Global Filipinos. Migrants` Lives in the Virtual Village, Deirdre McKay

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Global Filipinos. Migrants` Lives in the Virtual Village, Deirdre McKay
Moussons
Recherche en sciences humaines sur l’Asie du Sud-Est
22 | 2013
Recherche en sciences humaines sur l'Asie du Sud-Est
Global Filipinos. Migrants’ Lives in the Virtual
Village, Deirdre McKay
coll. « Tracking Globalization », Bloomington, Indianapolis : Indiana
University Press, 2012, xiv+247 p.
Xavier Huetz de Lemps
Éditeur
Presses Universitaires de Provence
Édition électronique
URL : http://moussons.revues.org/2398
ISSN : 2262-8363
Édition imprimée
Date de publication : 1 novembre 2013
Pagination : 156-159
ISBN : 978-2-85399-9908-3
ISSN : 1620-3224
Référence électronique
Xavier Huetz de Lemps, « Global Filipinos. Migrants’ Lives in the Virtual Village, Deirdre McKay »,
Moussons [En ligne], 22 | 2013, mis en ligne le 22 novembre 2013, consulté le 30 septembre 2016.
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Comptes rendus / Reviews
mar State, behaving very much as a Vice
President and Minister for Foreign Investment in her numerous forays outside of the
country. Adding a state-centric focus would
engender an analysis of the systemic factors that have militated for reform in the
Bamar heartland (the Ministerial Burma of
the colonial period) whereas in the ethnic
minority areas little has changed in the last
two years. Myanmar may yet prove to be
another example of regime change without,
in a sense, a change of government, or at
least the continued systemic preeminence
of an ethnically defined governing class.
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Notes
1. For example South (2008).
2. For a fine comparative analysis of democratic
revolutions see Thompson (2004).
* Centre d’études et de recherches internationales
(CERI-Sciences Po Paris).
Global Filipinos. Migrants’ Lives in
the Virtual Village, Deirdre McKay,
coll. « Tracking Globalization »,
Bloomington, Indianapolis :
Indiana University Press, 2012,
xiv+247 p.
Par Xavier Huetz de Lemps *
La vague migratoire qui s’est levée depuis
le milieu des années 1970 et qui fait qu’aujourd’hui environ un Philippin sur dix (et
un actif sur cinq) travaille et vit à l’étranger (9,45 millions d’expatriés en 2010 pour
une population totale de 92,34 millions
d’habitants) a légitimement attiré l’attention des chercheurs en sciences humaines
et sociales. Plus exactement, c’est dans la
seconde moitié des années 1990 que la
production scientifique sur ces migrations
internationales de travail philippines a
connu un net développement quantitatif,
par la multiplication des travaux, et qualitatif, par le croisement des regards disciplinaires et par la multiplication des lieux
d’observation, des Philippines aux États où
ces Overseas Contract Workers (OCWs)
travaillent­et, plus rarement, s’enracinent.
Par les données « objectives » qu’il renferme et par les positionnements méthodologiques souvent originaux qu’il propose,
cet ouvrage apporte une contribution
importante à une bibliographie qui tente
de dire la complexité de migrations dont les
mutations constantes frappent rapidement
d’obsolescence les meilleures études.
L’objet et la démarche de Deirdre McKay,
géographe de formation et enseignante
à l’Université de Keele au Royaume-Uni,
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apparaissent clairement dès les premières
pages de l’ouvrage, même s’il faut attendre
la mise au point méthodologique des
pages 215-218 pour que soient apportées
d’importantes précisions sur les langues
de l’enquête ou sur les modalités philippines d’expression des émotions que
l’auteur tente, tout au long de l’ouvrage,
d’observer et de décrypter. L’auteur a établi son poste d’observation à Haliap, un
village reculé de la province d’Ifugao, au
cœur de la cordillère centrale du nord de
Luçon. L’intrusion déstabilisante de l’État
dans cette région d’accès difficile a été très
tardive et les puissances coloniales, espagnole et américaine, puis la République
des Philippines, l’ont tenue et la tiennent
pour arriérée et mal incorporée au reste de
l’archipel. De ce village pauvre d’à peine
mille habitants, comme de tant d’autres
aux Philippines, ont commencé, au milieu
des années 1990, à partir outre-mer des travailleurs sous contrat, en fait surtout des
travailleuses, employé(e)s principalement
dans la domesticité, les soins à la personne
et les professions de santé à Hong Kong, à
Singapour, au Canada, au Royaume-Uni ou
en Italie. Cette enquête n’est certes pas la
première à porter sur les transformations
profondes qu’entraîne, dans les campagnes
philippines, l’expatriation directe et lointaine, parfois sans l’étape préalable de la
migration vers la ville, d’une part croissante
de la population active. Sa valeur ajoutée
tient au fait que les analyses proposées sont
le fruit d’un suivi longitudinal, d’une succession de séjours de terrain réalisés entre
le milieu des années 1990 et le tout début
des années 2010. Cette histoire immédiate
des migrations suit le parcours du couple
composé d’Angelina et de Luis (pseudonymes). Sans être d’une pauvreté extrême,
Angelina et Luis ont le sentiment de vivoter
à Haliap, sans réelles perspectives d’avenir.
En 2001, Angelina saute le pas et émigre
à Hong Kong comme OCW ; en 2004, Luis
la rejoint, laissant leur fils à la charge de la
famille. En 2009, Luis part au Canada et
Angelina revient à Haliap. En 2011, Luis fait
le constat de l’échec de son projet migratoire canadien et rentre au village.
L’auteur, qui a maintenu un contact
étroit avec Luis et Angelina sur près de
deux décennies, décrit la vie quotidienne
des travailleurs philippins immigrés à
Hong Kong et, à un degré moindre, au
Canada, les modalités pratiques du maintien des liens avec le village de départ, les
réponses aux sollicitations financières et
affectives de la famille, les stratégies d’in­
ves­tis­sement à distance en vue de la préparation du retour. L’attention portée aux
émotions est originale et l’auteur montre
que la distance physique entre le migrant et
sa famille n’interdit pas la proximité émotionnelle, tandis que la réussite professionnelle au sein de la famille des employeurs,
suppose l’apprentissage – dans lequel les
Philippins excellent – d’un langage corporel subtil qui combine la domination des
émotions et la manifestation de l’empathie.
Le récit de D. McKay, émouvant mais sans
affectation, permet au lecteur de toucher
du doigt les doutes, les espoirs, les déceptions, les angoisses mais aussi les incohérences et les contradictions de jeunes gens
qui cherchent là-bas, les moyens de réussir
dignement leur vie ici, dans leur village.
Au-delà de l’intérêt humain intrinsèque
de ces trajectoires de migrants à la fois
uniques et ordinaires puisque des centaines de milliers de Philippins ont connu
et connaissent des expériences approchantes mais jamais identiques, D. McKay
apporte de nombreuses observations de
tous ordres sur la société locale. De fait, les
trois premiers chapitres et de nombreuses
pages dans les chapitres suivants portent
sur le contexte dans lequel les migrations
s’insèrent. La décision de s’expatrier, le
compor­tement des travailleurs dans les
pays de la destination et la question du
retour sont, comme le démontre l’auteur,
indissociable de la prégnance de liens interpersonnels, familiaux et communautaires
fondés sur la réciprocité systématique et
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Comptes rendus / Reviews
sur des échanges matériels ou symboliques
constants. Parce qu’elle en a été le témoin,
D. McKay souligne aussi l’inadéquation
des plans de développement aux modes de
fonctionnement social et aux représentations des populations de Hayap. Confrontés à une double stigmatisation sociale (la
pauvreté) et ethnique (un processus de
« civilisation » jugé inachevé) de la part de
la société philippine englobante, confrontés au mal-être que font naître l’impéritie,
l’incohérence et la corruption des pouvoirs
publics, la migration internationale est plus
qu’un levier de l’amélioration matérielle du
quotidien : elle renforce l’estime de soi, elle
donne les moyens matériels de remplir ses
obligations familiales et sociales, elle permet de déployer une générosité qui, par les
liens symboliques qu’elle engendre, fait de
l’individu une personne, au sens psychologique du mot.
Global Filipinos propose une interprétation originale des phénomènes migratoires à l’âge de la globalisation. D. McKay
affirme que les migrations de travail de
ces villageois d’une province reculée des
Philippines ne tendent pas, comme certaines analyses des migrations d’un âge
antérieur aux nouvelles technologies de la
communication l’avaient affirmé, à affaiblir
et, insidieusement, à désagréger les liens
identitaires entre les habitants de Haliap
et leur lieu de vie, mais au contraire à donner au village une dimension globalisée de
liens affectifs, de réseaux sociaux et familiaux, dans laquelle le projet migratoire est
imaginé et matériellement réalisé. Au-delà
des améliorations matérielles immédiates
que la migration suppose pour la famille,
au-delà des inévitables tensions et jalousies qu’entraînent la réussite de certains
et l’échec des autres, les efforts et les
souffrances des migrants temporaires sont,
selon l’auteur, plus ou moins explicitement
sous-tendus par l’espoir qu’ils permettront
d’ouvrir aux villageois des perspectives
de développement local solides et, parce
qu’endogènes, respectueuses de leur
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culture. Loin de se dissoudre dans un
horizon informe et indéterminé, les liens
affectifs de ces individus globalisés par la
nécessité vitale et le mal-être continuent,
grâce aux moyens électroniques de commu­
ni­ca­tion, d’être profondément enracinés
dans le village d’origine, même si ce dernier tend à devenir virtuel, dans toutes les
acceptions du mot. Certaines conclusions
de l’ouvrage, en particulier lorsqu’il aborde
la question du retour des OCWs au pays,
contredisent cependant l’hypothèse d’une
consolidation paradoxale des liens sociaux
grâce à la migration : l’éloignement, les
représentations déformées de la vie « làbas », l’intrusion massive de l’argent dans
des relations sociales autrefois fondées sur
d’autres valeurs génèrent de profondes
incompréhensions, de violentes tensions
familiales entre ceux qui sont restés, aux
exigences souvent démesurées, et ceux
qui, parce qu’ils sont partis, sont supposés
riches et différents.
À un autre niveau d’analyse, cette territorialité renforcée par l’éloignement
temporaire, cette nouvelle représentation
du monde et cet imaginaire globalisé nés
de la migration internationale entrent en
tension avec les politiques publiques de
contrôle des flux migratoires et d’incorporation des « Mountain Provinces » dans
un ensemble politique national unifié dont
une des ressources principales serait, justement, ces travailleurs émigrés promus au
rang de « héros nationaux » d’une nation
philippine « globalisée ». L’auteur démontre
que, si les travailleurs qu’elle a suivis s’insèrent par nécessité dans des catégories
statistiques, des structures d’encadrement
et des dispositifs réglementaires à l’échelle
nationale, l’expérience migratoire reste
perçue­comme devant servir directement la
commu­nauté locale. La méfiance à l’égard
des politiques publiques d’encadrement
des migrations – et du drainage des remises
en particulier – résulte du côtoiement, au
quotidien, d’une bureaucratie inefficace et
souvent corrompue, mais elle est renforcée
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par l’observation, outre-mer, de comportements administratifs et de systèmes de protection sociale plus efficaces. Le regard de
l’auteur sur l’administration est très négatif
et, à la différence des analyses portant sur
le village, assez désincarné. Le constat du
divorce entre l’État et la société civile aux
Philippines, la naïveté des démonstrations
nationalistes organisées pour « mobiliser » la population et masquer au passage
l’échec des politiques étatiques, l’incohérence entre les sollicitations et les critiques
constantes dont l’État fait l’objet et les
compor­te­ments individuels qui interdisent
de fait l’émergence d’un sens public ont
déjà été soulignés par d’autres chercheurs,
mais les pages que D. McKay consacrent à
ces questions sont riches parce que fondées
sur une compréhension intime de cette
société de frontière.
Pour autant, Global Filipinos n’est pas
construit comme une monographie linéaire
qui, page après page, apporterait la démonstration des hypothèses avancées dans les
premières pages. Sa construction, assez
complexe, s’articule autour d’une série de
« vignettes », de coups de projecteur qui
alternent exposés contextuels, analyses
très précises des données ethnographiques
recueillies et mises au point conceptuelles.
Cette structure, les sauts d’échelle d’observation, les télescopages temporels et les
imbrications thématiques qu’elle entraîne,
peuvent dérouter : on ne peut totalement
tirer parti de cet ouvrage sans le lire de
la première à la dernière page, comme le
souligne l’anecdote de la parade officielle
qui ouvre le livre et sur laquelle l’auteur
revient régulièrement pour progresser dans
ses propositions d’interprétation. L’ouvrage
est bien édité. Si l’appareil critique est
réduit au strict nécessaire, ce qui permet
au lecteur de mieux entrer dans le récit, la
bibliographie est solide (mais l’auteur de
La Chambre claire est Roland et non
Frederic Barthes). L’auteur de cette recension, de formation historienne, aurait
souhaité que les dates des observations
ethnographiques soient plus systématiquement indiquées, en particulier dans les trois
premiers chapitres, tout en reconnaissant
que ces mentions auraient alourdi le texte.
Cette monographie pose la sempiternelle et insoluble question de la représentativité du cas étudié. La rapidité des
changements dans le domaine des migrations comme les transformations qui
affectent les campagnes dont sont issus les
migrants rendent illusoire une éventuelle
validation par des enquêtes menées sur
d’autres terrains philippins. Pourtant, nul
doute que de nombreux auteurs intéressés par les phénomènes migratoires, aux
Philippines et ailleurs, s’appuieront sur les
perspectives stimulantes que ce livre ouvre.
Après l’avoir refermé, le lecteur ne peut
que souhaiter que son auteur lui donne à
l’avenir des nouvelles d’Angelina, de Luis
et de Haliap auxquels, grâce à son talent,
il s’est attaché.
* Professeur en histoire contemporaine à l’université
de Nice-Sophia Antipolis.
Burmese Migrant Women Factory
Workers. Thailand’s Hidden Workforce,
Asian Arguments, Ruth Pearson &
Kyoku Kusakabe, Londres & New York :
Zed Books, 2012, 205 p.
Par Laurence Husson *
Nombre de Birmans cherchent à quitter
leur pays en quête d’une vie meilleure
et choisissent la proche et prospère Thaïlande. C’est ainsi que l’ex-royaume du
Siam recense officiellement environ deux
millions de travailleurs migrants étrangers
employés principalement dans la construction, l’agriculture, la pêche, les travaux
domestiques et le textile, sur une population active de onze millions. Au dire des
experts, les ressortissants du Myanmar
déclarés seraient un million, et les clandestins entre un et trois millions, selon les
estimations les plus hautes.
La situation de cette main-d’œuvre
étrangère birmane en Thaïlande était
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