Le jardin, amoureusement

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Le jardin, amoureusement
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• à LIRE
n Le «Dictionnaire» d’Alain Baraton
Le jardin, amoureusement
Jardinier star français – il est depuis trente ans à la tête des jardins de Trianon et du Grand Parc de Versailles
–, Alain Baraton signe un très beau «Dictionnaire amoureux des Jardins» (Ed. Plon). De la grande à la petite
Histoire, un ouvrage qui se lit de A à Z – de abeilles à zinnia - avec un même plaisir.
«J’
ai eu beaucoup
de plaisir à participer à cette
collection qui compte plusieurs
grands écrivains, mais ce livre
m’a surtout permis de parler du
jardin comme d’une errance philosophique. Je n’étais pas tenu
par l’Histoire comme lorsque je
parle des jardins de Versailles»,
explique Alain Baraton avant
d’ajouter en riant: «Mais le travail
d’écriture n’a pas été facile, car
il fallait trouver les mots justes.
Il y a eu beaucoup d’angoisse et
beaucoup de joie. Je ferais vo-
• Le jardin de Monet à Giverny.
• Alain Baraton.
lontiers un deuxième tome! Et j’y
insérerais le Jardin botanique de
Genève».
Jardins célèbres ou non, Alain
Baraton leur rend hommage, les
choisissant en toute partialité.
«Je n’aime pas tous les jardins,
reconnaît-il. Je n’ai pas visité
certains, d’autres ne me parlent
pas. J’ai donc préféré ne pas les
citer dans mon livre, plutôt que
les critiquer».
La délicatesse
de Monet
Le «Dictionnaire amoureux»
s’intéresse à des jardins célèbres ou inconnus, splendides
ou modestes, faisant découvrir
cette fois «la petite histoire plutôt que l’Histoire», souligne l’auteur. C’est le cas, par exemple,
pour le jardin de Claude Monet,
à Giverny, en Normandie. «Monet avait fait un jardin absolument extraordinaire. Il adorait les
fleurs, mais selon sa volonté, il
a été enterré sans couronnes ni
fleurs, parce qu’il craignait très
certainement que celles-ci ne
soient cueillies dans son jardin».
Alain Baraton est aussi tombé
amoureux du jardin de la Malmaison, voulu par l’impératrice Joséphine et dont l’état
aujourd’hui «n’est pas génial,
mais il a su conserver son âme,
prouvant ainsi que le jardin peut
transmettre des sentiments qui
ont existé», mais aussi de celui
d’Anne Frank, à Amsterdam.
«Le jardin en lui-même n’a pas
d’intérêt, mais je parle du marronnier qu’elle voyait depuis
l’endroit où elle se cachait des
nazis. Elle conversait avec le vieil
arbre. C’était une telle émotion
quand je l’ai vu en 2007. Maintenant, le marronnier est mort et
remplacé par un de ses descendants. Un arbre est le plus beau
monument que l’on puisse ériger à la gloire d’une personne».
Où un nain devient
géant
Mais l’auteur s’indigne aussi, citant ainsi le Jardin d’acclimatation, à Paris, qu’il trouve moche
mais qu’il dédie «à la bêtise
humaine. Ce jardin fut aussi un
parc zoologique et on y exhibait…
des êtres humains».
Dans son livre, Alain Baraton ne
se limite pas aux jardins. Ainsi, la
brouette, dont l’invention revient
aux bâtisseurs de cathédrales et
non au mathématicien Pascal, la
chaise longue, qui connaît son
heure de gloire dans les années
60, ou encore le banc, qui sous
Louis XV «participe à la décora-
TOUT L’IMMOBILIER • NO 651 • 22 OcTOBRE 2012
tion du jardin et devient même
un but de promenade», sortent
de l’anonymat où ils sont souvent relégués. Le nain de jardin
trouve aussi grâce aux yeux de
l’auteur, qui avoue rêver d’installer dans le jardin de Versailles
«à l’Etoile
royale,
à
l’extrémité
et au centre
de la perspective, un
gigantesque
nain de jardin. Un vrai
de vrai, avec
une pioche
ou une lanterne, un bonnet
rouge lui couvrant la tête et une
barbe blanche. J’aimerais un
nain géant, visible de partout».
De quoi faire taire une bonne
fois pour toutes les détracteurs
de ces drôles de petits lutins! n
Tina Laurier