Le secret d`Anne Sophie

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Le secret d`Anne Sophie
Le secret d'Anne-Sophie
Collège Jean Roux
Classe de 4ème D
37 230 FONDETTES
C'est par un bel après-midi que nous nous rendîmes au château de Versailles. Vanessa avait un
exposé à terminer sur les jardins du domaine et Éléonore s'était proposée pour l'aider. Évidemment,
Louis n'avait pas résisté : il voulait depuis longtemps déjà mettre son plan à exécution. J'avais beau lui
avoir dit mille fois qu'on ne s'enfermait pas facilement dans un château gardé par des dizaines de
personnes, de jour comme de nuit, il voulait tenter le coup. Pour lui faire plaisir, et aussi pour pouvoir
me moquer de lui quand il se ferait jeter dehors par un vigile, j'avais accepté de venir moi aussi.
Les filles, sérieuses, tentaient de travailler. Mais Louis ne les lâchait pas et rabâchait qu'il fallait
tenter « ce soir ou jamais » de rester au château.
Vanessa, n'en pouvant plus, finit par dire :
« Va t'amuser avec Max dans l'orangerie et puis nous nous retrouverons avant la fermeture à
l'accueil. »
Louis ne s'aperçut même pas qu'il s'agissait d'une ruse pour se débarrasser de lui et fonça vers
l'orangerie, tout en me soumettant mille plans farfelus.
Quand on passa devant le bassin d'Apollon, je vis une silhouette se former dans l'eau. Je n'y fis
pas garde sur l'instant mais quelques mètres plus loin, je réalisai que je n'avais pas eu l'impression de
voir mon reflet dans l'eau...
« Qu'est-ce que tu fais Max ? Grouille-toi, il faut qu'on étudie mes plans ! »
Je rejoignis Louis et ne pensai plus au reflet.
Une heure plus tard, les plans de Louis étaient prêts et absolument infaillibles : nous devions entrer
dans le château, nous enfermer dans les toilettes et attendre.
Les filles arrivèrent, s'esclaffèrent en prenant connaissance du plan mais acceptèrent de tenter
le tout pour le tout. De toute façon, ça ne marcherait pas et elles auraient de quoi raconter le
lendemain au collège. Et moi aussi.
Nous nous enfermâmes dans les toilettes jusqu'à la fermeture du château Versaillais. Ce fut un
jeu d'enfant. Puis j'entendis les pas des vigiles s'éloigner et le bruit d'une porte que l'on ferme. Vanessa
donna le feu vert pour sortir. En sortant de notre cachette nous constatâmes qu'il n'y avait personne
qui gardait le château. Et cela aurait dû nous alerter. Au lieu de cela, nous marchâmes jusqu'à
déboucher dans un couloir sans issue. Louis, le plus intelligent d'entre nous, remarqua quelque chose
d'étrange.
« Regardez ce tableau, il n'était pas là tout à l'heure quand nous sommes passés dans cette
salle.»
Concours de nouvelles Versailles Lire au jardin 2013
Nous nous approchâmes tous de ce drôle de tableau. Celui-ci représentait une fillette d'environ
huit ans. Elle avait les yeux verts et était habillée d'une robe blanche comme la neige. On aurait dit
qu'elle pleurait, elle était dans un jardin très sombre et terrifiant.
Soudain, en lettres de feu, apparut un message : « Prisonnière le jour, libre la nuit, coincée alentour, ma
vie n'est pas un paradis. »
« C'est quoi ce truc ? Dis-je.
- On dirait une énigme, hasarda Vanessa. »
Les lettres disparurent aussi rapidement qu'elles étaient apparues.
« Et si on allait dans la Galerie des Glaces ? suggéra Louis. »
Nous approuvâmes cette idée, mais avant de les suivre je me retournai vers le tableau, méfiant. Et
j'avais raison d'être méfiant ; le tableau avait disparu !
« Bon, Max, tu te dépêches, on ne va pas t'attendre toute la soirée, dit Louis.
- Le tableau ! Il a disparu !
- Hein ? Tu veux rire, se moqua Éléonore.
- Mais non regarde, il était juste là et maintenant il n'y est plus ! Pourtant vous l'avez vu
comme moi, non ?
- On ferait mieux de s'en aller d'ici, conclut Louis. »
Nous n'avions de toute façon pas l'intention de rester mais ce jeu de cache-cache au château prenait
une drôle de tournure.
Après deux ou trois couloirs et deux escaliers, une grande porte en fer forgé apparut sous nos yeux.
« Je crois que nous sommes arrivés à destination, dit Vanessa avant d'ouvrir la porte. »
Nous découvrîmes alors une grande salle dont les murs étaient recouverts de miroirs.
Nous étions émerveillés car, même la nuit, les miroirs scintillaient avec les reflets de la lune et des
étoiles qui filtraient au travers des vitres des fenêtres. Nous nous avançâmes pour mieux voir et
pourtant au lieu de voir notre reflet, nous vîmes le reflet de la petite fille du tableau ! C'est alors qu'un
cri retentit.
« Aidez-moi, s'il vous plaît, supplia la fillette. »
Son reflet apparut dans tous les miroirs.
« Aidez-moi, je vous en supplie, répéta-t-elle. »
C'est alors qu'une chose inouïe se produisit. Vanessa, qui s'était approchée d'un miroir pour toucher sa
surface, fut aspirée par elle. Louis, Éléonore et moi restâmes tétanisés quelques instants avant de nous
précipiter vers le miroir où avait disparu notre amie. Sans y rien comprendre, nous fûmes également
emportés par le miroir. Nous avions l'impression d'une longue chute, tête à l'envers, comme Alice
quand elle tombe dans le trou du lapin.
Nous atterrîmes finalement en douceur et nous découvrîmes que nous n'étions plus dans le château
mais dans le jardin du tableau.
« Mais, où sommes-nous ? s'écria Vanessa, qui nous vit arriver avec soulagement.
- Ça fait peur, confirma Éléonore. »
Je remarquai que ce jardin n'était que désolation et ténèbres, avec de grands arbres sombres et
effeuillés. Sur un arbre je vis une feuille de charme d'un vert lumineux. Celle-ci me tomba subitement
dans les mains. Et comme sur le tableau des lettres de feu apparurent :
« Quand le passage apparaîtra, du courage vous aurez besoin ». Après avoir lu cette nouvelle énigme, la
feuille se fana dans ma main.
Concours de nouvelles Versailles Lire au jardin 2013
Les débris de la feuille disparurent dans le ciel et comme par magie un portail en or apparut. Il semblait
transparent et pourtant il brillait et se tenait là, au milieu d'un jardin malsain. Une odeur de pourriture
s'infiltrait dans nos narines et nous ne tardâmes pas à nous décider pour ouvrir la porte.
La petite fille du tableau était derrière et semblait nous attendre. Comme la lumière de ce côté de la
porte était vive, nous ne voyions que la fillette, souriante. Puis nous vîmes qu'un jardin, enchanté cette
fois, s'étalait devant nos yeux ébahis.
« Je vous souhaite le bonjour, dit alors l'enfant. Je me nomme Anne-Sophie. Et vous ?
- Voici Éléonore, Vanessa et Louis. Quant à moi je me nomme Max, articulai-je.
- Je suis heureuse de faire votre connaissance bien que cela soit dans de bien tristes
circonstances. »
Nous ne comprenions pas vraiment ce qu'elle voulait dire et sa façon de parler nous surprit, tout
comme la question qui suivit.
« En quelle année sommes-nous ?
- En 2013 bien sûr, répondit Éléonore.
- Oh ! Quelle fantaisie ! Repartit la fillette. C'est que voyez-vous, je suis née en1668. »
Nous n'en crûmes pas nos oreilles :
« 1668 ? Mais c'est impossible voyons, intervint Vanessa.
- Vu ce qu'on vient de vivre, je dirai qu'il n'y a rien d'impossible à Versailles, dit
Louis. »
La petite fille nous apprit qu'elle était une fille cachée de Louis XIV. Chaque jour dans ce jardin
se répétait sans cesse. Ainsi, elle ne grandissait plus. Elle nous dit que cela faisait presque quatre siècles
qu'elle ne changeait pas !
Elle nous apprit également que, pour sortir du jardin, il fallait résoudre des énigmes. La petite
fille les avait presque toutes résolues mais elle était trop petite pour certaines d'entre elles. Il fallait
arriver au portail avant minuit et cela aussi était impossible pour Anne-Sophie, qui avait de petites
jambes d'enfant. Pour s'échapper, une seule et unique clef pouvait ouvrir le portail.
« Quel portail ? demanda Vanessa.
- Celui de l'autre côté du jardin, répondit Anne-Sophie. Il y a plusieurs chemins mais je ne les
connais pas tous. Une fois, j'ai entrevu le portail, au loin. Je sais que c'est par là qu'il faut sortir, Sylvain
me l'a dit.
- Qui est Sylvain ? demanda Éléonore. »
La fillette sembla soudain embarrassée mais finit par dire :
« Il est venu mais maintenant il est coincé dans les feuilles. » Nous voulions plus d'explications
mais la petite fille s'élança et, en se retournant, nous cria : « Le temps de vous expliquer me manque,
hâtez-vous ! Il est dix heures du matin ici et si nous voulons arriver de l'autre côté du jardin avant
minuit, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. »
Nous la suivîmes donc et commencèrent l'exploration du jardin. Il était aussi apaisant que le
précédent était terrifiant. Partout des plantes vivaces s'épanouissaient au soleil. Il contenait une
verdure resplendissante. Des arbres au feuillage magnifique surplombaient le jardin, et une grande
quantité de feuilles était par terre. Mais il n'y avait pas d'animaux.
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L'après-midi s'écoulait lentement et je me disais qu'il était étrange que la petite fille n'ait jamais
réussi à sortir d'ici. Je n'étais évidemment pas au bout de mes surprises...
Louis se mit à crier : sa montre ! Les aiguilles tournaient à l'envers ! Anne-Sophie dit alors :
« Cela arrive parfois mais je ne comprends pas pourquoi le soleil change de sens subitement.
Voyez-vous, ce jardin, je le connais par mon père, qui m'en parlait mais qui semblait un rêve sorti d'un
conte pour enfants. Je m'aperçois finalement que ce sont mes racines qui sont ici. Je suis comme née
dans ce lieu, même si c'est difficile à expliquer. Je voudrais tellement sortir. »
Après quelques instants, elle reprit :
« J'ai vu tout ce qui s'est passé depuis bientôt quatre siècles. Je l'ai vu la nuit, à travers les miroirs. Mais
personne ne m'avait jamais vue avant vous quatre. Personne sauf Sylvain. »
Comme aucun de nous ne parlait, la petite fille se tut et reprit sa route.
Au bout d'une heure environ, d'après la montre inversée, nous arrivâmes devant un labyrinthe. Un
panneau posé devant indiquait : « Caché je suis depuis des années. Aidez-moi à sortir et je vous
aiderais en retour ». Intrigués nous demandâmes à Anne-Sophie si elle connaissait cet endroit. Elle
répondit :
« Oui, mais je n'ai jamais osé y pénétrer. Je le contourne toujours et prends par le chemin de la
montagne »
Nous entrâmes mais tous les chemins menaient à l'entrée et c'était comme si nous entrions
sans cesse sans pouvoir aller plus loin. A chaque coin de chemin, nous vîmes des fleurs de plusieurs
couleurs. Nous décidâmes de nous en servir pour retrouver la sortie. Tels des petits Poucet, nous les
disposâmes sur notre chemin pour ne pas reprendre la même allée deux fois et ainsi ne pas tourner en
rond.
Cela nous aida beaucoup et nous progressions efficacement. Soudain, un objet brillant attira
l'attention de Louis. Nous nous approchâmes et aperçûmes une clef. Nous la prîmes, pensant qu'elle
pouvait nous servir. Et nous eûmes raison, car arrivés dans une autre allée, nous aperçûmes une porte.
En nous approchant, des cris nous parvinrent mais nous nous rendîmes compte que la porte était
fermée à clef. La clef ! Pourquoi ne pas essayer de l’utiliser ?
Anne-Sophie intervint :
« Évitons de perdre du temps. De plus ces cris m'effraient. »
Louis précisa :
« Ne t'inquiète pas, nous sommes avec toi. La personne coincée derrière a plutôt l'air
malheureuse... »
Par chance, la clef correspondait et nous ouvrîmes la porte. Un homme hagard apparut devant
nos yeux méfiants. Il balbutia :
« M... M... Merci. »
En voyant la petite fille, il se figea. Je n'y fis pas attention sur le moment.
« J'étais enfermé sous la puissance d'un charme et maintenant que vous m'avez délivré, nous
pouvons nous servir de la clef. Elle ouvre l'autre porte qui me maintenait prisonnier. Je connais le
moyen de nous faire tous sortir. »
Anne-Sophie ne prononça aucune parole mais semblait d'accord avec la proposition de
l'homme.
« Au fait, je me nomme Sylvain. »
La petite fille s'était approchée de l'autre porte et Sylvain nous dit alors :
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« Faites attention à ce jardin, il n'est pas ce qu'on croit qu'il est et …
- Ça marche ! La clef ouvre l'autre porte, s'écria Anne-Sophie au même moment. »
Nous réussîmes donc à sortir du labyrinthe et nous nous retrouvâmes sur un chemin bordé de
lauriers. Nous le suivîmes pendant plusieurs minutes. Le temps semblait maintenant s'écouler
normalement, le soleil allait dans le bon sens, autant que nous pouvions en juger. Il devait être environ
vingt et une heures. Nous regardâmes la montre de Louis. En effet, les aiguilles avaient repris leur sens
initial. Nous attendîmes quelques minutes pour vérifier si la nuit allait tomber. Mais ce ne fut pas le
cas. Quel endroit étrange !
Anne-Sophie nous indiqua que c'était là la montagne qu'elle prenait parfois, quand elle allait
plus vite que d'autres jours. Le labyrinthe nous avait donc fait gagner un temps précieux.
Puisqu'il faisait jour, nous continuâmes d'avancer et débouchâmes sur un escarpement où
poussaient des plantes vivaces. Sur notre droite, il y avait un précipice profond et bouillonnant. Avec
prudence, nous longeâmes la paroi de plus en plus étroite du ravin. Puis nous aperçûmes un pont.
Anne-Sophie vit une pancarte et demanda à Sylvain de la lire. Il lut à haute voix :
« Un, et tu survivras. »
Une fois que Sylvain eût fini de lire le message, l'arbre sur lequel le panneau était accroché s'effeuilla et
s'enflamma soudainement.
Nous ne comprenions pas ce que cela voulait dire. Moi-même je ne voyais pas ce que ces
quatre mots venaient faire ici et comment le panneau avait pu arriver là puis s’enflammer. Mais AnneSophie sembla soudain comprendre et dit :
« Cela veut sûrement dire qu'il ne faut passer le pont qu'une personne à la fois ? »
En effet, le pont semblait vieux : les planches de bois étaient usées et les cordes s'effilochaient.
Sylvain proposa de passer le premier pour vérifier la solidité du pont. Les premiers mètres furent sans
encombre. Mais sans crier gare le pont se brisa et Sylvain tomba dans le précipice en hurlant.
Nous étions terrifiés. Anne-Sophie ne disait rien, elle semblait sous le choc. Nous nous
arrêtâmes pour réfléchir. Nous étions anéantis par la mort de Sylvain. Il nous fallait continuer seuls et
trouver un autre chemin, plus long sans doute mais moins dangereux. Nous n'avions pas le choix, nous
devions continuer le long de l'escarpement.
Les uns derrière les autres, sans parler, nous marchâmes et nous aperçûmes un pont de pierre.
Il semblait tout à fait solide. Aucune cassure, ni fissure. Pas de pancarte non plus.
Anne-Sophie proposa de passer la première et tout se passa bien. Nous la suivîmes donc.
De l'autre côté, les plantes et le vent avaient disparu. Nous étions dans un paysage fait de
pierres et de statues.
Soudain, j'entendis des craquements, je me retournai et vis une statue d'ange bander son arc en
direction d’Éléonore. Je me jetai sur elle et nous nous écrasâmes tous les deux par terre. La flèche nous
frôla et la statue reprit sa forme initiale. Immobile. Effrayés par ce nouveau phénomène, nous n'avions
pas vu qu'une fleur, une toute petite fleur se trouvait au milieu de l'intersection. Avant que nous
n'ayons réalisé ce qui se passait, la fleur prit la parole et demanda :
« Combien y a-t-il de fontaines dans le domaine de Versailles ? Je garde l'un d'entre vous si
vous n'avez pas la réponse ».
J'avais l'impression de vivre un vrai cauchemar ! Comment une fleur pouvait-elle survivre ici ?
Et comment se faisait-il qu'elle puisse parler ? D'abord l'ange et son arc, puis cette fleur qui nous
menaçait...
Vanessa, qui avait étudié bien des choses sur le domaine de Versailles, nous sauva en répondant, sûre
d'elle, qu'il y avait deux mille fontaines si l'on prenait en compte les bassins. La fleur s'évapora alors
devant nous. Ce devait être la bonne réponse.
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Je ne pus admirer l'espace vide laissé par la fleur plus longtemps car un étrange événement
s'ensuivit : des racines sortirent de terre et attrapèrent la petite fille. On accourut pour la sauver de ce
piège mais les racines refusèrent de céder. Le désespoir nous envahit. Je me rappelai soudain que, dans
ma poche, j'avais conservé mon couteau suisse. La lame brilla quand je la sortis et ce simple éclat
sembla suffire pour que les racines lâchent leur prise.
Anne-Sophie haletait, complètement paniquée. Vanessa lui prit la main et cela sembla la
réconforter. Elle proposa alors de reprendre la marche et cela nous rassura de constater que, derrière
un éboulis de pierres, la forêt recommençait. Derrière la forêt, très loi, quelque chose brillait.
« C'est le portail ! s'écria Anne-Sophie. Nous serons bientôt arrivés. Quelle heure est-il ?
- Il est presque dix-heures quarante-cinq, répondit Louis après avoir regardé sa montre.
- Il faut nous hâter, dit Anne-Sophie. »
C'était une belle forêt, dense, mais je me méfiai désormais de chaque plante ou arbre. Je ne
voulais pas que d'autres événements fâcheux nous surprennent. Je marchais derrière Vanessa et AnneSophie et celles-ci s'arrêtèrent subitement.
Une statue mi-homme mi- sphinx nous barrait le passage. Les arbres étaient trop touffus pour
nous permettre de contourner la statue. Tout à coup, une voix se fit entendre. On aurait dit qu'elle
sortait de la bouche de pierre de la statue.
« Qu'est-ce qui marche à quatre pattes le matin, deux pattes l'après-midi et trois pattes le soir?»
Éléonore, qui ouvrait la marche et était donc la plus près du sphinx, se retourna avec un
sourire triomphant :
« Je connais la réponse, nous avons étudié le mythe d'Œdipe en classe. »
Alors, se tournant à nouveau vers la statue elle dit haut et fort :
« L’Homme. »
Le sphinx sembla se courber légèrement puis s'évapora, tout comme la fleur tout à l'heure. Tout
semblait très éphémère. Nous poursuivîmes notre route en accélérant le pas. Nous ne voulions pas
reprendre tout le chemin parcouru.
Les arbres se firent moins denses et nous vîmes alors le portail. Il était onze heures vingt et
nous y étions arrivés. Anne-Sophie ne semblait même pas fatiguée. Elle souriait. En nous approchant,
je vis qu'il y avait un tableau sur le portail. Il représentait un homme habillé de somptueux habits et
coiffé d'une couronne.
« C'est mon père, dit triomphalement Anne-Sophie.
- Tu lui ressembles beaucoup, avoua Vanessa. »
Vanessa avait à peine finit sa phrase qu'Anne-Sophie courut vers le tableau et … sauta dedans ! Quelle
ne fut pas notre surprise de voir qu'elle avait traversé le tableau. Nous la voyions dans la Galerie des
Glaces. Ce devait être la nuit parce qu'il y faisait sombre. Elle nous fit signe d'approcher. Un étrange
rictus sur ces lèvres gâchait son sourire.
« Merci. Le peintre Rigaud était mon tuteur et il a peint ce tableau. Grâce à lui j'ai pu tenir
debout. Sylvain a bien tenté de m'aider mais il m'a trahi et je l'ai enfermé dans le labyrinthe. Mon père
parlait déjà de m'enfermer parce que j'étais étrange. Heureusement, Monsieur Rigaud maîtrisait son art
et a créé cette sorte de porte. C'est maintenant à vous de résoudre l'énigme pour sortir du jardin ! Moi
je dois rattraper quelques siècles. »
Lorsque vous visiterez le château, prenez garde aux surfaces peintes ou aux reflets de l’eau. Nous
espérons bientôt sortir.
3223 mots.
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