Angéla Kontis Scènes Internationales, 16/01
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Angéla Kontis Scènes Internationales, 16/01
Angéla Kontis Master 2 Création Artistique parcours Arts de la Scène Enjeux du bilinguisme et du biculturalisme dans le spectacle La Dernière (s)Cène de Reckless Sleepers et SKarab Théâtre Pour le cours de « Scènes internationales » Mme. Séverine Ruset Mme. Gretchen Schiller 1 sur 5 La Dernière s(C)ène est une création théâtrale de la compagnie anglo-belge Reckless Sleepers en collaboration avec la compagnie belge SKarab Théâtre. Cette création scénique date de 2015, elle est une adaptation du spectacle-performance The Last Super (2002) créée et interprétée par la compagnie Reckless Sleepers. Pour la réalisation de La dernière (s)Cène, un travail de traduction du texte a été fait ainsi qu’un travail d’interprétation scénique. En effet, cette nouvelle version française est portée sur scène par trois comédiens de la compagnie francophone SKarab Théâtre. C’est donc au sein des changements dû à cette adaptation que la compagnie SKarab Théâtre est intervenue. En effet, la mise en scène de La Dernière (s)Cène est alors réalisée par deux metteurs en scène : Mole Whetherell, metteur en scène de la compagnie Reckless Sleepers, et Frédéric Kusiak, directeur artistique de la compagnie SKarab Théâtre. Cependant ce n’est pas seulement un travail de traduction qui s’effectue au travers de cette adaptation en français mais aussi un travail de re-création et de création. En effet, si l’on met en parallèle The Last Supper et La Dernière (s)Cène, plusieurs changements sont opérés au niveau du texte. Pour débuter ce développement, nous nous intéresserons à quelques-unes de ces modifications afin de mieux les comprendre mais aussi d’analyser leurs buts ainsi que leurs fonctions. Pour commencer une légère modification apparait dès le titre de la pièce et The Last Supper devient La Dernière (s)Cène. On notera l’apparition d’une parenthèse, « (s) » est donc ajouté afin de véhiculer le même jeu de mots et les mêmes références que le titre en anglais. D’autres petites modifications ont été apporté au texte comme la mise en place de nouvelles didascalies. Prenons un exemple plus précis : dans La Dernière (s)Cène, lorsque les comédiens parlent de l’artiste Andy Warhol ils prononcent son nom « à la française » puis dans un second temps avec l’accent anglais. Ces didascalies, indiquant la prononciation, ont été rajoutés et offrent alors une nouvelle sonorités aux termes employés. De surcroît, elles tissent un lien avec l’anglophonie et offrent par ces nouvelles sonorités une ouverture sur la culture anglaise et américaine. Par ailleurs des passages ont été modifié dans le but de s’adapter culturellement au pays. Nous prendrons comme exemple principal le passage de La dernière (s)Cène qui traite de Mouammar Kadhafi (voir page suivante). Originellement - c’est-à-dire dans la version anglaise de The Last Supper - ce passage se réfère à Saddam Hussein. Les personnages ont été changé or le texte, lui, a été très peut modifié. Ce changement est relatif à l’histoire de chaque pays et au contexte socio-politique. La question posée par ce changement est alors celle-ci : comment communiquer avec des gens qui n’ont pas la même histoire ni les mêmes références (historiques, culturelles..) que moi ? On retrouve un changement du 2 sur 5 même type à la toute fin de la pièce. The Last Supper se clos sur le personnage de Noël Coward, dramaturge britannique, tandis que La Dernière (s)Cène se termine avec le personnage de Jacques Brel, l’un des plus grands représentant de la chanson francophone. À travers ces deux symboles, Jacques Brel et Noël Coward, c’est la langue qui est mise à l’honneur. Ainsi le changement de personnages apparaît comme essentiel afin que le public perçoive et comprenne cette référence. Extrait du texte de La Dernière (s)Cène ————— Extrait du texte de The Last Supper 3 sur 5 Bien souvent dans le spectacle vivant, comme au théâtre ou à l’opéra, les textes étrangers sont sur-titrés afin que les spectateur puissent comprendre le texte et accéder aux textes. La création de La Dernière (s)Cène s’affirme aussi comme une manière d’éviter le sur-titrage lorsque la pièce est jouée dans des pays francophone et facilite de ce fait la possibilité de diffusion de l’œuvre. Le sur-titrage est difficilement réalisable pour différentes problématiques, tout d’abord pour des raisons techniques. En effet, comme le public est présent sur scène et qu’il est placé à cour, à jardin et au fond de la scène il est compliqué de projeter un texte lisible pour tous les spectateurs/participants. Ensuite et surtout parce que la volonté de briser le quatrième mur et d’être en interaction avec le public (volonté propre aux deux compagnies) ne se conjugue pas avec le fait de sur-titrer ce spectacleperformance. En effet, comment créer ce lien de proximité sur scène si le spectateur est concentré à lire ce qui est dit sur scène ? The Last Supper, Reckless Sleepers La Dernière (s)Cène, Reckless Sleepers et SKarab Théâtre 4 sur 5 Ensuite comme nous l’avons évoqué ci-dessus, la création de La Dernière (s)Cène s’offre aussi comme une opportunité de faire connaitre et de faire diffuser le travail de la compagnie Reckless Sleepers dans d’autres pays que les leurs et notamment dans les pays francophones. Cet enjeu est d’autant plus important que la compagnie et anglo-belge et qu’une partie de la Belgique en francophone. Se faire reconnaitre sur un plan national mais aussi et surtout international, telle est une des volontés de la compagnie. La compagnie va donc, grâce à ce spectacleperformance, à l’encontre d’un nouveau public, et de nouveaux lieux de diffusions. De plus, cette nouvelle expérience peut aussi leur permettre de rencontrer de nouvelles personnes dans le milieux artistiques voire même dans celui de la production (remarquons que le Théâtre 140, l’un des producteur de La dernière (s)Cène, est basé à Bruxelles). Somme toute ce spectacle en français, fruit d’un collaboration avec SKarab Théâtre, ouvre à Reckless Sleepers de nouvelles possibilités de diffusions, de créations et de production. Ce spectacle-performance interactif offre aussi une nouvelle dynamique sur la scène française : le Live Art. Ce terme, méconnu en France, participe au développement du spectacle qui marque alors le paysage artistique français par sa singularité. La compagnie Reckless Sleepers rentre effectivement dans ce type de spectacle vivant décrit par Joshua Sofaer en ces termes : « At its most fundamental, Live Art is when an artist chooses to make work directly in front of the audience in space and time ». Dans The Last Supper et dans La Dernière (s)Cène le choix est celui d’aller à l’encontre du public, de l’inviter sur scène et de briser le quatrième mur en incluant le public directement dans le jeu. Ce dernier devient alors partie intégrante de la pièce et du jeu scénique et perd son rôle de simple observateur et spectateur. Ce genre, bien plus répandu au Royaume-Uni qu’en France, apporte donc une forme particulière au spectacle. Ce spectacle s’affirme donc comme le fruit de différentes collaborations et il puise dans le biculturalisme propre à la compagnie Reckless Sleepers dirigée par Mole Whetherell. Par ailleurs avec la création de La Dernière (s)Cène, la compagnie s’ouvre à de nouveaux lieux de diffusions. En proposant sur la scène française un spectacle de Live Art, où le public est convié sur scène à partager des repas et des paroles avec les comédiens, la compagnie augmente ainsi ses chance de notoriété. Le texte de La Dernière (s)Cène n’est pas une simple traduction de celui de The Last Supper, certains termes ont été modifié et certaines didascalies ont été ajouté afin d’être au plus proche de la langue et de la culture française et francophone. 5 sur 5