FROMAGER AFFINEUR Une histoire de destins contrariés Le
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FROMAGER AFFINEUR Une histoire de destins contrariés Le
UN MÉTIER… FROMAGER AFFINEUR Pour ce nouveau coup de projecteur, nous avons voulu rendre hommage à un métier à travers Marie-Anne Cantin, une femme de caractère. Une histoire de destins contrariés Son pays, c’est l’Ile d’Yeu. Le papa se destinait à la mer. Il est mousse quand un accident l’enferme dans un plâtre pendant 7 ans. Il ne sera jamais marin ! En 1950, il rejoint une partie de sa famille à Paris. Comme tout immigrant sans formation particulière, il ouvre une épicerie et peu à peu se passionne pour le fromage. Exit donc les fruits et légumes, l’épicerie… Du fromage, rien que du fromage. À l’époque, ils sont deux à Paris avec Androuet ! La petite fille née en 50 évolue naturellement dans cet univers. … On vivait tous ensemble. Comme on logeait une partie du personnel, on partageait les repas, j’aidais mes parents et surtout j’adorais vendre. Ils m’avaient même fait fabriquer un tablier sur mesure… La transmission est au cœur de ce savoir-faire. Elle a vu, observé, aidé. Un jour, mes parents sont partis en vacances ainsi que le chef de cave, ils m’ont donc confié leur cave. Une lourde responsabilité à mes yeux. Je voulais être digne de cette confiance et restituer ces caves dans leur plus bel état… Plus tard, elle passe son bac et pendant 5 ans exerce divers métiers dans le cinéma, le recrutement en Intérim, la radio, la vente de vêtements… Des domaines n’ayant rien à voir avec le commerce familial. Mais elle finit par revenir au bercail et peu à peu reprend le flambeau. Le jeune homme d’en face vend des fruits et des légumes. Ils se séduisent. Antoine Dias devient son mari. Aujourd’hui, il dirige avec elle la maison Cantin. Bon sang ne saurait mentir, Audrey, fille d’Antoine et de Marie-Anne regarde plutôt du côté de la restauration mais elle les rejoint à son tour pour les aider. Le fromage, un choix, une passion Quitte à vendre un beau produit, je préfère le fromage qui requiert toutes les attentions. Sa qualité vient du soin qu’on lui apporte… On les bichonne, on les surveille, on change leur paille, on les arrose... Réunir les meilleures conditions pour que chaque fromage développe son caractère et sa personnalité. Trouver la bonne maturité pour la meilleure saveur, cela demande une bonne part d’intuition. Du coup, ce n’est pas de tout repos, on est sans cesse sur le qui vive mais c’est passionnant ! … Je n’en reviens toujours pas qu’à partir d’un verre de lait, on puisse fabriquer autant de sortes de fromages, ce miracle m’éblouit encore ! La maison Cantin maintient au plus haut la tradition de fromager affineur. Le couple sélectionne ses fromages en se rendant sur tous les lieux de production. Dès leur arrivée, les fromages sont disposés dans des caves pour l’affinage. Le carnet de commande est à la hauteur de cette exigence. Le Bristol, le Crillon, le Plazza, une partie du groupe Costes leur font confiance… Mais aussi (elle y tient !) des brasseries, des bistrots. Une clientèle très diversifiée. De même à la boutique, les amateurs vont de la gardienne d’immeuble à des personnalités très en vue… …/… Quelques conseils pour bien choisir ses fromages Des idées de plateaux En hiver : Un Mont d’or, un comté (17 à 18 mois d’affinage quand les vaches sont à l’herbe, pas au foin), un brebis des Pyrénées et du St Nectaire dont c’est la fin de saison. Mais comme pour la cuisine dont elle privilégie le produit, Marie-Anne Cantin préfère les plateaux plus simples. C’est plus confortable pour les papilles et plus simple pour le choix du vin. Trois millésimes de Comté avec un vin jaune par exemple ou trois variétés de bleus (Auvergne, des Causses, Roquefort ou Fourme d’Ambert) dégustés avec Le Passito de Carole Bouquet ou plus simplement un Coteau du Layon. Au printemps : C’est le début des chèvres. Faites confiance à votre fromager, il les choisira du plus frais au plus sec à déguster avec un Sancerre ou un Sauvignon. L’été : Le plateau de chèvre est encore pertinent. Mais l’on peut déjà se ruer sur les camemberts, Pont l’Evêque, Livarot, Coulommiers… Tous ces fromages gras au goût de crème ont sa préférence. … Je suis née dans un camembert aime-t-elle à dire… À déguster avec du cidre bien frais, ça donne envie d’en remanger dit-elle. L’automne : On continue avec ces pâtes grâce « au regain » (l’herbe qui repousse) sinon préférer St Nectaire, Reblochon, galette de brebis ou brebis corses… Mais surtout faites-vous plaisir ! A chacun son mauvais goût proclame-t-elle. Et la ligne ? Quand je vois arriver un client, les paniers remplis de charcuteries me dire : pas trop de fromage, ça fait grossir, j’enrage. Son conseil pour se faire plaisir : ne manger que ça. Un repas de fromage avec de la salade et des fruits, un excellent vin et du très bon pain. Un métier en pleine évolution À Paris, on est très peu, six au maximum. Il y a aussi pas mal de très bons fromagers. Mais ce métier requiert beaucoup de travail, de savoir faire, de passion et de maind’œuvre donc de personnel. Tout cela a un coût et devient de plus en plus difficile à maintenir. Comme son père, fondateur de la Guilde des fromagers, elle part au combat quand il s’agit de défendre la fabrication du fromage au lait cru, elle fonde même en 1988 l’Association pour le Respect des Traditions Fromagères Françaises qui se mobilise aussi pour la protection des races animales et la qualité de leur alimentation. De ministère en ministère, de voyage en déplacement entre Paris et Bruxelles, elle ne ménage pas sa peine. Quelques années après, que reste-t-il de ces combats ? On a découvert que toutes ces normes étaient franco-françaises et qu’il ne fallait s’en prendre qu’à soi-même… On n’a pas tout obtenu, mais le bon sens l’a tout de même emporté. On s’est aperçu que la pasteurisation ne réglait pas tous les problèmes. Souvent, il y a contamination post pasteurisation… On a obtenu que le Roquefort soit de nouveau affiné sur du bois plutôt que sur de l’alu, le non-port du gant, la reconnaissance du lait cru par le Codex Alimentarius… Avec le temps, elle devient plus réaliste. Les produits à base de lait cru représentent 15% de la consommation. On ne peut en vouloir à 85% de la population. …/… On n’a pas toujours un artisan près de chez soi, ces produits sont plus coûteux, les gens font comme ils peuvent… Aujourd’hui, outre la boutique et les livraisons dans les restaurants, par goût et passion mais aussi par nécessité, la Maison Cantin diversifie ses activités en proposant formations, événements, dégustations, réceptions autour du fromage… Pour en savoir plus : www.cantin.fr Fromagerie Marie-Anne Cantin 12, rue du Champ de Mars 75007 Paris Tel : 01 45 50 43 94 Fermé le dimanche après-midi et le lundi matin.