Document technique Raman-v01
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SPECTROSCOPIE RAMAN La spectroscopie Raman est une technique d’analyse non destructive, basée sur la détection des photons diffusés inélastiquement suite à l’interaction de l’échantillon avec un faisceau de lumière monochromatique. La différence de fréquence entre photon excitateur et photon diffusé renseigne sur la nature chimique de la molécule à l’origine de la diffusion. I – APPLICATIONS Tous les matériaux peuvent être analysés par spectroscopie Raman, quel que soit l’état sous lequel ils se présentent (solide, liquide ou gazeux) et sans préparation préalable particulière. Les informations tirées d’un spectre Raman sont multiples (voir Figure 1) : • la position des raies renseigne sur les espèces chimiques en présence dans l’échantillon, • la largeur des pics à mi hauteur fournie des informations sur la structure de l’échantillon, • l’intensité d’un pic peut être reliée à la concentration de l’espèce, • le déplacement des pics est fonction de l’état de contrainte et/ou de la température. Figure 1 : Informations qualitatives et quantitatives fournies par une raie Raman Il est à noter que la position des raies Raman est indépendante de la fréquence et de la puissance du laser choisi. Cependant un laser trop puissant peut entraîner un échauffement local de l’échantillon et être un l’origine d’un déplacement des pics. Exemples d’application : - détermination de la nature chimique d’une espèce (acquisition d’un spectre de surface), - étude de la répartition de différents composés (cartographie Raman en 2D ou 3D), - étude de la diffusion d’un produit (profil), - détermination du degré de cristallinité, - analyse de contraintes … 1 II – PRINCIPE Un faisceau de lumière monochromatique produit par un laser continu de fréquence ν0, est focalisé sur l’échantillon à analyser. L’énergie E0 de la radiation incidente est définie par la relation suivante : c E 0 = hν 0 = h avec h : constante de Planck (6.63× 10 −34 J.s), ν0 : fréquence de la radiation λ0 incidente, c : vitesse de la lumière dans le vide (3× 10 5 km.s -1 ) et λ0 : longueur d’onde de la radiation incidente. Les photons incidents sont en grande partie transmis, réfléchis ou absorbés et une fraction bien plus faible est diffusée : - une partie de la lumière est diffusée à la même fréquence ν0 que la radiation incidente, c’est la diffusion Rayleigh (diffusion élastique), - une partie infime des photons incidents est diffusée avec changement de fréquence : c’est la diffusion Raman (diffusion inélastique) : elle représente environ 1 photon Raman pour 108 photons incidents. La diffusion Raman correspond à l’interaction de la polarisabilité de la molécule avec la radiation incidente, entraînant un moment dipolaire induit dans la molécule et l’émission d’un photon Raman. La Figure 2 ci-dessous illustre les deux mécanismes de diffusion Raman pour deux niveaux d’énergie séparés par une énergie hν. Si la fréquence ν0-ν ν du photon diffusé est inférieure à celle du photon incident (ν0), il y a gain d’énergie vibrationnelle pour la molécule (et perte d’énergie pour le photon) : on parle de raie Stokes. Si au contraire le photon incident est diffusé à une fréquence ν0+ν ν, il y a perte d’énergie vibrationnelle pour la molécule (et gain d’énergie pour le photon) : on parle de raie anti-Stokes. L’intensité de la diffusion anti-Stokes décroît rapidement lorsque ν augmente car la population du niveau excité diminue conformément à la loi de Boltzmann. C’est pourquoi en diffusion Raman on ne considérera que les raies Stokes, plus intenses. Figure 2 : Mécanismes de diffusion Rayleigh et Raman 2 Un spectre Raman présente l’intensité Raman diffusée en fonction de la différence de fréquence entre photon incident et photon diffusé : si l’on considère les raies Stokes, cette différence est positive, et nulle dans le cas de la diffusion Rayleigh. En pratique, il est d’usage de convertir cette différence de fréquence entre photon incident et photon diffusé en nombre d’onde (voir Figures 3 et 4). Le nombre d’onde v est défini par la relation suivante : 1 v avec v : nombre d’onde ( cm -1 ), λ : longueur d’onde de la radiation (cm), v : fréquence v= = λ c de la radiation (Hz) et c : vitesse de la lumière dans le vide (3.10E10 cm.s-1 ). Rayleigh Raman Stokes Différence de fréquence entre photon incident et photon diffusé (Hz) Raman anti-Stokes ν0-ν ν0 ν0+ν ν 0 -ν 0 - ν = Fréquence (Hz) Nombre d’onde (cm -1 ) ν= ν c - ν c Figure 3 : Correspondance entre fréquence et nombre d’onde Figure 4 : Exemple d’un spectre Raman (polypropylène) 3 III – APPAREILLAGE Les éléments de base formant un spectromètre Raman sont représentés Figure 5 et explicités par la suite. Figure 5 : Représentation schématique d’un spectromètre Raman (Renishaw) IV-1- source laser Le laser fournit une radiation monochromatique de fréquence stable et connue. Il existe des sources laser dans l’ultraviolet (UV), le visible et le proche infra rouge (NIR) selon la nature de l’échantillon à analyser et le but de l’analyse. - Domaine de l’UV : 244nm (Argon) 325nm (He-Cd) 363.8nm (Ar++) - Domaine du visible : 488nm (Ar+, bleu) 514nm (Ar+, vert) 532nm (YAG, vert) 633nm (HeNe, rouge) - Domaine du proche IR : 785nm (diode laser) 830nm (diode laser) Un pré-monochromateur ou filtre interférentiel situé juste après le laser élimine les raies parasites plasma se trouvant au voisinage de la raie laser excitatrice. Le faisceau passe ensuite par un polariseur placé à l’entrée du microscope, fixant la polarisation incidente. IV-2- microscope Le microscope focalise le spot laser incident sur la surface de l’échantillon, via l’objectif approprié, puis dirige les photons diffusés vers le spectromètre. Un analyseur permet de fixer la polarisation de l’onde diffusée. IV-3- filtre de réjection Le processus Raman étant peu intense, un filtre holographique de type ″notch″ ou ″edge″ est utilisé pour séparer le signal d’intérêt du signal Rayleigh beaucoup plus intense. 4 IV-4- monochromateur Les photons diffusés entrent dans le monochromateur par une fente (ou trou confocal) permettant de localiser spacialement la lumière (cf § V-3-c- résolution spatiale). Un miroir prismatique dirige ensuite les photons sur un réseau holographique de 600, 1200, 1800, 2600 ou 3600 traits/mm, dispersant les photons selon leur longueur d’onde (le choix du nombre de traits étant fonction de la longueur d’onde incidente). Chaque radiation est ensuite focalisée par une lentille sur le détecteur. Certains appareillages disposent de plusieurs monochromateurs, dans le but d’améliorer la résolution spectrale (cf § V-3-d- résolution spectrale) et le taux de réjection (c’est à dire la capacité à éliminer la raie Rayleigh). IV-5- détecteur Il existe deux types de détecteurs sur le marché : CCD ou InGaAs selon la gamme de longueurs d’onde que l’on souhaite analyser. Détecteur CCD (Charge Coupled Device) : il s’agit d’un détecteur multicanal permettant de recueillir simultanément des informations spatiale et spectrale concernant l’échantillon analysé. Son domaine spectral est compris entre 400nm et 1µm. Détecteur InGaAs (monocanal) : il s’agit d’un détecteur spécialement conçu pour l’IR. Il présente un rapport signal/bruit meilleur qu’un détecteur CCD, mais une résolution moindre. V – INTENSITE, RESOLUTION, PROFONDEUR DE PENETRATION V-1- intensité L’intensité du signal Raman dépend de la fréquence (donc de la longueur d’onde) du laser utilisé : ⇒I∝ 1 λ4 avec I : intensité du signal Raman, ν : fréquence de la radiation incidente et λ : longueur d’onde de la radiation incidente. Cela revient à dire que le signal Raman est d’autant plus intense que le laser est énergétique. Une source dans le proche IR donnera donc un signal Raman moins intense qu’une source UV, impliquant des temps d’acquisition plus longs. V-2- profondeur de pénétration La profondeur de pénétration du laser dans l’échantillon est fonction de la longueur d’onde du laser : plus cette dernière est grande, plus le laser va pénétrer dans l’échantillon. Ce facteur est à prendre en compte lors de l’analyse d’un échantillon multicouche par exemple. V-3- résolution V-3-a- résolution latérale 1.22λ La résolution latérale (RL) est définie par la relation : RL = avec λ : longueur d’onde de la NA radiation incidente et NA : ouverture numérique de l’objectif. 5 L’ouverture numérique de l’objectif correspond à Objectif NA = nsin(a) Faisceau incident focalisé sur l’échantillon avec a : demi grand angle au sommet et n : indice du milieu Echantillon La résolution latérale, correspondant au diamètre minimum du spot lumineux sur l’échantillon, est donc d’autant meilleure que la longueur d’onde du laser est courte et que l’ouverture numérique de l’objectif est grande. V-3-b- résolution axiale Pour un échantillon solide transparent, la résolution axiale correspond à deux ou trois fois la résolution latérale. Pour un échantillon solide non transparent, la résolution axiale dépend du coefficient de photoabsorption du matériau. V-3-c- résolution spatiale La résolution spatiale est améliorée en utilisant un microscope confocal. Les photons diffusés sont dirigés sur une ouverture de dimensions réduites (trou confocal) agissant comme un filtre spatial et permettant une réduction du volume analysé. La profondeur de champ est alors réduite à ~1µm à la surface. L’inconvénient est que 98% des photons Raman sont rejetés, impliquant des temps d’acquisition plus longs. La microscopie confocale permet également de réduire l’émission de fluorescence. V-3-d- résolution spectrale La résolution spectrale (RS) est inversement proportionnelle à la focale du monochromateur et au nombre de traits du réseau dispersif : RS ∝ 1 FN avec F : focale du monochromateur et N : nombre de traits du réseau. Elle est également influencée par la température à laquelle l’expérience est réalisée. La résolution spectrale est d’autant meilleure que la focale du monochromateur est grande, que le nombre de traits du réseau dispersif est important, et que la température de la pièce est basse. 6 VI – IMAGERIE RAMAN ET PROFIL VI-1- imagerie Raman Une zone d’intérêt est sélectionnée à la surface de l’échantillon, lequel est visualisé grâce à une caméra vidéo. La zone à analyser est ensuite divisée en pixels de taille définie. Le laser est alors focalisé sur le premier pixel et le spectre Raman correspondant est enregistré. L’échantillon étant monté sur une platine motorisée en XYZ ou platine piézo (pour des déplacements plus fins) , il est déplacé de façon à ce que le laser soit focalisé sur le deuxième pixel, où un autre spectre Raman est collecté etc… Il y a donc à la fin de l’analyse autant de spectres que de pixels, la durée de l’expérience dépendant notamment du nombre de pixels défini au départ. • Il est alors possible de sélectionner une bande caractéristique d’un élément donné et de reconstruire l’image en fonction de la variation de l’intensité de cette bande par intégration de l’aire sous le(s) pic(s) : on obtient une image caractéristique de la répartition de cet élément dans la zone analysée (voir Exemple 1). Exemple 1 : Localisation du polyéthylène (rouge) dans un film tricouches vu en coupe (Modèle 2000 - Renishaw) • L’image peut également être reconstruite en fonction de la position relative du pic considéré : on accède ainsi à la distribution des contraintes, le sens de déplacement du pic étant caractéristique d’une contrainte en traction (déplacement du pic vers les courts nombres d’onde) ou d’une contrainte en compression (déplacement du pic vers les grands nombres d’onde). Il faut alors un pic de référence (ligne d’émission plasma du laser). • Enfin l’image peut être reconstruite en fonction de la largeur à mi hauteur du pic d’intérêt, caractéristique de la structure de l’échantillon. Par ailleurs, il est possible de sélectionner au départ une bande d’intérêt qui seule participera à la formation de l’image Raman. Cette technique étant beaucoup plus rapide que d’acquérir un spectre complet pour chaque pixel, elle est très adaptée par exemple à la détection de contaminants sur de larges zones. 7 En terme d’imagerie Raman, il existe à présent de nouvelles techniques plus rapides, basées sur différentes illuminations de l’échantillon. L’une d’entre elles consiste à défocaliser le faisceau laser de façon à obtenir une tâche de plusieurs dizaines de microns. L’acquisition de l’image est ensuite directe et n’implique pas de déplacement de la surface de l’échantillon sous le laser. Une autre technique consiste en une illumination ″en ligne″ de l’échantillon, permettant l’acquisition en simultanée d’un ensemble de spectres sur une dimension. L’échantillon est ensuite déplacé pas à pas dans la direction perperdiculaire à la ligne laser pour l’enregistrement des spectres dans l’autre direction. Il est également possible d’acquérir un ensemble de spectres sur un volume donné de l’échantillon, et de faire une reconstruction de l’image en 3D. VI-2- profil Sur le même principe que l’imagerie Raman, il est possible de collecter un spectre Raman à des intervalles réguliers le long d’une ligne. Le profil peut être réalisé dans le plan XY de l’échantillon, ou en profondeur selon l’axe Z (pour les échantillons transparents). Dans le cas d’un profil en profondeur réalisé sur un échantillon non transparent, il faut tenir compte des phénomènes d’absorption. Cette technique permet par exemple de suivre la diffusion de produits (organiques ou non) dans l’échantillon en représentant l’évolution de l’intensité d’une bande caractéristique du produit de traitement en fonction de la profondeur dans l’échantillon. L’exemple ci-dessous présente l’ensemble des spectres obtenus sur 10 microns de profondeur, sur un film polymère PEN /PET d’une dizaine de micron d’épaisseur, la couche PEN présentant une épaisseur de l’ordre du micron. Arbitrary Counts (Y offset for clarity) 15000 10000 Profondeur 10 µm 5000 Surface 0 1400 1500 1600 1700 1800 R a m a n s h if t / c m - 1 Exemple 2 : Superposition des 11 spectres réalisés sur un échantillon PEN /PET, sur une profondeur de 10 microns (1 spectre acquis tous les microns) (Modèle InViaReflex - Renishaw) 8 VII – TECHNIQUES DE COUPLAGE La microscopie électronique à balayage (MEB) et la microscopie à force atomique (AFM) sont deux techniques pouvant être couplées à la spectroscopie Raman afin d’obtenir des informations complémentaires sur la morphologie (MEB et AFM) et la composition élémentaire (MEB) de l’échantillon analysé. 9