Coûts de production et stratégies gagnantes des élevages charolais

Transcription

Coûts de production et stratégies gagnantes des élevages charolais
Coûts de production et stratégies gagnantes des élevages
charolais
Les Chambres d’agriculture de l’Allier et du Puy-de-Dôme organisent des formations
collectives d’analyse des résultats économiques afin de mettre en évidence des leviers et
des marges de manœuvre pour optimiser le revenu des éleveurs allaitants.
Des formations pour optimiser le revenu des éleveurs allaitants
Au cours de ces formations, l’utilisation de la méthode nationale de calcul des coûts de
production qui vise à ramener les différentes charges d’exploitation à la quantité de viande
produite (100 kilos vifs), permet de comparer des exploitations d’un même système entre
elles, mais aussi avec des repères établis par le Réseau de Référence Charolais.
Calcul du coût de production
Les coûts de production sont calculés en routine, depuis 2009, dans les exploitations du
Réseau d’élevage, à partir d’une méthode de calcul nationale mise en place par l’Institut de
l’élevage. Ce mode de calcul requiert trois étapes :
1° Calculer sa production de viande vive (gain de poids vif par l’atelier).
2° Définir le périmètre de l’atelier (cheptel et surfaces utilisées).
3° Affecter les charges (courantes, amortissements et supplétives).
Pour les charges supplétives, le fait de rémunérer les facteurs de production (à 2.1% pour
les capitaux propres, au taux de fermage pour le foncier en propriété et sur la base de 1.5
SMIC/UMO pour le travail de l’exploitant) permet de positionner la production de viande
bovine au même plan que les autres productions agricoles. Ces charges supplétives
représentent en moyenne 38 % du coût total.
Les produits et les charges sont analysés (selon un ensemble de critères techniques) afin
de bien caractériser le fonctionnement de l’exploitation (productivité du troupeau, efficacité
économique) et de mettre en évidence les marges de progrès en termes d’économies de
charges et de gains de productivité :
- au niveau de la conduite du troupeau : la productivité animale (kilos vifs produits/UGB)
est très dépendante de la réussite de la reproduction ; la concentration des vêlages sur une
durée de trois à quatre mois permet d’obtenir de meilleurs résultats grâce à des lots plus
homogènes avec une meilleure maîtrise de l’alimentation, une meilleure surveillance, plus
de prévention sanitaire, ce qui au final permet de limiter la mortalité des veaux. La gestion
des réformes est fondamentale dans l’amélioration de la productivité globale du troupeau.
De plus, des options comme la mise en place du vêlage à deux ans peuvent réduire la part
des périodes improductives ;
- au niveau de la valorisation des produits : la diversité des systèmes analysés permet de
situer l’intérêt de la repousse ou de l’engraissement sur les mâles et sur les femelles, et
surtout de mettre en exergue les conditions de réussite ;
- au niveau de la gestion des surfaces : la recherche de l’autonomie alimentaire peut être
un moyen de réduire les coûts de production, en ayant des stocks suffisants et de qualité.
Mais aussi, en ayant une meilleure gestion du pâturage ; secteur au niveau duquel les
marges de progrès sont importantes. Le poste « alimentation », qui regroupe l’ensemble
des frais engendrés sur les surfaces et les achats d’aliments à l’extérieur, reflète bien la
maîtrise globale et l’intérêt de cette recherche d’autonomie.
Enfin, des approches « travail » ont été réalisées afin de comparer les différentes charges
de travail, notamment en termes de travail d’astreinte. Les différences d’organisation, tant
au niveau de la structure que des bâtiments, ont des impacts importants sur la productivité
de la main d’œuvre et donc sur les coûts de production (au sein desquels l’exploitant est
rémunéré forfaitairement à 1.5 SMIC/Unité de main d’œuvre consacrée à la production).
Des formations auprès de 30 éleveurs sur l’automne 2014
Trois formations ont été conduites par les Chambres d’agriculture de l’Allier et du Puy-deDôme, avec la participation de Covido-Bovicoop et Feder-Socaviac. L’analyse des 30
systèmes de production a permis d’étudier très précisément la production de l’année 2013,
puis les différents postes de charges. Elle a permis d’établir des comparaisons riches
d’enseignements pour les participants : au-delà des constats de niveaux de production et
de charges qui étaient associées, chaque éleveur a pu réfléchir à des pistes d’évolution. Au
vu de cet objectif, les perspectives d’évolution des marchés et le calcul des incidences de
la nouvelle PAC étaient également au menu de ces formations. Même si la conjoncture
2014 posait de nombreuses questions, chacun est reparti avec le sentiment qu’il existait
des marges de progrès et qu’il serait intéressant de mesurer les évolutions au bout de deux
ou trois ans.
53 exploitations étudiées en 2013
Le travail réalisé au cours des formations et le suivi régulier des fermes du Réseau
Charolais ont permis de constituer un ensemble de 53 résultats sur l’année 2013 (cf.
tableau 1). Nous avons choisi de trier les producteurs de broutards sur la période vêlage et
l’objectif de sortie des broutards. Nous retrouvons naturellement une répartition équilibrée
entre des systèmes avec vêlages avancés sur octobre-novembre et d’autres plus
classiques avec peu de vêlages avant mi-décembre.
Tableau 1 : 53 élevages étudiés selon le type de mâle produit en 2013
TYPE DE MÂLE PRODUIT
Broutard
Broutard
Taurillon
CARACTÉRISTIQUES
vêlage
vêlage
fini
précoce
hiver
Nombre d’élevages
21
22
10
SAU en ha
162.3
180.3
233.3
Surface consacrée aux BV en ha
142.2
157.3
207.7
dont herbe
129.3
147.1
177.0
dont maïs ensilage
4.6
4.4
11.7
dont céréales consommées
8.3
5.8
19.0
Nombre moyen de vêlages
94
107
145
Le bilan détaillé de la production 2013 et des aides attachées a permis d’établir, pour
chacun des trois systèmes précédemment évoqués (cf. tableau), le calcul de la production
de viande vive et la valorisation finale qui en est faite. De plus, l’affectation, puis la
compilation des différents postes de charges toutes ramenées à 100 kg vifs produits, a
conduit à l’expression du coût de production dans sa version comptable : ont alors été pris
en compte, en plus des charges courantes, la rémunération forfaitaire des terres en
propriété, celle des capitaux propres et celle du travail de l’exploitant. L’analyse de ces
différents paramètres révèle des écarts entre les trois systèmes (cf. graphique Coût de
production et produit BV total par 100 kg vifs) :
en moyenne, le premier groupe enregistre des coûts opérationnels et des frais de
mécanisation plus élevés ;
les éleveurs de taurillons, s’ils n’abaissent pas leurs coûts d’alimentation et de
matériels, diluent davantage le reste de leurs charges par une production nettement
supérieure ;
les niveaux de produit sont également influencés par le niveau de productivité, celuici induisant une plus ou moins grande dilution des aides : celles-ci représentent 128 euros
sur les systèmes broutards en moyenne contre 93 euros pour les 10 élevages taurillons ;
au final, dans chacun des trois groupes, la valorisation des 100 kg produits ne permet
pas de couvrir, en moyenne, la totalité du coût de production. Au-delà de la rémunération
des autres facteurs de production, celle de la main d’œuvre de l’exploitant ne peut être
assurée qu’à hauteur de 0.83 smic par umo pour le premier groupe, 1.08 smic par umo
pour les deux autres groupes.
Sur l’ensemble des 53 élevages, seuls 12 dépassent le niveau de 1.5 smic par umo
exploitante consacrée aux bovins viande (BV), soit moins d’une exploitation sur quatre.
Coût de production et produit BV total par 100 kg vifs
Coût total : 404€
Coût total : 396€
400 €
369
350 €
369
Coût total : 349€
83
332
83
300 €
250 €
55
55
57
29
200 €
150 €
101
Foncier et Capital
48
26
23
Travail
27
21
24
93
94
Frais divers de gestion
Bâtiments
Mécanisation
Frais d'élevage
100 €
40
39
34
50 €
31
29
30
Appro. Des surfaces
44
42
43
Appro. Des animaux
Broutard vêlage précoce
Broutard vêlage hiver
Taurillon fini
0€
kg vifs
produits/UMO :37505 kg
34543 kg
53355 kg
Total Produit de
l'atelier
Dans l’analyse des résultats individuels, l’incidence de tous les postes de charges est
mesurée par rapport à des moyennes ou des « cas-types ». Il faut alors à la fois
« scanner » le système de production pour pister les coûts trop élevés et tenir compte de la
situation « structurelle » de l’exploitation : potentiel agronomique des sols, historique de
l’exploitation, stade de carrière et objectifs de(s) l’exploitant(s). Cette approche comptable
prend en compte des amortissements, sur matériels et bâtiments essentiellement, qui
peuvent ne pas être représentatifs de la durée réelle d’utilisation des investissements. Il
faut donc en tenir compte dans l’appréciation de la situation de chacun comme de
l’influence de certaines dispositions fiscales.
Une approche complémentaire se rapprochant de la trésorerie
Pour mieux coller à la réalité, de tous les jours, de l’exploitation, une version « coût de
fonctionnement » permet de substituer, aux amortissements et rémunération des facteurs
de production (capital et foncier en propriété), le remboursement des annuités et une
provision de 1.5 smic par umo pour prélèvements privés et autofinancement. Si cette
approche maintient évidemment des écarts selon le stade d’acquisition du capital, elle
traduit mieux la capacité de l’entreprise à résister à une conjoncture difficile ou à investir.
La situation de nos 53 fermes apparaît moins critique. En moyenne (cf. graphique Coût de
fonctionnement et produit BV total par 100 kg vifs), le produit bovin -avec des aides qui
représentent respectivement 35 % et 27 % de ce produit pour les systèmes broutards et
systèmes taurillons- couvre mieux ces charges d’où un « solde de trésorerie » respectif de
1.32, 1.61 et 1.68 smic par umo exploitant pour assurer le remboursement du capital des
annuités, les prélèvements privés et les besoins d’autofinancement.
Coût de fonctionnement et produit BV total par 100 kg vifs
400 €
Coût total : 378€
Coût total : 367€
375 €
369
369
350 €
325 €
76
79
300 €
275 €
Coût total : 326€
332
51
51
52
250 €
50
225 €
200 €
175 €
150 €
125 €
100 €
251
dont
Alimentation : 75
Frais d'élevage : 40
Mécanisation : 56
236
dont
Alimentation : 71
Frais d'élevage : 39
Mécanisation : 53
75 €
225
dont
Alimentation : 73
Frais d'élevage : 34
Mécanisation : 53
Travail
exploitant et
trésorerie
K Annuités
Charges
courantes
50 €
25 €
0€
Broutard vêlage précoce
Broutard vêlage hiver
Taurillon fini
Total Produit
de l'atelier
Il n’en reste pas moins une grande dispersion au niveau de la « trésorerie » dégagée par
l’activité bovins viande : 28 des 53 exploitations n’atteignent pas les 1.5 smic par umo.
Quelle dispersion dans les résultats !
Cette analyse des coûts de production reprend toute la diversité des situations : facteurs
agronomiques, qualité de cheptel, conduite d’élevage, niveau de chargement, finition ou
non des femelles, investissements plus ou moins récents, problèmes particuliers sur la
campagne… Si on se restreint au premier groupe avec 21 éleveurs qui ont des objectifs de
production très proches, la dispersion des résultats peut être visualisée ainsi :
€/100 kg produits
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
50 % des élevages
Minimum : 25 %
Maximum : 75 %
La variabilité est plus importante pour les postes les plus élevés. Pour la mécanisation, la
moitié des 21 éleveurs se situent entre 78 € et 107 € par 100 kgvv (kg de viande vive), avec
des extrêmes allant de 62 € à 186 €. Il en est de même pour la charge de travail. Au final,
cela donne des rémunérations calculées comprises entre -0,6 et 2,3 SMIC par UMO
consacrée aux bovins viande.
La productivité du travail, facteur essentiel ?
L'expression des produits et des charges aux 100 kg vifs produits intègre de fait l'influence
du niveau de production. Sur l’ensemble des 43 élevages « broutards », nous percevons un
impact certain et quasi-automatique de cette productivité sur le niveau du coût de
production : l’augmentation de la productivité se traduit par une diminution des coûts,
notamment du fait de la dilution des charges de structure.
L’incidence est nettement moindre et plus irrégulière sur la rémunération du travail.
Globalement, on a tendance à retrouver une rémunération optimale dans la catégorie 30 à
45 tonnes de viande vive produite par UMO. Cela correspond à des structures de taille
suffisante pour amortir les charges de structure, tout en restant gérables par rapport au
travail et sans tomber dans de trop lourds investissements, notamment en matériel.
Tableau 2 : Résultats sur les 43 élevages « broutards » en fonction de la productivité
de la main d’œuvre
16
30 à 45
t
16
Coût de production (1.5 smic)
455 €
371 €
361 €
Prix de revient/kg pour 1.5 smic
2.97 €
2.51 €
2.52 €
0.68
1.19
1.05
Production par UMO exploitant BV
Nombre d'élevages
Rémunération travail en smic/UMO
BV (option comptable)
< 30 t
> 45 t
11
Prix de revient : il mesure le prix nécessaire pour rémunérer, à hauteur de 1.5 smic par
UMO, la main-d’œuvre exploitant consacrée à l’atelier bovin viande, compte tenu du
montant déjà couvert par les aides.
Rémunération travail : reliquat entre le produit et l’ensemble des charges, elle est
exprimée en nombre de SMIC par UMO à rémunérer. Cette approche comptable doit être
complétée par une approche trésorerie qui fait abstraction des amortissements comptables
et considère le capital remboursé sur l’année aux travers des annuités. On parle alors de
coût de fonctionnement et de trésorerie permise par le produit.
Il est donc intéressant de repérer les facteurs qui au-delà de cette productivité permettent
de parvenir à un résultat positif : niveau de production du cheptel, valorisation des produits,
maîtrise des charges opérationnelles, raisonnement des investissements… C’est ce que
nous exposerons dans un prochain article au niveau du groupe « broutard vêlage
précoce » qui globalement comprend des résultats très contrastés. Nous essaierons de
détecter si la maîtrise technique se répercute dans l’efficacité économique.
SERVICE TECHNIQUE ÉLEVAGE CA03 EN COLLABORATION AVEC BRUNO
MAUGUE (CA 63) ET CHRISTELE PINEAU (INSTITUT DE L’ELEVAGE, ANIMATRICE
DU RÉSEAU ÉLEVAGE CHAROLAIS)