laodicee ou la tiedeur spirituelle

Transcription

laodicee ou la tiedeur spirituelle
L AODICEE OU LA
TIEDEUR SPIRITUELLE
Apocalypse 3 : 14-22
Vous pouvez lire les textes bibliques sur un site de « Bible en ligne »
(par exemple : http://www.info-bible.org/)
Pasteur Micaël RAZZANO
26/04/2009
LAODICEE OU LA TIEDEUR
SPIRITUELLE
Apocalypse 3 : 14-22
Écris à l'ange de l'Église de Laodicée:
Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la
création de Dieu: Je connais tes œuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni
bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et
que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. Parce que tu dis:
Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais
pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille
d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des
vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse
pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies. Moi, je reprends et je
châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle, et repens-toi. Voici, je me tiens à
la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai
chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. Celui qui vaincra, je le ferai
asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec
mon Père sur son trône. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit
aux Églises !
La ville de Laodicée est très différente de sa voisine Philadelphie
qui a fait l'objet de la lettre précédente. Autant Philadelphie est
petite, autant Laodicée est importante. Au 1er siècle de notre ère, la
ville de Laodicée occupe en effet une place tout à fait stratégique, au
carrefour de trois routes. C'est un centre commercial réputé
notamment pour son industrie textile, ses tapis et ses vêtements.
Bref c'est une ville riche mais aussi fière : lorsqu'en 60, la ville est
partiellement détruite par un tremblement de terre, Laodicée refuse
l'aide de Rome en ces termes : « je suis riche, je n'ai besoin de rien ».
L'Eglise qui se réunit à Laodicée a bénéficié très tôt du soutien de
l'apôtre Paul qui est peut-être à l'origine de la communauté. Dans
sa lettre aux Colossiens, Paul évoque le 'grand combat' qu'il mène
pour soutenir cette Eglise (Col 2 : 1). Etablie non loin de Colosses,
elle a aussi été au bénéfice du ministère d'Epaphras comme le
mentionne l'apôtre Paul dans la même épître aux Colossiens (Col 4 :
13). Bref, l'Eglise de Laodicée avait tout pour réussir : contexte
économique dynamique favorable, liens fraternels avec l'Eglise sœur
de Colosses, enseignement de qualité par l'apôtre Paul lui-même...
1
Que lui est-il donc arrivé ? Quel est son problème ?
Au moment où Jean écrit l'Apocalypse, il semble que la
communauté de Laodicée se soit laissée aller à une certaine tiédeur
spirituelle : « Je sais que tu n'es ni froid, ni bouillant ! Ainsi
parce que tu es tiède et que tu n'es ni froid ni bouillant, je
vais te vomir de ma bouche » (15-16). Paroles étranges ! Est-ce à
dire qu'il vaut mieux être froid que tiède ? Bouillant pour Dieu on
comprend mais froid ( ?), en quoi est-ce une bonne chose !? En fait
ces paroles ne se comprennent vraiment que si on les situe dans le
contexte de la ville de Laodicée. En effet, bien que forte
économiquement, Laodicée avait une faiblesse par rapport aux
villes voisines : elle ne bénéficiait ni des eaux chaudes de la ville
d'Hiérapolis aux vertus thérapeutiques, ni des eaux froides et
désaltérantes de Colosses. L'eau de Laodicée provenait des
montagnes. Or, avant d'atteindre la ville, elle circulait dans des
kilomètres d'aqueduc, de sorte qu'elle arrivait tiède et nauséeuse à
Laodicée. Il ne faut pas donc voir dans ces différences de
température : froid, tiède et bouillant, trois degrés de spiritualité
mais plutôt deux états : l'un qui est bon et utile comme l'étaient les
eaux chaudes thermales et thérapeutiques de Hiérapolis ou encore
les eaux froides et rafraîchissantes de Colosses, l'autre état qui est
mauvais et que connaît malheureusement bien Laodicée avec son
eau tiède qui inspire le dégoût et qui donne envie de vomir.
L'attitude spirituelle que cette image dénonce, c'est celle d'un coeur
devenu indifférent. Peut-être entraînée par ses richesses, l'Eglise de
Laodicée a perdu sa vraie identité, sa vraie saveur, le goût qui
donnait envie aux autres de la connaître. A force de vouloir plaire à
tout le monde, elle est devenue tiède et finalement elle n'attire plus
personne. La tiédeur, c'est un mélange de chaud et de froid, un
compromis, un consensus qui arrange tout le monde et qui finit par
ne plus rien vouloir dire à personne. «Si le sel perd de sa saveur
avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté
dehors et foulé aux pieds» (Mt 5 : 13). Non seulement le message
qu'elle cherche à transmettre n'a plus vraiment de sens, mais
comme un plat sans saveur ne fait pas envie, le témoignage de
Laodicée fait plutôt office de repoussoir. Car c'est bien le
témoignage de l'Eglise qui est en jeux comme le laisse entendre
Jésus lui-même qui se présente au début de la lettre comme le
2
Témoin fidèle et vrai (14). Ce témoignage est en passe de devenir un
contre témoignage qui donne la nausée.
Voyons à présent comment cette Eglise a pu en arriver là
malgré tous ces atouts initiaux (les rappeler). A la racine du mal, il
y a l'esprit d'indépendance : « je suis riche, je suis devenu riche,
je n'ai besoin de rien » (17a). Cette Eglise verrait sans doute d'un
très mauvais oeil que quelqu'un de l'extérieur vienne mettre son nez
dans ses affaires. Elle croit qu'elle peut s'en sortir toute seule, sans
l'aide des autres et peut-être même sans l'aide de Dieu qui va lui
rappeler dans ses recommandations que c'est pourtant auprès de lui
et de lui seul qu'elle pourra se relever. Car la situation est critique
mais pas désespérée. Cette Eglise est atteinte par une forme de
nombrilisme. Elle fonctionne à partir d'elle-même comme un club
replié sur lui-même. Résultats ? Car ce sont les fruits qui comptent !
Elle est devenue misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu
(17b). Pour une Eglise qui se croit forte et autonome, çà fait
beaucoup! Alors qu'elle se croyait arrivée, elle s'aperçoit qu'elle n'est
pas encore partie ! Triste constat d'échec !
Remarquez, nous ne sommes pas à l'abri de ce piège pas plus
d'ailleurs que ceux mentionnés dans les autres lettres. Ca n'est pas
pour rien si dans sa sagesse infinie, le Ressuscité nous interpelle de
la même manière à la fin de chacune de ces lettres : que celui qui
a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Eglises. Nous
faisons facilement la sourdre oreille quand Dieu met le doigt sur ce
qui ne va pas en nous !
Mais alors quel est le remède ?
Le premier c'est de se recentrer sur Dieu : « achète de moi... » lui dit
avec un certain humour le Ressuscité. Cette Eglise si indépendante
ne pourra s'en sortir que si elle dépend à nouveau entièrement du
Seigneur. Et oui, la foi c'est l'apprentissage de la dépendance à
l'image de cet enfant que Jésus place au milieu des disciples en leur
disant : « si vous devenez comme les petits enfants, vous
n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu » (Mt 18 : 3). Alors que
la société nous enseigne l'autonomie, la dépendance qui se
transforme malheureusement souvent en individualisme, la foi
3
chrétienne nous enseigne au contraire la dépendance de Dieu, la
solidarité jusque parfois au sacrifice.
Que lui faut-il acheter de Dieu pour se relever ?
D'abord de l'or purifié par le feu (18) pour combler la pauvreté
spirituelle que le Ressuscité vient de dénoncer. Certains voient dans
cette recommandation une exhortation à retourner à l'obéissance de
la Parole de Dieu que le prophète Jérémie compare à un feu (Jr
23 :29). Pour qui la reçoit avec humilité, cette Parole purifie et opère
une œuvre de sanctification dans le cœur. Comme Dieu qui s'est
manifesté dans le buisson ardent, est saint, la Bible nous exhorte à
devenir saints. N'est-ce pas là notre vraie richesse qui ne se
dévaluera jamais ?
Ensuite, il s'agit de se revêtir des vêtements blancs qui couvriront la
honte de la nudité. Le vêtement blanc symbolise le pardon et la
pureté. Dans l'Apocalypse, il est donné aux rachetés, à ceux qui sont
restés fidèles dans l'épreuve. A Laodicée où l'industrie textile était
en plein essor, l'image du vêtement était particulièrement
significative. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous
avez revêtu Christ » Gal 3 : 27. Dans ce passage, Paul nous
enseigne que c'est par le baptême que nous revêtons le Christ Le
vêtement, c'est le Christ qui nous a pardonnés et qui nous sauve.
C'est Lui que nous revêtons en le confessant publiquement au
moment du baptême. Ce n'est donc pas le baptême qui sauve mais il
est le sceau, la marque qui atteste de notre appartenance au
Seigneur. Dans la parabole du festin des noces, celui qui n'a pas
revêtu l'habit de noces, s'est fait remercié par le maître des lieux qui
lui demanda comment il avait bien pu entrer dans la salle, puis qui
le jeta dehors (Mt 22 : 11-12). Cet homme sans l'habit représente
celui qui se laisse entraîner par les autres sans avoir pris une
décision dans son cœur, sans s'être engagé personnellement. Un
jour il s'entendra dire de la part du Seigneur : je ne te connais pas !
Puis vient le collyre. Là aussi cette image n'est pas choisie au
hasard. Il y avait en effet à Laodicée une école de médecine de
renom où on soignait surtout les maladies des yeux à partir d'un
collyre bien connu provenant d'un baume de Phrygie. L'Eglise de
Laodicée était atteinte de cécité spirituelle. A force de dire : « moi je
4
n'ai besoin de personne », elle est devenue aveugle sans s'en rendre
compte.
Qu'en est-il de mon acuité spirituelle ?
En réalité, les chrétiens ont souvent des problèmes de vue, tout
comme ils peuvent avoir des problèmes d'audition. Il y a les
chrétiens presbytes. Ils ne voient bien que ce qui est loin. Ils font
une fixation sur le retour du Christ, sur la vie dans l'au-delà. Ils
sont enthousiastes et chantent souvent 'alléluia' mais leur vue se
brouille dès qu'il s'agit de mettre en pratique les impératifs
bibliques, de vivre la vie chrétienne et le service auquel le Seigneur
nous appelle ici-bas. Il y a les myopes qui ne voient pas plus loin
que le bout de leur nez. On les reconnaît assez bien : ils sont
toujours en train de se plaindre parce qu'ils ne voient que les
nuages mais oublient le soleil qui continue de briller derrière. Ils
fixent leur attention sur les difficultés du moment et oublient Celui
qui les porte pendant ces moments difficiles. Ces chrétiens ont du
mal à articuler leur foi de tous les jours avec l'espérance chrétienne.
Sans cesse leur espérance a besoin d'être ranimée. Il y a les
astigmates. Ils voient mais de manière déformée. Ils ne voient que
ce qui les arrange et ne retiennent de la Parole que ce qui leur plaît
de sorte que la courbure de leur cornée spirituelle présente des
inégalités. Résultat : ils évaluent mal les distances et chutent assez
souvent. Et puis il y les chrétiens qui souffrent de strabisme
spirituel. Un œil fixé sur la Bible et un autre sur les plaisirs du
monde, ceux qui sont contraires à la Parole. Ils voient double et
souvent se cassent la figure. Quant à ceux qui sont aveugles
comme l'étaient les chrétiens de Laodicée, ils ont beaucoup de mal à
avancer seuls. Seigneur oint nos yeux du collyre de ton Esprit afin
que nous voyions clair !
Si l'or purifié par le feu peut faire référence au Père qui nous donne
sa Parole, si le vêtement peut faire référence au Fils qui est venu
nous sauver, le collyre peut faire référence à l'Esprit-Saint qui opère
cette guérison intérieure.
Encore faut-il accepter que Dieu nous reprenne et nous corrige
comme le ferait un ami qui n'a d'autre motivation que notre bien.
« Tous mes amis, moi je les reprends et je les connais » (19) :
l'heure est grave. Quand on a un abcès, on ne peut pas se contenter
5
de mettre une pommade et attendre que le mal se dissipe ! Il faut le
nettoyer ! C'est vrai, ça fait mal ! Mais c'est pour notre bien ! La
situation de l'Eglise de Laodicée nécessite des paroles fortes, une
prise de conscience, sinon le mal va s'étendre, la tiédeur va finir par
engourdir la vie spirituelle. « Toute correction ne semble pas
être au premier abord un sujet de joie mais un sujet de
tristesse, plus tard, toutefois, elle procure à ceux qu'elle a
formés un fruit de paix, la justice » (Hb12:11). Comment
réagissons-nous quand le Seigneur nous reprend, nous corrige ?
« Passionne-toi donc, change radicalement » (aie donc du
zèle – 19b). Qu'en est-il de mon zèle, de ma passion pour Dieu ?
Notre engagement, nos œuvres, nos dons, bref notre service pour
Dieu est-il toujours l'expression de cette passion de ce premier
amour pour lui ou est-il vécu dans l'esprit du devoir accompli ? Si le
ressort de notre engagement pour Dieu est l'expérience de la grâce,
alors nous serons à l'abri du légalisme qui juge, blesse et demeure
stérile.
Encore faut-il avoir expérimenté la grâce de Dieu dans notre vie.
Encore faut-il avoir laissé Christ entré dans notre vie, avoir une
relation personnelle avec lui : « Voici, je me tiens à la porte et je
frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte,
j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi » (20).
C'est la seule fois où Jésus s'adresse ainsi de manière personnelle à
chacun des membres de l'Eglise ('si quelqu'un'). Il semble que dans
l'Eglise de Laodicée certains se soient contentés d'entendre la voix
de Dieu sans véritablement avoir ouvert la porte de leur cœur au
Seigneur. On peut connaître beaucoup de choses sur Dieu parce que
dès notre jeune âge on a été bercé par les histoires bibliques sans
pour autant être sauvé. On peut observer scrupuleusement bien des
principes bibliques : jeûner, donner sa dîme, servir sans pour autant
hériter la vie éternelle. Ce n'est pas cela fait de nous un enfant de
Dieu. Jésus n'est pas venu imposer une nouvelle loi, de nouveaux
préceptes. Non ! Il est venu établir une relation personnelle et
intime une relation d'amitié avec chacun. Comme nous partageons
avec joie notre repas avec un ami, le Christ est venu établir cette
même relation de confiance avec nous. Il se tient à la porte de notre
cœur.
Lui
as-tu
ouvert
la
porte
de
ton
cœur ?
Personne ne peut le faire à ta place.
6