HAVELUY – Le samedi 25 octobre 2008
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HAVELUY – Le samedi 25 octobre 2008
HAVELUY – Le samedi 25 octobre 2008 "La mémoire ouvrière, les luttes et les conquêtes sociales du XXème siècle à nos jours" Intervention de Pierre OUTTERYCK Professeur agrégé d'Histoire et de Géographie Docteur d'État en Littérature française Président de l'Association CRIS La petite commune d’Haveluy située au cœur de ces terres de colère, de lutte et de résistance du Valenciennois – Denaisis a fait vivre une formule passionnante. Ce samedi 25 octobre, Maire et Conseillers Municipaux inauguraient des logements sociaux et des rues. Les noms de René Carpentier, Député de la circonscription dans les années 70, Ambroise Croizat, Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet avaient été choisis pour orner ces bâtiments et ces rues. En même temps, dans le Centre Culturel de la commune, plusieurs expositions historiques prêtées par les Instituts d’Histoire CGT, l’Association des Amis de Chateaubriand, l’Association Photographique de Quiévrechain et le Centre Photographique Régional du Nord, présentaient la période 36-46. Débats et conférences ouverts au public scolaire le vendredi 24 et à tout public le samedi 25, furent animés par Bernard Lamirand, Président de l’Institut d'Histoire Sociale des Métaux CGT et Pierre Outteryck, Président de l’Association Création Recherche Innovations Sociales (CRIS). Enfin, le 26, on achevait ce week-end au centre duquel était la mémoire et son lien avec le présent, par des conférences-débats à l'estaminet 'On refait le monde' et par un spectacle 'De Profundis'. J’aborderai ici la figure d’Ambroise Croizat, militant ouvrier, dirigeant et député communiste, ministre de la France libérée au moment de la reconstruction. 1/11 Une jeunesse ouvrière Ambroise Croizat naquit le 28 janvier 1901, à Notre Dame de Briançon en Savoie. Très vite, il rejoint Lyon où travaille son père. Lyon, un des grands centres ouvriers déjà remarqués lors de la première moitié du 19ème siècle. Les Canuts, ces ouvriers du textile, s’étaientt révoltés en 1830 et 1834 contre un patronat dur et soucieux avant tout d’accumuler les surprofits. La répression avait été violente et sanglante ; l’armée avait donné du canon sur les quartiers ouvriers. Même si l’industrie de la soie avait décliné à la fin du 19ème siècle, les souvenirs de la lutte des Canuts continuaient à vivre lors des veillées ou dans les discussions de cabarets comme le rapporte l’historien Maurice Moissonnier, spécialiste de l’histoire ouvrière lyonnaise. Ambroise est issu d’une famille ouvrière. Sa mère était fileuse, métier le plus fréquent pour les femmes au début du siècle dernier. Son père, Antoine, était ouvrier ferblantier aux usines Carbuse. Il sera aussi, ouvrier plombier, cafetier, cheminot à Veze après 14-18… A cette époque, chômage, répressions et difficultés de vie faisaient facilement changer d’emploi. Quelque soit l’entreprise, on travaillait beaucoup : 10 heures, voire plus par jour, 6 jours par semaine, toute l’année car les congés payés n’existaient pas. De 12 ans jusqu'à la mort car les retraites étaient inexistantes. Les salaires étaient bas, consacrés essentiellement au paiement du loyer et à la nourriture. Repas composés essentiellement de pain, de pomme de terre, de pâte, de lard. Volailles et légumes étaient réservés aux jours de fêtes. Attention à la maladie ou à l’accident du travail, médecins et médicaments coûtaient chers et n’étaient pas remboursés. Les jours d’absence n’étaient pas payés… Trop d’absences entraînaient un licenciement. La vie était donc dure et Ambroise Croizat n’oublia jamais cette vie au bord de la misère, dans l’angoisse du lendemain. La Première Guerre Mondiale sera pour Ambroise Croizat une triple rupture. - Il voit son père et son frère partir pour la guerre, sans doute le cœur gros, car Antoine, son père, est depuis une dizaine d’années membre du Parti Socialiste SFIO et de la CGT. Il sait que la guerre ne profite pas aux 2/11 travailleurs et se souvient sans doute des discours de Jaurès disant que 'Le capitalisme porte la guerre comme les nuées l’orage'. - La deuxième rupture vient de là. Ambroise a 12-13 ans ; il écoute les discussions fiévreuses dans les bistrots ou sur le coin de la table de cuisine. Son père et ses camarades dénoncent l’exploitation, les salaires de misère, la richesse insolente des patrons… Formation politique sur le tas, à la fois riche et féconde. L'assassinat de Jean Jaurès semble sonner le glas de ces espérances. Il annonce la faillite de la SFIO qui dès août participa auprès des patrons et des politiques de droit à l'Union Sacrée. - Enfin, Ambroise Croizat quitte en 1914 l’école. Il entre comme apprenti ajusteur dans une usine de l’agglomération lyonnaise tout en suivant les cours du soir. Bon élève, apprenti méticuleux, il devient ajusteur-outilleur, qualification ouvrière la plus élevée dans la métallurgie. Durant la guerre, la vie est plus difficile encore. Chaque jour, Ambroise et sa mère vivent dans l’angoisse de la venue d’un gendarme annonçant la mort du père ou du frère sur un des champs de bataille. A l’atelier, les patrons profitent de l’atonie du mouvement syndical englué dans l’Union Sacrée, pour accroître exploitation et domination. En 1917, Ambroise vécut les grèves du textile, de la métallurgie qui se développèrent dans de nombreux centres industriels et en particulier à Lyon et sa banlieue. Peutêtre y rencontrera-t-il Martha Desrumeaux ; la jeune ouvrière de Comines, âgée à peine de 20 ans ; elle y dirige une lutte victorieuse aux usines Hazebrouck. L’année suivante en 1918, il adhère au Parti Socialiste SFIO. Le mouvement ouvrier français est en pleine effervescence ; la Révolution d’Octobre 1917 à Petrograd marque les esprits. Pour la première fois depuis la Commune de Paris, des travailleurs ont pris le pouvoir et le gardent bien plus longtemps que les révolutionnaires parisiens. La SFIO est divisée ; Ambroise Croizat soutient les positions du Comité pour l’adhésion à la IIIème Internationale. Au Congrès de Tours en décembre 1920, les espoirs du jeune Croizat sont comblés. La majorité des délégués du vieux Parti Socialiste choisit de créer une nouvelle organisation : le Parti Communiste. Le Parti Communiste veut à la fois défendre pied à pied les revendications des travailleurs et celles des masses populaires. 3/11 En même temps, dès 1920, il s’annonce comme un parti désireux de prendre le pouvoir pour transformer la société. Les débuts du jeune parti sont difficiles ; il faut transformer des pratiques anciennes, prendre en compte les impatiences des nouveaux militants. En même temps, la majorité socialisante de la CGT exclut les opposants souvent proches du PCF de l’organisation syndicale. Ceux-ci vont devoir créer la CGTU. Jeune communiste Ambroise Croizat fut un des dirigeants des Jeunesses Communistes jusqu’en 1928, il sera secrétaire du rayon (cellule) des Jeunesses Communistes de la région lyonnaise en 1924. Il est très vite remarqué pour son dynamisme et son charisme. Son engagement lui vaut plusieurs licenciements : 'Je me rappelle qu’en 23, Ambroise était repéré par les patrons, à un tel point qu’il lui était difficile de trouver à s’embaucher. C’est pour ça qu’on s’est arrangé pour qu’il entre à la robinetterie Seguin où je travaillais. Il avait 22 ans… Si vous aviez vu ce dynamisme, cette confiance qu’il inspirait…' témoigne un de ses camarades des années 20, Rivoire, dans ‘L’Humanité’ du 19 mai 1951. Pour parfaire ses connaissances et ainsi mieux combattre le système d’exploitation dans lequel lui-même, ses parents et ses camarades d’atelier vivent, il participe avec 34 autres militants à la première école nationale qui se tient du 23 septembre au 16 octobre 24 dans la région parisienne. Outre les cours, il rencontre des camarades d’autres régions, partage des pratiques et des expériences, nourrit sa volonté de lutter. Il est délégué au 4ème Congrès du Parti Communiste tenu à Clichy en janvier 1925. Il est profondément marqué par les luttes qu’anima la Jeunesse Communiste. Outre le combat revendicatif sur les conditions de travail et contre les bas salaires, les jeunes communistes se mobilisèrent contre l’intervention militaire dans la Ruhr allemande et contre les opérations coloniales menées dans le Rif marocain. Ainsi, il met devant les congressistes la capacité des jeunes à lutter et intervient en faveur de la formation de noyau de jeunes dans les syndicats. Cette idée n’est pas retenue par le Congrès. Pourtant, il devient permanent des Jeunesses Communistes à Lyon avant de s’installer dès 1926 à Saint-Denis, puis aux Lilas. 4/11 1926 est pour lui une année importante. Il fait partie d’une délégation de jeunes qui se rend dans la jeune Russie soviétique. Nous avons du mal aujourd’hui, compte tenu de l’échec de l’expérience soviétique et des crimes du stalinisme, dénoncés dès 1956 lors du 20ème Congrès du Parti Communiste de l’Union Soviétique, d'imaginer l’impact de la Révolution d’Octobre et de l’URSS sur les communistes et plus largement sur les masses populaires. L’URSS témoignait qu’une autre société était possible, que le patronat ne règnerait pas éternellement en maître, que les travailleurs pouvaient construire un autre type de vie, une société profondément différente. L’adhésion à l’URSS fut un levier fondamental pour ces jeunes communistes ; elle structurera en grande partie leurs pensées et leurs actes. En même temps, en 1926, Ambroise travaille comme permanent au siège du PCF, 120 rue Lafayette. Le Congrès d’août 1926 va l’élire au Comité Central des Jeunesses Communistes. En 1928, il représentera la France à Moscou auprès de l’Internationale Communiste des Jeunes. Là encore, il apprend de nouvelles expériences, de nouvelles formes de luttes ; il participe à des cours de propagandiste. A son retour en France, âgé de 27 ans, il prend des responsabilités syndicales. Dès 1925, Ambroise Croizat, jeune ouvrier, militant dynamique, avait été élu membre suppléant de la Commission Exécutive de la CGT. Il devient dès 1928 Secrétaire de la Fédération CGTU des Métaux, en remplacement d’Octave Rabatté qui avait dû quitter précipitamment la France. En 1929, il devient membre titulaire du Comité Exécutif de la CGTU puis deux ans plus tard membre du Bureau Confédéral. De l’atelier au Parlement Au début des années 30, la France connaît les premiers contrecoups de la crise financière qui a marqué Wall Street en octobre 29. Très vite, la crise économique frappe l’industrie. Pour maintenir leur profit, les patrons limitent la production ; ils ferment donc ateliers et usines. Dès 1931-1932, le nombre de chômeurs grandit ; le travail à temps partiel explose. La misère s’installe dans les foyers ouvriers, alors que des scandales financiers ébranlent la République. En même temps, en Allemagne, la bourgeoisie, les couches 5/11 moyennes et une partie du prolétariat choisissent ou sont attirés par les thèses racistes et xénophobes du parti nazi. La grande bourgeoisie allemande trouve comme recours face au mouvement révolutionnaire le démagogue Hitler, qui prend pour cible, le Parti Communiste allemand et les organisations syndicales et comme bouc émissaire les populations d’origine juive. En janvier 33, Hitler prend le pouvoir. Très vite, les organisations ouvrières, en particulier communistes, sont interdites et dissoutes. Leurs dirigeants seront enfermés dans les camps de concentration construits dès 1934. En même temps, le Parti Communiste vit des heures difficiles. Depuis 1920, son influence s’est rétrécie ; pratiques sectaires, étroitesse du travail militant et des comportements, lecture dogmatique des textes fondamentaux de Marx et Lénine, font que la direction éprouve des difficultés à répondre aux revendications des travailleurs. Pourtant le mouvement revendicatif demeure puissant. Inlassablement, Ambroise Croizat parcourt les régions en luttes. On le voit en 1928 dans le Nord, en particulier lors de la grève des ’10 sous’ à Halluin. Puis il sillonne l’Ouest de la France. En février 30, il anime la grève des métallurgistes de Belfort. Il voit son poids renforcé par ses nouvelles responsabilités. En effet, le Congrès Communiste de Saint-Denis, du 21 mars au 7 avril 29, le désigna au Comité Central du Parti. Il participe pleinement à la direction du Parti Communiste qui cherchait, à cette époque, à subordonner les conflits sociaux aux intérêts immédiats et étroits du Parti. Au Comité Central du 26 au 28 août 31, Maurice Thorez dénonce cette stratégie, et met en cause le sectarisme de Barbé et de Célor. Ambroise Croizat est lui-même mis en cause. Mais très vite, il prend en compte la nouvelle stratégie qui commence à poindre et participe largement au débat lancé par Maurice Thorez sous le thème 'Que les bouches s’ouvrent'. Formé dans le syndicalisme, il retrouve toutes ses capacités à mobiliser et à rassembler les métallos. Ainsi, dès 1934, il devient l’un des artisans du Front Populaire. Le Front Populaire est un des grands moments de l’Histoire Ouvrière Française. Il va permettre au Parti Communiste de s’enraciner nationalement dans les terreaux populaires. La stratégie du Front Populaire naquit d’une double idée : 6/11 - Rassembler toutes les couches sociales victimes de la crise autour de la classe ouvrière et donner une traduction politique à ce rassemblement grâce à une alliance entre le Parti Communiste, la SFIO et le Parti Radical. - Garder l’exemple de la Révolution d’Octobre et de l’Union Soviétique comme voie et cadre de la transformation sociale. L’Union Soviétique est, pour les communistes de l’époque, un modèle indépassable et indiscutable. Ambroise Croizat participe pleinement à cette stratégie. Au début de l’année 36, la CGTU, dirigée par Benoît Frachon et la CGT dont le Secrétaire Général est Léon Jouhaux se rassemblent et se réunifient. Même si Benoît Frachon y joue un rôle important, la nouvelle CGT, dirigée par Léon Jouhaux, est à majorité socialisante. Pourtant, le communiste Croizat devient Secrétaire Général d’une des plus importantes et des plus dynamiques fédérations de la CGT, celle des métaux. Ambroise Croizat, quelques semaines plus tard, est candidat aux élections législatives dans le 14ème arrondissement de Paris. Il y devance au premier tour le député socialiste sortant. Seul candidat de la gauche au deuxième tour, il est élu député le 03 mai 36. Demeurant Secrétaire de la Fédération des Métaux, il est un des principaux animateurs des grèves dans la région parisienne. On voit souvent à ses côtés Jean-Pierre Timbaud, Secrétaire du Syndicat des Métaux de la région parisienne. En même temps à la Chambre, il participe pleinement aux débats qui élaboreront les lois du Front Populaire. La victoire électorale de mai 36 et le grand mouvement de grève avec occupation d’usines firent céder le patronat. Lors des accords de Matignon, les patrons durent admettre d’importantes augmentations de salaires, plus de 50 % dans certains secteurs ; les patrons durent aussi accepter que des conventions collectives organisent la vie sociale des entreprises. Parallèlement, le Parlement où Ambroise Croizat siège avec 71 autres députés communistes, vote la semaine de 40 heures et surtout les congés payés. Pour la première fois, des travailleurs pourront s’absenter pendant quinze jours tout en gardant leur salaire et sans risque de licenciement. Beaucoup quittent quelques jours leur quartier, souvent pas très loin… Mais ces premiers bols d’air vont laissés des traces indélébiles. 7/11 Ambroise Croizat est profondément marqué par les combats de 36 à 39. Il participe aux différents meetings et organise les grèves de l’automne 36 et du printemps 37 durant lesquelles les travailleurs veulent empêcher les patrons de revenir sur les accords de Matignon de Juin 36. Il développe la solidarité avec les Républicains espagnols, menacés par le coup d’état fasciste du 17 juillet 36 organisé par Franco, alors que le gouvernement français se réfugie dans une politique de nonintervention. Cette non-intervention de la France et du Royaume-Uni profite avant tout au fasciste espagnol qui reçoit l’aide d’Hitler et de Mussolini. En novembre 38, Ambroise Croizat participe au Congrès de Nantes de la CGT. Il dénonce la politique patronale et les accords de Munich dans lesquels les gouvernements français et britannique cèdent une partie de la Tchécoslovaquie à Hitler. Il sait que cette politique encourage Hitler à préparer la guerre. Comme la majorité des délégués, il vote pour la grève du 30 novembre. Cette grève sera en grande partie un échec. Malgré tout, Ambroise Croizat demeure le Secrétaire incontesté de la Fédération CGT des métaux et il voit avec plaisir le Parti Communiste progresser à plusieurs élections partielles au printemps 39. Du chemin de l’Honneur au Ministère du Travail Printemps-été 39, la guerre menace. Gouvernements français et britannique refusent de signer un accord avec l’Union Soviétique. Pour éviter de voir l’URSS isolée et donc une proie facile pour le 3ème Reich, le gouvernement soviétique conclut un pacte entre l’URSS et l’Allemagne : ce pacte de non-agression est signé le 23 août 39. Tout de suite, le gouvernement français, le patronat, les différentes forces politiques y compris le Parti Socialiste, lancent une violente campagne anti-communiste. Déjà à l’automne 1938, les grands quotidiens de province dans une grande page publicitaire avait réclamé l’interdiction du Parti Communiste. Dès le 24 août 39, ‘L’Humanité’ et la presse communiste sont interdites. Début septembre, Ambroise Croizat et les députés communistes votent les crédits de guerre pour répondre à l’agression de l’Allemagne fasciste. Ils demandent en même temps que le gouvernement oblige les patrons à satisfaire les revendications des 8/11 travailleurs. Malgré tout, le gouvernement français décide le 26 septembre la dissolution du Parti Communiste. Les 7 et 8 octobre, Ambroise Croizat est arrêté. Il avait refusé de dénoncer le pacte germano-soviétique et son idéal communiste. Le 20 février 1940, le Parlement déchoua de leur mandat de député Ambroise Croizat et les autres députés communistes. Alors que depuis septembre 39, l’armée française mobilisée n’intervient pas contre l’Allemagne et laisse les forces hitlériennes conquérir la Pologne, la campagne anti-communiste se poursuit et s’intensifie. En février 1940, le décret Sérol menace de mort toute personne qui mènera des actions communistes. Le 03 avril, Ambroise Croizat, les députés communistes, fidèles à leurs engagements, sont jugés par le tribunal militaire de la Seine. Ambroise Croizat et ses camarades sont condamnés à cinq ans de prison et à 4000 francs d’amende chacun. Ils sont tous emprisonnés. Ambroise fera 17 prisons avant de partir en mars 1941 pour la maison Carré, la sinistre prison d’Alger. 8 jours après leur condamnation, les députés communistes apprennent l’offensive de la Wehrmacht. Le 10 mai, l’armée allemande pénètre en Belgique, bouscule l’armée belge et quelques jours plus tard envahit le Nord de la France. En quelques semaines l’armée française est vaincue. Le gouvernement est confié à Pétain qui signe le 22 juin l’armistice honteux avec le 3ème Reich. Une nouvelle page d’histoire s’ouvre pour le mouvement ouvrier et le peuple de France. Dès l’été 1940, le Parti Communiste se réorganise et appelle les travailleurs à lutter pour leurs revendications et pour une France indépendante. Ambroise Croizat est, comme l’avons vu, en prison. A la Maison Carré d’Alger, il apprendra avec Prosper Môquet et les autres députés détenus, l’assassinat le 22 octobre dans les carrières de Chateaubriand de son vieux camarade de la métallurgie, Jean-Pierre Timbaud et du jeune Guy Môquet. Le 05 février 1943, Ambroise Croizat et ses camarades sont libérés ; les troupes américaines occupent déjà depuis quelques semaines l’Afrique du Nord. Dès sa libération, il prend contact avec la direction du PCF et de la CGT. En Algérie où il restera jusqu’en août 44, il aidera les travailleurs algériens, Français d’Algérie ou Algériens, à construire un syndicat revendicatif et de masse. Beaucoup de ces syndicalistes participeront dans les années 50 aux combats anticolonialistes. 9/11 En mai 1943, la CGT le délègue auprès du gouvernement provisoire présidé par de Gaulle. En même temps, ancien député, il participe à l’Assemblée Consultative réunie à Alger. Revenu en France, Ambroise Croizat reprend sa place au Comité Central et participe aux débats qui animent le PCF dans le cadre de la reconstruction de la France. En 1945, il est élu Député de la Seine. Il demeurera élu de la Nation jusqu'à sa mort en 1951. De 1945 à 1947, Ambroise Croizat devient, sauf durant deux mois, Ministre du Travail. Il sera parmi ces communistes qui mettront au point la législation qui fonde la France d’après-guerre et d’aujourd’hui : nationalisation des productions d’énergie, des mines de charbons et des banques, création des comités d’entreprises, mise en place des statuts du mineur, des gaziers électriciens, des dockers et des fonctionnaires. Ambroise Croizat fut la cheville ouvrière de la mise en place de la sécurité sociale. Dans les années 30, les patrons avaient créé les assurances sociales. Mais ce système rendait les travailleurs pieds et mains liés : toute absence ou maladie ou fait de grève était sanctionné par la perte des assurances. Seuls les travailleurs payaient les assurances sociales, leurs salaires étaient donc amputés. Ambroise Croizat va établir la sécurité sociale sur trois principes : - Tous les travailleurs doivent y avoir droit. Chacun recevra en cas de maladie ou de soin les mêmes garanties et ce quelque soit sa place dans la production. - La sécurité sociale est gérée par les caisses autonomes indépendantes du patronat. - Enfin, ce sont les travailleurs qui doivent gérer les caisses de la sécurité sociale. Dès 1967, le gouvernement de Gaulle-Pompidou mettra fin par des ordonnances à cette gestion qui dérange les patrons. Ainsi, pour la première fois de leur histoire en 1945 et dans une France ruinée par le 2nde Guerre Mondiale, les travailleurs n’ont plus à craindre la maladie pour eux et leur famille. 10/11 Mai 47, Ambroise Croizat refuse de condamner les grèves des travailleurs de Renault. Le Premier Ministre socialiste Ramadier l’oblige à quitter le gouvernement, ce qu’il fait avec les autres ministres communistes. En 47-48, Ambroise Croizat participe aux luttes revendicatives pilotées par la CGT. Député, il est souvent présent au Palais Bourbon pour défendre les travailleurs et condamner la répression dont sont l’objet les militants syndicaux de la CGT. Il meurt prématurément en 1951. Une foule immense lui rendra hommage. Aujourd'hui, 60 ans après, il serait sans aucun doute des nôtres pour défendre la Sécurité Sociale pour qu'elle redevienne un outil démocratique favorisant la vie des travailleurs et de leurs familles. Ambroise Croizat manifesterait avec nous pour demander que soit mise en place une sécurité sociale professionnelle. Merci à vous tous. Pierre Outteryck 11/11