Quant une intercommunalité prend le relais de La Poste

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Quant une intercommunalité prend le relais de La Poste
Mission d’intérêt général
Quant une intercommunalité prend le relais de La Poste
Dans le cadre du contrat de plan1 signé avec l’État, La Poste a entrepris une réorganisation territoriale de ses
services d’intérêt général afin de les rendre plus efficaces mais aussi plus rentables. C’est pourquoi, nombre de
communes voient leurs bureaux postaux fermer en milieu rural. Existe-t-il un espace de négociation pour les
intercommunalités ? L’exemple de la communauté de communes du Val de Garonne.
En 2006, des municipalités de la communauté de communes du Val de
Garonne (CCVG) se trouvant confrontées à un projet de fermeture de bureaux,
l’intercommunalité a alors décidé de se
substituer à elles pour négocier un compromis. S’il n’existe pas de compétence
communautaire explicite pour gérer ce
genre de problématique, Gérard Gouzes, président de la CCVG, précise que
« la sous-préfecture, s’appuyant sur une
directive du gouvernement, a considéré
cette négociation comme une convention de partenariat », le cadre légal était
ainsi respecté.
Une convention territoriale
À la suite de multiples réunions de
travail, le 24 octobre, le Conseil communautaire de la CCVG a, après délibération, approuvé les divers points
d’organisation et de financement étudiés avec La Poste et développés dans le
cadre de la convention territoriale et de
conventions2 spécifiques liées à la mise
en place des sept agences postales intercommunales.
En effet, à travers ces conventions, le
groupe La Poste pendant neuf ans renouvelables, s’engage à ne fermer aucun de
ses bureaux moyennant la création de
six agences postales intercommunales
et d’un relais postal commerçant. Les
sept communes directement concernées
par cet accord mettent à disposition les
locaux pour lesquels elles assureront les
charges habituelles pour tout propriétaire. À la communauté de communes
incombent le recrutement et le financement du personnel nécessaire pour assurer les prestations postales des agences,
ainsi que les dépenses de fonctionne-
Entretien Gérard Gouzes,
ment de chacune de celles-ci (nettoyage,
eau, chauffage, électricité, le téléphone). En contrepartie, La Poste, fournit
le matériel (balance, armoire forte) et
l’équipement informatique, ainsi que le
petit matériel, imprimés et fournitures
postales nécessaires. Elle indemnisera
également la communauté de communes à hauteur de 914 euros par mois
et par agence postale, soit 5 484 euros
par mois.
Que cette refonte des services de La
Poste inquiète les usagers, les élus de
la CCVG en sont conscients. Cependant, Gérard Gouzes souligne « qu’il
nous a semblé essentiel de rechercher
un consensus avec La Poste, en prenant
en compte ses impératifs de rentabilité,
afin de maintenir un service accessible à
l’ensemble de la population et garantissant l’attractivité du territoire dans les
années à venir ».
Cette initiative permet d’apprécier l’espace de solidarité et de projet que peut
représenter un groupement intercommunal. D’ailleurs, la communauté de
communes du Val de Garonne souhaite
poursuivre cette démarche et lancer une
réflexion visant à l’extension des compétences de ces bureaux intercommunaux
et à s’assurer de leur pérennisation, en les
faisant par exemple évoluer en relais de
proximité de la communauté ouverts à
l’ensemble de la population.
1. Contrat de plan 2003-2007, « Performances et
Convergences », signé le 13/12/04 par Jean-Paul
Bailly, Président du groupe La Poste et Nicole
Fontaine, ministre déléguée à l’Industrie.
2. Convention rappelant le cadre général développé
dans la convention territoriale et précisant les services (postaux, financiers, autres produits) proposés au
public de l’agence ainsi que les modalités de fonctionnement de l’agence.
président de la communauté de communes du Val de Garonne
« Nous allons créer six bureaux postaux avec des salariés de la communauté »
La CCVG est la première intercommunalité à avoir signé une
« convention territoriale » avec La Poste :
quelles sont les logiques qui vous ont
conduit à une telle
contractualisation ?
Lorsque l’on est un farouche partisant du développement des services publics, c’est-à-dire prêt à mettre en
place les conditions financières nécessaires pour la survie
de services déficitaires mais importants pour la population, on essaie d’abord de se battre pour les conserver
sur du long terme.
Chaque année, les petites communes rurales de la
CCVG se trouvaient isolées dans leurs négociations
avec La Poste face aux menaces de suppressions de
bureaux ou de diminutions d’horaires… La convention
que nous avons signée avec La Poste nous amène à une
contractualisation pour neuf ans, renouvelable, avec la
possibilité d’envisager d’éventuelles adaptations. Ainsi,
la communauté de communes a permis une certaine
stabilité dans la négociation et dans le positionnement
des services publics.
Bureaux sauvés, emplois
préservés : quel bilan pouvez-vous
dresser aujourd’hui ?
Nous avons accepté de créer six agences postales intercommunales qui vont être tenues par trois personnes,
voire quatre, à temps plein. Ces salariés seront membres de la fonction publique territoriale. Ils ont été
recrutés parmi les salariés précaires qui travaillaient à
La Poste. Au-delà du maintien des bureaux postaux,
ces agents vont passer d’une situation d’instabilité et
de fragilité à un véritable statut d’employé à trentecinq heures.
De plus, tout en travaillant pour La Poste, la communauté souhaite que leur mission investisse également le
champs des services proposés par la CCVG, tels la vente
des places pour la piscine intercommunale « Aquaval »,
vente de billets pour les musées…
Ainsi, ces bureaux de poste vont devenir, en quelque
sorte, des maisons de services publics sur toute une série
de sujets, ils seront aussi des annexes de la communauté
de communes.
Est-ce le signe que le maintien des
services publics ne peut se concevoir
qu’en engageant un partenariat avec
les collectivités locales ? Quel est
l’apport de l’intercommunalité pour
penser l’organisation de l’offre
des services publics ?
La CCVG a été une importante force de négociation a
obtenue que, de trois bureaux principaux « de terrains
proposés », un quatrième a pu être validé. Nous avons
également conservés tous nos bureaux postaux. Ainsi,
nous avons les quatre catégories, soit les quatre « terrains », les bureaux postaux, les agences intercommunales et les relais commerçants. La force d’un groupement
intercommunal est de défendre la solidarité territoriale,
car si nous n’avions pas fait cela, les petites communes
face à la poste se seraient retrouvées démunies, sans
pouvoir de négociation, et les bureaux postaux auraient
été supprimés les uns après les autres. Bien sûr, nous
pouvons regretter que la politique actuelle de la poste
soit de penser plus en terme de rentabilité qu’en mission de service public. Mais grâce à cette négociation
qui a parfois été rude, nous avons réussi à arrêter le
déclin postal dans nos campagnes.
La communauté a-t-elle les moyens
financiers pour relayer d’autres
établissements dans leurs missions
de service public ? Est-ce son rôle ?
La convention territoriale, que nous avons signé, nous
engage à motiver les habitants de ces communes afin
qu’ils se rendent dans ces agences postales. Souvent,
nos concitoyens préfèrent aller à la ville centre pour
régler leurs problèmes postaux et progressivement,
la poste locale finit par voir baisser sa fréquentation ;
d’où la décision de fermeture prise au niveau national.
Inverser cette tendance peut permettre à ces bureaux
postaux de redevenir actifs et rentables. Aujourd’hui,
notre objectif n’est pas de seulement critiquer une certaine politique de disparition des services publics, nous
essayons aussi d’être pragmatique. Il s’agit de se battre
dans le contexte tel qu’il existe et non pas tel qu’on le
souhaiterait. À cet égard, les élus ont estimé que ce
type de négociation était préférable aux processions
de banderoles.
Quand on fait un projet de territoire, il se doit de
prendre en compte la dimension de services publics.
Aujourd’hui on ne peut plus déléguer à l’État seul
cette mission de proximité. C’est pourquoi, nous avons
estimé que c’était aux élus intercommunaux de s’en
emparer et de la développer.
Cela a un coût, mais c’est un autre problème ; à nous
de le traiter sur un plan politique, je crois qu’il faudra
redéfinir un jour la fiscalité locale d’une autre façon.
En effet j’estime que lorsque l’État nous délègue
un certain nombre de compétences, il est important qu’il nous accompagne financièrement, ce qui
n’est pas le cas aujourd’hui. C’est cela la véritable
décentralisation.
Propos recueillis par Fabienne Boucher
Intercommunalités • AdCF • N° 107 - décembre 2006
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