Dossier LE ROI ET LA REINE - Theatre Carpe Diem
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Dossier LE ROI ET LA REINE - Theatre Carpe Diem
et Le Roi la Reine de Ramón Sender traduction Emmanuel Roblès adaptation / Márcia de Castro et André Salzet scénographie, mise en scène / Márcia de Castro avec / Marie-Noël Bordenave André Salzet son / lumières / Ydir Acef Jean-François Domingues création en résidence : au Théâtre du Cormier de Cormeilles (95), au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison (92) et au Centre Culturel de Courbevoie (92) Argenteuil (95) - 10 mai 2012 à 19h30 au Figuier Blanc Chartres (28) - du 22 au 25 mars 2012 au Théâtre Portail Sud Rueil-Malmaison (92) : création le 9/10/2011 au Théâtre André Malraux Théâtre Carpe Diem – 6 esplanade Salvador Allende 95100 Argenteuil direction André Salzet, metteure en scène Márcia de Castro Association loi 1901- siret 482 867 025 00033 - licence Drac N° 2-1035973 cie subventionnée par la Ville d’Argenteuil et le Conseil Général du Val d’Oise tél : 01 34 10 21 21 // 06 86 91 55 62 mail : [email protected] site : theatre.carpediem.free.fr 1 Résumé de la pièce Madrid, juillet 1936. Dans la piscine de son palais, la duchesse d’Arlanza se montre nue à son jardinier Romulo, au prétexte que celui-ci « n’est pas un homme ». Or, le lendemain de cette scène, la guerre civile éclate et la capitale est aux mains des Républicains. La duchesse, dernière résidente du palais transformé en caserne, afin d’échapper aux soldats, doit se réfugier dans la plus haute chambre de la tour monastique. C’est dans la personne du jardinier Romulo, nouveau responsable politique du lieu, que la duchesse va trouver l’unique soutien. C’est cet homme humilié au plus profond de lui-même qui lui offrira une chance de survie. Au fur et à mesure que la guerre civile s’installe, va se nouer, dans cette tour, un étrange duel. Entre fantasmes, réflexions intellectuelles et considérations lucides sur la condition de l’être humain, leur relation va osciller entre attirance et répulsion. Extraits La duchesse : Je ne veux pas qu’il y ait des situations fausses dans ma maison. Romulo, tu peux disposer de toi, tu peux t’en aller comme les autres si tu veux. Romulo : Je préfère rester au service de Madame. La duchesse : Je te préviens que cela peut durer des mois. Romulo : Madame, même s’il s’agissait d’années, je maintiendrais ce que j’ai dit. La duchesse : Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Comment se fait-il qu’ils t’aient donné les clés à toi et non à un autre ? Romulo : Je suis affilié à un syndicat. La duchesse : Pas d’autres surprises, Romulo ? Tu portes sur toi le revolver que les « rouges » t’ont donné. Romulo : Oui, Madame. La duchesse : Garde-le et réfléchis bien contre qui tu dois t’en servir si un jour tu es obligé de tirer. Romulo : Peut-être ai-je fait une bêtise, mais, moi, je ne sais rien faire d’autre que soigner le parc. Madame croit-elle qu’il n’est pas bon d’appartenir à un syndicat ? La duchesse : Bon ou mauvais, c’était expressément interdit dans la maison. Romulo : Que Madame me pardonne mais le père Lucas, quand il venait pour la messe du service, nous parlait de la nécessité d’appartenir à un syndicat. La duchesse : Mais le père Lucas vous parlait du syndicat catholique ! Romulo : Que Madame me pardonne, je me souviens parfaitement qu’il s’agissait du syndicat libre. La duchesse : Bien sûr, bien sûr. Romulo : La duchesse est au dernier étage de la tour. Elle est peut-être nue. Je ne peux plus penser à elle sans l’imaginer nue. Elle est à ma merci. Quand je m’arrête à cette pensée je vois « l’autre Romulo », le Romulo de ma jeunesse, avec lui la vie, perd toutes ses lois, elle n’est plus grave et redoutable. La vie, en fait, c’est une sorte de farce. J’ai laissé les miliciens disposer de l’Hispano Suiza. Je ne pouvais rien faire pour l’éviter. J’ai accepté le brassard républicain et le revolver. Je ne peux m’empêcher de penser à l’image de la duchesse nue. C’est cette histoire qui a amené tout ce chaos. Qui sait ce qui va se produire encore après que j’aie vu Madame comme je l’ai vue hier dans piscine ? Pourquoi voulait-elle se maintenir à la surface sinon pour que je la voie nue ? J’ai l’impression que tout le monde est en fête dans Madrid et pourtant c’est la guerre. Mais quel genre de guerre ? Est-ce que j’ai bien fait ? Est-ce que j’ai mal fait ? Tout le monde s’est dispersé. Et moi ? 2 note d’intention Un jour, alors que j’enseignais le théâtre dans une école internationale à Dakar, un de mes jeunes élèves, arrivant en retard, rejoignit le groupe accompagné de sa nounou. « Merci, Madame » lui dis je, simplement dans un sourire. Alors l’enfant se retourna vers moi et, très en colère, me dit : « Non, ce n’est pas une Madame, c’est une bonne ! ». Il en va de même dans « le Roi et la Reine » de Ramón Sender où la duchesse, aristocrate imbue de sa supériorité de classe, n’hésite pas à se montrer nue dans sa piscine devant Romulo, le jardinier du palais, car, à ses yeux, celui-ci n’est qu’un « domestique à son service ». Ces réponses cinglantes sonnent encore dans ma tête, dans mon corps et cette blessure jamais refermée pose une des questions les plus fondamentales de la vie : que sommes-nous, qui sommes-nous en dehors du rôle que nous jouons, de ce que nous représentons dans la société ? Comment sommes-nous perçus par nos semblables au delà des fonctions que nous remplissons ? Sommes-nous des êtres de chair ou de simples rêves abstraits ? La photo d’une très belle chambre est projetée sur un voile tendu. Eclairée faiblement par une lampe, la duchesse est assise sur un fauteuil face au public ; au loin, bruits sourds d’armes et de combats. Un homme entre, Romulo, le jardinier, silhouette fantomatique, il pose du linge et une vieille radio sur le sol. Les bruits des tirs d’armes automatiques et des coups de canon se rapprochent, envahissant l’espace. Durant quelques instants, le déchaînement de la guerre contraste avec la sérénité de la scène et la beauté de cette chambre. Sur fond de guerre civile et devant le regard aigu des marionnettes, seuls témoins lucides de ce monde, les deux personnages s’affrontent dans cette chambre cachée au plus haut de la tour du palais madrilène. Un homme et une femme, dans un lent combat, un duel verbal et sensuel, vont découvrir leur propre humanité. Lui, va se libérer de sa condition de domestique, dernière strate dans l’échelle sociale ; elle, va se débarrasser de ses habits et de son rang aristocratique. Nous sommes les « voyeurs » privilégiés de l’élévation de l’un, de la descente de l’autre. Enfin, vérités et mensonges vont se confondre et nous offrir un monde de fantasmes inassouvis. Difficile quête que celle de se rencontrer en tant qu’êtres humains, en dehors de toute convention sociale. Márcia de Castro 3 Dédicace de Ramón Sender à son frère En hiver, au commencement de 1936, mon frère Manuel et moi chassions le sanglier dans la sierra de Guara en Aragon. Nous allions à cheval et nous parlions de politique. « Si les fascistes se soulèvent et triomphent, me dit-il, c’est moi qu’ils fusilleront avant toi. » Il le dit en souriant comme on a l’habitude de dire les choses trop sérieuses. Peu après, la guerre civile commença et les fascistes s’emparèrent de la ville de Huesca dont mon frère était le maire. Deux policiers se présentèrent chez lui et lui dirent : « Nous avons l’ordre de vous arrêter. Partez et nous dirons que nous ne vous avons pas trouvé. » Mon frère répondit : « Il n’y a aucune raison pour que je parte. Personne ne peut m’accuser de quoi que ce soit. Arrêtez-moi si vous voulez. » Il avait sa voiture pleine d’essence devant la porte de sa maison, la frontière française à cinquante milles et, de l’autre côté de la frontière, un foyer confortable où Francis Jammes, le vieux poète, lui parlait parfois ainsi qu’à sa jeune femme des douceurs de la paix chrétienne. Mon frère crut qu’il était plus noble de rester et de faire face au danger avec son tranquille sourire d’honnête homme. On le fusilla une semaine plus tard sans procès ni accusation concrète. Je lui dédie « Le Roi et la Reine » avec ferveur et humilité. R.S. Extraits de presse « Peu d’écrivains ont montré avec un tel sens du récit et de l’ellipse les folies de l’homme. Le Roi et la Reine est un extraordinaire huis clos que révèle, et qui révèle, la guerre civile. » Libération 22/10/09 « Plutôt qu'un simple texte sur la guerre d'Espagne, Le Roi et la Reine, roman irréel et pudique, instaure un jeu savant entre fantasme et réalité qui décuple son pouvoir d'évocation. » Evene.fr 4 Ramón Sender Ramón José Sender est né le 3 février 1901 à Chalamera de Cinca, à l’extrémité méridionale de la province de Huesca. Sa mère y était institutrice. L’enfance et l’adolescence de Sender se passent en Aragon qui marque l’écrivain d’une empreinte indélébile. Sender n’a pas dix-huit ans lorsqu’il se lance dans une carrière de journaliste. Et c’est comme journaliste qu’il va être connu tout d’abord. Ses prises de positions sont courageuses, il dénonce ardemment les injustices. Il est lié aux milieux anarchosyndicalistes. Ses premiers livres (Imán, 1930 ; Orden público, 1931 ; Siete domingos rojos, 1932) ne font que renforcer cette image d’intellectuel engagé que son activité de journaliste donne de lui. Pendant la Seconde République, Sender se rapproche des communistes, les estimant plus aptes que les anarchistes à lutter efficacement contre le pouvoir en place. À tort ou à raison, il se le reprochera toute sa vie. Le déclenchement des hostilités surprend Sender en villégiature dans la montagne près de San Rafael. Il rejoint Madrid à travers les lignes du front tandis que son épouse, Amparo Barayón, se réfugie avec leurs deux enfants à Zamora. Elle cherche à passer au Portugal : arrêtée, elle est fusillée. Le même sort échoit au frère préféré de Ramón, Manuel, qui venait d’être élu maire de Huesca. En 1938, Sender passe en France, puis au Mexique, et de là aux Etats-Unis. Il se remet à écrire tout en entamant une carrière de professeur de littérature. Et il se fait naturaliser américain. (On le lui a reproché dès 1946). Les premières années d’exil sont très prolifiques, cinq romans édités au Mexique, dont L’empire d’un homme et La Sphère. Le début des années 40 marque une pause dans sa production. Il écrit Noces Rouges en 1942, Le Roi et la Reine en 1948, Le Bourreau affable en 1952, Requiem pour un paysan espagnol en 1953. C’en est fini pour lui de l’agitation journalistique et politique. Sa vie, radicalement coupée en deux par la guerre civile, sera désormais consacrée à la publication d’une centaine d’œuvres, des romans surtout, mais aussi des essais et des poèmes. La plupart de ses livres transposent, de manière parfois très symbolique, des images et des épisodes de la guerre civile. En dépit de cette fécondité, Sender est plutôt oublié en Espagne pendant une grande partie de la période franquiste, sort qu’il partage avec beaucoup d’autres écrivains exilés. Sender ne revient en Espagne qu’en 1974, et n’y revient qu’à condition que soient enfin édités L’empire d’un homme et Requiem pour un paysan espagnol que la censure interdisait depuis des années. La mort du dictateur, en 1975, permet aux Espagnols de connaître sans restriction les textes écrits hors des frontières nationales. Sender est, au rythme des publications, mis à sa juste place. Mais s’il retourne plusieurs fois en Espagne (il songe même à s’y établir), il n’entend plus y jouer le rôle que certains semblent attendre de lui, celui d’un activiste et d’un écrivain engagé. Ramón Sender est mort dans la solitude à San Diego, Californie, le 15 janvier 1982. Requiem pour un paysan espagnol a eu le Prix « Mémorable des Libraires Initiales 2010 ». 5 Théâtre Carpe Diem En adaptant Stefan Zweig, Franz Kafka, Michel Quint, Ramón Sender, la compagnie s’efforce de donner parole et chair à des êtres ayant « vécu » les moments cruciaux de l’Histoire et de questionner la Mémoire collective. Son objectif est la transmission d’expériences au travers de mises en forme et de styles, chaque fois différents. Le prochain spectacle Le Roi et la Reine de Ramón Sender, sur fond de guerre civile espagnole, sera créé le 9/10/11 au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison. La lecture de Requiem pour un paysan espagnol de Ramón Sender et des actions culturelles peuvent accompagner ce projet. Márcia de Castro, adaptatrice et metteur en scène Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Depuis 2008, elle travaille en étroite collaboration avec André Salzet. Elle a joué sous la direction de Philippe Mercier dans Veillée Irlandaise (Théâtre de l'Odéon), de Philippe Adrien dans Les Acteurs de Bonne Foi (Théâtre de l’Athénée), de Jean-Luc Jeener dans Le Misanthrope (Afrique, Europe et Moyen Orient). Puis, à Ouagadougou (Burkina Faso), elle participe à la création de la première école de théâtre. A Dakar, elle a créé la troupe de clowns sénégalais Côté Jardin. A Madagascar, elle a mis en scène Mille francs de récompense et Anthropo-fagïa avec la chorégraphe Gaby Saranouffi. Elle a adapté et mis en scène Effroyables Jardins de Michel Quint. Elle joue Poivre et sel, (théâtre d’appartement). Elle vient de créer, avec la comédienne sénégalaise Patricia Gomis, Moi, Monsieur, moi. André Salzet comédien et directeur du Théâtre Carpe Diem Formation : Ecole Charles Dullin (1984 à 87), stages avec Pierre Debauche, Catherine Anne, Célie Pauthe. Depuis 2008, il travaille en étroite collaboration avec Márcia de Castro. Il a débuté en 1987 au Théâtre de l’Epée de Bois dans Volpone de Ben Jonson et Tamerlan de Christopher Marlowe, mises en scène d'Antonio Diaz Florian. Il a joué en 1989 dans La Nuit Miraculeuse, film du Théâtre du Soleil réalisé par Ariane Mnouchkine. Il a créé ensuite la compagnie Théâtre Carpe Diem avec laquelle il adapte et joue des textes littéraires. Il a récemment interprété Le Joueur d’Echecs de Stefan Zweig, Canapés Maupassant de Guy de Maupassant, La Colonie Pénitentiaire de Franz Kafka, Effroyables Jardins de Michel Quint. Marie-Noël Bordenave, comédienne Après une formation au jeu masqué avec Mas Soegeng, au théâtre du mouvement avec Monika Pagneux (Ecole Lecoq) et des cours de chant avec Geneviève Rex, elle débute avec la Petite Compagnie (Pau) dans des spectacles tirés de textes de Louis Aragon, Michel Tournier, Marguerite Yourcenar et Marguerite Duras. Puis, elle interprète Molière (Georges Dandin) et Eschyle (Les sept contre Thèbes). Elle joue actuellement des « documentaires théâtraux » avec Engrenage Théâtre. Elle est en tournée avec « Veillée de sensibilisation au vaudou béarnais » avec sa compagnie Dames de Fumée. Ydir Acef, créateur lumière Ydir Acef débute en 1991 au Théâtre du Lucernaire. Il intervient pour des compagnies de danse contemporaine et de hip-hop ainsi que pour l’opéra et le théâtre, entre autres avec le Groupe Le Chiendent, Acta - Agnès Desfosses, Par Terre. Pour Théâtre Carpe Diem, il crée les lumières des spectacles Canapés Maupassant (2002), Avant la retraite (2004), La colonie pénitentiaire (2006), Anatole (2007), Effroyables Jardins (2009). Jean-François Domingues, créateur son et vidéo Jean-François Domingues participe à tous les spectacles du Théâtre Carpe Diem. Il collabore également avec Julien Sibre - Le repas des fauves (Molières 2011) et Exercices de style ; Arnaud Meunier - King, Gens de Séoul ; Philip Boulay - Topdog/Underdog, Combat de nègres et de chiens. Il se voit aussi confier des créations pour des compagnies de danse Mi-octobre, notamment Entre-Deux et Trafic de style. 6