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Université européenne d’été à Neuvic Juillet – Août 2010 Armand GATTI En LIMOUSIN 2010 Lecture d’Armand GATTI à Neuvic le 9 juin 2009 -1- SOMMAIRE Page 3 Gatti et le Limousin Page 7 Limousin 2010 Page 8 Phases préparatoires Page 11 L’Université européenne Page 14 La Traversée des langages Page 18 Biographie -2- Armand GATTI et le LIMOUSIN La forêt de la Berbeyrolle Une définition par les mots de Gatti Berbeyrolle : sur le plateau de Millevaches, forêt magique qui servit de refuge aux Brigades internationales, puis devint le premier maquis du Massif central. On y lisait Antonio Gramsci pendant les heures de garde et, tout autour, les arbres répondaient. La Parole errante (tome III - p 1736) Le maquis L'arrestation de Gatti racontée par lui-même "Forêt de la Berbeyrolle. Mains levées en signe de capitulation, le quatrième chat (pseudonyme de Gatti) est poussé en avant à coups de crosse par les GMR de Vichy. Les Chats (premier, deuxième, troisième) suivent, tous surpris pendant le sommeil. C'est la fin du premier maquis de France. Rafales et grenades lancées pendant plus d'un quart d'heure dans un trou fait de cubes de deux mètres emboîtés en forme de T donnent aux survivants qui en sortent l'auréole passagère de miraculés. Il n'y a ni mort ni blessé (sauf le deuxième chat – un éclat de grenade à la fesse...) Bientôt l'auréole s'effiloche. Les branches d'arbres couvertes de neige fouettent, frappent. Les GMR aussi. A la sortie de la forêt, un long cortège de camions, de fusils, de mitraillettes en batterie et d'automitrailleuses, attend. Mais aussi un Trois Ficelles les mains sur les hanches. Le quatrième chat, lui, est emmené. Le capitaine crie : - Qu'est-ce que tu allais foutre dans le maquis ? Que répondre... ? Juste à ce moment, comme s'il voulait souffler la réponse juste : le chant du rouge-gorge... Bouleversante mélodie aux sonorités pleines, sans doute pour indiquer à qui appartient le territoire et prévenir les conflits. Le quatrième chat tourne la tête vers l'oiseau. Et demande : - Et lui ? qu'est-ce qu'il y fout dans le maquis ? Mais il n'a pas le temps de donner sa réponse. Le capitaine l'a devinée au regard que le prisonnier a posé sur l'oiseau. Il dit : - Putain d'hirondelle ! Et il frappe. Il n'est pas encore midi lorsque la tempête de neige éclate sur tout le nord de la Corrèze..."La Parole errante, tome III, pages 1429-1430 -3- Les retrouvailles avec le plateau Deux pays de volcans : le Massif Central et la Sierra Madre. Deux pays de résistance. Deux prises de conscience. Deux séries de contractions utérines appelant la naissance. Deux tentatives de verticalité. Deux contre-destins. La Parole errante (tome III - p 1644) 1988 : La parole du poète sur les bords de la Luzège Philippe Ponty, Festival de la Luzège A la fin du mois d'août 1988, Pierre Vial, alors metteur en scène de « Geoffroy Tête-Noire » et de « la Mère confidente » pour la deuxième édition du festival de la Luzège, lit en public un texte puissant et dérangeant. Les membres de l'association et les artistes sont réunis pour écouter "Les possibilités du train 713 en provenance d'Auschwitz", et découvrir ainsi l'univers et la parole de Gatti. 1996 : Premiers terrains de parachutage en Corrèze Manée Teyssandier, Peuple et Culture Corrèze Pour Peuple et Culture, la nécessité de la présence de Gatti, de sa vitalité créative, de la force et de la radicalité de sa langue, de sa pensée, de son théâtre est bien plus ancienne encore. En 1967 Peuple et Culture accueille au Théâtre de Tulle, « V comme Vietnam » produit par le « Collectif intersyndical d’action pour la paix au Vietnam », joué par les comédiens du Grenier de Toulouse devant 700 spectateurs. . Et jamais ne fut coupé le fil de l’attention que nous avons porté à son travail et à son écriture en découvrant à plusieurs reprises ses créations au festival d’Avignon et plus tard après qu’il eut quitté la scène du « Théâtre institutionnel » à travers les films qui accompagnèrent ses expériences en dehors des sentiers battus. Mais c’est bien en 1996, effectivement que le fil se renouera fortement. Hélène Châtelain monte cette année là le texte de Gatti « l’Enfant rat » à Limoges dans le cadre du festival des Francophonies. Texte adressé au camp et à la Résistance mais tourné vers le monde de l’Après qu’il interroge. Elle propose alors que se constituent librement en Limousin des “terrains de parachutage” pour le « manuscrit en attente », un texte de Gatti - ni poème ni texte dramatique mais le tout en même temps. Un immense récit fleuve qui raconte l’aventure des mots cherchant à devenir l’écriture. Sept groupes sont rassemblés, au fil des mois. Sept groupes volontaires, autonomes, hors de toute logique de consommation ou de production culturelle. Sept groupes qui ont pris sur eux la pleine responsabilité de faire exister, autour du texte de « l'Enfant Rat » qui interroge l'après-guerre, le langage du maquis, de la cache et du sifflement clandestin du rouge-gorge de la Berbeyrolle. -4- A Tulle, le terrain de parachutage de Peuple et Culture prend deux formes : une lecture d’extraits du « manuscrit en attente », par l’atelier théâtre sur le lieu même de la prison où le jeune Gatti fut enfermé après son arrestation (à l’emplacement actuel de l’Ecole Turgot) et puis une nuit la ville est prise d’assaut pacifiquement par les mots de Gatti mais aussi des poètes qui l’accompagnaient quand il débarqua à Bugeat un jour de l’hiver 42 pour rejoindre le maquis de Guingouin : Michaux, Rimbaud, Lao Tse, Char... Marie-Pierre Bésanger, Le Bottom Théâtre, Tulle « La rencontre avec Armand Gatti s'est faite pour moi autour du projet "Terrains de parachutage", qui accompagnait la création par Hélène Châtelain de l'Enfant Rat au festival des Francophonies. J'ai su tout de suite que la parole, l'écriture et la pensée de Gatti seraient des repères essentiels pour avancer dans la vie de metteur en scène que je commençais à envisager. En septembre 1996, nous avons couvert la ville de Tulle de poésie, la sienne et celle de ceux qu'il considère comme ses frères, et déjà j'invitais des jeunes lycéens à entrer dans l'écriture de Gatti pour un moment présenté à l'église Saint Pierre et dans la cour de l'actuelle école Turgot, lieu de l'ancienne prison où il avait été incarcéré en 1942 ». 2005 : Les retrouvailles avec le Limousin Francis Juchereau, Cercle Gramsci, Limoges "La rencontre d’Armand Gatti avec le cercle Gramsci1 eut lieu en juin 2005. Tardive, comme certaines vendanges (Gatti était octogénaire, le Cercle avait 20 ans d’activités), cette rencontre marqua les grandes retrouvailles de l’auteur avec le Limousin. Elle fut au départ d’une étonnante réaction en chaîne. En juin 2005 Armand Gatti est en Corrèze ; Manée Teyssandier de l’association Peuple et Culture lui remet un livre, « Georges Guingouin, chemin de Résistances ». Ce recueil (éditions Lucien Souny, 2003) contient un entretien accordé par le Premier maquisard de France au cercle Gramsci de Limoges. Gatti s’empare de l’ouvrage. La rencontre passionnée avec les mots du « testament » de Raoul fait rejaillir à leur source les savoirs et les combats de sa propre existence. Un contact est aussitôt pris avec le Cercle. Ainsi, quelques semaines après, Armand Gatti fête non loin de Limoges les vingt ans du cercle Gramsci. Dans la chaleur d’une convivialité emplie de chants et de discussions des projets se forment. Automne 2005, Guingouin est mort. Par une coïncidence extraordinaire Armand Gatti apprend la nouvelle sur le quai de la gare de Limoges en se rendant sur le plateau de Millevaches pour faire une lecture, répondant à notre invitation. Arrivé à Gentioux, surpris et bouleversé, Gatti tombe dans les bras d’un de ses anciens camarades de maquis. Il y a beaucoup de monde à la veillée de Gentioux et il est question, pêle-mêle, de Raoul, de la Résistance, de la Chine de la Longue Marche, de physique quantique... Le poète nous conte des malheurs que nous ne soupçonnons pas : la violence et la séparation qui -5- nous habitent à cause des représentations du monde, anciennes et actuelles, qui nous amènent, souvent à notre insu, à détruire nos sources de vie : nos liens vitaux à la nature et à l’univers. Le lendemain, Armand Gatti se rend à la ferme de la Berbeyrolle où il prit le maquis. Il y retrouve dans leur verticalité son trou, ses arbres et ses morts. L’ombre immense de Raoul - Lo Grand - les enveloppe." 2006 : Un poème universel en hommage à Guingouin Septembre, lecture à La Berbeyrolle (Tarnac) de « Les cinq noms de Résistance de Georges Guingouin » devant plus de 200 personnes ; Octobre, création à Limoges du « Poème de Berlin » avec la participation d’élèves du Lycée professionnel St Exupéry. 2007 : projections, débats et projets à Peyrelevade et sur le Plateau de Millevaches 2008 : création de l’association : Le « Refuge des Résistances Armand Gatti » Lecture à l’Espace Rebeyrolle à Eymoutiers devant le tableau monumental « Le Cyclope » ; mise en scène et lecture de « Les cinq noms de Résistances de Georges Guingouin » à Tulle et au festival de la Luzège par le Bottom Théâtre ; préparation d’une résidence en Corrèze, visite et rencontres au lycée forestier de Meymac et avec des élus de la Corrèze. 2009 : Résidence à Peyrelevade « La Tour de Babel Maquisarde » : à la découverte d’une écriture LECTURES: • • • • • • • « Gomorrhe» à Saint-Setiers, deuxième mouvement de la préface à La Traversée des langages. « Mort Ouvrier» à Royère suivi de la Projection de « L’Enclos » (réal A Gatti) « Cuba » extrait de La Part en trop à Tulle et projection « El otro Cristobal » « Ma première idée du théâtre » lecture du premier mouvement de la Traversée des langages à Uzerche. « Révolution culturelle», lecture du troisième mouvement de la Traversée des langages à Tarnac. « La première lettre » à Meymac. « Chicago» et projection de « Chant public devant deux chaises électriques » à Neuvic. THEATRE • • • • « Armand Gatti est-il un nom d’arbre? » présenté par le « Grand Théâtre » à Faux la Montagne. « Interdit aux plus de trente ans » texte d’Armand Gatti présenté par « les Bons Camarades » Marcy : le second maquis de Gatti : dernier rendez-vous de la Tour de Babel maquisarde exposition, théâtre et lecture : « Les Arbres de Ville Evrard » Intervention d’A. Gatti le 29 sept. 2009, à Neuvic. « langage quantique » -6- LIMOUSIN 2010 Présentation de l’Université populaire européenne de création La future expérience d’Armand Gatti se déroulera à Neuvic en 2010. L’ampleur du projet, son exigence et la place de l’œuvre de Gatti lui donnera une envergure européenne et internationale. Déroulement. Trente jeunes venus d’horizons différents se rassemblent en université d’été à Neuvic pour travailler avec Armand Gatti à la réalisation d’une proposition scénique- un spectacle- présenté publiquement en fin de résidence. Dix d’entre eux viennent de différents pays d’Europe, des étudiants pour la plupart, dont certains connaissent déjà l’œuvre du dramaturge-poète. Dix autres étudiants comptent parmi les effectifs des lycées (section animation socioculturelle) de Neuvic, de Meymac et de Limoges. Dix jeunes chômeurs du Limousin en stage. (Pendant l’année, des assistants d’Armand Gatti qui connaissent bien son œuvre et ses méthodes les auront préparés à ce projet - interventions dans les lycées, et rencontres avec les chômeurs) Le matin : entrainement au Kung Fu et chant L’après-midi : travail avec Gatti Le soir : projections, discussions, travail personnel, bibliothèque, lecture, rendez-vous avec les textes et en particulier avec ceux qu’Armand Gatti lisait aux arbres durant le maquis : les poètes Gramsci, Henri Michaux et Stéphane Mallarmé. Logistique. Les stagiaires seront en pension complète dans les bâtiments du Lycée de Neuvic qui accueilleront à la fois la pratique du KUNG FU et le travail de création. Pour des raisons de visibilité et d’emplacement, les locaux communaux sis entre le cinéma et l’espace multimédia seront mis à disposition de l’Université pour servir de principale plate-forme d’échanges et d’informations. -7- «...l'aventurier est celui qui fait arriver les aventures, plus que celui à qui les aventures arrivent...» Guy Debord PHASES PREPARATOIRES Préambule L’œuvre de Gatti s’est écrite autour de deux altérités fondamentales : Fondamentales pour lui, maquisard et concentrationnaire. Fondamentales pour l’Occident : monothéiste et déterministe. La culture juive : une pensée de la question (Adam quoi ?) face au langage minéralisé du camp La culture chinoise: une pensée de l’analogie- l’idéogramme face à l’alphabet. C’est entre ces deux pôles que l’écriture de Gatti a affronté et affronte son époque. Si en Corrèze, c’est le mot « résistance » qui s’est mis à résonner, il ne faut pas oublier qu’il est l’écho en ce siècle du mot générique « camp ». « Entrer en Resistance » pour Gatti, ce fut toujours, avant et au delà de tout : entrer en résistance contre les langages pétrifiés quels qu’ils soient. Venir avec ses morts, n’est pas ensevelir le siècle dans son passé qu’il soit simple ou composé, c’est face aux Arbres, le décliner obstinément à tous les temps. Les «expériences» (les aventures collectives) telles que Gatti, poète et passeur, les développe sont chaque fois particulières, comme le sont les contextes dans lesquels elles se mènent. Son écriture ne s'adapte pas à un contexte. Elle s'en nourrit, y trouve ses références, ses origines, ses points d'appui, ses pistes d'envol et le transforme selon ses exigences profondes. Exigence et complexité, donc, à l'image de ce que Gatti demande à ceux à qui il s'adresse et avec qui il travaille. Chaque nouvelle aventure de Gatti, et particulièrement celle-ci, suppose en amont d’inventer à chaque fois un dispositif (de mise en chantier, de relations, de « montage humain », technique…). La singularité de ce projet, et sa force, est d'être porté et désiré depuis 4 ans par des interlocuteurs locaux (associations, municipalités, lycées, groupes informels, enseignants, élus ...) et en même temps de répondre à la volonté, au désir profond manifesté par Armand Gatti de venir travailler ici en Corrèze, dans le Limousin. Ce n’est pas pour lui une rencontre de hasard, mais un retour à ce qui fut pour lui la source de son écriture : fertiles compagnonnages emplis de lectures, de (re)trouvailles, de projections, de débats, de projets. Effervescence qui aboutit en 2009 à une résidence d’écriture: le premier long séjour de Gatti sur le plateau de Millevaches depuis 1942. Il y clôt un volet essentiel de son œuvre «La traversée des langages » et peut enfin concrètement envisager la suite : la possibilité de créer cette Tour de Babel «impossible» qui depuis près de 40 ans fut et reste pour lui l’utopie majeure : Inventer et rendre viable un partage des connaissances et l’acquisition de savoirs (de « sapor » - le goût) fertilisés -8- par un processus de création qui a choisit le langage et ses multiplications comme enjeu majeur. C’est cette utopie qui est à la source de tous les choix de Gatti, poète autodidacte, au sens le plus noble de ce mot: la résistance à l’avilissement, le travail avec les réduits au silence, les« obscurs », le croisement perpétuel des pensées, des cultures et des langues, le saut dans la pensée non déterminisme, la multiplication des temps et des espaces dont chaque page écrite témoigne, de la toute première œuvre jusqu’aux plus récentes, avec une cohérence qui est celle, secrète, du vivant : « non la fabrication d’un produit mais une perpétuelle aventure de l’esprit » La pensée est un combat. Il se gagne, et pour cela il faut mener deux batailles, pied à pied, avec d’autant plus d’exigence que ce combat est mené avec ceux qui sont en lisière, par destin ou par choix, de la course effrénée à la réduction des possibles dont notre monde devient le théâtre dérisoire : la bataille du temps, et celle contre le populisme, plaie de nos lexiques progressistes. Que ce combat devienne envisageable ici, à Neuvic, en Corrèze, dans le Limousin avec la complicité et l’intelligence de ce projet de tous ceux qui depuis quatre ans le portent - est aussi le signe de cette secrète cohérence. Deux expériences ont montré que le choix européen était juste : le résidence de Besançon et celle de Ville Evrard. Si le projet central de Neuvic est désormais une Université, tour de Babel universelle européenne et internationale qu'il dirigera en été 2010, cette conjonction permet de prendre le temps d'interroger en amont cette œuvre majeure à partir du contexte et des questions d'aujourd’hui. Six mois de préparation s’ouvrent maintenant pour faire pleinement éclore et fructifier cette expérience à Neuvic qui ne peut se construire qu'en appui, en échange et avec la complicité de tous ceux qui ont été depuis quatre ans les premiers interlocuteurs et porteurs de l'aventure. Une structure éclatée : Quatre lycées désireux de mettre en place dans le cadre scolaire une approche et une découverte de la vision du monde de Gatti : le lycée forestier de Meymac sur le plateau, et à Neuvic, le lycée agricole dédié à l’environnement (établissements « regroupés » mais distants l'un de l'autre de 25kms), le lycée professionnel et à Limoges, le lycée professionnel St-Exupéry - urbain – à plus de 100kms ; Une mairie, Neuvic, qui met ses moyens logistiques au service de l'aventure et est ouverte aux initiatives (accueil de la résidence, ouverture sur l'Europe, circulation des informations, échanges entre les initiatives locales, etc...) ; Plusieurs associations ou personnes (dans la région de Limoges, de Tulle, sur le plateau et en Corrèze) que le projet motive et qui veulent dépasser le rôle de soutien, de «parrains» ou de spectateurs ; un désir qui rejoint la mise en question radicale du statut de spectateur tel que notre société le suscite de plus en plus violemment et que Gatti dans ses textes dénonce ; « La Parole Errante » (Montreuil) qui, dans le prolongement de la première tour de Babel maquisarde, apportera son indispensable collaboration à cette phase préparatoire. -9- A partir de cette situation : Des ateliers seront formés (groupes) avec les participants à la préparation autour de chantiers de découvertes et de recherches (6 propositions ci-après) en s’appuyant sur des moyens techniques (4 propositions). Plus spécifiquement dans les lycées (Meymac, Neuvic, Limoges), les enseignants-relais vont définir les modalités concrètes d'intervention en milieu scolaire. 1 – Propositions de chantiers de découverte et de recherche en rapport avec l’œuvre d’Armand Gatti. - la terre et les révoltes paysannes - les archives (mémoire – récits de l'histoire) - les femmes (en noir) de Corrèze - la Chine – son actualité et son importance - les combats de notre temps, le langage politique - les arbres et l’évolution des forêts - l’écriture quantique ? (expérimentations et tests d’idéophrases) - le koan zen est-il un parler vertical ? Autour des thèmes définis, invitations d’intervenants extérieurs. Sont envisagés sous toute réserve pour la Chine : Anne Cheng (et si sa santé le permet, Francois Cheng) nous cherchons à prendre contact avec la communauté chinoise de Limoges, principalement avec celle qui aujourd’hui se retrouve dans les bibliothèques universitaires, prolongement des contacts déjà pris en mai (atelier) et avec les enseignants à la faculté. Le lycée de Limoges travaille à l’introduction dans les programmes scolaires d’une filière chinoise (langue et civilisation). pour les forêts et les questions écologiques : une liste d’intervenants est en cours pour la pensée quantique : Catherine Chevalley, Jean Marc Levy Leblond, Baudoin Jurdant, Guy Chouraqui pour la kabbale : Claude Birman, Catheribe Rohner, doctorante à Genève 2 – Propositions de moyens techniques : - le son : faire circuler au maximum les travaux en cours (ateliers ou rencontres) : enregistrements, réalisations de reportages sonores, travail avec les ornithologues locaux, montage d'entretiens, travail avec les archives du Musée de la résistance et réflexions sur les sources, les témoignages, les récits, les supports de la mémoire, etc. Travail par petits groupes autonomes. - la sérigraphie - la calligraphie, (langue et culture chinoise - expositions itinérantes (photographies, textes) - 10 - L’UNIVERSITE EUROPEENNE L’Europe la Résistance L’expérience européenne qui s’est déroulée en juillet et août 2003 à l’Université de Besançon a profondément marqué Armand Gatti. Polonais, Ukrainiens, Allemands, Grecs, Croates, Lithuaniens, Italiens découvrant avec Armand Gatti qu’ils avaient une histoire commune. Cette Histoire, seul ce poète pouvait lui donner corps avec les personnages rassemblés dans une œuvre. Makhno l’Ukrainien, Bobby Sand l’Irlandais, Durutti l’Espagnol, Varlin le Français, Sacco et Vanzetti les émigrés italiens, Karl le résistant allemand dès 1933, l’émigré espagnol des égouts de Stuttgard, les Juifs d’Europe centrale rencontrés dans les camps, enfin les résistants français avec des personnages emblématiques comme Cavaillès. Ils sont tous là, toujours présents autour de l’écrivain, à l’occasion des stages de création qu’il dirige. Tous ces personnages, et beaucoup d’autres, forment un groupe, d’apparence hétéroclite. Un lien entre eux: résister. Résistance à l’oppression. Résistance aux dictatures. Résistance et combat. Gatti lui-même condense ce parcours européen. Allemagne, Belgique, Angleterre, Espagne, Italie, Suisse, Yougoslavie et Russie. Europe, internationalisme Il y a une chose que j’ai introduite depuis longtemps, c’est l’internationalisme. Pour moi, il s’agit d’une notion fraternelle bannie de tous les langages. L’internationalisme se manifeste à travers les personnes qui viennent travailler à l’Expérience. Par exemple, la dernière comprenait 13 nationalités. On va commencer cette Expérience en recommençant le maquis. Et je crois qu’il faudra faire appel aux Européens d’un peu partout, parce que ça apporte un enrichissement formidable. Propos d’Armand .Gatti à Beaubier (Creuse) De quoi cela sera-t-il fait ? De tous les mots qu’il aura récoltés en 2009. Le poète se posera la question « Quel langage choisir ? » - 11 - Quel langage choisir ? « Une prise de conscience fondamentale » L’idéogramme (l’écriture chinoise notamment) « Avec l’idéogramme on a, dans un signe, un trait qui veut dire quelque chose, un autre qui signifie autre chose, un autre trait encore autre chose etc. etc. Et puis ces traits ensemble, forment encore autre chose qui signifie autre chose. Ainsi l’idéogramme existe déjà dans tout. Avec l’idéogramme l’homme a la possibilité d’essayer de ‘dire la nature’, de communiquer. C’est la même chose pour la théorie quantique, ‘découverte’ par les physiciens au 20ème siècle. Ce fut donc une victoire pour l’homme d’avoir introduit l’idéogramme dans la langue. » L’alphabet (les écritures alphabétiques) « Ce que nous appelons un mot tiré de l’alphabet (a, b, c, d..), c’est déjà le commencement du monde industriel. Pour être moderne il fallait passer par la mathématique, contrôler par les mathématiques, devenir de plus en plus une fabrique à robots. C’est comme cela que les choses s’expriment. Le résultat final est que tout devient monnaie et chose qui se paye. » La réalité et les langages « Telle chose si vous la dite en langage mathématique c’est une chose, dite en langage philosophique c’est autre chose, en langage poétique encore autre chose.... La réalité est toujours ‘balayée’ qu’elle que soit la façon de le dire. Toujours. Le langage choisi pour notre expérience sera donc la traversée des langages, c’est-à-dire ‘faire du travail qu’on va faire une traversée des langages’. » Le yin et le yang : « langage d’univers » « Qu’avons-nous de palpable en matière de langage d’univers ? Le yin et le yang (là encore on retrouve les chinois) Cela correspond au masculin et au féminin, cela veut dire encore le soleil et la lune etc. Ce qui renvoie effectivement à un langage d’univers dans la mesure où on y voit la possibilité d’un renouvellement : la terre avec ce qui se fait, ce qui pousse, ce qu’il y a etc. Et, essayer d’avoir un langage avec cette nature, c’est essayer d’entrer dans tout ce qui est nous, dans tout ce qui vit. On a les arbres, on a les animaux, on a mille choses. Et là-dessus qu’estce qu’on fait ? On abat les forêts. De même avec les animaux dont les espèces disparaissent. C’est le seul langage qu’on ait ! N’oublions pas que les arbres sont les seuls à pouvoir parler avec le soleil. C’est ce langage (chlorophyllien) qui leur sert de nourriture. N’oublions pas que nous sommes nés d’un courant d’air qui a soufflé, disent les savants, sur une ‘algue bleue ‘ (cyanobactérie) donnant le système de création terrestre : monde animal, monde végétal… ». Propos d’A.Gatti (à Beaubier – Creuse, le 4 août 2008) - 12 - J’ai laissé l’écriture, mais elle n’est que signes dans le rêve. Lorsqu’on s’éveille personne ne pose de questions. Squelette, le 8 avril 1457, IKKYÛ La chanson terminée, les sapins la prolongent. La Source, LI PO Synthèse de l’Intervention d’Armand Gatti Mairie de Neuvic le 29 septembre 2009 Le langage quantique Le loup de Gubbio en réponse à Claire et François suggère de parler aux frères arbres. Ici en Limousin, nous parlerons aux arbres hommes. Un coup de dé affirmatif. Le déterminisme ne s’oppose pas au probabilisme ; le déterminisme n’est qu’un probabilisme particulier ; il n’est que le probabilisme d’UNE probabilité sur UNE. Il s’agit de dissiper cette confusion pour abattre la croyance en le déterminisme. L’écriture automatique tente d’isoler l’acte de la conscience et de la sorte jette un mot ou plusieurs en mode « corps machine » (Descartes) pour obtenir un premier jet. Ce premier jet lancé pollue le second. Du sens transcrit en engendre un autre. La narration est horizontale et le langage n’est pas plus aléatoire. L’écriture consciente linéaire, elle, pose une chaîne d’idées, de sens qui s’engendrent de la même manière mais avec l’accord du scribe. Dans les deux modes l’écriture est horizontale et forme un tout prolifique comme un élevage, comme transmigratoire et de la sorte risque de tomber sous l’empire du déterminisme karmique illusoire. « Au commencement était le verbe, le verbe était dieu et le verbe était auprès de dieu. » Dieu le père avec Dieu le Fils ; entre les deux une traversée de sens ; une effusion de langues en flammèches. Verticalement. Parler aux arbres hommes verticalement en « langue métaphysique à partir de pourquoi pas à partir de l’épopée du « Si-yeou-ki », le Singe pèlerin parti chercher au prix de mille exploits Le Livre de la Vérité et revient avec un livre où toute les pages sont blanches, de cette Énéide chinoise arriver au livre blanc et raconter les multiples existences du maquis corrézien hier et aujourd’hui, des langues asiatiques et de la théorie quantique, de la multiplication de la possibilité d’être, du langage quantique. » - 13 - ANNEXES Le cycle de la « Traversée des langages » regroupe depuis 1995 une quinzaine de pièces à sujets scientifiques, épopée des ruptures de la pensée scientifique et de sa résistance à la pensée dominante, et en quoi elles impliquent un engagement de l’esprit et du corps. Raviver la mémoire de scientifiques avec qui Gatti se trouve en fraternité est un aspect important de sa démarche, comme Jean Cavaillès (1903-1944), philosophe, mathématicien, martyr de la Résistance, "qui-en-temps-de-paix-maniait-les-équations-et-les-concepts-et-qui-en-tempsde-guerre-contre-le-plus-abject-des-ennemis-jonglait-avec-la-dynamite", ou encore le mathématicien Evariste Galois (1811-1832), exclu de l'École Normale pour ses opinions républicaines, et dont l’œuvre géniale, à la base de la notion de groupe, ne fut appréciée qu'après sa mort en duel à l'âge de 20 ans. L’attraction de Gatti pour la physique quantique prend alors sens dans son œuvre, puisqu’elle remet justement en question les représentations acquises. L’enjeu du travail qu’il réalise régulièrement avec des stagiaires d’origines différentes (étudiants, ouvriers, public en réinsertion) est de les affranchir du langage de la soumission et de l’enfermement pour une maîtrise de l’histoire de leur vie. Gatti et la traversée des langages « La langue, j’avais besoin de la dévorer sous toutes ses formes, de vivre avec elle. Ce besoin est devenu plus fort que tout. Dans ce sens, la langue est devenue plus qu’une famille, plus qu’une nationalité, plus qu’un pays, elle est devenue mon existence même » Armand Gatti Il suffit de cette épigraphe pour constater que l’enjeu de la traversée des langages est coextensif à Armand Gatti, vie et oeuvre mêlées. Mais plus spécialement, il sera question ici des rapports de Gatti avec le langage scientifique. Car, s’il est clair que les langages représentent en général des frontières à traverser, c’est dans le cas du langage de la science et des hautes barrières qui le séparent du langage ordinaire, que l’on pourra le mieux apprécier les particularités des transgressions du passeur Armand Gatti. Les langages sont, à l’instar des odeurs et des cris des espèces animales, des marqueurs de domaines, des délimiteurs de territoires. Le jargon (celui des Ballades de Villon) barre l’entrée du royaume de truanderie, les hermétismes juridiques bornent le champ clos de la basoche, les arcanes du lexique médical sont des sentinelles postées devant les salles de garde, le verlan signe les lieux - 14 - de ban... Bien sûr, cette fonction des langages a sa rationalité : le secret nécessaire aux activités prohibées, ou bien la précision requise par les actes de justice et les observations diagnostiques. Par exemple, le vocable «hyperthermie» n’est pas — à priori — choisi par les ouvrages médicaux pour limiter la compréhension par un profane, mais pour éviter les polysémies, préjudiciables à la description exacte d’un cas pathologique, qu’induiraient les termes de «fièvre» ou de «température». Cependant de tels particularismes, tout comme les mots ou les accents régionaux, en arrivent à prendre valeur de signes identitaires, de marques d’appartenance et d’instruments de discrimination, tout comme le «schibboleth», dont la Bible (Juges 12, 6) nous enseigne le rôle historique : les gens de Galaad reconnaissaient ceux d’Ephraïm à leur manière fautive («sibboleth») de prononcer le mot hébraïque signifiant épi — en vertu de quoi les intrus étaient aussitôt égorgés… Tout particulièrement, les pays de la communauté des sciences exactes se signalent par les particularités des idiomes qui s’y parlent : pour y réaliser la performance, partout ailleurs inimaginable, d’affirmer des vérités irréfragables et des lois absolues, ne sont autorisées que des mots univoques, constituant en eux-mêmes leur propre contexte, tels que "synchrotron", "polyèdre", "rétrovirus". Il n'est pas même nécessaire que les termes scientifiques soient hérissés de racines savantes, il suffit de les doter, à leur admission dans un domaine scientifique, d'une signification précise : c'est ainsi que des mots ordinaires comme "réel", "étrangeté" ou "groupe" ont pris rang dans des registres lexicaux réservés aux spécialistes. La présence de ces faux amis ne fait d'ailleurs qu'accentuer l'étanchéité des frontières entre profanes et initiés, en suscitant fausses compréhensions et authentiques malentendus. L'existence même de cette discrimination entre langage scientifique et langage ordinaire s'est manifestée avec éclat(s) par la publication en 1998 du livre d'Alan Sokal et Jean Bricmont Impostures intellectuelles. Ces deux physiciens théoriciens y dénoncent l'emploi de notions scientifiques par des philosophes, sociologues, linguistes ou psychanalystes français. Pour ne prendre qu’un exemple, ils citent au début de leur livre un extrait d’un texte de Jacques Lacan : «Dans cet espace de la jouissance, prendre quelque chose de borné, fermé, c’est un lieu, et en parler c’est une topologie.» (Séminaire, Livre XX : Encore, 1972-1973) Les auteurs commentent : «Dans cette phrase, Lacan utilise quatre termes mathématiques […]. Or cette phrase ne veut rien dire d’un point de vue mathématique. » On voit là un effet pervers inattendu du fait d’importer dans la sphère scientifique des mots du langage courant : leur emploi dans leur sens le plus ordinaire (espace, borné, fermé) ou dans leur sens proprement étymologique (c'est un lieu, et en parler c'est une topologie) marquera désormais une transgression insupportable pour les gardiens du temple... Cette attitude défensive des tenants les plus étroits du langage de la science a été saluée par une foule de partisans, soulagés de pouvoir discerner, par le seul langage, le domaine de l'à-peu-près et de l’obscurité, de la chasse gardée où règnent précision et lumière. Voilà donc un nouvel avatar de la technique du schibboleth ! - 15 - A l’aune des critiques à la manière de Sokal et Bricmont, que dire alors des péchés contre la science commis par Armand Gatti ? Car depuis toujours, Gatti médite sur le monde scientifique, ses créateurs mythiques, ses révolutions mentales et ses concepts abstraits. Mais il ne se contente pas d’y méditer ! De manière invraisemblable, à Marseille, à Fleury-Mérogis, à Strasbourg ou à Sarcelles, il fait intervenir comme personnages de ses pièces Kepler, le chat de Schrödinger, les groupes antisymétriques, Heisenberg, Gödel, le boson de Higgs, Galois, les trous noirs ! Son théâtre est peuplé des spectres de la science : on y voit même évoluer sur scène, chanter et se battre des axiomes, des algorithmes, des symétries, des antiparticules. Or pour toutes ces créations, Gatti a bénéficié du soutien et de la participation d’astrophysiciens, de théoriciens, de chercheurs du CERN… Comment ces scientifiques, qui sont incontestablement au coeur des problèmes les plus actuels de la science, voient-ils les works-inprogress de Gatti, qui brassent dans leur chaos la relativité, la politique, la mécanique quantique, la poésie et les mythes? Ne craignent-ils pas, eux, les champions de la méthode et de la rigueur, le flou, l’amalgame, l’erreur? Voici quelques éléments de réponse. En premier lieu, Gatti a souvent manifesté sa fascination à propos du fait que les mots-clés de la physique et de la logique mathématique du XXe siècle étaient la relativité, l’indétermination et l’incomplétude, termes qui sont bien loin de l’idéal de connaissance complète, absolue et déterministe conçu au XIXe siècle. Gatti étant un résistant contre tous les déterminismes hégémoniques et oppressifs (ceux de la naissance, de la culture et du pouvoir), ne pouvait choisir comme héros scientifiques que Einstein, Heisenberg, Bohr et Gödel. Ce qui le passionne, c’est l’ouverture à tous les possibles, à la multiplicité vertigineuse des interprétations qu’autorisent les perspectives ouvertes par la mécanique quantique et les paradoxes de la relativité. En passant, on peut noter à ce propos son intérêt pour le Talmud, qui valorise plus les questionnements que les réponses, ainsi que pour la Kabbale, qui combine les lettres, les sons et les sens, avec des maîtres anciens comme rabbi Aboulafia, ou contemporains, comme Marc-Alain Ouaknin. En second lieu, Gatti n’a pas manqué d’être frappé par les cas où le langage lui-même atteste de la profonde parenté entre création scientifique et création artistique. Par exemple, si la géométrie et la mécanique nous parlent de ces courbes que sont l’ellipse, la parabole et l’hyperbole, ces termes ont également un sens rhétorique. Aspect géométrique tout d’abord : on sait depuis le quatrième siècle avant notre ère que si on coupe un cône par un plan on obtient, selon l’inclinaison par rapport à l’axe du cône, des courbes qui sont de la famille des ellipses (qui inclut le cercle), de la parabole et de la famille des hyperboles. Aspect mécanique ensuite : si on propulse un satellite parvenu à une certaine altitude avec une vitesse adéquate, il va orbiter suivant une trajectoire elliptique, alors que si la vitesse est trop grande, il va s’éloigner à l’infini selon une trajectoire hyperbolique (ou, dans un cas particulier parabolique). Par ailleurs la trajectoire d'un projectile dans un champ de pesanteur uniforme, en l'absence de forces de frottements, est une parabole. L'application de ces formes mathématiques aux "formes" de la rhétorique calque ces définitions avec un «parallélisme» étonnant : elles sont alors relatives, dans un sens «figuré», à un discours qui reste en deçà de son objet (l’ellipse), ou qui le dépasse largement (l’hyperbole), ou atteint exactement sa cible (la parabole), par le biais d’une comparaison. Gatti sait bien que si les ressources stylistiques sont aussi des - 16 - concepts mathématiques, c’est que les créations littéraires et scientifiques sont toutes deux le fruit d’un même élan qui cherche à transcender l’individuel et vise l’inconnaissable réalité, le sens à jamais inatteignable. La quête du chercheur, c’est aussi la quête de l’écrivain, tâches perpétuellement inachevées… Ces destins sont liés, et c’est la raison pour laquelle les concepts enfantés par les sciences ont vocation à exister ailleurs que sur les tableaux des amphithéâtres. Enfin, dans le style au sens propre inouï inventé par Gatti, brassant épistémologie et lyrisme, prosopopées scientifiques et opéras métaphysiques, il n’y a, de manière surprenante, aucune confusion, aucune erreur scientifique, non plus que de tentations pour l’attrait des pseudo-sciences ou les modes New Age. Bien au contraire, à travers ses créations hors norme, se dessine une forme paradoxale de respect, d'orthodoxie, de fidélité aux grands fondateurs et aux grandes idées. Les sciences exactes ne sont pas uniquement caractérisées par les énoncés indiscutables qu’elles produisent, mais aussi par des concepts, des abstractions, des structures et des personnages qui vivent dans notre imaginaire à travers des polémiques, des révolutions, des remises en question. Ce sont ces idées et ces figures qui prennent vie et corps par l’écriture d’Armand Gatti, dans une geste cosmique où les mots de la tribu des scientifiques gagnent un sens nouveau et prolongent, sur une autre dimension, le projet même de la science. Guy Chouraqui Université Louis Pasteur de Strasbourg - 17 - BIOGRAPHIE Armand Gatti par Marc Kravetz Dante Sauveur GATTI, dit Armand Gatti, ou encore Don Qui ? ou bien 4 Chats ou Le poète survolté, né le 26 janvier 1924 à la maternité de l'hôpital de Monaco, fils d'Auguste Rainier, balayeur, et de Letizia Luzona, femme de ménage. Bon élève (dissipé) du petit séminaire ; résistant, condamné à mort (gracié en raison de son âge) ; déporté (évadé) ; journaliste (médaillé) ; journaliste (couronné du Prix Albert Londres) au Parisien Libéré puis à Paris-Match, France Observateur, L'Express (ancienne formule) et Libération (l'autre, celui de la Résistance) ; cinéaste (consacré dès son premier film L'enclos, ignoré dès le second L'autre Cristobal, exilé pour le troisième Le passage de l'Ebre, interdit de caméra pour beaucoup d'autres - une dizaine) ; écrivain-dramaturgemetteur en scène (célèbre et célébré : La vie imaginaire de l'éboueur Auguste G., Chant public devant deux chaises électriques, V comme Vietnam, Les treize soleils de la rue Saint-Blaise, Le cheval qui se suicide par le feu, plus un nombre considérable de pièces, le tout joué un peu partout sur la planète et quelques rares fois en France) ; voyageur (Sibérie, Chine, Corée, Japon, Guatemala, Nicaragua, Costa-Rica, Allemagne, Irlande) - ici on s'en tient aux déplacements qui ont donné lieu ensuite à des reportages, livres, pièces de théâtre ou films ; écrivain public itinérant et vidéographe (en compagnie de la Tribu, du Brabant-Wallon à Montbéliard, de Ris-Orangis à l'Isle d'Abeau avec crochet par Saint-Nazaire prolongé d'une pointe en Avignon et Marseille avant un rebond à Strasbourg). Signe particulier : refuse de s'enfermer dans sa fiche de police. Plus difficile de raconter Gatti que de peindre l'oiseau de Prévert. Armand Gatti (il était Dante, le journalisme l'a voulu Armand, Armand il est aussi) ne récuse pas la chronologie. Il l'ignore. Diachronie et synchronie sont pourtant des coordonnées bien commodes. Elles ne sont pour Gatti que de pauvres possibles. Incapables en tout cas d'enfermer ses rendez- vous galactiques. Il leur préfère les diastoles et les systoles, le mouvement vrai de la vie et du monde. L'histoire commence dans un trou, celui, glacé, d'un maquis de la forêt de la Berbeyrolle (Corrèze) pendant l'hiver de 1942, par un dialogue solitaire entre le jeune partisan sans armes et le Dieu des infinis. L'histoire commence dans un camp de concentration, matricule 17173 à Linderman et sur les chemins de l'évasion parcourus à pied par un jeune homme qui, sans le savoir, avait retrouvé l'itinéraire d'Hölderlin. L'histoire commence au Guatemala avec l'Indien Felipe parlant à l'aube de son massacre une langue inconnue où les mots ne sont plus les étiquettes des choses. L'histoire n'en finit pas de commencer. L'histoire commence bien avant avec Auguste le balayeur, l'anarchiste rescapé des tueurs Pinkerton, le père qui, - 18 - dans les mots du fils qu'il ne lira jamais, retrouvera les histoires dont il l'a enivré. L'histoire n'en finit pas de commencer puisque chaque mot pour écrire est une nouvelle naissance et que dans l'espace utopique de l'écriture, le communard Eugène Varlin peut rencontrer l'anarchiste Durruti, que le communiste Gramsci devient le frère de Felipe l'Indien, que Rosa Luxemburg apprivoise les oiseaux auxquels parlait raconter Gatti François d'Assise. Au commencement, le mot, le verbe, la seule arme qui ne désigne pas le pouvoir bout du canon, la seule qui vaille qu'on vive : Gatti poète. Pour le fils de l'immigré, le langage est d'abord un combat. Et pas seulement avec l'ange. Quand les manuels des temps futurs retiendront que la langue de Gatti est l'une des plus belles de ce qui s'appellera alors la littérature française contemporaine, ce ne sera que triste justice. Mais comment dire ce qu'est la recherche du mot juste ? Le combat pour le mot juste, le mot du combat des justes. Ce mot qui ne se laisse jamais enfermer ou bien il meurt, petit fétiche imprimé des proclamations dérisoires. Le mot juste, c'est-à-dire le mot unique, au moment juste, comme celui qu'échangent les condamnés à mort dans une cellule de la prison de Tulle alors que tout va être dit : « Le matin s'est levé sur ce moment juste, racontera Gatti bien plus tard, ... Peut-être allions-nous mourir dans quelques heures ? Mais si l'aventure devait s'arrêter là, ma vie était remplie. J'avais fait les rencontres essentielles. J'avais vécu ce qu'il y avait de vraiment important dans la vie. Plus tard je me suis aperçu que la vie était faite de ce type de rencontre. Le reste, ce n'est que du temps qui s'écoule. » On ne triche pas avec le temps. Ce n'est pas une raison pour se soumettre à ses lois. C’est pourquoi tout ce qu'il faut bien désormais appeler l'œuvre d'Armand Gatti, cette vie qui n'a pas été fauchée dans une prison allemande, est faite de rendez-vous dans les espaces-temps de tous ceux que la mort physique a pour toujours privés de la parole. De Gatti, Henri Michaux disait à leur première rencontre : « Depuis vingt ans parachutiste, mais d'où diable tombaitil ? » La question reste aujourd'hui ouverte. De quel Enclos, de quelle planète provisoire, de quelle cage aux fauves ce messager de l'éternel présent continue-t-il d'émettre cette lumière singulière? Journaliste, cinéaste, dramaturge, écrivain, poète, Gatti ne cesse de se débarrasser de ses identités comme d'autant de peaux mortes. Peut-être le retrouverez-vous un jour à Pékin sur le Pont du Ciel, là où les conteurs se succèdent pour raconter, croit-on, la même histoire, en vérité la même histoire mais toujours différente car chacun en porte la version vraie dont il est le témoin unique. Gatti ou la quête de la parole errante. Ni un voyage, ni un itinéraire, ou alors celui du Grand Tchou ou de l'Homme Seul, sans fin ni terme, tout juste des étapes :Barcelone insurgée, le maquis guatémaltèque, un égout de Berlin, une piste vietnamienne, la steppe ukrainienne, la grande poste de Dublin, les docks de Marseille ou les banlieues d'Avignon, de Strasbourg et de la SeineSaint-Denis. Là où l'homme est plus grand que l'homme, où il prend enfin la mesure de sa démesure. - 19 - CONTACTS Gilles Durupt : 06 85 29 86 35 Nathalie Fourche Mairie de Neuvic : 05 55 96 76 74 La Parole errante : 01 48 70 00 76 – Jean-Jacques Hocquard 9, rue François Debergue – 93100 Montreuil (France) Adresse électronique : [email protected] Sites Internet : www.la-parole-errante.org - www.armand-gatti.org - 20 -