L`eau: un regime privé ou public dans les Ameriques
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L`eau: un regime privé ou public dans les Ameriques
L’EAU : UN RÉGIME PRIVÉ OU PUBLIC DANS LES AMÉRIQUES? « L’eau, c’est toujours la vie, l’eau c’est parfois la mort. Mais l’eau c’est aussi le pouvoir, l’eau c’est aussi l’argent. Car l’eau est un bien, Mesdames et Messieurs, et ce sera demain encore plus qu’aujourd’hui, une richesse. » Loïc Fauchon, PDG, Société des Eaux de Marseille. Sylvie Paquerot M.A./M.LL./Ph.D. sciences juridiques et politiques Chercheure Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) LA PORTÉE DE LA PROPOSITION PRIVÉ/MARCHÉ ..........................................................................................4 UN STATUT PRIVÉ IMPLIQUE LA PROPRIÉTÉ....................................................................................................4 LES FONDEMENTS DE LA RÉPARTITION DES BIENS PRIVÉS PAR LE MARCHÉ ........................................................6 Prix et utilisation rationnelle: quelle rationalité? ....................................8 Répartition optimale des ressources .....................................................11 UNE RÉGIME PUBLIC N’EST PAS UNE GARANTIE MAIS UNE POSSIBILITÉ ...........................................................13 D’AUTRES VALEURS EXIGENT D’AUTRES RÈGLES : RETROUVER LE SENS DE LA RES PUBLICA, .............................15 […] l’essence de la fonction de l’instance publique est d’être le garant de l’intérêt commun ou général de la collectivité humaine… Par la série de spécificités qui le caractérisent l’État (…) est en effet la seule instance de la société à pouvoir élaborer, décider et mettre en œuvre une stratégie globale de pacification, d’organisation, de cohésion, de contrôle et de développement de la société. P. Baudy, p. 135. Il n’est pas inutile de s’attarder au sens de la question posée car cette opposition ou cette « alternative » marque un véritable choix de société. Dans le monde concret où nous vivons présentement, dire privé, c’est dire propriété et règles du marché alors que dire public laisse au moins ouvert le choix des règles devant s’y appliquer… en démocratie à tout le moins! Dans la mesure où l’eau, ressource vitale, a aussi à voir avec le pouvoir, dire privé veut dire laisser jouer les rapports de force alors que dire public suppose que l’on puisse contrebalancer ces rapports de force. Deux modes de coordination, d’organisation, sont en concurrence dans notre société. L’un repose sur le marché, l’autre fonctionne sur un mode administratif, non marchand. Et si ce dernier mode s’est étendu au-delà des fonctions étatiques «régaliennes» (défense, justice, police), c’est que la dynamique spontanée du marché ne permettait pas de répondre d’une manière jugée satisfaisante à certains besoins ou qu’il a fallu en corriger les effets pervers. Dans le jargon des économistes, l’État a pris en compte les effets externes.1 Reprenons donc pour commencer les principales données du problème puisque c’est toujours en considérant la nature des problèmes à résoudre que l’on peut statuer sur la pertinence des différentes solutions proposées. L'eau douce et le cycle hydrologique remplissent des fonctions essentielles à la fois pour les écosystèmes et les êtres humains: une fonction de survie et de santé, pré-condition de tout développement; une fonction d'habitat qui est d'une grande importance du point de vue anthropocentrique en termes de réservoir alimentaire; une fonction de transport à travers les écosystèmes (des nutriments mais aussi de filtrage des polluants); une fonction de production enfin, à la fois de la biomasse et de la production sociale.2 L'utilisation de l'eau pour la production sociale ne sera porteuse de véritable développement que dans la mesure où elle permet la viabilité des autres fonctions de l'eau. Or, x L'eau est en quantité limitée sur la planète; x elle est inégalement répartie; x elle est nécessaire à la vie des écosystèmes qui eux-mêmes sont nécessaires à notre survie; x nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses; x l'eau est nécessaire à plusieurs utilisations concurrentes qui augmentent avec la population et avec le développement; x nous polluons une ressource sans laquelle nous ne pourrions vivre. Sans parler des changements climatiques… Il y a, en d'autres mots, une limite à l'eau dont nous pouvons disposer sans mettre en péril l'équilibre des écosystèmes… Alors, un régime privé ou un régime public pour l’eau dans les Amériques? D’entrée de jeu, modifions la question : des règles déterminées par la société ou les règles du marché pour l’eau dans les Amériques? Car il faut bien être conscient que tel est l’enjeu derrière la question du statut privé ou public et c’est 1 2 Philippe Frémeaux et Louis Maurin, op. cit. page 33. L’effet externe désigne la situation où les décisions d’un agent économique a un impact positif ou négatif sur le bien-être des autres agents et où cet impact n’est pas pris en compte par le marché. C’est le cas des télécommunications dont la réglementation sert à compenser les effets externes de la concurrence. M. Falkenmark, "Water Scardcity - Challenges for the Future" dans E.H.P. Brans, E.J. de Haan, A. Nollkaemper et J. Rinzema, The Scarcity of Water : Emerging Legal and Policy Responses (1997) Boston, Kluwer Law International, p. 26. 2 le caractère hégémonique de la sphère économique, celle de l’économie capitaliste de marché mondialisée qui rend irrecevable la proposition d’un régime privé pour l’eau dans les Amériques, en premier lieu parce qu’elle tend à renverser le rapport historique entre souveraineté – politique – et marché. Au plan supranational, il n’existe pas de règles d’ordre public contraignantes qui pourraient « domestiquer » les marchés, corriger les effets pervers ou externalités et qui aient les moyens de s’imposer « par-dessus ». Ce que sous-tend la proposition d’un régime privé pour l’eau, c’est la soumission de cette ressource à un régime global en émergence qui se déploie à partir de la sphère du droit économique et commercial international, et qui s’étend de plus en plus largement. Le déploiement du marché mondial et de ses « règles », « l’essai de construction d’une société globale fondée sur le marché et la régulation marchande de l’ordre mondial »3 n’est pas que spatial. Il déborde largement aujourd’hui les domaines relevant depuis des siècles de l’échange marchand : le vivant, la nature et même le droit, s’y trouvent de plus en plus soumis. En regard de la problématique de l’eau, la globalisation marchande est évidemment lourde de conséquences puisque, « d’une façon générale, nous ne sommes pas encore parvenus à faire sortir le patrimoine naturel de la sphère de l’économie marchande »4 et, pourrions-nous ajouter, celle-ci élargit son emprise sur la nature et les ressources puisque, dans l’ordre naturel économique, le statut des biens ne dépend pas d’un choix: Alors que la théorie juridique fait de la qualification une médiation essentielle de l’entrée d’une réalité dans les catégories du Droit, l’entrée en économique est généralement considérée par les économistes comme un fait de nature : dès lors que des biens deviennent rares, ils entreraient dans le domaine de l’économie. Certes variable d’une situation à l’autre, cette rareté serait, dans des circonstances données, une propriété objective s’imposant aux membres d’une société […].5 3 4 5 C. R. S. Milani, « La globalisation, les organisations internationales et le débat sur la gouvernance » dans M. Beaud, O. Dollfus, C. Grataloup et al, Mondialisation : les mots et les choses (1999) Paris, Karthala, p. 169. F. Gros Dans B. Edelman et M. A. Hermitte (dir.), L’homme, la nature et le droit (1988) Paris, Christian Bourgeois éd., p. 13. O. Godard, «L’économie, l’écologie et la nature des choses» (1992) Archives de philosophie du droit, 37, p. 187. 3 LA PORTÉE DE LA PROPOSITION PRIVÉ/MARCHÉ L’eau, ressource vitale limitée, est ainsi devenue, au tournant du millénaire, un symbole par excellence de la « marchandisation » du monde, qui ne constitue pas qu’un slogan militant mais le reflet d’une réalité qui s’inscrit dans les règles internationales : «Tous ces problèmes », a-t-on pu écrire, «se résument à une seule question : à qui, le cas échéant, appartient l’eau? En cherchant à appliquer le concept de propriété à une ressource dont la nature même le refuse, nous ne pouvons que susciter les conflits.»6 Dans le contexte de la globalisation, la généralisation des règles marchandes touche les ressources en eau à deux niveaux : d’une part, l’idée de traiter l’eau, ressource « rare », comme un bien économique, échangeable en fonction d’un prix de marché, au gré des capacités technologiques et soumis aux régimes internationaux de commerce, et d’autre part, la privatisation des systèmes de distribution et d’assainissement de l’eau7. UN STATUT PRIVÉ IMPLIQUE LA PROPRIÉTÉ Historiquement considérées « par nature, insusceptibles d’appropriation »8, la planète, la terre, et l’eau que le droit a souvent considéré comme un accessoire de cette dernière, ne sont pas des produits : seule la société moderne a prétendu les traiter sur le même plan que les biens.9 Or, c’est bien connu, des droits de propriété clairs sont une condition essentielle au fonctionnement de l’économie de marché : « En l’absence d’appropriation, les ressources en eaux de surface et les eaux souterraines ne peuvent faire l’objet de transactions marchandes. »10 L’établissement de droits de propriété fait donc partie des pré-requis au marché. Si l’image traditionnelle 6 7 8 9 10 L’éthique de l’utilisation de l’eau douce : vue d’ensemble (2000) Sous-commission de la COMEST (Lord Selborne, prés.), p. 9. P. H. Gleick, G. Wolff, E. L. Chalecki et R. Reyes, « Globalization and International Trade of Water » dans P. H. Gleick (ed.), The World’s Water 2002-2003 : The Biennal Report on Freshwater Resources (2002) Washington, Island Press, p. 33. Cela signifie que les règles concernant les investissements s’y appliquent aussi : J. Sohnle, Le droit international des ressources en eau douce: solidarité contre souveraineté (2002) Paris, La Documentation française, coll. Monde européen et international, p. 78. M. Rèmond-Guilloud, Du droit de détruire. Essai sur le droit de l’environnement (1989) Paris, P.U.F., p. 122. G. Madjarian, Quatre saisons de la société marchande (1993) Paris, L’Harmattan, p. 103. M. Falque, « Des droits de propriété sur l’eau pourquoi pas? » dans M. Falque et M. Massenet (dir.), Droits de propriété, économie et environnement. Les ressources en eau (2000) Paris, Dalloz, p. 1. 4 selon laquelle l’eau n’est pas appropriable parce qu’elle circule reste dominante aujourd’hui, « La découverte, l’affirmation et la sanction des droits de propriétés dépendent étroitement de l’usage des technologies […]»11. L’invention du compteur par exemple, a permis de répartir des quantités contrôlables. Ainsi, malgré le caractère encore marginal des droits de propriété et de la privatisation des services : « le travail préparatoire qui pourrait servir à l’extension significative du marché de l’eau dans les années à venir se met lentement en place. »12 La détermination de droits de propriété permet l’échange sur une base marchande avec l’avantage, selon certains, de dépolitiser l’allocation13. Concrètement, cela se traduit en ces termes pour certains gestionnaires de l’État québécois : «Les conflits créés par la politique, ou mieux par la politisation des questions, sont peut-être plus difficiles à résoudre que ne le sont les réconciliations d’intérêts par le marché»14. Or, si, de fait, les réconciliations d’intérêts par le marché sont plus faciles à résoudre c’est tout simplement parce qu’elles sont résolues par les rapports de force! Pour garantir pleinement l’allocation optimale par les mécanismes de marché, il faudrait cependant privatiser aussi la réglementation, puisque la conséquence de la propriété c’est que : « Les décisions de sacrifier la quantité ou la qualité de l’eau devraient être prises par les détenteurs des droits euxmêmes. »15 La propriété, dans sa forme moderne, suppose un ensemble de droits sur le bien : droit aux fruits; droit d’usage, droit de changer la destination; droit de détruire16; d’aliéner; d’empêcher les autres de s’en servir.17 Les modalités de l’usage et de l’exclusion sont d’ailleurs des éléments déterminants de la 11 12 13 14 15 16 17 Ibid., p. 4. T. Jones, « Évolution institutionnelle en faveur du marché de l’eau » dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit., p. 290. R. T. Smith, Trading Water : an Economic and Legal Framework for Water Marketing (1988) Washington, The Council of State Policy and Planning Agencies, p. 74-75. Roch Bolduc, «L’État, l’évolution de son rôle et l’avenir», dans Vincent Lemieux (dir.), Les institutions québécoises, leur rôle, leur avenir, Québec, PUL, page 240. E. Brubaker, « Privatisation de la distribution et de l’épuration des eaux : jusqu’où devrions-nous aller? » dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit., p. 248. M. Rèmond-Guilloud, Du droit de détruire. Essai sur le droit de l’environnement (1989) Paris, P.U.F., 304 p. G. Madjarian, «Le droit de l’homme à disposer du monde» (1986) Le Genre humain, 14, p. 143-144. 5 catégorisation des régimes de propriété commune.18 Impossible à penser en dehors de l’exclusion, sous des formes et à des degrés, la propriété contredit dans son essence toute tentative d’universalisation. Le droit de propriété consiste à pouvoir exclure les autres de l’usage d’un bien et d’avoir la faculté de transmettre ce bien à d’autres ou de détruire ce bien. La propriété n’existe que dans les sociétés humaines. Elle ne se traduit pas seulement par la classification du monde en biens mais consiste également à établir des relations juridiquement sanctionnées entre les personnes et d’autres entités en vue du respect de ces biens. La propriété est donc un mode de structuration sociale.19 Appuyé à la philosophie des droits humains, dont la responsabilité échoie à la puissance publique, un régime pour l’eau doit donc se définir sur un autre terrain juridique que celui de la propriété, et donc du marché : « Le dispositif juridique qui émerge autour des droits universels semble contredire le dispositif construit autour de la propriété des biens. Mais jusqu’ici le second résiste efficacement, ou trouve le moyen d’éluder sa remise en cause. »20 Les aménagements se multiplient pour éviter de faire face à la contradiction, s’agissant des choses ou des biens21, matériels ou immatériels, essentiels à la mise en oeuvre des droits humains. LES FONDEMENTS DE LA RÉPARTITION DES BIENS PRIVÉS PAR LE MARCHÉ Nombreux sont les experts à travers le monde qui se rangent à cette idée radicale d'équilibrer par le prix une offre constante et une demande sans cesse croissante. Ils appartiennent pour la plupart aux sphères économiques des institutions spécialisées de la Banque mondiale… L'idée de mettre en place un dispositif international de répartition de l'eau en la monétisant est séduisante à tous égards, […] elle ne résiste malheureusement pas à une analyse approfondie de la situation.22 Faut-il le préciser, l'eau est effectivement un bien économique, nul ne le 18 19 20 21 22 S.-L. Hsu, A Two-Dimensional Framework for Analyzing Property Rights Regimes (2002) GWU Law School, Public Law Research Paper No. 58, Social Science Research Network Electronic Library, 93 pages. A. Fayard-Riffiod, Le patrimoine commun de l’humanité : une notion à reformuler ou à dépasser? (1995) Thèse de doctorat, Faculté de droit et de science politique, Université de Bourgogne, p. 191. E. Le Roy, « Quels biens, dans quel espace public mondial? » dans Biens publics à l'échelle mondiale (2001) Bruxelles, Colophon, coll. Essais, p. 34. Selon qu’ils sont considérés juridiquement comme susceptibles ou non de propriété. N. Tien-Duc, L’humanité mourra-t-elle de soif? (1999) Paris, Hydrocom éd, p. 129. 6 conteste, mais l'eau n'est pas qu'un bien économique; elle est aussi un bien social, un bien culturel, un bien environnemental, etc. L'eau est un bien fondamental total selon l'expression de Riccardo Petrella, et ériger une seule de ses dimensions en définition relève d'un choix purement idéologique, qui consiste à imposer, parmi les multiples dimensions de l'eau, la valeur relative à la dimension économique, au détriment de toutes les autres; à soumettre les valeurs sociales, humaines, culturelles et surtout vitales à la valeur marchande. Par ailleurs, admettre la dimension de bien économique de l'eau n'équivaut pas à accepter sa transformation, en bien appropriable, en marchandise, ni sa soumission aux règles du marché. L’économie publique ça existe aussi et la reconnaissance des différentes dimensions de l’eau, dont la dimension économique, ne recoupe aucunement le clivage privé/public. Ayant constaté que l'eau n'est pas qu'un bien économique et que l'économie de marché n'est pas la seule forme possible de l'économie, il faut ensuite s'attarder à certaines caractéristiques de l'eau en tant que telle qui rendent irrecevable la proposition de régime privé et d’application des règle du marché: son caractère irremplaçable et non substituable : on ne peut remplacer l'eau pour le maintien de la vie; pas seulement pour les êtres humains mais pour l'ensemble des êtres vivants… Or, selon les principes mêmes de la théorie économique classique, le fonctionnement efficace des mécanismes de marché exige que les biens soient substituables, qu'il s'agisse des facteurs de production - l'eau est un facteur de production dans l'agriculture - ou des produits et services - pour la consommation domestique par exemple23. Ainsi donc, l'eau n'est pas qu'un bien économique, le marché n'est pas le seul système économique et l'eau ne peut être soumise aux règles du marché parce que sa nature ne respecte pas les principes de fonctionnement de ce mécanisme économique spécifique. Continuons maintenant à examiner les autres aspects de la gestion de l'eau en tant que bien privé soumis aux lois du marché… sous deux aspects 23 Fonction des prix relatifs qui reflètent la valeur d'utilité comparée entre biens et services substituables: R. Petrella, Le Manifeste de l’eau : pour un contrat mondial (1998), Bruxelles, Labor, p. 70. 7 principaux: l'utilisation rationnelle et la répartition optimale, si tant est qu'il existe une rationalité et une optimalité. ¾ Prix et utilisation rationnelle: quelle rationalité? En 1997, un Rapport d’évaluation des eaux douces du monde déposé à l’ONU mentionne, tout à fait dans l’air du temps : “il faut une approche plus orientée vers le marché pour gérer les fournitures d’eau, et l’eau doit être une marchandise dont le prix est fixé par l’offre et la demande.” On suppose ici que la fixation d'un prix induit automatiquement une utilisation rationnelle. Un certain nombre de mythes ici ne résistent pas à l’analyse des faits, dont, au premier chef, celui de la « vérité des prix » … Il n’existe pas une telle chose que la « vérité des prix »24. 1- S’il n’existe pas une telle chose que la « vérité des prix », cela suppose que fixer une valeur à l'eau n'exige pas de la soumettre au prix du marché. Il existe de multiples exemples dans nos sociétés de prix politiquement déterminés, qui ne relèvent aucunement des mécanismes du marché : j'en veux pour preuve le prix des cigarettes dans plusieurs pays occidentaux qui visent à en rendre prohibitif le coût pour les jeunes; le prix des logements dans certains pays qui tentent de respecter leurs engagements en matière de droit d'accès à un logement convenable; le prix de la plupart des services publics faisant l'objet d'une tarification… Dois-je en ajouter? Le prix de mon passeport aussi, qui, heureusement, ne se négocie pas encore sur le marché… Si tant est, donc, qu'il soit nécessaire de fixer un prix à l'eau pour en éviter le gaspillage comme l'invoque certains, rien n'oblige à ce que cela soit un prix de marché, établi par l'équilibre entre l'offre et la demande. Refuser d'appliquer les prix de marché à l'eau ne signifie donc pas que l'eau doive être gratuite en tout temps et pour toute utilisation, tant s'en faut! 224 Le prix de marché, fixé par l'équilibre de l'offre et la demande, n'a jamais Gestion des ressources en eau (1994) Washington, Document de politique générale de la Banque mondiale, p. 29. 8 constitué, in se, un mécanisme efficace de préservation et d'usage rationnel des ressources, mais plutôt un mécanisme d'exclusion de certaines catégories d'usagers Le prix, dans la théorie économique classique, reflétant la rareté, des prix plus élevés inciteraient à la préservation, à l’amélioration de la qualité des ressources disponibles et à la recherche de nouvelles possibilités de production, mais comme le reconnaissent les évaluateurs de la Banque mondiale euxmêmes : « There Are Few Successful Examples ».25 De fait, dans la réalité, en dehors des modèles théoriques, le prix de marché n'a jamais constitué, in se, un mécanisme efficace de préservation et d'usage rationnel des ressources, mais plutôt un mécanisme d'exclusion de certaines catégories d'usagers. La fixation des prix par les mécanismes de marché a pour conséquence d'orienter les ressources vers les plus offrants, voire d’augmenter artificiellement la rareté de l’offre par la spéculation, et non de limiter l'offre en soi. L'histoire a bien montré que dans la logique du marché, il était souvent plus rentable d'exploiter encore plus intensivement les ressources lorsque leur rareté faisait augmenter les prix, selon la « loi naturelle » de l'optimisation représentée et mesurée par le point de rencontre entre l'offre et la demande26. Les limites de l'offre, représentées ici par le renouvellement naturel des ressources en eau - estimé au plan mondial à environ 40 000 km3 par an27 - ne sont pas « naturellement » respectées lorsqu'elles ne sont pas politiquement et juridiquement imposées, comme le montre bien le marché du pétrole ou celui des produits forestiers, ou même le marché des droits de l'eau dans certains États de l'Ouest des États-Unis. Gérer efficacement une ressource rare, c'est en fait, dans la logique du marché toujours, en régler l'accessibilité par la solvabilité relative des usagers 25 26 27 G. K. Pitman, Bridging Troubled Waters : Assessing the World Bank Water Resources Strategy (2002) World Bank Operations Evaluation Department (OED), Washington D.C., p. 24. R. Petrella, Le Manifeste de l’eau: pour un contrat mondial (1998) Bruxelles, Labor, p. 71. Voir notamment P. H. Gleick, The World’s Water 2000-2001 : The Biennal Report on Freshwater Resources (2000) Washington, Island Press, p. 27 suivantes; ou H. L. F. Saeijs et M. J. van Berkel, « The Global Water Crisis: the Major Issue of the Twenty-first Century, a Growing and Explosive Problem » dans E. H. P. Brans, E. J. de Haan, A. Nollkaemper et J. Rinzema (dir.), The Scarcity of Water : Emerging Legal and Policy Responses (1997) Boston, Kluwer Law Int’l,., p. 9. 9 de la demande - en compétition pour des usages concurrents. Si tant est que le marché puisse faire preuve de sagesse et de considération du long terme - ce qui est loin d'être démontré par les faits - le respect des limites de l'offre - de la capacité portante des écosystèmes - ne se traduirait donc pas par la satisfaction des besoins les plus essentiels, mais par la satisfaction de la demande la plus rémunératrice. D’ailleurs, on voit bien cette logique à l’œuvre derrière le principe de pollueur-payeur : si j'ai les moyens de payer j'ai le droit de polluer, la pollution, dans la logique de marché, se trouvant ramenée, elle aussi, à un des multiples usages concurrents réglés par la loi de l'offre et de la demande. Autrement dit, l'usage de l'eau comme poubelle par une entreprise ou une agro-industrie solvable gagnera la compétition des usages concurrents par rapport aux besoins de base de milliers de personnes non solvables. En fait, dans la logique du libre marché, l’augmentation du prix des ressources vitales comme l’eau, par la pression de la demande sur une ressource limitée fait monter les enchères; l’eau se transforme en richesse pour ceux qui peuvent l’accaparer où qu’elle soit, mais c’est de l’eau qu’ont besoin les écosystèmes et les populations pour vivre et ils ne disposent pas, bien sûr, de l’argent nécessaire pour l’acheter sur le marché une fois la logique de sa marchandisation installée. Déjà au Chili, certaines compagnies d’eau achètent les droits d’accès des paysans pour les revendre ensuite aux municipalités. Seul pays, outre les ÉtatsUnis, à avoir développé à large échelle un marché des droits de l'eau28, le Chili n'apporte pas un exemple probant de l'efficacité de tels mécanismes du point de vue des droits humains et du développement durable. D’une part, les atteintes portées aux écosystèmes ne sont pas prises en compte29, et d’autre part, « … le marché des droits de l'eau chilien a abouti malheureusement à une spéculation regrettable de la part de certaines grosses industries minières et 28 29 C’est le cas de certaines provinces australiennes. T. L. Anderson, « La marée montante des marchés de l’eau », », dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit.,136. J. Sironneau « Y a-t-il une place pour le droit de propriété et le marché des droits de l’eau dans les politiques de gestion de la ressource en eau? Grandes tendances mondiales », dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit., p. 96. 10 hydroélectriques, détentrices des droits, et à une pénurie d'eau plus importante aux dépens de l'agriculture et de la population. »30 ¾ Répartition optimale des ressources Dans la logique du marché, la répartition optimale des ressources signifie amener les ressources là où ça rapportera le plus, non pas où c'est le plus utile socialement et humainement! … Ainsi aux États-Unis, en janvier 1999, la compagnie US Filter Corp. a acheté un ranch avec ses droits d’accès à l’eau dans l’État du Nevada, avec l’intention de rediriger cette eau par pipeline vers la ville de Reno pour la vendre sur une base commerciale. L’eau au plus offrant aura pour conséquence d’augmenter le prix de l’eau et donc d’exclure du marché les consommateurs les moins riches : paysans, villages et populations autochtones entre autres. Les États-Unis, pays du libre marché par excellence, représentent aussi le modèle par excellence d’un développement non soutenable du point de vue des ressources hydriques. Les contraintes y sont de plus en plus fortes sur la ressource et les conflits d’usage potentiels à large échelle de plus en plus nombreux, engendrés à la fois par une exploitation des ressources en eau dépassant largement les capacités de renouvellement, comme dans le cas bien connu de l’aquifère le plus important du Midwest américain, celui de l’Ogallala, et par la dégradation des ressources disponibles. Devant l'augmentation de la demande en eau, ressource limitée, et la concurrence qu’induit une croissance elle sans limite, tous bien sûr, ne sont pas égaux, et certains plus que d’autres, ont les moyens financiers d’obtenir une priorisation de fait de leurs besoins. Lors de la sécheresse de 1995 dans le nord du Mexique par exemple, les pouvoirs publics ont choisi de couper l’eau aux paysans pendant qu’ils continuaient à fournir la majorité des entreprises d’origine étrangère de la région31. 30 31 N. Tien-Duc, op. cit., p. 131. M. Barlow, Blue Gold : The Global Water Crisis and the Commodification of the World’s Water Supply, International Forum on Globalization, San Francisco, juin 1999. 11 L'"optimalité" de la répartition des ressources assurée par les règles du marché est une optimalité aveugle en ce sens qu'elle ne peut intégrer des considérations autres que celle de sa propre logique: ni le caractère fondamental des droits humains, ni d'ailleurs, le caractère vital de l'intégrité des écosystèmes. L’usage le plus efficient économiquement, selon le coût d’opportunité dit-on, n’est pas nécessairement le plus durable et l’idée d’une telle allocation des ressources en eau « oublie » le caractère non substituable de l’eau pour la plupart de ses usages : According to this theory, we best fulfil our obligation to future generations by maximizing consumption, the fruits of which can then be passed on to future generations in the form of knowledge, technology, capital instruments and institutions. This economic heritage is therefore of greater value to future generations than the reservation of specific natural resources for their use […] The discount rate is defined as the opportunity cost of capital […] While the discount rate may be suitable tool for analyzing the relative merits of short-term investments, it is not particularly useful for taking account of posterity.32 Dans le cas des eaux souterraines par exemple, dont le taux de renouvellement est faible et parfois presque nul, l’application d’une telle logique peut conduire à l’épuisement : « […] yet the discount rate analysis may indicate that it is economically efficient to exceed this yield, “mine” the resource and invest the resulting income to obtain higher returns elsewhere. »33 La logique de concurrence, fondement de la logique de marché, non seulement mène à des iniquités où les besoins du plus fort l'emporte (ici par l'argent plutôt que les armes), mais pire encore, les écosystèmes, eux, perdent de toutes façons, quel que soit le gagnant. C'est, selon les termes de Sandra Postel, "a non-win proposition for all"34. Tous les modes de développement ne sont pas viables sur tous les écosystèmes et l'ouest américain en est l'exemple le plus probant, lui qui souhaiterait faire porter aux écosystèmes de ses voisins le coût environnemental 32 33 34 E. Brown-Weiss, «The Planetary Trust : Conservation and Intergenerational Equity» (1984) Ecology Law Quarterly, 11, p. 516519. Ibid., p. 520-521. Dividing the Waters : Food Security, Ecosystem Health, and the New Politics of Scarcity (1996) Worldwatch Paper 132, p. 43. 12 de ses modes de développement non viables en achetant l'eau sur une base commerciale. Les "jardins dans le désert", qu'ils soient américains ou israéliens35, ne sont pour l'heure pas soutenables bien qu'ils soient, à n'en pas douter, économiquement rentables. Or, un régime privé pour les Amériques, fondé sur la concurrence induite par la logique de marché, nous mène directement… là! En d'autres mots, la capacité financière d'acheter l'eau ou les technologies permettra à ceux qui en ont les moyens de continuer à bafouer allègrement les limites de la capacité portante des écosystèmes, par la prédation des ressources des autres et de celles des générations futures… UNE RÉGIME PUBLIC N’EST PAS UNE GARANTIE MAIS UNE POSSIBILITÉ Because the premise of the doctrine is that the public, as opposed to the government, possesses rights superior to any private claims, private rights are subjugated to public rights. The people retain sovereignty over public resources and the use of such resources, and therefore the state can neither exercise that sovereignty nor delegate authority to individuals in the form of property rights.36 Comme le souligne Federico Mayor, « l'eau est un bien social et patrimonial dont les utilisations humaines [doivent être] réglées par le droit. ». Or, le droit, son contenu, doit être déterminé démocratiquement, dans l’espace politique donc PUBLIC. Si le statut public d’une ressource ne garantit pas automatiquement que les règles devant s’y appliquer soient conformes à l’intérêt public de préservation et à la responsabilité publique de respect et de mise en œuvre des droits humains, il fournit au moins la possibilité de faire prévaloir des règles visant ces finalités sur les règles du marché. Au nombre de ces règles : 1. 35 36 Une limite obligatoire: la capacité portante des écosystèmes Pour la non soutenabilité du développement de l'ouest américain en termes d'utilisation des ressources en eau, voir l'excellent reportage de la CBC, American Thirst, Canada's Water' de novembre 2000 et pour le cas d'Israël voir les analyses des experts de Greencross International présentées au second forum mondial de l'eau, La Haye, mars 2000. T. L. Anderson et D. R. Leal, « Going With The Flow: Expanding The Water Markets » (1988) Policy Analysis, no. 104, 26 avril, p. 29. 13 Cela suppose aussi que nous limitions la distribution de l'eau pour les multiples usages à la capacité de reproduction/recyclage de la ressource, de manière à en assurer la pérennité ( par exemple: peu importe qu'il soit économiquement rentable pour le Canada de fournir de l'eau aux américains, une telle distribution devrait être soumise aux critères de priorité définis précédemment d'une part, et soumise à la limite de la capacité de reproduction des écosystèmes d'autre part). 2. Une hiérarchie des usages Cela suppose donc que nous établissions juridiquement une hiérarchie des usages plutôt que de laisser les priorités et les répartitions s'établir selon la loi de l'offre et de la demande, ceci tant au plan international que national. Dans cette perspective, eu égard à la reproduction de la vie sur terre et à l'égale dignité humaine, les besoins des écosystèmes ainsi que l'accès à l'eau potable pour les besoins de base (déterminés par certains experts au niveau de 50/litres/personne/jour37) même s'ils sont les usages les moins solvables, doivent être des usages prioritaires. 3. Une valeur socialement et politiquement déterminée Cela suppose ensuite, pour tenir compte de la valeur de l'eau, valeur globale et non valeur marchande, que nous établissions politiquement, puis juridiquement, un prix à l'eau selon ses différents usages: financement collectif des coûts associés aux besoins des écosystèmes et aux besoins humains de base, pour respecter le principe précédent; puis un prix progressif aux différents usages en fonction de leur utilité relative pour la collectivité, non seulement encore une fois en termes d'utilité économique mais en termes d'utilité globale… de santé, de meilleure alimentation, de bien-être, de culture, etc., jusqu'à être prohibitif à l'égard d'usages qui tendent à dilapider la ressource. 37 Recommandation de Peter Gleick, du Pacific Institute for Studies in Development, Envionment and Security, à l'UNESCO; cité par M. De Villers, L'eau (1999) Toronto/Paris/Montréal, Solin/Actes Sud/Léméac, p. 71. 14 4. La fin du "droit de détruire" Cela suppose aussi que le statut d'une ressource aussi vitale que l'eau soit celui d'un patrimoine collectif, non appropriable. Le droit de propriété classique comprend aussi, on l’a dit, le droit de détruire. Les mécanismes de protection de l'environnement et des ressources propres à la logique de marché considèrent la pollution, qu'on peut identifier aisément à une forme d'abusus, puisqu'il s'agit d'une dégradation sinon d'une destruction, à un usage, en compétition avec d'autres usages. Il s'agit, avant tout de choix politiques: dire que nous n'avons pas le choix des règles devant s'appliquer à une ressource vitale comme l'eau, c'est renoncer à la démocratie. D’AUTRES VALEURS EXIGENT D’AUTRES RÈGLES : RETROUVER LE SENS DE LA RES PUBLICA38, Plusieurs, surtout parmi les économistes de la Banque mondiale, considèrent que la résolution des conflits internationaux autour des ressources en eau passe par l’exploitation d’un marché commun de l’eau entre les États d’un bassin et même pour des transferts entre bassins39. C’est ce que les USA envisagent avec le Canada comme avec le Mexique et certains projets en ce sens ont déjà occupé les tables à dessins des ingénieurs dans les dernières décennies40. Cependant, « Les Canadiens apparaissent enclins à renoncer aux bénéfices éventuels de tels échanges dans le but de garantir l’intégrité ininterrompue du régime actuel de ressource en eau de leur pays. »41 D’autres valeurs que la seule valeur d’échange économique entreraient-elles en ligne de compte? Utiliser, entre autres, des outils économiques pour répondre à certains aspects de la problématique de l’eau pourrait paraître sensé, mais soumettre 38 39 40 41 G. D. Meyers, « Surveying the Law of the Land, Air, and Water : Features of Current International Environmental and Natural Resources Law, and Future Prospects for the Protection of Species Habitat to Preserve Global Biological Diversity » (1992) Colorado J. of Int’l Env’l L. & Pol’y, 3, p. 584; P. Streeten, «Des institutions pour un développement durable» (1992) Revue Tiers Monde, 33/130, avril-juin, p. 13. T. L. Anderson, « La marée montante des marchés de l’eau » dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit., p. 139. Ibid., p. 140. Il faut référence au projet de Grand Canal qui envisageait le captage des eaux douces se déversant dans la Baie James à la fonte des neiges et leur transfert vers les États-Unis . T. L. Anderson, « La marée montante des marchés de l’eau » dans M. Falque et M. Massenet (dir.), op. cit., p. 139. 15 cette ressource vitale, multifonctionnelle, à une seule rationalité apparaît inacceptable au regard des finalités des droits humains, de la préservation des ressources et des écosystèmes, et de la paix. On le voit bien, pour la préservation et la redistribution des ressources en eau douce, il y a urgence à reposer collectivement les questions fondamentales sur les choix politiques qui décideront de l'avenir et les choix politiques sont par définition publics et non privés. La redistribution, et donc l’échange, qui apparaît essentiel au vu de l’inégale répartition des ressources en eau, n’est pas tenue de s’effectuer sur des bases marchandes.42 Il faut, comme le faisait Marcuse, questionner la légitimité de certains fondements idéologiques qui s’imposent comme des données de nature: « Pourquoi la production et la distribution des biens devraient-elles subir la concurrence des libertés individuelles alors que des nécessités vitales sont en jeu? »43 La protection de la nature n’est pas “négociable”. Lui appliquer la logique marchande, c’est la ruiner par avance. Il est vrai que la limite entre la sphère marchande et celle de l’intérêt général est en voie de disparition dans les sociétés dont les frontières s’effacent sous l’effet de la mondialisation. Mais, de ce fait, le niveau mondial est le seul pertinent pour réinventer l’intérêt général et dire ce qui doit par nature échapper au négoce, lequel est toujours un compromis. La protection de l’humanité et de ses conditions de survie est un absolu sur lequel aucune transaction n’est admissible.44 Et l'eau, à n'en pas douter, fait bel et bien partie de ces conditions de survie sur lesquelles aucune transaction n'est admissible! Voilà pourquoi la proposition "de marché" apparaît irrecevable. Mais cette considération de l’intérêt public, issue des espaces politiques organisés, ne trouve plus à s’appliquer dès lors que le marché se déploie dans l’espace international. Le droit international doit donc assumer son rôle, le rôle du droit, tant au plan international qu’au plan du droit interne, restant celui de « civiliser » les rapports sociaux: « Au fond, il nous appartient encore et toujours 42 43 44 K. Polanyi, La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps (1944) Paris, Gallimard, éd. 1983. H. Marcuse, L'Homme unidimensionnel (1971) Paris, Editions de Minuit. M. Chemillier-Gendreau, “Marchandisation de la survie planétaire” (1998) Le Monde diplomatique, janvier, p. 3. 16 de sortir de l’état de nature. À peine croyons-nous en émerger que déjà il menace de nous reprendre, aujourd’hui par exemple, sous la forme de la violence du marché, nouvel état de nature. »45 45 F. Ost, «Générations futures et patrimoine» dans Les clés du 21e siècle (2000) Paris, UNESCO/Seuil, p. 212. 17