Théorie de l`agence

Transcription

Théorie de l`agence
Les grandes théories
d’organisation et les
théories économiques
1
Théorie de l'agence
Cette théorie générale qui s'appuie sur la relation principal-agent s'applique également à
l'analyse de l'entreprise. Elle décrit les relations entre les actionnaires (principal) et le
manager (agent) dans un contexte d'asymétrie d'information. Ces agents ont des intérêts
contradictoires. Les actionnaires cherchent avant tout à maximiser la valeur de la firme
tandis que le manager cherche à maximiser son revenu et donc la taille de l'entreprise.
La théorie de l'agence permet d'expliquer les stratégies des firmes selon que le principal
ou l'agent contrôle l'entreprise. (Grossman, Hart, Holström)
Théorie des coûts de transaction
Selon cette théorie, l'information est imparfaite et coûteuse. L'entreprise et le marché
sont des modes alternatifs de fourniture de biens et de facteurs. L'entreprise existe car il
existe un coût (le coût de transaction) à recourir au marché. L'entreprise permet une
économie un contrat unit plusieurs personnes pour effectuer des tâches sans recourir au
marché et donc au prix. Inversement, les coûts organisationnels limitent la capacité des
firmes à se substituer au marché. D'autres facteurs sont à l'origine des coûts de
transaction. Ils sont, d'une part, humains (opportunisme dans les transactions, nature de
l'information, rationalité limitée) et, d'autre part, liés à l'environnement de l'entreprise
(incertitude, spécificité des actifs, fréquence des transactions). Cette théorie permet donc
d'expliquer l'intégration verticale de l'entreprise tout en montrant sa limite liée à des
coûts et des distorsions spécifiques. (Coase, Williamson)
Théorie de l'entrepreneur
Selon Schumpeter, l'entrepreneur joue un rôle central dans le système capitaliste. II est
animé par des motivations individuelles de réussite. Le profit rémunère la capacité
d'innovation de l'entreprise, c'est-à-dire sa manière d'effectuer des combinaisons
économiques. Les innovations peuvent être liées au processus de production ou à la
découverte de produits nouveaux. L'entrepreneur est toutefois menacé par la
bureaucratie de la grande entreprise. Celle-ci, en éliminant l'entrepreneur, éteint toute
source d'innovation et de croissance. Et le capitalisme est condamné à disparaître.
(Schumpeter)
Théorie des entreprises publiques (et réglementation)
L'intervention de l'État se justifie pour corriger les défaillances du marché (absence de
rivalité et absence d'exclusion du consommateur, existence de rendements croissants,
présence d'externalités). Les entreprises publiques cherchent à concilier l'objectif public
avec celui de profit. Elles sont critiquées pour leur manque d'efficacité (théorie de la
capture, théorie de la bureaucratie, théorie des droits de propriété). Pour un contrôle
plus efficace de ces entreprises, deux voies sont possibles: la première consiste à ouvrir
le capital, la seconde à les réglementer (en appliquant, par exemple, une tarification à la
Ramsey-Boiteux). (Boiteux, Ramsey, Stigler)
2
Théorie de l'équilibre général
Dans ce cadre théorique, l'entreprise agit dans un univers de concurrence pure et
parfaite. L'entreprise décrite est dite " représentative". Elle est réduite à son expression
technique (fonction de production). La fonction de production qui résume l'entreprise a la
forme suivante Y = f (K, L) où Y est la quantité produite et K et L les facteurs de
production (respectivement le capital et le travail). La productivité marginale des facteurs
de production est décroissante. La firme est une boîte noire qui maximise son profit sous
une contrainte de coût. Elle est preneuse de prix (price taker).
Théorie de l'efficacité-X
Cette théorie a pour point de départ un grand nombre d'observations ayant mis en
évidence que des firmes aux caractéristiques techniques identiques pouvaient avoir des
différences de coût de production très importantes. Ce résultat apparaît en parfaite
contradiction avec la théorie néoclassique. Pour cette dernière, l'objectif unique de toutes
les firmes est de maximiser leur profit ce qui implique en particulier la minimisation des
coûts. Pour expliquer cette contradiction, il convient d'analyser non la firme mais les
individus qui la composent et dont la rationalité est limitée au sens de Simon. Le
comportement de la firme devient le résultat des actions des différents agents qui la
composent. Le X de la théorie est synonyme de non allocatif. (Leibenstein)
Théorie de la firme évolutionniste
Les entreprises sont très diverses et ont des compétences spécifiques. Trois critères
permettent d'analyser les firmes : distinguer les firmes les unes des autres en fonction de
leur activité ; expliquer le portefeuille d'activités de chaque firme ; expliquer les logiques
d'évolution des firmes. La firme évolue au cours du temps grâce à l'apprentissage.
L'information n'est plus exogène car la firme est capable d'en produire. L'évolution de
l'entreprise n'est pas aléatoire mais déterminée en fonction des compétences
accumulées. Le marché n'est que l'un des processus de sélection des firmes. (Alchian,
Demsetz, Nelson et Winter)
Théorie des firmes A et J
L'analyse se concentre sur la structure même de l'entreprise et sur sa performance sans
reconsidérer la question de son existence. II existe deux types de firmes la firme A et la
firme J. Chacune réagit selon les conditions du marché et les opportunités technologiques
et possède sa structure d'échange de l'information. La firme de type A (pour américain)
possède une structure rigide. Ses règles et ses fonctions sont préétablies de façon
précise. La firme de type J (pour japonais) au contraire possède une organisation du
travail souple et sans fonction figée. Chacune possède ses domaines et conditions
d'efficacité. La firme J serait plus efficiente que la firme A, par exemple, en univers
incertain. (Aoki)
3
Théorie managériale
Selon cette théorie, la grande entreprise conduit à l'apparition d'une technostructure
(managers, cadres supérieurs, ingénieurs) distincte des propriétaires. Les objectifs de la
technostructure (dépenses de prestige et maximisation de la part de marché) peuvent
être contradictoires avec ceux des propriétaires actionnaires. Les managers peuvent être
toutefois contraints d'infléchir leur position dans un sens plus favorable aux actionnaires.
On parle alors de gouvernement d'entreprise. La contrepartie en est une gestion de
l'entreprise au jour le jour en fonction de l'évolution de la conjoncture et non de choix
stratégiques de long terme. (Berle, Means, Galbraith)
Esprit d'entreprise et développement économique
Cette théorie cherche à rendre compte en quoi les barrières socio-culturelles et
psychologiques aux attitudes entrepreneuriales pourraient expliquer l'incapacité de la
société sous-développée à générer et à mettre en oeuvre l'innovation technologique et
organisationnelle. (Bauer, Yamey, Friedman)
Modèle de développement de Lewis
Selon Lewis, les pays de la périphérie sont constitués d'une "économie duale" composée
d'un secteur capitaliste et d'un secteur traditionnel. Le premier comprend des activités
manufacturières et minières et d'agriculture commerciale : il est orienté vers le profit,
lequel est consacré au financement de l'investissement. Le second secteur qui inclut
l'agriculture traditionnelle et les activités informelles urbaines est orienté vers la
subsistance. Le secteur capitaliste se développe en attirant les travailleurs du secteur des
activités de subsistance. Lors de la phase initiale de développement, l'offre de travail
dans le secteur capitaliste excède la demande de travail, le salaire peut donc rester faible
et stable durant une période assez longue au cours de laquelle s'effectue ce transfert de
travailleurs. Il en résulte des profits élevés et donc, une épargne et une accumulation du
capital dont dépend le développement économique. capital Cette phase s'achève quand
le surplus de travail a été absorbé et que les salaires augmentent. (Lewis)
Théorie de la croissance appauvrissante
La théorie rend compte de ce type de situation lorsqu'un pays pratique le libre-échange
et qu'il connaît une amélioration de ses techniques de production et/ou une amélioration
de sa dotation factorielle. Ces améliorations entraînent une baisse du prix mondial du
bien exporté d'où une détérioration des termes de l'échange. Cette situation a d'autant
plus de chances de se produire que la croissance provient essentiellement du seul secteur
des exportations, que l'élasticité prix de la demande du produit exporté est élevée, que le
pays en question a été le seul à connaître ces améliorations. (Bhagwati)
Théorie de la croissance équilibrée
Elle montre que toute croissance repose sur un effort minimum d'investissement de
départ mais à la condition de respecter en permanence l'interdépendance entre l'offre et
la demande aussi bien au niveau global qu'au niveau de chaque secteur ce qui à terme
permet un équilibre de croissance autoentretenue. (Rosenstein-Rodan, Nurkse)
4
Théorie de la dépendance
Dans ce cadre théorique, l'économie mondiale est constituée de deux pôles, le centre
capitaliste représentant les nations occidentales industrialisées, la périphérie constituée
des pays du Tiers monde. La dépendance de ces derniers vient de la dégradation des
termes de l'échange, des multinationales, des transferts de technologie, de l'aide et de
l'alliance objective des classes dominantes des pays dépendants avec les intérêts des
capitalistes. Seule une modification des relations économiques avec les pays
industrialisés peut permettre un développement des pays du Tiers monde. (Amin,
Prebish, Singer, Frank)
Théorie de la gouvernance
Cette théorie combine les approches de la science politique et de l'économie
institutionnelle. Elle vise à démontrer que les États qui sont les plus aptes à favoriser le
développement sont ceux qui exercent les fonctions régaliennes universelles et les seules
politiques publiques que d'autres acteurs que l'État ne seraient pas en mesure d'élaborer
à sa place avec la même efficacité. Ce sont également des États suffisamment
désengagés de la société civile et du marché pour laisser les mécanismes
d'autorégulation de ceux-ci produire tous leurs effets.
Théorie de la recherche de rente
Les systèmes administratifs de nombreux pays en développement se caractérisent par
diverses formes de clientélisme, de népotisme ou de corruption. L'intervention de l'État
offre, de par les emplois et les législations, des possibilités de rente. Les individus et les
groupes de pression seront incités à investir des ressources pour rechercher des rentes
et obtenir des privilèges au lieu de chercher à accroître la production. Les responsables
politiques offriront des rentes en échange de rémunérations monétaires et/ou de soutien
politique. Cette recherche de rente entraîne un gaspillage de ressources et un facteur de
violence politique pour s'approprier des rentes. (Krueger)
Théorie des effets d'entraînement
Elle part de l'existence d'effets d'entraînement de l'amont du processus productif vers
l'aval, et de l'aval vers l'amont et de l'interdépendance à long terme des décisions en
matière d'investissement. Les gouvernements sont incités à pratiquer une politique
d'investissement sélective en faveur des secteurs industriels jugés les plus stratégiques
en termes de retombées économiques tout en soutenant l'existence de la libre entreprise
et du libre échange. (Hirschman)
Théorie des étapes de la croissance
Toute société passe par cinq phases : tradition, transition, décollage (take off), maturité
et consommation intensive. Le problème soulevé par le développement se situe au
niveau de la troisième séquence. Le décollage se produit grâce à une forte augmentation
du taux d'investissement, déclenchant une dynamique autoentretenue de la croissance.
(Rostow)
5
Théorie des industries industrialisantes
Les industries industrialisantes sont celles qui dans leur environnement local modifient
structurellement la matrice interindustrielle, transforment les fonctions de production et
augmentent la productivité de l'ensemble de l'économie. La priorité donnée à ces
indutries repose sur une forte intervention de l'État via la planification et la
nationalisation des entreprises. (Perroux, de Bernis)
Théorie du cercle vicieux de la pauvreté
Les pays sous-développés, en raison de la faiblesse de la demande interne liée aux
faibles revenus, sont dans l'incapacité de lancer des projets d'investissement rentables et
capables de déclencher le processus de développement. Du côté de l'offre, la faible
capacité d'épargne résulte du bas niveau de revenu réel qui lui-même reflète la faible
productivité qui résulte, à son tour, du manque de capital, un manque de capital qui luimême est le résultat de la faible capacité d'épargne ; ainsi, le cercle est fermé.
(Nurkse)
Théorie du sous-développement dans le cadre de l'échange inégal
Les difficultés des pays en développement trouvent leur origine dans la différence des
taux de salaire entre nations et dans la péréquation internationale des taux de profits.
Les pays à bas salaires vendent leurs marchandises à un prix inférieur à leur " prix de
production ", même si leur productivité est similaire à celle des pays industrialisés. Une
partie de leur surtravail est donc transférée à ces derniers et contribuent à leur
appauvrissement. Deux hypothèses sont essentielles : 1°/ à travail égal les salaires sont
largement inférieurs dans les pays sous-développés par rapport aux pays développés ;
2°/ le taux de profit est le même pour tous les investissements, quel que soit le pays où
ils sont réalisés. Cette théorie a été critiquée. Certains marxistes lui reprochent de ne pas
prendre en compte une analyse de classes. Les pays développés, toutes classes
confondues exploitent les pays sous-développés. D'autre part, statis-tiquement, on
observe plus une instabilité qu'une détérioration généralisée et continue des termes de
l'échange. En outre, d'autres facteurs peuvent expliquer les phénomènes observés
comme l'évolution de la demande ou du progrès technique. (Arghiri Emmanuel)
Théorie de la capture ou économie positive de la réglementation
L'autorité réglementaire est vénale et soumis à l'influence des groupes de pression. Il
n'est plus le garant de l'intérêt général. La réglementation est ici analysée comme un
service échangé entre les décideurs politiques et les fonctionnaires (offreurs) et les
dirigeants des entreprises (demandeurs). Les offreurs cherchent à maximiser leur chance
de réélection ou à obtenir de futurs postes dans les industries qu'ils ont sous leur tutelle.
Les demandeurs souhaitent de leur côté se protéger de la concurrence, en particulier
étrangère. Cette approche est connue sous le nom de théorie de la capture de la
réglementation, parce que le réglementeur devient un agent entièrement au service des
intérêts des entreprises. Pour limiter l'action des groupes de pression, les tenants de
cette école préconisent une solution radicale qui consiste à retirer à l'État le droit de
réglementer. (Stigler)
6
Économie publique normative
L'autorité réglementaire a pour objectif l'efficacité économique. Elle est soucieuse de
l'intérêt général. L'existence de défaillances (bien public, externalité, monopole naturel)
du marché, mis en évidence dans le cadre de l'économie du bien-être, justifie
l'intervention publique. L'État doit donc par la réglementation influer sur le
comportement des firmes et des consommateurs. Sa démarche est normative, elle vise à
atteindre une allocation des ressources optimale de type paretien (situation dans laquelle
on ne peut améliorer le bien-être d'un individu sans détériorer celui d'un autre individu,
optimum de premier rang). Despote bienveillant, assimilé à un planificateur parfait, l'État
n'est contraint ni par des difficultés de collecte d'information, ni par des capacités de
calcul limitées. Il est de ce fait considéré comme infaillible. Un exemple de cette
réglementation est celle de Ramsey-Boiteux sur les monopoles. (Pigou)
Nouvelle économie publique
L'idée est d'analyser les défaillances du législateur et de les corriger, car le marché n'est
pas la seule source d'insuffisances. Les défaillances de la réglementation doivent être
réduits au minimum afin d'aboutir à une allocation paretienne efficace de second rang.
Cette dernière est l'affectation des ressources qui est la "meilleure possible" compte tenu
de l'existence de diverses contraintes qui empêchent de parvenir à un optimum de
Pareto. Ces défauts sont principalement : l'asymétrie d'information entre le régulateur et
le réglementé ; l'intérêt personnel du régulateur ; son insuffisante crédibilité. La théorie
des incitations et des contrats (par exemple du type assureur/assuré ou contrat de
travail) permettent de remédier de ces défauts. (Laffont, Tirole)
Optimum paretien
il se définit comme une situation économique efficace socialement au sens où personne
ne peut améliorer sa position sans détériorer celle des autres. (Pareto)
Théorème de Coase
Selon Coase, prix Nobel 1991, en l'absence de coûts de transaction et si les droits de
propriété sont définis, les agents peuvent corriger spontanément les externalités en
passant par le marché. Dans un monde sans coût de transaction et en concurrence
parfaite, la création de richesse grâce à l'utilisation des ressources de l'économie est
indépendante de la répartition des droits de propriété. Les agents peuvent, en effet,
facilement échanger les droits sur ces ressources pour produire, chacun y trouvant
intérêt. Par conséquent, l'ensemble de la législation afférente à ces droits est inutile.
C'est l'exemple dit du " pollueur-payeur ". Une entreprise rejetant des effluves dans une
rivière doit acheter une partie des droits de propriété de l'eau, initialement détenus par
les victimes potentielles pour pouvoir produire. L'État n'a donc à intervenir qu'une seule
fois pour assurer le fonctionnement de l'économie en attribuant initialement les droits de
propriété. La réglementation ne peut donc s'imposer qu'à deux conditions : que les coûts
de transaction de réglementation soient inférieurs aux coûts des autres solutions, que
ces coûts soient inférieurs aux bénéfices de l'action elle-même. En effet, la
réglementation n'a de sens que si elle permet une allocation efficace de moindre coût.
(Coase)
7
Théorème d'impossibilité d'Arrow
Ce théorème généralise le paradoxe de Condorcet (1785). Arrow, prix Nobel 1972,
montre que la transitivité qui caractérise les choix rationnels d'un individu ne peut être
agrégée pour obtenir un processus de choix sociaux transitifs (fonction de bien-être
social). (Arrow)
Théorie du choix social
La théorie du choix social a pour objet d'analyser la relation entre préférences
individuelles et décisions collectives et de déterminer s'il est possible de dériver des
préférences individuelles les préférences collectives. Cela est indispensable pour établir
un ordre, une évaluation des différents états sociaux et construire des indicateurs
pertinents du bien-être social. (Condorcet, Arrow, Sen)
Théorie de la justice
Cette théorie s'efforce d'énoncer un principe de justice susceptible de guider la mise en
place d'institutions réalisant un consensus social général qui s'impose sans pour autant
contredire le principe d'efficacité économique. Cela conduit à définir deux principes : 1°)
le principe de liberté selon lequel chaque personne doit avoir un droit égal au système le
plus étendu de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec le même
système pour les autres ; 2°) le principe de différence au terme duquel les inégalités
sociales et économiques doivent être telles qu'elles soient : a) au plus grand bénéfice des
plus désavantagés, b) attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous.
(Rawls)
Théorie de la coalition minimale
La principale hypothèse de cette théorie est que toutes les questions politiques
impliquent fondamentalement des redistributions à somme nulle de la richesse. Dès lors,
la stratégie optimale des hommes politiques consiste à faire en sorte que la coalition
opposée soit la plus grande possible tout en la cantonnant dans la position de perdante
destinée à payer. (Riker)
Théorie de l'équilibre général
Formulée par Léon Walras à la fin du XIXème siècle, elle traduit les écrits d'Adam Smith
et son principe de la main invisible en termes mathématiques. Un système d'équations
d'offre et de demande décrit les comportements des agents, producteurs et
consommateurs. L'égalité entre offre et demande sur les différents marchés correspond à
une situation d'équilibre général. Cet équilibre est atteint par un mécanisme de
tâtonnement. (Walras)
8
Théorie du gaspillage bureaucratique
La structure bureaucratique qui prévaut dans le secteur public entraîne un gonflement
inutile des dépenses publiques, soit parce que les programmes publics sont trop
importants, soit parce que les combinaisons productives mises en œuvre sont non
optimales. (Niskanen)
Théorie de la main invisible
Selon Adam Smith, l'individu ne " cherche que son propre gain " mais par son action
personnelle et isolée il contribue à une fin qui le dépasse, l'intérêt général. Les opérations
des agents, apparemment indépendantes les unes des autres, sont en fait coordonnées
(main invisible) et aboutissent à une situation dans laquelle les producteurs peuvent
vendre leurs marchandises et les consommateurs satisfaire leurs besoins. Une telle issue
est garantie par un système de prix et de salaires flexibles qui assure un équilibre
efficient sur tous les marchés. La somme des intérêts individuels et égoïstes est égale à
l'intérêt général. (Smith)
Théorème de la main invisible faible
Théorème selon lequel les vertus allocatives du marché ne sont pas limitées au cas de
concurrence pure et parfaite mais valent également pour les marchés monopolistiques
contestables. (Baumol, Bailey, Willig)
Théorie des marchés contestables
Marché sur lequel une nouvelle entreprise peut à tout moment venir s'installer. Il n'y a
pas de barrière à l'entrée du marché. Cette situation garantit la concurrence et donc
l'efficience des entreprises présentes sur le marché, même si elles sont peu nombreuses.
(Baumol, Panzar, Willig)
Loi des avantages absolus
Selon Adam Smith, chaque pays est plus efficace que les autres dans la production d'un
bien au moins. Le pays en se spécialisant dans la production d'un bien ce qui signifie
l'abandon de la production des autres biens, approfondit la division du travail et ainsi la
liberté des échanges va accroître le bien-être de l'ensemble des pays. C'est l'avantage
absolu dans la production d'un bien qui détermine la spécialisation de chaque pays.
(Smith)
9
Loi des avantages comparatifs
Selon Ricardo, ce n'est pas l'avantage absolu qui compte mais l'avantage relatif.
Autrement dit un pays, qui est moins efficace que les autres pays dans la production de
tous les biens qui peuvent être échangés, sera relativement moins inefficace dans la
production d'au moins un bien. En exploitant cet avantage comparatif, c'est-à-dire en se
spécialisant dans la production de ce bien, le libre-échange se révélera préférable à
l'autarcie. L'analyse ricardienne ne précise pas quel sera le niveau exact des prix et des
quantités échangées entre pays. C'est S. Mill qui déterminera l'équilibre de l'échange
international en faisant deux hypothèses : fonctions de demande par pays identiques et
constance de la part du revenu réel consacrée à chaque bien. D'autres hypothèses
fondent le modèle : concurrence pure et parfaite, existence d'un seul facteur primaire par
pays, coûts de production fixes (totalement indépendants de l'échelle de production et
des effets externes). (Ricardo, Mill)
Paradoxe de Leontief
Partant du fait que les États-Unis étaient en principe mieux dotés en capital que le reste
du monde, Leontief (prix Nobel 1973) calcule à l'aide de la matrice input-output les
contenus en travail et en capital des exportations et importations américaines pour
l'année 1947. Or, les résultats obtenus montrent l'inverse de ce qui était attendu : les
États-Unis exportent des biens qui nécessitent beaucoup de travail et importent des biens
relativement capitalistiques. Plusieurs explications ont été avancées : présence de coûts
de transport et de droits de douane ; caractères des fonctions de production ; présence
d'un troisième facteur de production : les ressources naturelles ; sous-estimation du
capital américain ; effets de la demande ; très forte productivité des travailleurs. Les
spécialistes du commerce international ont amplement discuté et contesté ce paradoxe,
les critiques portant sur trois points : la méthode relative aux fonctions de production, la
non prise en compte du protectionnisme américain, l'absence d'un troisième facteur de
production, à savoir les ressources naturelles qui à côté du travail et du capital sont
susceptible de modifier considérablement les résultats initiaux en fonction de leur
substituabilité ou de leur complémentarité respectives. (Leontief)
Théorie du cycle de vie du produit
Selon Vernon, les innovations sont à l'origine du cycle de vie d'un produit. Elles se
produisent dans des pays à stock de capital physique et humain élevé. Le coût élevé de
l'innovation est amorti car ces biens nouveaux peuvent s'écouler sur un marché
suffisamment grand et solvable. Une fois maîtrisé le marché domestique le produit est
exporté. Au fur et à mesure que l'innovation est connue, la concurrence se durcit et le
coût des facteurs de production redevient prédominant. La production est alors
transférée vers des pays à bas salaires. (Vernon)
10
Théorie de la concurrence imparfaite et politique commerciale stratégique
La concurrence imparfaite se caractérise par l'existence de barrières à l'entrée, des
rendements croissants ou de surprofits liés à des positions de monopole. Les économies
d'échelle donnent un avantage déterminant aux entreprises qui atteignent les premières
la taille optimale. Cette dernière permet de différencier les gammes et d'amortir les
dépenses de recherche et de développement. De même, les entreprises peuvent
pratiquer des prix bas et laminer les profits des autres firmes. Dès lors, les pays dont les
firmes ne seraient pas compétitives seront obligés d'importer des biens et vont prendre
un retard technologique. C'est pourquoi les entreprises et les nations sont incitées à tout
faire pour faire perdurer cet avantage ou à le conquérir. La politique commerciale
stratégique consiste donc à chercher à éliminer son concurrent afin de récupérer ses
débouchés et renforcer son pouvoir de monopole. Un autre exemple de protection est lié
aux externalités d'apprentissage. L'ouverture internationale peut amener un pays à se
spécialiser dans un secteur dont la productivité est supérieure à celle observée ailleurs.
Toutefois, cette efficacité peut être de court terme et ne pas tenir compte de l'efficacité
dynamique, c'est-à-dire incluant les externalités d'apprentissage gage d'une croissance
élevée à long terme. Une fois entré dans cette spécialisation, le pays connaîtra une faible
croissance. Pour abandonner ces mauvais secteurs et permettre la reconversion vers le
ou les bons secteurs, le pays devra se mettre à l'abri de la concurrence et recourir à une
politique de subventions. Cette justification de la protection fait l'objet de diverses
critiques : comment distinguer les bons et mauvais secteurs ; si la demande dépend de
la qualité et non du prix, la protection peut se révéler moins efficace ; enfin, si tous les
pays choisissent le même secteur, le commerce s'effondre. (Krugman)
Théorie de la demande de Linder
Une des critiques adressées aux modèles ricardien ou d'Ohlin-Heckscher est de sousestimer le rôle de la demande. Selon Linder, l'échange des biens manufacturés par
opposition aux produits primaires ne peut être expliqué par les seules dotations relatives
naturelles. Le volume du commerce entre deux pays dépend des préférences des
consom-mateurs. La similitude des fonctions de demande des pays qui échangent
détermine la part dans le revenu national du volume des biens manufacturés échangés.
Plus le revenu par tête des pays est proche, plus l'intensité du commerce entre les deux
pays sera élevée. Les hypothèses du modèle sont les suivantes : les individus touchant le
même revenu possèdent la même structure de demande quel que soit le pays auquel ils
appartiennent ; la répartition des revenus est la même dans les deux pays ; le pays
fabrique un produit manufacturé que parce qu'une demande domestique préexiste à une
demande extérieure. Empiriquement, certaines études montrent que des pays proches du
point de vue du revenu par tête tendent à davantage commercer. Toutefois d'autres
variables pourraient expliquer un tel résultat. Il peut s'agir de la proximité des pays (la
distance semble être une variable pertinente et significative pour expliquer le commerce
bilatéral) ou bien encore de l'appartenance des pays à une même association de libreéchange. (Linder)
Théorie de l'échange inégal
Dans le commerce international, selon cette théorie, l'exportation de produits
manufacturés et l'exportation de produits primaires ne se font pas à un prix tel que les
quantités de travail incorporées dans les biens échangés soient égales. Au contraire, les
termes de l'échange sont tels que la quantité de travail que renferment les exportations
des pays dominés est inférieure à celle que renferment les exportations des pays
capitalistes. (Arghiri Emmanuel)
11
Théorie de l'économie politique de la protection
L'hypothèse centrale de cette théorie est que les mesures prises dans le cadre de la
politique commerciale (protectionnisme ou bien de libéralisation) sont avant tout des
mesures de redistribution ou de transfert prises par des décideurs politiques. Certains
groupes vont chercher à bénéficier de ces transferts ou de ces rentes. Ainsi, ces mesures
créent des activités "profitables" bien que non productives au sens direct de ce terme.
Dans ce modèle d'économie politique, l'homme politique a pour objectif son élection et il
cherche des ressources. Il pourra obtenir le soutien d'un ou plusieurs lobbies en fonction
notamment de sa position en matière de politique commerciale. Les lobbies se décideront
à soutenir un candidat en fonction de trois paramètres : probabilité que le candidat soit
élu, retombées du programme électoral du candidat élu, le coût en argent et en temps
que la campagne électorale représente pour chaque groupe de pression. Le candidat
arbitre entre sa position en matière de politique commerciale et sa probabilité d'être élu.
Il ne doit pas apparaître trop inféodé aux groupes de pression sous peine de perdre des
voix. Quant aux lobbies, leur pouvoir se révèle inégal. Certains aux intérêts concentrés
se mobiliseront plus facilement, le partage de bénéfices élevés compensant le coût de
mobilisation pour convaincre le candidat. En revanche, les consommateurs dont le
bénéfice par consommateur est moins élevé se mobiliseront moins facilement.
L'incertitude peut également jouer sur les capacités de mobilisation des groupes.
L'ouverture des économies génère une incertitude sur la répartition des coûts et des
bénéfices favorisant le statu quo. (Magee, Block, Young)
Théorème de l'égalisation des prix de facteurs
Selon ce théorème, le libre-échange réduit le revenu relatif du type de travail (qualifié ou
non qualifié) qui est relativement rare dans un pays. (Stolper et Samuelson)
Théorie de l'intégration régionale
Les accords commerciaux régionaux sont à l'origine de deux effets : une création de
trafic et un détournement de trafic. Le premier effet correspond au fait que les
consommateurs de chaque État membre achètent de plus grandes quantités aux
producteurs des autres États membres. Il en résulte des gains d'efficacité à la condition
que ces producteurs soient plus efficaces que les offreurs du reste du monde. Le
deuxième effet correspond au fait que si les consommateurs peuvent acheter aux autres
producteurs des États membres c'est en raison de différences de coûts créés
artificiellement. Selon le théoricien Viner, c'est le deuxième effet qui l'emportera,
aboutissant à une baisse du bien-être. (Viner)
Théorie marxiste de l'échange international
L'échange international est voulu et organisé par les nations. Il permet l'importation de
biens nécessaires à l'entretien de la force de travail et d'exporter des biens manufacturés
en surplus. Le commerce extérieur permet la création de plus-value dans les pays
capitalistes au sens où l'importation permet l'entretien de la force de travail des pays
capitalistes à un prix inférieur à celui qui existait avant l'échange. Les importations
permettent également d'abaisser la valeur du capital constant utilisé. Le commerce
permet également la réalisation de la plus-value. D'une part, les débouchés extérieurs
permettent d'écouler la production capitaliste. D'autre part, l'échange est inégal entre
nations dominantes et nations dominées. L'exportation de produits manufacturés et
l'exportation de produits primaires ne se font pas à un prix tel que les quantités de
travail incorporées dans les biens échangés sont égales. Au contraire, les termes de
l'échange sont tels que la quantité de travail que renferment les exportations des pays
dominés est inférieure à celle que renferment les exportations des pays capitalistes.
(Marx)
12
Théorie HOS (néo-classique) du commerce international (Heckscher, Ohlin et
Samuelson)
Elle cherche à expliquer l'échange international par l'abondance ou la rareté relative des
divers facteurs de production dont sont dotés les pays. Soit deux pays A et B : A dispose
en abondance de capital et de travail mais a très peu de terre ; pour B, c'est l'inverse, il
dispose de beaucoup de terre mais de peu de travail et de capital. La rente dans le pays
B est plus faible par rapport au salaire et à l'intérêt, il a donc intérêt à produire des biens
nécessitant beaucoup de terre. Inversement, dans le pays A, où le salaire et l'intérêt sont
relativement faibles par rapport à la rente, son avantage résidera dans des produits qui
nécessitent beaucoup de travail et de capital et peu de terre. Chaque pays a donc
tendance, premièrement, à se spécialiser dans les biens nécessitant des facteurs de
production qu'il possède en abondance relativement aux autres pays, deuxièmement, à
exporter des biens qui renferment beaucoup de facteurs qu'il possède en abondance et,
troisièmement, à importer des biens qui nécessitent beaucoup de facteurs qui lui
manquent. (Heckscher, Ohlin, Samuelson)
Théorie de la protection dans le cadre des industries naissantes
En protégeant l'industrie dans le premier temps de son développement, le pays permet à
cette activité d'engranger des économies d'échelle et de bénéficier de gains
d'apprentissage. Il en résulte une baisse du coût moyen par rapport à celui des
producteurs du reste du monde. Une fois que le coût moyen est égal ou inférieur à celui
du reste du monde et donc que l'avantage comparatif du pays est établi, la raison d'être
de la protection disparaît. Les coûts de la protection, notamment pour les
consommateurs, doivent être à terme compensés par les recettes, une fois l'avantage
comparatif établi. (List, Perroux, de Bernis)
Théorie de la protection douanière
La théorie du commerce international distingue deux cas en fonction de la taille du pays
qui applique la protection douanière. Le premier cas concerne les petits pays. Un petit
pays est un pays qui n'influence pas les prix internationaux. En concurrence pure et
parfaite, un droit de douane imposé par un petit pays augmentera le prix domestique
sans modifier le prix international. Les gains de l'instauration du droit de douane seront
insuffisants pour compenser les pertes de bien-être des consommateurs ainsi que les
distorsions causées par ces mêmes droits de douane. Dans le cas d'un petit pays, le
libre-échange est donc supérieur à toute forme de protection. Concernant les grands
pays qui ont donc le pouvoir d'influencer les prix internationaux, l'instauration d'un droit
de douane entraînera une baisse de la demande domestique qui elle-même entraînera
une baisse du prix international. Le prix à l'importation baissera et le pays connaîtra une
amélioration des termes de l'échange. Dans le cas d'un grand pays, établir un droit de
douane peut augmenter le bien-être. Toutefois, le pays qui l'instaure risque des
représailles.
13
Théorie des biens relationnels des organisations à but non lucratif
Les économistes se sont intéressés aux conséquences économiques des relations
informelles entre citoyens. Ils ont introduit à cet effet de nouveaux concepts comme ceux
de capital social et de biens relationnels. Ces derniers sont produits lorsque des
personnes engagées dans des activités associatives jouissent de bénéfices de nature
immatérielle (sentiment d'appartenance à un groupe. conservation de son identité,
approbation sociale). Les individus ne peuvent jouir de ces biens qu'à la condition de les
partager avec d'autres. Le tiers secteur apparaît le mieux à même d'avoir une attention à
ces types de biens. Toutefois, rien n'empêche les organismes publics et les organisations
à but lucratif de favoriser leur éclosion. (Uhlaner)
Théorie du capitalisme, du socialisme et de la démocratie
Cette théorie de J. Schumpeter cherche à rendre compte de la nature du système
capitaliste et de sa dynamique. L'entrepreneur en innovant réalise un profit et acquiert
une position temporaire de monopole jusqu'à ce que la concurrence imite l'innovation. La
croissance capitaliste est donc un processus de destruction créatrice. Or, pour
Schumpeter, il existe des facteurs qui menacent à terme le capitalisme. La concentration
du capital tend à bureaucratiser l'innovation. Le capitalisme a perdu l'adhésion des
citoyens. Le droit de la propriété et la liberté des conventions tendent à être
démantelées. Le socialisme peut fonctionner même si une répartition égalitaire risque
d'être moins efficient que le capitalisme. (Schumpeter)
Théorie de la confiance des organisations à but non lucratif
Le consommateur a des difficultés à évaluer la qualité des services. Les coûts
d'information et de transaction sont élevés et le producteur peut en profiter. La
contrainte de non-distribution des profits de l'économie sociale inspire confiance, d'autant
que les dirigeants des organisations sans but lucratif ne retirent aucun bénéfice de
services de mauvaise qualité. Toutefois, les dirigeants peuvent poursuivre d'autres
objectifs qui ne correspondent pas forcément aux intérêts des bénéficiaires. Cette
explication en termes d'asymétrie d'information réduit la confiance à un risque calculé.
Or, pour certains, cette dernière ne peut être mesurée et exprimée seulement en termes
de probabilité et d'utilité. (Hansmann)
Théorie de l'économie solidaire appliquée aux organisations à but non lucratif
Cette théorie s'inspire des travaux de Polanyi. Celui-ci identifie quatre principes
économiques : le marché. la redistribution, la réciprocité et l'administration économique.
L'économie solidaire a pour ambition de combiner la réciprocité, le marché et la
redistribution dans un cadre légal fondé sur la liberté d'adhésion et l'égalité. Si
l'économie domestique privilégie la famille comme lieu de solidarités, l'économie solidaire
privilégie la réciprocité, c'est-à-dire l'action collective. L'économie solidaire cherche à
cumuler les avantages de l'économie monétaire, source de liberté individuelle par le
marché et facteur d'égalité par la redistribution avec ceux de l'économie non monétaire
qui sort les échanges de l'anonymat. (Laville)
14
Théorie de l'hétérogénéité des organisations à but non lucratif
Afin de se faire réélire, le gouvernement offre une quantité de biens collectifs, susceptible
de satisfaire l'électeur médian. L'hétérogénéité de la société laisse un certain nombre
d'électeurs insatisfaits et la demande résiduelle de biens publics est satisfaite par les
organisations à but non lucratif. Le secteur privé peut concurrencer ces dernières mais
devra résoudre le problème du passager clandestin (free rider). Un autre facteur est le
caractère bureaucratique de l'action publique. Il ne permet pas d'identifier rapidement
l'évolution des demandes et d'y répondre. Inversement, l'intervention de l'État se justifie
car les associations ont une capacité limitée à mobiliser des ressources et se limitent à
certains groupes ou certaines situations particulières. (Weisbrod)
Théorie de la fin de l'Histoire
Fukuyama soutient que l'Histoire culmine dans la démocratie libérale et l'économie de
marché. Deux facteurs sont à l'origine de ce processus. Le premier est d'ordre
économique. Le marché s'est révélé le stimulant le plus efficace du développement. Le
second est la lutte pour la reconnaissance de Hegel. Les êtres humains désirent être
reconnus dans leur dignité et leur statut. La démocratie libérale moderne de par ses
institutions garantit la reconnaissance de ces droits universels. S. Huntington s'oppose à
cette vision optimiste de l'histoire estimant que certains régimes politiques (théocratie
islamique, etc.) sont des adversaires de la démocratie libérale. L'histoire selon Fukuyuma
ne serait pas toutefois finie si on considère que le progrès scientifique est infini et que
nous sommes à la veille de grands bouleversements. (Fukuyama, Huntington)
Théorie de l'institutionnalisation du marché
Polanyi soutient que l'économie de marché n'est pas un phénomène naturel. Elle a besoin
d'une société de marché et de l'intervention de l'Etat. Historiquement, elle a fonctionné
pendant environ un siècle, des années 1830 à la crise de 1929. La crise des années 30
amorce une resocialisation de l'économie, aussi appelée " la grande transformation " . La
resocialisation consiste en des mesures adoptées par la société pour se protéger des
effets du marché. L'homme agit d'abord selon Polanyi de manière à garantir sa position
sociale. Dans les autres systèmes régis par les principes de réciprocité et de
redistribution, le système économique était encastré (embedded) dans le système social
par contraste avec l'économie de marché où seul le marché régit la production et la
répartition des biens. (Polanyi)
Théorie du marché et socialisme
Selon A. Smith, le marché ou " main invisible " coordonne l'ensemble des décisions des
ménages et des firmes. Le système de prix permet à tous les agents de maximiser leur
utilité. La somme des intérêts individuels et égoïstes est égale à l'intérêt général. Dans
un système de planification, l'absence des prix de marché conduit à des pertes
économiques. D'une part, le planificateur ne peut rassembler toutes les informations sur
les ressources, les techniques et les goûts des agents. Il ne peut donc résoudre les
équations qui équilibrent l'offre et la demande de chaque bien, service et facteur de
production. D'autre part, la planification n'offre pas de véritable stimulants à l'activité des
agents. Selon von Hayek, la liberté des agents serait sacrifiée, c'est pourquoi socialisme
et liberté seraient inconciliables. (Smith, von Mises, Robbins, von Hayek)
15
Théorie des modes de production
Marx propose une théorie générale de l'évolution des modes de production. Un mode de
production est la combinaison de l'état des forces productives et des rapports de
production. La contradiction entre l'état des forces productives et les rapports sociaux de
production est à l'origine du passage d'un mode de production à un autre. Marx distingue
plusieurs modes de production : asiatique, antique, féodal, capitaliste, communiste. C'est
dans la Critique du programme de Gotha qu'il distingue la première phase de la société
communiste (socialiste) où le droit est encore un droit inégal de la phase supérieure
(communiste) où le travail devient lui-même le premier besoin vital et que la société vit
dans l'abondance ("De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins"). (Marx,
Engels, Lénine)
Théorie néo-institutionnelle des organisations à but non lucratif
Les structures juridiques et politiques influent sur le développement de l'économie sociale
et solidaire. Trois variables institutionnelles ont une importance déterminante : la forme
du système légal, le degré de centralisation politique, le degré de développement social
et économique. Les systèmes de droit coutumier, par comparaison aux systèmes de droit
écrit, sont plus favorables à l'émergence des organisations sans but lucratif. De même,
un système politique unitaire avec une structure administrative centralisée est moins
favorable au développement du secteur sans but lucratif qu'un État fédéral à
administration décentralisée. (Di Maggio, Anheier)
Les écoles de pensée de l'économie sociale
Traditionnellement, l'économie politique n'analyse pas les organisations à partir des
rapports de réciprocité entre une entreprise et des personnes mais en termes de classes
sociales ou de fonctions marchandes.1 On distingue quatre écoles de pensée de
l'économie sociale : l'école socialiste, l'école sociale-chrétienne, l'école libérale, l'école
solidariste. Ainsi, pour Walras et Gide, l'économie sociale consiste en une appréciation de
la valeur morale des moyens utilisés pour l'application des lois naturelles. Les
associations sont un élément d'un système au même titre que les autres entreprises. En
revanche, Louis Blanc et Proudhon considèrent que les associations ont un rôle de
transformation sociale. (Walras, Gide, Proudhon)
Théorie du socialisme de marché
Le socialisme de marché combine la propriété collective des moyens de production et les
mécanismes de marché. Les prix sont fixés par le centre planificateur. Les quantités sont
déterminées par les entreprises. Les entreprises maximisent alors leurs fonctions
objectifs avec ces prix donnés. Dans ce modèle, l'entreprise définit son offre et sa
demande en fonction de deux impératifs : d'une part, minimiser le coût moyen de
production en combinant les facteurs de production et, d'autre part, égaliser le coût
marginal et le prix imposé par le pouvoir central. Le planificateur central supprime les
déséquilibres par un processus de tâtonnement qui remédie progressivement aux
déséquilibres en modifiant les prix, les salaires et les taux d'intérêt. (Lange, Taylor,
Lerner)
16
Théories de la transition
Les débats théoriques sur le passage d'une économie socialiste à une économie de
marché ont porté sur le rythme des réformes : gradualistes, big bang ou bien une masse
critique de réformes. Ils ont également porté sur les séquences possibles des réformes :
priorité à la création de structures juridiques et sociales, à la stabilisation
macroéconomique, ou bien encore à l'ouverture internationale et la liberté des prix. Ainsi,
la libéralisation des capitaux entraîne une appréciation du taux de change réel
préjudiciable à la réforme du commerce extérieur. La priorité à l'ouverture internationale
serait justifiée par la nécessité de créer un environnement concurrentiel et par l'élasticité
de l'offre. (Kornaï, Nuti, Sachs, Nordhaus)
Théorie des trois âges de la violence
Cette théorie cherche à expliciter les relations entre la violence et les modes de
production de répartition. Elle distingue trois sociétés : 1°/ dans les sociétés les plus
simples, la production est faible. Il n'y a pas de surplus à de défendre. Les affrontements
portent sur l'accès aux territoires, etc. ; 2°/ dans les sociétés agraires, la croissance de la
production conduit à la création d'un surplus mais est irrégulière, d'où le recours à la
violence pour l'accaparer. La guerre est supérieure au commerce ; 3°/ la violence évolue
lorsque la production augmente régulièrement. Ainsi, la nomenklatura dans les pays
communistes qui recourait à la violence pour se répartir le maigre surplus a du se
convertir à la croissance. L'affaiblissement de la violence ne peut se poursuivre que si
entre autre la croissance perdure. (Gellner)
Théorie webérienne du changement social
M. Weber rejette les théories qui cherchent à réduire tout phénomène historique à des
causes économiques. Les idées sont très souvent à l'origine de la dynamique par laquelle
les intérêts engagent l'action. Il cherche à mesurer l'influence des croyances religieuses
sur le comportement social et économique des individus. Il analyse à l'aide d'idéauxtypes l'éthique protestante, l'esprit du capitalisme et comment la conjonction des deux
conduit à l'établissement du capitalisme. Toutefois, il souligne qu'il ne faut pas
surestimer le rôle joué par l'éthique religieuse, car la religion est elle-même le produit de
plusieurs déterminations. La sociologie de M. Weber n'est pas le simple renversement du
point de vue marxiste. (Weber)
Thèse de la religion des organisations à but non lucratif
La taille du tiers secteur varie suivant le degré d'hétérogénéité social, religieux et
linguistique d'un État. La concurrence entre les religions, comme le montre les pays
anglo-saxons ainsi que de nombreux pays en développement. a été une forte incitation à
créer des organisations confessionnelles. Un autre facteur est l'existence d'entrepreneurs
religieux intéressés à créer de telles organisations et à satisfaire des besoins spécifiques.
Ces dirigeants préfèrent ce type d'organisations car leur but n'est pas de maximiser les
gains financiers mais la foi, c'est-à-dire le nombre d'adhérents à la religion. La contrainte
de non-distribution des profits devient secondaire. (James)
17
Théorie de la capture ou économie positive de la réglementation
L'autorité réglementaire est vénale et soumis à l'influence des groupes de pression. Il
n'est plus le garant de l'intérêt général. La réglementation est ici analysée comme un
service échangé entre les décideurs politiques et les fonctionnaires (offreurs) et les
dirigeants des entreprises (demandeurs). Les offreurs cherchent à maximiser leur chance
de réélection ou à obtenir de futurs postes dans les industries qu'ils ont sous leur tutelle.
Les demandeurs souhaitent de leur côté se protéger de la concurrence, en particulier
étrangère. Cette approche est connue sous le nom de théorie de la capture de la
réglementation, parce que le réglementeur devient un agent entièrement au service des
intérêts des entreprises. Pour limiter l'action des groupes de pression, les tenants de
cette école préconisent une solution radicale qui consiste à retirer à l'État le droit de
réglementer. (Stigler)
Économie publique normative
L'autorité réglementaire a pour objectif l'efficacité économique. Elle est soucieuse de
l'intérêt général. L'existence de défaillances (bien public, externalité, monopole naturel)
du marché, mis en évidence dans le cadre de l'économie du bien-être, justifie
l'intervention publique. L'État doit donc par la réglementation influer sur le
comportement des firmes et des consommateurs. Sa démarche est normative, elle vise à
atteindre une allocation des ressources optimale de type paretien (situation dans laquelle
on ne peut améliorer le bien-être d'un individu sans détériorer celui d'un autre individu,
optimum de premier rang). Despote bienveillant, assimilé à un planificateur parfait, l'État
n'est contraint ni par des difficultés de collecte d'information, ni par des capacités de
calcul limitées. Il est de ce fait considéré comme infaillible. Un exemple de cette
réglementation est celle de Ramsey-Boiteux sur les monopoles. (Pigou)
Nouvelle économie publique
L'idée est d'analyser les défaillances du législateur et de les corriger, car le marché n'est
pas la seule source d'insuffisances. Les défaillances de la réglementation doivent être
réduits au minimum afin d'aboutir à une allocation paretienne efficace de second rang.
Cette dernière est l'affectation des ressources qui est la "meilleure possible" compte tenu
de l'existence de diverses contraintes qui empêchent de parvenir à un optimum de
Pareto. Ces défauts sont principalement : l'asymétrie d'information entre le régulateur et
le réglementé ; l'intérêt personnel du régulateur ; son insuffisante crédibilité. La théorie
des incitations et des contrats (par exemple du type assureur/assuré ou contrat de
travail) permettent de remédier de ces défauts. (Laffont, Tirole)
Optimum paretien
il se définit comme une situation économique efficace socialement au sens où personne
ne peut améliorer sa position sans détériorer celle des autres. (Pareto)
18
Théorème de Coase
Selon Coase, prix Nobel 1991, en l'absence de coûts de transaction et si les droits de
propriété sont définis, les agents peuvent corriger spontanément les externalités en
passant par le marché. Dans un monde sans coût de transaction et en concurrence
parfaite, la création de richesse grâce à l'utilisation des ressources de l'économie est
indépendante de la répartition des droits de propriété. Les agents peuvent, en effet,
facilement échanger les droits sur ces ressources pour produire, chacun y trouvant
intérêt. Par conséquent, l'ensemble de la législation afférente à ces droits est inutile.
C'est l'exemple dit du " pollueur-payeur ". Une entreprise rejetant des effluves dans une
rivière doit acheter une partie des droits de propriété de l'eau, initialement détenus par
les victimes potentielles pour pouvoir produire. L'État n'a donc à intervenir qu'une seule
fois pour assurer le fonctionnement de l'économie en attribuant initialement les droits de
propriété. La réglementation ne peut donc s'imposer qu'à deux conditions : que les coûts
de transaction de réglementation soient inférieurs aux coûts des autres solutions, que
ces coûts soient inférieurs aux bénéfices de l'action elle-même. En effet, la
réglementation n'a de sens que si elle permet une allocation efficace de moindre coût.
(Coase)
Théorème d'impossibilité d'Arrow
Ce théorème généralise le paradoxe de Condorcet (1785). Arrow, prix Nobel 1972,
montre que la transitivité qui caractérise les choix rationnels d'un individu ne peut être
agrégée pour obtenir un processus de choix sociaux transitifs (fonction de bien-être
social). (Arrow)
Théorie du choix social
La théorie du choix social a pour objet d'analyser la relation entre préférences
individuelles et décisions collectives et de déterminer s'il est possible de dériver des
préférences individuelles les préférences collectives. Cela est indispensable pour établir
un ordre, une évaluation des différents états sociaux et construire des indicateurs
pertinents du bien-être social. (Condorcet, Arrow, Sen)
Théorie de la justice
Cette théorie s'efforce d'énoncer un principe de justice susceptible de guider la mise en
place d'institutions réalisant un consensus social général qui s'impose sans pour autant
contredire le principe d'efficacité économique. Cela conduit à définir deux principes : 1°)
le principe de liberté selon lequel chaque personne doit avoir un droit égal au système le
plus étendu de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec le même
système pour les autres ; 2°) le principe de différence au terme duquel les inégalités
sociales et économiques doivent être telles qu'elles soient : a) au plus grand bénéfice des
plus désavantagés, b) attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous.
(Rawls)
19
Théorie de la coalition minimale
La principale hypothèse de cette théorie est que toutes les questions politiques
impliquent fondamentalement des redistributions à somme nulle de la richesse. Dès lors,
la stratégie optimale des hommes politiques consiste à faire en sorte que la coalition
opposée soit la plus grande possible tout en la cantonnant dans la position de perdante
destinée à payer. (Riker)
Théorie de l'équilibre général
Formulée par Léon Walras à la fin du XIXème siècle, elle traduit les écrits d'Adam Smith
et son principe de la main invisible en termes mathématiques. Un système d'équations
d'offre et de demande décrit les comportements des agents, producteurs et
consommateurs. L'égalité entre offre et demande sur les différents marchés correspond à
une situation d'équilibre général. Cet équilibre est atteint par un mécanisme de
tâtonnement. (Walras)
Théorie du gaspillage bureaucratique
La structure bureaucratique qui prévaut dans le secteur public entraîne un gonflement
inutile des dépenses publiques, soit parce que les programmes publics sont trop
importants, soit parce que les combinaisons productives mises en œuvre sont non
optimales. (Niskanen)
Théorie de la main invisible
Selon Adam Smith, l'individu ne " cherche que son propre gain " mais par son action
personnelle et isolée il contribue à une fin qui le dépasse, l'intérêt général. Les opérations
des agents, apparemment indépendantes les unes des autres, sont en fait coordonnées
(main invisible) et aboutissent à une situation dans laquelle les producteurs peuvent
vendre leurs marchandises et les consommateurs satisfaire leurs besoins. Une telle issue
est garantie par un système de prix et de salaires flexibles qui assure un équilibre
efficient sur tous les marchés. La somme des intérêts individuels et égoïstes est égale à
l'intérêt général. (Smith)
Théorème de la main invisible faible
Théorème selon lequel les vertus allocatives du marché ne sont pas limitées au cas de
concurrence pure et parfaite mais valent également pour les marchés monopolistiques
contestables. (Baumol, Bailey, Willig)
Théorie des marchés contestables
Marché sur lequel une nouvelle entreprise peut à tout moment venir s'installer. Il n'y a
pas de barrière à l'entrée du marché. Cette situation garantit la concurrence et donc
l'efficience des entreprises présentes sur le marché, même si elles sont peu nombreuses.
(Baumol, Panzar, Willig)
20
Économie de l'information
Elle étudie le comportement d'agents rationnels lorsque l'acquisition de l'information est
coûteuse, définit les structures d'information, caractérisées par des formes de risque et
analyse systématiquement les problèmes qui émergent dans chaque structure.
L'information incomplète et asymétrique débouche sur des phénomènes d'antisélection.
Ainsi, des acheteurs qui observent imparfaitement la qualité d'un bien ne pourront
distinguer entre les bons et mauvais vendeurs. Le prix n'est plus un signal parfait,
pénalisant les acheteurs et les bons vendeurs. Ce manque d'information débouche
également sur des problèmes liés à l'aléa moral. L'agent non informé ne peut observer
l'action de son partenaire. Ce dernier est donc tenté de se comporter dans son propre
intérêt et d'annoncer à l'agent non informé que les mauvais résultats sont le fait
d'événements indépendants de sa volonté. La théorie suppose des comportements
maximisateurs très sophistiqués qui conduisent à la signature de contrats complexes ne
correspondant pas à la pratique. II paraît peu réaliste de supposer que les individus
signent des contrats complets qui tiennent compte de toutes les réalisations possibles
des aléas (les agents sont généralement incapables d'envisager l'ensemble des
possibles). (Akerlof, Stiglitz, Alchian, Demsetz)
Économie des coûts de transaction
Elle fonde une théorie des arrangements institutionnels en prenant la transaction comme
l'unité de base de l'analyse et en posant le problème de l'organisation économique
comme un problème de contrat. Les individus ont une rationalité limitée (ces limites sont
neurophysiologiques et tiennent au langage) et un comportement opportuniste (celui-ci
caractérise l'absence d'honnêteté dans les transactions, la recherche de l'intérêt
personnel par la ruse).C'est la nature des transactions qui détermine le type
d'arrangement institutionnel retenu par les individus. Trois critères déterminent la nature
des transactions : 1°/ la fréquence des transactions entre deux partenaires (unique,
occasionnelle, récurrente) ; 2°/ l'incertain (difficulté d'établir un arbre de décision
complet en tenant compte de la rationalité limitée) ; 3°/ la spécificité des actifs qui est
l'attribut essentiel de la transaction, un actif est spécifique lorsque sa valeur dans
d'autres utilisations possibles est plus faible que son utilisation présente. La théorie
dégage trois modes d'organisation contractuelle: le marché, la forme hybride, la
hiérarchie. Certains ont soulevé un certain nombre de limites. Ainsi, la question de la
création et de la sélection des formes d'organisation n'est pas étudiée. L'hypothèse
d'opportunisme est remise en cause par certains travaux qui, au contraire, suggèrent que
la confiance joue un rôle essentiel dans les transactions. Des difficultés apparaissent pour
fonder empiriquement la théorie des organisations. Cela tient à la difficulté de donner
une mesure précise des coûts de transaction, que ce soit sur le marché ou dans
l'organisation interne. (Coase, Williamson, Teece)
21
Microéconomie traditionnelle
Elle propose une représentation du fonctionnement de la société qui repose sur deux
principes. Le premier est celui de rationalité. Les individus agissent en utilisant au mieux
les ressources dont ils disposent, compte tenu des contraintes qu'ils subissent. Le second
est celui de la concurrence pure et parfaite des marchés. Cela nécessite la transparence
du marché, l'atomicité des participants, l'homogénéité du produit et la libre entrée sur le
marché qui empêche toute entente ou collusion des vendeurs. Sous des conditions
relativement techniques et restrictives (sur les préférences des consommateurs et sur la
technologie des firmes), une concurrence pure et parfaite conduit à une utilisation
optimale des ressources de l'économie. Il est alors impossible d'améliorer la satisfaction
d'un agent sans diminuer celle d'un autre agent, c'est ce qu'on appelle un "optimum de
Pareto". On en déduit les deux théorèmes du bien-être. Tout équilibre général de marché
de concurrence parfaite encore appelé "équilibre concurrentiel" est un optimum paretien
(de sorte que les affectations ainsi obtenues, permettent à chaque agent d'atteindre une
situation optimale sans détériorer celle des autres), et, tout optimum de Pareto d'une
économie peut théoriquement être réalisé par un équilibre de marché concurrentiel. Un
autre résultat est que l'équilibre concurrentiel n'est plus efficient dès lors qu'existent des
monopoles, des biens collectifs, des effets externes ou bien encore des coûts de
transaction, autrement dit dès que l'on relâche tout ou partie du principe de concurrence
pure et parfaite. Certains reprochent au modèle d'équilibre le caractère irréaliste de
certaines hypothèses : absence d'interactions stratégiques entre les agents, non-prise en
compte des asymétries d'informations entre les agents, absence de prise en compte des
coûts de transaction et entreprises considérées comme des " boîtes noires ". (Walras,
Arrow, Debreu, Sonnenschein, Bertrand, Cournot)
Théorie de la logique d'action collective
Selon Mancur Olson si l'action d'un groupe d'intérêt ou d'un individu réussit, elle
bénéficiera à l'ensemble des groupes ou à l'ensemble des individus. Il en résulte que
l'action a la nature d'un bien collectif. Dans ces conditions, chaque membre est
rationnellement incité à ne pas s'engager dans une action collective, autrement dit à ne
pas payer le coût d'une participation à une action du groupe. En conséquence, le groupe
reste inactif. Seuls des bénéfices immédiats et restreints au seul groupe peuvent inciter à
l'action collective. (Olson)
Théorie des jeux
Elle fournit un cadre d'analyse permettant d'étudier les situations conflictuelles dans
lesquelles les individus sont en interaction. Si un individu peut négliger, dans un certain
nombre de situations économiques, les réactions des autres à sa propre décision, ce n'est
pas toujours le cas. Ainsi, lorsque peu de firmes dominent un marché ou bien lorsque des
pays concluent un accord sur la politique commerciale, les agents concernés (individus,
firmes, États) doivent prendre en compte les réactions des autres et anticiper leurs
propres décisions. Elle aura donc pour but d'analyser la manière dont les agents
coordonnent ou peuvent coordonner leurs décisions dans différentes configurations.
Un jeu est dit coopératif lorsque les individus peuvent communiquer et s'engager à
prendre certaines décisions, sachant qu'ils auront éventuellement, individuellement
intérêt à opter pour un choix différent au moment où ils prennent effectivement leur
décision.
Un jeu est dit non coopératif lorsque les individus adoptent un comportement égoïste et
opportuniste à chaque instant. La théorie des jeux montre que les décisions individuelles
prises sans concertation occasionnent généralement des gaspillages de ressources dès
qu'il existe des interactions stratégiques. Un équilibre de Nash caractérise une situation
telle que la stratégie de chaque joueur correspond à un choix optimal étant donné les
stratégies choisies par les autres joueurs.
22
Un exemple célèbre en est la situation du dilemme du prisonnier. Inventée par Merrill
Flood et Melvin Dresher, et formalisée peu après par A. W. Tucker, cette situation met en
présence deux joueurs, chacun ayant deux options : soit coopérer, soit faire cavalier
seul. Chacun doit choisir sans connaître la décision de l'autre. Quoi que fasse l'autre, il
est plus payant de faire cavalier seul que de coopérer. Le dilemme consiste en ceci que,
si les deux joueurs font cavalier seul, ils s'en tirent moins bien que s'ils avaient coopéré.
Deux suspects sont arrêtés pour un délit grave et le juge d'instruction souhaite obtenir
leurs aveux. Il s'entretient séparément avec chacun d'eux et leur explique que si aucun
n'avoue, on ne pourra retenir contre eux que le port d'armes, ce qui leur vaudra une
condamnation réduite : deux ans de prison. Si les deux avouent, ils seront condamnés à
cinq ans de prison et si un seul avoue, il est relaxé tandis que son complice écope la
peine maximum, soit dix ans de prison. Bien que l'intérêt commun des malfaiteurs soit
de
ne
pas
avouer
chacun
a
personnellement
intérêt
à
avouer.
Un comportement coopératif peut émerger si le jeu est à horizon infini, si des sanctions
sont possibles ou bien encore si les agents adoptent un comportement incertain. C'est le
cas lorsque les agents adoptent une stratégie conditionnelle ou de réciprocité. Selon
Axelrod, cette stratégie a pour objectif de dissuader le joueur qui serait tenté de renier
son engagement initial. A cette fin, le joueur annonce qu'il jouera C, la coopération, à la
période t, et continuera de jouer C aux périodes suivantes tant que l'autre joueur joue C.
En revanche, si ce dernier dévie de son comportement coopératif pour faire défection
alors au coup suivant, il est sanctionné. Cependant, la sanction n'est pas perpétuelle
puisqu'au coup suivant, le joueur reprend son comportement coopératif.
Une autre extension de la théorie des jeux est la théorie de la main tremblante.
Développée par R. Selten, prix Nobel 1994, elle repose sur l'idée que les joueurs
commettent des erreurs au moment de choisir leurs stratégies d'équilibre et ont une
probabilité faible de choisir chacune des stratégies qui ne conduisent pas à la réalisation
de
l'équilibre.
Dans de nombreuses situations, des équilibres multiples apparaissent, ce qui signifie que
les hypothèses de la théorie des jeux sont insuffisantes pour déterminer les choix
stratégiques (à partir de considérations uniquement rationnelles). Des hypothèses
supplémentaires (processus d'apprentissage ou référence à l'histoire commune des
joueurs) sont donc nécessaires. (Von Neumann, Morgenstern, Nash, Harsanyi,
Selten, Kreps, Axelrod)
Critique de Lucas
Les paramètres des modèles économétriques peuvent évoluer sous l'influence de la
politique économique lorsque les acteurs du marché reconnaissent des modifications
dans les règles de politique économique et les intègrent dans leur comportement. Dans la
mesure où un modèle économétrique ne tient pas compte de manière adéquate de ce
type d'ajustement des attentes, les modèles dont les paramètres ont été évalués sur la
base des données passées ne permettent pas une évaluation correcte des effets des
politiques économiques à venir. (Lucas)
23
École des choix publics
L'école des choix publics rejette la conception particulière de l'État et de la politique,
utilisée dans l'analyse économique traditionnelle et qui voit l'Etat comme un dictateur
bienveillant. Selon cette vision, les décideurs politiques sont supposés avoir des objectifs
qui correspondent à ceux de l'intérêt général. Ainsi, dans le domaine de la politique
économique, ces objectifs peuvent être l'emploi, la croissance ou encore la lutte contre
l'inflation. Pour les tenants de l'école des choix publics, on ne peut pas à la fois soutenir
que dans la vie économique les individus se comportent de manière rationnelle et égoïste
et que ces mêmes individus - une fois passés dans la sphère politique - se comportent de
manière altruiste. Le modèle proposé par cette école repose sur l'hypothèse que les
hommes politiques et les partis politiques essaient d'obtenir le maximum de votes
possibles afin d'obtenir des positions de pouvoir ou des avantages financiers grâce aux
budgets publics. (Buchanan, Tullock, Mueller)
Économétrie
Elle permet de confronter des constructions théoriques et leurs prédictions aux données
réelles de l'économie. Plus précisément, les modèles économétriques servent à expliquer
l'évolution quantitative d'un certain nombre de variables (dites variables endogènes) en
fonction d'un certain nombre de variables prédéterminées (dites variables exogènes). Le
test qui infirme une prédiction conduit à réexaminer les hypothèses du modèle et afin de
mieux comprendre les mécanismes économiques. Construire un modèle économétrique,
nécessite une théorie modélisable, des données et des instruments de calcul. (Frisch,
Haavelmo, Heckman, McFadden)
Holisme méthodologique
L'approche économique holiste s'intéresse plutôt à l'ensemble des comportements qu'à
leurs composantes, faisant l'hypothèse que le tout est supérieur à la somme des parties.
La sociologie, qui relève plus d'une démarche holiste, met l'accent sur le fait que les
individus sont socialisés, c'est-à-dire qu'ils sont le produit d'un groupe qui partage une
certaine culture, des normes etc. Il existe donc une classe sociale, ce que nie
l'individualisme sociologique.
Individualisme méthodologique
L'individualisme méthodologique analyse les phénomènes économiques et sociaux à
partir des comportements individuels. Combiné à l'hypothèse de rationalité du
comportement, l'individualisme méthodologique, le fameux homo œconomicus, est le
principe de base de la science économique. (Becker)
Libéralisme
Élaborée au cours du XIXème siècle notamment à partir des travaux d'A. Smith, la
doctrine libérale repose sur trois piliers : la propriété privée, la libre entreprise et la libre
concurrence. Il existerait selon elle un ordre économique naturel, fruit des interactions
entre les agents (main invisible). La crise des années trente a donné naissance à un
courant néo-libéral reconnaissant les imperfections du marché et attribuant à l'État un
rôle de régulateur de la sphère marchande. Les privatisations des vingt dernières années
dans les pays industrialisés et le mouvement de déréglementation témoignent d'un
retour appuyé à la doctrine originelle. (Hayek, Friedman)
Marxisme
24
Doctrine et méthode d'analyse élaborées par K. Marx et F. Engels puis par leurs disciples,
le marxisme (ou tout du moins sa théorie économique) vise à expliquer le
fonctionnement du système économique. Dans le système capitaliste, la force de travail
crée une valeur supérieure à celle de son entretien produisant ainsi une plus-value que
s'approprient les détenteurs des moyens de production. Cette appropriation, assurée par
la légalité de la propriété privée, donne naissance au profit, si le capital est réalisé, et
permet l'accumulation du capital. Il existe cependant une baisse tendancielle du taux de
profit liée à l'exploitation de la force de travail, et que les concentrations cherchent à
pallier. Les crises consécutives au déséquilibre de la répartition du profit provoque à
terme une crise générale débouchant sur la révolution sociale. (Marx, Engels)
Nouvelle histoire économique
Elle a pour projet de développer une histoire économique " scientifique ". Les
cliométriciens souhaitent appliquer des règles scientifiques aux problèmes d'histoire
économique. Ils utilisent des séries de données historiques quantitatives et une méthode
celle de l'analyse contrefactuelle. Cette dernière, développée par R. W. Fogel, prix Nobel
1993, consiste à mesurer l'influence d'un facteur sur une évolution par la différence entre
cette évolution réellement observée et celle, hypothétique, à laquelle on aurait assisté si
le facteur concerné n'avait pas existé. Cette dernière situation est construite
économétriquement à partir des autres facteurs. (North, Fogel)
Positivisme économique
Cette approche repose sur l'idée que l'économique est une science empirique, au même
titre que les sciences de la nature. Les énoncés que l'économiste élabore ont avant tout
un caractère prédictif, dont on doit être capable d'infirmer les résultats par des tests
empiriques. C'est la raison pour laquelle finalement, il importe peu que les hypothèses de
départ soient réalistes. (Friedman)
Chômage et progrès technique
Le progrès technique qui se traduit par une modification de l'activité économique (essor
de certains secteurs et déclin d'autres) et de l'emploi (changement de l'organisation du
travail, changement des qualifications) conduit en cas d'accélération brutale à des délais
d'ajustement et donc à un chômage transitoire d'inadaptation. L'explication par le
progrès technique est ancienne. Elle met en jeu la problématique de la compensation. Si,
à court terme, le progrès technique entraîne du chômage, à long terme, il y aura
compensation. D'une part, le progrès technique se traduit par des innovations dans les
biens de production mais aussi au niveau des biens de consommation d'où une demande
qui conduit à une plus grande production et donc à des emplois. D'autre part, le progrès
technique se traduit par un accroissement de la productivité. Cet accroissement peut
déboucher sur une baisse des prix, un accroissement de la demande et ainsi de la
production et de l'emploi. Il peut augmenter les marges de profits des entreprises d'où
plus d'investissements, plus de production et de l'emploi. Il peut également permettre
une augmentation des salaires qui stimulera la consommation, la production et l'emploi.
Il peut également déboucher sur une réduction du temps de travail avec une hausse de
l'emploi en compensation. Au total, pour certains, ces différents mécanismes conduisent
à une compensation des pertes d'emplois de court terme. Il n'en demeure pas moins
qu'une "bonne" répartition des gains de productivité (salaires, profits, réduction du temps
de travail, prix) est nécessaire à la stabilité du système économique. (Sauvy)
25
Théories des classes sociales
Si K. Marx a fait un usage intensif de la notion de classes sociales, la majeure partie des
penseurs du XIXe siècle estiment que sa paternité lui est cependant antérieur. Pour le
philosophe allemand, les classes sociales ne sont pas des " agrégats d'individus " mais un
" système de positions antagonistes définies par des rapports sociaux ". Les rapports de
production sont à l'origine de la division sociale en deux groupes distincts : les
détenteurs des moyens de production (capitalistes) et ceux qui ne possèdent que leur
force de travail (prolétaires). Les classes sociales n'existent que dans le cadre de la lutte
des classes, lutte par laquelle elles prennent conscience d'elles-mêmes, ce qui constitue
le moteur de l'histoire. (Marx)
Théorie du déséquilibre
Selon les théoriciens du déséquilibre, les prix des biens et des services ainsi que le
salaire sont fixes et que tout déséquilibre sur les marchés qu'ils soient des biens et des
services ou bien du travail entraîne un rationnement par les quantités. Plusieurs
situations peuvent se produire sur les marchés comme le montre le tableau suivant.
Marché des biens et des services
Marché
du
travail
Offre supérieure
à la demande
Offre inférieure
à la demande
Offre
supérieure à
la demande
Chômage keynésien
Chômage
classique
Offre
inférieure à la
demande
Surproduction et pénurie
de main d'oeuvre
correspondent à
l'économie socialiste
Inflation
contenue
Dans le cas du chômage classique, le niveau de profit est insuffisant donc les entreprises
n'augmentent pas voire baissent leur production même s'il existe une demande non
satisfaite. Dans le cas de l'inflation contenue, cela signifie que par rapport à la demande
de biens et de services, il y a une insuffisance de main d'oeuvre et de production ce qui
conduit à une hausse des prix. Les deux types de chômage, keynésien et classique, sont
extrêmement difficiles à distinguer car ils entretiennent des relations ce qui explique les
difficultés à lutter contre. Ainsi, l'évolution des capacités de production qui semble avoir
limité la demande de travail à certaines périodes est déterminée par le taux
d'investissement, qui lui-même dépend des perspectives de demande. D'autre part, la
compétitivité sur les marchés extérieurs influence le niveau de la demande extérieure. La
faiblesse de la demande étrangère peut être le reflet d'une compétitivité insuffisante. En
termes de politique économique, tenter de remédier à un chômage keynésien
(insuffisance de la demande) par une plus grande flexibilité du marché du travail ne
résout rien tant que les entreprises n'ont pas de commandes elles n'embauchent pas et
cela quel que soit le niveau de salaire. De même, une relance de la demande n'aurait
aucun effet sur un chômage de type classique, le coût du travail trop élevé nuisant à la
rentabilité des investissements. (Clower, Leijonhufvud, Malinvaud)
26
Théorie de l'exploitation
Selon la théorie marxiste, l'exploitation provient du fait que le travailleur produit plus que
ce qui est nécessaire à la reproduction de sa force de travail. L'exploitation prend un
aspect volontaire dans le système capitaliste car les contrats de travail entre les agents
(travailleurs d'un côté, capitalistes de l'autre) sont passés librement. (Marx)
Théorie du Job Search
Selon la théorie du job search ou chômage prospectif, l'individu procède à un calcul coûtavantage lors de sa recherche d'emploi. L'information étant imparfaite, il peut être
avantageux pour lui de prolonger sa période de chômage afin d'acquérir le maximum
d'information sur les postes disponibles. Il arbitre entre, d'une part, le coût (perte de
revenus pendant qu'il est au chômage, coûts de l'information, etc.) et, d'autre part, le
revenu futur d'un emploi meilleur. Dans ce cadre, l'indemnisation du chômage diminue le
coût de recherche et allonge d'autant la durée du chômage. L'indemnisation du chômage
serait également à l'origine de l'existence de la trappe à chômage. La désincitation à
reprendre un emploi du fait de l'existence de l'indemnisation du chômage conduit
l'individu à augmenter sa durée au chômage et par la suite ses difficultés à être
embauché. Cette trappe se distingue de celle à pauvreté qui exprime la désincitation à
accroître le revenu d'une personne déjà en emploi (accroissement de la durée d'emploi
ou effort en vue d'augmenter le taux de salaire). (Rueff)
Théorie keynésienne du chômage
Selon Keynes et à sa suite les keynésiens, le chômage n'est pas du à un mauvais
fonctionnement du marché du travail. Ils réfutent l'idée de l'existence d'un marché du
travail au sens néo-classique. Les salariés ne peuvent offrir un travail en fonction d'un
salaire réel puisqu'ils ne maîtrisent pas les prix des biens et des services. Ils négocient
seulement un salaire nominal. Ce sont les entrepreneurs qui fixent les prix des biens et
des services. Le niveau d'emploi dépend des décisions des entrepreneurs qui cherchent à
maximiser leur taux de profit en fonction d'un univers incertain où ils anticipent l'offre et
la demande globale. En conséquence, le niveau d'emploi peut ne pas correspondre au
niveau du plein emploi. Si la demande effective (au sens anticipée) est faible, les
entrepreneurs fixeront un niveau de production faible et toute la population active ne
trouvera pas forcément d'emploi. (Keynes)
Théorie néo-classique du chômage
Selon le courant néo-classique, le chômage provient des rigidités du fonctionnement du
marché du travail. Le travail est un bien comme un autre qui s'échange sur un marché.
L'offre de travail vient des salariés. Ces derniers arbitrent entre l'acquisition d'un revenu
grâce au travail et le loisir. Une hausse de salaire peut se traduire par une offre
supplémentaire ou bien une réduction, le salarié dans ce dernier cas ayant une
préférence pour le loisir.
27
De même il existe un taux de salaire d'acceptation ou salaire de réservation, c'est-à-dire
un taux de salaire minimum à partir duquel un individu donné passe d'une offre de travail
nul à une offre de travail positive. L'offre de travail est fonction croissante du salaire réel.
La demande de travail des entreprises dépend de la productivité marginale du travail et
du salaire réel. L'entrepreneur demande du travail jusqu'au point où le bénéfice réalisé
par une unité supplémentaire de travail compense le coût du travail supplémentaire. La
demande de travail est une fonction décroissante du salaire réel puisque pour les néoclassiques la productivité marginale est croissante puis décroissante à partir d'un certain
niveau. Si les conditions de concurrence pure et parfaite sont respectées sur le marché
du travail, il existe un niveau de salaire d'équilibre qui permet la satisfaction de l'offre et
de la demande de travail. Si l'offre de travail est supérieur à la demande de travail, la
baisse du salaire conduit certains offreurs à sortir du marché du travail et des
demandeurs à entrer sur le marché. A l'inverse, lorsque la demande est supérieur à
l'offre, le salaire augmente ce qui provoque l'afflux d'offreurs de travail et la sortie de
demandeurs de travail. Si un déséquilibre persiste, c'est en raison de l'existence de
rigidités qui empêchent le salaire de se fixer à son niveau d'équilibre et ainsi la réduction
de l'écart entre l'offre et la demande de travail. Les dysfonctionnements ou rigidités sont
de plusieurs types : existence d'un salaire minimum, indemnisation du chômage,
syndicats, législation sur la protection de l'emploi, politique fiscale et prélèvements
sociaux. Il en résulte que le chômage est d'abord et avant tout volontaire. (Rueff,
Friedman)
Théorie du salaire d'efficience
Si pour les théoriciens néo-classiques, le salaire est fonction de la productivité du travail,
pour les théoriciens du salaire d'efficience, la variation de la productivité du travail du
salarié dépend de son salaire. Si celui-ci est élevé il est incité à fournir un effort
supplémentaire. Cela peut expliquer la rigidité à la baisse des salaires. Les chômeurs qui
désirent travailler à un salaire inférieur ne trouvent pas à être embauchés car les
employeurs craignent de perdre les salairés en place dont la productivité est élevé.
(Shapiro, Stiglitz)
École institutionnaliste
Ce courant spécifie le rôle des institutions comme l'État ou bien encore la famille dans la
formation et le développement des processus économiques. L'institutionnalisme se
différencie par le rejet des principes fonctionnalistes individuel (néoclassique) et social
(marxiste). Ce courant montre notamment que les institutions ayant un rôle déterminant
dans l'expérience professionnelle ce sont elles et non le manque de valorisation du
capital humain comme le soutiennent les néoclassiques qui sont à l'origine des inégalités
de salaires entre hommes et femmes. L'étude des processus culturels peut également
servir à expliquer les différences entre les sexes par le biais de construction de mythes,
par exemple, celui de la " maternité innée ", c'est-à-dire l'existence de caractéristiques "
naturelles " des femmes qui les rendraient plus aptes au travail domestique. La
construction de ces mythes reste cependant inexpliquée. (Hodgson, Jennings)
28
Économie de la violence domestique
On mesure difficilement le niveau et l'évolution de la violence. Il en va de même pour les
coûts (dépenses médicales, pertes de revenus, aide du gouvernement, etc.). Ce courant
cherche également à expliquer pourquoi des femmes battues retournent auprès de leurs
partenaires. Les explications sont souvent d'ordre psychologique. La violence les
paralyserait. Pour certains, le problème est avant tout social et non psychologique. Le
retour auprès du partenaire peut s'expliquer rationnellement si on considère que les
services d'aide ne répondent pas aux demandes des femmes battues. Plus l'aide sera
disponible, moins probable sera le retour au foyer. Ces services peuvent également servir
aux femmes pour " signaler " à leurs partenaires que le point de rupture est atteint. Le
retour constitue également la meilleure alternative puisque le signalement permettra de
baisser le niveau de violence du partenaire. (Farmer, Tiefenthaler)
Microéconomie de la répartition des tâches familiales
L'approche de l'Ecole de Chicago consiste à appliquer les postulats de la maximisation de
l'utilité sous contraintes de revenu, de temps et de production à des décisions concernant
le travail domestique ou le choix d'avoir des enfants. Dans cette approche, la famille est
considérée comme une unité de production et de consommation. Les décisions en
matière d'allocation du travail total disponible dans une famille doit permettre à la famille
de maximiser ses gains. La variable à maximiser est alors le revenu total de la famille.
Cette " collaboration familiale " peut s'expliquer par un consensus en faveur le partage ou
une forme d'altruisme du chef de famille. Une personne est dite altruiste si
l'augmentation de la consommation des autres membres de la famille est inclus dans sa
fonction d'utilité. La théorie ne dit cependant rien sur l'obtention de ce consensus, ni sur
l'existence de préférences altruistes dans un univers égoïste. (G. Becker)
Perspective marxiste
Le travail domestique s'analyse comme l'effort lié à la production de valeur d'usage
donnant lieu ou non à un échange marchand. Pour certains, la situation des femmes dans
la famille et le travail domestique répondent à la logique du capital. Il en résulte que la
lutte des femmes fait partie de la lutte des classes. D'autres, au contraire, opposent la
logique du capital à la logique du patriarcat. Les femmes dans la famille sont exploitées
par les hommes. Les femmes constituent donc une classe spécifique et antagoniste des
hommes. La lutte des femmes est autonome vis-à-vis de la lutte des classes. Pour
d'autres encore, il est nécessaire d'articuler les deux logiques. Ainsi, la fin du capitalisme
ne signifiera pas la fin de l'oppression des femmes. Inversement, le patriarcat ne peut se
comprendre sans sa base matérielle, à savoir qu'il repose sur le contrôle exercé par
l'homme sur le travail de la femme à l'intérieur comme à l'extérieur foyer. (Harrison,
Hartman)
29
Science économique féministe
Elle part du constat que l'analyse économique et les politiques économiques sont le fruit
du sexisme. Le contenu de l'analyse économique féministe n'est pas liée aux différences
entre hommes et femmes. Le fond du problème est que l'analyse néoclassique est
sexiste. La théorie économique en insistant sur les concepts de rareté, d'intérêt
personnel et de concurrence rejettent ceux de l'abondance, de l'altruisme et de la
coopération. Pour certains, ces dichotomies (rareté/abondance, intérêt égoïste/altruisme,
concurrence/coopération) correspondent au côté masculin et au côté féminin. Cette
explication est contestée car elle ne ferait que perpétuer les stéréotypes. En revanche, il
y a un consensus pour soutenir que si la maximisation du bien-être passe par l'intérêt
égoïste et la concurrence, alors il n'y a plus de place pour la coopération et un autre
partage du pouvoir et du bien-être. (Nelson, Strober)
Segmentation du marché du travail
La théorie distingue deux marchés du travail : primaire et secondaire. Les emplois du
marché primaire se caractérisent par une rémunération plus élevée et de meilleures
conditions de travail. Cette théorie d'un double marché du travail permet de mieux
comprendre l'inégalité des hommes et des femmes en montrant la distribution sur le
marché et selon les professions. Dans le segment féminin, les salaires sont plus bas et
l'éventail des professions et des expériences est plus réduit. Au moment du recrutement,
et en raison des coûts d'information et de prospection, l'employeur aura rationnellement
tendance à recruter dans le marché primaire où se trouve concentrer les hommes et à
délaisser le marché secondaire où se trouvent les femmes. Etant donné que les hommes
ont suivi une meilleure formation et ont plus d'expériences, les employeurs ont toujours
une préférence pour eux et la ségrégation se perpétue. (Doeringer, Piore)
Ségrégation socio-culturelle
Pour expliquer les phénomènes de ségrégation et de discrimination à l'embauche, ces
théories se concentrent sur des facteurs externes au marché du travail Elles font
apparaître l'étroite correspondance qui existe entre les caractéristiques des professions "
féminines " et les stéréotypes habituels sur les qualité des femmes : souci d'autrui,
habileté manuelle, charme, manque de force physique, préférence pour la flexibilité, etc..
Les responsabilités familiales peuvent pousser les femmes vers les métiers en question.
Mais c'est la réputation de ces professions et non leur nature qui les font apparaître
comme féminines. A priori, il n'y a par exemple aucune raison de supposer qu'une
profession, quelle qu'elle soit, soit par nature " flexible " ou " peu flexible ". (Anker)
30
Théorie du capital humain
Appliquée à la demande d'éducation, elle cherche également à rendre compte du rôle des
femmes dans l'économie. La théorie néo-classique pose que les travailleurs cherchent les
emplois les mieux rémunérés en fonction de leurs capacités, de leurs obligations et de
leurs préférences et que les employeurs minimisent les coûts. Dans cette optique, si les
femmes sont moins bien rémunérées cela peut provenir : 1°/ d'une productivité plus
faible (une formation moins élevée réduit la valeur du capital humain et donc la
productivité) ; 2°/ des préférences professionnelles des femmes ; 3°/ du coût du
personnel féminin (les absences, la nécessité de mettre en place des systèmes de garde
d'enfants et la réglementation contribueraient à alourdir le coût du travail féminin) ; 4°/
de la propension à la discrimination des employeurs. Ces derniers ont des préjugés à
l'égard de personnes qui se distinguent par certaines caractéristiques. Les embaucher
impliquerait un coût. L'origine du goût pour la discrimination n'est pas cependant
expliquée. (G. Becker)
Théorie du mariage et du divorce
Les modèles de préférence commune ne peuvent être utilisés pour analyser des décisions
comme le mariage ou le divorce puisque les utilités individuelles du mari et de la femme
ne peuvent être extraites de la fonction commune de bien-être. On a donc recours à des
modèles de négociation de la théorie des jeux. Un premier modèle est celui avec menace
de divorce. Le point de menace correspond aux gains associés aux utilités résultant du
divorce. Ce point est fonction de la possibilité de conserver la propriété du revenu et de
variables externes (situation du marché du remariage). Un deuxième modèle pose que le
point de menace est interne au mariage. C'est un équilibre non coopératif où chaque
conjoint fournit volontairement des biens collectifs et adopte une stratégie optimale. Le
mariage non coopératif peut être préférable au divorce si la perte de pouvoir consommer
des biens collectifs peut être plus dissuasif que le divorce. (Lundberg, Pollak)
Politique intérieure
Les contraintes du système international sont minimisées. Les caractéristiques de ce
dernier dépendent des Etats qui eux-mêmes dépendent des acteurs internes
(administration, groupes de pression, électorat, etc.). L'Etat est fragmenté. Les
bureaucrates, les groupes de pression, la force plus ou moins faible de l'administration
expliquent l'incohérence et les variations de la politique étrangère. Les perspectives de
coopération sont pessimistes. Les luttes entre l'administration et les groupes de pression,
entre les groupes de pression, la prise en compte des échéances électorales peuvent
distordre la formation des préférences des Etats et conduisent ces derniers à adopter un
comportement sous optimal au plan international. Ce courant tend à sous-estimer le
poids des contraintes du système international dans la décision et le comportement des
Etats. (Dahl, Schattschneider, Gourevitch, Ikenberry, Milner)
31
Théorie constructiviste
Les relations entre Etats relèvent plus d'un système de croyances et de représentations
que de considérations seulement matérielles. La loi internationale érode la souveraineté
des Etats en raison de la puissance des normes. Les Etats sont les principaux acteurs.
Les identités et les intérêts de l'Etat sont largement construits par les structures sociales.
Ils ne sont pas déterminés par la nature humaine ou bien encore par le jeu des groupes
de pression. Optimistes. L'anarchie du système international résulte plus des croyances
que de données objectives. Il est dès lors possible en modifiant les croyances, les idées
de modifier le comportement des Etats et de les faire sortir des situations de dilemme du
prisonnier. Ce courant décrit et explique mieux le passé que d'établir des prédictions
vérifiables empiriquement. Ce courant sous-estime le poids des intérêts des groupes de
pression, etc. Les idées peuvent être instrumentalisées par les pouvoirs politiques afin de
servir leurs fins. (Wendt, Kratochwill, Rosenau)
Théories libérale et néolibérale
Le système international se caractérise par une interdépendance économique croissante
et l'extension de la démocratie. Il existe une multiplicité d'acteurs : Etats, firmes
multinationales, organisations internationales, etc. Pour les néo-libéraux, l'Etat joue
toutefois toujours un rôle central. L'Etat est un acteur unitaire et rationnel et il a de
multiples objectifs : croissance, plein-emploi, Etat-providence, sécurité et pouvoir. Les
Etats privilégient les gains absolus. Les perspectives de coopération sont donc plus
optimistes. La coordination est vue comme un jeu répété où les considérations de
crédibilité ou de réputation l'emportent sur une défection à court terme (le coût de la
sanction est supérieur au bénéfice de la défection). Les organisations internationales
facilitent la coopération en abaissant les coûts de transaction. Ces théories tendent
toutefois à ignorer le rôle du pouvoir en tant que tel. Dans certaines circonstances, il est
difficile d'identifier et d'établir la preuve de la défection, dès lors les Etats hésiteront à
s'engager dans la coopération. (Nye, Keohane, Axelrod, Haas)
Théories marxiste et néomarxiste
Le système international est un système capitaliste et son objectif est donc la
reproduction élargie. Les pays capitalistes exploitent les pays en développement avec la
complicité des classes dirigeantes de ces pays (théorie de la dépendance). Les Etats sont
les principaux acteurs. L'Etat est fragmenté en raison de l'opposition des classes
capitalistes. Il a donc une certaine autonomie. Les perspectives de coopération sont
pessimistes. Les conflits résultent de la lutte pour le profit et la reproduction du capital et
débouchent sur des guerres impérialistes. Le capitalisme n'est pas seul à l'origine des
conflits, le socialisme n'implique pas l'harmonie. Les pays en développement après avoir
constaté l'échec des stratégies d'industrialisation autocentrée se sont progressivement
ouverts commercialement. (Wallerstein, Prebisch, Amin, Block)
32
Théories réaliste et néoréaliste
Le système international est anarchique au sens où il n'y a pas d'autorité supranationale.
Les acteurs les plus importants sont les Etats. Les autres acteurs internationaux
notamment les organisations internationales n'ont pas d'autonomie par rapport aux
Etats. L'Etat est un acteur unitaire et rationnel qui a pour finalité de maximiser sa
puissance et sa sécurité. Il privilégie les gains relatifs. Les perspectives de coopération
sont pessimistes. Les autres Etats sont considérés comme des ennemis. Les Etats
refusent la coopération même si elle entraîne des gains absolus en raison de la peur de
perdre en termes relatifs. Ces théories ont été critiquées au sens où elles ne prendrait
pas en compte les changements internationaux (interdépendance, phénomène de spill
over). (Morgenthau, Aron, Waltz, Krasner)
Théorie des régimes internationaux
La stabilité est assurée par différents régimes internationaux, c'est-à-dire un ensemble
de principes, de normes, de règles et de procédures de décision, implicite ou explicite,
autour desquels les attentes des acteurs convergent. Les Etats sont les principaux
acteurs. L'Etat est un acteur unitaire et rationnel, il a de multiples objectifs : croissance,
plein-emploi, Etat-providence, sécurité et pouvoir. Les Etats privilégient les gains absolus
Les perspectives de coopération sont optimistes. Les régimes internationaux baissent les
coûts de transaction, facilitent les stratégies de réciprocité, permettent de traiter à un
moindre coût l'apparition d'un problème supplémentaire. Les Etats mesurent les
avantages d'une coopération à long terme par rapport à ceux obtenus à court terme par
défection et le risque de sanction qui s'en suit. La notion de régime international ne tient
pas compte du pouvoir en tant que tel. Dans le domaine des télécommunications, les
Etats ont installé un régime international afin d'obtenir des bénéfices réciproques ; une
fois atteint la frontière d'efficacité, la logique du pouvoir national a repris ses droits.
(Rugie, Keohane, Nye, Axelrod)
Théorie de la stabilité hégémonique
La stabilité du système international est conditionnée par la production de biens collectifs
internationaux. Les acteurs sont le pays leader et les autres Etats. Un Etat est leader s'il
détient la majeure partie des ressources dans le monde. Le leader offre ce bien collectif
même s'il en supporte le coût car c'est un gros consommateur de ce bien. Les petits
Etats exploitent le grand Etat. L'offre peut s'expliquer par la nature coercitive du leader
qui exerce son hégémonie. Les perspectives de coopération sont pessimistes. Tant qu'un
leader n'émerge pas ou ne manifeste pas le désir de produire les biens collectifs
internationaux, le système international n'est pas stabilisé. Même si le leader remplit sa
fonction, à terme il déclinera car le coût supporté par celui-ci et le comportement de
passager clandestin des autres Etats impliquent une baisse de sa richesse. Il est difficile
d'identifier le pays leader. Le déclin des Etats-Unis ne s'est pas accompagné d'une
instabilité des relations internationales. Historiquement, à certains moments, la stabilité
a résulté d'une entente à 2 ou 3 pays. (Kindleberger)
33
Courbe de Phillips
La courbe de Phillips pose l'existence d'une relation négative entre inflation et chômage.
Un gouvernement aurait le choix entre relancer l'économie et par suite l'emploi au prix
d'un peu d'inflation, et freiner la croissance et ralentir l'inflation au prix d'un surplus de
chômage. M. Friedman (prix Nobel 1976) et E. Phelps ont critiqué cette interprétation
due à Samuelson (prix Nobel 1970) et Solow (prix Nobel 1987). Ils soutiennent que si, à
court terme, il existe bien une relation positive, à long terme, la courbe devient une
droite verticale. Un gouvernement qui relancerait l'économie ferait reculer dans un
premier temps le chômage mais au prix d'une inflation plus élevée. L'adaptation des
agents à plus d'inflation ramènerait à long terme le taux de chômage à son niveau "
naturel ". Si l'hypothèse des anticipations adaptatives autorise un arbitrage exploitable à
court terme, celle des anticipations rationnelles ruine même à court terme un tel
arbitrage. Dans le modèle de Lucas, les agents ajustent instantanément leurs
anticipations de prix et de salaires à la nouvelle politique économique. Toute politique
économique est-elle donc inutile ? Pas nécessairement si les modifications de politique
économique sous forme de règles négociées sont " bien " interprétées par les agents
économiques. Elles ont alors probablement plus d'effets sur l'économie que les
modifications de politique économique laissées à la discrétion des gouvernements.
(Phillips, Friedman, Phelps, Samuelson, Solow, Lucas)
Modèle de Solow
Le modèle décrit comment un accroissement du stock de capital, de la quantité de travail
(ou de la population) et le progrès technique interagissent et affectent la production au
sein de l'économie. À long terme, il montre que l'économie tend vers un état
stationnaire. Cette situation d'équilibre est déterminée par le taux d'épargne, le progrès
technique et la croissance démographique. Le taux d'épargne et le progrès technique
étant des données dans le modèle, la croissance économique dépend, à long terme, de
celle de la population. (Solow)
Modèles " millésimés " ou à générations de capital (vintage models)
Ces modèles, développés par Solow (prix Nobel 1987) proposent une nouvelle méthode
pour analyser le rôle de la formation du capital dans la croissance économique et
tiennent compte en particulier de l'âge du capital. Selon Solow, le progrès technique est
contenu dans le capital de l'économie, contrairement à la nouvelle théorie de la
croissance endogène (pour laquelle le moteur de la croissance vient des externalités).
Les nouveaux investissements incorporent les dernières techniques connues. Le
millésime du capital doit donc être pris en compte dans les modèles. Ainsi se trouve
définie une nouvelle façon d'agréger du capital issu de différentes périodes. Ces vintage
models ont depuis été employés dans d'autres modèles économiques, tels les modèles
d'équilibre général calculable. (Solow)
34
Modèle IS-LM
Créé par Hicks (prix Nobel 1972), ce modèle est repris et modifié par Hansen, Lerner,
Samuelson (prix Nobel 1970). Il est composé de deux équations : IS (Investment et
Saving) exprime l'égalité entre l'épargne et l'investissement (équilibre sur le marché des
biens) et LM (Liquidity et Money) traduit l'égalité entre l'offre et la demande de monnaie
(équilibre sur le marché de la monnaie). Le modèle comporte deux variables endogènes,
le revenu national Y et le taux d'intérêt i, les autres variables sont considérées comme
exogènes (masse monétaire M, dépenses gouvernementales G). Le modèle permet
d'étudier, dans une économie fermée, les effets des variations de M et G sur le revenu et
le taux d'intérêt. Ce modèle va donner naissance au consensus théorique baptisé par
Samuelson "synthèse néoclassique" : démarche macroéconomique qui complète le
schéma d'analyse keynésien par des équations inspirées de la logique néoclassique
(maximisation de l'utilité marginale, analyse du point de vue de l'offre). (Hicks,
Samuelson)
Théorie de l'état stationnaire
A l'origine du phénomène se trouve l'opposition entre deux mouvements qui apparaissent
inéluctables et incontrôlables à l'époque : d'une part, la croissance démographique et,
d'autre part, les rendements décroissants de la terre. L'accroissement de la production
provoque une hausse de la demande de travail, qui implique une hausse des salaires.
Cette amélioration des conditions de vie conduit à une croissance de la population. Celleci implique une hausse de la demande de produits agricoles. La production agricole
augmente. Toutefois, les terres mises en culture pour augmenter la production se
heurtent à de srendements décroissants. Le coût de production et donc le prix des
denrées agricoles augmentent. Il en résulte que les propriétaires des terres les plus
fertiles bénéficient de rentes ; en revanche, les profits des industriels diminuent, la part
des salaires restant constante dans le revenu national. Les profits diminuent,
l'investissement baisse bloquant la croissance. Le commerce international et le libre
échange peuvent retarder l'échéance mais cette solution ne peut-être que de court
terme. (Ricardo, Malthus)
Théorie de l'oscillateur
La théorie montre comment les interactions entre le principe du multiplicateur keynésien
(source de stabilité économique) et celui de l'accélérateur (source d'instabilité) peuvent
créer des fluctuations cycliques endogènes. Cinq types de situation se présentent : 1°/ il
n'y a pas de fluctuation et le niveau de revenu décroît vers son niveau initial ; 2°/
l'évolution du niveau de revenu prend la forme d'oscillations amorties ; 3°/ ces
oscillations sont explosives ; 4°/ la croissance est exponentielle ; 5°/ des oscillations
auto entretenues. (Samuelson)
35
Théorie de la croissance endogène
Cette théorie montre en quoi plusieurs facteurs peuvent faire apparaître des externalités
positives et par conséquent être source de croissance pour la collectivité : investissement
en capital physique, investissement en capital public, investissement en capital humain,
apprentissage par la pratique, division du travail, recherche et innovations
technologiques. La croissance est endogène au sens où elle ne dépend que des seuls
comportements des agents et des variables macroéconomiques. (Barro, Lucas, Levine,
Romer)
Théorie de la régulation de la croissance
Elle analyse les régimes de croissance. Ceux-ci dépendent d'une part d'un régime de
productivité, c'est-à-dire de l'ensemble des déterminants de la progression de l'efficacité
économique (organisation du travail et des entreprises, degré de concentration des
entreprises, degré de mécanisation, type d'innovation, etc.) et, d'autre part, d'un régime
de demande c'est-à-dire de l'ensemble des mécanismes de répartition des gains de
productivité entre salaires, profits, prix relatifs qui alimentent la demande. (Aglietta,
Boyer, Bénassy, Mistral)
Théorie des cycles économiques
On distingue différents types de cycles : 1°/ les tendances séculaires ou trends d'une
période d'un siècle par référence aux travaux de F. Braudel ; 2°/ les mouvements de
longue durée de type Kondratiev de l'ordre de 25 à 45 ans ; 3°/ les cycles classiques ou
cycles courts de type Juglar qui durent 6 à 10 ans ; 4°/ le cycle Kitchin qui dure 40 mois
; 5°/ les mouvements saisonniers comme la production agricole. Les cycles peuvent avoir
trois origines. La première est d'ordre exogène d'où le terme des cycles exogènes. Dans
ce cas, c'est l'environnement qui est à l'origine du cycle : accident climatique,
interdépendance croissante des économies qui propage les cycles d'activité d'un pays à
l'autre , des chocs politiques, les politiques économiques ou bien encore les échéances
électorales à l'origine de cycles politico-économiques. Une deuxième origine est
endogène c'est-à-dire lié à l'activité économique elle-même. Les facteurs déclencheurs
peuvent être l'accumulation du capital, le partage de la valeur ajoutée, le développement
des innovations (explication schumpétérienne des cycles kondratiev), une modification ou
choc que peut subir les fondamentaux d'une économie (goût des ménages, techniques
disponibles, dotations en ressources des agents). Une troisième origine est financière.
C'est le cas pour les cycles d'endettement. l'expansion conduit à une croissance des
crédits qui lorsque l'activité se retourne a pour conséquence un désendettement et un
approfondissement de la dépression. (Kondratiev, Schumpeter, Juglar, Kitchin)
Théorie du capitalisme monopolistique d'Etat (CME)
Le capitalisme se heurte à une crise de suraccumulation c'est-à-dire d'excédent de capital
par rapport à la masse de profit. L'action de l'Etat consiste à dévaloriser certains capitaux
afin de rétablir le taux de profit. Cette intervention prend diverses formes : financement
public privilégié, nationalisation, transfert au privé d'entreprises ou de secteurs
redevenus rentables. (Boccara)
36
Théorie keynésienne de la crise
La crise est contingente. Deux éléments jouent un rôle : la monnaie et les anticipations
de la demande. La monnaie peut être conservée pour elle-même et ainsi provoquer des
fuites dans le circuit économique. Comme les entreprises produisent lorsqu'elles ont la
certitude d'écouler leur production, elles vont chercher à anticiper la demande. Il en
résulte un niveau de production qui satisfait la demande mais qui ne correspond pas
forcément au plein emploi. Il n'existe pas de mécanisme autorégulateur. En outre, le
chômage peut accentuer les comportements d'épargne de précaution et les mauvaises
anticipations des entrepreneurs. Seule l'intervention de l'Etat par une politique
économique adéquate peut susciter une demande supplémentaire. (Keynes)
Théorie marxiste de la crise
Seul le travail vivant crée de la valeur. Or poussé par la concurrence, le capitaliste utilise
de plus en plus des machines et donc du travail mort. Il déclenche ainsi la crise. Même si
le rendement du travail vivant augmente, sa quantité diminue. Il en résulte : 1°/ une
diminution de la demande de biens de consommation puisqu'il y a de plus en plus de
chômeurs ce qui diminue l'incitation à produire ; 2°/ un déséquilibre entre la section
produisant des biens de consommation et celle produisant des biens de production ; 3°/
une baisse de la rentabilité du capital puisque les prolétaires, soit au niveau de la
répartition (partage profits - salaires) soit au niveau de la production (lutte contre les
cadences) lutteront contre les capitalistes ; 4°/ une baisse inéluctable du taux de
rentabilité du capital puisque le capitaliste aura recours de plus en plus au capital
constant (autrement dit aux machines ou travail mort). L'existence de contre-tendances :
concentration du capital, prise en charge par l'Etat d'une partie du capital, ne sont que
des solutions de court terme. (Marx, Engels, Lénine, Luxembourg)
Théorie néoclassique de la crise
Celle-ci est impossible dans un système d'économie de marché de concurrence pure et
parfaite. Toute offre crée sa propre demande selon la loi de J. - B. Say. Si une crise se
produit cela peut être dû au non respect des conditions de concurrence pure et parfaite
(présence des syndicats, non contestabilité des marchés) ou à l'intervention de l'Etat que
cela soit pour stabiliser la conjoncture, pour la politique de redistribution ou pour
l'allocation des ressources. Ainsi, la multiplication des réglementations et des
programmes étatiques de lutte contre la pauvreté et le chômage produit-elle l'inverse du
but recherché (trappes à chômage et à pauvreté). (Say, Hayek, Friedman, Laffer,
Buchanan)
Théorie régulationniste de la crise
Au sein du mode de production capitaliste, il existe différents régimes d'accumulation et
différents modes de régulation. Le passage d'un régime d'accumulation à l'autre ou bien
d'un mode de régulation à un autre constitue une crise ou rupture. Lorsqu'aucun
changement institutionnel ou de politique économique est nécessaire on parle de " petite
crise ". Autrement, c'est-à-dire en cas de non reprise spontanée, on parle de " grande
crise ". (Aglietta, Boyer, Bénassy, Mistral)
37
Le modèle d'arbitrage (entre rendement et risque)
Les individus de mêmes capacités ne choisissent pas les mêmes études. Cette différence
est directement liée à leur origine sociale. Avant d'entamer un cursus scolaire, la théorie
suppose ici que les individus procèdent à un calcul avantages-coûts pondéré par la
probabilité de réussite. Elle pose alors comme hypothèse que les étudiants issus de
milieux défavorisés accorderont un poids plus important au risque que les autres. Les
conséquences d'un échec, voire d'un simple redoublement, ne sont pas valorisées de la
même façon par tous les individus. L'intérêt du modèle d'arbitrage entre rendement et
risque est donc d'expliciter des choix différents de cursus sur des critères sociologiques.
(Mingat et Eicher)
Les modèles de concurrence (pour l'emploi)
Ce modèle rejette l'hypothèse forte de la théorie du capital humain : la productivité n'est
plus apportée par le travailleur mais elle est considérée comme faisant partie du poste de
travail. Deux caractéristiques comptent dans l'entreprise : la capacité d'adaptation du
travailleur à la structure de la firme et son efficacité à son poste de travail. II existe deux
marchés du travail, l'un interne à l'entreprise, l'autre externe. Pour recruter son
personnel, un dirigeant peut recourir à l'un ou l'autre. Le premier est le moins coûteux
mais il n'est pas toujours possible. Sur le marché externe, le niveau de formation
considéré comme un gage d'ouverture d'esprit et d'adaptabilité constitue le premier
critère de sélection. (Thurow)
Théorie des attitudes
À la suite des critiques portant sur la théorie du capital humain et le modèle économique
néoclassique, d'autres auteurs formulent une théorie du système éducatif pris dans son
ensemble. Selon la théorie des attitudes, l'éducation prépare à la division du travail en
même temps qu'elle installe l'acceptation du travail. La formation vise à créer des
attitudes conformistes et soumises. Le système éducatif est dominé par le capital. La
mission de l'école est double. D'une part, elle forme le prolétariat à l'appareil productif.
D'autre part, elle réserve à une élite les enseignements nécessaires aux tâches
d'encadrement et de création. (Bowles et Gintis)
Théorie du capital humain
L'idée de base de la théorie du capital humain, développée par Gary Becker, prix Nobel
1992, est de considérer que du point de vue de l'individu, l'éducation est un
investissement. La valeur de celui-ci dépend directement du coût monétaire de
l'éducation et des gains futurs anticipés procurés par l'information. Celle-ci représente un
investissement avantageux si la valeur actualisée nette des coûts et des avantages est
positive. L'investissement en capital humain est aussi un investissement profitable du
point de vue de la société. Autrement dit, l'éducation procure aussi des gains sociaux,
supérieurs aux gains privés. Cette externalité positive justifie pour certains l'intervention
de l'État sinon dans l'économie du moins dans la prise en charge du système éducatif.
Pour l'employeur, la distinction entre éducation générale et formation spécifique de
l'individu revêt une importance capitale. En effet, la formation spécifique augmente la
productivité de l'individu seulement chez son employeur. Ce dernier peut par conséquent
récupérer le fruit de l'investissement qu'elle constitue. (G. Becker)
38
Théorie du filtre
Les tests empiriques ont montré que la théorie du capital humain explique peu les faits.
En particulier, des individus de même niveau obtiennent des gains très différents. La
théorie de Becker a été remise en cause à la fois dans son développement et ses
hypothèses. La formation, et en particulier le diplôme, sert à apporter de l'information
sur les qualités des individus (intelligence, capacité de travail...). L'éducation ne sert
donc pas à accroître les capacités des individus mais à les identifier afin de pouvoir les
filtrer. Le système productif filtre les individus en fonction des qualités qu'il recherche.
Des tests à l'embauche pourraient toutefois servir eux aussi de filtres, à un coût inférieur
à celui du système éducatif. (Arrow)
Théorie de la reproduction
Le système éducatif, fonctionne comme s'il servait à reproduire la domination de la "
classe dominante ". Sous couvert de neutralité et d'égalité des chances, l'institution
scolaire conduit à exclure les enfants des classes populaires, " classes dominées . Le
système exerce, en effet, un " arbitraire culturel " permettant cette sélection. L'école
valorise et légitimise une culture dite savante acquise en dehors de ses murs par la
classe dominante. Cette " violence symbolique " exercée par le système éducatif est à
l'origine des écarts entre les taux de réussite des enfants. La démocratisation de l'école a
des effets pervers. L'exclusion s'opère via la dévalorisation des diplômes. (Bourdieu et
Passeron)
Théorie du signal
La théorie du signal est un prolongement sur le marché du travail de celle du filtre. Les
employeurs sont considérés comme étant en asymétrie d'information vis-à-vis des
offreurs de travail. Ils disposent de données intangibles telles que le sexe. D'autres,
comme le niveau de qualification, peuvent au contraire être modifiées par les individus à
la recherche d'un emploi. Le diplôme constitue donc un signal envoyé aux employeurs
potentiels. II reste aux individus à choisir la formation qui permet d'envoyer le meilleur
signal, soit celle qui offre le plus de possibilités pour trouver un emploi, soit le meilleur
taux de rendement. (Spence)
Théorie sociologique de l'individu rationnel
Les individus procèdent tout au long de leur " carrière scolaire " à des calculs avantagescoûts. Ces calculs s'opèrent non seulement sous la contrainte des coûts matériels mais
aussi et surtout sous l'influence de données sociologiques de chaque individu. Le
rendement et le risque d'une formation sont valorisés différemment selon la classe
sociale. Les choix et les ascendances sociales qui en découlent sont donc différents selon
les individus. La faible mobilité sociale s'explique ainsi non comme le résultat de la
reproduction d'une " classe dominante " mais comme un " effet de système " engendré
par l'agrégation des comportements et stratégies individuelles. (Boudon)
39
Loi des avantages absolus
Selon Adam Smith, chaque pays est plus efficace que les autres dans la production d'un
bien au moins. Le pays en se spécialisant dans la production d'un bien ce qui signifie
l'abandon de la production des autres biens, approfondit la division du travail et ainsi la
liberté des échanges va accroître le bien-être de l'ensemble des pays. C'est l'avantage
absolu dans la production d'un bien qui détermine la spécialisation de chaque pays.
(Smith)
Loi des avantages comparatifs
Selon Ricardo, ce n'est pas l'avantage absolu qui compte mais l'avantage relatif.
Autrement dit un pays, qui est moins efficace que les autres pays dans la production de
tous les biens qui peuvent être échangés, sera relativement moins inefficace dans la
production d'au moins un bien. En exploitant cet avantage comparatif, c'est-à-dire en se
spécialisant dans la production de ce bien, le libre-échange se révélera préférable à
l'autarcie. L'analyse ricardienne ne précise pas quel sera le niveau exact des prix et des
quantités échangées entre pays. C'est S. Mill qui déterminera l'équilibre de l'échange
international en faisant deux hypothèses : fonctions de demande par pays identiques et
constance de la part du revenu réel consacrée à chaque bien. D'autres hypothèses
fondent le modèle : concurrence pure et parfaite, existence d'un seul facteur primaire par
pays, coûts de production fixes (totalement indépendants de l'échelle de production et
des effets externes). (Ricardo, Mill)
Paradoxe de Leontief
Partant du fait que les États-Unis étaient en principe mieux dotés en capital que le reste
du monde, Leontief (prix Nobel 1973) calcule à l'aide de la matrice input-output les
contenus en travail et en capital des exportations et importations américaines pour
l'année 1947. Or, les résultats obtenus montrent l'inverse de ce qui était attendu : les
États-Unis exportent des biens qui nécessitent beaucoup de travail et importent des biens
relativement capitalistiques. Plusieurs explications ont été avancées : présence de coûts
de transport et de droits de douane ; caractères des fonctions de production ; présence
d'un troisième facteur de production : les ressources naturelles ; sous-estimation du
capital américain ; effets de la demande ; très forte productivité des travailleurs. Les
spécialistes du commerce international ont amplement discuté et contesté ce paradoxe,
les critiques portant sur trois points : la méthode relative aux fonctions de production, la
non prise en compte du protectionnisme américain, l'absence d'un troisième facteur de
production, à savoir les ressources naturelles qui à côté du travail et du capital sont
susceptible de modifier considérablement les résultats initiaux en fonction de leur
substituabilité ou de leur complémentarité respectives. (Leontief)
Théorie du cycle de vie du produit
Selon Vernon, les innovations sont à l'origine du cycle de vie d'un produit. Elles se
produisent dans des pays à stock de capital physique et humain élevé. Le coût élevé de
l'innovation est amorti car ces biens nouveaux peuvent s'écouler sur un marché
suffisamment grand et solvable. Une fois maîtrisé le marché domestique le produit est
exporté. Au fur et à mesure que l'innovation est connue, la concurrence se durcit et le
coût des facteurs de production redevient prédominant. La production est alors
transférée vers des pays à bas salaires. (Vernon)
40
Théorie de la concurrence imparfaite et politique commerciale stratégique
La concurrence imparfaite se caractérise par l'existence de barrières à l'entrée, des
rendements croissants ou de surprofits liés à des positions de monopole. Les économies
d'échelle donnent un avantage déterminant aux entreprises qui atteignent les premières
la taille optimale. Cette dernière permet de différencier les gammes et d'amortir les
dépenses de recherche et de développement. De même, les entreprises peuvent
pratiquer des prix bas et laminer les profits des autres firmes. Dès lors, les pays dont les
firmes ne seraient pas compétitives seront obligés d'importer des biens et vont prendre
un retard technologique. C'est pourquoi les entreprises et les nations sont incitées à tout
faire pour faire perdurer cet avantage ou à le conquérir. La politique commerciale
stratégique consiste donc à chercher à éliminer son concurrent afin de récupérer ses
débouchés et renforcer son pouvoir de monopole. Un autre exemple de protection est lié
aux externalités d'apprentissage. L'ouverture internationale peut amener un pays à se
spécialiser dans un secteur dont la productivité est supérieure à celle observée ailleurs.
Toutefois, cette efficacité peut être de court terme et ne pas tenir compte de l'efficacité
dynamique, c'est-à-dire incluant les externalités d'apprentissage gage d'une croissance
élevée à long terme. Une fois entré dans cette spécialisation, le pays connaîtra une faible
croissance. Pour abandonner ces mauvais secteurs et permettre la reconversion vers le
ou les bons secteurs, le pays devra se mettre à l'abri de la concurrence et recourir à une
politique de subventions. Cette justification de la protection fait l'objet de diverses
critiques : comment distinguer les bons et mauvais secteurs ; si la demande dépend de
la qualité et non du prix, la protection peut se révéler moins efficace ; enfin, si tous les
pays choisissent le même secteur, le commerce s'effondre. (Krugman)
Théorie de la demande de Linder
Une des critiques adressées aux modèles ricardien ou d'Ohlin-Heckscher est de sousestimer le rôle de la demande. Selon Linder, l'échange des biens manufacturés par
opposition aux produits primaires ne peut être expliqué par les seules dotations relatives
naturelles. Le volume du commerce entre deux pays dépend des préférences des
consom-mateurs. La similitude des fonctions de demande des pays qui échangent
détermine la part dans le revenu national du volume des biens manufacturés échangés.
Plus le revenu par tête des pays est proche, plus l'intensité du commerce entre les deux
pays sera élevée. Les hypothèses du modèle sont les suivantes : les individus touchant le
même revenu possèdent la même structure de demande quel que soit le pays auquel ils
appartiennent ; la répartition des revenus est la même dans les deux pays ; le pays
fabrique un produit manufacturé que parce qu'une demande domestique préexiste à une
demande extérieure. Empiriquement, certaines études montrent que des pays proches du
point de vue du revenu par tête tendent à davantage commercer. Toutefois d'autres
variables pourraient expliquer un tel résultat. Il peut s'agir de la proximité des pays (la
distance semble être une variable pertinente et significative pour expliquer le commerce
bilatéral) ou bien encore de l'appartenance des pays à une même association de libreéchange. (Linder)
41
Théorie de l'échange inégal
Dans le commerce international, selon cette théorie, l'exportation de produits
manufacturés et l'exportation de produits primaires ne se font pas à un prix tel que les
quantités de travail incorporées dans les biens échangés soient égales. Au contraire, les
termes de l'échange sont tels que la quantité de travail que renferment les exportations
des pays dominés est inférieure à celle que renferment les exportations des pays
capitalistes. (Arghiri Emmanuel)
Théorie de l'économie politique de la protection
L'hypothèse centrale de cette théorie est que les mesures prises dans le cadre de la
politique commerciale (protectionnisme ou bien de libéralisation) sont avant tout des
mesures de redistribution ou de transfert prises par des décideurs politiques. Certains
groupes vont chercher à bénéficier de ces transferts ou de ces rentes. Ainsi, ces mesures
créent des activités "profitables" bien que non productives au sens direct de ce terme.
Dans ce modèle d'économie politique, l'homme politique a pour objectif son élection et il
cherche des ressources. Il pourra obtenir le soutien d'un ou plusieurs lobbies en fonction
notamment de sa position en matière de politique commerciale. Les lobbies se décideront
à soutenir un candidat en fonction de trois paramètres : probabilité que le candidat soit
élu, retombées du programme électoral du candidat élu, le coût en argent et en temps
que la campagne électorale représente pour chaque groupe de pression. Le candidat
arbitre entre sa position en matière de politique commerciale et sa probabilité d'être élu.
Il ne doit pas apparaître trop inféodé aux groupes de pression sous peine de perdre des
voix. Quant aux lobbies, leur pouvoir se révèle inégal. Certains aux intérêts concentrés
se mobiliseront plus facilement, le partage de bénéfices élevés compensant le coût de
mobilisation pour convaincre le candidat. En revanche, les consommateurs dont le
bénéfice par consommateur est moins élevé se mobiliseront moins facilement.
L'incertitude peut également jouer sur les capacités de mobilisation des groupes.
L'ouverture des économies génère une incertitude sur la répartition des coûts et des
bénéfices favorisant le statu quo. (Magee, Block, Young)
Théorème de l'égalisation des prix de facteurs
Selon ce théorème, le libre-échange réduit le revenu relatif du type de travail (qualifié ou
non qualifié) qui est relativement rare dans un pays. (Stolper et Samuelson)
Théorie de l'intégration régionale
Les accords commerciaux régionaux sont à l'origine de deux effets : une création de
trafic et un détournement de trafic. Le premier effet correspond au fait que les
consommateurs de chaque État membre achètent de plus grandes quantités aux
producteurs des autres États membres. Il en résulte des gains d'efficacité à la condition
que ces producteurs soient plus efficaces que les offreurs du reste du monde. Le
deuxième effet correspond au fait que si les consommateurs peuvent acheter aux autres
producteurs des États membres c'est en raison de différences de coûts créés
artificiellement. Selon le théoricien Viner, c'est le deuxième effet qui l'emportera,
aboutissant à une baisse du bien-être. (Viner)
42
Théorie marxiste de l'échange international
L'échange international est voulu et organisé par les nations. Il permet l'importation de
biens nécessaires à l'entretien de la force de travail et d'exporter des biens manufacturés
en surplus. Le commerce extérieur permet la création de plus-value dans les pays
capitalistes au sens où l'importation permet l'entretien de la force de travail des pays
capitalistes à un prix inférieur à celui qui existait avant l'échange. Les importations
permettent également d'abaisser la valeur du capital constant utilisé. Le commerce
permet également la réalisation de la plus-value. D'une part, les débouchés extérieurs
permettent d'écouler la production capitaliste. D'autre part, l'échange est inégal entre
nations dominantes et nations dominées. L'exportation de produits manufacturés et
l'exportation de produits primaires ne se font pas à un prix tel que les quantités de
travail incorporées dans les biens échangés sont égales. Au contraire, les termes de
l'échange sont tels que la quantité de travail que renferment les exportations des pays
dominés est inférieure à celle que renferment les exportations des pays capitalistes.
(Marx)
Théorie HOS (néo-classique) du commerce international (Heckscher, Ohlin et
Samuelson)
Elle cherche à expliquer l'échange international par l'abondance ou la rareté relative des
divers facteurs de production dont sont dotés les pays. Soit deux pays A et B : A dispose
en abondance de capital et de travail mais a très peu de terre ; pour B, c'est l'inverse, il
dispose de beaucoup de terre mais de peu de travail et de capital. La rente dans le pays
B est plus faible par rapport au salaire et à l'intérêt, il a donc intérêt à produire des biens
nécessitant beaucoup de terre. Inversement, dans le pays A, où le salaire et l'intérêt sont
relativement faibles par rapport à la rente, son avantage résidera dans des produits qui
nécessitent beaucoup de travail et de capital et peu de terre. Chaque pays a donc
tendance, premièrement, à se spécialiser dans les biens nécessitant des facteurs de
production qu'il possède en abondance relativement aux autres pays, deuxièmement, à
exporter des biens qui renferment beaucoup de facteurs qu'il possède en abondance et,
troisièmement, à importer des biens qui nécessitent beaucoup de facteurs qui lui
manquent. (Heckscher, Ohlin, Samuelson)
Théorie de la protection dans le cadre des industries naissantes
En protégeant l'industrie dans le premier temps de son développement, le pays permet à
cette activité d'engranger des économies d'échelle et de bénéficier de gains
d'apprentissage. Il en résulte une baisse du coût moyen par rapport à celui des
producteurs du reste du monde. Une fois que le coût moyen est égal ou inférieur à celui
du reste du monde et donc que l'avantage comparatif du pays est établi, la raison d'être
de la protection disparaît. Les coûts de la protection, notamment pour les
consommateurs, doivent être à terme compensés par les recettes, une fois l'avantage
comparatif établi. (List, Perroux, de Bernis)
43
Théorie de la protection douanière
La théorie du commerce international distingue deux cas en fonction de la taille du pays
qui applique la protection douanière. Le premier cas concerne les petits pays. Un petit
pays est un pays qui n'influence pas les prix internationaux. En concurrence pure et
parfaite, un droit de douane imposé par un petit pays augmentera le prix domestique
sans modifier le prix international. Les gains de l'instauration du droit de douane seront
insuffisants pour compenser les pertes de bien-être des consommateurs ainsi que les
distorsions causées par ces mêmes droits de douane. Dans le cas d'un petit pays, le
libre-échange est donc supérieur à toute forme de protection. Concernant les grands
pays qui ont donc le pouvoir d'influencer les prix internationaux, l'instauration d'un droit
de douane entraînera une baisse de la demande domestique qui elle-même entraînera
une baisse du prix international. Le prix à l'importation baissera et le pays connaîtra une
amélioration des termes de l'échange. Dans le cas d'un grand pays, établir un droit de
douane peut augmenter le bien-être. Toutefois, le pays qui l'instaure risque des
représailles.
La "nouvelle économie des migrations"
Les migrations résultent de décisions collectives prises dans des situations d'incertitude
et d'imperfections des marchés. Ainsi, dans les campagnes, une mauvaise récolte
entraîne une baisse des revenus. Afin de minimiser les risques, une famille peut décider
de faire partir quelqu'un à l'étranger, les revenus de ce dernier étant une sorte
d'assurance. Ce ne sont donc pas les écarts de revenus qui sont déterminants mais les
préoccupations d'assurance contre l'incertitude.
Théorie de la démographie et de l'épargne
Modigliani, prix Nobel 1985, et Brumberg relient l'épargne au cycle de vie de l'individu.
Ils supposent que l'individu cherche à maximiser l'utilité de sa consommation future.
Contrairement à Friedman, pour qui la période de maximisation de l'utilité est infinie et
donc, que l'individu n'épargne pas seulement pour lui-même mais également pour ses
descendants, Modigliani et Brumberg supposent que la période est finie. L'individu
épargne seulement pour lui-même. L'individu répartit sa consommation au cours du
temps et accumule une richesse qu'il consommera au cours de sa retraite. Il en résulte
notamment que : 1°/ l'épargne globale est déterminée par des facteurs économiques et
démographiques (structure par âge, espérance de vie) ; 2°/ le taux d'épargne global est
constant au cours du temps ; 3°/ les gains en capital affectent la consommation de
manière très limitée. (Modigliani, Brumberg)
Théorie de la comptabilité par génération
Le modèle théorique de comptabilité intergénérationnelle analyse comment la dette nette
accumulée ainsi que les dépenses publiques et transferts futurs modifient le niveau de
cette dette. A la base, existe une contrainte d'équilibre qui permet de répartir le fardeau
de la dette publique et des dépenses publiques futures entre les différentes générations.
Ainsi, l'allongement de l'espérance de vie se traduira par une augmentation des dépenses
de retraite et de santé. Sans modification de la législation et avec un niveau par tête de
cotisation donné, la dette future va s'accroître. En actualisant les flux futurs, en
prévoyant la croissance du produit par tête, on peut calculer la contribution nette des
générations futures. Ce modèle de comptabilité a été critiquée, notamment parce que
qu'il fait l'hypothèse que les dépenses publiques sont improductives. (Auerbach,
Kotlikoff)
44
Théorie des cycles d'Easterlin
R. A. Easterlin observe que la fécondité américaine suit des cycles d'expansion et de
dépression. Les variations de la fécondité seraient liées aux conditions d'insertion des
jeunes entrants sur le marché du travail. Une cohorte à faible effectif permet une
meilleure insertion sur le marché du travail, un meilleur niveau de vie, et donc une plus
grande fécondité. Il en résulte vingt ans plus tard une cohorte plus nombreuse, une
insertion plus difficile et donc une moindre fécondité. Cette théorie prédisait ainsi une
reprise de la fécondité dans les années quatre-vingt et un nouveau baby boom.
L'absence actuelle de baby boom serait due, selon Easterlin, aux effets de l'immigration.
Celle-ci abaisserait le niveau de salaires des jeunes entrants sur le marché du travail et
par conséquent le niveau de fécondité. Toutefois, l'effet de l'immigration sur les salaires
des nationaux est plus que controversé. (Easterlin)
Théorie malthusienne
L'ouvrage de Malthus, Essai sur le principe de population (1798) dont la première édition
était anonyme, est d'abord un pamphlet contre les partisans de la loi sur les pauvres.
Selon Malthus, la population croît selon une progression géométrique (double tous les
vingt-cinq ans) tandis que les subsistances croissent selon une progression arithmétique.
Dès lors, soit la population accepte volontairement de limiter sa croissance (c'est la moral
restraint ou abstention du mariage), soit la population sera détruite par la guerre, la
famine, la peste. Aider les pauvres revient à encourager la croissance démographique et
à terme sa destruction. La théorie malthusienne de la population est un des piliers de la
théorie de l'état stationnaire de Ricardo. Schumpeter dans son ouvrage Histoire de
l'analyse économique souligne combien Malthus doit à Botero et à Quesnay pour la
construction de sa théorie. (Botero, Quesnay, Malthus)
Théorie marxiste de la population
Selon Marx, la surpopulation n'est pas liée à une démographie trop dynamique des
classes les plus pauvres de la société. Elle résulte du mode d'organisation des économies
et de la répartition des richesses. La surpopulation est le produit du mode de production
capitalistique parce qu'elle est utile à l'accumulation de richesses. Les capitalistes ont, en
effet, intérêt à avoir des hommes en trop qui constitueront l'armée de réserve
industrielle. Cette dernière permet un maintien d'un taux de chômage élevé et bloque le
niveau de salaire. Ce dernier reste ainsi au minimum vital et permet l'augmentation de la
plus-value. La pauvreté est une logique du mode de production capitaliste et non d'un
excès de population. L'accroissement démographique peut être absorbé à condition que
le système de répartition des revenus se trouve modifié. Toute politique démographique
serait ainsi inutile. (Marx)
45
Théorie microéconomique de la famille
Selon ce courant dont le principal représentant est G. Becker, prix Nobel 1992, la
décision d'avoir des enfants ou bien de se marier est simplement le résultat d'une
analyse coûts - avantages. L'enfant, dans une société industrielle, est assimilable à un
bien de consommation. Les parents feront face à des dépenses et bénéficieront des
satisfactions apportées par l'enfant. La baisse de la taille moyenne de la famille
s'expliqueraient par l'augmentation du coût relatif des enfants (éducation, soins, etc.).
Au contraire, dans une société agricole, l'enfant est considéré comme un investissement
en capital dans la mesure où il peut travailler jeune et contribuer à l'augmentation du
revenu familial. L'analyse du mariage est assimilée à celle de la constitution d'une firme.
Les deux parties se lient par un contrat pour éviter des coûts de transaction.
L'organisation de la production en équipe coûte moins cher et évite les renégociations
incessantes. Seul, le rôle de l'amour différencie le ménage de la firme. (Becker)
Théorie microéconomique des migrations
La décision de migrer peut être analysée comme le résultat d'un calcul coût-avantage.
Dans ce calcul, interviennent plusieurs variables : 1°/ les écarts de revenu observées et
anticipées entre les pays ; 2°/ les écarts de taux de chômage ; 3°/ le degré de
générosité des systèmes d'indemnisation ; 4°/ un ensemble de coûts liés à la migration
(coûts d'information, de transport et d'installation, coûts psychologiques liés au départ de
la terre natale).
Théorie des migrations dans le cadre du dualisme du marché du travail
Les migrations s'expliquent par la demande de travail émanant des entreprises des pays
d'accueil. Dans ces derniers, les hiérarchies de salaires sont aussi des hiérarchies de
prestige. Les étrangers accepteront des emplois considérés comme dégradants sachant
que leur objectif est d'accumuler suffisamment d'argent pour pouvoir rentrer. Si la crise a
eu pour effet de précariser la situation des nationaux, le recours à une flexibilité par la
sous-traitance a quant à lui eu pour effet d'encourager une immigration de préférence
illégale.
Théorie historico-institutionnelle des migrations
Les migrations résultent de facteurs socio-historiques de grande ampleur. L'introduction
du capitalisme dans des régions périphériques aurait eu ainsi pour effet de créer une
population mobile disposée à émigrer. Il irait de même de la salarisation d'un nombre
croissant de paysans. Dès lors, les destinations de ces travailleurs ne résulteraient pas de
calculs économiques d'individus rationnels mais des liens historiquement tissés entre
métropoles et semi-colonies.
46
Théorie de l'optimum de population
L'idée d'optimum de population cherche à réconcilier la théorie malthusienne et le
courant populationniste. Du point de vue économique, le critère de l'optimum de
peuplement est la réalisation du produit (ou du revenu) maximum par habitant. Certains
éléments définissent le niveau optimal de la population : état des techniques, volume des
ressources utilisables, équipement technique, possibilités du commerce extérieur).
D'autres éléments définissent la structure optimale de la population : structure par âges,
rapport entre la population active et non active, entre consommateurs et producteurs,
structure professionnelle de la population, répartition géographique de la population.
Enfin, des éléments définissent l'optimum dans le temps : rythme de croissance de la
population, rythme du progrès technique, taux de croissance du revenu national.
(Wicksell)
Théorie populationniste
Ce sont les mercantilistes qui initient ce courant. Ils reprennent la formule de J. Bodin
selon laquelle " il n'est de richesse que d'hommes ". La croissance de la population a une
influence positive par plusieurs canaux : l'augmentation de la demande qui en résulte
incite à accroître la production ; elle pousse à une organisation plus efficace de la
production d'où des gains de productivité ; une population plus grande permet d'étaler
les frais généraux d'une société. Par opposition aux malthusiens, A. Sauvy souligne qu'à
" chaque fois que se produit une différence, un écart entre deux grandeurs, deux choses
qui devraient être au même niveau, il y a deux façons de rétablir l'équilibre, aligner vers
le haut ou vers le bas. En annonçant qu'il y a excès de quelque chose, l'optique
malthusien suggère instinctivement de niveler par le bas ". (Sauvy)
Théorie de la pression créatrice (de la population)
Selon E. Boserup, la pression démographique entraîne une réorganisation de la
production agricole. Contrairement à l'analyse malthusienne, on ne peut séparer
l'évolution de la production agricole et de celle de la population. C'est la taille de la
population et donc le niveau de subsistances nécessaire qui conduisent à des
modifications dans les modes d'exploitation des terres. Ainsi, la pression démographique
a-t-elle obligé par exemple dans les pays du Nord à adopter la charrue afin d'augmenter
la productivité des terres agricoles. A l'inverse, une population clairsemée n'incite pas la
société à changer le système d'utilisation du sol. La croissance démographique joue un
rôle moteur dans le changement des techniques, une pression créatrice. Boserup oppose
ainsi à la trappe malthusienne (insuffisance de la production alimentaire), la trappe à
faible densité de population (faible progrès technique). (Boserup)
Théorie des biens relationnels des organisations à but non lucratif
Les économistes se sont intéressés aux conséquences économiques des relations
informelles entre citoyens. Ils ont introduit à cet effet de nouveaux concepts comme ceux
de capital social et de biens relationnels. Ces derniers sont produits lorsque des
personnes engagées dans des activités associatives jouissent de bénéfices de nature
immatérielle (sentiment d'appartenance à un groupe. conservation de son identité,
approbation sociale). Les individus ne peuvent jouir de ces biens qu'à la condition de les
partager avec d'autres. Le tiers secteur apparaît le mieux à même d'avoir une attention à
ces types de biens. Toutefois, rien n'empêche les organismes publics et les organisations
à but lucratif de favoriser leur éclosion. (Uhlaner)
47
Théorie du capitalisme, du socialisme et de la démocratie
Cette théorie de J. Schumpeter cherche à rendre compte de la nature du système
capitaliste et de sa dynamique. L'entrepreneur en innovant réalise un profit et acquiert
une position temporaire de monopole jusqu'à ce que la concurrence imite l'innovation. La
croissance capitaliste est donc un processus de destruction créatrice. Or, pour
Schumpeter, il existe des facteurs qui menacent à terme le capitalisme. La concentration
du capital tend à bureaucratiser l'innovation. Le capitalisme a perdu l'adhésion des
citoyens. Le droit de la propriété et la liberté des conventions tendent à être
démantelées. Le socialisme peut fonctionner même si une répartition égalitaire risque
d'être moins efficient que le capitalisme. (Schumpeter)
Théorie de la confiance des organisations à but non lucratif
Le consommateur a des difficultés à évaluer la qualité des services. Les coûts
d'information et de transaction sont élevés et le producteur peut en profiter. La
contrainte de non-distribution des profits de l'économie sociale inspire confiance, d'autant
que les dirigeants des organisations sans but lucratif ne retirent aucun bénéfice de
services de mauvaise qualité. Toutefois, les dirigeants peuvent poursuivre d'autres
objectifs qui ne correspondent pas forcément aux intérêts des bénéficiaires. Cette
explication en termes d'asymétrie d'information réduit la confiance à un risque calculé.
Or, pour certains, cette dernière ne peut être mesurée et exprimée seulement en termes
de probabilité et d'utilité. (Hansmann)
Théorie de l'économie solidaire appliquée aux organisations à but non lucratif
Cette théorie s'inspire des travaux de Polanyi. Celui-ci identifie quatre principes
économiques : le marché. la redistribution, la réciprocité et l'administration économique.
L'économie solidaire a pour ambition de combiner la réciprocité, le marché et la
redistribution dans un cadre légal fondé sur la liberté d'adhésion et l'égalité. Si
l'économie domestique privilégie la famille comme lieu de solidarités, l'économie solidaire
privilégie la réciprocité, c'est-à-dire l'action collective. L'économie solidaire cherche à
cumuler les avantages de l'économie monétaire, source de liberté individuelle par le
marché et facteur d'égalité par la redistribution avec ceux de l'économie non monétaire
qui sort les échanges de l'anonymat. (Laville)
Théorie de l'hétérogénéité des organisations à but non lucratif
Afin de se faire réélire, le gouvernement offre une quantité de biens collectifs, susceptible
de satisfaire l'électeur médian. L'hétérogénéité de la société laisse un certain nombre
d'électeurs insatisfaits et la demande résiduelle de biens publics est satisfaite par les
organisations à but non lucratif. Le secteur privé peut concurrencer ces dernières mais
devra résoudre le problème du passager clandestin (free rider). Un autre facteur est le
caractère bureaucratique de l'action publique. Il ne permet pas d'identifier rapidement
l'évolution des demandes et d'y répondre. Inversement, l'intervention de l'État se justifie
car les associations ont une capacité limitée à mobiliser des ressources et se limitent à
certains groupes ou certaines situations particulières. (Weisbrod)
48
Théorie de la fin de l'Histoire
Fukuyama soutient que l'Histoire culmine dans la démocratie libérale et l'économie de
marché. Deux facteurs sont à l'origine de ce processus. Le premier est d'ordre
économique. Le marché s'est révélé le stimulant le plus efficace du développement. Le
second est la lutte pour la reconnaissance de Hegel. Les êtres humains désirent être
reconnus dans leur dignité et leur statut. La démocratie libérale moderne de par ses
institutions garantit la reconnaissance de ces droits universels. S. Huntington s'oppose à
cette vision optimiste de l'histoire estimant que certains régimes politiques (théocratie
islamique, etc.) sont des adversaires de la démocratie libérale. L'histoire selon Fukuyuma
ne serait pas toutefois finie si on considère que le progrès scientifique est infini et que
nous sommes à la veille de grands bouleversements. (Fukuyama, Huntington)
Théorie de l'institutionnalisation du marché
Polanyi soutient que l'économie de marché n'est pas un phénomène naturel. Elle a besoin
d'une société de marché et de l'intervention de l'Etat. Historiquement, elle a fonctionné
pendant environ un siècle, des années 1830 à la crise de 1929. La crise des années 30
amorce une resocialisation de l'économie, aussi appelée " la grande transformation " . La
resocialisation consiste en des mesures adoptées par la société pour se protéger des
effets du marché. L'homme agit d'abord selon Polanyi de manière à garantir sa position
sociale. Dans les autres systèmes régis par les principes de réciprocité et de
redistribution, le système économique était encastré (embedded) dans le système social
par contraste avec l'économie de marché où seul le marché régit la production et la
répartition des biens. (Polanyi)
Théorie du marché et socialisme
Selon A. Smith, le marché ou " main invisible " coordonne l'ensemble des décisions des
ménages et des firmes. Le système de prix permet à tous les agents de maximiser leur
utilité. La somme des intérêts individuels et égoïstes est égale à l'intérêt général. Dans
un système de planification, l'absence des prix de marché conduit à des pertes
économiques. D'une part, le planificateur ne peut rassembler toutes les informations sur
les ressources, les techniques et les goûts des agents. Il ne peut donc résoudre les
équations qui équilibrent l'offre et la demande de chaque bien, service et facteur de
production. D'autre part, la planification n'offre pas de véritable stimulants à l'activité des
agents. Selon von Hayek, la liberté des agents serait sacrifiée, c'est pourquoi socialisme
et liberté seraient inconciliables. (Smith, von Mises, Robbins, von Hayek)
Théorie des modes de production
Marx propose une théorie générale de l'évolution des modes de production. Un mode de
production est la combinaison de l'état des forces productives et des rapports de
production. La contradiction entre l'état des forces productives et les rapports sociaux de
production est à l'origine du passage d'un mode de production à un autre. Marx distingue
plusieurs modes de production : asiatique, antique, féodal, capitaliste, communiste. C'est
dans la Critique du programme de Gotha qu'il distingue la première phase de la société
communiste (socialiste) où le droit est encore un droit inégal de la phase supérieure
(communiste) où le travail devient lui-même le premier besoin vital et que la société vit
dans l'abondance ("De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins"). (Marx,
Engels, Lénine)
49
Théorie néo-institutionnelle des organisations à but non lucratif
Les structures juridiques et politiques influent sur le développement de l'économie sociale
et solidaire. Trois variables institutionnelles ont une importance déterminante : la forme
du système légal, le degré de centralisation politique, le degré de développement social
et économique. Les systèmes de droit coutumier, par comparaison aux systèmes de droit
écrit, sont plus favorables à l'émergence des organisations sans but lucratif. De même,
un système politique unitaire avec une structure administrative centralisée est moins
favorable au développement du secteur sans but lucratif qu'un État fédéral à
administration décentralisée. (Di Maggio, Anheier)
Les écoles de pensée de l'économie sociale
Traditionnellement, l'économie politique n'analyse pas les organisations à partir des
rapports de réciprocité entre une entreprise et des personnes mais en termes de classes
sociales ou de fonctions marchandes.1 On distingue quatre écoles de pensée de
l'économie sociale : l'école socialiste, l'école sociale-chrétienne, l'école libérale, l'école
solidariste. Ainsi, pour Walras et Gide, l'économie sociale consiste en une appréciation de
la valeur morale des moyens utilisés pour l'application des lois naturelles. Les
associations sont un élément d'un système au même titre que les autres entreprises. En
revanche, Louis Blanc et Proudhon considèrent que les associations ont un rôle de
transformation sociale. (Walras, Gide, Proudhon)
Théorie du socialisme de marché
Le socialisme de marché combine la propriété collective des moyens de production et les
mécanismes de marché. Les prix sont fixés par le centre planificateur. Les quantités sont
déterminées par les entreprises. Les entreprises maximisent alors leurs fonctions
objectifs avec ces prix donnés. Dans ce modèle, l'entreprise définit son offre et sa
demande en fonction de deux impératifs : d'une part, minimiser le coût moyen de
production en combinant les facteurs de production et, d'autre part, égaliser le coût
marginal et le prix imposé par le pouvoir central. Le planificateur central supprime les
déséquilibres par un processus de tâtonnement qui remédie progressivement aux
déséquilibres en modifiant les prix, les salaires et les taux d'intérêt. (Lange, Taylor,
Lerner)
Théories de la transition
Les débats théoriques sur le passage d'une économie socialiste à une économie de
marché ont porté sur le rythme des réformes : gradualistes, big bang ou bien une masse
critique de réformes. Ils ont également porté sur les séquences possibles des réformes :
priorité à la création de structures juridiques et sociales, à la stabilisation
macroéconomique, ou bien encore à l'ouverture internationale et la liberté des prix. Ainsi,
la libéralisation des capitaux entraîne une appréciation du taux de change réel
préjudiciable à la réforme du commerce extérieur. La priorité à l'ouverture internationale
serait justifiée par la nécessité de créer un environnement concurrentiel et par l'élasticité
de l'offre. (Kornaï, Nuti, Sachs, Nordhaus)
50
Théorie des trois âges de la violence
Cette théorie cherche à expliciter les relations entre la violence et les modes de
production de répartition. Elle distingue trois sociétés : 1°/ dans les sociétés les plus
simples, la production est faible. Il n'y a pas de surplus à de défendre. Les affrontements
portent sur l'accès aux territoires, etc. ; 2°/ dans les sociétés agraires, la croissance de la
production conduit à la création d'un surplus mais est irrégulière, d'où le recours à la
violence pour l'accaparer. La guerre est supérieure au commerce ; 3°/ la violence évolue
lorsque la production augmente régulièrement. Ainsi, la nomenklatura dans les pays
communistes qui recourait à la violence pour se répartir le maigre surplus a du se
convertir à la croissance. L'affaiblissement de la violence ne peut se poursuivre que si
entre autre la croissance perdure. (Gellner)
Théorie webérienne du changement social
M. Weber rejette les théories qui cherchent à réduire tout phénomène historique à des
causes économiques. Les idées sont très souvent à l'origine de la dynamique par laquelle
les intérêts engagent l'action. Il cherche à mesurer l'influence des croyances religieuses
sur le comportement social et économique des individus. Il analyse à l'aide d'idéauxtypes l'éthique protestante, l'esprit du capitalisme et comment la conjonction des deux
conduit à l'établissement du capitalisme. Toutefois, il souligne qu'il ne faut pas
surestimer le rôle joué par l'éthique religieuse, car la religion est elle-même le produit de
plusieurs déterminations. La sociologie de M. Weber n'est pas le simple renversement du
point de vue marxiste. (Weber)
Thèse de la religion des organisations à but non lucratif
La taille du tiers secteur varie suivant le degré d'hétérogénéité social, religieux et
linguistique d'un État. La concurrence entre les religions, comme le montre les pays
anglo-saxons ainsi que de nombreux pays en développement. a été une forte incitation à
créer des organisations confessionnelles. Un autre facteur est l'existence d'entrepreneurs
religieux intéressés à créer de telles organisations et à satisfaire des besoins spécifiques.
Ces dirigeants préfèrent ce type d'organisations car leur but n'est pas de maximiser les
gains financiers mais la foi, c'est-à-dire le nombre d'adhérents à la religion. La contrainte
de non-distribution des profits devient secondaire. (James)
51