloirs étranges ─ aux fenêtres murées et aux portes condamnées, ces façades muettes où flottent les affiches et les bâches de ravalement, la peinture bicolore des barrières de chantier, etc. Toutes ces matières et couleurs, comme greffées sur le tissu urbain, ont offert dans un premier temps le catalogue nécessaire à l’élaboration des dessins et maquettes… » . 11 Michel Vandestien parle de cette greffe comme une nouvelle peau. Cette peau comme le parchemin gratté de Cennino Cennini conserve dans sa transparence le fond, le mur, la structure, la mémoire architecturale de la cité. Rien n’est totalement opaque. La ville est ponctuée de traces, de décors palimpsestiques, véritable mémoire d’un quartier, histoire des habitants et de leurs métiers. Les monuments et les plaques de rue sont autant de micro-histoires, chacun ou chacune raconte des faits ou des personnages glorieux, une vie de labeur et de commerce. Trace d’une histoire qui perdure, réécrite par certain artistes. L’art urbain est un décor palimpsestique, les murs de la cité ont su recevoir les fragiles sérigraphies éphémères de l’artiste Ernest Pignon- Ernest qui, au gré du temps, se déchirent pour disparaitre. Poésie fugitive d’un instant au cœur de la ville de Naples, scène mythologique réinventée, faite « de somptueux dessins caravagesques offerts aux Napolitains, mais aussi à la pluie et à l’usure du temps ».12 Douchet Jean, La ville tentaculaire, in Cités-cinés, Paris : Éditions Ramsay et la Grande Halle, 1987, p. 69. Perec Georges, Espèces d’espaces, Paris : Éditions Galilée, 1974/2000, pp. 179-180. 11 Vandestien Michel, Le décor comme argument, in Cités-cinés, paris : Éditions Ramsay et la Grande Halle, 1987, p. 173. 12 Chalumeau Jean-luc, Histoire critique de l’art contemporain, Paris : Éditions Klincksieck, 1994, p. 145. 9 10 4 « Le geste palimpsestique ». Le geste sait qu’il faut s’effacer pour durer dans le temps. Un pied devant l’autre, l’action d’une jambe laisse sa place à l’action de l’autre jambe. Le geste précédant combiné à l’action du nouveau geste crée une mécanique, un déplacement, une gestuelle, une chorégraphie. Un geste chasse l’autre mais le geste nouveau conserve en lui la mémoire du geste premier. Cette diachronie gestuelle peut être le substitut à la parole13, elle forme une perspective psychique, psychophysiologique14 qui prendra sa place dans l’espace. Archéologie. En archéologie, le locus est un lieu de fouille délimitant des zones d’occupation humaine. Fouiller gratter, rechercher des vestiges que la terre a avalés, cachés, enfouis au plus profond d’une grotte. Mettre au jour les traces de l’activité humaine, découvrir des artistes qui à l’image du palimpseste accumulent, superposent, sur les surfaces rocheuses, des figures animales, des signes géométriques, des tracés en tout genre. Révéler nos ancêtres, nos liens du sang. Le sang est un liquide palimpsestique qui garde les traces des anciens et sait se renouveler. Le lieu de vie découvert peut venir en surimpression d’un autre lieu de vie qui lui serait antérieur. Une chronologie des périodes, l’une s’efface donc pour une autre. Les palimpsestes archéologiques sont « …donc devenus une représentation des phénomènes d’accumulation des séquences d’occupation (au sens de leur enregistrement dans le terrain) sous la forme de superpositions de couches stratigraphiques. »15 Neuropsychologie. Mémoire effacée, mémoire remplacée, voyage au cœur du cerveau. Idée de la vie qui ressemble étrangement au palimpseste, une image sans cesse en recherche de « pixels », mais un « pixel » en efface un autre, ou du moins le stratifie. Couche en perpétuelle décantation qui parfois libère le flash du souvenir. Puis, en vrac. La science des couleurs. Le paysagiste et la nature transformée. La mémoire informatique. La psychogénéalogie. Pour Didi-Huberman, le geste peut être le substitut à la parole. Jésus Christ ressuscité devant le tombeau vide écarte Madeleine « il la repousse par trois mots - Noli me tangere, ne me touche pas -, trois mots ici « traduits », comme on dit, dans un seul geste : c’est cette main droite, qui éloigne et fait signe tout à la fois, c’est ce visage légèrement tourné vers la femme agenouillée, sans la regarder pourtant. » Didi-Huberman Georges, Fra Angelico, Dissemblance et figuration, Paris : Éditions Flammarion, 1995, p. 29. 14 Chastel André, Le geste dans l’art, Paris : Éditions Liana Levi, 2001, pp. 16-17. « À côté de la perspective qui exerce une sorte de contrainte perspective en faveur de l’espace, nous devons considérer l’effet physiognomonique, essentiellement sur les gestes, comme une seconde perspective, une perspective psychique, psychophysiologique…. » 15 Olivier Laurent, Le sombre abîme du temps, Mémoire et archéologie, Paris : Éditions du Seuil, 2008. https://books.google.fr/books?id=RJ2Mh5KwEfcC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false 13 5