Exposé de Franck ALETRU
Transcription
Exposé de Franck ALETRU
AIFFRES le 24 décembre 2015 Assemblée générale 2015 de l’ABEILLE DES DEUX-SEVRES à BRESUIRE Exposé de Frank ALETRU La régression des rendements sur le tournesol Les jeunes apiculteurs qui débutent dans le métier et qui ont toujours connu 30% de mortalité, sont satisfaits avec 25%de perte de leur cheptel. Ce qui serait normal c’est 5 à 6% de perte, avec un maximum de 10% .Avec l’arrivée du Gaucho® les rendements sont passés de 60/80 kg à 8kg/ruche et absence d’abeilles dans les hausses. Le problème est posé. Les colonies se refaisaient ensuite une santé après la miellée de tournesol. Compte tenu des difficultés rencontrées, en 1997 Frank ALETRU crée la coordination des apiculteurs de France aux Ruralies, alors qu’il n’était pas syndicaliste du tout. Cette coordination permettait aux syndicats entre lesquels il y avait des tensions de se retrouver pour défendre une cause commune. Quelque soit l’étiquette syndicale, lorsque l’abeille est victime des pesticides elle est détruite. En définitif, cette organisation a très bien fonctionné. En 2000, le Gaucho® a été retiré pour la culture du tournesol, puis en 2006 également sur le maïs. Ce qui est regrettable, c’est qu’un poison A, a été remplacé par le B. La récolte de l’année 2000 a été bonne et de nouveau les rendements ont régressé avec l’arrivée des tournesols dont les semences étaient enrobées de l’insecticide Régent TS® (fipronil). Depuis, ces produits neurotoxiques ont été retirés, les ruches ne se vident plus en été, mais et l’on ne fait toujours pas de miel sur le tournesol car les variétés de tournesol ne sont plus du tout les mêmes Expérimentation conduite au CNRS de CHIZE Des études sont conduites dans tous les domaines dont une dernière qui a eu lieu à CHIZE au cours de l’année 2015, menée par le CETIOM, l’INRA, l’ITSAP et par le CNRS. Ce sont 4 variétés de tournesol qui ont été implantées sur 40 hectares (4 X10), sur les mêmes terrains, semées le même jour, traitées de la même façon…. Les cheptels de ruches conduits de la même manière, suivis par des spécialistes veillant aux bonnes pratiques apicoles. Les techniciens ont procédé au comptage des abeilles sur les parcelles de tournesol en fleurs. La variété ancienne « cultivar » était cultivée sur une même surface de 10 ha. Les intervenants ont dénombré 9000 butineuses. Les trois autres variétés avaient comme désignation A, B et C (appellation anonyme). Sur ces variétés de 9000 butineuses on est passé à 4000, puis à 1800 et absence d’abeilles pour la 4ème variété. Cette dernière situation est bien confirmée par les apiculteurs qui constatent fréquemment l’absence d’abeilles sur des parcelles de tournesol. Par contre, les fleurs de tournesol sont visitées par des bourdons. Le bourdon a des points forts par rapport à l’abeille, il a une langue plus longue et a la capacité d’écarter davantage les corolles des fleurs pour accéder au nectar. Ces variétés délaissées par les abeilles, sont des hybrides ultra travaillés, producteurs d’oméga 3, constituant une forte valeur ajoutée. Les généticiens qui ont sélectionné ces variétés oléiques, riches en oméga 3, ont délaissé le critère de l’attrait de ces plantes par les insectes (l’accès au nectar et la quantité). Par contre, le pollen reste accessible. Les anciennes variétés de tournesol Les tournesols d’il y a 20 ans avaient de grosses tiges. Celles des nouvelles variétés sont bien plus petites. Ces tournesols de dernière génération n’ont plus les mêmes réserves hydriques et de résistance thermique… Ces plantes sont ultra sensibles. Aussi, au moment des grandes chaleurs, avec le stress hydrique, leur réaction est : « vite reproduisons nous ». Elles arrêtent de secréter et passent au stade graine ; conséquence : le nectar disparaît. Les anciennes variétés étaient d’une constitution offrant d’avantage de résistance à la sécheresse. La miellée pouvait s’interrompre 2 à 3 jours et la plante, à l’occasion de jours meilleurs, reprenait sa sécrétion de nectar. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas avec ces Cet exposé a été relu et complété par Franck ALETRU AIFFRES le 24 décembre 2015 nouvelles variétés devenues fragiles. A l’époque, avec les anciennes, les agriculteurs récoltaient 35/40 quintaux/ha. Maintenant, lorsqu’ils font 25/28 quintaux/ha, ils sont satisfaits. Les cours à la hausse viennent en partie compenser ces baisses de rendement. Résultat, nous voyons les surfaces en tournesol se réduire car cette culture est devenue de moins en moins rentable. Les néonicotinoïdes sur le tournesol et le maïs Les néonicotinoïdes sont des produits de traitement dit « systémiques ». Les graines semées sont enrobées de produit actif neurotoxique. Dès la germination et durant la croissance, les molécules actives migrent dans la plante pour atteindre le bouton floral afin d’imprégner la fleur, support du pollen et du nectar (voire également la guttation1). Ce sont bien les produits neurotoxiques qui empêchent les abeilles de revenir à la ruche avec pour conséquence la dépopulation des colonies. La culture du tournesol en UKRAINE L’Ukraine est devenue le plus grand producteur de tournesol du monde devant la Chine et la Russie. Il livre du tournesol en France au prix de 1,95€ le kg.Ils travaillent avec des variétés de tournesol comparables à celles cultivées en France il y a quelques décennies. Ce sont des variétés rustiques. Les apiculteurs ukrainiens ne sont techniquement pas plus avancés que nous. La filière apicole est peu organisée. Ils ne font pas les mêmes efforts que nous pour améliorer la génétique des abeilles. Actuellement en France, les ruches exploitées sont nettement supérieures à celles des années 1990 et nous produisons moins de miel. Elles n’ont rien à voir avec celles conduites en Ukraine. Expérimentation conduite par Terra Nova à CHIZE et SURGERES Une seconde étude a été réalisée par Terra Nova à CHIZE et à SURGERES. 7000 butineuses ont été équipées de « tab ». Des détecteurs ont été placés aux entrées des ruches et ceci sur la miellée de colza et de tournesol afin d’évaluer le retour des abeilles à la ruche. Les nectars et les pollens ont été analysés pour la recherche des néonicotinoïdes vis à vis de cultures qui n’ont pas été traitées l’année en cours. Des molécules de néonicotinoïdes sont retrouvées par rapport à des cultures traitées à l’aide de neurotoxiques.de l’année précédente. Sur les 7000 abeilles, il en revient à peine 1000. Les doses sont plus petites. Ce n’est pas un enrobage de l’année. Donc, la dépopulation des butineuses se fait d’une façon progressive. Il n’y pas d’effet spectaculaire de vidage des hausses. Alors que dans les cas aigus, les pertes vont jusqu’à 15000/20000 abeilles en 3 ou 4 jours. Les chercheurs ont remarqué un comportement particulier de la colonie. Les abeilles constatant les pertes des butineuses les remplacent par des jeunes qui sautent des étapes de leur vie (ventileuses, gardiennes…) pour aller butiner. Mais une abeille devient butineuse que si son corps adipeux est suffisamment constitué, ainsi que son appareil musculaire. Ils se sont aperçus que les jeunes abeilles partaient d’une façon prématurée butiner et au bout de 2 jours elles étaient usées. La mielllée en cours est en partie compromise et pour celle qui viendra juste derrière il manquera beaucoup d’abeilles. Les industriels de l’Agrochimie disent : l’abeille compense, il n’y a pas de problème. Un exemple imagé vaut parfois mieux qu’un long discours: « vous avez un échafaudage avec des ouvriers confirmés. L’échafaudage s’écroule et tous les ouvriers sont morts. Pour les remplacer, on va aller prendre des élèves dans une école. Pensez-vous qu’ils vont être aussi efficaces ? 1 La guttation : La nuit, la transpiration est normalement interrompue chez la plupart des plantes par la fermeture des stomates. Mais lorsque le taux d'humidité du sol est trop élevé, l'eau pénètre dans la plante par les racines car le potentiel hydrique des racines est plus faible que celui du sol. L'eau s'accumule dans la plante créant une légère pression racinaire. C'est cette pression racinaire qui force l'eau à s'exsuder de la plante par des structures spéciales, les hydathodes, ce qui forme des gouttelettes. (référence : WIKIPEDIA) Cet exposé a été relu et complété par Franck ALETRU AIFFRES le 24 décembre 2015 Aujourd’hui, on a la certitude que ces produits (néonicotinoïdes) sont très toxiques pour les abeilles. Même à petites doses (ce qui rend plus difficile la détection) d’où la mise en œuvre de procédures complexes. Frank ALETRU sera prochainement à BRUXELLES aux côtés de la coordination européenne apicole « Beelife » afin d’interdire toutes les matières actives de la famille des néonicotinoïdes . Avec le SNA, il mène une action à l’assemblée nationale aux côtés de la Député Delphine Batho ainsi qu’au Sénat pour obtenir l’interdiction de toutes les préparations de pesticides contenant des néonicotinoïdes. Le frelon asiatique En effet, suivant les années, l’impact de certains insectes peut se moduler (années à coccinelles, à doryphores…). Cette année il y a eu une recrudescence du frelon asiatique. Il faut organiser la lutte collective. Suivant son cycle le frelon modifie son alimentation au cours de la saison. Les appâts doivent donc évoluer en même temps pour que le piégeage soit optimum. Le Muséum a fait savoir que le problème du frelon asiatique allait se réguler naturellement. Les problèmes de ragondins, de la jussie, des écrevisses…. se sont-ils régulés naturellement ? La bonne méthode est de trouver un appât sélectif qui n’attire que le frelon asiatique. Ce dernier consomme l’appât et retourne au nid pour empoisonner son contenu. Depuis des années la société Syngenta a ce produit mais, comme les apiculteurs se sont battus contre le pesticide Cruiser dont elle est le producteur, elle a décidé de ne rien faire. La société Vita qui fabrique Apistan est prête à reprendre ce projet pour le finaliser. Les ruchers école du SNA vont sans doute être sollicités pour tester ces appâts. Il convient de rappeler que cette lutte est d’un intérêt général. Le frelon asiatique est mis en cause dans de nombreux accidents (chez : les agriculteurs, les élagueurs dans le marais, les viticulteurs…). En attendant, il faut mettre en place les dispositifs les plus efficaces : le piégeage au printemps. Actuellement la destruction des nids arrive tardivement au cours de la saison puisqu’ils sont découverts lorsque les feuilles commencent à tomber à l’automne. Ceci démontre l’intérêt de l’appât pour détruire le nid au cours de la saison. Dans ce domaine les apiculteurs ont été des lanceurs d’alertes. La lutte contre la varroase Stratégie de lutte contre varroa en Pays de Loire Ce principe a débuté il y a 16 ans et cela est efficace. Les départements des Pays de la Loire se sont engagés à faire une lutte collective en alternant 2 années de traitement avec Apivar et ensuite 1 année avec Apistan et ainsi de suite. Ceci s’est mis en place car il y avait des craintes par rapport au phénomène de résistance, ce qui n’a pas été vérifié dans la région. Par contre, l’accoutumance aurait été constatée chez certains apiculteurs dans des départements du Sud de la France. Quand intervenir Il faut intervenir au bon moment. Le traitement pratiqué après la récolte fin août début septembre peut paraître être opérant. Toutefois, les étés indiens sont de nature à lui enlever de l’efficacité. Les températures clémentes qui se prolongent jusqu’à Noël donne la possibilité aux colonies de se ré infester. En effet, en sortie de miellée, lorsque la surface en couvain est réduite, les varroas seront concentrés et l’attaque sera dangereuse pour la colonie. Ce qui explique l’intérêt de ce traitement. Les traitements contre varroa ne font que réduire les problèmes de surmortalité mais ils ne les suppriment pas. Si à l’automne vous avez de la biodiversité, des plantes qui donnent du pollen plus les traitements bien conduits, vous avez plus de chance d’avoir de bonnes colonies pour aborder l’hiver. Ceci ne gomme pas les problèmes générés par les pesticides. Une pharmaco vigilance Dans les Pays de la Loire une pharmaco vigilance a été mise en place afin de déterminer si un traitement en début d’année s’impose. Cet exposé a été relu et complété par Franck ALETRU AIFFRES le 24 décembre 2015 Des comptages sont effectués sur des ruchers avec des langes. Suivant les résultats obtenus on peut déterminer s’il faudra refaire un traitement début mars. Le questionnaire mis en œuvre au niveau national qui demandait aux apiculteurs de décrire leurs méthodes et les matières actives utilisées, a fait ressortir que ceux qui traitaient 2 fois aux bonnes dates se retrouvent au niveau national à moins de 10% de perte. Cette technique de traitement est accompagnée du renouvellement de 2 cadres par ruche et par an afin de compléter les mesures de prophylaxie. 87% des ruchers sont entrés dans ce système en Vendée. Ce programme a bénéficié de fonds européens, régionaux et départementaux. Des contrôles de l’état sanitaire des colonies ont été effectués par les autorités compétentes (DGAL et la Brigade vétérinaires). Ils ont ouvert 800 colonies. Ce qui a permis de conclure que ces mesures donnaient de bons résultats. Dans d’autres régions, les difficultés entre les associations apicoles dans certains départements ne permettent pas de mettre en œuvre de tels dispositifs. C’est très regrettable. Il faut être irréprochable chez soi pour être crédible lorsqu’il y a un vrai problème. Ceux qui ont des mortalités doivent les déclarer directement à la DDCSPP avec copie à la DGAL. Colloques sur la co-exposition des colonies d’abeilles avec les pesticides homologués Un colloque concernant les pesticides se tenait récemment à l‘ANSES à PARIS. Etaient présents : les industriels des phytosanitaires qui ont participé à des études, l’INRA, le CNRS, le CETIOM, les structures agricoles. Le thème était la co-exposition. Des colonies malades exposées à des cultures traitées avec des pesticides homologués. Pour participer à ces études il convient de disposer de colonies conduites suivant le protocole ci-dessus. Le cas où les pesticides provoquent une maladie. Dans certains cas les pesticides provoquent une maladie. Pour exemple : la nosémose. Dans les populations d’abeilles saines, la présence de Noséma dans leur organisme est nécessaire jusqu’à un certain seuil minimal, faute de quoi elle meurt. Il en faut mais pas trop. Hélas, certains pesticides provoquent le développement du Noséma car ils réduisent les défenses immunitaires naturelles des abeilles et les colonies s’effondrent. Désormais dans les dossiers d’homologation ce critère noséma devra être pris en compte. Par le passé ce n’était pas mesuré. Un espoir : Le SNA soutenu par l’ONG Terre d’Abeilles propose avec fermeté la modification du décret « mention abeilles » qui obligerait les agriculteurs à ne pulvériser les traitements sur les cultures en fleurs uniquement au coucher du soleil selon l’éphéméride. Ce qui permettrait de protéger les insectes pollinisateurs qui ne butinent pas la nuit, de réduire la consommation de pesticides (réduction de 30 % des doses) car les produits pénètrent mieux dans les plantes le soir et de réduire l’exposition des populations humaines aux pesticides. En conclusion : Pour avoir des colonies d’abeilles saines, il faut d’abord des fleurs saines. Bernard SORIN Cet exposé a été relu et complété par Franck ALETRU