Forum Pour un plein développement des regroupements émergents

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Forum Pour un plein développement des regroupements émergents
 Forum Pour un plein développement des regroupements émergents du théâtre canadien français Compte-­rendu de la rencontre du 13 septembre 2011 tenue au Centre national des Arts du Canada durant les Zones théâtrales 7 novembre 2011 Introduction L’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC) tenait, le 13 septembre 2011, à l’occasion des Zones théâtrales qui se déroulaient alors à Ottawa, un forum de réflexion réunissant quelque soixante praticiens du théâtre franco-­‐canadien : représentants de regroupements qui créent des productions et des projets indépendants un peu partout au Canada et représentants de compagnies membres de l’ATFC. Pour l’ATFC, le développement des regroupements et des projets qui se mettent sur pied en-­‐dehors de ses compagnies membres est une question qui revêt une immense importance. L’association souhaitait interroger ce dont les artistes pigistes ont besoin pour créer en dehors des contrats qu’ils obtiennent avec les compagnies de l’ATFC en abordant la responsabilité de chacun à ce sujet. En sous texte, se trouvait la volonté de questionner ce qui est nécessaire à une compagnie naissante, ou émergente, afin qu’elle poursuive ses activités sur plusieurs années : pourquoi certains ont créé une compagnie et ont, un jour, décidé d’arrêter ses activités ? Pourquoi certains ont, malgré les écueils, continué ? Animée par Manon Doran, la journée de réflexion s’est amorcée par une série de communications de la part de Maurice Arsenault, Directeur artistique et général du Théâtre populaire d’Acadie, Lyne Barnabé et France Perras, du collectif Resouche − qui réunit quatre artistes indépendantes de Vancouver et d’Edmonton − ainsi que Guy Mignault, Directeur artistique du Théâtre français de Toronto. À ce point-­‐ci de son histoire − au moment où l’ATFC met sur pied un stage annuel en formation continue en partenariat avec le Banff Centre et l’École nationale de théâtre du Canada, une activité d’où, nécessairement, naîtront des projets indépendants−, le milieu du théâtre franco-­‐canadien semblait mûr pour se pencher sur cette problématique. Thématiques Si tous les participants s’entendent, bien que de façon différente, sur la pertinence de la thématique qui a été abordée par ce forum, en revanche la définition de certains termes a semblé poser problème. Par exemple, les discussions se sont prolongées sur la définition du mot émergent qu’on retrouvait dans l’énoncé de la thématique; la réflexion a ainsi mis du temps à s’amorcer. Il a d’abord fallu préciser de quoi on parlait exactement. À la lumière de ces discussions, il est évident qu’il vaudra mieux, à l’avenir, parler de regroupements indépendants plutôt que de regroupements émergents. Il est tout aussi évident que la réflexion qui s’est amorcée le 13 septembre ne souhaite pas exclure les praticiens qui œuvrent depuis un certain nombre d’années dans le milieu; bien au contraire. L’idée étant surtout d’interroger les productions qui se créent en-­‐dehors des compagnies membres de l’association. 2 Animation Le processus participatif choisi par l’animatrice Manon Doran et ses deux acolytes a pris la forme d’un Café monde. Les participants discutèrent de trois questions en sous-­‐groupes avant de passer en plénière. Les réponses que ces dernières ont générées sont placées en ordre de fréquence (soit le nombre de fois que chaque idée a été exprimée). 1. En tant qu’artiste, pourquoi mettre une idée en œuvre? • Un besoin vital : un élan de l’intérieur vers l’extérieur, venir au monde; • Une expression de soi, de son identité, de sa vision. L’unicité du point de vue, de sa mission; parce qu’on a des choses à raconter, laisser sa trace; • Provoquer un dialogue, prendre la parole; lancer quelque chose dans l’univers, faire partie de quelque chose de plus grand; • Développer une identité artistique; • Un acte de générosité, qui inclut l’idée de partage, mais qui est à la fois égoïste et généreux; • Le besoin de nourrir le feu intérieur, le dragon de la création qui crache son feu intérieur; • La nécessité de communiquer, d’explorer, d’exprimer, de partager, de réfléchir, de passer un message, de déstabiliser, de dire, d’entendre et de faire entendre; • Le besoin de mettre en œuvre une idée, tant pour ceux qui l’entendent que pour ceux qui veulent la faire taire. Le faire parce que certains désirent la faire taire; • Écrire, faire face à ses propres peurs, articuler le doute; • Pour ne pas mourir, pour résister, pour grandir, pour se réaliser; • Créer de l’emploi, son emploi; • « Tout acte créatif vient d’une insatisfaction». Antonin Artaud. 2. Quels sont les avantages de mettre sur pied un projet sans l’encadrement d’une
compagnie?
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Besoin de liberté, celle d’explorer son propre désir artistique, d’avoir carte blanche; Le besoin de sortir de sa zone de confort; Le besoin de rêver très grand avant de renter dans un cadre; La nécessité de trouver sa propre méthode, sa propre approche, un processus de création à soi, un défi personnel; Le besoin de prendre une responsabilité; Pour nourrir la communauté; Le besoin d’apprendre de ses erreurs, d’apprendre à articuler sa démarche artistique; L’absence de contraintes et d’horaires. La possibilité d’avoir un rythme de création flexible, qui ne réponde pas au temps économique; le temps 3 •
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poétique et organique face au temps économique. Sortir de la « structure syndicale », sans besoin de répondre aux besoins des autres; La nécessité de s’attaquer à des enjeux et à des sujets qui ne tombent pas dans le créneau des compagnies et de trouver son propre public en faisant ce que les autres ne font pas; Avec une économie de moyens, on réussit à trouver des moyens de s’exprimer, de rendre les choses moins complexes : un petit budget peut permettre de grandes choses; Accumuler les expériences, obtenir une reconnaissance, faire ses preuves; S’entourer de collaborateurs de son choix, de gens qui nous inspirent; Le besoin d’entraide entre émergents, l’envie de se retrouver en groupe pour s’entraider à créer quelque chose, de vivre une aventure collective; Parce que la liberté c’est d’abord celle que l’on se donne. •
3. Comment passer de l’émergence à la continuité?
• Pour assurer la continuité, la qualité doit être au rendez-­‐vous; • Passer de l’émergence à la continuité, c’est articuler ses propres mots, trouver les mots justes afin qu’ils existent; • En continuant son apprentissage, en continuant à créer; • En créant une forme de momentum, en profitant des occasions; c’est un mouvement vers l’avant, une évolution, un chemin; • La fin d’une production en annonce d’autres; • En ne brisant pas le fil créé aujourd’hui; • En allant vers l’autre, l’émergence va se nourrir de l’autre; • En allant d’un risque à l’autre; • En respectant des engagements, en respectant ses collègues; • En bénéficiant de l’importance du support et de l’expérience des compagnies établies (surtout en ce qui a trait à l’administration, à la logistique et aux demandes de soutien financier); • Être émergent n’est pas une question d’âge, mais de projets, d’état d’esprit, de regroupements. 4. La plénière
Après quelques heures de réflexion sur les diverses avenues qui permettront un avènement accru de projets indépendants un peu partout au Canada français, les participants sont revenus en fin de journée en plénière, laquelle a été suivie d’une période dite d’action. En guise de synthèse de la journée quant aux idées essentielle à retenir et à partager, voici la transcription d’un texte écrit par l’un des groupes lors de la période d’action : Manifeste
Le printemps des émergents
Nous prenons notre place dans le paysage théâtral, Par force s’il le faut, avec ou sans financement, 4 avec ou sans le consentement et l’appui des compagnies établies. Que vous le voulez ou non, nous envahissons vos salles et vos scènes Vous nous verrez sous les feux de vos rampes Vous entendrez nos paroles, nos histoires Nous vous partagerons nos peurs et nos craintes, notre amour et notre révolte On défonce, on attaque, on brasse Attachez la baraque, vos ceintures et vos tuques Nous émergeons Une dernière fois Sous le soleil éblouissant du printemps Quelques pistes de réflexion accompagnées de voies de solution Le forum du 13 septembre 2011 a permis d’amorcer une réflexion qui est encore extrêmement jeune dans le paysage théâtral du Canada français. Cette dernière n’est évidemment pas encore parvenue à maturité. Pour véritablement aller au cœur de la problématique, un temps beaucoup plus volumineux aurait été nécessaire. Si la journée de discussion a pu situer de façon plus précise ce qu’on entend par la mise sur pied ou la continuation de regroupements indépendants, si elle a su donner à des artistes pigistes de partout au pays l’envie réelle de créer leur propre voie, c’est déjà beaucoup. De même, il faut mentionner que, pour plusieurs parmi les plus jeunes praticiens, se retrouver avec des pairs dont ils ignoraient l’existence jusqu’alors et chez qui ils découvrent des questionnements semblables aux leurs, est, en soi, d’une grande valeur. Le Canada est grand, les artistes du théâtre de la francophonie qui œuvrent en situation minoritaire vivent de façon relativement isolée. Il est clair que la discussion devra se poursuive et qu’il faudra dorénavant l’orienter vers des pistes de solutions concrètes. La rencontre du 13 septembre 2011 visait à faire naître un désir. En ce sens, l’objectif est atteint. Au terme de cette première étape de réflexion, un autre élément se dresse avec une grande évidence. Il existe chez les praticiens du théâtre du Canada français une envie et un besoin de se prendre en main (plusieurs le font déjà, d’ailleurs) de faire naître une expression que le nombre de structures existantes (compagnies, centres de ressources et de partage, regroupements de projets indépendants) ne peut, pour l’instant, satisfaire. Les mots et les expressions « liberté, nécessité de prendre la parole, besoin de créer » sont revenus à de multiples reprises comme des leitmotivs tout au long de la journée. Il en va de même avec la nécessité de créer son emploi, d’articuler sa propre démarche et sa propre méthode. Les solutions à ces envies et à ces désirs seront multiformes. Elles doivent d’abord et avant tout être nommées par les artistes et les regroupements indépendants, lesquels doivent continuer à proposer et à imposer leur propre démarche. Ils trouveront toujours un interlocuteur privilégié et attentif auprès de l’instance nationale que représente l’ATFC. Cependant, si celle-­‐ci souhaite faire naître la réflexion et le dialogue, les véritables solutions ne pourront être que d’ordre régional, chacune des trois régions du Canada français ayant ses problématiques et sa dynamique propre. 5 Le besoin de faire les choses par soi-­‐même est revenu à plusieurs reprises tout au long de la journée. Tout comme celui de s’arrimer entre regroupements indépendants, en partageant des ressources de tout ordre. Il s’agit là d’avenues qui méritent d’être explorées et développées au plan régional. Après tout, le développement de regroupements indépendants dans des villes comme Montréal, Québec, Toronto et Vancouver est passé par une forme de partage des ressources. Le dialogue ne fait que commencer. De même, un arrimage accru avec les activités de certaines compagnies membres de l’ATFC est une autre piste. Plusieurs de celles-­‐ci ont déjà entrepris un dialogue et mis sur pied des actions de divers ordres avec les regroupements indépendants de leur région. Il est, par ailleurs, très intéressant de constater que le Conseil des Arts du Canada travaille actuellement à renouveler son programme de fonctionnement pluriannuel en vue du mois de mars 2013 et qu’on y décèle, en filigrane, une volonté réelle de voir les espaces théâtraux être utilisés de façon optimale partout au pays. Si le Conseil considère que l’utilisation des structures existantes est déjà très dynamique au Canada français, la réflexion qui commence à naître dans notre milieu trouvera certainement un écho et une forme d’arrimage avec le contenu renouvelé de ce programme. Là aussi, le dialogue ne fait que commencer. L’ATFC souhaite remercier le Ministère du Patrimoine canadien qui, à travers les Programmes d'appui aux langues officielles, a soutenu le Forum du 13 septembre 2011. 6