Promouvoir l`autonomisation des femmes
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Promouvoir l`autonomisation des femmes
Promouvoir l’autonomisation des femmes: les collectivités territoriales peuvent-elles accélérer l’égalité des sexes? L’efficacité du développement est évaluée en fonction des résultats obtenus par les politiques, services et mesures gouvernementales ainsi que par l’utilisation des ressources financières. Les objectifs du Millénaire pour le développement identifient une série d’objectifs qui doivent être atteints d’ici 2015. À partir de 2010, de nombreux indicateurs montrent des avancées positives pour la réalisation de ces objectifs, mais un certain nombre d’autres sont à la traîne. On dispose de données suffisantes montrant que l’inégalité entre les sexes est un obstacle capital à la réalisation des OMD concernant la faim, la pauvreté, la santé, l’éducation, la durabilité environnementale et la lutte contre le VIH/SIDA ou d’autres maladies. En 2010, un rapport de l’UNIFEM annonce que « les avancées sont plus lentes sur les dimensions sexospécifiques de ces objectifs – depuis l’amélioration de la santé maternelle et l’accès à un travail décent jusqu’à l’éradication de la faim ». La plupart des OMD dépendent de la prestation de services et de l’élimination de facteurs qui contribuent à faire obstacle à ces objectifs, en particulier ceux liés à l’inégalité entre les sexes et à la discrimination. Les collectivités locales sont les vecteurs privilégiés pour formuler des interventions visant à la fois à éliminer les obstacles à l’équité dans le contexte local, et à garantir l’équité et l’efficacité dans la planification, la budgétisation, la prestation de services et la supervision du gouvernement. L’accès limité des femmes aux ressources éducatives et productives entrave leur capacité à contribuer au développement économique local. En outre, étant donné les responsabilités des femmes en matière de soins, celles-ci doivent souvent passer une grande partie de leur temps à des travaux non rémunérés, en particulier lorsque les services publics liés à la santé, aux infrastructures, à l’approvisionnement en eau et à la garde des enfants sont inexistants. Par conséquent, leur capacité à s’investir dans des activités génératrices de revenus est donc limitée. Ces lacunes et ces préjugés impactent la capacité des femmes à générer des revenus et à contribuer à la croissance économique en tant qu’agents de développement. Dans ce contexte, et dans leur effort pour favoriser le développement économique local, les collectivités locales devraient assurer des investissements qui s’attaquent à ces limitations. Les femmes ne sont pas les seules à ressentir les effets négatifs du manque d’investissement dans leurs capacités. Le bien-être de leurs enfants et les objectifs de réduction de la pauvreté et de croissance économique sont également touchés. 38 Les politiques de décentralisation aident-elles les collectivités locales à faire progresser l’égalité entre les sexes et les droits des femmes ? On considère que la décentralisation conduit à des résultats plus positifs en matière de développement. Dans de nombreux pays en voie de développement, les processus de décentralisation en sont à leurs balbutiements. Dans la plupart des contextes, les besoins institutionnels, politiques et les compétences n’ont pas été suffisamment développés pour permettre aux collectivités locales et aux organes représentatifs de fonctionner efficacement. Les témoignages sur la façon dont les femmes sont touchées par ces politiques de décentralisation – et la mesure dans laquelle elles ont été impliquées dans la mise en œuvre et les résultats de ces politiques – montrent que celles-ci sont toujours confrontées à des défis importants au niveau local. Toutefois, il est clair que si les politiques de décentralisation ne comportent pas des mesures spécifiques pour intégrer les questions liées au genre, la participation des femmes dans les processus de développement local restera minime. De même, sans ces dispositions, les plans locaux, les budgets et les systèmes de surveillance ne rendront pas suffisamment compte des intérêts des femmes ou de leurs priorités. L’accès des femmes aux services qui leur permettront de s’acquitter de leurs rôles reproductifs et productifs restera également limité. Quels sont les facteurs qui facilitent la contribution des collectivités locales à la promotion des droits des femmes au niveau local ? Les engagements nationaux visant à la réalisation de l’égalité entre les sexes sont pris au niveau du gouvernement central via des plans nationaux pour la promotion de la femme. Toutefois, la mise en œuvre de ces engagements exige la mise en place, au niveau local, de mécanismes et de politiques appropriés. Au Mozambique, le Plan national pour la promotion de la femme comprend une stratégie de mise en œuvre (en place depuis 2006) qui assigne des unités et des points focaux spécialisés dans les questions liées au genre, dans tous les secteurs, au niveau central, provincial et du district. De même, les mesures établissant des quotas pour la participation des femmes dans l’élaboration des politiques peuvent garantir la présence active et efficace des femmes dans des rôles de leadership au sein des collectivités locales » (IDRC, 2008). Par exemple, en Tanzanie, le gouvernement a mis en place un système de quotas qui réserve 33 pour cent des sièges du conseil pour les femmes. En 2009, le gouvernement du Maroc a institué un quota réservant aux femmes 12 % des sièges des conseils municipaux sur un total de presque 28 000 sièges. Un autre facteur essentiel influant sur la capacité des collectivités locales à soutenir un développement local équitable entre les sexes est le système de décentralisation fiscale en vigueur. Dans certains pays, il existe souvent un décalage entre les responsabilités et les fonctions déléguées aux autorités locales et les ressources financières transférées ou les services nécessaires pour percevoir les recettes. Les transferts fiscaux en provenance du gouvernement central et les services de collecte des recettes sont souvent insuffisants pour permettre aux collectivités locales de répondre aux besoins du niveau local. Les fonds 39 Poursuivre les OMD grâce aux collectivités territoriales reçus par les collectivités locales sont souvent destinés à des programmes spécifiques ou à des coûts de fonctionnement, ce qui laisse peu de possibilité pour le financement des services dont la communauté a tant besoin. Enfin, la décentralisation, sensible aux questions de genre et de pauvreté, exige des compétences pour la compréhension et la mise en œuvre de la planification, la budgétisation, la prestation de services, et le suivi. Les collectivités locales n’ont pas souvent les ressources humaines nécessaires pour remplir les fonctions attendues. Un certain nombre d’organisations de développement et d’agences des Nations Unies (telles que le PNUD, l’UNCDF, UN-Habitat, la Banque mondiale, les banques régionales de développement et l’Asia Foundation) ont fourni une assistance technique pour soutenir le développement des capacités des collectivités locales et des acteurs locaux afin d’améliorer la planification au niveau local et les opérations de budgétisation. Toutefois, il est important d’examiner dans quelle mesure ces interventions ont intégré la prestation de services et les approches des compétences liées au genre telles que l’analyse sexospécifique. Quels sont les mécanismes qui peuvent inciter les collectivités locales à répondre aux besoins et priorités des femmes ? Sont-ils efficaces ? Les collectivités locales dotées de ressources limitées font face à de multiples défis et contraintes pour satisfaire à des besoins contradictoires. Il est parfois nécessaire d’accompagner les mesures visant à améliorer la qualité et l’efficacité des programmes locaux par un système d’incitation au sein du secteur public qui récompense de tels efforts. Les systèmes de responsabilisation sensible au genre exigent que l’égalité entre les sexes soit l’une des normes servant à évaluer la performance des décideurs. En Ouganda, l’évaluation des performances des collectivités locales utilise le critère de l’égalité entre les sexes. Selon ce mécanisme, si un district atteint un score élevé sur la partie de l’évaluation concernant l’égalité entre les sexes, il a droit à une allocation supplémentaire par le biais de subventions sans conditions. De quelle manière les collectivités locales peuvent-elles soutenir un développement local fondé sur l’équité entre les sexes ? Les politiques de décentralisation établissent les cadres réglementaires permettant de déléguer des pouvoirs à l’échelon des collectivités locales et régissent les relations entre les échelons central et local dans un contexte décentralisé. La mise en œuvre de ces pouvoirs est concrétisée par les collectivités locales grâce à la planification et à la budgétisation locales. Les processus locaux de planification et de budgétisation doivent accorder une attention particulière aux inégalités persistantes entre les sexes, aux préjugés sexistes et aux besoins différents des hommes et des femmes, des garçons et des filles. Par exemple, dans le domaine de la santé, tandis que les hommes et les femmes ont des besoins 40 similaires en termes de grippe et de paludisme, les femmes ont des besoins différents et plus importants que les hommes en termes de santé liée à la reproduction. Dans le domaine de l’agriculture, le manque d’accès des femmes à la terre et l’insécurité de leurs droits de propriété entrave considérablement leur accès aux services agricoles (y compris le crédit) qui nécessitent des titres de propriété officiels. Un approvisionnement en eau inadéquat peut imposer un plus lourd fardeau aux femmes qu’aux hommes, car la collecte de l’eau est une tâche accomplie essentiellement par les femmes. Les initiatives locales de budgétisation sensible au genre tentent de lutter contre les inégalités entre les sexes et d’intégrer ces problématiques dans les programmes de développement local (PDL). La budgétisation sensible au genre oblige les fonctionnaires à réfléchir d’une autre façon sur les finances et à voir comment les budgets répondent aux besoins des citoyens de sexe masculin et féminin. Un certain nombre de programmes novateurs visent à renforcer le lien entre décentralisation et égalité entre les sexes, et à engendrer une planification et une budgétisation au niveau local. En 2008, l’UNIFEM et l’UNCDF ont lancé un Programme de développement local fondé sur l’équité entre les sexes dans cinq pays africains (Mozambique, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone et Tanzanie). Ce programme vise à améliorer l’accès des femmes aux ressources et services au niveau local en assurant une planification, une programmation et une budgétisation sensibles au genre. Le programme incite les collectivités locales à concevoir, planifier et surveiller les budgets destinés à garantir que les fonds publics et les programmes parviennent aux personnes qui en ont le plus besoin. Comment les collectivités locales peuvent-elles identifier les interventions pour garantir des résultats équitables entre les sexes ? L’analyse liée au genre est la base du développement local fondé sur l’équité entre les sexes. Les collectivités locales doivent veiller à ce que les décisions de planification et de budgétisation soient basées sur une bonne compréhension des inégalités entre les sexes et des besoins des femmes. Une telle analyse peut être effectuée en collaboration avec les points focaux liés au genre et les mécanismes de soutien institutionnel. Il est également utile d’établir des processus de dialogue participatif avec les groupes de femmes au niveau local pour identifier les besoins et les priorités. Les expériences sur la budgétisation participative, en provenance d’Amérique latine, proposent une multitude de bonnes pratiques. Les statistiques ventilées par sexe sont également utiles pour déterminer les inégalités en termes d’accès aux services au niveau local. L’examen des dossiers des organismes de prestation de services locaux tels que les dispensaires, les écoles, les services de vulgarisation agricole, constitue une source d’information précieuse sur les bénéficiaires et les disparités entre les sexes. Au Pakistan, les écoles rurales pour filles ont montré des taux de scolarisation très faibles en raison d’un manque de logements pour les enseignantes femmes. 41 Poursuivre les OMD grâce aux collectivités territoriales Il existe toute une gamme d’outils qui peuvent être utilisés pour soutenir ces efforts. Par exemple, la South African Local Government Association (Association des collectivités locales sud-africaines) a élaboré une liste de contrôle qui met en lumière certaines des questions clés que les municipalités devraient considérer afin de promouvoir la participation des femmes dans le processus décisionnel municipal. Cette liste peut servir à guider les décisions des municipalités en matière de planification et de budget. Qui sont les parties prenantes qui peuvent soutenir un développement local fondé sur l’équité entre les sexes, et comment peuvent-ils s’attaquer aux facteurs qui minent la capacité des collectivités locales à favoriser l’égalité entre les sexes ? L’efficacité des collectivités locales dans la mise en place d’une planification et d’une budgétisation sensibles au genre et dans l’obtention d’un développement local basé sur l’égalité entre les sexes dépend d’une diversité d’acteurs qui apportent leur contribution chacun à leur manière. Le gouvernement central joue un rôle dans la régulation et la supervision des collectivités locales ; il doit veiller à ce que celles-ci disposent des pouvoirs, des ressources humaines et des budgets nécessaires pour s’acquitter de leurs responsabilités. Les institutions en charge des affaires féminines et leurs organisations connexes sont des acteurs clés du processus, aux niveaux local et central. Elles peuvent fournir un appui technique et faciliter le dialogue entre les collectivités locales, les militants de l’égalité entre les sexes et les organisations de femmes, mais aussi aider les collectivités locales à identifier les domaines prioritaires. Les donateurs et les agences des Nations Unies peuvent veiller à ce que les collectivités locales puissent exercer ces fonctions en assurant le financement et l’assistance technique sensibles au genre. Tout au long du processus de planification et de budgétisation, il faut entretenir un environnement de partenariat, de dialogue et de responsabilité conjointe. L’engagement de la société civile, notamment des organisations de femmes et des représentants locaux, en tant que partenaires du processus, est essentiel à la réussite de ces efforts. Questions à débattre : 1. Les collectivités locales pourraient-elles jouer un rôle dans la promotion de l’égalité entre les sexes ? Si oui, comment peuvent-elles devenir un instrument au service du développement local basé sur l’égalité entre les sexes ? 2. La décentralisation fait-elle progresser l’égalité entre les sexes et les droits des femmes ? 3. Comment réaliser et mettre en œuvre le développement local de façon à ce qu’il fasse progresser les organismes économiques et politiques en charge des femmes, l’autonomisation des femmes et les droits de l’homme ? 4. Et la question la plus importante : quelles seront les conséquences si l’on ne fait pas progresser les organismes économiques et politiques en charge des femmes, l’autonomisation des femmes et les droits de l’homme dans le développement local ? 42