n`inquiète ni ne trouble. Je veux que les hommes épuisés et fatigués
Transcription
n`inquiète ni ne trouble. Je veux que les hommes épuisés et fatigués
HENRI MATISSE LES ANNEES FAUVES, LE CHOC DE LA COULEUR L’été 1905, où Derain rejoint Matisse à Collioure, a été pour les deux peintres, un tournant radical, une découverte de la lumière et une expérimentation continue. Le Portrait d'Henri Matisse par Derain -1905-Tate est ainsi un flamboiement de couleur. Les ombres y sont bleues ou vertes! Or Matisse affirme "Je veux un art équilibré et pur, qui n'inquiète ni ne trouble. Je veux que les hommes épuisés et fatigués jouissent du calme et du repos devant mes tableaux"". Tout le paradoxe du peintre!!! Si le spectateur est séduit par la ligne et la couleur, il lui faut aller au-delà du sujet, chercher l'expression de l'espace particulier comme dans Intérieur à Nice, la sieste, 1920.21 New York. Dans Intérieur à Collioure, la sieste, été 1906 ou été 1906, CP Suisse, le sujet est secondaire, ce qui l'intéresse c'est la réflexion sur la peinture. Les impressionnistes ont ouvert la voie… Qu'est-ce que la couleur, les effets dans la composition et sur le spectateur? Quels sont les rapports avec l'espace, le volume? La peinture est-elle imitation de la nature ou bien processus intellectuel de création? Henri Matisse, (Henri Emile Benoit Matisse) né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis. Fils d'un marchand de grains du Cateau, il commence des études juridiques, passe sa capacité en droit à Paris (1888), entre comme clerc chez un avoué de Saint-Quentin (1889) ; À 20 ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines. Pour occuper ses journées, sa mère lui offre une boîte de peinture. Il découvre alors le plaisir de peindre. Dès son rétablissement, tout en réintégrant l'étude, il s'inscrit au cours de dessin de l'école Quentin de La Tour destinée aux dessinateurs en textile de l'industrie locale. Son premier tableau Nature morte avec des livres (musée Matisse, Nice), est daté de juin 1890. En 1890, Henri abandonne définitivement les études de droit pour se consacrer à la peinture et l'année suivante, il s'installe à Paris où il s'inscrit à l'académie Jullian pour préparer le concours de l'Ecole des Beaux Arts. Il échoue une première fois en 1891.92 et quitte l'académie alors dirigée par Bouguereau. Dispensé de celui-ci, grâce à l'intervention de Gustave Moreau, dans l'atelier duquel il travaille à partir de 1892, il gardera toujours une profonde reconnaissance à ce maître, dont l'enseignement éveille les talents sans les contraindre. Rouault, Charles Camoin (1879-1965), Henri Evenepoel (1872-1899), Henri Manguin (1874-1949) sont élèves de cet atelier et bientôt aussi Marquet, que Matisse a rencontré aux cours du soir de l'École des arts décoratifs. Il visite les expositions de Jean-Baptiste Camille Corot et celles de Paul Cézanne. G Moreau est un maître formidable, qui lui prédit "vous allez simplifier la peinture" Ces années d'études montrent de sages recherches : copies au Louvre (Fragonard, Delacroix, Chardin surtout), paysages exécutés en plein air en compagnie de Marquet et tableaux d'atelier acceptés au Salon de la Société nationale des beaux-arts, où l'État achète en 1895 la Liseuse pour le château de Rambouillet (Mnam). Il éclaircit sa palette. A partir de cette date, la révélation de l'impressionnisme et l'émerveillement de la lumière méridionale (séjour en Corse, puis à Toulouse, d'où est originaire sa jeune épouse, Noémie Parayre) orientent l'art de Matisse vers de nouveaux intérêts. G Moreau s'en inquiète. La Desserte 1897 CP Il quitte les Beaux-Arts, le très académique Fernand Cormon ayant remplacé Moreau (?-1898) et fréquente l'académie Carrière, où il se lie avec Derain, qui lui présentera Vlaminck. L'atelier sous les toits, 1901-1904, Fitzwilliam Museum, Cambridge. Ce tableau montre son évolution. Le thème de la fenêtre est récurent, c'est une métaphore de la peinture, une ouverture sur un autre monde. Ici Matisse ouvre sur la couleur. Dans L'homme nu- v1900-MOMA, Matisse semble s'orienter, comme Rouault, vers un expressionnisme issu des études préparatoires de Moreau. Certes la couleur apparaît en trainée, mais il manque d'audace, il expérimente. Le débat sur la couleur est alors très vif. Dans Intérieur à l'Harmonium-v1900-Nice, il regarde Cézanne et son système de perspective. La composition est impossible, très audacieuse. Il y juxtapose une plongée et une vue montante. (Pour lui "Cézanne est notre père à tous") Dans Nu à la serviette blanche, 1903, CP il montre sa connaissance des théories de la couleur et des couleurs arbitraires. Les couleurs acides, les bleus arbitraires font grincer des dents. Il travaille et en 1905 c'est l'explosion au salon. Femme au chapeau-1905-San Francisco Le scandale arrive Salon d'Automne 1905 : la cage aux fauves. L'exposition des jeunes peintres réunis autour d'Henri Matisse dans la salle VII du Salon d'Automne de 1905 provoque une véritable déflagration dans le milieu de l'art. La peinture aux couleurs arbitraires et aux larges aplats de Matisse, Derain, Vlaminck ou Marquet bouleverse les codes de la représentation. Le critique d'art Louis Vauxcelles qualifie péjorativement ces artistes de « fauves » - Donatello dans la cage aux fauves). La couleur est jetée à la face du public, la figure humaine est traitée avec une certaine indifférence. On est loin des carnations beige rosée!!! La plage rouge, Collioure-1905-Fondation Fridart est un éblouissement de lumière méditerranéenne Cela il le doit aussi à Signac. (Signac La Voile Verte(Venise)-1904-M. Orsay). Depuis 1901, il expose au Salon des indépendants, présidé par Paul Signac, dont il a médité le texte paru en 1899 dans la Revue blanche et consacré au néoimpressionnisme. Ce mouvement issu des théories de Seurat et lié aux sciences optiques et à la réflexion sur la couleur et sa perception. Le néo-impressionnisme est une technique qui consiste à peindre par juxtaposition de petites "taches" de peinture de couleurs primaires (rouge, bleu et jaune) et de couleurs complémentaires (orange, violet et vert). On perçoit néanmoins des couleurs secondaires, par le mélange optique des six différents tons seulement. Déjà Eugène Chevreul, chimiste aux Gobelins avait élaboré un nuancier de 14400 tons en 1839 et un traité de la couleur à l'usage des peintres et des tapissiers (lu par Delacroix) De la loi du contraste simultané des couleurs et de l'assortiment des objets colorés, où il analyse la lumière et la couleur. Pour représenter les émotions, le rythme et le mouvement dans leurs toiles, les peintres néo-impressionnismes ont utilisé une théorie sur les lignes et les couleurs. Les lignes montantes combinées aux couleurs chaudes expriment la joie et le bonheur ; tandis que lignes qui descendent avec des couleurs froides et sombres reflètent le sentiment de tristesse. Retrouvant cet artiste, accompagné d'Henri Edmond Cross (1856-1910), à Saint-Tropez en 1904, il va expérimenter ce système. Si La terrasse de Signac(Saint-Tropez)-1904-Boston, Isabella Stuwart Gardner Mus. Déplait à Signac, en revanche Le golfe de Saint-Tropez - Düsseldorf a ses faveurs. Il fractionne la touche et utilise la couleur pure. Mais ne renonce pas à citer Cézanne (le pin). Madame Matisse et Pierre se confondent dans la couleur. En 1904, il travaille à l'esquisse de Luxe calme et volupté-MOMA. La touche s'élargit en pastille "signacienne". Le pin est monté par la couleur et il utilise le cerne de contour. Luxe calme et volupté-1904-M. Orsay est le chef d'œuvre de cette période. Il a une compréhension parfaite de la technique et de la théorie de la couleur, du fractionnement de la touche et de la ligne. Il mélange librement réalité et expression d'u paradis, d'un âge d'or. Il y a aussi référence à Ingres (le bain Turc) et à E Cross. Il l'expose au Salon des indépendants de 1905, où se tiennent des rétrospectives Seurat et Van Gogh. La révélation du génie transcendant un système chez l'un et niant toute contrainte chez l'autre est complétée au cours de l'été par celle des Gauguin de Tahiti appartenant à Daniel de Monfreid (1856-1929), auquel Matisse et Derain rendent visite pendant leurs vacances à Collioure. Dans La japonaise au bord de l'eau-MOMA, il intègre la figure humaine dans un système de calligraphie colorée qui devient ainsi élément du décor. Elle est quasiment absorbée. Mais Collioure c'est le paysage, la lumière franche et l'ombre colorée, une végétation luxuriante et une ville de couleurs. Dans Paysage de Collioure été 1905-Copenhague et Paysage à Collioure été 1905-N.Y.MOMA il met en place la leçon de Gauguin (rétrospective de 1904). La Gitane-Saint-Tropez, 1905- M. Annonciade illustre bien le paradoxe de Matisse face à la figure humaine. Il n'y a pas volonté de ressemblance mais il s'agit plus d'un champ d'expérience. Il exprime ainsi son sentiment quasi religieux qu'il a de la vie. Il veut rompre avec la tradition et avec les procédés académiques. Plus de perspective et de modelé, il use des contrastes colorés pour exprimer le volume couleur. Dans Portrait de Mme Matisse-Raie verte-Copenhague la recherche formelle est plus importante encore, la couleur se substitue à la ligne pour marquer le volume, l'opposition entre les deux taches rouge et mauve, chaudes à gauche et le vert à droite suffisent pour exprimer la profondeur. Nul besoin d'accessoire pour suggérer la profondeur comme dans la peinture classique de portrait. Le traitement du nez prouve, qu'au clair-obscur et au modelé, on peut opposer une simple ligne verte pour marquer l'ombre et deux taches vertes pour le modelé. C'est ce que van Gogh a exprimé lorsqu'il parle de qualités spatiales et affectives de la couleur. Toute l'oeuvre de Matisse sera un combat entre ligne et couleur. Puis il combine deux systèmes colorés. La fenêtre ouverte à Collioure-1905 -NY.CP montre bien une fenêtre qui s'ouvre sur le paysage. Tout ce qui est intérieur de la pièce est à rattacher au système développé par Gauguin (applat, cerne, couleurs arbitraire, non descriptives), alors que l'extérieur reprend ses droit. La couleur peut en fait devenir abstraite. La ligne de contour est abandonnée (Cézanne). La perspective n'existe pas dans la nature, c'est un système créé par l'homme pour représenter. Ce qui est important ce n'est pas la nature, ce n'est qu'un leurre, mais ce qui se passe sur la toile. La peinture devient motif en soi. Le Bonheur de vivre 1906 Merion, Fondation Barnes, Pennsylvanie est une immense toile dont les personnages sont inspirés des Baigneuses de Cézanne est mal reçue par la critique. Présentée au salon des indépendants de 1906 c'est le plus éclatant manifeste de l'immersion de Matisse dans le monde de la peinture. On le critique pour ses couleurs qui n'ont rien à voir avec la réalité, ses figures blanches et vides. Le tableau est acheté par Léo Stein et vu par Picasso qui la reçoit comme un défi. Les Stein sont 3 grands collectionneurs américains vivant à Paris qui ont acheté Matisse et Picasso, et les ont fait se rencontrer. Matisse refuse toujours ce qui peut fâcher. Il n'y aura jamais d'allusion dans sa peinture aux événements tragiques de la vie. Cette période marque également la reconnaissance de son travail, lui permettant enfin une relative aisance matérielle. Matisse devient le chef de file du fauvisme. Il entre en contact avec l'art africain. En 1906, Matisse effectue un voyage à Biskra en Algérie. Il exécute ensuite Le Nu bleu, souvenir de Biskra, 1907, Baltimore dans lequel il schématise le corps de la femme, rabat la fesse qui est une masse peinte en blanc et cette zone contrastée donne du volume. Il n'est pas le seul à s'intéresser à cet art. DERAIN présente ses grandes Baigneuses I, 1907 dans lequel il grade la couleur du fauvisme mais géométrise les corps. Picasso comprend tout l'enjeu du tableau et décide d'y répondre avec Les demoiselles d'Avignon, juillet 1907caractérisé par la destruction du visage et l'absence de perspective. Matisse voit le tableau dans l'atelier de Picasso, comprend la réponse à ses tableaux mais ne dit rien. Matisse, bien que défendu encore par Apollinaire est abandonné comme chez de file de l'avant garde. Il rompt avec Picasso jusqu'en 1913. Le Luxe I -1907-MNAM et Le Luxe II, 1907 sont les réponses qu'il fait à Picasso. La peinture peut être heureuse. La seule concession est à rechercher dans l'assourdissement de la couleur. La ligne est plus présente que la couleur. Non seulement il répond à Picasso mais il cite d'une certaine façon le bain turc de Ingres exposé alors au salon d'automne en 1905. La volupté la sensualité, les thèmes orientalisant, la ligne imprègnent matisse. Picasso y voit une grande sensualité mais surtout un érotisme exacerbé et une déformation des corps. Matisse reprend cette déformation au profit de la ligne. A partir de 1909, il réintroduit la couleur descriptive dans les Joueurs de boules 1909-St Petersbourg Ermitage et Les baigneuses et la tortues-1908-St-Louis; il s'agit d'un hommage à Gauguin (notamment le visage du centre). Le monde dionysiaque fait réponse au monde de Picasso. Le collectionneur russe Tchoukine commande pour l'escalier de son hôtel particulier moscovite un décor à Matisse. Danse I- -NY MOMA, La danse II-1910-11-St-Petersbourg. Un des rares tableaux dans lequel il y a chez Matisse de l'agitation, un mouvement. Il s'agit en réalité d'une danse sarde. Immédiatement après il réalise La musique-1910-L'Ermitage. Pour retrouver le paradis perdu, il part au Maroc deux hivers consécutifs où il retrouvera cette végétation luxuriante et trouvera une résolution à ses problèmes picturaux. Il tire son bonheur de la peinture.