Zibeline n°11 en PDF

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Zibeline n°11 en PDF
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Q
| du 18/09 au 16/10/08 |
À la rencontre
des écrivains
un gratuit qui se lit
De retour
des Festivals
Marseille 2013 ?
Politiques culturelles
Le Mépris en débat au Festival d’Avignon
Théâtre
Avignon : Festival In
Avignon : Festival Off
Festival Off, Festival de Marseille, Les Informelles
Dracénie, Opéra d’Avignon, Sanary
Le Toursky, le Lenche, les Bancs publics
La Criée, le Gymnase, le Jeu de Paume
Ouest Provence, Gap, Briançon, Châteauvallon, La Friche
Le Sémaphore, Nîmes
Danse
8,9
10,11
12,13
14
16
18
20
21
Pavillon Noir, Gyptis, Châteauvallon, le Dôme
Kélémenis, L’Olivier, les Salins, Nîmes
Allauch, Trets
Les Hivernales
22
23
24
25
La Folle histoire des Arts de la Rue, Caressez le potager
Aubagne, Gardanne, Petit Art Petit,
Sirènes et midi net, Lez’Arts Verts, Ornic’art
26
Arts de la rue
Cirque
Arles, le Toursky, Cavaillon, la Minoterie, le Gymnase
Musique
27
28,29
Opéra de Marseille, opéra de Toulon
30
Musicatreize, Festival d’orgue de Roquevaire, Festival St-Victor 31
Concerts
32,33,34,35
Arles, agenda
36,37
Jazz des 5 continents, Arles, le Paradox, La Seyne
38
Trets, Théâtre et Chansons
39
Festival des Musiques Interdites
40
Liszt en Provence, Opéra au village, Nuits d’été
41
La Roque d’Anthéron, Orange
42
Festival d’Aix
43
Disques
44
Cinéma
FID, Apt
Lussas, Rousset, Trets
Horizontes del Sur, Rendez-vous des quais
Film, Femmes, Mediterranée
Arts visuels
Regards de Provence
Van Gogh-Monticelli
Galerie Hespare, galerie Insulaire
Entretien avec Démosthène Davvetas
L’Atelier Archipel, RIP
Trets, Fontaine Obscure, conférences
Fondation Vasarely
Musée Estrine, La Ciotat
Livres
46,47
48
49
50
50
51
52
53
54
55
56
57
Lire en fête
58
Les Rencontres d’Averroès, la Semaine Noire
59
Les Correspondances de Manosque, actOral, MOD
60,61
Écritures Croisées, agenda
62
Livres
64,65,66,67,68,69
Philosophie
Livres, conférence
Kant
70,71
72,73
Les Journées européennes du patrimoine
74,75
La génétique
76,77
Histoire et patrimoine
Sciences et techniques
Éducation
La FAI AR
Réforme des lycées
Rubrique des adhérents
05
6,7
78,79
80
82
Affaire
de contenus
À l’heure où vous lisez ces lignes vous savez.
À l’heure où nous les envoyons à l’impression, nous
l’ignorons. Marseille Provence sera-t-elle retenue pour être
la capitale française de la Culture en 2013 ?
Le résultat changera la donne culturelle dans notre région.
L’implication des dirigeants politiques et des entreprises
dans la candidature a prouvé qu’ils étaient capables de se
fédérer : reste à espérer qu’ils demeureront mobilisés, quel
que soit le résultat…
À ce propos, Zibeline se dote d’un site, sur lequel vous
pourrez lire dès le 22 septembre nos commentaires à
chaud ! Nous nous réjouirons ou déplorerons avec vous
l’élection ou l’éviction sur www.journalzibeline.fr.
Et vous y retrouverez aussi le journal en ligne, et quelques
liens sommaires. Pour commencer.
En revanche, vous ne nous trouverez plus dans les FNAC :
ces magasins «culturels» acceptent de diffuser la presse
gratuite seulement si elle leur offre des espaces publicitaires dans ses pages. «Quelle que soit la qualité du
magazine», nous ont-ils répondu.
Le contenu de ce qu’ils diffusent n’ayant pas d’importance,
vous nous trouverez ailleurs.
De fait, il est temps de dénicher des refuges, des librairies,
de restaurer nos forces hors d’un monde où les œuvres ne
se vendent plus, mais seulement les appareils à restituer
des sons, des images, quelquefois des mots…
Les rayons livres et disques s’évanouissent face à la morgue
des divers Ipod.
Restera-t-il demain quelque chose à mettre dedans ?
On peut en douter, quand le Rien médiatique triomphe.
Pour résister à l’irrépressible vacuité du monde il faudrait
parier sur l’intelligence…
Car la bêtise entraîne la hargne. La colistière de celui qui
sera élu Président des States (ne rêvez pas, les Américains
ne voteront pas Obama) se compare elle-même à un
pittbull. Capable de tuer pour son enfant, aveuglément.
La foule l’applaudit, McCain s’envole : les ennemis de
l’Amérique n’ont qu’à bien se tenir.
Ceux qui la mettent en doute, même. Vous en êtes ?
AGNÈS FRESCHEL
06
POLITIQUES CULTURELLES
La culture du mépris
Prolégomènes
Le concept de mépris fut d’emblée éclairé par Michel
Guérin, philosophe et esthéticien : dans la société
d’Ancien Régime, le mépris était organisé en
«cascade de castes». L’ordre social était immanent et
ne reposait pas sur le mérite, et chacun méprisait
son inférieur «naturel». Les sociétés démocratiques,
fondées sur l’égalité, ont ensuite amené l’émulation,
l’ambition, puisque l’ordre n’était plus donné mais à
conquérir.
Or aujourd’hui nous vivons, selon Michel Guérin, dans
des sociétés cyniques, où cette ambition dynamique,
de mouvement, s’est pervertie, où l’utopie, l’idéal,
sont moqués. Chacun prend l’autre de haut, le
rabaisse, le nie (jusqu’au génocide). Au sommet des
États, de notre État, on affiche comme valeur
suprême l’argent qui, justement, n’a pas de valeur
intrinsèque (pas d’autre valeur que d’être une
monnaie d’échange). La pudeur, la vertu, le bien
public, l’éducation, le lien avec les morts et le passé,
en même temps que la capacité d’analyse et
d’indignation, tout cela s’étiole, n’est plus posé
comme fondement de civilisation. Et entraîne à la
fois une «sécheresse de cœur», «une aridité
sémantique» et une «stérilité intellectuelle» certaines.
Le constat
C’est à cet endroit que la notion de mépris intéresse
le monde culturel : Renaud Ego, qui a coordonné le
numéro de la Pensée de Midi avec Michel Guérin, le
précise clairement : «la question de la rentabilité de
la culture méprise l’objet même de la culture, qui est
de faire vivre la langue, la pensée, l’art.» Il se traduit
par une relégation des artistes et des auteurs dans les
marges, et un principe d’inattention, puisqu’ils sont
indignes d’attention sociale, étant au mieux des
exceptions.
Constat qui rejoint le combat que Jack Ralite mène
depuis tant d’années ! Le sénateur communiste fit
un bilan terrifiant, à la fois des théâtres «voués à
devenir des entreprises», des droits d’auteur foulés
aux pieds au profit des intérêts des producteurs, et
de la réalité quotidienne de l’assemblée législative.
Selon lui, les lois résultent aujourd’hui de compromis
entre les lobbies, et non d’une réflexion sur la
démocratie et le bien public. L’homme est traité en
variable d’ajustement, tandis que le marché est
présenté comme une constante inaliénable. Sans
alternative. Dans le monde culturel le «Taisez-vous»
s’impose : on appauvrit et méprise les intermittents,
on licencie le directeur de Chaillot sans un mot, on
restreint dangereusement les budgets sous prétexte
de RGPP (Révision Générale des Politiques
Publiques), on s’occupe des programmes, on attaque
En plein Festival
d’Avignon et le
jour de la Fête
Nationale, la
Pensée de midi
avait invité les
artistes de la
région, et en
particulier ceux du
spectacle vivant, à
assister et
participer à un
débat autour de sa
dernière
publication : un
ouvrage collectif
intitulé Le Mépris
(voir Zib 10). Le
débat, inattendu,
fut profondément
fructueux…
les œuvres, et le Président trouve «anormal de
s’emmerder à la Comédie Française» (il a parfaitement
le droit de s’ennuyer au théâtre, mais pas de trouver
cela anormal : le chef de l’État n’a pas à décider de
la norme culturelle, surtout lorsqu’il «s’emmerde»
devant du Lagarce mais fête son élection avec
Johnny et Mireille Mathieu, et brandit le disque de sa
femme sur le parvis de l’Elysée).
Les propos de Jack Ralite rejoignaient ainsi ceux
d’Alain Hayot, qui avait introduit la rencontre : le
Vice Président de la Région PACA, délégué à la
culture, expliqua pourquoi il était là, et pourquoi la
Région s’intéressait ainsi aux débats d’idées. Selon
lui il est urgent de mettre en débat les politiques
publiques. Car le désengagement de l’État n’est pas
dû à un pragmatisme financier, à une simple courte
vue, à un aveuglement : il est politique, et relève
d’une volonté très consciente d’exclure les enjeux
culturels du champ d’action de l’État.
Les remèdes
Le «comment résister» souleva bien sûr des
problèmes : si chacun était d’accord pour lutter,
dialoguer, penser la culture, les remèdes envisagés
semblaient différents. Jack Ralite proposa de s’en
référer non aux intellectuels organiques (ceux qui
passent à la télé) mais «de se fier, éperdument, aux
experts du quotidien» (ceux qui font les choses dans
le réel). Michel Guérin parla de restaurer l’humanité,
la «considération», de combattre le narcissisme, et
présenta l’art, «forcément généreux», comme un
contrepoison à la «sécheresse de cœur».
C’est alors que les artistes commencèrent à prendre
la parole. Claire Lasne d’abord, qui participait au
débat. La metteur en scène semblait illustrer, par sa
posture même, les propos sur l’endroit où se tiennent
les artistes. Directrice d’un Centre Dramatique
National, invitée du Festival d’Avignon pour sa
Mouette, elle apparaissait pourtant d’emblée comme
marginale : fumant cigarette sur cigarette, gagnée
par l’émotion, quittant par instants la salle, et
impliquant sa propre histoire, personnelle,
douloureuse, dans le débat d’idée. Et levant quelques
lièvres.
Elle nota bien sûr que le geste artistique n’est pas
forcément généreux. Que le mépris a envahi le
monde de la création. Que celle qui existe
aujourd’hui, parce que les moyens lui en sont donnés,
ne fait pas vraiment dans la générosité. Que les
artistes se méprisent énormément entre eux. Plus
qu’ailleurs. Et méprisent à leur tour les techniciens,
ou les administratifs, les médiateurs culturels. Qu’en
tant que femme et artiste, elle est victime depuis
toujours d’une double condescendance, qu’elle
combat en surjouant sa fragilité, ce qui est pour elle un moyen efficace et
amusant de transformer le mépris des hommes de pouvoir en une sorte de
paternalisme bienveillant…
Elle affirma également que le pouvoir de décision, qui orientait les choix
culturels, n’était plus du tout dans les mains des artistes, mais des
programmateurs ou des politiques. Qui se sont approprié l’argent, détiennent
la vérité et se foutent du public. Propos relevés par Jean-Michel Grémillet,
directeur de la Scène Nationale de Cavaillon présent dans la salle, qui affirma
que les programmateurs passaient leur vie à se battre pour les artistes, et ne
s’appropriaient rien…
Françoise Chatôt, directrice du Gyptis (Marseille), intervint aussi dans le
débat, confirmant que les artistes se sentent «ramenés à l’état de choses
ridicules», mais que «Sarkozy n’a fait que cristalliser un esprit ambiant». Que le
fait même d’avoir régulièrement à solliciter des subventions met les artistes
dans la position d’être méprisés. Elle releva que tout le système repose sur des
inféodations aux collectivités territoriales ou aux programmateurs, et des mises
en concurrence entre les artistes.
À cela Alain Hayot, concerné au premier chef, répondit que la décentralisation
amenait malheureusement les collectivités à être les relais de la politique
gouvernementale. Que le candidat Nicolas Sarkozy avait pour projet de
supprimer le ministère de la Culture, et que le Président n’y avait sans doute
pas totalement renoncé… et qu’il n’y avait que deux positions possibles : soit
composer avec la politique de l’État, l’appliquer en corrigeant au mieux ses
erreurs, soit rompre et s’installer dans la radicalité. Et qu’avant cela il fallait
penser, réfléchir à une ambition commune pour éviter justement la
concurrence…
D’autres questions
Dans le jardin du cloître Saint Louis, en parlant avec les artistes après le débat,
d’autres questions surgirent. D’abord, on se demanda si le monde culturel, qui
aime tant les Ors des Cours et pratique le népotisme sans état d’âme (le nombre
de fils d’artistes dans le monde culturel est impressionnant) n’en était pas
resté à un modèle d’ancien régime, avec cascade de mépris et hiérarchie quasi
immanente…
Plus sérieusement, on releva les marques du mépris que chacun pratique. La
violence de certains regards, quand les artistes (plutôt les vieux) sont traités
de ringards, quand d’autres (plutôt les jeunes) sont jugés naïfs, quand ceux qui
prennent des risques, s’emparent des textes à bras le corps ou sortent des
répertoires entendus, sont accusés de faire des concessions au public, de
sacrifier à la lisibilité… Et chacun avoua sans peine que, pour ne pas être
victime de ces mépris qui sont les premiers symptômes d’une mort culturelle
programmée (puisqu’ils précèdent la suppression des subventions), il avait
parfois sacrifié au goût du jour, et cherché à faire entrer ses créations dans les
cadres imposés de politiques culturelles qui ne correspondaient pas à son
propos…
Et finalement on en conclut que tous les intervenants avaient eu raison : Michel
Guérin d’en appeler aux valeurs humaines et à l’art généreux, Claire Lasne de
réclamer que le pouvoir soit redonné aux artistes, Alain Hayot de faire
confiance à la résistance intérieure et au débat public, et Françoise Chatôt de
refuser la mise en concurrence. Effectivement il s’agit bien, de façon vitale
pour les artistes, d’en finir avec la soumission, et d’agir ensemble, en cessant
de se servir des querelles esthétiques pour céder au narcissisme et se permettre
de mépriser l’autre.
AGNÈS FRESCHEL
08
THÉÂTRE
FESTIVAL D’AVIGNON
Maître enchanteur
Voilà bien longtemps que l’iconoclaste Heiner
Goebbels ne se limite pas à composer avec des
sons. De son étroite collaboration avec quelques
grands noms du théâtre (à commencer par Heiner
Müller), il a acquis la conviction que l’écriture
dramatique ne réside pas seulement dans les mots,
mais relève d’un savant agencement de matériaux.
Homme de spectacle, il n’a de cesse d’inverser la
tendance qui, trop souvent, confine la musique au
simple rôle de bande-son. Plus que toute autre, sa
dernière création, Stifters Dinge, repose sur la volonté
de faire du sonore la pierre angulaire de la
représentation. Sur scène, pas de chanteur, de
musicien ou de comédien, mais des choses -dinge
en allemand- qui se mettent en mouvement dans un
envoûtant ballet mécanique. Une fascinante partition
emmenée, entre autres, par cinq pianos désossés,
actionnés par d’invisibles mains. Un flot de sons,
d’images et de mots où les chants colombiens
croisent le concerto en fa majeur de Bach, où la
misanthropie avouée de Lévi-Strauss dialogue avec la
peinture du Quattrocento italien comme avec la
chimie d’aujourd’hui. Au travers d’un geste d’une
belle radicalité qui s’en remet à la puissance
évocatrice d’un paysage tout à la fois pictural, sociétal
et sonore, Goebbels nous invite à la contemplation,
si chère à l’écrivain romantique Adalbert Stifter.
Philosophe tout autant que magicien, il laisse
affleurer la multiplicité des choses, se gardant bien de
donner des clés d’interprétation. Voyage pour les
sens ou éveil des consciences face à une nature
malmenée par l’homme, Stifters Dinge s’interprète
donc librement. Désigné «maître des choses», c’est
au spectateur que revient le plaisir de les ordonner,
de les ré-agencer, à son gré, selon son imagination,
selon sa sensibilité. Pour une des plus réjouissantes
expériences qu’il ait été donné d’éprouver lors de la
dernière édition du festival d’Avignon.
LAURENCE PEREZ
Stifters Dinge a été présenté du 6 au 14 juillet à
la Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon
© Mario del Curto
Tueras, tueras pas…
Advienne que dira
Les metteurs en scène qui osent
réellement affronter la Cour d’Honneur
sont peu nombreux. Même dans sa
configuration actuelle, plus facile que
les précédentes, les spectateurs les
plus éloignés sont difficiles à atteindre,
la scène impossible à occuper et
délicate à éclairer, le mur du lointain
imposant, le vent imprévisible.
Certains,
des
chorégraphes,
Castellucci, parviennent à y fabriquer
des images plus ou moins belles. Y dire
un texte, y jouer à la bonne échelle
sans transformer la cérémonie
théâtrale en une vidéo transmission
relève de l’exploit.
Ostermeier a, sans conteste, réussi ce
pari-là. Son Hamlet, porté par de
magnifiques comédiens, transcende
Shakespeare sans le trahir. Il laisse
enfin entendre le baroque flamboyant
du texte, la folie et les atermoiements
d’un prince dont on ne sait jamais ce
qu’il veut, sinon plonger dans la terre, la
boue, la mort. Se dessine alors le
portrait d’un Hamlet psychotique, qui
perd le sentiment du réel, bloqué,
arrêté à cette scène primitive qu’il
ressasse et ne parvient jamais à
dépasser. Car Ostermeier donne une
réelle interprétation, subjective mais
cohérente, de la tragédie, sans trahir le
En montant Ordet (La Parole), la pièce
célèbre du dramaturge danois Kaj
Munk, le metteur en scène Arthur
Nauzyciel prenait le risque de
confronter sa lecture aux images
inoubliées du film austère et
flamboyant de Carl Dreyer ; de fait, il
réussit magistralement à rendre au
théâtre ce qui lui appartient en propre
et d’évidence : la parole (et non le
Verbe...), indissociable de son
incarnation grâce en partie à la
traduction «pleine bouche» de Marie
Darrieussecq. Tout concourt sur scène
à la quête de la résurrection, depuis
l’étrange fond de scène peint d’Éric
Vigner, marais du Nord aux vastes
horizons, espace mental que l’on
imagine propice à l’engloutissement
des âmes, jusqu’à la déambulation
inspirée des chanteurs de l’ensemble
Organum qui tire le souffle des
profondeurs... Les acteurs, dans la
plénitude et la rusticité première de
leurs corps habités, semblent glisser et
aussi prendre racine (formidable
apparition de Pascal Greggory en
savates de fragile patriarche) sur le
plateau luisant, vernis que n’habille
qu’un mystérieux et métallique bec
d’oiseau -figure de proue, refuge de
«l’illuminé» de la famille, d’où naîtra la
texte, mais en imposant sa lecture.
Tous les écarts avec la lettre y sont
justifiés : que la mère et la fiancée
aient le même visage, qu’Hamlet ait du
ventre et semble un bébé mou, que la
Reine chantonne du Carla Bruni, que la
Cour s’habille comme dans les
Parrains, parle vernaculaire, se
complaise dans les déchets et la boue,
et n’ait jamais conscience de
l’épaisseur du temps. La scénographie
(un peu lourde ?) rendait clairement
cette confusion des espaces mentaux
et réels, extérieurs et intimes, publics
et dramaturgiques ; comme si Hamlet,
comédien de son propre destin, ne
parvenait pas à différencier le lit de sa
mère et la tombe de son père, la pièce
qu’il joue pour révéler la vérité et la
mise en scène de sa propre mort, ses
spectres et les personnes réelles
autour de lui, qu’il manipule comme
des personnages.
Une mise en scène passionnante, qui
réactive un des plus grands textes
dramatiques de l’histoire.
AGNÈS FRESCHEL
Hamlet a été créé dans la Cour
d’Honneur du 16 au 20 juillet
parole d’amour qui brisera la glace d’un
univers figé dans les querelles
religieuses... Un silence de cristal face
au cercueil dressé de la jeune mère
morte en couches, respiration légère
et retenue du public, accompagne le
miracle / simulacre sans plus de
manières : il suffitsimplement de le voir
pour y croire...
MARIE-JO DHÔ
Ordet de Kaj Munk, adapté par Marie
Darrieussecq et mis en scène par
Arthur Nauzyciel a été donné au
Cloître des Carmes du 5 au 15 juillet
© Christophe Raynaud de Lage
09
Qui veut faire l’ange...
Olivier Dubois longuement sollicité par la presse
avant sa prestation avignonnaise (qui n’a pas eu sous
les yeux la troublante photo de l’homme en chemise
blanche tenant à pleines mains ses cornes de grand
bouc hurlant ?) a tenu des discours singulièrement
vertueux sur son projet polymorphe de recréation de
la chorégraphie mythique de L’après-midi d’un Faune
de Vaslav Nijinski : «je danse pour questionner et
défendre une réflexion» ou bien «je me fais
historique»...
L’homme est un danseur atypique, au corps lourd et
fort sensuel, à l’œil brillant, vif, gourmand, goguenard.
Il a travaillé avec Jan Fabre ou Angelin Preljocaj mais
l’entreprise ici se veut plus singulière même s’il s’agit
de faire le faune au pluriel. Quand, au terme de son
quatrième solo, Dubois, nu dans sa fragile
corpulence, salue le public comme un écorché au
creux d’une mer de fourrures qui déferle des
coulisses, à qui ou à quoi s’adressent sifflets, huées,
applaudissements vigoureux (rares) ou sourires
narquois (spectateurs avisés) ?
Au court métrage de Christophe Honoré qui poursuit,
en noir et blanc, chants d’oiseaux et bruissements
de feuillages, les plates tribulations d’un amateur de
chair fraîche (Animal1) réduit à une traditionnelle
masturbation après défection de l’objet du désir ? La
partie de tennis des Vacances de M.Hulot est
nettement plus perverse...
À la doucement réussie reprise du ballet fondateur
(animal 2) où la toile peinte de Bakst remplace
avantageusement l’écran de cinéma et où Mallarmé,
Debussy et Nijinski justifient le tout petit saut dans le
vide de notre pesant danseur ?
À l’extravagant et cornant tableau imaginé par la
metteure en scène Sophie Pérez qui laisse traîner en
longueur l’agonie d’un loup chassant chassé pauvre
de lui (animal 3) ?
À la somnolente provocation gélatineuse de fesses
tressautant de plaisir dans un monde de portemanteaux de fourrure (animal 4) ?
On ne sait... Reste la troublante impression en fin de
compte que dans cette succession de sketches mal
embouchés, Bambi a benoîtement triomphé du
satyre !!!
M.-J. D.
Faune(s) a été donné au Cloître des Célestins
du 6 au 13 juillet
Un cœur simple
Il est 14 h 52 mn, le 8 juillet à Avignon ;
sur la scène, la pendule marque la
même heure dans une cuisine de
Léningrad, au début des années 40 ;
on respire le même air rigoureusement
russe dans le reste de l’appartement
ouvert à la curiosité des spectateurs
qui commentent la précision
hypervériste
de
ce
décor
minutieusement évocateur... Avant
même le début du spectacle, la
nostalgie attachée à la brocante a déjà
produit son effet !
À 15 heures, deux immenses corps
(Dieu que les Lettons sont grands) font
irruption sur scène après avoir
crocheté la serrure de la porte d’entrée
et, tels des ours qui viendraient chez
Boucle d’Or, viennent occuper par
effraction cet espace d’un autre
temps. Saisis eux-mêmes par la force
d’âme des objets qu’ils sont sur le
point de chaparder, les deux voleurs
vont rêver ou plutôt jouer l’histoire de
l’ancienne maîtresse des lieux,
l’humble et souveraine Sonia...
Alvis Hermanis, metteur en scène et
directeur du théâtre de Riga a choisi un
couple d’acteurs étonnants, au
physique massif et aux yeux clairs,
sortis tout droit du cinéma muet et de
la pantomime (bouleversant interprète
du rôle de Sonia) ou de la vraie vie (le
narrateur/meneur de jeu est
technicien de théâtre) pour incarner
les personnages de la nouvelle de
Tatiana Tolstaïa. La résurrection de
Sonia et de sa triste aventure (la vieille
fille au cœur tendre sera victime d’une
farce, d’un complot épistolaire monté
par quelques ricaneurs de son
entourage) s’accomplit à travers
chansons désuètes crachotées par le
phono et de scènes commentées par
un glouton barbouillé de chocolat. Les
tableaux se succèdent : Sonia prépare
un poulet à rôtir de ses paluches
expertes ou un gâteau avec une
dextérité pâtissière à couper le
souffle / Sonia berce ses poupées /
Sonia stupéfaite reçoit sa première
lettre d’amour frelatée avec myosotis/
Sonia regarde par la fenêtre dans le
ciel de Leningrad l’étoile de la passion
partagée / Sonia vole au secours de
son «bien aimé» dans un ultime
sacrifice...
Le burlesque est bien là, dans le jeu
caoutchouteux et minutieusement
réglé des deux comparses ; la tragédie
aussi tout de guingois. Rires et larmes,
reniflements des voisins et pas
seulement à cause de l’odeur âcre
dégagée par la décoction de tapisserie
(un peu d’amidon pour ne pas mourir
de faim) : tout est vrai, va droit au
cœur, la langue russe distille sa dose
d’émotion. Et pourtant, quand la porte
se referme sur ces deux cambrioleurs
du souvenir que reste-il ? Le sentiment
un peu frustrant d’avoir assisté à un
numéro d’acteurs virtuoses dont la
réelle présence, trop immédiate peutêtre, se consume dans l’éphémère de
la représentation.
M.-J. D.
Sonia de Tatiana Tolstaïa adapté et
mis en scène par Alvis Hermanis a
été présenté à la Salle Benoît XII du 5
au 9 juillet
Sonia © Gints Malderis
10
THÉÂTRE
AVIGNON OFF
Pourquoi mon Dieu ?
Gérad Gélas a mis en scène le roman
de Saphia Azzeddine Confidences à
Allah. Une première oeuvre d’une force
peu commune, monologue intérieur
d’une algérienne misérable, alliant une
violente crudité langagière à l’évocation
d’une vie terrible, transcendée
heureusement par une force vitale
exceptionnelle. Alice Belaïdi, une jeune
comédienne étonnante, incarne seule en
scène la jeune bergère infanticide, et
amène dans les cercles d’enfers
nauséabonds : ceux des diverses
prostitutions qu’elle traverse. Bestiale,
forcée, assumée, dominante, hypocrite,
sa sexualité est toujours décrite comme
l’unique moyen de survivre à la violence
d’un monde où s’offrir est interdit, mais
où le désir des hommes est
incontournable : Jbara doit en passer par
là en baissant la tête, en fermant les yeux
© Manuel Pascual
et en bouchant ses narines.
La mise en scène de Gélas, discrète,
permet à la comédienne de donner à voir
l’évolution de la jeune femme, perdue,
meurtrie, soumise, dans les divers lieux
qu’elle traverse, et qui sont symbolisés
simplement par quelques accessoires.
Un bémol cependant, non négligeable :
la forme de la prière, efficace
littérairement puisqu’elle permet une
adresse évidente à un interlocuteur
absent, (et muet quoique omnipotent),
devient franchement gênante à la fin du
roman quand elle aboutit à la soumission
du personnage, et à son renoncement à
la liberté. Sur scène la tendresse envers
l’imam polygame est encore plus
palpable et la génuflexion laisse un goût
amer : les bondieuseries musulmanes ne
sont pas plus légitimes que les
catholiques.
AGNÈS FRESCHEL
Confidences à Allah a été créé
au Chêne Noir du 5 au 27 juillet
Plaisanterie fine
Ils pourraient sans mal se revendiquer de
Dada ou de Queneau, mais préfèrent
cultiver leur style, décalé et bien à eux.
Chacune de leur apparition est un objet
scénique non identifié qui entraîne le
spectateur dans une réjouissante
gymnastique de l’esprit, une stupéfiante
mécanique de situations et de mots, à
en tomber littéralement accro. Avec
Panorama commenté, François Hiffler,
Pascale Murtin et Bettina Atala, tiercé
gagnant de la compagnie Grand
Magasin, nous invitent à observer le
monde via une grille de lecture de leur
cru. Telles des sentinelles aux aguets,
nous voilà scrutant le paysage au travers
de la baie plastifiée d’une toile de tente
un brin surdimensionnée. Hautement
improbable et résolument low-tech, un
tableau lumineux recense les
événements qui se déroulent sous nos
yeux. Et soudain, l’incroyable survient :
aidée par l’intervention malicieuse de
quelques collaborateurs dispersés sur le
site, l’activité en apparence désordonnée
du monde s’avère, une fois traduite sur
ledit tableau, obéir à un magique principe
de symétrie ! Une logique tout à la fois
implacable et carrément loufoque qui,
sous le couvert de l’humour, égratigne
les schémas de pensée qui tendraient à
tout rationaliser, à tout faire entrer dans
des cases, histoire d’en finir avec ce(ux)
qui sort(ent) du rang. Parti du petit bout
de la lorgnette, ce commentaire de
panorama offre ainsi un savoureux point
de vue sur le monde. Inattendu, et
drôlement pertinent !
LAURENCE PEREZ
Historique
Ils sont déjà sur scène, ombres
discrètes qui s’agitent derrière un drap
blanc, légèrement inquiétants, tandis
que l’orchestre patiente dans un coin.
Qui sont-ils ? Certainement les malades
mentaux qui attendent qu’on leur
raconte l’histoire du communisme.
Moscou, 1953, ambiance hôpital
psychiatrique. À la veille de la mort
de Staline, un écrivain russe est chargé
de transmettre aux malades l’idéologie
communiste. Dans ce grand centre
d’expérimentation de l’humain
qu’est cet hôpital baigné d’une lumière
glauque, Victor Quezada-Perez
offre une mise en scène outrée,
transcendant le texte de Matéi
Visniec en langage clownesque,
absurde et délibérément grinçant.
Les acteurs/acrobates de la Cie
Umbral ne laissent aux spectateurs
aucune minute de répit, rythmant
d’un rock électro-acoustique
les reprises des hymnes populaires
des Chœurs de l’Armée Rouge.
D.M.
Panorama commenté, observation
publique d’un paysage par Grand
Magasin, a été présenté
du 12 au 14 juillet dans le cadre
du Festival Contre courant
de la CCAS à l’île de la Barthelasse,
Avignon
Histoire du communisme racontée
pour des malades mentaux a été joué
du 10 juillet au 2 août
au Collège de la Salle
Justes ou Terroristes ?
Diastème, qui vient de sortir son premier long métrage
(voir Zib 10), rêvait depuis vingt ans de mettre en scène
Les Justes, pièce écrite par Albert Camus à partir d’un
fait réel, l’attentat commis à Moscou en 1905 sur le
Grand Duc, l’oncle du Tsar… pièce représentée pour la
première fois en 1949.
Du 5 au 27 juillet, il en a proposé une mise en scène au
Chêne Noir à Avignon. On retrouve dans la pièce trois
des acteurs du film Le Bruit des gens autour.
Frédéric Andrau, excellent Yanek que jouait Serge
Reggiani à la création de la pièce. Tour à tour grave,
fragile et fort, il sait remarquablement traduire les doutes
puis la détermination de son personnage. Face à lui,
Dora -Jeanne Rosa, dont le jeu un peu hésitant au
début, se libère dès le deuxième acte, pour la
transformer en une magnifique héroïne tragique- et
Stepan, l’irréductible, à qui Jean-Edouard Boziak prête
une remarquable énergie, faisant vibrer son personnage
de révolutionnaire sans état d’âme de toute la douleur
subie en prison, comme si chaque coup de fouet reçu
l’avait vidé de son humanité. Seule Linh Dan est peu
convaincante dans le rôle de la grande Duchesse qui
veut faire se repentir Yanek.
© Mathieu Morelle
La sobriété de la mise en scène donne au début du
spectacle l’impression d’une succession de tableaux
presque figés : décor réduit au minimum, jeu des
acteurs hiératique, conférant à l’ensemble un rythme
très lent. Mais peu à peu, le spectateur est gagné par la
puissance du texte, la course à la mort des
personnages, l’histoire d’amour tragique entre Dora et
Yanek, l’engrenage infernal, et la cadence s’accélère
jusqu’au point d’orgue de l’image finale : Dora, résignée,
soufflant une à une les bougies et rendant ainsi l’espace
à l’obscurité, laissant le spectateur en tête à tête avec
son questionnement sur le terrorisme, la justice,
l’oppression, le sacrifice.
ANNIE GAVA ET DOMINIQUE HIGEL
Les Justes
a été jouée au Chêne Noir
du 5 au 27 juillet
11
Tous
en cœur
Installés sur les gradins de la Posada,
posée dans la cour du Collège de la
Salle, les spectateurs zieutent les décors.
Quelques tables rondes occupées au
centre, des caisses, et un orchestre qui
patiente. Et ça déboule de tous côtés, en
marcels blancs, visages poudrés,
bretelles de rigueur ou robes affriolantes.
Girel, Pénible, Toinet, Francine, Margot,
Malou, la tante Clarisse (ah ! la tante
clarisse)… ils sont tous là les
personnages de Vincent Scotto, jouant
et chantant les succès de l’opérette avec
entrain, transformant un Petit Cabanon,
les Pescadous, le Plus beau de tous les
tangos du monde ou le Cane cane
Canebière en airs jazzy que reprend le
public entraîné. Un dépoussiérage du
texte bienvenu, une mise en scène
survoltée de Fred Muhl, le jeu plus que
convaincant
des
formidables
comédiens… pari réussi pour une troupe
des Carboni en grande forme !
D.M.
Un de la Canebière a été joué,
dansé et chanté du 10 juillet au 2 août
au Collège de la Salle
Effet loupe
Elles s’appellent Georgia, Margaret,
Brenda, Frances et Julia, sont
américaines et redoutables. Toutes cinq
habillées de la même robe immonde
couleur pêche dont nous ne voyons
d’abord pas grand chose. Ce sont les
visages qui frappent, car rien n’apparaît
sinon les masques grimaçants des
actrices maquillées à outrance dans un
décor vertical où niches et trappes
montrent autant qu’elles suggèrent. Des
visages de baby doll, mais version trash.
Car ces demoiselles sont d’honneur, au
mariage d’une des leurs, et quel plus
grand plaisir que de médire à tout va,
s’apitoyer sur soi-même, dézinguer les
autres -les hommes surtout-, et
finalement s’apercevoir que la quête du
bonheur est souvent vaine. La pièce
d’Alan Ball, scénariste remarqué
d’American Beauty et créateur de
l’excellente série Six Feet Under, aurait
pu être plus acide, un brin plus caustique
et dérangeante. Qu’importe ! La mise en
scène de Marie-Laure Malric, ainsi que
la scénographie et les costumes
d’Adeline Caron accentuent la
dynamique visuelle et permettent aux
(excellentes) actrices, véritables
marionnettes humaines, d’appuyer le
© Jean-Paul Lozouet
trait jusqu’à la caricature. Elles se
régalent, dessinant la trame d’une
Amérique oscillant entre puritanisme et
décadence.
D.M.
Cinq filles couleur pêche a été donné
du 10 juillet au 2 août
au Théâtre de l’Etincelle.
À voir également au Théâtre Toursky
les 17 et 18 octobre (voir page 16)
Belge et drôle
© X-D.R
Dernier jour et dernière représentation ce soir-là au
Théâtre des Doms, haut lieu de la culture belge à
Avignon. Sur scène un duo bruxellois déjanté, Eno
Krojanker et Hervé Piron. Deux artistes qui vont tester
les résistances et les limites du rapport
comédiens/spectateurs au cours d’un petit déjeuner
orageux un soir de carnaval. Autant laisser le titre de
côté, c’est une bizarrerie de plus. Car ces deux-là vont
les accumuler, débutant par un simulacre de repas qui
se termine dans le sang (de cerise) ; ce pourrait être un
début et une fin en soi. Mais le propos prend de
l’ampleur lorsque les deux compères se mettent à suivre
à la lettre les indications enregistrées sur cassette d’un
mystérieux admirateur, reçue le jour-même. Foin des
conventions lorsqu’il s’agira de jouer, à la demande
donc, Don Quichotte (désopilant), la Mouette de
Tchekhov avec l’aide d’une spectatrice ou
l’ébahissement devant un ciel étoilé. Tout est habilement
orchestré, et le public séduit et hilare !
Baroque
Abolir les tracas… Avouez que l’idée à de
quoi séduire. Surtout lorsque l’auteur du
texte s’appelle Fred Vargas, et que l’on
s’apprête donc à se débarrasser (pas
tout de suite, il y a une méthode, ou du
moins des astuces) des «menus
emmerdements de l’existence». Au
nombre desquels l’Amour, la Guerre, la
Religion, le Sens de la vie, le Librearbitre… À l’origine de L’Abolition des
tracas, deux ouvrages, Petit traité de
toutes les vérités sur l’existence (2001) et
Critique de l’anxiété pure (2003), que
l’auteure a «écrit pour rire» et qu’elle a
donné «pour rire» à son amie réalisatrice
et metteure en scène Lulu Menase. On
retrouve avec bonheur l’univers de Fred
Vargas, ses mots et jeux de mots, qui
dérident et font réfléchir le public
complice qui participe à ce long voyage
introspectif et poétique. Portée par une
mise en scène un peu répétitive parfois,
Oriane Littardi est seule sur scène,
plantée dans un décor de chantier
archéologique conçu par Jo Vargas,
peintre décoratrice et sœur jumelle de
Fred ; elle s’empare du texte et se
l’approprie, envoyant promener d’un
geste large «les économistes surfins» qui
l’emmerdent, élaborant au fil de
savoureuses digressions la méthode
«scientifique» de l’éradication des
fameux tracas. Un bon conseil, jetez
donc aux oubliettes votre «mallette à
outils de pressions» !
DOMINIQUE MARÇON
D.M.
Petit déjeuner orageux un soir d’orage
a été joué du 7 au 27 juillet
au Théâtre des Doms
L’Abolition des tracas s’est joué
du 10 au 21 juillet
aux Ateliers d’Amphoux
12
THÉÂTRE
AVIGNON OFF | FESTIVAL DE MARSEILLE | INFORMELLES
Résistance sans majuscule
© A.G.
«Résister, c’est encore exister !», c’est ce que confie
un des nombreux personnages, la «démoralisatrice»
de soldats allemands, femme de ménage à la
caserne, qui pleure au son d’une chanson de Fréhel
son amour perdu, tué par les boches.
Le spectacle est né de témoignages authentiques,
illustrant les petits actes de résistance, pendant
l’Occupation, de toute une foule d’obscurs héros qui
ont, un jour, mis leur courage en acte. La mise en
scène d’Isabelle Starkier, rigoureuse et inventive,
réussit le tour de force d’allier un rythme très soutenu
Parmi tout ce que propose le Off à Avignon, le
Nautilus est une expérience un peu particulière par
La Compagnie des Trois Temps : deux personnes,
au maximum, peuvent assister à une représentation…
dans un camion Peugeot des années 60. Un
monologue que le spectateur (ou les deux
spectateurs) choisit sur une carte, comme au
restaurant !
Les dix textes proposés ont été écrits par des auteurs
contemporains, de Laurent Gaudé à Josiane
Balasko, de Gérard Watkins à Camille Laurens et
sont interprétés en alternance par deux
comédiennes, Maud Ivanoff et Emilie Wiest. Le
choix du spectacle est difficile et dans la cour du
Collège de la Salle, à l’ombre des grands arbres,
vous guettez la sortie du spectateur précédent pour
tenter de connaître la tonalité, l’ambiance du «mets»
choisi.
J’ai opté pour Repas dominical de Nicole Sigal. Après
avoir marché sur le tapis rouge qui mène au plus petit
théâtre du monde, je me suis retrouvée devant un
écran de tulle, face à la comédienne qui dit ce texte
grinçant, corrosif, sur les rapports familiaux et j’ai
pensé à tous ces dimanches en famille qui n’étaient
pas de tout repos !!! Il est vrai qu’avec un titre pareil,
il fallait s’y attendre ! On m’a dit que d’autres
monologues étaient plus légers et plus drôles…
DOMINIQUE HIGEL ET ANNIE GAVA
A.G.
Résister c’est Exister a été joué au Collège de la salle
du 10 juillet au 2 août.
Flux d’inconscience
Il y eut très peu de théâtre durant le Festival de
Marseille. Peu de mots, de paroles, et pas de
débats. Aussi la reprise de Mon Képi Blanc à
Montévidéo résonna-t-elle comme une respiration
bienvenue. Mais paradoxale, le monologue étant
sacrément étouffant. Le texte de Sonia Chambretto
est un soliloque intérieur, flux de conscience, mais de
© X-D.R
Pour moi seule
à la précision d’un mécanisme d’horlogerie. Le
comédien François Bourcier incarne ainsi tour à
tour une vingtaine de personnages, se glissant
littéralement en chacun d’eux grâce à une ingénieuse
scénographie. Tour à tour grave, drôle, grinçant, triste,
désespéré, il endosse les costumes, suspendus sur
scène à des chaînes, d’hommes et de femmes,
célèbres ou inconnus, résistants ou justes, qui ont dit
NON !
En quelques secondes surgissent une silhouette, une
gestuelle, une voix, émouvantes, précises. Un jeune
homme qui va être fusillé écrit à sa mère. Une gueule
noire en grève rompt avec le Parti. Une mère raconte
à sa fille l’histoire des voleurs d’étoiles. Un proviseur
sauve un élève de seconde D. Le Colonel Fabien,
déguisé en curé, se désespère, avant de le tuer,
devant un jeune aspirant allemand qui lui a souri.
Joseph Kessel téléphone à André Malraux. La
Roumaine Olga, dite Pierrette, la seule femme du
groupe Manouchian, et même le Führer affublé d’un
nez de clown, déambulent sous nos yeux.
Les témoignages s’enchaînent, vivants et multiples
pendant près d’une heure et demie, avec la même
énergie. Dans ce kaléidoscope de scènes, la place
est également faite aux résistances d’aujourd’hui,
aussi nécessaires et quotidiennes : «Résister
aujourd’hui, c’est s’opposer le jour de la rentrée des
classes, le 2 septembre 2008, à l’expulsion des
familles de sans papiers.»
conscience amoindrie. Matée, mortifiée, laminée.
Celle d’un légionnaire totalement abruti, qui ressasse
ses obsessions d’ordre où l’autre, le sentiment, la
sensation même n’ont aucune place. Abruti parce
que légionnaire, légionnaire parce qu’abruti ? On n’en
saura rien, et l’interprétation brutale de Manuel
Vallade ne nous en dit pas plus : buté, enfermé dans
un espace clos comme une cellule, inutilement
amplifié, dupliqué, son discours apparaît comme un
modèle de vacuité terrifiant. Où le «on» devient le
sujet pensant, où le «je» disparaît dans sa masse
impersonnelle, qui s’oppose à une non moins
informe, mais ennemie, région du «eux».
Hubert Colas mettra à nouveau en scène un texte
de Sonia Chambretto : ne manquez pas Chto, à La
Criée (voir page 18), dans le cadre d’Actoral (voir
page 60).
AGNÈS FRESCHEL
Mon Képi Blanc a été joué à Montévidéo dans le cadre
du Festival de Marseille du 8 au 11 juillet
Le Nautilus est resté garé
dans la cour du Collège de la salle
du10 juillet au 20 août.
© A.G
13
Petite(s) forme(s),
grand format !
Chapeau les tchèques !
© Thomas Fourneau
Surtout ne pas craindre la frustration :
le plan-programme distribué à l’entrée
de l’allée centrale et l’accueil joliment
sémaphorique de Mireille Guerre préviennent le chaland : «Vous ne verrez
pas tout». Plus de 20 propositions de
spectacles occupent le site monumental de l’École de la 2e Chance et
l’aventure ne peut être que zigzagante,
voire en dents de scie.
De part et d’autre d’une rue intérieure
fort animée (de petits groupes de
spectateurs légèrement inquiets et
titillés dans leur sentiment géographique s’y croisent et s’interpellent en
faisant sonner des titres fort prometteurs : Petites Danses de Pleurs ? Loin
des Équilibres ? Allons où nos pas nous
mènent.. ! ) se tiennent, se dressent,
se déroulent, se défont, s’effilochent
parfois au gré des talents et des
réussites, ces moments de travail
élaborés en une semaine environ dans
des espaces qui ne se laissent pas
forcément apprivoiser...
La rencontre n’a pas toujours lieu. Et si
Alain Philippeau réussit à garder
serré contre lui et les Ambassadeurs de
Holbein un public fasciné par le mystère de son érudition errante ; si Carol
Vanni en 7 minutes taille à nu de
gestes et de mots une belle étoffe de
deuil ; si Xavier Marchand dans le
silence du jardin sec de la Coursive 2
orchestre malicieusement un duel de
trilles entre chardonnerets, d’autres (
la faute aux lieux ou aux artistes ?)
peinent à instaurer un lien ou à installer
une forme...
Les voix entrelacées de Sarah Kéryna
et de sa grand-mère ont une justesse
et une fragilité de ton qui s’éventent
dans un fond de cour glacial, la
déploration «éthique» et grandiloquente de Véronique Boutroux et
Bruno Boussagol autour de Tchernobyl est heureusement écrasée (les
murs aussi ont des oreilles !) dans un
goulet obscur et, propos saisi au vol à
la Buvette de la bouche même de la
chorégraphe Olivia Granville déçue
par sa prestation sur le stade, «... avec
tout ce vent, le comique s’est envolé…».
Ainsi, la Fugue Mimique entrait finement en résonance avec l’émouvante
drôlerie du Forza Bastia de Jacques
Tati !!!!
Quant au fameux canot de glace de
Cathy Weyders et Mister Moo,
emblème cette année des travaux
éphémères des Informelles, les
éléments déchaînés dans l’anse de
Maldormé en ont décuplé les effets
spectaculaires : mise à l’eau et autres
périls glissants ont fait fondre de plaisir
le public amassé sur les rochers.
Laissons alors la grand -mère de Sarah
Kéryna tirer le bilan de l’entreprise :
«Les réunions de peuple, c’est très
beau».
MARIE-JO DHÔ
Le Festival des Informelles
s’est tenu le 12 et 13 septembre
à l’École de la deuxième chance
et sur la Corniche Kennedy
Les jeunes danseurs tchèques se
lancent à corps retrouvé dans la chorégraphie, et le Festival de Marseille a
voulu les mettre en lumière.
Expérience initiée l’an dernier et reconduite avec bonheur, annonçant une
collaboration plus étroite dans les
années à venir et saluée par la Saison
culturelle européenne.
La soirée du 9 juillet s’est déroulée
dans le nouveau lieu du Théâtre Nono.
Jan Kodet, proche collaborateur de
Petr Zuska, directeur du Ballet National
de Prague, a présenté 4 danseurs et 4
musiciens qui s’observent, se mélent
dans un spectacle intitulé Kevel.
Retour en enfance : on joue avec des
cerceaux et des balles colorées, on fait
beaucoup de signes avec ses mains et
ses poignets, on ose des déséquilibres
savants, on flirte avec la musique.
L’ensemble est enlevé et frais.
Venait ensuite Dora Ho tov avec
Arcanum. Elle circule au sol entre
ombre et lumière dans un chemin de
petits carrés bleus s’éclairant successivement sur son passage grâce au
travail raffiné de Pascale Bongiovanni;
elle se relache, tombe, se désarticule,dans les saccades de la musique.
Opiniâtre, elle avance jusqu’à l’épuisement et l’obscurité, accompagnée
par la musique répétitive de Éric Cástko.
Fort ! Elle reviendra en 4e partie pour
une chorégraphique complètement
différente : On the perch, où tout se
joue sur et autour d’une chaise. Une
espièglerie bienvenue...
Également chorégraphe et interprète,
Dagmar Chaloupková. Dans son
solo Gradina elle replonge dans des
instants d’avant le désir et la naissance, s’ouvre à la vie et nous entraîne.
Au début, encore, l’obscurité, puis peu
à peu l’offrande...
CHRIS BOURGUE
tcheq’up ! © X-D.R
tcheq’up ! © X-D.R
14
THÉÂTRE
SAISONS
Le bel équilibre
Scène conventionnée dès l’enfance et pour la danse, Pôle
Régional de Développement culturel, Théâtres en Dracénie
annonce une programmation savamment dosée entre
rencontres singulières et talents confirmés
Les grands rendez-vous sont d’ores et
déjà prévus : le Festival des Musiques
Insolentes, toujours dédié aux musiques improvisées, ouvre cette année
avec Le Tigre des platanes, avec les
voix d’Eténèsh Wassié et d’Audrey
Chen (21 octobre) ; le toujours très
attendu festival Amarelles pour le
jeune public qui occupera tout le mois
de janvier : avec notamment la relecture très personnelle du Petit
chaperon rouge de Joël Pommerat,
celle d’Olivier Py pour les Contes de
Grimm ou encore celle d’Estelle
Savasta du conte de Charles Perrault
Seule dans ma peau d’âne ; il y aura
bien sûr Les vents du levant, à cheval sur mars et avril, festival de danse
de grande qualité : Israel Galván, la
Cie Membros (Febre), Abou Lagraa
(D’eux sens) ou encore Sidi Larbi
Cherkaoui (Origine), Montalvo et
Hervieu (La Bossa Fataka de Rameau)
pour ne citer qu’eux ; et un festival de
jazz fin décembre…
Mais la programmation réserve d’autres
belles surprises, et ceci dès la rentrée ;
une création du chorégraphe Franck
Micheletti et la cie Kubilai Khan
Investigations (Geografia, 17 octobre),
l’univers de Jean-Luc Lagarce et ses
Derniers remords avant l’oubli (24
octobre), le cirque de Jambenoix
Mollet et Philippe Eustachon, Le
grand nain (21 novembre), l’alliance
intéressante de Sophie Calle et
Alexandra Tobelaim autour de
Marivaux (La Seconde surprise de
Kubilai Khan Investigations © Laurent Thurin Nal
l’amour, 19 février), Les Variations
Goldberg interprétées par Zhu XiaoMei (16 mai)… La liste est longue, la
saison passionnante, à vous de jouer !
D.M.
Naissance
du Petit
Une offre grandiose
En dehors d’une très belle programmation d’opéras, d’opérettes et de
concerts symphoniques et lyriques
(voir Zib 9), l’Opéra-Théâtre d’Avignon
propose aussi en danse et en théâtre
de quoi se nourrir toute l’année. Côté
danse, Europa Danse débutera en
octobre (le 2) avec le programme
Picasso et la danse, quatre ballets
(Parade, Pulcinella, Mercure et Cuadro
Flamenco) présentés dans les
décors et costumes réalisés d’après
les maquettes originales de Pablo
Picasso, avec le concours de l’École
de Flamenco et du Conservatoire Royal
de Madrid et avec l’accord de Picasso
Administration.
Viendront ensuite les ballets de
l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays
de Vaucluse, avec une chorégraphie
d’Eric Belaud pour La Nuit Transfigurée de Schöenberg, et celle de
Christophe Garcia pour le Concerti
Brandebourgeois n° 2 et 3 de Bach
(en novembre) ; du tango sous la direction musicale de Daniel Binelli avec
Buenos Aires Express Tango (en
novembre) ; la surprenant compagnie
japonaise Sankaï Juku, accueillie dans
le cadre de la 31e édition des Hivernales
(voir page 25) ; Eva Yerbabuena
accompagnée de danseurs, chanteurs,
guitares et percussions dans Santo y
Sena (en avril) et, enfin, les danseurs
énergiques de Celtic Legends (en
juin).
Dans la maison d’opéra le théâtre se
décline à la parisienne, côté privé, avec
de grandes pièces et des comédiens
prestigieux : La Maison du lac d’E.
Thompson avec Danielle Darrieux
et Jean Piat ; Le Temps des cerises de
N. Arestrup avec E. Mitchell et C. de
France ; Good Canary de Z. Helm avec
C. Reali et P. Cassignard ; Biographie
Théâtres en Dracénie
Saison 2008/2009
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
sans Antoinette de M. Frisch avec S.
Testud et T. Lhermitte ; La Vie devant
soi de R. Gary avec M. Boyer dans le
rôle-titre ou encore Mon Père avait
raison de S. Guitry avec les Brasseur
père et fils (ou fils et petit-fils ?)…
La saison s’annonce prestigieuse…
D.M.
Opéra-Théâtre d’Avignon
Saison danse et théâtre
04 90 82 81 42
www.operatheatredavignon.com
Picasso et la danse, Pulcinella © M. Logvinov
Le Foyer du Théâtre Galli se
transforme en théâtre, et met
en place un projet artistique
qui va changer Sanary de ses
habitudes
L’espace, entièrement reconfiguré,
comporte désormais une scène, 80
places assises autour de tables, en
configuration cabaret, un bar, et une
vraie régie équipée : les vrais moyens
d’un théâtre, mais dans une configuration modulable qui permet un
rapport au public différencié. Le lieu
ouvrira le 15 octobre à 19h avec JeanGeorges Tartar(e), détracteur public,
puis avec un Bal à facettes où deux
danseurs et quatre musiciens espèrent
bien faire entrer le public dans leur
danse (à 20h). Puis régulièrement, et
à terme tous les jeudis, l’association
SacréBarnum qui s’occupe de la
programmation proposera des petites
formes spectaculaires, des expos,
des performances, des concerts, du
slam, des cabarets, et des débats et
conférences.
On souhaite donc longue vie au Petit !
A.F.
Le Petit Galli
Sanary-sur-mer (Var)
04 94 88 53 90
16
THÉÂTRE
TOURSKY | LENCHE | BANCS PUBLICS
Le monde
à la porte
Au pays de l’étrange
Des lambeaux noirs dans l'eau du bain © Olivier Marchal
Le Panier serait-il le centre du
monde ? La programmation de
Lenche en ce début de saison est
pléthorique, cosmopolite… mais
sans dispersion ni butinage : les
compagnies invitées s’installent
dans le temps et proposent des
cycles !
Outre le concert d’ouverture (voir page 37) et les
lectures (voir pages 58, 66), les trois petites salles,
en ce début de saison, se partagent le premier cycle
de l’année : le Mini Théâtre, la Friche du Panier et le
Théâtre de Lenche accueillent le Centre
Dramatique de l’Océan Indien du 23 septembre au
4 octobre. Pas moins de trois pièces, une lecture et
une lecture vidéo (jeune public), toutes écrites par
Sébastien Joanniez et mise en scène par Pascal
Papini, qui dirige le Centre Dramatique. Les textes
de Sébastien Joanniez, limpides et simples dans leur
écriture, laissent la parole à d’ordinaires destins
brisés, ou en devenir : un homme qui perd la mémoire
et le sens du réel, un vieillard à l’hospice, un duo de
femmes, un duo d’enfants qui vagabondent…
Dès après ce cycle, à partir du 14 octobre, c’est le
Théâtre algérien qui s’invitera au Panier. En
commençant par un spectacle en arabe, La
Répétition de M’Hamed Benguettaf, qui retrace
avec humour les difficiles conditions de travail d’une
troupe algéroise…
AGNÈS FRESCHEL
Théâtre de Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
D’année en année les Rencontres à l’Échelle
organisée par les Bancs Publics s’étoffent, se
précisent, s’officialisent dans leur esthétique, tout en
gardant la même convivialité, le même goût de
l’accueil. Pour leur troisième édition elles déclineront
16 propositions, presque toutes des créations.
D’autres à bien moins que ça parlent de festival : ici
le terme de Rencontres épouse tout à fait l’esprit de
la manifestation, où ce qui est en jeu est le lien, et
non le spectacle.
À partir du 15 octobre et pendant 11 jours, le thème
des étrangetés, terme qui connote à la fois l’étrange
et l’étranger, sera décliné dans des performances,
des lectures, des installations plastiques, un film
d’animation, de la danse… et même une
«performance conférencée» autour d’une thèse de
Nicolas Ferrier sur le situationnisme. Parmi les
propositions, on retiendra (très subjectivement) celles
de nombreux jeunes artistes de la région : Mélodie
Duchesne organise une performance urbaine sur la
place Cadenet de la Belle de mai, Super Euro, qui
tourne en dérision les symboles de l’échange
marchand ; Jérémy Beschon (Collectif Manifeste
rien) met en question l’apprentissage du langage
écrit, en se demandant comment il modèle nos
êtres ; Marie Lelardoux et Julie Kretzschmar
inventent un personnage féminin, à partir de
fantasmes personnels et de faits réels, comme la
défénestration de cette femme chinoise lors d’un
contrôle d’identité…
Mais, plus globalement, l’intérêt de ces rencontres
est d’aller y passer du temps ; enchaîner plusieurs
propositions courtes, et en discuter ensuite en buvant
un verre : la restauration est prévue, et l’espace est
chaleureux !
AGNÈS FRESCHEL
L C epouse Z de Marie Lepardoux et Julie Kretzschmar © X-D.R
Rencontres à l’Echelle
Du 15 au 25 octobre
Théâtre des Bancs publics
04 91 64 60 00
www.lesbancspublics.com
Tensions nocturnes
Le hall d’un hôtel glauque, dans une ville sans intérêt
sert de décor à la rencontre improbable d’un
réceptionniste ventru, sale, aigri et d’un représentant
en photocopieuse élégant et raffiné. Le décor planté,
les deux protagonistes vont s’affronter dans un drôle
de huis clos, sorte de comédie policière loufoque et
intense servie par deux acteurs impeccables, JeanClaude Dreyfus et Claire Nebout. Génial et
Réception © Stéphane Popu
prolifique auteur marseillais, Serge Valletti a
concocté là un duo détonnant, l’art du dialogue qu’on
lui connaît tressant un habile entrelacs de succulents
jeux de mots, d’effets de surprise et de
rebondissements. Proche de l’univers Vallettien, le
metteur en scène Christophe Correia a su
s’emparer d’une partition qui oscille entre noirceur et
humour, jusqu’au dénouement, ultime facétie d’un
habile stratagème.
DOMINIQUE MARÇON
Réception
Serge Valletti
le 7 octobre
Théâtre la Colonne (Miramas)
04 90 58 37 86
du 9 au 11 octobre
Théâtre Toursky
0 820 300 033
Egalement au Toursky,
Cinq filles couleur pêche (voir p 11).
Si la distribution est légèrement différente,
mise en scène et scénographie sont les mêmes
qu’au Festival Off à Avignon.
18
THÉÂTRE
CRIÉE | GYMNASE | JEU DE PAUME (AIX)
L’intimité des chefs d’État
La Criée ne sera en ses murs que durant un mois… avec
quatre spectacles à ne pas manquer, dont la création de
Jean-Louis Benoit
Cela commence par deux pièces
contemporaines : la première de
Martin Crimp, mise en scène par
Linda Blanchet, Personne ne voit la
vidéo (du 23 au 27 septembre). Il y est
question de l’aliénation d’une jeune
enquêtrice employée par un institut de
sondage, dans la langue grinçante et
drôle, terriblement mimétique du réel,
du dramaturge anglais.
Après cela, dans le cadre d’Actoral
(voir page 60), la criée accueillera la
dernière mise en scène d’Hubert
Colas, CHTO Interdit aux moins de
15 ans, un monologue de Sonia
Chiambretto qui fait partie de la
même trilogie sur la langue intérieure
que Mon Képi blanc (voir page 12).
L’auteur y invente une écriture poétique à dire, qui semble en prise directe
avec la conscience, juste antérieure à
la verbalisation (du 2 au 4 octobre).
Le pouvoir d’État
Puis le Théâtre National entamera une
saison dont le thème central est le
pouvoir. Avec Nicomède, mis en scène
par Brigitte Jaques-Wajeman (du 9 au
26 octobre). La tragédie de Corneille,
qui n’en est pas une puisqu’elle finit
bien, est une pièce où le pouvoir d’État
n’est pas décrit comme un ordre fatal
ou immanent. Nicomède, héritier du
trône de Rome, ne doit pas choisir
entre devoir et désir, pouvoir et justice.
Il essaie, tout au long, de monter sur le
trône pour obtenir un ordre juste… bien
loin du Titus de Racine !
La création de Jean-Louis Benoit
mettra en scène un autre chef d’État.
Il s’agit de De Gaulle durant la crise
de 1968 (du 7 au 31 octobre). Rédigée
essentiellement d’après les extraits du
journal de Jacques Foccart, la pièce
met en scène les erreurs du président,
la peur des ministres, la courte vue de
presque tous, associée à un sens
machiavélique de la manipulation
politique. Jean-Louis Benoit renoue
ainsi avec le théâtre documentaire,
celui qui prend ses mots dans le réel
et les met en scène avec le plus de
vérité possible… Théâtre qu’il avait
beaucoup pratiqué il y a une vingtaine
Photo de repetitions du spectacle de Gaulle en mai © Antoine Benoit
d’années (Une nuit à l’Élysée 1998, Les
Vœux du Président 1990, Un Conseil de
classe très ordinaire 1981…), lorsqu’il
dirigeait L’Aquarium de Vincennes.Il
s’agit donc pour Jean-Louis Benoit
de plonger le théâtre dans une
réflexion politique, à partir du recul
historique que l’on peut aujourd’hui
avoir sur mai 68. À ce propos, il
organise une journée de débats et
projection le 11 octobre (représentation à 15h, débat animé par Hubert
Huertas à 17h30, et le film Grands
soirs et petits matins de William Klein
à 20h) qui devrait rassembler amateurs
de théâtre, d’histoire et d’analyse
politique. À moins que ce ne soit les
mêmes ?
AGNÈS FRESCHEL
La Criée,
Centre Dramatique National
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Duo sacré et silence historique
La saison du Gymnase et du Jeu de Paume affiche dès l’entrée ses lignes de force, une programmation pléthorique,
variée dans ses formes, ses publics, ses provenances…
Outre la création de l’opéra de
Musicatreize (voir page 31) et la
reprise de l’excellent Semianyki (voir
page 29) au Gymnase, le complexe à
deux têtes dirigé par Dominique Bluzet
programme deux pièces qui, a priori,
semblent à des antipodes esthétiques.
L’une est portée par deux acteurs, un
monstre sacré du théâtre public,
Gérard Desarthe, et une star absolue
du théâtre privé, Michel Galabru. Les
Chaussettes mettent en scène la rencontre de leurs personnages, que tout
semble séparer, mais qui répètent
ensemble un numéro de clowns (du
30 septembre au 11 octobre, au Jeu
de paume, Aix).
(Vittorio Foa, Miriam Mafai et
Alfredo Reichlin), avait besoin d’un
lieu plus intime, où le rapport entre
spectateur et acteurs se joue différemment. Le cinéma de l’Alhambra, à
l’Estaque, marqué lui aussi par l’histoire
communiste, semblait naturellement
désigné pour l’aventure. Jean-Pierre
Vincent a traduit lui-même ce montage de textes, qui l’avait marqué dans
la mise en scène italienne de Luca
Ronconi. Il y est essentiellement
Les chaussettes © Cosimo Mirco Magliocca
question du Parti Communiste Italien
autour des années 2000, du peu d’échos
et de conséquences que sa dissolution
a eues, comme si l’acceptation par
tous de l’absence d’alternative au capitalisme relevait d’un événement
mineur. Par ricochet, il est question
aussi d’un autre silence, au sujet de
l’URSS, adopté par un PCI au sommet
de sa force, pendant les années 60 et
70. Une occasion d’avoir au théâtre
une pensée politique ?
A.F.
Dis-moi ce que tu tais
C’est encore en un autre lieu que se
jouera Le silence des communistes (du
14 au 17 octobre). Ce texte, constitué
par une correspondance entre
(ex )militants communistes italiens
Théâtre du Gymnase
et du Jeu de paume
0820 000 422
www.lestheatres.net
20
THÉÂTRE
OUEST PROVENCE | GAP | BRIANÇON
Mélange des genres
Un livre qui changerait la vie monotone de
ceux qui s’en emparent… Sceptiques ?
C’est pourtant bien ce qui arrive à quatre
malheureux bonhommes qui tournent en
rond dans leurs vies uniformes où n’ont de
place ni l’amour ni l’imagination. Jusqu’à
l’apparition subite d’un livre que l’un d’eux
va lire et qui lui ouvrira tout un monde
nouveau fait d’aventures, de voyages,
d’utopie, d’horizons élargis… La cie espagnole La Baldufa mêle styles et
techniques (ombres chinoises, cinéma
d’animation, marionnettes) dans un
spectacle qui accueillera tous les publics à
partir de 6 ans.
Puis Philippe Torreton s’empare d’une
figure clas-sique et subversive du
répertoire : Dom Juan de Molière. Un Dom
Juan moderne désacralisé que Torreton
met en scène, et joue, avec «un regard
différent, moins favorable». Séducteur,
violent, tyrannique, obstiné, décadent, il
Le livre imaginaire
Cie La Baldufa
le 7 octobre
Théâtre (Fos)
Dom Juan
Molière
le 16 octobre
Théâtre (Fos)
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
Le Livre Imaginaire © X-D.R
est tout cela bien sûr, un «méchant
homme» progressivement mis à nu,
habilement secondé par l’indispensable
Sganarelle (Jean-Paul Farré), pendant moral
et philosophe. Une première mise en scène
attendue.
D.M.
En bourlinguant
Humaine condition
Une intrigue simple sert de prétexte au
dernier spectacle écrit et mis en scène par
François Cervantes et sa compagnie
l’Entreprise : à la mort d’un peintre, ses
amis ramènent chez elle la jeune femme
silencieuse qui était son modèle. Ils
débarquent sur une île, où tout n’est que
ruines, y cherchent des traces de vie et
essaient de comprendre ce qui s’y est
passé depuis le départ de la jeune femme.
Prétexte à un voyage imaginaire poétique,
le spectacle écrit par François Cervantes
s’en va fouiller notre inconscient et titiller
notre imaginaire. Car cette île n’est pas
inhabitée, loin de là, et les humains qu’y s’y
agitent côtoient, sans le savoir, les disparus,
les revenants toujours présents, drapés
dans leurs oripeaux, masqués. Douze
personnages que les masques sculptés par
Didier Mouturat habillent et transcendent,
suggérant douze essences d’une humanité
proche. Bien plus qu’une île, l’univers de
tous les possibles.
À la Colonne également, et pour ouvrir la
saison, un polar de Serge Valletti, avec
Jean-Claude Dreyfus et Claire Nebout (voir
page 16).
Réception
Serge Valetti
le 7 octobre
Une île
François Cervantes
le 14 octobre
Théâtre la Colonne (Miramas)
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Franck Dimech adapte des extraits
d’Amérika ou le Disparu et Description
d’un combat de Franz Kafka. Sur la
route d’Oklahoma suivra ainsi le fil
d’un personnage dénommé Karl,
sans pour autant dérouler de
continuité narrative. Quatre acteurs
l’accompagnent, qui se partagent «les
restes d’une collectivité humaine
disloquée», plus un qui «dansera les
gestes (…) écrits à partir des mots de
Kafka.». Les 25, 26, 27 sept et 1er et
2 oct, à la Friche.
04 95 04 95 04
D.M.
Échos de l’histoire
Le Petit chaperon rouge version Jean-Claude
Grumberg ça donne Le Petit chaperon Uf, une
relecture caustique de la tragédie nazie, une
leçon d’histoire et de tolérance. Il y a le loup bien
sûr, qui là est déguisé en caporal et se
prénomme Wolf, et le Petit chaperon, habillé de
rouge, qui va rendre visite à sa mère-grand. Mais
voilà : interpellée par le caporal Wolf, elle
apprend qu’elle est Uf, et que pour les gens de
son espèce existent des lois qu’elle ne respecte
de toute évidence pas. Car «Uf doit porter
capuchon jaune», ne doit pas manger de beurre,
ni gagner de l’argent, entre autres… Abusant de
son pouvoir pour faire dire à la fillette où est
hébergée (clandestinement) sa mère-grand, le
loup insiste… Le message de Jean-Claude
Grumberg est limpide, et la mise en garde habile,
le 24 octobre
Opéra Toulon Provence Méditerranée
04 94 93 03 76
www.operadetoulon.fr
ce qui n’exclut ni l’humour ni le jeu ; la mise en
scène de Sylvie Orcier, très visuelle, insiste sur
les rapports de force des deux protagonistes et
renoue avec l’esprit du conte, celui qui rassure
autant qu’il effraie, celui qui fait que même si on
sait que les loups seront toujours les loups, on
peut peut-être arriver à imaginer autrement la
liberté.
D.M.
Le Petit chaperon Uf
le 7 octobre
La Passerelle (Gap)
04 92 52 52 52
le 10 octobre
Le Cadran (Briançon)
04 92 25 52 52
Rappels dans le Var
(et le Vaucluse)
À Châteauvallon la saison théâtrale
commence avec quelques joyaux divers
que nous vous avions signalé durant la
saison dernière, tous appréciés à divers
titres par divers membres de la rédaction :
une occasion de rattraper ce que vous avez
manqué ! Ne ratez pas le Pinocchio de Joël
Pommerat, qui atteint au cœur avec le
même talent enfants et adultes (du 23 au
27 sept) ; plongez avec Laurence Vielle
dans le texte de Pia Divoka, Solinge, qui
raconte le viol mais surtout la reconstruction d’une toute jeune fille, qui recompose
son image comme on assemble un puzzle
(les 30 sept et 1er oct) ; rejoignez
Dieudonné Niangouna dont le texte sur
les sans papiers, Attitude Clando, témoigne
d’une urgence sociale, humaine, et d’une
singularité d’écriture exceptionnelles (les 3
et 4 oct à Châteauvallon, et du 6 au 10
oct en tournée Nomades autour de
Cavaillon) ; enfin, venez découvrir l’univers
d’Emma Dante avec son diptyque autour
de Palerme : Mishelle di sant’Oliva et Vita
mia (les 17 et 18 oct à 19h30 et 21h30).
Sans oublier de goûter à la danse (voir page
24), toujours de choix à Châteauvallon !
A.F.
Châteauvallon, Ollioules (83)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
Scène Nationale de Cavaillon (84)
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Agitations sur le front
Hugo alors exilé à Guernesey, solitaire et
sans illusions, mais profondément humain.
Enfin, Marc Jolivet et son frère l’ours brun
nous feront faire un tour d’actualité d’une
planète terre en danger, et dont la destruction programmée par les dieux excédés par
tant d’irresponsabilités humaines est mise
un temps en sursis pour laisser à l’humoriste de quoi trouver une ultime solution
salvatrice…
© X-D.R
La compagnie Le temps de dire ouvre la
saison du théâtre le Sémaphore à Port-deBouc. Après un bien nommé Bal du début
qui devrait faire «danser dans les vagues»,
avec Paul Fructus et Éloïse Brunet au chant
et à la manœuvre, c’est Victor Hugo qui
sera à l’honneur avec une adaptation par
Paul Fructus des Travailleurs de la mer, mis
en scène par Daniel Briquet. Incarnant tous
les personnages, Paul Fructus rend à cette
œuvre romanesque toute sa démesure,
lui donnant une dimension épique («pour
l’enfant qui reste en nous») et politique
(«pour l’humain que nous tentons de préserver»). Du marin Gilliat, cet homme «de
rien», fort et courageux, parti à la recherche
du moteur intact d’un navire échoué pour
l’amour d’une femme, l’adaptation de
Fructus fait ressortir le portrait d’un homme
libre, en proie à un conflit avec son «personnage intérieur», mais aussi en lutte
contre la mer, personnage à part entière du
roman, qu’incarnent à merveille les musiciens présents sur scène. Gilliat, double de
D.M.
Le Bal du début
Cie le temps de dire
le 26 septembre
Les travailleurs de la mer
Cie le temps de dire
le 3 octobre
Mon frère l’ours blanc
Marc Jolivet
les 10 et 11 octobre
Théâtre le Sémaphore
(Port-de-Bouc)
04 42 06 03 09
www.theatre-semaphoreportdebouc.com
Les travailleurs de la mer
le 17 octobre (Port-Saint-Louis)
Espace Gérard Philippe
04 42 48 52 31
www.scenesetcines.fr
Pauvre humanité
Denis Lanoy, metteur en scène et
fondateur du Triptyk théâtre, poursuit sa
démarche artistique se réclamant d’un
théâtre de réflexion qui «met en rapport des
hommes à l’Histoire.» Il s’empare d’une
œuvre du romancier et dramaturge
hongrois Ödon von Horváth, Foi, amour,
espérance. Inspirée d’un fait divers
authentique qui eu lieu à Munich en 1932,
la pièce décrit une société en crise économique par le biais du parcours d’une
jeune chômeuse, Elizabeth, qui cherche
simplement à être heureuse, même si c’est
un combat. Cherchant de l’argent pour
acheter une carte de VRP, elle veut vendre
son corps à l’institut d’anatomie. On lui
prête la somme, pensant qu’elle est la fille
de fonctionnaires du ministère des
finances ; il n’en est rien. Arrêté pour avoir
exercé sans carte, elle est alors confrontée
à l’abandon de son fiancé, agent de police,
qui ne peut compromettre sa carrière pour
elle. Ne voyant pas d’autre issue que la
noyade parce qu’«elle n’a rien à bouffer»,
elle mourra doucement d’épuisement au
poste de police une fois repêchée. La mise
en scène de Denis Lannoy ne cherche pas
à justifier le pourquoi, mais plutôt à
expliquer le comment, dans un étrange
décor de dix-huit boîtes mobiles et de
moulages anatomiques.
D.M.
© Stephane Barbier
Foi, amour, espérance
mes Denis Lanoy
du 16 au 18 octobre
Théâtre Christian Liger
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
22
DANSE
PAVILLON NOIR | GYPTIS | CHÂTEAUVALLON | BÉJART
Entre deux Ballets
Pendant que le Ballet Preljocaj va créer Blanche Neige
à la biennale de Lyon (ne vous inquiétez pas, elle sera
au GTP bientôt), le Centre Chorégraphique
National de Lorraine, qui possède un Ballet rompu
au répertoire contemporain (et aux autres !), viendra
au Pavillon Noir danser un programme composé de
quatre pièces magnifiques : Broken Man de Stephen
Petronio, court sextuor écrit après le 11 septembre ;
Two, un solo Russell Maliphant, où une danseuse
se débat dans un cercle de lumière crue qui ne cesse
de rétrécir, de la morceler, puis de la faire
littéralement disparaître. Un duo féminin de Claude
Brumachon en hommage à Jeanne d’Arc. Et La
Stravaganza, de… Preljocaj. La pièce, que son Ballet
n’a jamais montée, a été créée en 1997 pour le New
York City Ballet, puis dansée depuis par les plus
grands ballets du monde. Écrite en hommage à
Balanchine et à son arrivée à New York, La
Stravaganza oppose puis fait fusionner deux groupes
de danseurs : l’ancien monde et le nouveau, le
moderne et le baroque, le lâché, le placé,
l’académique. Une petite leçon d’histoire de la danse,
avec ce quelque chose en plus qui en fait une
œuvre…
AGNÈS FRESCHEL
CCN-Ballet de Lorraine
du 2 au 5 octobre
0811 020 111
www.preljocaj.org
À noter
Comme chaque année Marseille Objectif Danse
propose, dans le cadre d’actOral, une programmation
intitulée : les Écrits de la danse (voir page 60).
La Strravaganza © Laurent Philippe
Marcher,
danser, jouer Sans Lui
Dans
d’autres toiles
Après les feux et les fastes de la saison d’été (voir
page 24), Châteauvallon rentre en ses murs et
propose une danse moins spectaculaire, mais tout
aussi choisie. Avec d’abord le trio masculin de
Catarina Sagna, chorégraphe qui aime à interroger
le corps du danseur dans sa présence théâtrale :
Basso Ostinato les confronte à une imagerie virile, et
à ses accessoires (le 10 octobre). Puis, après Solinge
(voir page 20), Châteauvallon accueillera à nouveau
Laurence Vielle : la comédienne et auteur y rencontre
le chorégraphe Jean-Michel Agius pour un duo
accompagné par deux musiciens, et qui décrit leur
État de marche : un double road movie que chacun a
accompli, de chez eux à Bruxelles et Paris (les 14 et
15 octobre).
Après avoir accueilli Tonight le Gyptis renouvelle
l’expérience et ouvre sa saison avec une autre pièce
de Josette Baïz, dansée cette fois par la
Compagnie Grenade (voir page 24). Les Araignées
de mars font preuve une fois de plus de l’énergie
tellurique et acrobatique des danseurs, qui
déclenchent à tout coup l’enthousiasme et l’adhésion
du public. Surtout dans cette pièce circassienne,
verticale, où les jeunes corps gainés de cuir grimpent
à des fils arachnéens qu’ils entremêlent… La pièce,
parfois drôle, manque toutefois un peu de cohésion,
et on ne sait trop quel est son sens, sa dramaturgie.
Peu importe ?
A.F.
Centre National de Création
et de Diffusion Culturelles
Châteauvallon (83)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
Basso Ostinato © Caroline Ablain
© Fabrice Coffrini
La tournée française du Ballet Béjart passe par
Marseille. L’ultime pièce du chorégraphe, Le Tour du
Monde en 80 minutes, est programmée pour deux
soirées au Dôme. Elle est conçue en deux parties,
et reprend les diverses sources d’inspiration du
chorégraphe : en commençant par l’Afrique
percussive, puis les standards des danses moderne
et contemporaines (dont des citations de ses propres
pièces), et en s’orientant ensuite vers l’Asie, l’Inde,
les danses extrême-orientales. Le ballet, formé pour
l’essentiel par les anciens de son École, est d’un
niveau technique irréprochable, et s’est aussi entraîné
à toutes sortes de techniques de cirque… ce qui
permet quelques beaux exploits !
A.F.
Le Tour du Monde en 80 minutes
Béjart Ballet Lausanne
Les 12 et 13 oct
Le Dôme
04 91 12 21 21
www.bejart.ch
www.gdp.fr
www.ticketnet.fr
A.F.
Les Araignées de Mars
Cie Grenade
Les 10 et 11 oct
Théâtre Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
© Leo Ballani
KÉLÉMÉNIS | L’OLIVIER | LES SALINS | NÎMES
L’enfance
de l’art
Deux pièces de Gat
Michel Kéléménis a une véritable
expérience avec les enfants. Petits.
Ceux du primaire, de la maternelle.
Parce qu’il sait combien la danse,
surtout la contemporaine qui interroge
le corps dans sa facture même,
intéresse ceux qui ne verbalisent pas
totalement ce qu’ils sont, et tout à la
fois ne maîtrisent pas vraiment les
détails de leur corps qui, instable,
grandit sans cesse, et ressemble si
peu à celui des adultes. Qu’ils
deviendront ?
Kélé a donc conçu un spectacle pour
eux. Là-dessus. Sur l’anatomie, les
articulations et les muscles, mais aussi
sur la découverte, le changement
anatomique, l’attirance, le mouvement,
l’amour. Le désir ? Cela s’appellera
L’Amoureuse de Monsieur Muscle, et
sera montré au Studio Kéléménis
(pas encore fermé), et aux
Bernardines (rouvertes !).
A.F.
L’Amoureuse de Monsieur Muscle
le 8 octobre
Studio Kéléménis
04 96 11 11 20
le 17 octobre
Les Bernardines
04 91 24 30 40
DANSE
23
Trois pièces
de Merce
Crises © Briana Blasko
© Gadi Dagon
Le chorégraphe israëlien est installé à
la Maison de la danse à Istres, et
c’est à l’Olivier qu’il donnera ses deux
dernières pièces, créées en juillet à
Montpellierdanse. Fondées sur une
danse coulée et virtuose, à la
grammaire surprenante de fluidité et
d’athlétiques performances (sans
ostentation), les chorégraphies
d’Emanuel Gat séduisent malgré une
aridité certaine du propos. Ainsi, dans
Silent Ballet, il est question de priver la
danse de sons extérieurs pour ne
laisser parler que les sons et l’espace.
Sixty Four, moins abstraite, oppose une
femme à quatre hommes, au-delà
d’une démarcation qui fait penser à
bien des murs. En espérant que les
murs istréens ne semblent pas au
chorégraphe ni trop contraignants, ni
trop modestes, ni trop fragiles !
A.F.
Silent Ballet - Sixty four
Emanuel Gat
le 10 oct
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
C’est bien la Merce Cunningham
Company qui sera au théâtre de Nîmes
en octobre. Avec trois chorégraphies
de celui qui a bouleversé l’histoire de la
danse et lui a permis de s’affranchir de
la dramaturgie pour entrer dans l’ère
du mouvement.
La pièce la plus ancienne est Crises,
un quintet de 1960, avec de costumes
de Robert Rauschenberg (mais oui) ;
les deux autres, plus récentes,
mettent en œuvre la totalité des 14
danseurs, et des musiciens (qui
donneront un concert la veille, voir
page 30). CRWDSPCR a été créée en
1997, et Mini Events en 2008. Que dire
de plus, sinon vous conseiller de ne
pas le rater ?
A.F.
L’enfance de l’art (bis)
Christine Fricker a une véritable
expérience avec les enfants. Petits.
Ceux du primaire, de la maternelle.
Parce qu’elle sait combien la danse
permet de raconter les choses au plus
© Hélène Dattler
près de leur intérêt, réceptifs qu’ils sont
par tous leurs pores à la réalité
matérielle du monde. Dans Du début à
la faim elle raconte, en partant du
besoin physiologique, de la sensation
de faim, comment se fabrique le pain.
Comment l’homme domestique le blé,
la farine, la pâte, la cuisson, et fabrique
une chaîne incroyablement complexe
pour fabriquer cet aliment si simple, et
si essentiel. Un spectacle coloré,
ludique, qui se sert des mots autant
que des gestes, pour faire entendre aux
mômes à quel point leur quotidien,
mine de rien, est sophistiqué.
A.F.
Du début à la faim
Christine Fricker
les 8 et 15 oct
Les Salins – Scène Nationale
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Crises, Mini Events, CRWDSPCR
Merce Cunningham Company
les 15 et 16 oct
Théâtre de Nîmes (30)
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
24
DANSE
ALLAUCH | TRETS
Europe aux States
des verrouillages classiques. À partir de ce
vocabulaire, il a écrit des standards simples, des duos
pour les chansons d’amour, de petites formes qui
travaillent la perfection du geste, mais dans une
détente nouvelle, qui ne cherche pas l’amplitude ou
la vélocité mais la justesse tranquille, et l’élan.
La soirée se conclut par une rencontre inattendue et
formidable, les danseurs de Grenade et ceux
d’Europe se retrouvant pour un Rhapsody in blue
d’enfer. Conjuguant réellement la différence de leurs
techniques, ils ont pris un plaisir évident, et
communicatif, à breaker au sol pour les plus
classiques, à tenter des jetés (demis !) et des portés
placés pour les plus acrobatiques. Dire qu’on
confondait les corps, beaucoup moins normés chez
Grenade qu’à l’Europe, serait exagéré. Mais
visiblement il n’y avait qu’une âme…
Le 31 juillet le Ballet d’Europe proposait à Allauch
une soirée américaine, partagée avec la Compagnie
Grenade de Josette Baïz. Non les adolescents (voir
ci-dessous), mais la Cie professionnelle. Celle-ci
ouvrit la soirée avec un hommage un peu décousu,
théâtral sans l’être, à Fred Astaire. Ses interprètes y
replongeaient dans la danse américaine jazz des
années 40 (jazz roots, modern jazz) pour établir des
ponts avec les danses populaires actuelles :
intéressant, mais pas totalement réussi dans la
forme.
Dans un tout autre genre et sur des standards de
Gershwin, très «classiques» dans leurs interprétations
orchestrales, le ballet de Jean-Charles Gil proposa
une pièce subtile, inspirée de la modern dance
américaine. Le chorégraphe y met en œuvre un style
coulé, gracieux, léger, en regardant vers cette école
qui n’avait pas rompu avec le mouvement (comme le
fera la postmodern-dance) mais s’était débarrassé
AGNÈS FRESCHEL
© Jean-Claude Verchere
Le corps sacré
Retour sur l’un des événements phares de l’été à Châteauvallon avec
la création mondiale pour sept danseurs de Ushio Amagatsu, Utsushi
L’instant était magique et le silence quasi religieux
dans le théâtre à ciel ouvert du CNCDC Châteauvallon. Et pour cause, le chorégraphe japonais Ushio
Amagatsu et sa compagnie masculine Sankai Juku
avaient rendez-vous avec ses «fidèles», inconditionnels de la danse Buto et réceptifs à sa recherche
personnelle basée sur un Dialogue avec la gravité*.
Pour cette occasion unique de jouer en décor naturel,
Ushio Amagatsu avait imaginé un spectacle singulier,
florilège recomposé de quelques-unes de ses pièces,
dont la plus ancienne de 1978 n’est pas inscrite au
répertoire. Un souffle nouveau donc, une configuration réinventée, une architecture différente, une
musique recomposée pour donner vie à Utsushi,
œuvre à part entière, traversée par le concept
d’humanité et d’universalité qui est la base même de
son travail chorégraphique…
Ce qui aurait pu apparaître comme décousu a mis
en évidence, bien au contraire, l’extrême cohérence
de son propos, de ses recherches qui, multidirectionnelles, devenaient «une». Un nouvel ordre qui
a permis de lire à travers ces extraits son parcours de
trente ans, et retrouver un peu de l’essence de
chaque création ainsi que leur principe commun. Car
ce qui frappe encore dans sa manière de revisiter son
travail, c’est la cohérence et l’intensité de son art qui,
toujours, ne cesse de s’interroger : Qu’est-ce que
c’est que l’humanité ? Comment appréhender notre
présence au monde ? Par la grâce d’interprètes
exceptionnels (tous jeunes et nouveaux dans la
compagnie à l’exception d’un seul présent depuis
1991), la danse de Ushio Amagatsu renaissait à
chaque expression, chaque mouvement, chaque
élan : de tableaux en tableaux, les corps s’échappaient, se libéraient avec force et gravité. Muets, ils
s’offraient à la nuit qui les enveloppait d’un linceul
blanc, plus vivants que jamais. Hiératiques, visages
masqués parfois, paumes ouvertes ou poings fermés,
les danseurs soudain gardaient nos âmes, sentinelles
impassibles.
Vient le rituel inéluctable : les flammes, le vent, le
sable, quand la danse se fait élévation spirituelle,
sacrifice, incantation. Puis la «cérémonie» chorégraphique se consume au fil d’une lente procession
qui retient le souffle du public, l’homme chavire puis
se relève, glisse et se hisse. C’est l’humanité tout
entière, dans son dénuement total, qui résiste.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
(*) titre de son ouvrage paru en 2001 chez Actes Sud.
Sankai © X-D.R
Sacré Sacre !
C’est à une époustouflante interprétation du Sacre
du Printemps que le Groupe Grenade de Josette
Baïz s’est livré dans la cour du château de Trets le
19 juillet. La jeunesse des artistes, (entre 13 et 17
ans), la maîtrise des gestes, une chorégraphie qui
joue entre la fluidité du propos et ses emportements
donnent à voir un spectacle d’une grande qualité
dans la belle mise en lumière de Dominique Drillot…
Les costumes de Patrick Murru soulignent la grâce
fragile et exaltée des adolescents, et la musique de
Stravinsky permet aux interprètes de montrer
l’étendue de leur jeune talent dans un rite incantatoire
où ils semblent interroger leur propre jeunesse qui se
sacrifie et exulte…
Le sacre est précédé de deux courtes pièces. Un
hommage à William Forsythe présente un travail très
rigoureux, les danseuses rendent l’espace matériel
de la scène naturel, vivant, mouvant. Un pas de deux,
dansé par les benjamins de la troupe, sur Tableaux
d’une exposition de Mussorgsky, allie humour et
ingéniosité : le jeune boxeur et la danseuse classique
se découvrent, échangent leurs rôles, se confrontent,
se copient, dans un mouvement très frais et
dynamique. Une cure de jouvence ?
MARYVONNE COLOMBANI
LES HIVERNALES
DANSE
25
Le off de la danse
Y a plus d’saisons ! Pendant le off avignonnais l’été
des Hivernales s’étoffe, s’étale en deux théâtres
et 10 spectacles quotidiens... l’hiver des Hivernales
sera-t-il aussi beau ?
Seul à deux
Entre quatre Siegfried
Parmi les 11 compagnies présentes,
celle de Frédéric Cellé, Le Grand
Jeté !, installée à Grenoble, a d’abord
proposé un solo de 20 mns, D’être
en solitude : un homme (Thomas
Régnier) se bat et se débat contre un
adversaire invisible et tenace, son
regard inquiet interroge tout aussi bien
la terre que le ciel (vide ?), le corps se
jette violemment au sol, sa respiration
de plus en plus oppressante s’unit peu
à peu à la plainte d’une contrebasse
sur fond de percussions, jusqu’au noir
de la fin.
Un duo, The last, extrait de Lâches,
constitue la 2e partie. Encore la
violence, mais partagée cette fois dans
une sorte de rapport sado-macho,
parfois drôle. Dans une lumière crue
tombant froidement du plafond, le
corps souple et mince de la danseuse
(Li-Li Cheng) affronte le corps athlétique et massif du danseur (Barthélémy
Manias Valmont), contraste étonnant
souligné par l’étrangeté de leurs
rapports et la perfection de leur travail
physique qui relève de la performance.
Un violoncelle, un clavecin et une voix
de haute-contre installent une atmosphère trouble et sensuelle.
L’ensemble coupe le souffle !
Plus théâtral et déjanté, le travail de
la compagnie belge Woosh’ing
Mach’ine emmène dans une radio de
Bayreuth, qui se consacre semble-t-il
exclusivement à la célébration de
Wagner. De scènes franchement cocasses où Siegfrieds et Brunehildes
multipliés échangent baisers et
serments en emmêlant perruques et
dagues, à des mouvements d’ensemble
mimant le mythe et ses leitmotivs, le
spectacle s’amuse, se perd un peu
dans des intermèdes musicaux mal
maîtrisés, puis revient en force en
projetant, entrelacées, des images de
l’histoire belge et allemande, des
mythes teutons, de la guerre. Les
animateurs de la radio mangent des
saucisses et boivent de la bière :
caricatures absurdes de l’Allemagne,
ou des Belges qui, à force de
dissensions, se mettent à réinterroger
la période sombre du nationalisme
flamand ?
C.B. ET A.F.
Les spectacles ont été donnés
au Studio
et au Théâtre des Hivernales
du 10 au 26 juillet
Cie Frederic Celle © Cathy Peylan
26
ARTS DE LA RUE
LA FOLLE HISTOIRE DES ARTS DE LA RUE
La rue a une histoire
Le Conseil Général des Bouches-du-Rhône poursuit sa politique de soutien aux
Arts de la Rue, avec une biennale qui dure six semaines et s’étend sur le territoire…
Ce bus, qui se visite en une trentaine de minutes, permet
une approche pédagogique des arts de la rue. Même si
l’accumulation d’objets et d’informations dans cet espace
restreint est a priori choquante pour les yeux, le public
en apprendra beaucoup sur l’histoire de ces arts, mais
aussi sur leurs genres très divers, à travers la projection
de documents d’archives (poétiques, contestataires,
interventionnistes, chorégraphiques, contées, plastiques…). Et à l’intérieur des bus, dans des alcôves
sonorisées, le public pourra se familiariser avec l’univers
de chaque compagnie.
Les trois premiers
La rue est dans le pré © Artonik
La manifestation est d’une ampleur impressionnante :
pendant six semaines six compagnies investissent
chacune une commune, et y jouent plusieurs spectacles
de leur répertoire. Puis elles se réunissent pour une autre
semaine de florilège... 40 spectacles seront ainsi joués,
en commençant par Artonik à Gignac la Nerthe (du
29 sept au 5 oct), suivis par No tunes international à
Saint-Rémy (du 6 au 12 oct), Ex Nihilo à Auriol (du 13
au 19 oct), Genérik vapeur ainsi que l’Agence Tartar(e)
à Vitrolles (du 20 au 26 oct), pour finir par Ilotopie à
Miramas (du 27 oct au 2 nov) avant que tout ce petit
monde ne se retrouve à Salon du 1er au 8 novembre…
Cette Folle histoire des Arts de la rue, organisée avec
Karwan, est particulièrement bien pensée : contrairement à la très belle expo des Machines imaginée il y a
deux ans, l’argent dépensé va essentiellement aux
compagnies (toutes de la Région) et non à la logistique.
Ensuite elle s’installe dans des communes petites ou
moyennes qui manquent d’événements de cet ordre : la
rue y réagit mieux, autrement, que celle des métropoles.
Enfin les compagnies invitées sont d’esthétiques très
diverses, ce qui prouve la vitalité, la qualité et la variété
des arts de la rue dans le département.
À côté des spectacles, et accompagnant sa route, un
Bus expo dira toute cette richesse : il va sillonner le
département, en s’arrêtant dans les villes du parcours,
mais aussi à Petit Art Petit à Marseille (le 20 sept), à
Tremblement de rue à Gardanne (le 21 sept), à
Marseille et Martigues pour Rue Libre les 24 et 25
sept, à Chaud Dehors à Aubagne (le 26 sept), à
Cavaillon pour accompagner les Nomades de
Tablantec (le 27sept) et même à La Foire de Marseille
(le 28 sept).
Après une carte blanche offerte à des anciens de la FAI
ART (voir page 78 et 79), c’est donc Artonik qui ouvrira
la danse, avec trois spectacles de son répertoire, fondé
sur l’observation de l’espace public : un bar, une plage…
La rue est dans le pré, pique-nique revendicatif qui
propose des scènes de genre sur les congés payés
depuis 1936, parvient à retrouver une mémoire à travers
des bandes d’archives, tout en détournant le réel
discrètement, par la danse, et de légers décalages…
La démarche de No Tunes International est plus
interventionniste : les compères interviennent dans la rue
en retrouvant la mémoire des lieux, puis en y jouant leurs
scènes de noceurs, de facteurs, de voyous en cavale ou
de commémorateurs éplorés, avec tout le sérieux du
monde…
Quant à Ex Nihilo, c’est une cie de danse qui a choisi
d’intervenir dans l’espace public, et le fait bien. Grâce à
une danse athlétique qui joue avec le danger, les coups,
la violence, et se sert des bancs, des murs, des rampes,
des étroitesses et des ouvertures, comme d’autant
d’espaces d’envol ou de rupture…
Allez donc les voir à Gignac, Saint-Rémy ou Auriol, en
attendant les autres à la fin du mois d’octobre…
AGNÈS FRESCHEL
La folle histoire des arts de la Rue
du 13 sept au 9 nov
04 96 15 76 30
www.follehistoire.fr
Mirettes
et papilles
à la Mirabelle
Pour la 5e année consécutive le Festival Caressez
le Potager a rassemblé les amoureux d’espaces
verts, de légumes bio, d’aventures savoureuses, avec
800 à 900 personnes par soirée, et plus pour la
dernière avec le concert de la fanfare Vagabontu
qui s’est terminé à 4 heures du matin ! Jean-Louis
Favier, son créateur et grand organisateur, s’en
félicite.
Il y en avait pour tous les goûts : petits et grands
déambulaient d’un atelier jardin ou écriture à une
initiation aux claquettes, d’un film d’animation à un
parcours chorégraphié...
Au détour des bosquets
D’abord la plasticienne Béatrice Bonhomme ; elle
vient tous les ans de Bastia pour installer fleurs de
papier, oiseaux, papillons, galets peints, sculptures
en matériaux de récup... Elle propose des graines en
vente dans des sachets aux étiquettes évocatrices :
graines du temps qu’il fait, du premier bain de l’année,
de la belle rencontre. Marco Beccherini, danseur
et chorégraphe, a présenté Fratelli, un duo sur le
thème du double et de la gemellité, qui n’est pas
toujours tendre... Après avoir dansé cinq ans sous la
direction de Roland Petit et partagé bien des
aventures, il a créé sa compagnie Campo en 2000 et
doit prendre bientôt la direction du Théâtre Solvay à
Livourne. Un trio, composé d’une chanteuse lyrique,
une pianiste et une danseuse (dans l’ordre Marilène
Aledo, Hélène Niddam et Sara Moha) qui prétendait dépoussiérer la tradition flamenca, n’a pas
réussi à convaincre : la représentation manquait de
souffle et seule la danseuse a vraiment séduit.
Mais les propositions du buffet étaient alléchantes :
beignets de courgettes et poulet Yassa ont ravi les
papilles...Ça s’appelle du spectacle total, non ?
CHRIS BOURGUE
Le Parc de la Mirabelle (Marseille 12e)
a accueilli le Festival du 17 au 19 juillet
Installation de Beatrice bonhomme © X-D.R
ARTS DE LA RUE
27
Aubagne au centre des Arts
À peine la saison commencée, le Comœdia sort de
ses gonds et repart dans la rue, pour un autre tour de
Chaud dehors les 25 et 26 sept. Avec quatre
spectacles de choix : Ronan Tablantec qui, avant le
Vaucluse, passera par là (voir page 28), JeanGeorges Tartar(e) qui, avant de rejoindre ses
copains de Generik Vapeur pour la Folle histoire
des arts de la Rue, viendra «détracter» dans les rues
d’Aubagne, la Cie gardoise Lackaal Duckrick, qui
propose au public de vivre pendant 10 minutes avec
un ado rebelle ou une grand-mère sourde…
Ces deux jours donneront aussi aux Aubagnais
l’occasion de voir le Bus Expo de la Folle histoire
s’installer place Foch, et d’accueillir la tournée des
Batteurs de Pavés : les Suisses jouent à six
Macadam Cyrano, version intégrale en fait, mais pour
la rue, du chef-d’œuvre boursouflé de Rostand… Qui
passera par ailleurs par d’autres villes : Marseille le
24 sept, Martigues le 25, Arles le 27, MontDauphin (05) le 28, Pernes les Fontaines (84) le
2 oct … Quand je vous disais qu’Aubagne est au
centre des Arts !
Macadam Cyrano © Loïc Pipoz
AGNÈS FRESCHEL
Chaud dehors
les 25 et 26 sept
04 42 18 19 88
Macadam Cyrano
Les Batteurs de pavés
www.karwan.info
Y’a pas d’lézard
Ça va trembler !
Depuis quatre années Tremblement de rue met
Gardanne en fête durant toute une journée. Une série
de courtes représentations ou performances (fanfare
de Brass Band, bestiaire fantastique de la cie
Malabar, et des compagnies aussi diverses et
loufoques que La tactique du gendarme ou l’Ile
au Trésor) qui se visitent à pied, en suivant un trajet
simple… Le Bus Expo aussi passera par là !
A.F.
Dans le cadre d’actOral (voir page 60) Lieux
publics ouvre sa place publique au poète Julien
Blaine. Accompagné de la cie Alzhar il ouvrira le
parvis de l’opéra à d’autres mots… Les douze minutes
de Pour sainte Thérèse et l’enfant fœtus seront
précédées d’un défi lancé aux musiciens (surtout aux
vents) : il s’agit de couvrir la sirène de midi… Rendezvous à 11, avec vos instruments (sifflets, percu et tout
outil à vacarme est bienvenu !)
A.F.
Attention ! Petit Art Petit, organisé par l’association
Lezarap’art, envahit le Parc de l’Oasis le 20
septembre. On vous a déjà prévenus (voir Zib 10) !
L’occasion de rencontrer des associations, des cies
d’arts de la rue, et des plasticiens de l’éphémère…
Ça dure toute la journée (de 12h à 19h), et près de
8000 personnes y passent chaque année. En famille.
Sirène et midi net
Parvis de l’Opéra de Marseille
le 1er oct 12h
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.com
Tremblement de rue
Gardanne
le 20 septembre
04 42 65 77 00
www.ville-gardanne.fr
A.F.
Petit art petit
04 91 69 11 80
http//pagesperso-orange.fr/lezarapart
Précieux désordres
Ornic’art dépose un Préavis de Désordre Urbain
pour les journées du 24 au 27 sept. Si vous passez
par la Joliette le 24, à la Friche au soir du 25, aux
Réformés le 26 ou au Point de Bascule le soir du
27, vous risquez de tomber sur quelques performers
de talent. Pas provocateurs, pas dérangeants :
fouteurs de désordre, dans un monde qui en a bien
besoin. Ils ont pour nom Princesse Peluches, Peter
Les mots
sont des sons
Baren, Christian Messier, Herma Auguste
Wittstock… et mettent leur corps en jeu pour nous
remuer un coup. Sûrement salutaire.
Jeunesse verte
Des étudiantes qui se réunissent pour fabriquer à Aix
un festival écolo, avec toilettes sèches, tri sélectif et
vaisselle recyclable. L’événement allie expositions et
documentaires sur le thème de l’eau (et de son
écologie) sur trois sites universitaires (Université de
Provence, Paul Cézanne et Université de la
Méditerranée) et propositions artistiques de qualité
(Marie-Hélène Desmaris, Comparses et Sons,
Les grosses papilles…). Original !
A.F.
A.F.
Préavis de désordres urbains
06 61 34 93 62
http://ornicart.over-blog.com/
Ecofestival Lez’Arts Verts
du 6 au 11 octobre
Aix-en-Provence et Venelles
http://lezartsverts.blogspot.com/
28
CIRQUE
CAVAILLON | LA MINOTERIE | LE GYMNASE
Le Breton imaginaire
spectacle, en partie écrit, en partie improvisé selon
ce qu’il a à dire du monde, est celui d’un clown,
véritable, de ceux qui font rire et dérangent. Un
bateleur Breton…
AGNÈS FRESCHEL
Ronan Tablantec
le 24 sept à19h00
Place de la Liberté, Morières-les-Avignon
le 25 septembre à 19h00
Place Lagnel, Noves
le 26 sept à19h00
Place de la Pastière, Châteauneuf-de-Gadagne
Ronan Tablantec © Joel Verhoustraeten
Pour sa première tournée Nomades de la saison, la
Scène Nationale de Cavaillon profite des derniers
beaux jours et propose un spectacle «en espace
public». C’est Sébastien Barrier qui ira dans les 8
communes du Vaucluse pour y promener une valise
et… un breton : il a inventé depuis quatre ou cinq ans
un personnage nommé Ronan Tablantec, plus ou
moins marin, conteur en tous les cas, jonglant avec
quelques quilles et beaucoup de mots. Son
Scène Nationale de Cavaillon (84)
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Entre
rire et délire
le 30 sept à 19h00
Place de l’Etang, Cucuron
le 1er oct à 19h00
Place du 8 mai, Le Thor
© X-D.R
Thème étonnant d’actualité, au moment où la Joliette
prend un nouveau visage, et où les murs de la
Minoterie vivent leurs derniers jours de murs. La
programmation de la Cie Cosmo Kolej est d’ailleurs
le premier spectacle d’un cycle voué volontairement
à la création régionale, qui s’est tant abritée en ces
lieux.
AGNÈS FRESCHEL
Boucherie chevaline © X-D.R
le 3 oct à 19h00
Place de la Mairie, Mérindol
le 27 sept à 11h00
Place Fernand Lombard, Cavaillon
bal avec DJ Christel Dutorchon
bus expo
Marseille comme Roubaix
Qu’y a-t-il de commun entre ces cités que leur point
cardinal et leur mer opposent ? Les quartiers ouvriers,
une mémoire de la pierre, que Wladislav Znorko,
né à Roubaix comme son actrice, a reconnue en
arpentant les Docks et les quartiers anciens de
Marseille ; ceux où les murs ont encore, pour quelque
temps, une mémoire… Son monologue Boucherie
Chevaline, créé en mars 2008 à Lille, est écrit pour
Florence Masure. Elle y joue comme toujours avec
les spectacles de Cosmo Kolej, avec des objets
pauvres et vénérés, chouchoutés comme des
morceaux de mémoire. Mais aussi, ce coup-ci, avec
le sentiment de l’espace : l’idée d’être perdu dans les
toponymies nouvelles, et de vouloir retrouver le
monde des baraques, des boutiques, des enseignes,
des quartiers, des trajets affectifs…
le 2 oct à 19h00
Place de l’Eglise, Cabrières d’Avignon
Boucherie Chevaline
Wladislav Znorko
du 10 au 18 oct
La Minoterie
www.minoterie.org
Vous voulez vraiment rire ? Alors surtout
ne manquez pas le rendez-vous avec les
Sémianyki, une famille russe sacrément déjantée
Grosses lunettes, cheveux ébouriffés et teint blanc,
ces six personnages au lien de parenté visible livrent
une tranche de leur vie familiale. Leur quotidien est
bien misérable, dans une Russie d’aujourd’hui qui
ressemble à celle d’hier, avec ses injustices, ses
peurs et ses contradictions. Mais malgré cette réalité
morose, ces drôles d’énergumènes ont décidé de
surfer sur la vague du burlesque en empruntant au
répertoire du rire, des techniques de la Commedia
dell’arte à l’univers grinçant de la famille Adams, en
passant par de fabuleuses mimiques à la Charlie
Chaplin. Résolument sans parole, cette création du
collectif de clown du teatr Licedei est une véritable
prouesse en matière de mime, au point que le
spectateur est capable de suivre tout le spectacle à
la virgule près. Gare aux débordements ! Il se pourrait
bien que certains gags entraînent le public dans un
délire tel que cela finira par d’irrépressibles éclats…
de rire !
CLARISSE GUICHARD
Affiche de Boucherie chevaline
© X-D.R
Semianyki
Une Famille Frappadingue
Teatr Licedei
Du 14 au 25 oct
Le Gymnase
0 820 000 422
www.lestheatres.net
TOURSKY | ARLES
CIRQUE
Le bonheur de l’exploit
Le cirque Eloize, c’est du cirque contemporain qui
n’a pas renoncé à l’exploit. En passant dans les
théâtres et en abandonnant la piste, le cirque
contemporain est devenu théâtral, sérieux, frontal, et
a déroulé des fils narratifs ou thématiques, inventant
des personnages. Mais il a aussi, parfois, renoncé
aux exploits acrobatiques, aux numéros qui
époustouflent, à la magie des illusions et au rire
simple des pitreries de clowns maladroits. Le cirque
Eloize continue à parier sur la féerie, l’émerveillement,
la musique, l’exploit d’artistes qui ont fait de leur
corps leur outil virtuose. Dans les salles de théâtre
du monde on pousse des ah et des oh, devant un
spectacle de cirque contemporain qui sait également
restituer un univers (celui des années folles) et tenir
une ligne dramatique. Du cirque, total, au théâtre.
A.F.
Rain, comme une pluie dans tes yeux
Cirque Eloize
du 3 au 5 oct
Théâtre Toursky
0 820 300 033
www.toursky.org
© Production Eloize 2007/ Patrick Lazic
Extraits d’essentiel
Le théâtre d’Arles commence sa saison par un temps de cirque, véritable festival qui propose
des spectacles de pointe…
Les compagnies invitées explorent
toutes des versants subtils du
spectacle de cirque. Ceux où l’on
s’aventure à un ou deux, pour y trouver
une forme de théâtralité étonnée, au
bout d’un geste circassien poussé vers
son essence. Les invités sont tous des
spécialistes : acrobates, clowns,
funambules ou contorsionnistes, il ont
entrepris de fouiller un des domaines
circassiens, pour y trouver du nouveau.
Cirque et entresorts se déploie hors
des murs du théâtre allant chercher, le
premier week end, le public dans la
ville, avec des spectacles que l’on peut
voir aussi en famille : tout est fait pour
que la ville se mette en cirque, et que
l’on puisse tout voir en quelques jours.
Ainsi Dans mes bras se jouera dans la
(magnifique) Cour de l’Archevêché :
un spectacle de la cie L’Attraction
céleste pour 50 personnes, intime, où
il est question, en musique et en
étreintes, en numéros acrobatiques
Hodja-Vincent Berhault © X-D.R
lents, de corps brisés qui continuent à
vivre et à bouger, portés par la
tendresse des autres (le 11 oct à 14h et
17h, le 12 oct à 14h et 16h).
Un duo de clowns sans nez rouge,
burlesque plutôt comme les couples
en noir et blanc du cinéma muet,
animera également le week-end dans
la ville : Pol et Freddy, dans Ready,
jonglent avec les mots et les quilles…
(le 11 oct à 16h, le 12 oct à 12h, Place
de la république). Enfin pour parfaire
le week-end, un trio étrange
Rate-rattrape-rate - Nikolaus © X-D.R
(funambule, jongleur et équilibriste)
essaiera de mettre au point le numéro
du siècle, qui s’avèrera être une
cascade… de catastrophes ! (Ratérattrapé-raté par la cie Pré O ccupé, le
11 oct à 20h30 et le 12 oct à 17h au
Théâtre).
Les autres spectacles, plus
raisonnablement, se succèderont dans
des salles, un par soir, à 20h30.
Libertivore, un subtil duo d’amour de
Fanny Soriano (superbe cordéliste) et
Jules Beckman (musicien) le 14 oct
au Théâtre ; En voiture SVP ! du clown
Oskar, qui se prendra pour un chef de
gare le 15 oct à Boulbon et le 17 oct
aux Salins de Giraud ; Hodja
Volume 1, un solo de Vincent Berhault
autour des contes de Hodja, et de la
manipulation de quelques objets qui, à
l’instar des livres, restent habituellement sereins (les 16 et 17 oct au
Théâtre) ; enfin, la semaine se
conclura avec un spectacle à nouveau
destiné aux plus jeunes : les quatre
olibrius de la cie Bibendum Tremens
montreront comment, Entre deux
siestes, le réel peut tout à coup se
mettre à vous jouer des tours, et à
transformer le moindre geste en
épreuve surhumaine (le 18 oct au
Théâtre).
Une semaine donc, pour faire le tour,
pied à pied, de ces petites formes de
cirque précieuses, qui font souvent
avancer les grandes…
AGNÈS FRESCHEL
Cirque et Entresorts
du 11 au 18 oct
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
29
30
MUSIQUE
OPÉRA
Flaubert à l’opéra
Fidèle au grand répertoire français oublié des plateaux lyriques, Renée Auphan ouvre la saison 2008-2009 avec Salammbô,
un somptueux opéra du compositeur marseillais Ernest Reyer, tiré du roman de Flaubert
«C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les
jardins d’Hamilcar.». Tel est l’incipit de Salammbô,
fabuleux roman que Gustave Flaubert écrivit entre
1857 et 1862. C’est ainsi qu’il situe, en quelques mots,
le cadre de son puissant récit historique. On le sait
peu, mais les aventures guerrières et sentimentales
du mercenaire libyen Mathô et de la fille du suffète
carthaginois Hamilcar ont été portées à la scène par
un grand compositeur d’opéra : Ernest Reyer (18231909). Ce marseillais (la place de l’Opéra municipal
porte son nom et on célèbre en 2009 le centenaire
de sa mort) a connu un immense succès avec Sigurd
(sorte de Siegfried français) autrefois en tête d’affiche
des théâtres hexagonaux, et Salammbô, créé en 1890,
et dont la dernière représentation à l’Opéra de
Marseille remonte à… 1940 !
Quel dommage, car la musique de ce compositeur, qui
vouait une admiration sans borne à Berlioz et Wagner,
est d’une qualité et d’une puissance expressive rares !
Quant au livret, il est assez fidèle à Flaubert : on
retrouve le banquet initial, le rapt du voile sacré, la
scène sensuelle sous la tente de Mathô, le calvaire
final… seul l’amour qu’éprouve Salammbô, vierge
consacrée au culte de Tanit, pour le colosse libyen, a
été un peu amplifié pour sacrifier aux conventions de
Gilles Ragon (Mathô) ou Jean-Philippe Lafont
(Hamilcar)… dirigés par Lawrence Foster. La mise
en espace d’Yves Coudray sera finement habillée par
les lumières de Philippe Groperrin.
Piano et orchestre
On n’oublie pas également l’ouverture de la saison
symphonique à l’Opéra, qui met à l’affiche un
virtuose marseillais : Jonathan Gilad joue le 2e
Concerto pour piano de Brahms quand l’orchestre seul,
dirigé par Támas Vetö, interprète la 2e Symphonie de
Beethoven.
JACQUES FRESCHEL
Salammbô
les 27 et 30 sept. à 20h
le 2 oct. à 20h
le 5 oct. à 14h30
Concert Gilad / Vetö
le 11 oct. à 20h
Opéra de Marseille
04 91 55 11 10
http://opera.marseille.fr
Kate Aldrich © John-Francis Bourke
l’opéra romantique…
Les amateurs de grands ouvrages lyriques ne devraient
pas déçus par cette œuvre remarquable. Car Salammbô
devrait connaître le même succès que L’Aiglon ou les
opus de Damase (L’Héritière et Colombe) que la
directrice de l’Opéra de Marseille a exhumé les
saisons passées ! D’autant que le plateau vocal est
brillant avec Kate Aldrich dans le rôle-titre, les ténors
La Maledizione… à Toulon !
Claude Henry-Bonnet affiche, pour le
début de saison de l’Opéra varois, l’un
des grands chefs-d’œuvre populaires
de Verdi : Rigoletto
Le duc de Mantoue est un séducteur immoral… Hélas,
le cœur ayant «ses raisons que la raison ignore», la
jeune Gilda l’aime ! Par malheur («Ah, la
maledizione !»), son père le bouffon bossu Rigoletto,
désirant venger son honneur après l’enlèvement de la
prunelle de ses yeux, commettra involontairement
l’irréparable…
Tragique au possible, l’opéra Rigoletto de Verdi, inspiré
du drame romantique Le Roi s’amuse de Victor Hugo,
recèle des airs parmi les plus populaires du répertoire
lyrique, dont le fameux La donna è mobile. Les trois
principaux rôles ont été marqués par les plus grandes
voix : de Pavarotti à Alagna (le duc), de Callas à
Rigoletto © Opera de Lausanne
Sutherland (Gilda), de Gobbi à Fischer-Dieskau
(Rigoletto)… Il revient à la soprano Rosanna Savoia
d’incarner la jeune amoureuse, quand le ténor
Leonardo Capalbo chante le Duc de Mantoue. On
attend aussi le baryton Marco di Felice dans le rôle
titre du bouffon maudit.
Cette production qui a fait ses preuves à Lausanne,
Marseille, Nantes ou Avignon est mise en scène par
Arnaud Bernard (décors d’Alessandro Camera) dans
un souci de fidélité à la représentation traditionnelle
de l’ouvrage. La direction musicale est assurée par le
chef maison : Giuliano Carella.
J.F.
Rigoletto
le 12 oct. à 14h30
les 15 et 17 oct. à 20h
Opéra de Toulon
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Dans le cadre des Journées Européennes
du Patrimoine, l’Opéra de Toulon ouvre ses portes
pour des conférences, concerts et visites commentées
du bâtiment.
Les 20 et 21 sept.
De 9h30 à 12h30 et 14h30
à 17h30.
CONCERTS
MUSIQUE
31
Funérailles burlesques !
Dans la foulée de la création musicale de L’Enterrement de Mozart par Musicatreize, en
avril dernier à Aix au Grand Théâtre de Provence, l’opéra de Bruno Mantovani est représenté
cette fois dans sa version scénique à Marseille au Gymnase
l’enterrement de Mozart» ? Si tout
tourne autour de cette mince intrigue, les clins d’œil décalés qui
émaillent le récit l’étoffent et l’ornent
drôlement… un peu dans l’esprit des
textes mis autrefois en musique par
Satie ou Poulenc. Quant à celle de
Bruno Mantovani, elle offre une
texture mouvante, tantôt continue,
fuyante ou pulsée, où la clarinette
grinçante se taille la part belle. Et
l’on se demande aussi ce que
Jeanne Roth fera, dans sa mise en
scène, du quatuor de Mozart joué en
ouverture…
JACQUES FRESCHEL
© Agnès Mellon
Ceux qui ont assisté à la création
musicale de L’Enterrement de Mozart
au printemps dernier attendent sans
doute ce que l’opus donnera dans sa
version mise en scène. Il faut dire que
le livret imaginé par Hubert Nyssen,
sorte de dialogue absurde et loufoque
entre un boutiquier à moitié sourd
et un collectionneur bègue, devrait
gagner en saveur et lisibilité dans un
contexte scénique, au gré du jeu des
acteurs/chanteurs.
Un collectionneur/visiteur désire acquérir une gravure aperçue par hasard
dans la vitrine d’un marchand/
bonimenteur : serait-ce celle «que
Beethoven avait accroché dans sa
chambre car elle évoquait à ses yeux
L’Enterrement de Mozart
le 9 octobre
Théâtre du Gymnase
0 820 000 422
www.lestheatres.net
Violons aux créneaux
Le 42e festival de Saint-Victor fait la part belle au violon. Si le jeune Yossif Yvanov joue
en ouverture, on attend également à cet instrument Patrick Bismuth, le flamboyant
Nemanja Radulovic et Olivier Charlier
On connaît le jeune violoniste belge
d’origine russe Yossif Yvanov
depuis son deuxième prix obtenu au
concours Reine Élisabeth en 2005, et
à Marseille depuis son superbe récital
donné au Pharo à la fin de l’année
dernière. En compagnie de l’orchestre
de l’Opéra il avait alors offert au
public une interprétation magistrale
du périlleux Concerto n°1 de
Chostakovitch. C’est dire si l’on
attend le virtuose dans l’atmosphère
Yossif Ivanov © Imagellan
chaleureuse de l’abbaye de SaintVictor. Il y jouera, en compagnie de
l’Orchestra di Padova e del Veneto,
sous la baguette experte d’André
Bernard, la Romance n°2 de Beethoven
et un chef-d’œuvre : Tzigane de
Maurice Ravel. L’Orchestre seul interprètera également Boccherini, Salieri
et la 5e Symphonie de Schubert. (le
25 sept.).
Schubertiade
Franz Schubert aimait réunir autour
de lui des amis artistes, poètes et
musiciens, pour des concert privés
durant lesquels il interprétait ses
propres Lieder en s’accompagnant au
piano. Ces soirées ont été nommées
des Schubertiades. C’est dans cet
esprit d’intimité bienveillante que
Bernard Tétu et ses Solistes de
Lyon, le pianiste Jean-François
Heisser, ont bâti un séduisant programme de poèmes chantés en solo
ou en petit chœur (le 8 oct.).
Outre les prestations de violonistes
hors-pairs dans de grands opus du
répertoire (Concertos Brandebourgeois
de Bach ou Concerto pour violon de
Beethoven), on ne manquera pas le
concert en novembre de l’un des plus
flamboyants contre-ténors actuels :
Max Emmanuel Cencic.
JACQUES FRESCHEL
L’orgue
en fête !
Débuté depuis le 6 septembre le 12e
Festival International d’Orgue de
Roquevaire se déroulera jusqu’au 18
octobre. Pour cette nouvelle édition,
le roi des instruments sera associé à
la flûte, la trompette et la voix dans
un répertoire alliant les incontournables Bach, Liszt, Messiaen et
Mendelssohn aux moins notoires
Dupré, Ducasse, Duruflé, Séverac et
Tournemire.
Alterneront récitals et ensembles
pour une programmation variée et
inventive, ne se cantonnant pas seulement à la littérature routinière mais
désireuse de dépoussiérer quelques
pages oubliées, dans des répertoires
et des esthétiques allant du symphonique à l’école française de la
première moitié du XXe siècle, si
propre à magnifier l’imposant instrument aux cinq claviers.
Les organistes au talent confirmé tels
Dong-Ill Shin, Paolo Oreni, Sylvain
Pluyaut ou encore David Briggs ne
manqueront pour autant pas pour
certains d’interpréter et de vous faire
découvrir leurs propres compositions,
tandis que Georges Bessonnet et
Pascal Marsault mettront en avant
leurs qualités d’accompagnateurs au
sein d’ensembles vocaux et instrumentaux. Et soulignons la démarche
singulière d’Isabelle Sebah nous
conviant à une vidéo-conférencerécital à la découverte de l’orgue !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Festival de Saint-Victor
du 25 sept. au 5 déc
Concerts à 20h30
04 91 05 84 48
http://www.chez.com/saintvictor
12e Festival International d’Orgue
de Roquevaire
0442040533
www.orgue-roquevaire.fr
32
CONCERTS
MUSIQUE
Mozart et grands interprètes
Les Siecles © X-D.R
Si le Grand Théâtre de Provence ouvre
ses portes, dans le cadre des journées
du patrimoine, pour un concert commenté (le 20 sept à 15h30), la saison
Mozart 2008/2009 ne débute
véritablement qu’en octobre. L’orchestre
Les Siècles dirigé par François Xavier
Roth en est la cheville ouvrière pour
une série de concerts thématiques.
Les deux premières soirées sont consacrées à Mozart et la voix : l’orchestre
symphonique, la soprano Nathalie
Gaudefroy et la pianiste Vanessa
Wagner jouent et chantent Mozart
père et fils, mais également Mantovani
et Méhul (le 7 oct), alors que le
lendemain, en formation de chambre,
on retrouve les même solistes pour un
récital d’airs de Wolfgang Amadeus (le
8 oct, en coproduction avec les
Concerts d’Aix).
Artiste associée depuis l’an dernier du
théâtre aixois, Laurence Equilbey, à la
tête du chœur Accentus, revient pour
de célèbres transcriptions de Lieder de
Schubert, de l’Adagio de Barber, de
Wagner et Mahler (le 14 oct), avant un
récital du grand violoniste russe Vadim
Repin, accompagné au piano par
Itamar Golan dans la Sonate en sol
mineur de Debussy, le Divertimento de
Stravinsky et la Sonate «À Kreuzer» de
Beethoven (le 16 oct).
JACQUES FRESCHEL
Grand Théâtre de Provence
04 42 91 69 69 69
www.legrandtheatre.net
Mozart et l’enfance…
Séance «famille» à partir de 8 ans
1e 11 oct à 14h30
Entrée libre sur réservation
Pythéas
en duo
Sextuor
La Mairie des 13 et 14 arrondissements de Marseille, fidèle à l’ensemble
Pythéas, permet à deux formidables
solistes de la cité phocéenne de se
produire en récital. Marie-France
Arakélian (piano) et Yann Le RouxSédes interprètent des opus de
Schumann, Franck, Bloch et
Schubert.
Le première Matinée de musique de
chambre d’Arles affiche un remarquable
sextuor de solistes avec Michel Lethiec
(clarinette), André Cazalet (cor),
Svetlin Roussev (violon), Bruno
Pasquier (alto), François Salque
(violoncelle) et Jean-Claude Vanden
Eynden (piano) dans Penderecki,
Beethoven et Bruch.
J.F.
J.F.
e
e
Chapelle du Méjan, Arles
le 5 oct. à 11h (petit déj. offert à 10h).
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Bastide St Joseph, Marseille
le 26 sept. à 20h
06 21 50 52 90 – Entrée libre
Double quatre
Pour leur nouvelle saison musicale, les
Concerts d’Aix accueillent deux grands
quatuors à cordes français : les
Quatuors Rosamonde et Parisii
unissent leurs archets dans un
programme Mendelssohn (Octuor) et
Schubert (Quintette).
Théâtre du Jeu de Paume, Aix
le 16 oct
04 42 99 12 12
www.concertsdaix.com
J.F.
Quatuor Parisii © X-D.R
Des concerts à la pelle !
Piano : début des «Nuits»
L’Opéra d’Avignon affiche,
dès octobre, une série de
concerts de musique de
chambre, symphonique ou de
musique ancienne.
Sur un rythme soutenu !
Le festival nomade des Nuits pianistiques arpente, trois mois
durant, les communes du département des Bouches-du-Rhône :
d’Aix à St-Martin de Crau, de Trets aux Pennes Mirabeau, PaletteLe Tholonet ou Marseille
Après Picasso et la danse (le 2 oct, voir
page 14) où l’on entend des ballets de
Satie (Parade et Mercure) et Stravinsky
(Pulcinella), on découvre des musiques
de Giovanni Gabrieli, dirigées par Jean
Tubery, qui furent créées pour la
Basilique San Marco de Venise (Trionfi
Sacri, le 4 oct, voir ci-contre), avant un
récital du formidable contre-ténor MaxEmmanuel Cencic (le 8 oct).
L’Orchestre Symphonique Juvénile de
Veracruz initie la saison symphonique
avec des musiques latines (le 9 oct),
avant les Vingt-quatre violons du Roy de
Patrick Cohen-Akenine pour un
programme «orphique» de Rossi et
Lully (le 10 oct). La Musique de l’Air
de Paris (14 oct) précède enfin un
somptueux programme : l’OLRAP dirigé
par Jonathan Schiffman joue L’Oiseau
Jonathan Schiffman © Guy Vivien
de Feu de Stravinsky et se joint au
pianiste David Greilsammer pour le
merveilleux Concerto en sol majeur de
Ravel (le 16 oct).
J.F
Opéra-Théâtre d’Avignon
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
Michel Bourdoncle au piano et
Chantal de Zeeuw à l’orgue ouvrent les
festivités avec des transcriptions pour
ces deux instruments du Concerto pour
la main gauche de Ravel et les Tableaux
d’une exposition de Moussorgski. Un
programme qui n’oublie pas Messiaen
(le 3 oct. à 20h30 à Aix, Eglise SaintJean de Malte). Ce sont ensuite des
Lauréats du concours international de
l’Académie pianistique, Misora Lee et
Sofja Güldabamova, qui se produisent
dans Beethoven, Mozart, Poulenc et
Liszt (le 10 oct à 20h30 à Aix, Musée
des Tapisseries).
J.F.
16e Festival des Nuits pianistiques
du 3 oct au 19 déc
06 16 77 60 89
www.lesnuitspianistiques.com
Y a plus d’saisons !
L’ensemble Symblêma joue une tonique
et séduisante adaptation des Quatre
saisons de Vivaldi pour… quintette de
percussions !
J.F.
Salle Mistral, Châteauneuf-le-rouge
le 20 sept à 20h30
Parc municipal, Venelles
le 21 sept. à 17h30
04 91 81 23 87
www.symblema.com
33
Venezia !
Festes de rentrée
Festes d'Orphee © X-D.R.
Dans le cadre des Journées du
Patrimoine, Les Festes d’Orphée
présentent Aix et son Patrimoine
musical : Baroque et XXe siècle : une
mise en perspective d’opus de
Charpentier, Campra, Darius Milhaud
et Pierre Villette (le 20 sept à 15h 45
à l’Eglise du Saint-Esprit).
Dès octobre, l’ensemble baroque
Artemusia joue Un air d’Espagne ( le
4 oct à 20h30 à la Chapelle des
Oblats), l’Orchestre symphonique de
Jeunes Félix Mendelssohn présente un
Concert pour le 175e Anniversaire de
Johannes Brahms avec sa Symphonie
n°1 (le 8 oct à 19h à la Chapelle du
Sacré-Cœur) et l’Ensemble renaissant
des Festes d’Orphée évoque L’Europe
de la Renaissance à travers des Danses,
chansons et Canzone (le 14 oct à
20h30 à Eglise du St-Esprit).
J.F.
Festes d’Orphée, Aix
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Le Centre Régional d’Art Baroque
Euterpes marque la rentrée musicale
marseillaise en créant son Automne
Baroque. Pour inaugurer l’événement,
Jean-Marc Aymes invite Jean Tubéry
et les quarante musiciens de la 15è
Académie baroque européenne
d’Ambronay. Le programme, intitulé
Fastes vénitiens «Trionfi Sacri» fait
entendre deux compositeurs majeurs de
la fin du XVIe et du début du XVIIe
siècle ayant exploré les ressources
sonores de la basilique Saint-Marc. On
entend donc de magnifiques édifices
vocaux à l’image de l’architecture
vénitienne : des Motets polychoraux de
Giovanni Gabrieli et la Missa in illo
Tempore de Monteverdi.
J.F.
Swing en Provence
Dépêchez vous, ce n’est pas trop tard :
le festival Jazz à Saint-Rémy se
tiendra du 18 au 21 septembre dans le
nord des Bouches-du-Rhône. Associé
aux journées du patrimoine, des
édifices saint rémois seront le théâtre
de concerts gratuits en journée. En
soirée seront donnés des hommages à
Sinatra (18/9) et à Michel Legrand
Basilique du Sacré-Cœur
le 1er oct. à 20h30
04 91 90 93 75
http://www.crab-paca.org
(21/9) par le Nicolas Folmer quartet,
entourant une soirée cubaine (19/9) et
un Gainsbourg confidentiel par le Alain
Brunet quintet (20/9). Le tout dans
les magnifiques jardins de l’Hôtel de
Sade !
F.I
«Tito» & Cage
ment pour la célèbre compagnie
américaine (le 13 oct à 20h au Carré
d’Art).
J.F.
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
http://www.theatredenimes.com
Ernesto Tito Puentes © Youri Lenquette
Feuilles d’Automne. Explorant l’univers
sans fin du monde jazzistique, ce lieu a
tout pour attirer les mélomanes et les
curieux afin de débuter la rentrée en
rythme avec Dominique Bouzon 4tet
(le 2 octobre), Nico Gori european
4tet (le 9), Sophie Alour 4tet (le 16)
et Danilo Rea piano solo (le 17).
F.I.
04 91 50 51 41
www.criduport.fr
Jazz, world et classique
Toujours active dans de multiples
genres, la Cité de la Musique accueille
dans le cadre de Jazz sur la ville le
Marion Rampal Quintet (le 6 oct à 21h,
la Cave) et le Franck Nicolas Patrick
Torreglosa 5tet (le 13 oct à 21h, la
Cave). Au rayon Musiques du monde,
on découvre les accents méditerra-
Le Big Band «In & Out» (18 jazzmen issus du foisonnant terreau
local) se produit à Marseille, le 4 oct
à 21h à la Station Alexandre.
Espace Culture.
04 96 11 04 61
www.station-alexandre.org
Déambulation musicale à l’abbaye
de La Celle (Var). Visites guidées
ponctuées de brèves stations
d‘écoute musicale : opus modernes de
Pärt, Berio, Gubaïdulina par l’Ensemble Des Equilibres.
Les 20 et 21 sept
06 64 11 00 62
Les Rencontres Musicales du Mourillon (voir Zibeline 10) affichent des
concerts de musique de chambre à
Toulon et Hyères (Villa Noailles).
du 18 au 21 sept
Les Floraisons Musicales (Vaucluse
et Gard) annoncent un beau programme de concerts : un Hommage à
Messiaen (Valréas, le 20 sept à 21h),
des duos pour piano et violon (Vaison-la-Romaine, le 21 sept à 18h et
Bagnols-sur-Cèze à 21h), un récital
de Michel Bourdoncle (le 10 oct) et
une spectacle littéraire et musical sur
Clara et Robert Schumann avec Daniel
Mesguish (Bagnols, les 10 et 12 oct
à 21h).
04 90 303 600
www.floraisonsmusicales.com
La route du jazz
La salle du Cri du Port, située dans le
bâtiment du Parvis des Arts, démarre
sa saison sur un rythme soutenu façon
swing, participant notamment à la
manifestation Jazz sur la ville avant
d’enchaîner sur une nouvelle édition de
http://rassegna.free.fr
06 64 11 00 62
http://accordsenscene.free.fr
www.jazzasaintremy.free.fr
Ernesto «Tito» Puentes dirige son Big
Band dans des dynamiques et sonorités
afro-cubaines (le 11 oct à 20h au
Théâtre) avant que les musiciens de la
Merce Cunningham Dance Company
ne jouent John Cage (Fontana Mix) et
d’autres partitions composées spéciale-
La Compagnie Rassegna se produit
pour la 17e édition des Chants sacrés
en Méditerranée. Tournée du
jusqu’au 26 oct en région P.A.C.A.
néens des chanteurs et instrumentistes
de MEZDJ (le 10 oct à 20h30,
auditorium) et on entend, dans un
programme classique, Brigitte Peyre
(soprano), Eric Charray (clarinette) et
Jacques Raynaut (piano), pour des
opus en trio de Schubert, Kalliwoda,
Brahms, des Ariettes oubliées ou La
Rhapsodie de Debussy… (le 17 oct à
20h30, Villa Magalone).
J.F
Cité de la musique
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.com
Jean-Paul Serra (orgue et vièle à
roue), Tarek Abdallah (oud) et Corine
Milian (voix) proposent des Chansons
et musiques autour de Don Quichotte
(le 19 sept à 19h30, Sacré-Cœur,
Marseille ; le 20 sept à 17h au
Festival Asse-Arcadie, Saint
Jacques, 04).
À l’orgue de la basilique de SaintMaximin, Jean-Paul Serra présente
un programme autour de Boëly : Un
classique égaré au XIXe siècle (le 5 oct
à 17h).
Baroques-Graffiti
04 91 64 03 46
http://baroquesgraffiti.com
34
MUSIQUE
CONCERTS
Zig Zag autour du monde Papilles auditives
Shaolin Temple Defenders © Pierre Wetzel.
La Fonderie-Aix présente le Festival
des Musiques du Monde du pays d’Aix
Zik Zac les 19 et 20 septembre de
19h30 à 2h. Le Festival investit cette
année le site majestueux de la
Bastide Corsy, ancienne demeure de
Paul Cézanne au Jas de Bouffan, qui
accueillera pour la première fois le
décor féerique d’une musique sans
frontière et ensoleillée. l’Orchestra
Baobab, Nuru Kane, Shaolin Temple
Defenders & Martha High, Jah
Tubbys, Le Petit Dernier, Kandjah
Kora et DJ Tagada animeront la
première soirée pour laisser la place
le lendemain à Tony Allen,
Sebastian Sturm, Chinese Man,
Fanga, Musical Riot Sound, Karmix
Dj set et The Punisher. De Dakar à
Londres, de Marseille à Paris, de la
Jamaïque à l’Allemagne, en passant
par la Guinée et Montpellier, pas
besoin de visa pour se déhancher à
Aix.
F.I.
Zic Zak
Les 19 et 20 septembre
www.fonderie-aix.com
Au pays de la chanson
Berry © X-D.R
Le Festival de la Chanson Française
du Pays d’Aix s’est affirmé en qulques
années comme un événement majeur
de la rentrée culturelle. La 6e édition
se déroulera du 26 septembre au 4
octobre et invitera comme chaque
année de grands auteurs et interprètes
ainsi que de jeunes talents de notre
Marie Cherrier © X-D.R
scène musicale. Autour des concerts, le
festival propose des conférences,
rencontres, signatures, expositions et
un atelier d’écriture. Un hommage en
chansons et sous forme d’exposition
sera rendu à la chanteuse Barbara. Se
succèderont sur scène Michel Fugain,
Yves Duteil, James Deano, Thierry
Romanens, Gildas Thomas, Musard,
Vincent Baguian, Misère et Cordes,
Staël, Marie-Hélène Desmaris, Travis
Burki, Mathieu Rosaz, Marie Cherrier,
Hervé Lapalud, Mauss, Initiales C.C. ,
Timek, Bass Vegas Parano, Bionic
Man Sound, Black Castle Music,
Mathelene, Maison Rouge, Karma
Cramé, Bœuf, Berry, Portelli, Les
Fatals Picards, Imbert Imbert et
Abel. De quoi ne pas s’ennuyer… Sans
oublier de ne pas se tromper de lieux,
à choisir parmi la salle du Bois de
l’Aulne, l’espace culturel Jean-Paul
Coste, le Musée des Tapisseries, le
Théâtre de la Fontaine d’Argent,
l’espace enfance-jeunesse, et le
restaurant Les 2 frères sur Aix, le
complexe culturel de Simiane, le
cinéma casino de Trets, la salle Duby
à Eguilles et la salle des fêtes de
Venelles.
F.I.
Festival de la Chanson Française du
Pays d’Aix
06 82 78 11 65
www.festival-chanson-française.com
Le festival à déguster sans modération, Les Bacchanales de Saint
Cannat, se déroulera les 19 et 20
septembre à partir de 19h. Deux
soirées festives sont prévues autour
de dégustations de coteaux d’Aix !
Seront présents le vendredi la fanfare
culinaire tzigane Taraf Goulamas et
le jazz actuel du Manuchello Septet.
La deuxième soirée verra se mettre en
scène toute seule l’atypique mezzo-
soprano Emmanuelle Zoldan dans
son spectacle lyrico-comique Opéra,
diva et cætera pour laisser la scène à
21h30 à la chanson festive espagnole
de Calle Alegria.
F.I.
Les Bacchanales de Saint Cannat
Les 19 et 20 sept
04 42 57 34 65
www.festival-bacchanales.com
Sucré Salé
La scène nationale du Théâtre des
Salins à Martigues programme avec
bonheur quelques concerts. La preuve
le 10 octobre avec le goût des mots
et l’art de les accommoder en
chanson avec le Sanseverino Trio et
façon slam avec le Nevchehirlian
Trio. Nouvelle expérience le 21
octobre avec la venue pour la
première fois dans le sud de la France
des King’s Singers, formation a
cappella reconnue qui explorera
l’univers fleuri du madrigal, n’hésitant
pas à faire le grand écart entre la
renaissance élisabéthaine et l’écriture
contemporaine de Ligeti.
F.I.
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
sanseverino © Philippe Delacroix et David Grimaux
Épicé
Le Théâtre du Toursky prendra
l’accent mexicain le 14 octobre avec
la venue de l’Orchestre Symphonique Juvenil de l’Etat de Veracruz.
Cet ensemble de 85 musiciens sera
accompagné du groupe de musiques
traditionnelles mexicaines Tlen
Huicani. Ne manquez pas Le mois de
Veracruz en France, soirée magique
saucée de découvertes musicales
épicées de culture populaire et
folklorique mexicaine.
F.I.
0 820 300 033
www.toursky.org
Si par hasard…
… vous vous trouvez non loin de
Longchamp ou du Panier entre les 18
et 21 septembre vous pouvez vous
permettre d’improviser jusqu’au bout
et butiner selon votre inspiration
entre La Méson, Le Comptoir
Artistique Phocéen, L’Atelier Ici, La
Maison du chant, l’Atelier Celadon
et la Grotte des Accoules. La 3e
édition du Festival des Musiques
Improvisées And on the other hand
sera heureux de vous accueillir dans
ces deux quartiers jumelés pour cette
manifestation
riche
en
expérimentations sonores (Barre
Philips, Emilie Lesbros, Emy
Chauveau, Jules Bernable, Philippe
Deschepper…). Pratique : vos pieds
suffisent et les concerts sont
gratuits!
F.I.
www.myspace.com/andontheotherhand
35
Happy birthday !
10 ans déjà que le génial café concert d’Istres
l’Usine nous régale à la fois par son lieu accueillant
et adapté, et sa programmation, qui n’a vraiment
rien à envier à certaines salles de grandes
agglomérations ! Cela se fête bien sûr, et la rentrée
s’annonce chargée côté scène et décibels, pour
cette salle qui peut accueillir 1300 spectateurs
debout. Les premières bougies seront soufflées
avec le hard rock urbain et métallique de Blue
Oyster Cult le 14 septembre en attendant la
singulière australienne Micky Green le 1er octobre.
Week-end complet avec la présence de la
californienne Suzanne Vega le 3 octobre et du
spectacle poétique expérimental d’EZ3kiel le
lendemain. Le 10 octobre c’est le festival des Nuits
Métis qui pose ses valises avec le rock folk saharien
de Temenik Electrik et Kandia kora / Zeid, duo
Guinéen Libanais. Une semaine sera-t-elle
suffisante pour vous remettre, et accueillir comme
il se doit Dyonisos le 17 octobre ?
En attendant The DØ et Thomas Fersen tout
prochainement… Happy birthday, et merci pour
tout !
FRED ISOLETTA
L’Usine, Istres.
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
C’est déjà demain
Vers l’Espace
La Fiesta des Suds approche à grands pas et
l’édition 2008 s’annonce plus éclectique que
jamais. Du 17 au 31 octobre, les Docks verront
défiler les mythiques Trust (hors programmation le
10 octobre) en attendant l’ouverture officielle du
festival, le 17, avec le barde de Woodstock 69
Richie Havens et la diva des Caraïbes Calypso
Rose. La légende vivante du jazz Herbie Hancock
sera présent en exclusivité le 18 octobre, tout
comme la chanteuse cubaine Omara Portuondo et
la soul électro plurielle du nigérian Nneka.
À suivre, dans notre prochain numéro, puis sur
scène : Bashung, Rokia Traoré, Asian Dub
Fondation…
Décidément la rentrée musicale s’annonce chargée !
Nada Surf est sur la scène de l’Espace Julien le
1er oct ! Le trio New-Yorkais, rendu célèbre par
l’hymne rock des années 90 Popular sort son 5e
album intitulé Lucky. Ils seront accompagnés du
groupe noisy rock parisien expatrié à Londres
Underground Railroad et du quatuor indie rock
kIM NOVAk inspiré de Joy Division, du Velvet
Underground, en passant par Radiohead.
Cette soirée exceptionnelle ne doit toutefois pas
éclipser la présence du métal de Chaos Fest 2008
les 3 et 4 octobre et le passage du 18e Garde’n
Blues Festival avec Bill Deraime (10/10) et Little
Bob (11/10). De quoi glisser sûrement vers le
festival Jazz sur la ville (14/10) avant d’accueillir
Makali (18/10). Le tout en attendant Suicidal
Tendencies…
F.I.
Fiesta des Suds
Les Docks
0825 833 833
www.dock-des-suds.org
Micky Green © Jenny Harper
F.I.
www.espace-julien.com
Richie Havens © Jim Dyson
Nada Surf © X-D.R
Manu Dibango © A. Hermann
Ils sont là !
L’invasion est proche sur l’esplanade du J4 et dans
le quartier du Panier, invasion sonore programmée
pour les 10 ans de Marsatac du 25 au 27 septembre.
Premiers pas des électro-terrestres dans un Panier
prêt à imploser : apéros électros en guise d’accueil
aux nouveaux venus place de Lenche et place des
Pistoles les vendredi et samedi de 17h à 21h,
histoire de s’acclimater à notre nouvelle
population. Les trois soirées sur front de mer
permettront une déambulation entre la scène Pharo
et la scène Major. Premiers pas à l’accent africain
(le 25 septembre), propagation de décibels à
l’accent hip hop (26/09) et invasion massive de la
planète électro (27/09). Manu Dibango, Seun
Kuti, De La Soul, Laurent Garnier, Chloé… Venez
donc rencontrer ces drôles de gens !
F.I.
www.marsatac.com
36
MUSIQUE
Cadre
exceptionnel
pour rencontres
magiques,
les Escales
du Cargo
ont assuré
le spectacle
en Arles
à la fin
du mois de juillet
pour un succès
retentissant
ARLES | AGENDA
Escales en Arles
The DØ © Patrice Aim
Le décor majestueux du théâtre antique d’Arles n’était ni
trop beau ni trop grand pour accueillir la belle et si
surprenante Camille et sa bande le 22 juillet. On est en
droit de se demander ce que cette drôle d’artiste ne sait
pas faire ! L’état extatique dans lequel ce petit bout de
bonne femme a laissé les spectateurs de tout âge en dit
long sur la qualité et l’inventivité du véritable show donné
pour les Escales du Cargo. Avec Camille les mots ne
Yaël Naim © Patrice Aim
sont plus ce qu’ils étaient, et les phrases non plus !
Onomatopées, jeux de bouches, syllabes dérangées pour
mots arrangés, syntaxe cabossée pour phrase déguisée,
tout y passe. Cette marque de fabrique pourrait lasser mais
la petite a du talent et une jolie voix, alors… D’ailleurs on
ne voit qu’elle dans sa robe orange fluo, elle laisse un peu
de place à ses acolytes adeptes de joutes, de sons et de
bruits. Mais avant elle, la malienne Rokia Traoré avait
posé ses valises pour une première partie réussie,
naviguant entre poésie et danse haletante, posant son
timbre de voix charnel et sensuel mêlant soul et funk
entre deux discours revendicatifs sur la situation africaine.
Duos sensibles et jolis pas de deux le lendemain, avec
The DØ puis Yaël Naim. Le décor est planté avec une
scène superbement éclairée pour le duo franco-finnois de
Dan et Olivia, rencontre avec une brunette sympathique,
guitariste à la voix cristalline et un musicien multiinstrumentiste auteur compositeur, entre autres, de
musiques de film. Leur signature pop-rock- électro un brin
déjanté est servie bien sûr par tous les jouets de Dan, une
sculpture d’instruments culinaires qui serviront plus tard
de percussions, sans compter les platines, la batterie et
plusieurs guitares. Le concert est une réussite, pêchu et
dansant et pas seulement pour les fidèles ; les moustiques
arlésiens s’étant invités à la fête s’en donnèrent à cœur
joie sur les espaces laissés libre par la superbe robe
mousseline rayée noir et blanc portée par Olivia. Une
chose est sûre : The DØ, bien qu’extrêmement sophistiqué
et arrangé, passe allègrement le test du live. Moins de
chance en revanche pour Yaël Naim et David Donatien
dont les premiers titres ne purent résister à un orage
malvenu. Dommage, le duo s’était doucement mis en
marche malgré un son bien trop chargé en basses.
Il était temps d’entonner en chœur, et sous la houlette de
la voix très groovy de Yaël, un très pertinent Singing in the
rain !
EMMA VIRY ET FRÉDÉRIC ISOLETTA
Au programme
MARSEILLE
Balthazar : Watcha clan (18/9), Jazz sur la
ville : PHM & François Rossi (10/10)
04 91 42 59 57,
www.aubalthazar.com
Cabaret Aléatoire : Heinrichs & Hirtenfeller,
Holgi Star, JackJack Ollinsirak, Nik (20/9),
Jazz sur la ville : Selecter the Punisher, José
James, Dj Dusty Jazz Liberatorz (3/10),
Empyr (8/10)
04 95 04 95 09,
www.cabaret-aleatoire.com
Cité de la Musique : Jazz sur la ville :
Marion Rampal Quintet (6/10), Franck
Nicolas & Patrick Torreglosa Quintet (13/10)
04 91 39 29 19,
www.citemusique-marseille.com
El ache de Cuba : Maudit comptoir (19/9)
04 91 42 99 79,
www.elachedecuba.com
Embobineuse : Seijiro Murayama & JeanLuc Guionnet (19/9)
04 91 50 66 09,
www.lembobineuse.biz
Intermédiaire : Janis Joplin tribute (18/9),
Amara (19/9), The silver shine, devil
crockett (20/9), Dj Raptus (22/9), Macadam
Bazar (23/9), K.Do records presents radio dj
show (26/9), Mind the Stepp (27/9),
Waterproof marabout fonk system (29/9)
04 91 47 01 25
L’Affranchi : Dub station Marseille vol 2
avec Bush Chemists, Lion Roots, Musical Riot
Sound System (11/10)
04 91 35 09 19
www.l-affranchi.com
La Machine à Coudre : Fanfare Vagabontu
(19/9), Short bus windows lickers, Sickness
(23/9), L’oiseau mort, Koît electric
nymphonik, Early bus (27/9), Dimi Dero INC
(11/10)
04 91 55 62 65,
www.lamachineacoudre.com
La Meson : Festival And on the other hand
(18 au 21/9), The flail (26/9), Soniquette
(27/9), Farenji & Nuestra Cosa (5/10),
Sashird Lao (5/10), Jazz sur la ville : Sashird
Lao (7/10), Trio Winsberg, Di fraya, Maillard
Technovoïd form3 (11/10)
04 91 50 11 61,
www.lameson.com
Le Lounge : Early (18/10)
www.myspace.com/lelounge13
Le Poste à Galène : Darkmen, Porno-Graphic
Messiah (19/9), Nuit années 80’ (20/9), Les
Jolis, The Doliprane’s (26/9), Joseph
d’Anvers (27/9), Into the groove (27/9),
Steeve Estatof (30/9), Keith Caputo, Life of
Agony (1/10), Phoebe Killdeer and the short
straws (9/10), Kutati Boy & The Palmtree
Family, Kuta (10/10), Alister (16/10)
04 91 47 57 99,
www.leposteagalene.com
Nomad’Café : 15e edition du Festival Nuits
Métis : Selecter The Punisher, Kanjha Kora,
Fanga (2/10) et Temenik Electrick, Sam
Karpienia (3/10)
04 91 62 49 77
Station Alexandre : Jazz sur la ville : In &
Out Le Big (4/10), Plein feux sous les pianos
(6 au 25/10)
04 91 42 05 87,
www.station-alexandre.org
Théâtre Lenche : Usthiax (20/9)
04 91 91 52 22,
www.theatredelenche.info/
AIX
Théâtre et Chansons : Vis à vies (19/9)
04 42 27 37 39,
www.theatre-et-chansons.com
Le Korigan : Gama Bomb, Bondel Blood,
Discard, In other climes (19/9), Ad
Hominem, Nefarirum, Foscor, Hindvir,
Shellshocked (27/9), Fis(ch)er, My Own
Vision (18/10)
04 42 54 23 37 Luynes
AUBAGNE
L’Escale : Kill the thrill, Dj Prince Freedom (
10/10), La Troba Kung-Fu, Dj Big Buddha
(11/10)
AVIGNON
Théâtre des Doms : Jazzotrad Trio Trad,
Charmasson, Tchamitchian (2/10)
04 90 14 07 99,
www.lesdoms.be/
Ajmi : Christophe Leloil sextet «echoes»
(10/10), Sophie Alour Quartet «Uncaged»
(17/10)
04 90 860 861,
www.jazzalajmi.com
VITROLLES
Moulin à Jazz / Charlie free : Dress Code,
Rosa (26/9)
04 42 79 63 60,
www.charliefree.com
SALON
Portail coucou : Live station portail (4/10),
Positive roots band, Rob Taylor (11/10), Pra
Fe (15/10)
04 90 56 27 99,
http://portail.coocoo.free.fr
CHATEAUNEUF-DE-GADAGNE
Akwaba : Ronan Tablantec, Cristel
Dutorchon Djette (3/10), Maniacx, Dilemn,
Mizou mizou, Cie Joyo, Double Axel, C.
Fuillet (4/10), Missill, Ghislain Poirier,
Spitbastards (18/10)
04 90 22 55 54,
myspace.com/akwabatheatre
38
MUSIQUE
CONCERTS
Légendes et logistique
La deuxième soirée du festival était celle de deux
monstres sacrés du jazz. Tout d’abord Richard
Galliano et le Tangaria Quartet. L’accordéoniste
et compositeur prolifique doué d’une technique
incroyable de sensibilité nous a charmés dès les
premières notes. Richard Galliano a joué avec
d’innombrables musiciens qui comptent dans
l’histoire du jazz : Chet Baker, Joe Zawinul, Michel
Portal... mais aussi au théâtre, en 1983, comme 1er
bandonéon solo avec Astor Piazzola qui composa la
musique du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare
mis en scène par Lavelli. À 58 ans, notre
accordéoniste est toujours débordant de
créativité : à l’issue d’une rencontre récente avec
trois musiciens d’exception, il enregistre Love Day
qui va sortir dès le 22 septembre chez Milan. Selon
lui «one véritable histoire d’amour faite de respect,
d’écoute, de pudeur, de dialogue...». À ses côtés
Alexis Cardenas, violoniste vénézuelien au
pedigree époustouflant, s’est particulièrement
illustré dans des morceaux tels que Escualo ou
encore Sertao.
Quarante minutes s’écoulent pour commander un
rafraîchissement (la logistique ne suit pas) et déjà
arrive Archie Shepp. Avec lui aussi le courant
passe immédiatement, notamment lorsqu’il prend
le micro pour chanter. Encore un moment de
musique exceptionnel ! Dommage que les choix
organisationnels de l’événement se soient portés
sur la gestion à code barre de la billetterie au
détriment de la qualité du son !
DAN WARZY
Des voix berbères à Arles
Arles, en juillet, fourmille d’images, de sons, de
rencontres. Le Museon Arlaten a donné l’occasion
de découvrir le monde berbère à travers les paroles
de la sociolinguiste Nacira Abrous, la voix de la
chanteuse Houria Aïchi et les plats des femmes de
l’association Horizons berbères. Une joie pour les
oreilles et les papilles !
Rifains, Tamazights, Touaregs, Mozabites, Kabyles
et Chaouis font partie des Berbères, qui se dit
«Amazirs» en langue berbère et qui signifie
«hommes libres». «Etre Chaoui, nous précise Houria
Aïchi, c’est habiter l’Aurès, caractérisé par une
géographie, un climat de haut plateau, une langue
berbère traversée par la langue arabe. Si l’on en croit
le proverbe algérien : Le Chaoui a la tête de sa
mule !».
C’est à travers la poésie chantée, accompagnée par
la Gasbâ (flûte fabriquée à partir d’un morceau de
roseau) que Houria Aïchi affirme cette culture
berbère, poésie qui reprend les grands thèmes de la
vie sociale paysanne, le travail, l’amour, la guerre,
l’exil… Devant les paysages de sel de Patrick Box,
elle a chanté a cappella, tenant longuement les
notes d’une tendre berceuse, Berri ya berri (O Mon
Dieu, endors mon enfant sous ta protection) et la
chanson de l’amoureuse qui parle de son amant que
le clan l’empêche de voir.
Un beau moment d’écoute et de partage.
ANNIE GAVA
Le nouveau disque
de Houria Aïchi
sortira fin septembre.
Archie Shepp © Roland Godefroy
Ce concert a eu lieu
au Palais Longchamp
le 24 juillet lors de la 9e édition
de Jazz des 5 Continents
Chorus à minima
et nappes sonores
«neffesh»
Peut-on vraiment parler de musique improvisée
quand on a l’impression d’avoir affaire à une musique si «écrite» ? Telle était la question que l’on
pouvait se poser lors du concert de l’ensemble
Manuchello Septet au Paradox.
Cependant, c’est une musique en recherche, qui
explore..
Batterie, guitare basse dans des riffs rock et jazzrock, un violoncelle fédérateur : Emmanuel Cremer,
principal compositeur du groupe.
L’apport du quatuor à cordes qui forme le septet
nourrit le son, la matière sonore et apporte de
l’intérêt à cette formation qui fait penser parfois à
Magma mais aussi à Yochk’o Seffer.
DAN WARZY
Houria Aichi © birgit
Concert donné au Paradox le 11 juillet
Retrouvez Manuchello en concert
dans le cadre des Bacchanales de Saint Cannat
30 ans de Jazz à La Seyne
Dans le Var a lieu un festival de jazz de très grande qualité
Du 25 juillet au 1er Août, de grands acteurs de la
scène jazz se sont produits dans le cadre intime du
Fort Napoléon : David Murray, Daniel Humair, Pete
La Roca, Georges Garzone, André Jaume... Robert
Bonaccorsi, directeur artistique du festival
témoigne : «Depuis 30 ans, nous marions les
courants du jazz en accueillant artistes en devenir et
artistes de légende...»
La soirée du 31 juillet était consacrée aux
contrebassistes. Le François Mechali trio
commence, uni par une certaine parenté musicale.
Eric Séva au saxophone produit un jazz assez
mélodique, très originel. André Charlier, batteur
au grand talent, a joué avec Didier Lockwood, John
Scofield et encore bien d’autres. La contrebasse de
Christian Brazier était à l’honneur pour la seconde
partie avec ses complices de longue date que sont
Philippe Renault (trombone) et Thierry Maucci
(saxophones). Invités pour former le quintet, Steve
Potts (saxophones) et John Betsch (batterie)
auront apporté stabilité et perturbations à une
musique écrite, évoluant toujours dans des
improvisations devenant courants de passion, de
combats, jusqu’à la grâce harmonique.
Le festival s’est clôturé le lendemain dans
l’amphithéâtre de Châteauvallon avec le groupe
Yellowjackets et Mike Stern, guitariste de grand
renom. Il a joué avec Billy Cobham, Miles Davis,
Pat Metheny, Jaco Pastorius, Michael Brecker... Le
groupe fondé en 1977 a démontré qu’il était encore
plein de fraîcheur et talentueux comme jamais. Aux
côtés de Russell Ferrante (claviers) et Jimmy
Haslip (basse) les membres fondateurs,
l’extraordinaire Bob Mintzer (saxophones) nous a
fait goûter du EWI, instrument à vent électronique
marquant le caractère très jazz fusion de la soirée.
Marcus Baylor (batterie) a prouvé son extrême
sensibilité et nous a révélé toute la dimension de
son talent.
DAN WARZY
MUSIQUE
39
Ça Jazze au château
La région est riche en festivals d’été, et il est
difficile de déterminer le spectacle à ne pas rater.
Ceux qui avaient choisi de se rendre à Trets pour la
septième édition de Jazz au Château ont tablé sur
une valeur sûre.
Cette année, le festival qu’organise l’association
Attrait rendait hommage au contrebassiste Roger
Luciani récemment disparu et qui avait apporté son
soutien dès la première édition.
Le Miss Jones Quartet, un jeune groupe tretsois
ouvrait les festivités. Jolies reprises de grands
standards, de Cole Porter à des rythmes de Bossa
Nova… des échos touchants de Billie
Holliday…Voix juste, bons instrumentistes, de
pertinents changements de rythme, pour un
programme éclectique sans doute un peu trop
sage…
La deuxième partie voyait des compères de longue
date se retrouver sur scène. Les frères Belmondo
(cuivres) et Thomas Bramerie (contrebasse) se
connaissent depuis l’adolescence, et tous jouent
ensemble depuis au moins dix ans. C’est donc avec
une complicité, une joie de se retrouver
communicative, que ces musiciens hors pair (piano
Éric Legnini, batterie André Ceccarelli), se
lancent sur des canevas classiques, de Thelonius
Monk, Freddy Hubbard, Coltrane… en de brillantes
improvisations. Les premières mesures de batterie
installent d’emblée un univers sonore magique. Les
musiciens entraînent au gré de leur fantaisie et de
leurs incroyables acrobaties un public subjugué.
Les artistes jouent aux deux sens du terme, pour le
plus grand bonheur des spectateurs, une musique
riche et jubilatoire. On ne s’en lasserait jamais…!
C’est un univers complètement différent qui était
de superbes envolées et la batterie de Dimitri
Reverchon est efficace. On ne s’ennuie jamais.
Bizet, Ravel, Debussy sont ainsi passés à la
moulinette du jazz, dans un spectacle qui unit
qualité et humour. Décapant !
La grande Sara Lazarus clôture le festival. Let’s do
it de Cole Porter installe une atmosphère
chaleureuse et complice. Et si some of my friends
have the blues lorsque l’artiste évoque avec une
certaine nostalgie le Delaware de son enfance, le
public, lui, est enthousiaste ! Hommage au pays
qui l’accueille, une délicieuse valse des lilas de
Michel Legrand, interprétée sur un rythme de bossa
nova, permet de découvrir l’étendue du talent de la
chanteuse. Chaque musicien se livre d’ailleurs à de
très riches improvisations avec un plaisir virtuose.
Un entrain communicatif, un sourire généreux, une
voix superbe, un sens musical exceptionnel ont
transporté l’auditoire.
MARYVONNE COLOMBANI
programmé lors de la deuxième soirée. Le
Sudameris Quintet propose une relecture jazz tout
à fait convaincante d’œuvres du répertoire
classique. Les trois musiciens convient à un voyage
à travers la musique française. Ainsi, le premier
mouvement des morceaux choisis est donné dans
sa version d’origine, parfois par l’entremise d’un 78
tours, puis retravaillé en jazz. Le jeu du pianiste
Robert Rossignol n’est pas sans évoquer le toucher
de Camillo. Jean-Christophe Gautier à la basse et
Farid Boukhalfa à la percussion s’en donnent à
cœur joie. Le saxophone de Iamine Diagne connaît
Théâtre et chanson
La saison nouvelle renoue le fil de la chanson avec
le joli spectacle qui clôtura les activités du lieu.
Chansons démêlées offre à un public fidèle et
nombreux un florilège de chansons françaises dont
les textes et les musiques sont empruntés à des
artistes aussi variés que Higelin, Brel, Juliette,
Anne Sylvestre… Les interprètes sont des stagiaires
qui travaillent parfois depuis quatre ans avec
Isabelle Bloch-Delahaie. Les voix sont justes, la
mise en scène des chansons accorde aux textes un
relief, une saveur, sans paraphrase aucune. Le
spectacle joue entre différents registres, poésie,
confidence, humour, tendresse. Les spectateurs qui
emplissent la petite salle transpirent, s’éventent,
se liquéfient, stoïques, mais restent tant la
prestation est entraînante et sensible. Dans ce petit
théâtre de poche, les mots voguent, circulent, se
donnent, se transmettent, car il s’agit bien de
transmission avec des passeurs de mots, de sens,
d’enthousiasme pour la vie, dans ses émois et ses
doutes, ses joies et ses dérives.
On ne cesse d’enterrer la chanson française, d’en
Jazz au Château
a eu lieu à Trets
les 11 et 12 juillet
Les frères Belmondo © X-D.R
déplorer la décadence, ce théâtre en est le parfait
démenti !
M.C.
Les soirées cabaret de Théâtre et chansons
ont eu lieu du 27au 29 juin.
Elles reprennent du 26 au 28 septembre.
04 42 27 37 39, www.theatre-et-chansons.com
Soirée cabaret © X-D.R
Louisiane
en Provence
Chaussures noires et blanches, veste croisée,
pantalon large, cheveux gominés, la panoplie
complète des années de la prohibition, un vieux
poste des années 30, et l’indispensable micro dont
la forme oblongue et les éclats métalliques
renvoient aux vieux films d’Al Capone, ce sont les
Cotton Candies ! L’univers du Cotton Club de SaintLouis se retrouvait ce soir-là sur la scène des Nuits
du château de Trets… Un air de Louisiane en
Provence… et quelle fougue ! D’emblée, les cinq
musiciens captivent la salle ; les rythmes de
boogie-woogie s’enchaînent, les airs swinguent, le
jazz s’amuse et emporte un public que le chanteur
du groupe, Karim Tobbi, entraîne dans un monde
où renaissent Nat King Cole, Louis Prima, Slim
Gaillard, Bennie Goodman, Louis Jordan et tant
d’autres talents… Les ballades alternent avec des
rythmes plus rapides, ménageant quelques
respirations poétiques dans ce spectacle endiablé.
Chaque musicien connaît son moment de solo
virtuose, dans la plus pure tradition du Cotton Club.
Les artistes jouent avec humour du décalage affiché
du temps, établissant une complicité musicale et
dansante avec un public conquis.
M.C.
Cotton Candies s’est produit le 20 juillet à Trets
dans le cadre des Nuits du château
40
MUSIQUE
MUSIQUES INTERDITES
Requiem au camp de la mort
Le festival Musiques Interdites a investi l’Opéra de Marseille pour deux soirées. Le 11 juillet, le théâtre lyrique a fait
salle comble pour entendre une bouleversante interprétation du Requiem de Verdi donné dans un contexte historique
et tragique : au camp de Terezin en 1944
Terezin fut un camp de transit que les
nazis voulurent faire passer pour un
«ghetto modèle». Son intendance
quotidienne était autogérée par les juifs.
Au demeurant, cette sombre vitrine ne
dissimule nullement l’implacable génocide mis en œuvre dès 1942 : sur 140 000
internés, 90 000 furent envoyés à
Auschwitz et 33 000 périrent sur place.
La population du camp comportait une
forte proportion de musiciens issus de
Bohème. Des orchestres et chorales,
tolérés par les nazis, donnèrent des
concerts, en particulier pour les visites de
la Croix-Rouge, où des mascarades étaient
organisées, films de propagande à l’appui,
afin de faire taire les rumeurs qui
commençaient à grandir en Europe sur
l’horreur de la solution finale.
En 1944, un projet voit le jour : jouer le
Requiem de Verdi. Le chef d’orchestre
Raphaël Schächter réunit des musiciens
présents sur place et, tant bien que mal,
un quatuor de chanteurs qui changera au
fil des départs des convois vers les camps
d’extermination. Les répétitions et l’exécution de cette Messe des morts ont été
racontées par un jeune juriste rescapé :
© Agnès Mellon
Joseph Bor. C’est à partir de ce récit que
Michel Pastore imagine un oratorio qui,
sur le plateau nu de l’Opéra de Marseille,
a pris la forme d’un rituel puissant.
Une prière universelle
De fait, la liturgie latine, étrangère aux
juifs, chantée dans ce contexte, offre un
prisme étonnant, une distanciation fon-
cièrement émouvante. L’impressionnant
Dies irae (Jour de colère), le suppliant
Dona eis requiem (Donne-leur le repos)
ou le déchirant Libera me (Libère-moi)
résonnent comme une prière universelle
où l’inévitable mort annoncée n’exclut
pas le fol espoir d’un possible salut. On le
sait aujourd’hui, c’est leur propre Requiem
qu’ont interprété ces musiciens juifs en
sursis : après l’exécution de l’œuvre
devant Eichmann, ils ne furent pas
séparés… on les regroupa dans des
wagons à bestiaux en partance vers les
chambres à gaz.
L’engagement des artistes autour de ce
projet de Michel Pastore est remarquable :
l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, le
chœur Ad Fontes Canticorum sous la
baguette de Cyril Diederich, Fabrice
Luchini en récitant à la diction sobre et
dont la présence scénique est toujours
captivante. Côté solistes, dans cette
liturgie désordonnée, interprétée au gré
des répétitions de 1944, on retient les
pâtes vocales puissantes de la mezzo, du
baryton Jean-Philippe Lafont, le timbre
ensoleillé du ténor Jesus Garcia investi
dans son personnage de jeune allemand,
démasqué et terrorisé, se cachant au
milieu du chœur afin de fuir une
mobilisation pour le front de l’Est. On
s’incline également devant la générosité
expressive de la soprano Sandrine Eyglier,
en particulier dans son ultime et furieux
«Libera me», déchirant chant du cygne
crié à la face de ses bourreaux !
Opus exhumés
Le lendemain, 12 juillet,
le programme a donné
l’occasion de découvrir
deux opéras oubliés d’un
compositeur roumain
Nicolae Bretan
Nicolae Bretan est né en Transylvanie en
1887. Anti-nationaliste, il composa de
nombreux Lieder et des opéras entre 1921
et 1942 dont il écrivit lui-même les livrets
en roumain, en hongrois ou en allemand.
Bretan subit le joug des deux grandes
dictatures du XXe siècle. La famille juive
de sa femme fut persécutée par les nazis
et lui-même a été mis à l’index une fois la
Roumanie livrée au stalinisme. Réduit au
silence à partir de 1948, ses opus ne
seront réhabilités qu’à partir des années
1990, soit plus de 20 ans après sa
disparition en 1968.
Deux de ses opéras ont ainsi été
redécouverts sur la scène de l’opéra de
Marseille : des opus condensés, en un
acte, chantés en version de concert. Le
premier, Golem, narre l’aspiration d’une
statue de terre à la vie et à l’amour pour
la fille de son créateur. La révolte de la
créature est soutenue musicalement par
un récitatif continu, syllabique et près du
texte, qui se développe avec un lyrisme
expressif, dans la lignée du postromantisme européen. Si le second opéra
Arald, s’avère plus mystérieusement
symboliste, sa forme (ABA) se révèle
étonnante, rare pour une œuvre lyrique.
L’opus a donné l’occasion à Jean-Philippe
Lafont, dans un air imposant (Bretan
était baryton d’opéra), de faire la
démonstration de tout son talent, fort
bien secondé par le ténor Jean-Luc Viala,
la basse Roman Vocel et la soprano Delia
Noble qui a rempli courageusement son
contrat malgré une lourde laryngite.
Un programme dense
L’affiche de cette soirée a été complétée
par l’œuvre d’un artiste qui a survécu aux
camps de la mort. Paul Aron Sandfort
composa, peu avant sa disparition en
2007, un septuor sur un poème qu’il avait
écrit en 1947 : Le Rabiot. Ce texte décrit
l’état d’inhumanité dans lequel se trouve
l’interné soumis à la faim. Pour cette
création, Dominique Koudrine (récitante)
Jean-Philippe Lafont © X-D.R
a été brillamment soutenue par des
solistes de l’Orchestre Philharmonique de
Marseille.
La soirée s’est achevée par l’ultime Sonate
pour piano de Victor Ullmann (18981944). Ce musicien, également sorti de
l’ombre, composa sur du papier misérable
une vingtaine d’œuvres au camp de
Terezin… avant son aller-simple pour
Auschwitz. Sa sonate inachevée,
interprétée par Valdik Polianov, oscille
paradoxalement entre une esthétique
néoclassique gaie et légère et un
contrepoint obstiné qui se souvient de
Bach. Une réelle découverte !
JACQUES FRESCHEL
LISZT | OPÉRA AU VILLAGE | NUITS D’ÉTÉ
MUSIQUE
41
Bastide provençale et piano romantique
Parmi les nombreux «petits» festivals que notre région accueille l’été venu, celui consacré à la mémoire de Liszt au
Château Saint Estève d’Uchaux (Vaucluse) est à découvrir : pour son cadre, sa convivialité et la qualité des artistes invités
par Thérèse Français
On débouche, au milieu des vignobles,
par une longue allée qui fait face à la
demeure : une bastide provençale et ses
dépendances attenantes. Ce sont les
maîtres des lieux qui accueillent le public
cosmopolite se présentant par petits
paquets devant une billetterie sommaire :
une simple table plantée auprès d’un
bassin. On parle anglais, allemand…
À la nuit tombante, les deux ou trois cent
personnes présentes s’installent sur les
chaises alignées au pied d’un perron,
situé contre le frontispice, sur lequel
trône un piano de concert. Première
surprise : c’est un Fazioli ! Ce piano de
fabrication italienne connaît, depuis une
vingtaine d’année, un vif succès auprès
de pianistes comme Ciccolini, Brendel ou
Hamish Milne © Dmitri Simakov
Herbie Hancock, en particulier pour sa
sonorité claire et uniforme. Deuxième
satisfaction : l’acoustique du lieu est
excellente ! Le son se réfléchit contre
l’angle adjacent à la façade et ne se perd
pas. Enfin le 22 août, on découvre un
pianiste de valeur, très peu connu chez
nous.
Hamish Milne est le cinquième invité de
cette 11e édition de Liszt en Provence,
après Mikhaïl Rudy, Daniel Propper, Agnès
Graziano et Sodi Braide. Ce soliste et
pédagogue anglais, un peu pris à froid
par les variations de l’Impromptu en si
bémol de Schubert, révèle toute la
sensibilité d’un jeu subtil et nuancé dans
la Sonate en mi bémol majeur de Haydn.
En seconde partie, ce fin musicien
développe, avec sobriété et clarté de jeu,
une profonde poésie dans la Première
Année de Pèlerinage que Liszt a consacré
à la Suisse. Si le virtuose manque d’un
poil de cylindrée dans l’exigeant Orage, le
reste de l’opus est joué avec un sens rare
de la respiration et du chant. De plus,
Hamish Milne n’est pas avare en bis, et
donne de délicates pièces de Bach et
Chopin qui clôturent favorablement la
belle soirée… avant un passage obligé à
la dégustation de crûs du château !
J.F.
Un Opéra à la campagne
Connaissez-vous Pourrières dans le Var,
petit village entouré de vignobles et
d’oliviers ? Ses habitants, loin d’être
oisifs, s’y livrent à la création de petits
opéras méconnus pour lesquels ils
réalisent décors et costumes durant une
année. Ils cherchent un opéra,
choisissent le metteur en scène,
contactent les interprètes, accueillent le
public, tout cela avec professionalisme !
Les représentations ont lieu dans la cour
du Couvent des Minimes construit au XVIe
siècle et restauré avec amour et patience
par Jean de Gaspary, son propriétaire, qui
participe aux décors.
La soirée en 3 parties commence sous les
marronniers par un repas berrichon
accordé au thème de l’opéra, accompagné
des vins du terroir. Puis une Nuit
Romantique, Au temps de Nohant,
création de Christelle Neuillet et Bernard
Grimonet,
directeur
artistique,
reconstitue une soirée musicale chez
George, entourée de ses amis Rossini,
Delacroix et Pauline Viardot. Tout cela
enlevé et joyeux, avec des airs de
Schubert, de Liszt, Mozart, Glück,
soulignant les goûts musicaux de
l’époque. Enfin Cendrillon, opéra de 1904
de Pauline Garcia Viardot, fille d’un
célèbre chanteur et soeur de La Malibran,
dont le talent et la compétence ont
couvert le XIXe siècle, puisqu’elle vécut de
1821 à 1910. Œuvre fraîche et délicate
qui raconte une histoire de Cendrillon qui
finit bien. Tout y est : père faible, sœurs
cruelles, prince marivaldien travesti en
valet, dans une scénographie efficace et
une distribution de qualité.
CHRIS BOURGUE
Cendrillon a été joué dans le cadre de
L’opéra au village à Pourrières du 17 au
24 juillet
Pauline Viardot-Garcia © X-D.R.
Côté Cour,
de Naples à Séville
Brigitte Peyré et Muriel Oger-Tomao ont
convié à une balade intimiste dans la cour
tranquille du Musée Granet. Grâce à leur
amitié complice et leur tessiture jumelle,
elles passent avec malice du premier au
second soprano quand elles sont en duo,
mélangeant ainsi leurs tessitures et leurs
registres, l’une chantant où l’on attendait
l’autre ! Mises en scène avec finesse et
humour par Bernard Colmet, elles ont
enchanté le public. Les airs étaient
variés : Donizetti et Rossini qui avaient
composé pour leur amie Pauline Viardot,
chansons napolitaines de Paolo Tosti,
zarzuelas de Francisco Barbieri ; le thème
intemporel de l’amour romantique en
accord avec la nature revenait souvent,
bien sûr, mais aussi la nostalgie des
amours défuntes ou l’attente de celui qui
ne vient pas. Sensualité et fantaisie
étaient soulignées par la subtilité du
piano de Marie-France Arakélian qui n’a
pas hésité à participer au jeu dramatique ;
ainsi le trio s’est montré décapant.
Inoubliable : La pastorella delle Alpi de
Rossini, air dans lequel Brigitte Peyre,
parfaite bergère, appelle ses chèvres en
imitant leurs bêlements, telle Manon dans
ses collines !
CHRIS BOURGUE
Ce concert a eu lieu le 17 juillet au musée
Granet (Aix)
B.Peyre et M. Oger-Tomao © Gilles Mickaelis
42
MUSIQUE
LA ROQUE D’ANTHÉRON | ORANGE
Nikolaï le Grand
Un gros orage a failli remettre en cause le concert du
20 juillet au festival de La Roque d’Anthéron…
Miraculeusement, la pluie a cessé de tomber à l’approche
de 21 heures. Il aurait été fâcheux de ne pouvoir assister
au triomphe de Nikolaï Lugansky dans Rachmaninov !
Nikolaï Lugansky © X-D.R
Dans la cohorte du public, qui s’installe
lentement sur les immenses gradins du
parc du château de Florans, on a pris soin
de se munir du poncho fourni par les
bénévoles à l’entrée. Chacun prie pour
que la mince toile plastifiée le protège
d’une averse soudaine. Mais l’orage est
passé et ne reviendra plus ! Dimitri Liss et
l’Orchestre de l’Oural débutent, avec un
poil de retard, par une pièce de Liadov,
prélude à une affiche exclusivement russe.
On attend la vedette ! Nikolaï Lugansky se
fait un peu désirer et chacun frémit à
l’idée du poids du programme que le
pianiste va interpréter : les Concertos n°1
et n°3 de Rachmaninov ! Bientôt le tsar
des claviers s’installe et attaque à pleins
poignets le long thème en fa dièse
mineur, sorte de portique sonore qui fut
autrefois au générique de feue l’émission
littéraire Apostrophe. L’artiste regorge
de puissance et ses doigts courent avec
netteté sur les touches enchaînant
arpèges, gammes et octaves… Rien n’est
laissé au hasard : c’est du grand piano qui
n’oublie pas de chanter ! Le travail sur le
son de Lugansky est somptueux, tempéré
par un usage subtil des pédales. Tant de
virtuosité laisse le public pantois!
Après les fameuses Danses Polovtsiennes
jouées par une formation instrumentale
dans son jardin avec Borodine, le pianiste revient pour la folie digitale de
l’opus 30. Entre des instants d’une grande
tendresse, un chant d’une clarté souveraine, ce ne sont qu’éclairs fulgurants où
les accords se succèdent à l’allure des
ailes d’un oiseau mouche, des battements
de phalanges qui défient les lois de la
mécanique corporelle… Après un final à
couper le souffle deux Préludes en bis de
Rachmaninov, clôturent un programme
brillant et assurent le triomphe du Russe.
JACQUES FRESCHEL
Sacrés tuyaux
pour un Faust populaire
Formidable succès pour le Faust de Gounod, mis en scène
par Nicolas Joël, le 2 août aux Chorégies d’Orange, et pour
la somptueuse distribution vocale emmenée par Roberto
Alagna et Inva Mula
Un immense buffet d’orgue plaqué contre
le mur du théâtre antique sert d’unique
décor au Faust imaginé par Nicolas Joël.
Cette idée permet aux personnages de se
mouvoir au pied de majestueux tuyaux de
montre, comme dans un château fantasmagorique, sur une terrasse bordée de
balustres, sous des arches ouvertes au
rez-de-chaussée… Et les symboles qu’on
associe d’ordinaire à l’instrument sacré se
prêtent au chef-d’œuvre de Charles
Gounod. Car chez le musicien, davantage
que chez Goethe, l’opus s’attache au
combat de Dieu contre Satan.
Dans la fosse, habitué des lieux, Michel
Plasson défend avec le talent qu’on lui
connaît la grande musique romantique
française. À la tête de l’Orchestre de
Radio France, il sculpte une texture tantôt tranchante ou fondue, soutient des
chœurs magistraux (près d’une centaine
de choristes issus des opéras d’Avignon,
Nice, Toulon et Toulouse) et le magnifique plateau vocal.
Une lutte pour l’ut !
En tête d’affiche, Roberto Alagna était
inévitablement attendu dans un rôle qui
ne lui va plus comme un gant, surtout
depuis que le ténor s’est tourné vers des
emplois plus lourds. Alors, disons-le
tout de suite, la star, le soir de la
première, a loupé son contre-ut (celui dit
de «la présence») ! Sur ces fameux mots,
Roberto a du s’emmêler les cordes,
hésitant vraisemblablement entre une
voix mixte (poitrine/tête) ou un simple
falsetto… Hormis ce bémol, le reste a été
magistral ! Qui d’autre que lui peut
chanter le français avec une telle évidence, clarté dans l’articulation,
générosité dans l’émission ? Et quel
métier ! On n’est pas de ceux qui jugent
une prestation à l’aune d’une seule
note… D’autant que, lors de la représentation télévisée captée le lendemain,
on a entendu le ténor distiller un habile
do, suave et léger…
Dans ce contexte, Inva Mula a subjugué
le public. Que ce soit dans les sobres
couplets du Roi de Thulé ou dans le
flamboyant Air des bijoux, puis au fur
et à mesure que le drame accable
Marguerite, la soprano a montré l’étendue
de son talent, sa splendeur vocale, sa
pure émotion théâtrale. Que dire
également de l’immense stature du
Méphistophélès campé par René Pape ?
Les gradins du théâtre romain vibrent
encore de son effrayant Veau d’or ! Et
Jean-François Lapointe (Valentin),
formidable baryton d’opéra, a complété
un plateau vocal à la hauteur du lieu et
de l’œuvre.
Car Faust est un vrai opéra populaire,
regorgeant de mélodies célèbres. Mais il
exige, pour les chanter des voix
exceptionnelles.
JACQUES FRESCHEL
Ascension chromatique
Abdel Rahman El Bacha, est un adepte des marathons pianistiques. On se souvient de son intégrale du piano de Chopin
donné dans l’ordre chronologique… et par cœur ! Le 25 juillet, le Libanais proposait d’enchaîner 24 Préludes de Bach,
Abdel Rahman el Bacha © X-D.R
Chopin et Rachmaninov dans l’ordre croissant des tonalités. Pari réussi !
Tout commence par le 1er Prélude en do
majeur du Clavier bien tempéré de Bach.
Le jeu est souple, avec pédale, un peu tiré
vers le romantisme, comme si déjà le
pianiste préparait Chopin : pas
métronomique, avec un poil de rubato.
De fait, c’est dans Chopin, qu’au fil des
72 pièces enchaînées plus de trois heures
durant, le stakhanoviste se montre le plus
à l’aise. Dans sa lente progression par
demi-tons vers l’aigu, la confrontation
des styles s’avère intéressante. Chaque
ton, majeur puis mineur, apparaît,
s’affirme ou s’estompe, plus évasif… de
Bach à Rachmaninov. El Bacha s’acharne
à unifier le tout, le contraste des
langages harmoniques, la différence des
styles d’écritures s’échelonnant sur deux
siècles d’histoire de la musique.
Au fil des trois concerts entrecoupés
d’entractes, pour cette rituelle Nuit du
piano, le public se prête au jeu, entre
dans le rythme de l’artiste, reconnaît deci de-là quelque opus célèbre et reste
ébahi par la concentration et la mémoire
phénoménale du musicien. Car tout est
joué par cœur ! On imagine le travail
fourni en amont, les heures passées au
clavier à enchaîner toutes ces pages, à en
extraire la quintessence afin de bâtir une
trame cohérente. Au final, le public ne
s’est pas trompé, et salue la performance
par une ovation debout !
J.F.
FESTIVAL D’AIX
MUSIQUE
43
Un oratorio à la scène
Le parti pris de mettre en scène l’oratorio Belshazzar de Haendel au festival d’Aix s’est avéré judicieux : l’habile
scénographie de Christof Nel, la direction millimétrée de René Jacobs ou l’aisance du contre-ténor Bejun Mehta en ont
scellé le triomphe
Un spectateur qui serait arrivé en retard lors d’une
représentation de Belshazzar au Grand Théâtre de
Provence, au milieu d’une vaste fugue chantée en
anglais à la gloire du Divin ou lors de l’Amen conclusif,
aurait eu de quoi tiquer ! En effet, ces pages sont
caractéristiques d’un genre particulier : l’oratorio sacré.
À la différence des opéras (joués avec décors, costumes
et mise en scène…), ces drames, souvent historicobibliques, n’étaient pas représentés. Est-ce pour autant
un sacrilège que de les «monter»? Non ! Cette nouvelle
production du festival d’Aix prouve le contraire !
Certains oratorios possèdent une telle intensité
dramatique que les porter à la scène ne nécessite pas un
insurmontable effort d’imagination. Cela les rend, du
reste, plus abordables. Belshazzar est de ceux-là !
L’histoire de ce tyran babylonien, vaincu par Cyrus
libérateur du peuple juif, possède de nombreux ressorts
dramatiques que la mise en scène de Christof Nel a su
habilement exploiter. Un décor vertical en fausse
perspective sert de terrain de jeu aux pantomimes d’un
roi coiffé d’une improbable couronne d’opérette ; à des
acrobates hommes de main du pouvoir, au chœur
siégeant parfois, face au public, comme son propre
miroir… Certains effets sont captivants, comme ce mur
dégoulinant de sang, soudain dressé à l’avant-scène,
alors qu’un instant plus tôt le vin coulait à flots lors
d’une bacchanale…
Côté musique, le style alternant récits et airs ne diffère
pas de l’opéra, et l’utilisation de l’anglais (à la différence
de l’italien pour l’opéra) semble clairement renouer avec
la tradition de Purcell. Dans la fosse, les instruments
© Elisabeth Carecchio
anciens de l’Akademie für alte Musik Berlin font
merveille. Dirigé avec précision et souplesse par René
Jacobs, l’orchestre richement doté fournit une vaste
palette d’accompagnements : orgue feutré, basse de
viole, cordes pincées de clavecins et de théorbes,
trémolos de violons, contre-chants de hautbois et
flûtes…
Les voix du RIAS-Kammerchor sont homogènes et les
solistes admirables. De la distribution, on retient la
performance rare d’un contre-ténor au timbre chaleureux
et puissant aux aigus assurés et séduisants : Bejun
Mehta (Cyrus). À ses côtés, l’élégant ténor léger
Kenneth Tarver, roi perverti par le pouvoir, brille par son
aisance corporelle. Neal Davis, noble vengeur, émeut par
son style de baryton mélodiste (mais manquant de
grave), Kristina Hammarström (alto) campe un
prophète Daniel tout en noblesse de ton. Enfin, la
soprano Rosemary Joshua, dans le rôle cornélien de la
mère du Tyran, regorge de vérité expressive.
JACQUES FRESCHEL
La boucle est bouclée
Premier ouvrage représenté il y a 60 ans dans la cour de l’Archevêché, Cosi fan tutte justifie à lui seul l’hommage rendu
aux fondateurs du Festival d’Aix
Parfois le destin d’une œuvre ne tient qu’à
un coup du sort. C’est ce qu’à du se dire
Mozart au début de l’année 1790 lorsque
le formidable accueil réservé à son opéra
bouffe au Burgtheater de Vienne pour son
ultime collaboration avec le librettiste Da
Ponte fut littéralement éclipsé par le
décès de Joseph II. Deuil oblige, les
théâtres ferment et l’activité reprend, Cosi
est déjà oublié et sa longue vie pressentie
un lointain souvenir…
À Aix l’auditoire comblé n’a sans doute
pas eu à se poser ce genre de question,
profitant pleinement de la qualité de la
distribution fort jeune mais réussie.
Judith Van Wanroij dans le rôle de la
femme de chambre Despina fut sans
nul doute l’étoile de cette soirée. Outre
ses talents scéniques, cette soprano
hollandaise place remarquablement bien
sa voix et donne une impression de
légèreté dans les aigus, vocalisant à
souhait. De là à éclipser Fiordiligi et
Dorabella ? N’exagérons rien, mais Sofia
Soloviy et Janja Vuletic, au demeurant
de très bonnes interprètes, paraissent
légèrement en retrait de leur soubrette !
Et les hommes dans tout ça ? Une analyse
analogue est de mise, avec en tête le
puissant Don Alfonso (William Shimell)
devant Guglielmo (Edwin CrossleyMercer) et Ferrando (Finnur Bjarnason).
La Camerata de Salzbourg se veut
précise et fidèle à une authenticité
orchestrale sous la baguette d’un
Christophe Rousset plus à son aise dans
les récitatifs au piano-forte qu’à la
direction. Bien qu’il intervienne peu, le
chœur affiche une jolie présence et une
belle homogénéité, avec parfois un petit
bémol pour les aigus (le festival souhaite
avoir son propre chœur en reconduisant
tous les ans les mêmes artistes, ce qui
sera bénéfique). La mise en scène ori-
ginale du cinéaste Abbas Kiarostami n’a
pas dérouté le tout Aix, alternant décors
classiques, film en fond de scène aux
inflexions contemporaines parfois surprenantes mais bienvenues (un petit point
devenu voilier s’approchant inexorablement vers nous) et jeu d’ombres chinoises
servies par la palette de lumières de Jean
Kalman. Un succès éclatant pour cette
école de la vie qu’est Cosi.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Cosi fan tutte a été joué
du 4 au 19 juillet
au Théâtre de l’Archevêché
© Elisabeth Carecchio
44
MUSIQUE
DISQUES
Lignes croisées
Underground
Vous êtes franchement rock’n roll ?
Alors découvrez vite les Dead Sexy
Inc, si ce n’est déjà fait. Ce trio de
Los Angeles n’est pas un nouveau
venu sur la scène américaine, et il
continue de se frayer un chemin
plus que mérité de l’autre côté de
l’atlantique. L’album intitulé sobrement Kamikaze ravira tout autant les
amateurs de rock garage brut de
décoffrage que les adeptes d’électro
griffé à coups de riffs saturés. Le
mélange au demeurant tendance a
tout pour plaire chez ces touche-àtout adeptes du remix : B.O de
Nintendo, DJ itinérants ou encore
réalisateurs…. Son cru, riff acide
limite punk rock, rythmique soutenue : la recette est connue et elle se
déguste encore mieux lorsque s’y
ajoute une sombre pincée d’esthétique glam rock déjantée, à l’allure
caverneuse digne d’un sous-sol
batcave à vitraux gothiques. Le
soutien électro prend alors toute son
importance tel un tapis pulsatif
élévateur. À déguster !
F. I.
Kamikaze
DEAD SEXY INC
Enrage Production
Les grandes lignes, véritable concept
album composé et dirigé par la
musicienne multi-facettes Nadine
Esteve, réunit sous l’appellation du
Tintamar’ Orchestra pas moins de
12 musiciens. Les origines diverses et
les parcours plus que variés des
instrumentistes ou chanteurs participant au projet concoctent une
palette sonore riche et composite. Le
quatuor à cordes Assaï, une contrebasse, des flûtes, une trompette, un
trombone, des percussions (du
tambour de basque à la derbouka) et
deux voix basques, voilà un matériau
propre à explorer différentes textures
orchestrales !
Les voix sont bienvenues mais
interviennent peu dans cet album
essentiellement instrumental. La
disparité des sources pourrait
étouffer l’unité de l’œuvre mais bien
au contraire, cette hétérogénéité est
une aubaine, et force est de constater
l’âme d’un fil conducteur bien
présent, unissant les morceaux de ce
volume pensé comme un projet de
scène, et dont l’inspiration touche
à la fois le jazz, le langage contemporain et le tissu populaire.
F. I.
Les grandes lignes
Nadine Esteve
La MeM
Skanavi et Moultaka
Dans les bacs (qui aujourd’hui s’explorent sur le net), on déniche une paire de disques enthousiasmants de deux labels
majeurs marseillais. Lyrinx édite un concert «live» de Katia Skanavi, époustouflante dans Chopin, quand L’Empreinte
digitale publie une monographie d’opus contemporains du libanais Zad Moultaka
On attendait cet enregistrement
Chopin de Katia Skanavi ! D’abord
parce qu’un disque de la Russe
constitue toujours un événement,
ensuite parce que la prise directe
adoptée par les Gambini convient à
souhait à l’artiste. En effet, cette
dernière, dont l’invention est débordante, «ne fait jamais la même
chose» (dixit René Gambini, directeur
artistique et preneur de son du
label), ce qui constitue un véritable
casse-tête pour le montage des
prises.
Orient-Occident
Zad Moultaka pouvait difficilement
trouver mieux que le Chœur de
chambre Les Eléments, dirigé par
Joël Suhubiette, pour enregistrer ce
programme d’opus vocaux récemment composés. Ce musicien d’une
quarantaine d’années, né au Liban,
possède déjà un catalogue conséquent d’œuvres et tire l’originalité de
son style de l’influence de la musique
de sa culture d’origine
Il ne faut pas se fier à l’allure «frêle»
de la pianiste : c’est une virtuose
hors-pair, issue de l’impressionnante
cohorte slave, formée au panthéon
du Conservatoire Tchaïkovski, ayant
raflé tant de Prix aux «Long-Thibaud»
et autres «Van Cliburn»…
Pour son 8e disque enregistré pour
la maison marseillaise, Skanavi
s’intéresse au Chopin des années
1843 à 45. C’est la grande maturité
du Polonais, sa période la plus
heureuse peut être… vers 35 ans !
C’est à peu près aussi l’âge de la
pianiste. Peut-être cela participe-t-il
au fait qu’on la sent en osmose avec
l’art poétique du maître du piano
romantique. Au-delà de la fougue
nécessaire déployée dans quelque
Mazurka ou mouvement de la Sonate
en si mineur, on retient son sens de la
respiration, et toute la ductilité avec
laquelle la virtuose sculpte les
arabesques des Nocturnes ou de la
Berceuse en ré bémol…
qu’il marie volontiers à l’écriture
contemporaine occidentale.
Le programme propose six pièces
contrastées, chantées dans différentes langues : français, latin,
italien, ou sur de simples phonèmes
arabes, voire imaginaires… La
texture sonore naît parfois du trait,
s’inspire de façon subjective de la
calligraphie d’un poème (Khat),
dévide un chapelet d’images sonores
furtives (Enluminures), puise dans le
chant byzantin, la polyphonie de
Monteverdi (Zikr), les mélismes
orientaux (Neb Ankh), et joue aussi
sur la superposition sonore des différentes plages du disque (Vision)…
L’occasion de découvrir un langage
singulier et un compositeur qui
compte dans la création contemporaine !
J. F.
CD SKANAVI CHEZ LYRINX (LYR 2259)
CD MOULTAKA CHEZ L’EMPREINTE
DIGITALE (ED 13231)
46
CINÉMA
FESTIVAL INTERNATIONAL DU DOCUMENTAIRE | APT
Au fil du FID
Le dix-neuvième Festival International du Documentaire s’est tenu à Marseille du 2 au 7 juillet
Un parcours au fil du monde
«Faire le FID», cela veut d’abord dire
choisir un parcours durant six jours,
décider de prendre soit une autoroute,
les compétitions internationale ou
nationale, soit des routes parallèles en
Europe ou en Amérique, vers Zanzibar ou
vers le passé toujours d’actualité. On
peut aussi emprunter des chemins de
traverse, en butinant de film en film,
selon son inspiration du moment.
Comment tracer sa route ? Vers les
contrées inexplorées, les terres vierges
des premiers films ? Sur les chemins
balisés et rassurants des cinéastes qu’on
aime ou des rétrospectives… qui
réservent parfois des surprises ? Ou
encore accepter de se détourner du
chemin qu’on s’est fixé lorsqu’un
panneau indicateur signale qu’il y a là, à
ce moment-là, quelque chose à
découvrir…
Et puis, surtout, accepter la frustration
devant tous ces films qu’on ne verra
jamais !
De ce parcours quel qu’il soit, on ressort
changé, chargé d’émotions.
Des émotions
On peut se sentir mal à l’aise devant les
camps de ces gens déplacés, au
Gouroukon, à l’Est du Tchad, filmés
frontalement, en plans fixes : Au loin des
villages, d’Olivier Zuchuat, ne suscite ni
compassion, ni indignation, non, juste
une sorte d’impuissance due à la
distance respectueuse du réalisateur qui
a passé plusieurs mois dans le lieu.
On peut être dérouté, dérangé, voire
agacé devant le dispositif radical qu’a
imaginé Roee Rosen dans Les
Confessions de Roee Rosen : ses «aveux»
sont lus sur un prompteur par trois
travailleuses, immigrées en Israël, qui
déchiffrent péniblement l’hébreu.
On peut être perplexe devant le choix de
Phillip Warnell de se faire «radioscoper»
par The Girl with X-Ray eyes qui lui
diagnostique une infection à soigner de
toute urgence, en regardant à travers ses
organes, un documentaire qui ressemble
à un film de science-fiction.
On peut rêver à travers les paysages
mystérieux, filmés en lumière naturelle
de Il Cielo, La Tierra y la Lluvia de José
Luis Torres Leiva, sorte de suite
«fictionnarisée» à son court métrage,
Ouvrières sortant de l’usine.
On se dit aussi que Nous n’irons pas à
Buti, c’est narcissique et inutile à l’Heure
du berger !
On préfère entendre les témoignages
des familles de «disparus» du régime
marocain (Nos Lieux interdits) ou des
protagonistes des procès des inculpés
du génocide au Rwanda (D’Arusha à
Arusha)…
On peut aussi se laisser toucher par la
tendresse de la Coréenne Sun Hee qui
filme sa grand-mère de 84 ans, ses
mains qui cousent, ses pieds qui font
mille pas par jour (Her Summer). On peut
se laisser entraîner par Henri-François
Imbert qui suit les traces de Jean
Eustache dans sa ville natale, Narbonne,
et qui nous fait rencontrer Hilaire, l’un
des garçons de Mes Petites Amoureuses
au Bar Des Quatre Fontaines (Le Temps
des amoureuses).
On peut découvrir la chronique familiale
de Morgan Dews, qui a réussi à rendre
sensibles les tensions qui conduisent aux
névroses familiales : on entre dans
l’intimité d’Allis à qui son psychiatre
reproche d’être non-conformiste ; les
images en contrepoint avec les bandes
sonores se superposent, se contredisent, s’entrechoquent. Se dégage peu
à peu le portrait touchant d’une femme
qui s’interroge sans cesse sur elle et sur
les femmes en général. Une
démonstration parfaite des blessures
que peut provoquer la famille et des
névroses qui peuvent s’y développer.
Des rencontres
Bien entendu au FID, on peut aussi
rencontrer des réalisateurs, assister à
des tables rondes, et sortir plus ouvert
aux réalités du monde.
On peut aussi, petit bémol, se sentir
frustré comme lorsque Toni Négri,
Président du Jury International, «fatigué
par le métier de jury», ne répond pas
vraiment à la question posée sur le
rapport entre l’art et la philosophie, ou
mélange architecture et urbanisme. On
peut aussi être en colère face à un
discours qui semble loin, parfois, des
réalités sociales !
Mais films et paroles au FID étaient là
pour interroger nos représentations et
«réveiller ce qui dort en nous». Un vaste
et beau programme !
ANNIE GAVA
El Cielo, la tierra y la lluvia © Trigon-film
Palmarès
et coups de cœur
Avant la cérémonie de clôture du FID, nous avons
posé à une centaine de spectateurs la question
suivante : «Vous repartez du FID avec un seul film :
lequel ?»
Le public n’a pas toujours les mêmes
goûts que les jurys ! L’Heure du berger de
Pierre Creton, Grand Prix de la
Compétition française et prix du GNCR
n’a été cité qu’une fois ! De même
qu’Optical Vacuum de Darius Kowalski
et Mirages d’Olivier Dury, prix Premiers
Films et d’Arusha à Arusha de
Christophe Gargot, prix Georges de
Beauregard.
En revanche, Au loin des villages d’Olivier
Zuchuat, qui a obtenu le prix des
Médiathèques, a été choisi sept fois,
Khiam 2000-2007 –nom d’un camp de
détention au Sud Liban, filmé par Joana
Hadjithomas et Khalil Joreige, prix
Georges de Beauregard international,
cinq fois, Les Confessions de Roee
Rosen, mention spéciale du jury, quatre
fois et le prix de Marseille Espérance, Bab
Sebta, qui retrace le parcours d’émigrants africains arrivés à la Porte de
Ceuta, réalisé par Pedro Pinho et
Frédéric Lobo, cinq fois. Lettre à la
prison, de Marc Scialom, long métrage
franco-tunisien tourné en 1869, restauré
et accompagné par Film Flamme qui a eu
une mention spéciale du Jury a été choisi
par quatre spectateurs.
Quant au grand prix international, Must
read after my death, superbe travail à
partir d’images et de sons enregistrés
par la famille du réalisateur, Morgan
Dews, quatre personnes l’ont élu. Ont
été cités aussi plusieurs fois : Ce Cher
mois d’août du Portugais Miguel Gomez
( 6 fois), The Exiles de Kent Mackenzie,
offert au public par Jean-Pierre Gorin (4
fois) et Nos Lieux interdits de Leila Kilani
(4 fois).
Mais le grand coup de cœur du public ne
faisait pas partie de la compétition : il
s’agit du film réalisé par Robert Kramer
en 1984, Notre Nazi que quinze
spectateurs sur la centaine interrogée
ont plébiscité ! Notre Nazi, sorte de
making off du film tourné par le cinéaste
allemand Thomas Harlan, Wundkanal
dont le rôle principal est le docteur Alfred
Filbert, ancien commandant de la
Gestapo, responsable de massacres en
Lituanie et en Russie. Retrouvé en 1962
et condamné à la prison à perpétuité et
libéré une dizaine d’années plus tard
pour raison de santé, il vivait
tranquillement à Berlin jusqu’à ce que
Thomas Harlan vienne le solliciter…
Espérons que ceux qui l’ont «loupé» le
voient un jour !
ANNIE GAVA, ASSISTÉE PAR ARMELLE MARIE
47
Zanzibar ? Kèzaco ?
Le FID en chiffres
Le FID c’est :
900 000 euros de budget
5 permanents
30 personnes pour le pré-festival
(mai /juin)
140 personnes travaillant durant le
Festival (aucun bénévole)
500 accréditations professionnelles
90 accréditations presse nationale
et internationale
21000 spectateurs
3000 films reçus et visionnés par
l’équipe de sélection.
138 films projetés
208 séances
1/3 des films projetés sélectionnés
pour les festivals internationaux
10 films sélectionnés pour le
Festival Mar Del Plata de Buenos
Aires
Que se passe-t-il en France après la
Nouvelle Vague ? Eustache et Garrel ? En
effet, mais il y a aussi un groupe informel
de dandys cinéastes, nés de la mouvance intellectuelle révolutionnaire de 68
dont le chef de file est précisément
Philippe Garrel, qui, seul, continue de
faire des films.
Leur nom ? Productions Zanzibar.
Nom inspiré d’un poème de Rimbaud
et d’une destination africaine jamais
atteinte. Ces jeunes gens, tous beaux ou
presque, vont tourner des films dits
«sauvages» car sans autorisation offi-
cielle, mais montrés à la Cinémathèque
et tous financés par une riche mécène,
Sylvina Boissonnas.
Films dépouillés, parfois mystiques, quasi
mutiques voire muets (Le révélateur de
Garrel) tournés dans des paysages
déserts, à la recherche de l’origine de la
vie (La cicatrice intérieure). Films
d’échappées belles où cinéma et vie ne
font qu’un. Étonnamment, peu de films
politiques, à part peut-être Détruisezvous de Serge Bard.
Films atypiques, souvent abstraits et
expérimentaux, à la croisée des arts (Fun
and Games for everyone où Serge Bard
filme un vernissage du peintre Olivier
Mosset). Électrons libres sous influence :
Warhol surtout mais aussi LSD !
Films de corps et de décors : de beaux
mannequins de la jet-set font partie de
la bande, Caroline de Bendern, surnommée la «Marianne de mai 68» et Zouzou,
muse de Garrel avant Nico.
Ces films sont sortis de l’oubli grâce à
Sally Shafto, historienne de cinéma et
programmatrice de cet Écran Parallèle.
MURIEL BENISTY
Soirs d’été sous les étoiles
Après des escales à Marseille, Arles, Port-de-Bouc,
la Caravane du Cinéma euro arabe (voir Zib 10)
s’est arrêtée au cœur du Lubéron, à Apt.
Avis de concours
Le mot du Délégué
Général,
Jean-Pierre Rehm
«Je suis particulièrement satisfait de
l’édition 2008 : un déroulement
fluide, une équipe passionnée, un
nombre important de sélectionneurs
étrangers et un retour unanime sur
la qualité du festival, un grand
nombre de films qui vont «tourner»
dans d’autres festivals, de plus en
plus de réalisateurs qui confient leur
film, grâce au label FID, des jurys qui
ont fonctionné de manière
optimale…»
Et pour 2009 ? FID or not FID ?
«Un vingtième anniversaire avec une
rétrospective exceptionnelle…
Je n’en dirai pas plus.Quant au nom
du Festival, il est connu
internationalement sous le nom FID,
difficile de l’appeler autrement !»
A.G.
Délice Paloma de Nadir Moknèche
L’ambiance était des plus conviviales sur
le Cours Lauze de Perret, le jour de la
Sainte-Anne. Plus de deux cents
personnes, après s’être désaltérées au
buffet offert par Le Festival des Cinémas
d’Afrique, se sont installées devant le
grand écran gonflable, à la tombée de la
nuit, et ont assisté à la projection de
Délice Paloma, troisième long métrage de
Nadir Moknèche (après Le Harem de
Mme Osmane et Viva Laldjerie).
Ils ont écouté les aveux de Madame
Aldjéria, la «bienfaitrice nationale» qui
sort de trois années de prison. Elle leur a
raconté toute son histoire, toutes les
affaires, les combines qu’elle a montées,
dont la dernière qui l’a conduite en prison,
la tentative de rachat des Thermes de
Caracalla, liés à son enfance.
Madame Aldjéria -magistralement interprétée par Bijouna, l’actrice fétiche de
Nadir Moknèche avec son chignon digne
des héroïnes d’Hitchcock- et ses
collaboratrices -Shéhérazade (Nadia
Kaci) et Rachida (superbe Aylin Prandi),
une serveuse qu’elle a recrutée- symbolisent la société algérienne, ses espoirs,
ses souffrances.
Le public aptésien, qui connaît bien le
cinéma africain, a apprécié cette
comédie douce amère…
ANNIE GAVA
Le Festival International
du Film d’Aubagne soutient
la jeune création cinématographique en s’attachant
particulièrement à la création
musicale pour l’image. Pour sa
dixième édition, qui aura lieu
du 16 au 21 Mars, un appel
à candidature est lancé jusqu’au
15 Octobre, dans deux
catégories : les premiers,
deuxièmes ou troisièmes longs
métrages (fiction, documentaire,
experimental, animation),
comportant impérativement
une musique originale ;
et les courts métrages (premiers,
deuxièmes ou troisièmes) de tous
genres également, présentant
une musique originale
ou un traitement particulier
de la bande sonore.
A.F.
48
CINÉMA
LUSSAS | ROUSSET | TRETS
Documentaires dans les prés,
c’est la fin de l’été…..
Chaque année, à la fin de l’été, les amoureux du
documentaire se donnent rendez-vous à Lussas,
village de 800 habitants, près d’Aubenas, en Ardèche.
Et pendant une semaine, le village vit au rythme des
projections, des débats, des rencontres : cafés,
restaurants deviennent des lieux d’échanges dans la
plus grande convivialité.
Au programme de la vingtième édition des États
Généraux du Documentaire, qui s’est tenue du 17
au 23 août, deux séminaires, l’un sur le corps, animé
par Nicole Brenez qui a présenté entre autres, des
films de Stephen Dwoskin, le deuxième, Formes de
lutte et luttes des formes pendant lequel Jean-Louis
Comolli, Patrick Leboutte et Marie-José Mondzain,
ont donné à voir des films de Bu uel, Ivens, Rouch,
Pazienza…
La Route du Doc menait en République tchèque et a
été contée l’Histoire du doc de Grande Bretagne.
Comme chaque année étaient proposés un
programme africain, une journée SACEM et une
sélection de documentaires très variés, Incertains
Regards.
Deux cinéastes marseillais
C’est dans la sélection Incertains Regards que le
public de Lussas a pu découvrir le travail de deux
réalisateurs marseillais, deux films soutenus par la
Région PACA.
Celui de Jean-Michel Perez, Trous de mémoire,
réalisé avec Lieux Fictifs au cœur de la prison des
Baumettes (voir Zibeline 5), à partir d’images
d’archives présentées aux stagiaires, discutées,
mises en scène, rejouées. «Images de l’Algérie des
années 60, mur de Berlin, révolution roumaine, Tien
J’ai un frère d’Emmanuel Vigier
An Men 1989, sur lesquelles se détachent les visages
d’Hacène, Dimitri ou Florin. Images imprimées sur les
corps qui deviennent les supports de leur histoire, voix
des détenus évoquant leurs souvenirs, lisant des textes
d’Aimé Césaire ou les Propos sur le bonheur d’Alain.
Images de l’extérieur qui entrent dans le lieu clos…»
Le deuxième, celui d’Emmanuel Vigier, J’ai un frère.
Deux frères ne se sont pas vus depuis quatorze ans :
Drazan s’est exilé à Marseille en 1992 et Dejan vit au
Nord de la Bosnie, dans la partie serbe, à Bosanski
Brod, ville industrielle détruite par la guerre. En 2007,
Drazan décide de rendre visite à son frère à la
frontière de la Croatie…
Emmanuel Vigier connaît bien les Balkans, où il a fait
plusieurs reportages. Les retrouvailles de ces deux
frères entraînent le spectateur dans une sorte de
road-movie et le fait réfléchir sur l’exil et sur tous ces
gens qui ont fui le pays, tous ceux qui ne sont pas
rentrés après la guerre….
Ce film devrait être projeté à Marseille, nous en
reparlerons…
A. G.
États généraux du film documentaire
www.lussasdoc.com
Des courts à Rousset Rock en 3D
Le 4 octobre, de 9 heures à minuit, à
la salle Emilien Ventre de Rousset, les
Films du delta proposent le Festival
Courts-Bouillons, une «seconde
chance pour une trentaine de courts
métrages internationaux d’être vus pas
le public».
Premier voyage de Grégoire Sivan
Parmi ces courts, qui ont été montrés
dans les festivals de la région ou à
Clermont-Ferrand, ne ratez pas
l’émouvant I want to be a pilot de Diego
Quemada, ni l’étonnant Carlitopolis de
Luis Nieto, ou Résistance aux tremblements d’Olivier Hems. Vous pouvez
aussi faire un Premier voyage avec
Grégoire Sivan et goûter La creme
napulitane de Francesco Satta.
Et pour la recette complète du CourtsBouillon ...
A.G.
Les Films du delta
04 42 53 36 39
www.filmsdelta.com
Ladislas Starevitch, vous connaissez… ? Ce Russe qui vint en France en
1920 est un pionnier du cinéma au
même titre que Mélies : il fut l’un des
premiers à concevoir des films d’animation en trois dimensions. Les
marionnettes s’animent sur l’écran
avec une incroyable vérité. Les scénarii
sont inspirés de contes ou de fables, il
y a même un extraordinaire Roman de
Renart qui reprend avec brio le récit du
Moyen Âge… Peluches, insectes,
créations fantasmagoriques, tout y est
pour un monde de rêve et de poésie
souvent moralisatrice.
Le groupe Poum Tchack s’attache
depuis des années à réhabiliter cet
artiste trop peu connu, alors que Tim
Burton ou Terry Gilliam lui doivent tant.
Ils accompagnent les œuvres muettes
de Starevitch. Les six musiciens dont
la verve musicale conquiert tous les
spectateurs s’en donnent à cœur joie
et leur création, qui garde ses
constantes de swing manouche et de
musique tzigane, agrémente, illustre et
commente avec bonheur les courts
métrages du réalisateur russe. Un
spectacle original et décapant, où
humour et poésie se mêlent en un
cocktail brillant.
MARYVONNE COLOMBANI
Dark Swing a été projeté-joué
le 16 juillet à Trets, dans le cadre
des Nuits du Château
HORIZONTES DEL SUR | RENDEZ-VOUS DES QUAIS
CINÉMA
49
La salle de classe en salles
Qu’on ait aimé ou pas le roman de François
Begaudeau, Entre les murs, vendu cet été à près de
70 000 exemplaires, depuis que l’adaptation de
Laurent Cantet a obtenu la Palme d’or à Cannes,
nul doute que le public, enseignants, parents, élèves,
va se déplacer dans les salles de cinéma pour voir
une salle de classe !
À priori, on peut faire confiance à Laurent Cantet à
qui l’on doit Ressources humaines (1999), primé dans
de nombreux festivals et L’Emploi du temps en 2001.
On peut avoir confiance en Sean Penn, président du
Jury qui lui a décerné la Palme à l’unanimité.
On fait moins confiance à Monsieur Darcos qui
continue à supprimer les postes malgré ses
déclarations : «ce prix (…) constitue aussi un très bel
hommage rendu à tous les enseignants de France qui,
malgré des conditions de travail parfois difficiles, font
preuve d’un dévouement et d’un mérite exceptionnels
qui doivent être salués.»
Avant même sa sortie en salles, le film a débordé la
sphère cinématographique et semble s’insérer dans
le débat sur l’école. Dans la région, trois avantpremières sont programmées, le 23 septembre à 20
heures aux cinémas Renoir à Aix, Variétés à
Marseille, séances suivies de débats animés par le
SNES (syndicat enseignant) et la FCPE (fédération
de parents d’élèves), et au cinéma Utopia à
Avignon par la Ligue de l’Enseignement. Par
ailleurs, Télérama organise une projection le 22
septembre, aux Variétés, à 20h.
Il est à parier que ces séances seront vraiment
animées !
Entre les murs de Laurent Cantet © Georgi Lazarevski
ANNIE GAVA
Films espagnols à Marseille
Du 10 au 18 Octobre, à Marseille, aura lieu le 7e
festival Cine Horizontes.
Au programme : les réalisatrices catalanes Judith
Colell, Isabel Coixet, Silvia Munt, Claudia Llosa,
Roser Aguilar, une nuit fantastique autour des
jeunes réalisateurs du «cinéma de l’étrange» le
samedi 11 octobre au rendez-vous des Quais, une
nuit du court métrage le 17 octobre avec l’ECAM de
Madrid à la Fiesta des Suds.
Un hommage sera rendu à l’acteur et réalisateur
disparu en 2007, Fernando Fernan-Gomez et une
carte blanche donnée au peintre péruvien Herman
Braun Vega.
Quant à la compétition, seront présentés sept films :
Lo Mejor de Mi de Roser Aguilar, Pretextos de Silvia
Munt, Le Silence avant Bach de Pere Portabella (cf
Zibeline 10), 3 Dias de Francisco Javier Gutiérrez,
Los Cronocrimenes de Nacho Vigalondo, Todos
estamos invitados de Manuel Gutiérrez Aragón et
Uu Tiro en la Cabeza de Jaime Rosales.
Et pour la soirée de clôture, samedi 18 octobre, le
dernier film de Carlos Saura, Fados.
Une occasion de découvrir des films peu diffusés en
France et de rencontrer des réalisateurs dans une
ambiance festive.
A.G.
Horizontes del Sur
04 88 01 38 18
www.horizontesdelsur.fr
Fados de Carlos Saura
Rendez-vous au Rendez-vous des quais
Tout le monde connaît le réalisateur marseillais Paul
Carpita, son Rendez-vous des quais, et son histoire,
film, tourné à Marseille en 1953, censuré pendant 35
ans et ressorti à Marseille grâce au directeur de
l’Alhambra. On a vu aussi certains de ses courts, Des
Lapins dans la tête, Marseille sans soleil, Graines au
vent, La récréation.
Aujourd’hui, c’est un long métrage qui ressurgit :
tourné entre 1955 et 1956, Rencontre à Varsovie
raconte l’histoire de Jacques qui, partant en train
couvrir pour un journal à sensation les Rencontres
internationales de la Jeunesse, fait la connaissance
d’une jeune fille qui fait partie de la délégation
marseillaise.
Sélectionné au Festival International de la Jeunesse
pour la Paix de Moscou, le film obtient la médaille
d’argent.
À l’occasion de la sortie en DVD, chez Copsi
production, de l’ensemble des films de Paul Carpita,
il nous est proposé de voir ce film, lundi 29
septembre à 18h30 au Rendez-vous des Quais en
présence du réalisateur.
ANNIE GAVA
Rendez-vous des quais
04 91 91 07 99
CRDP 31 bd d’Athènes (métro St Charles)
04 91 14 13 87
www.rendezvousdesquais.org
Le 28 sept de 15h à 18h au Rendez-vous des quais,
Tilt, Le CRDP d’Aix-Marseille et l’association ArtsTerres proposent une après-midi de projections de
courts métrages sous-titrés et traduits en langue des
signes en présence de Diane Maroger, directrice
artistique du festival Retour d’image, «un festival de
cinéma ouvert sur les différences, dont chaque film est
accessible aux personnes aveugles ou sourdes».
Parmi les films projetés, le tonique Guide Dog de Bill
Plympton ; l’Oscar du meilleur court métrage, Le
Mozart des pickpockets de Philippe Pollet-Villard et le
beau film d’animation de Régine Pessoa, Histoire
tragique avec fin heureuse.
Arts-Terres
04 91 81 34 25
www.arts-terres.org
50
CINÉMA/ARTS VISUELS
Des films, des femmes
et la Méditerranée
Mettre en lumière le travail des Méditerranéennes dans le cinéma, qu’elles
soient scénaristes, réalisatrices, actrices,
productrices, décoratrices, costumières,
tel est le projet de l’association Films
Femmes et Méditerranée (FFM), qui
propose ses troisièmes Rencontres du
30 septembre au 7 octobre à Marseille,
aux cinémas Prado et Variétés.
Une douzaine de films viennent ainsi
d’Algérie, de Bosnie, de Grèce d’Espagne,
d’Israël, d’Italie, du Liban, de Palestine,
de Tunisie et de Turquie, fictions et documentaires. Le programme est alléchant :
beaucoup d’avant-premières et de films
inédits, des échanges avec les invitées,
des buffets et de la musique.
En ouverture, mardi 30 septembre, le
dernier film de Woody Allen (un homme
certes, et américain !), Vicky Cristina
Barcelona, avec la superbe actrice espagnole, Penelope Cruz, et Barcelone :
«Lorsque j’ai commencé ce scénario, je
n’avais d’autre intention que d’écrire une
histoire dont Barcelone serait un personnage clé», explique Woody Allen. Sera
invitée, pour la soirée, Sonia Grande, la
costumière la plus célèbre du cinéma
espagnol, six fois nominée aux Goya et
dont les travaux seront exposés au cinéma
Variétés.
En clôture, mardi 7 octobre, Le Chant
des Mariées, en présence de la réalisatrice, Karine Albou (La Petite Jérusalem) :
la Tunisie de 1942, deux jeunes filles,
amies depuis l’enfance, qui vivent leurs
premières émotions amoureuses,
Myriam la Juive et Nour la Musulmane, et
l’entrée en vigueur de mesures antijuives…
Entre-temps, une soirée gréco-turque
avec deux courts métrages grecs et un
long métrage turc, carte blanche du festival «Cinema e donne» de Florence : En
attendantlesnuages de Yesim Ustaoglu ;
un hommage à Anna Magnani et à Rome,
Mamma Roma de Pasolini, et le Grand
prix de la Semaine de la Critique à
Cannes, Snow (Premières neiges), de la
Bosniaque, Aïda Begic ; deux films du
Maghreb, L’Envers du miroir de Nadia
Cherabi et Nadia et Sarah en présence
de la réalisatrice, la Tunisienne Moufida
Tatli, avec qui le public pourra échanger ;
deux documentaires, Je veux voir de la
Libanaise Joana Hadjithomas (et Khalil
Joreige), un voyage de Catherine
Deneuve de Beyrouth à la frontière israél-
Je veux voir, de Joana Hadjithomas
ienne et Biutiful Cauntride, où l’une des
plus grandes monteuses italiennes,
Esmeralda Calabria, nous montrera
comment Naples est devenue la poubelle de l’Italie…
Penelope Cruz dans Vicky Cristina Barcelona
de Woody Allen
Et tous ceux qui, lundi 1er septembre,
n’ont pu entrer à la projection du premier
long métrage palestinien réalisé par une
femme, Le Sel de la mer d’Anne- Marie
Jacir, pourront le voir aux Rencontres
FFM.
Réservez donc vos soirées…
ANNIE GAVA
Association Films Femmes Méditerranée
09 51 77 77 66
www.films-femmes-med.org
Un autre maître provençal
Hasard de la programmation ? Au même moment Marseille met à l’honneur de ses cimaises deux peintres
marseillais restés connus surtout des spécialistes de l’histoire de l’art. A la Vieille Charité Monticelli
accompagne Van Gogh, au Palais des arts la Fondation Regards de Provence dévoile Jean-Baptiste Olive
Peintre de la deuxième génération de l’école
provençale avec Alphonse Moutte, Charles
Camoin ou Alfred Casile, Jean-Baptiste Olive
(1848-1936) est principalement connu pour ses
paysages et marines : son travail sur les effets de
la lumière et des vibrations colorées évoque
J.-B. Olive, Coucher de soleil sur les îles du Frioul
l’expérience impressionniste, tout en conservant
une part plus importante de réalisme. De ses
petits
formats
émane
singulièrement
l’impression de chaleur imposée par le soleil
méditerranéen.
Comme bien des maîtres régionaux il ne
s’affranchit pas complètement de la tradition,
alors qu’il est contemporain de Van Gogh,
Matisse ou Picasso. Mais il propose une vision, si
ce n’est renouvelée au moins personnalisée,
influencée par l’invention de son époque : la
photographie. Les clichés des rivages marseillais
pris par ses amis les frères Cayol, lui suggèrent
des cadrages moins conventionnels, plus
dynamiques, avec de nouvelles hauteurs de vue.
Un important travail de restitution historique et
iconographique a été réalisé par Franck Baille,
le spécialiste de l’œuvre de Jean-Baptiste Olive
et commissaire de l’exposition. Ce catalogue
monographique et raisonné dresse l’inventaire de
plus de mille œuvres, ajoutées à la centaine
exposée. L’ouvrage est actuellement accessible
par souscription.
À noter que grâce au partenariat avec les musées
de Marseille, les détenteurs du ticket Van GoghMonticelli bénéficient d’un tarif réduit.
C.L.
Jean-Baptiste Olive - Prisme de lumière
du 27 septembre au 25 janvier
Palais des Arts
Fondation Regards de Provence
04 91 42 51 50
www.regards-de-provence.org
VAN GOGH-MONTICELLI
ARTS VISUELS
51
Rencontre décisive
À travers l’évènement
culturel de l’année pour
les musées de
Marseille, la ville joue
une carte majeure dans
ses ambitions de
capitale européenne de
la culture pour 2013.
Et si Van Gogh aidait
à réhabiliter un peu
Monticelli ? Et si
Marseille devenait… ?
Dans une de ses lettres à son frère
Théo, Vincent avouait : «Ma jeunesse a été sombre, froide et stérile par
suite de cette influence du rayon
noir, mais je verrai le rayon blanc
avant ma mort.». Du peintre des
Mangeurs de pomme de terre aux
matériologies obscures, jusqu’aux
Champs de blé aux flamboyances
colorées, il aura fallu toute une vie
obstinée de recherche insatiable
vers la couleur et la lumière.
Nourrie de rencontres «prodigieuses». Ainsi en est-il avec les
peintures de Monticelli, moment
d’éblouissement qui apparaît assurément une étape majeure pour le
Hollandais. Vincent, revendiquant
cette filiation esthétique dans sa
correspondance avec Théo, aurait
souhaité être accroché à côté de
Monticelli, aussi se vêtir, chapeau et
canne, pour arpenter la Canebière
à sa manière !
Peindre sous influence
L’exposition conçue par Marie-Paul
Vial et Luc Georget, conservateurs
aux musées de Marseille, offre le
regard croisé sur les deux œuvres
alors que la rencontre des deux
artistes vivement souhaitée par Van
Gogh n’eut jamais lieu. Il découvrit
les tableaux de Monticelli à Paris
sans avoir pu rejoindre Marseille à
temps, le maître décédant cette
même année 1886. Cette mise en
regard vient à propos pour «…com-
Vincent Van Gogh, Autoportrait Huile sur toile, 65x54 cm, Paris, musée d’Orsay
Photo Rmn - © Hervé Lewandowski
Adolphe Monticelli, Autoportrait, vers 1880-1882 Huile sur bois, 35x34 cm
Marseille, collection particulière © Jean Bernard
prendre comment l’œuvre tardive de
l’ombrageux Marseillais, apprécié
de la bourgeoisie locale et des
commerçants prospères mais aussi
de Ziem, Guigou et Cézanne, a pu
façonner à son insu le génie de l’un
des peintres les plus célèbres du
monde.».
Cette influence se découvre dans les
thèmes (bouquets, paysages) et les
éléments formels des œuvres :
touche vigoureuse, puissance des
empâtements, montée de la
lumière (mais Van Gogh gomme les
clairs-obscurs), cadrages non
conventionnels, effets chromatiques, comme dans la propension à
faire surgir les sensations. Cette
mise en œuvre des émotions trouve
son équivalent dans la mise en
mouvement de la surface picturale
et l’exacerbation de la couleur : des
audaces hautement cultivées par
Van Gogh pour en devenir sa signature. Pourtant, les dernières œuvres
de Monticelli suggèrent à JeanRoger Soubiran cette remarque :
«Avant Gauguin, avant les fauves,
Monticelli a instauré l’arbitraire de
la couleur subjective.»
Monticelli précurseur et Van Gogh
novateur ? «Moi je peins pour dans
cinquante ans. Il faudra ce temps là
pour qu’on apprenne à voir ma
peinture.» Adolphe Monticelli dixit.
À juger sur pièces à la Vieille Charité.
Sans oublier de faire un crochet par
la galerie Marc Stammegna, spécialiste des peintres provençaux et
de Monticelli en particulier dont
elle expose actuellement un bel
ensemble de pièces.
CLAUDE LORIN
Van Gogh-Monticelli
du 16 septembre au 11 janvier
Centre de la Vieille Charité
0810 813 813
www.marseille.fr
Galerie Marc Stammegna
du 19 septembre au 04 octobre
04 91 37 46 05
catalogue Van Gogh-Monticelli
Martin Bailey, Frances Fowles,
Mario Garibaldi, Luc Georget,
Marie-Paule Vial
Editions de la Réunion des Musées
Nationaux
www.rmn.fr
52
ARTS VISUELS
HESPARE | INSULAIRE
Se relocaliser
Vous avez dit morose ? Conjoncture défavorable ?
Art contemporain en déshérence ?
Révisez votre jugement !
La preuve. Deux nouveaux lieux se sont ouverts
très récemment à Marseille. Deux philosophies
en faveur de l’art contemporain qui ont en
commun de s’ouvrir sur des publics variés
comme de vouloir travailler en relation avec leur
quartier d’implantation. Se relocaliser au lieu de
délocaliser ?
L’idée d’une île
Le quartier Belsunce/Canebière, en cours de
rénovation, s’enrichit d’une nouvelle galerie d’art
contemporain privée. Installée dans un immeuble
du XVIIIe siècle en cours de réhabilitation, dans le
haut de la rue Vincent Scotto, In Sul ai Re
bénéficie de la visibilité de la grande avenue et de
la proximité du cinéma Les Variétés. Une
première manière d’approcher le grand public
selon le souhait de sa directrice, Christiane Bray
qui souhaite ouvrir le plus possible ses espaces
tant aux différentes formes d’art contemporain
qu’au visiteur non initié. Ainsi le monde de
l’entreprise est convié à se frotter à la culture
artistique (location hors horaires de la galerie) et
à ses arcanes financières : «il s’agit d’informer
les entreprises sur le mécénat et la
défiscalisation, ce qui concerne aussi les
collectionneurs comme les associations.»
Domaine connu puisque Christiane Bray a été
responsable administratif notamment auprès de
l’université Paul Cézanne.
Christiane Bray dans sa galerie insulaire © C.Lorin
Mais «la présentation des œuvres à un public
élargi» se fera aussi à travers des ateliers
d’histoire de l’art, mais où est-donc la JoKonde ?
Réservés aux jeunes enfants, ils se dérouleront
sur deux demi-journées pour les initier à la
lecture de l’œuvre d’art, à la création du passé
comme contemporaine.
«Mon travail principal est de rendre intime
l’œuvre d’art. Je ne veux pas faire de
cloisonnement des genres, des styles ou même
générationnel. Je veux montrer des œuvres
d’artistes vivants. Je fonctionne au coup de
cœur.».
Plusieurs projets sont en cours d’élaboration ou
de négociation, en particulier avec des
partenaires du quartier comme des projections
vidéo sur les murs extérieurs. Mais la peinture ou
les pratiques conventionnelles composent le
fonds principal de la programmation.
Cette première saison s’articulera autour de la
problématique du corps et ses territoires. Début
octobre c’est Yann Denais, un jeune artiste issu
de l’École des Beaux-Arts de Luminy qui
accrochera ses peintures aux cimaises d’In Sul
ai Re.
Mais pourquoi In Sul ai Re ? «Je vois les
domaines de l’art comme des îles qu’il faut
relier.».
Le poete Dijeko photographié par Agnès O. Martins
à l’inauguration de l’atelier Hespare
monde entier.».
Après ce coup d’essai, plusieurs projets sortent
des cartons comme le prochain atelier public sur
le thème du carnet de voyages, d’autres en cours
d’élaboration à propos de l’Afrique notamment.
Alors que la conjoncture s’annonce peu favorable
aux nouvelles initiatives culturelles, les
incertitudes matérielles et budgétaires ne
semblent pas entamer l’enthousiasme de Sophie
Testa : «Avec Hespare, on part à chaque fois de
zéro. Et puis nous ne travaillons pas avec des
outils coûteux. L’idéal serait de travailler sans
subvention publique mais uniquement en
mécénat.».
Mais pourquoi Hespare ? En occitan, hespare
gool signifie pariétaire, une plante comestible et
médicinale. Une forme d’alternative aux
pratiques dominantes ?
CLAUDE LORIN
L’Hespare fait vivre !
Sylvie Testa a choisi «de passer de la sécurité à
l’insécurité», c’est-à-dire d’enseignante en arts
appliqués à celui d’artiste indépendante. Et vient
d’ouvrir un espace atelier géré par l’association
Trois dans le quartier des Grands Carmes. Le
projet articule la création contemporaine avec la
mixité sociale. «Nous voulons mêler selon les
projets arts visuels, sonores, poésie et art de la
table, au moins pour les valeurs de convivialité et
toutes les possibilités de tisser des liens, entre
riches et pauvres.».
En juin dernier, l’inauguration a réuni des
créateurs de ces différentes disciplines avec en
tête d’affiche les poètes et écrivains Julien
Blaine, Sébastien Lespinasse, Emboligol,
Stéphane Nowwak et Didjeko ; les combos
Karma Cramé, Latino swing, Stéphanie Sagna
pour la chanson; pour les arts plastiques,
Stéphanie Testa présentait ses peintures en écho
avec l’art aborigène alors que Nicolas Girbal
proposait un atelier de cartes à poster avec le
public : «l’objet de cet atelier est de revenir à un
mode de fabrication personnalisé, non industriel
et poétique de cartes qui seront envoyées dans le
In Sul ai Re
35 rue Vincent Scotto
06 09 70 11 59
http://desirdetoiles.over-blog.com
Atelier Hespare
14 place Marceau, 3e
06 50 95 60 36
http://hespare.canalblog.com
ENTRETIEN AVEC DÉMOSTHÈNE DAVVETAS
ARTS VISUELS
53
Tenter le Tout
Démosthène Davvetas vient de
réaliser deux performances à la
galerie Jean-François Meyer et
au Passage de l’art. Ses dessins
restent exposés jusqu’au début
d’octobre
Il fait aussi partager sa conception de l’art et de la vie,
par le truchement de la performance comme écriture
totale. Car pour Démosthène Davvetas tout semble se
résoudre dans la monopolisation de toutes les
esthétiques, l’art de la boxe inclus. C‘est l’Écriture
Totale. Mais que faut-il résoudre ? Le chaman,
philosophe, enseignant poète et performeur, nourri au
sein de Joseph Beuys, nous en dit plus.
Zibeline : On peut se douter de ce que signifie écriture
totale, mais grafale ?
Démosthène Davvetas : Mon travail est basé sur le
verbe graphein, au sens de graver et tracer. C’est une
écriture qui commence sur le papier, qui devient image,
puis entre dans l’espace en trois dimensions où les gens
vont participer par la lecture de poèmes. Ce qui
m’intéresse c’est de commencer par l’illusion, par les
deux dimensions. Voyez, tous ces personnages sont
réalistes…
On reconnaît Brecht, Herman Hesse…
Ça commence par des photos et ensuite on passe à la
réalité de l’espace, l’action et l’écriture dans l’espace :
une phrase sortie de son contexte et utilisée dans
l’espace devient autre chose. Je ne fais jamais une
exposition sans performance ni une performance sans
exposition. C’est pour ça que je l’appelle une écriture
totale : il faut que ça passe de l’illusion en deux
dimensions à la troisième dimension, du visuel pictural
au visuel sculptural. La performance pour moi est une
sculpture vivante.
Quand avez-vous commencé ces sortes de rituels ?
C’est Joseph Beuys, mon maître spirituel, qui m’a initié.
Il a vu mes dessins et m’a dit : vas-y. J’avais vingt ans à
cette époque, j’avais perdu mon père, il a joué ce rôle. Je
lui dois moralement cette poussée d’énergie. En fait, à
Athènes je suis passé devant une exposition d’art. Je ne
connaissais rien à l’art. Tout d’un coup il y a un monsieur
avec un chapeau qui est arrivé et qui m’a demandé :
qu’est-ce que vous regardez ? Je regarde ce dessin
parce qu’il me fait penser à la fluidité et à la philosophie
d’Héraclite. Ses yeux sont devenus grands. Il m’a dit
vous connaissez Héraclite ? J’ai dit c’est pas mon copain
mais j’ai lu ses textes. Il m’a dit venez dîner avec nous.
Donc je suis allé dîner avec eux sans savoir qui c’était.
Ensuite je suis allé le voir à Düsseldorf et il m’a dit voilà
pour toi une bourse, va et continue ces études là-bas. Je
n’y croyais pas, c’était énorme. C’était un coup de pouce,
quelque chose qui m’a poussé à me réaliser.
À vingt ans certains n’auraient pas fait le pas !
J’en avais besoin. C’est un appel par ses yeux, son
œuvre lumineuse m’a appelé. J’étais complètement
possédé par lui, par son esprit, par ses paroles. C’était
une démonisation totale ! Ça veut dire quand même que
je cherchais au fond de moi-même. Encore aujourd’hui
je m’intéresse aux rencontres du hasard parce que ça
Démosthène Davvetas, dessin,
techniques mixtes © X-D.R
Démosthène Davvetas, dessin,
techniques mixtes © C. Lorin
Démosthène Davvetas, dessin,
techniques mixtes © X-D.R
peut m’apporter des choses. Sinon c’est la fin. Je veux
revenir au début, au point de départ.
Toujours recommencer ?
Oui, toujours, comme un Sisyphe, un Sisyphe fertile. Cet
aller-retour c’est pour créer, arriver à quelque chose.
Et le partager ?
Certainement. La performance, c’est pour que le public
entre en communication. S’il n’y avait pas cela, le public
resterait immobile.
Cela s’approche de la tragédie grecque.
C’est un point de ma thèse. La performance commence
par la tragédie parce que la tragédie était une action
directe, et Joseph Beuys et tous les performeurs
cherchaient la démocratie directe. Donc l’artiste avec le
public fait encore comme s’il y avait un esprit collectif
qu’on doit purifier.
Il y a besoin d’énergie ?
Certainement, parce qu’il faut sortir ce qu’on garde à
l’intérieur jusqu’à faire créer le bébé. Chacun a un désir
créatif, il faut le temps nécessaire pour lui donner une
forme. Ensuite il faut le montrer. C’est ça la
performance : montrer les formes. Un artiste, c’est
quelqu’un qui a des idées -tout le monde peut avoir
beaucoup d’idées-, mais l’artiste c’est celui qui donne
forme aux idées.
Ainsi le musicien, le poète…
Tous les êtres humains sont créatifs, tous les êtres
humains ont le droit à l’énergie, à la créativité du
langage. Il faut que ça sorte pour le donner à la
collectivité.
Comment vous situez-vous dans la poésie
contemporaine qui n’est plus seulement écrite mais
parlée, criée… ?
…. montrée, performée ! J’écris des poèmes mais ce
n’est pas une lecture traditionnelle assis derrière une
table. Je veux partager et tenter de changer la structure
de la communication, pour une poésie directe.
Un art dont la philosophie est la démocratie ?
C’est ça, la démocratie directe. C’est-à-dire chaque
individu a le droit au bonheur. Simplement il faut qu’il
fasse le travail, pour pouvoir sortir le bébé qu’il a en lui.
Et votre travail ?
Mon travail c’est de provoquer les contractions !
Comme un rituel sacré ?
C’est un rituel qui a seulement quelques formes
générales, ce n’est pas un truc préparé comme le
théâtre.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAUDE LORIN
Démosthène Davvetas a réalisé une performance
le 2 septembre à la Galerie Jean-François Meyer
avec la violoniste Christine Cross et la danseuse
Tatiana Federspiel ;
le 9 septembre à la Galerie du Passage de l’art,
avec la chanteuse lyrique Muriel Tomao.
Écriture totale, Grafale
jusqu’au 10 octobre
Passage de l’Art
04 91 31 04 08
Galerie Jean-François Meyer
04 91 33 95 01
54
ARTS VISUELS
ATELIER ARCHIPEL | RIP
Vanitas electronica
L’Atelier Archipel en Arles
(Zibeline n°9) confirme la qualité
et la pertinence de sa
programmation en accueillant
deux installations de l’artiste
multimédias Claire Pollet
À l’instar de la vidéo, depuis leur relative récente
apparition, les nouvelles technologies et le
numérique en particulier ont provoqué une
effervescence, voire une inflation de productions
qu’on ne qualifiera pas toujours d’artistiques. Les
mirages de l’interactivité ont ajouté à la facilité.
Heureusement, quelques créateurs nous sauvent
du consumérisme technologique et du naufrage
mental.
En situant la question du temps au centre de sa
réflexion, Claire Pollet conçoit des œuvres qui font
réellement sens. Ses dispositifs narratifs, souvent
très simples d’apparence, sollicitent le spectateur
en tant qu’acteur. La provocation du sens n’en est
que plus vive. Ainsi Reste présente-t-elle la force
d’un genre pictural hautement symbolique, la
vanité. Sauf qu’il est donné ici au spectateur
d’intervenir sur le déroulement des choses, de
simples fleurs fanées ou bien écloses, en fonction
de son mouvement ou bien de son immobilité. tre
vivant et donner (ou interdire) la vie. À prendre ou à
laisser.
C.L.
Reste et Stèle
installations de Claire Pollet
jusqu’au 28 septembre
Atelier Archipel en Arles
www.atelierarchipelenarles.com
www.clairepollet.free.fr
Reste, oeuvres de Claire Pollet
RIP raque
Suite (Zibeline N°9) et fin
- hé!… une nouvelle bécane ?
- mouais… un… numérique.
- bôa ! y z’y viennent tous, même les pros et
maintenant les jeunes qui t’en mettent
plein la vue !
- tiens, les jeunes ! C’était bien
le boulot des trois lauréats de l’école de la photo ;
ça se laisse pas aborder du premier coup, il faut
tendre l’œil, surtout avec les vues urbaines,
tu sais en entrant à droite du style Wall ou Struth.
- exact ; mais c’était un peu l’exil la Bourse, de
l’autre côté des Lices.
- et pourquoi pas les rapprocher des grands ?
On pourrait faire la balance avec les pros.
Ils se tenaient bien les jeunes -je veux dire leur
boulot- chacun(e) dans une démarche singulière,
assez clairs dans leurs intentions et enthousiastes
malgré cette première intimidante.
- effectivement, mais pas très sympa de les faire
attendre because retard des officiels ; moi, j’aurais
commencé par eux, pour la relève quoi !
- t’as toujours été trop généreux !
- tu conviendras quand-même que c’était d’une
belle tenue, je veux dire l’ensemble, et aux
ateliers ; repense à la manière de contextualiser
Huguier, les histoires des Insoumises,
les princesses de Jebb.
- évidemment ! C’est aussi un sacré challenge de
vous accrocher tout ça sans se planter quelque
part et j’ai pas grand’chose à reprocher ;
la scénographie était fluide, le travail sur la
couleur dynamisant, vraiment en faveur des
photos.
- alors mais qu’est ce qui fait que les gens sortent
un peu fracasse ?
- c’est épuisant tout ça !
T’es toujours debout ; ils devraient louer des
sièges pliants, pour la contemplation assise.
- surtout, on garde de l’insatisfaction parce qu’on
n’a pas tout vu ; et de tout ce qu’on a vu, on ne sait
plus bien ce qu’on a vu (je me souviens-là sur le
moment de Tim Walker et…). Au final t’es jamais
content, mais content quand même.
- ???
- c’est comme quand tu fais une photo,
t’es content d’avoir concrétisé le truc que tu as
dans la tête mais tu as toujours quelque chose
à reprocher ; et si c’est vraiment très bon (d’après
ton intime conviction), ta photo tu te la gardes
malgré tout, parce que c’est pas la tienne qui est
accrochée ici ; moralité, t’es pas content, toujours.
- d’ailleurs vu les tarifs pratiqués même avec les
pass ceci cela : cinq euros par atelier, fois sept…,
la Cristalline à deux, le parking à trois.
- plus la location du pliant, hé, hé !
- si t’es en famille la journée comme moi,
tu diaphragmes à mort, d’ailleurs j’ai pas tout vu.
- et bien nous, nous sommes sortis heureux
(j’insiste !) d’une expo avec un sentiment léger de
petit bonheur…
- d’où ça ?
- Réattu, l’expo Lacroix him-self. Il a entièrement
investi le musée, un subtil travail avec…
- ah ! oui tu m’avais dit ! Alors Lacroix fait de la
photo ?
- euh, là, il faut vraiment que je rentre ; j’ai deux
rouleaux à développer… et il y a bientôt les
Regards Croisés à Aix.
- là, t’as p’têt’ une chance ?
CLAUDE LORIN ET UN QUIDAM
A l'atelier de maintenance © C. Lorin
A l'atelier de maintenance © C. Lorin
TRETS | AIX
Derrière l’œil
© Artis Reflex Laurent Pirard
À côté des RIP, d’autres expositions plus
discrètes annoncent de nouveaux talents. Ainsi, la salle voûtée des remparts
de Trets accueillait au début de l’été les
premières œuvres de Laurent Pirard.
Éclairagiste spécialisé dans la scène
contemporaine, l’artiste nous livre une
approche du monde particulière : son
style ne réside pas dans la sophistication des techniques, il ne contraint pas
le réel par l’intermédiaire d’artifices,
mais exprime un point de vue ; la photo-
graphie, écriture de la lumière, transcrit
impeccablement la volonté du preneur
d’images.
Pour Laurent Pirard, la photographie
est avant tout une histoire de rencontre ;
entre le regard et des instants particuliers du monde ; entre l’objectif de l’appareil et l’objet. Mais surtout il ne faut
pas forcer cette rencontre, ou elle manquera de vérité, de magie… On dirait
qu’André Breton et son «hasard objectif» est passé par là. Pas de mysticisme
cependant, même si l’orient bouddhiste
livre quelques échos, phrases-clé épinglées aux murs, papillons fragiles.
Selon Laurent Pirard, «le regard du
photographe procède d’un éveil de l’esprit, d’un travail de l’intention, qui se résume en un mouvement subtil de
l’intérieur vers l’extérieur».
Le résultat, c’est un ensemble remarquable construit à partir de points de
vue particuliers, d’images inversées,
d’angles surprenants, comme cette
étonnante photographie où les blés sont
coupés par un ciel nuageux, curieusement incurvé, en fait, le toit bleu de la
voiture, dans lequel il se reflète… Les
échos, les doubles, les reflets, fascinent
le photographe. Que se passe-t-il de
l’autre côté du miroir, dans cette eau
pétrifiée ? C’est soudain Nicolas de
Staël que l’on retrouve à travers ce hublot, Edward Hopper avec cette fille
adossée à une vitre, l’école impressionniste dans cette eau mouvante où se reflète une fille en rouge qui tisse… toile
de Pénélope ou d’Arachné ? Liens
étranges qui relient le regard à l’objet…
MARYVONNE COLOMBANI
Phot’Aix 2008 s’offre une rétrospective collective particulière en invitant une sélection des photographes déjà présentés lors des Regards Croisés antérieurs.
Que promettent ces retrouvailles ?
Fernanda Rimini, Mathilde Maccario,
Carolle Benitah, Thibaud Yvnine, Anne
Barroil, Marie-Anne Hauth, Michel
Bettendroffer). Un dépliant est édité à
l’occasion, disponible dans tous les lieux
d’exposition et à la Fontaine Obscure,
structure organisatrice.
C.L.
Photo d’Anne Barroil
qui accueilleront le vernissage le 8
octobre. Jean Arrouye, professeur des
universités et spécialiste de la photographie, emmènera une visite
commentée. Le 9 octobre, à partir de
18h, l’École Supérieure d’Art vous invite
à rencontrer et échanger avec les
photographes.
De plus, à l’instar de son grand voisin
arlésien, Regards Croisés se double
d’un Off réparti dans onze lieux de la
ville (Henri Kartmann, Françoise Laury,
Nina Laury, Jean-Pierre Sepchat,
55
Pour les yeux
à ouïr
MARSEILLE
Autour de Daniel Arasse
Colloque national d’histoire de l’art
dans le cadre du cycle L’Histoire de l’art
en question(s) III proposé par Art, Culture
et Connaissance
26 et 27 septembre
Bmvr Alcazar
04 91 55 90 00
www.bmvr.marseille.fr
Vedutisti, Realismo, Macchiaioli,
Futurismo, Arte Povera le cycle de
conférences débute le 16 octobre
Institut Culturel Italien
04 91 48 51 94
www.iicmarsiglia.esteri.it
TRETS
L’Art de l’Ephémère
par Cécile Aubertin, philosophe
samedi 11 octobre, 17h
Château Grand Boisé
dans le cadre de Préférer l’éclat-act 2
Voyons Voir art contemporain et territoire
04 42 61 48 19
www.voyonsvoir.org
CHATEAUNEUF-LE-ROUGE
Que sont nos amis devenus ?
Le principe à l’origine du projet ne
change pas : exposer et mettre en
regard des artistes œuvrant sur le sol
provençal avec des créateurs venus
d’autres contrées. Ainsi est né Regards
Croisés en 2000 dans la suite de
nombreuses expositions à visée
internationale dont le premier Festival
International de photo-graphie en 1985
et Tchécoslovaquie, un regard différent
en 1989. Depuis, ces échanges n’ont
cessé de se poursuivre mettant à
l’honneur des cimaises et à la vue du
public des photographes de la Russie,
Lettonie, Italie, Hongrie, Texas,
Allemagne ou encore du Venezuela. Vint
alors le besoin de poser, prendre des
nouvelles et voir ce que chacun avait pu
ourdir entretemps.
Les Regards Croisés sont présentés
conjointement à la galerie Laurin
(Serge Assier, Alexandre Slioussariev,
Christine Elsinger, Marc Heller) et au
Musée des Tapisseries (Antal Jokesz,
Rafaël Navarro, Gilbert Garcin, Nine
François, Ulla Reimer, Christian
Ramade, Bernard Plossu, Efrain Vivas)
ARTS VISUELS
Phot’Aix 2008
Regards croisés, Rétrospective
du 6 octobre au 10 novembre
La Fontaine Obscure
04 42 27 82 41
www.fontaine-obscure.com
La nature et le monde, une peinture de
paysage par François de Asis
mercredi 15 octobre, 18h30
Arteum Musée d’art contemporain
04 42 58 61 53
www.mac-arteum.net
AIX
dans le cadre de l’exposition
André Masson, Georges Duby
les ateliers d’Aix-en-Provence 1948-1968
1948-1968, un âge d’or pour Aix-enProvence ?
par Alain Paire
samedi 20 septembre, 17h
Juin 1940-mars 1941, André Masson
avant l’exil
par Camille Morando
jeudi 2 octobre, 18h30
Centre aixois des Archives
départementales
04 42 52 81 90
www.archives13.fr
dans le cadre de Phot’Aix 2008,
Regards Croisés
Visite commentée par Jean Arrouye
Mercredi 8 octobre 18h galerie Laurin
et 19h Musée des tapisseries
Rencontre-débat avec les photographes
jeudi 9 octobre
de 18h à 20h
Ecole Supérieure d’Art
04 42 91 88 70
www.ecole-art-aix.fr
56
ARTS VISUELS
VASARELY
de Vasarhelyi à Vasarely
Inaugurée en février
1976, en la bonne ville
d’Aix, la Fondation
Vasarely était apparu
comme un lieu phare
(le seul à cette époque ?)
consacré de manière
permanente à l’art
moderne. Puis il y eut
les affaires
La Fondation Vasarely renaîtra-t-elle
bientôt de ses anciens soubresauts
administrativo-financiers ? Suite
aux malversations de certains de
ses dirigeants dans les années
1980/90 doublés de désaccords
familiaux de succession (la quasitotalité des œuvres a disparu
hormis la série de quarante-deux
pièces monumentales encore en
place) et ses finances fortement
mises à mal, auxquelles se sont
rajoutées des dégradations architecturales compromettant lourdement
son avenir, les procédures judiciaires sont toujours en cours. Les
défenseurs de l’œuvre de Victor
Vasarely ont pris les devants pour
créer en décembre 2007 l’Association pour la défense et la
promotion de l’œuvre de Vasarely et
lancer une pétition publique sur
Internet (voir lien ci-dessous). À ce
jour les œuvres n’ont toujours pas
retrouvé leurs cimaises d’exposition
conformément aux projets de
l’artiste.
L’hommage qui lui est rendu
aujourd’hui sous la forme d’une
exposition itinérante à l’initiative du
Regional Cultural Center de
Letterkenny (Irlande), la Glebe
Gallery et Pierre Vasarely, petit-fils
de l’artiste, se compose d’œuvres
prêtées par des collectionneurs
privés, musées et galeries, dont la
majeure partie provient du musée
de Pécs (Hongrie), ville natale de
Vasarely. Ouvert en 1976, il conserve
près de quatre cent œuvres de tous
supports et formats. Les quarantecinq exposées à Aix concernent la
période des années soixante, une
Faut y aller ?
à Marseille
choisir son salon
Art-O-rama fait la Belle (de Mai)
jusqu’au 20 septembre
Cartonnerie Friche
de la Belle de Mai
www.art-o-rama.fr
en bonus le Château de Servières
invite Art-O-rama
Show-room#1
jusqu’au 26 septembre
Galerie des Ateliers d’artistes de
la ville de Marseille
04 91 85 42 78
www.chateauservieres.org
effondrement
programmé
par Anne-Valérie Gasc spécialiste
en démolition
Restricted Area
du 3 octobre au 1er novembre
La Compagnie
04 91 90 04 26
www.la-compagnie.org
beau design israélien
Asa 25
du 6 au 31 octobre
Centre Design Marseille
et Espace Villeneuve-Bargemon
04 91 54 08 88
www.designmarseille.org
Sonora-Do, 1973, 120 x 80 cm, acrylique, collection du Vasarely Muzeum de Pecs
des plus exemplaires. On notera la
présence aussi de la galerie Denise
René, historique pour son travail de
promotion de l’art abstrait, notamment avec l’exposition Mouvement,
en 1955, lors de laquelle Vasarely
lança son célèbre Manifeste Jaune,
véritable proclamation des règles
de l’art cinétique.
CLAUDE LORIN
à Trets
en zone rurale
Hommage à Vasarely
oeuvres 1930-1980
du 19 septembre au 30 octobre
Fondation Vasarely, Aix
04 42 20 01 09
www.fondationvasarely.fr
www.sauvonslafondationvasarely.fr
Préférer l’éclat-act 2
du 20 septembre au 12 octobre
Voyons Voir art contemporain et
territoire
04 42 61 48 19
www.voyonsvoir.org
à Avignon
les arts dans toute la
ville et à côté
14e Edition du Parcours de l’Art
du 8 au 29 octobre
Galerie le Parcours de l’art
04 90 89 89 88
www.parcoursdelart.com
MUSÉE ESTRINE | LA CIOTAT
ARTS VISUELS
57
Le corps à l’œil
Georges Jeanclos, Dormeur, c.1973, terre cuite, Musee Estrine
Récemment labellisé Musée
de France pour son importante
collection d’art moderne
et contemporain, le musée Estrine
propose une sélection d’œuvres
sur la thématique du corps
Edouard Pignon, Nu blanc,1972, huile sur toile, 114 x 152 cm,
Musee Estrine
Parmi les préoccupations des intellectuels et
artistes du vingtième siècle, le sujet du corps est
certainement un des champs d’investigation
majeurs qui se joue encore, parfois à vif,
aujourd’hui. De la vision idéalisante (nu antique,
corps sacralisé ou poétisé, le nu comme genre
photographique) à la représentation inquiète
(apocalypse, enfer, guerre, massacre et torture
sous leurs multiples formes), la panoplie des
corps de l’art occidental peut également
l’impliquer comme support et/ou comme outil :
art gestuel, corporel… ou, plus proche de nous,
sujet des nouvelles technologies ou
d’hybridations.
La sélection offerte ici traduit l’usage des
médiums traditionnels que sont le dessin
(Eugène Leroy, Deux, et… Matisse), la peinture
(Le Chénier, Edouard Pignon, Veličković…),
techniques mixtes (Janine Mongillat, Alain
Grosajt…), la sculpture (Georges Jeanclos,
Buffile…). Elle permet aussi de traduire dans son
parcours la variété des esthétiques individuelles
et les écarts singuliers qui en résultent, entre la
présence de son propre corps et le corps de
l’autre.
Et au peintre Michel Steiner de rappeler :
«Trouver la posture regardante et non une pose
de goût. Non pas un regard des yeux mais un
regard de tout le corps. Un ça nous regarde».
Janine Mongillat, Robe de mariée, 1993-1995,
triptyque, partie centrale, 160 x 158 cm, technique mixte, Musee Estrine
Le corps, métamorphoses et apparitions
du 20 septembre au 30 novembre
Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence
04 90 92 34 72
www.ateliermuseal.net
C.L.
Un chantier en mouvement
Le plasticien Marc Ingoglia a conçu le 1er festival des arts contemporains de La Ciotat, Les Arts en chantier,
comme s’il créait un objet ou une sculpture. Une démarche atypique qui a sous-tendu la manifestation durant tout le mois d’août
Quelles ont été vos motivations pour
vous lancer dans cette nouvelle
aventure : la nécessité, le besoin ou le
manque ?
C’est plus positif que cela. C’était
avant tout une envie que j’avais de
voir un festival popularisant les arts
Dessin de Marc Ingoglia
contemporains : je voulais rendre accessible à tous l’art dit contemporain,
souvent présenté en marge de la
société ou trop intellectualisé à mon
goût. Je voulais aussi montrer le
travail de gens de qualité qui vivent
dans notre région, certains ayant déjà
exposé à La Ciotat. Mon projet a été
monté avec la direction de la culture
de la ville, qui a participé à la
sélection, sur le principe de montrer
un ensemble homogène.
Quel premier bilan faites-vous
aujourd’hui ?
Le festival a attiré 6500 visiteurs en
un mois et plus d’une centaine de
plasticiens, performers, danseurs,
musiciens, photographes, vidéastes…
Car Les Arts en chantier, c’est avant
tout une manifestation variée et
hétéroclite. Par contre, il faudra faire
mieux la prochaine fois du côté de
l’organisation, des horaires et parfois
même de la qualité… Mais cela ne
pourra pas se faire sans un soutien
plus important des partenaires
financiers.
Justement, la ville de La Ciotat a
déjà annoncé une deuxième édition :
quelles sont les perspectives ?
L’affiche 2009 sera toujours pluridisciplinaire, avec des expositions,
des performances et des spectacles
gratuits. C’est le secret de la réussite :
être populaire, accessible et de
qualité. L’appel à candidatures sera
ouvert plus largement sur la région,
de Nice à Montpellier par exemple.
J’aimerais qu’on ouvre davantage le
festival à des artistes de l’image en
mouvement avec des installations, de
la vidéo, les nouvelles technologies.
Que Les Arts en chantier prenne ses
racines dans l’histoire de la cité, sans
devenir pour autant un festival de
cinéma. Cette nouvelle identité permettrait d’être toujours accessible au
public tout en offrant une vision plus
contemporaine de l’art.
PROPOS RECUEILLIS PAR
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.artistic-promotion.com
58
LIVRES
LIRE EN FÊTE
Vingt ans déjà
Pour son entrée dans l’âge
adulte, Lire en Fête s’offrira
cette année un petit
coup de jeune.
Les 10, 11 et 12 octobre
prochains seront placés
sous le signe de la jeunesse,
thématique nationale
retenue cette année
internationales de l’édition de création. Les ateliers
Vis à Vis et collectif de la Méditerranée présenteront
cette année des ouvrages réalisés en direction d’un
public jeune ainsi qu’une exposition de Livres
d’artistes/enfants.
De nombreuses animations sont prévues : débats,
ateliers de lecture et d’écriture, bornes d’écoute…Et
l’on souhaite longue vie et bon vent à ces Littorales.
Dans le département
Trois jours pour plonger dans la lecture et l’écriture ;
trois jours pour investir l’espace public qui résonnera
de textes lus, de paroles déclamées, chantées, de
rencontres et de débats. Autour des albums et de la
littérature de jeunesse bien sûr, mais aussi des lectures
adolescentes et du rapport à l’enfance des écrivains
Marseille fête le livre
L’association Libraires à Marseille a décidé de
prodiguer une cure de jouvence à la manifestation,
appelée désormais Les Littorales. Pour cette édition
2008, on pourra dès le jeudi 9, à partir de 18h30, se
délecter de littérature en avant-première au Bouchon
Marseillais, nouveau lieu d’élection des Jeudis du
comptoir depuis le printemps dernier. Un espace et
une ambiance à découvrir d’urgence, si ce n’est
déjà fait.
Cette séance apéritive sera suivie, vendredi 10, de la
Nuit de l’Ecrit. Cette soirée, conçue pour affirmer le
lien qui unit le temps nocturne et l’activité littéraire,
permettra d’entendre une lecture musicale du texte de
Claudine Galéa, Rouge Métro, au Théâtre de Lenche à
partir de 19h00 (voir page 16).
Les Littorales proprement dites se dérouleront les
samedi 11 et dimanche 12 octobre, de 10 à 19 heures
(rappelons que l’entrée est libre et gratuite). Fait
nouveau cette année, la grande et traditionnelle
rencontre entre libraires, éditeurs, auteurs et public ne
se produira plus au parc Chanot mais, sous chapiteaux, sur le Cours d’Estienne d’Orves, en plein cœur
de la ville, tout près du littoral ! Gageons que ce nouvel
espace saura donner aux deux journées une dimension
plus chaleureuse et intimiste que ne le faisait le hall
d’exposition de naguère.
Les jeunes et le roman
Si elle change de nom et de lieu, la manifestation n’en
reste pas moins fidèle aux rendez-vous qui ont fait son
succès. On retrouvera ainsi avec plaisir Pascal
Jourdana et son Comptoir Littéraire, qui mettra
l’Enfance en débat tout au long des deux jours en
recevant les auteurs invités. Ceux-ci seront une
vingtaine, venus de toute la France, mais également
du Brésil, de Cuba ou d’ailleurs. Certains écrivent
principalement pour un lectorat d’enfants ou
d’adolescents ; ainsi Guillaume Guéraud (voir page 67),
dont Zibeline a déjà chroniqué l’excellente Brigade de
l’œil, hommage au célèbre Farenheit 451 de Ray
Bradbury. D’autres écrivent aussi pour les jeunes, mais
pas seulement, Claudine Galéa par exemple. D’autres
encore écrivent pour les adultes, mais mettent en scène
des jeunes gens, comme Delphine Bertholon ou Akli
La ville d’Aubagne fêtera le livre et l’écrit en organisant,
à l’initiative de la librairie L’Etoile bleue, des ateliers
d’écriture autour de La gloire de mon père de Marcel
Pagnol, une soirée de contes ainsi qu’une «balade
d’écriture» (renseignements au 04 42 03 16 61).
Quant à la bibliothèque départementale, elle proposera un «voyage dans les littératures nordiques
contemporaines». L’exposition-spectacle Cap au Nord
sera à Aurons le 12, puis elle circulera dans tout le
département (Cabriès, Cadolive, L’Estaque…) au fil
du mois d’octobre.
De multiples autres manifestations marqueront cette
édition 2008 de Lire en Fête dans toute la région. La
plupart axées sur la littérature jeunesse. Alors, que la
fête commence !
FRED ROBERT
Les Littorales
Les 11 et 12 octobre
Cours d’Estienne d’Orves, Marseille
www.lire-en-fete.culture.fr
Adjer (voir page 65).
Jean-Baptiste Coursaud s’intéresse à cette forme de
littérature prolifique et très diversifiée, et il viendra à ce
titre présenter le passionnant recueil d’Entretiens qu’il
vient de publier aux éditions Thierry Magnier et dans
lequel il donne la parole à six auteurs de littérature de
jeunesse, «symbolisant autant de générations que de styles
ou de voix». Au fil de ces conversations littéraires,
Jeanne Benameur, Shaïne Cassim, Arnaud Cathrine,
Cédric Erard, Jean-Paul Nozière et Marie-Sabine Roger
évoquent leur rapport intime à l’écriture et à la fiction.
Parcourir la fête
On pourra aussi déambuler entre les stands des
libraires, discuter de leurs coups de cœur avec eux,
rencontrer les écrivains et se faire dédicacer leurs ouvrages, feuilleter, lire et échanger, un des grands plaisirs
de la manifestation.
Sous les chapiteaux également, le 12e Salon des
Lecteurs en herbe, proposé par la librairie Les trois
Mages, la 2e édition de La Méditerranée en Livres
organisée par la librairie Regards et les 11e Rencontres
Claudine Galéa © X-D.R
Guillaume Guéraud © X-D.R
LES RENCONTRES D’AVERROÈS | LA SEMAINE NOIRE
LIVRES
59
Début de Rencontres
Si le temps fort
des Rencontres d’Averroès reste
les Tables rondes
(les 7 et 8 nov),
les manifestations culturelles qui
l’accompagnent
et déclinent sa thématique
s’étoffent chaque année,
et se répandent sur le territoire.
Rien de mieux pour attendre les
débats que de se placer Sous le
signe, bienveillant, d’Averroès.
Le thème des 15e Rencontres, cette année, est direct :
Entre Islam et Occident, la méditerranée ? Notre
mer est donc interrogée en tant que frontière (cicatrice,
tampon, faille ?) : n’est-elle rien d’autre qu’une
séparation, ou peut-elle être un lien ? Les artistes invités
Sous le Signe sont essentiellement des hommes de
culture musulmane, nés ou non de l’autre côté de la
faille (Mohamed Kacimi qui lira L’Orient après
l’amour, Salim Bachi pour Le silence de Mahomet,
mais aussi Mathias Enard pour Zone…). En dehors
de ces lectures, Sous le signe décline également des
projections (Le destin, chef-d’œuvre de Chahine), des
débats, des concerts (Ulas Özdemir, le Trio
Chemirami…).
Ces manifestations liminaires se dérouleront du 16
octobre au 9 novembre à Marseille, Aix, Apt, Arles,
Avignon, La Garde, Martigues et Port-de-Bouc :
guettez donc leur passage !
Sous le signe d’Averroès
du 16 oct au 9 nov
04 96 11 04 61
www.rencontresaverroes.net
AGNÈS FRESCHEL
Les écoliers ont rouvert
livres et cahiers,
les feuilles commencent à tomber,
il est temps de retrouver
la Semaine Noire
Une rentrée à l’encre noire
Pour sa 3e édition, du 19 au 29 sept, la manifestation
littéraire organisée par l’association L’Écrit du Sud, et
soutenue par de nombreux acteurs culturels de la ville,
entend continuer à promouvoir la littérature policière
de qualité, selon les trois axes principaux qu’elle s’est
fixés : une résidence d’auteur, un «jumelage noir» avec
une ville étrangère et une grande fête du polar.
Die Noire Woche
© Agnès Mellon
Les deux premiers axes ne formeront qu’un cette
année. Dans le cadre du 50e anniversaire du jumelage
entre Marseille et Hambourg, c’est logiquement cette
dernière qui sera à l’honneur, représentée par la
romancière Doris Gercke, invitée en résidence à la
Friche du 18 sept au 10 oct. Cette écrivaine de
renommée internationale, auteur de plus d’une
douzaine de romans policiers (dont un seul traduit en
français !), créatrice du personnage de Bella Block,
mettra à profit son séjour pour mieux connaître
Marseille, cadre, dit la rumeur, de son prochain opus,
et participera à de nombreuses rencontres. On peut
déjà noter la conférence qu’elle donnera à l’Alcazar le
24 sept : le personnage de la ville dans le roman noir.
Tout un programme.
Du port aux Terrasses
D’autres occasions seront données de rencontrer Doris
Gercke, en particulier le grand rassemblement festif
des Terrasses du Polar. Une cinquantaine d’auteurs
régionaux, nationaux et étrangers participeront à cette
8e édition, qui se tiendra le 19 à Septèmes et le 20
sur le Cours Julien à Marseille, dans le cadre du 10e
Festival du Plateau. L’Écrit du Sud, L’Écailler et Serge
Scotto, leur initiateur, revendiquent le caractère
éclectique et détendu de ces rencontres qui, loin de
n’être qu’un événement mercantile, permettent de
mieux apprécier des auteurs de genre, parmi lesquels
cette année des «pointures», comme Jean-Hugues
Oppel ou Maurice Gouiran, pour ne citer qu’eux. La
semaine sera ponctuée de dédicaces, conférences de
presse et autres apéritifs publics, qui permettront de
dialoguer avec les écrivains invités. On pourra ainsi
rencontrer Noël Simsolo, qui viendra présenter et
dédicacer son dernier roman Quartier Sébastopol, écrit
pendant sa résidence de 2007. Il participera également
à la rencontre organisée par le Cercle culturel
méditerranéen : 2 auteurs, 2 ouvrages, 1 film pour 1
ville : Alger.
Le polar a son Prix
Le Prix Marseillais du Polar sera décerné cette année
pour la troisième fois, toujours par un jury de lecteurs
sélectionnés sur lettre de motivation. La délibération
du jury se fera en public, le 20 sept à 10h00, à La
Baleine Qui Dit «Vagues».
À noter également, pour les amateurs, que l’Alcazar,
partenaire de la Semaine noire, reprendra dès la fin du
mois les Cahiers de L’écailler, son cycle de conférences
mensuelles autour de la littérature policière.
Une semaine à marquer d’une pierre noire !
FRED ROBERT
La Semaine Noire
du 19 au 29 septembre
L’écrit du Sud
www.lecritdusud.com
60
LIVRES
ACTORAL | MOD | LES CORRESPONDANCES
Aventure littéraire
Durant cinq jours
Manosque se transforme en scène
littéraire où se côtoient écrivains,
artistes et publics curieux.
La 10e édition le proclame haut
et fort : le livre est plus vivant
que jamais !
Les Correspondances de Manosque fêtent leurs dix ans ;
dix ans d’échanges hors normes entre la littérature et le
public, dix ans de croisements inédits autour de l’écrit, du
son et de l’image, et dix ans que la ville se prête à ce jeu
osé de travestissement en cité littéraire. Elles démontrent
que la littérature est vivante, par le biais d’une
programmation exigeante qui mêle diverses formes
artistiques : le livre s’y habille aussi bien de sons que
d’images, selon qui s’en empare.
Ainsi, cette année, une spécificité des Correspondances
sera mise en avant : musique et littérature feront l’objet
d’une programmation riche, avec, entre autres, un
dialogue entre Philippe Djian et Stephan Eicher, un café
littéraire avec Yann Appery et les musiciens Claude
Barthélemy et Massimo Nunzi, deux concerts littéraires,
un qui donne carte blanche à Christian Olivier des Têtes
Raides, l’autre à Barbara Carlotti, ou encore une lecture
musicale d’Alex Baupain et Kéthévane Davrichewy…
Pour sceller toutes les aventures passées, et à l’occasion
des dix ans, un livre-disque édité aux éditions Le Bec en
l’Air, Fantaisie littéraire, reprend les lectures musicales
d’une vingtaine de chanteurs et auteurs.
Il sera aussi question de la transmission de la littérature,
lors d’une table ronde qui réunira Éric Vigne (auteur de
Le Livre et l’éditeur, éditions Klincksieck), Paul
Otchakovski-Laurens, Bernard Comment, Maryse Pietri
et Bruno Patino ; crise du livre, place de l’éditeur, lecture
numérique, concentration de la distribution, autant de
sujets passionnants qui seront sans doute abordés.
Et puis Les Correspondances ce sont aussi, comme
chaque année, de nombreux tête-à-tête avec des auteurs
Raymond Federman, Gilles Leroy, Pascal Jourdana © Francois Xavier Emery
(Olivier Rolin, Jean-Paul Dubois, Annie Ernaux, voir page
66) ou encore Richard Ford (en ouverture) ; des lectures,
croisées ou pas (Véronique Ovaldé et Carole Martinez,
voir page 64) ; les fameux écritoires, véritables œuvres
d’art qui permettent de retrouver le bonheur d’écrire en
Jacques Gamblin © Francois Xavier Emery
toute liberté ; une carte blanche à Jacques Gamblin…
Rendez-vous donc dès le 24 septembre où sera
notamment inauguré un nouveau lieu permanent dédié
au livre, l’Hôtel Voland, dont le patio accueillera quelques
rencontres appétissantes…
DOMINIQUE MARÇON
Les Correspondances de Manosque
du 24 au 28 septembre
04 92 72 16 00
www.correspondances-manosque.org
Langues et langages
actOral a fait du chemin. En moins de
sept ans, le festival des écritures contemporaines fondé par Hubert Colas, auteur,
metteur en scène et co-directeur de
Montévidéo, s’est forgé une place singulière dans le paysage culturel, français
et dorénavant étranger. Chaque année,
fort du soutien de nombreux partenaires,
il se fait l’écho d’une création contemporaine à la croisée des écritures et des
arts, le reflet d’une communauté artistique vivante, mouvante et parfois même
mutante, tentant, avec plus ou moins de
bonheur, d’inventer d’autres langues,
d’autres langages. Chaque nouvelle édition
est ainsi l’occasion pour le spectateur de se
plonger dans un magma de propositions
littéraires, scéniques et plastiques, affi-
chant l’ambition de l’emmener ailleurs.
Aux côtés des spectacles (voir page 18 la
création de Chto de Sonia Chiambretto à
La Criée, ou encore le détail du cycle Les
écrits de la danse conçu en partenariat avec
Marseille Objectif Danse), la programmation fourmille de rendez-vous plus
intimistes.
On salive, par exemple, à l’idée de passer
une heure avec Laurent Mauvignier,
formidable metteur en mots de l’absence,
du manque, du deuil et de l’amour, auteur
des très beaux Loin d’eux et Apprendre à
en finir. On se réjouit de goûter, l’espace
d’une lecture, la délicate présence de
l’actrice Nathalie Richard, associée à celle
d’Elina Löwensohn, sur un texte de
l’Autrichienne Elfriede Jelinek. On
s’interroge aussi sur ce que sera la première Sirène et Midi net confiée à un
auteur, Julien Blaine (le 1er octobre voir
page 27). Car actOral ne cesse d’élargir le
champ de ses investigations, avec cette
année, au-delà de cette incursion dans
l’espace public, l’apparition dans la
programmation du cirque (Warm conçu
par David Bobee et Ronan Chéneau, Le
grand nain de Jambenoix Mollet et
Philippe Eustachon) et un coup de projecteur porté sur les auteurs britanniques
et italiens. On aimerait également vous
parler du très troublant Jerk, solo pour
un marionnettiste, fruit des fantasmes
conjugués de Gisèle Vienne et Dennis
Cooper qui nous plongent, en apnée,
dans la tête d’un serial killer… Mais on
manque d’espace ! actOral, lui, n’en
manque pas, avec plus de deux semaines
de rendez-vous aux quatre coins de
Marseille et une reprise, dans un format
plus réduit, au Théâtre de la Colline, à
Paris. actOral a fait du chemin, on
vous le dit.
LAURENCE PEREZ
actOral
festival international des arts
et des écritures contemporaines
du 29 septembre au 11 octobre
04 91 37 30 27
www.actoral.org
Écrits solitaires
© Theo Kooijman
Les spectacles programmés par Marseille Objectif
Danse à l’occasion d’actOral jouent toujours le jeu
des mots, empruntant souvent la route du festival à
rebours. Les Écrits de la danse parient en effet sur la
verbalisation du corps, et non sur l’oralité des formes :
la danse, la photo, le mythe, la trace, l’identité sexuelle
donnent lieu à une parole qui glose sur eux, secondaire, et accompagne leur trajet.
Cette année le cycle se décline en quatre formes
courtes. Mark Tompkins y reprend Empty Holes, solo
mythique de 1983, où on trouve déjà l’essentiel de sa
démarche introspective, fondée sur des travestissements, un dédoublement, et des chansons universelles
qui fonctionnent comme autant de madeleines dévoyées. Durant les mêmes soirées (du 1er au 3 octobre)
Theo Kooijman présentera lui aussi un solo
introspectif, fondé sur l’observation de 4000 négatifs
photographiques, auto-portraits du performeur.
Une semaine plus tard le second volet mettra également en jeu deux chorégraphes interprètes de leur
propre solo. Sylvain Prunenec, en partant de l’idée
de démembrement, interroge dans Effroi les mythes
antiques qui fragmentent le corps. Antonija Livingstone,
dans The part, se dédouble au contraire, se travestit,
endossant en particulier des identités masculines (du
8 au 10 octobre).
A.F.
Les Écrits de la danse
04 96 04 96 42
www.marseille-objectif-danse.org
The part © A. Carter
62
LIVRES
ÉCRITURES CROISÉES | AGENDA
Rushdie, pas moins
Pour leur 25e édition, Les Écritures croisées invitent (et réussissent à faire venir !) un des plus grands
écrivains d’aujourd’hui : Salman Rushdie sera à la
Cité du Livre d’Aix durant trois jours, du 16 au 18
octobre.
Victime de la fatwa lancée par Khomeiny en 1989 à
la suite de la publication de ses Versets sataniques (fatwa
éternelle, imprescriptible, qui le condamne à mort
pour apostasie), l’écrivain est mondialement connu,
mais pas toujours pour son œuvre. C’est dommage :
elle est immense, foisonnante, baroque, émouvante,
surprenante, magnifique. Et l’homme, quand il parle
littérature, est passionnant.
Comme toujours, depuis 25 ans, Annie Terrier et
son équipe (restreinte, les temps budgétaires sont durs
pour le livre !) croisent les meilleures écritures : aux
côtés de Rushdie il y aura donc d’autres écrivains anglophones (voir page 64), son traducteur Gérard
Meudal, une exposition photographique de Ketaki
Sheth sur les rues de Bombay, la lecture par Alain
Simon d’extraits des Enfants de Minuit (voir page 67),
et de l’intégralité de Franchissez la ligne au Théâtre
des Ateliers, une autre par Denis Podalydes de son
dernier roman, trois films choisis et commentés par
Rushdie (Godard, Fellini et Buñuel)… et bien sûr
des débats, des rencontres, et des séances de signature
de L’Enchanteresse de Florence qui vient d’être traduit en
français et va paraître…
Tout n’est pas encore arrêté, et nous reviendrons sur
le détail de la manifestation dans notre prochain numéro ; mais réservez déjà vos journées, l’événement
est d’importance.
mort cet été, lecture accompagnée par le oud et le violon de Fouad Didi. Un documentaire filmé lors de
son passage aux Écritures croisées en 2003 sera également projeté.
AGNÈS FRESCHEL
Hommage à Darwich
Le 5 Oct
Franchir la Ligne
Du 16 au 18 oct
Cité du livre, Aix
04 42 26 16 85
Hommage
Avant cela, toujours à la Cité du Livre, les Écritures
croisées s’associent à l’hommage mondial qui sera
rendu le 5 octobre à Mahmoud Darwich. JeanClaude Nieto lira des textes du poète palestinien
Au programme
AIX-EN-PROVENCE
par des adhérents et des comédiens
d’extraits d’œuvre, le 20 septembre
à 14h.
Cité du Livre – 04 42 91 98 88
Le théâtre d’écriture de Jean Giono :
Jacques Meny, président des Amis de
Jean Giono, propose une conférence qui
permet de pénétrer dans le laboratoire
secret de l’écrivain. En avant première,
présentation du second numéro de la
Revue Giono. Le 20 septembre, à 17h,
à la bibliothèque Méjanes.
Colloque Napoléon et le Portugal :
les aspects d’un échec. Confrontation
des points de vue de chercheurs Français
et Portugais sur ce qui fut le premier
échec de Napoléon.
Le 27 septembre à 10h.
Librairie Au poivre d’âne
– 04 42 71 96 93
Rencontre avec Jean-Michel Sautter
autour de son livre Mer des hommes,
un tour du monde… paru aux éditions
Ancre de Marine. Le 25 septembre
à 18h30.
Rencontre avec Joëlle Gardes à
l’occasion de la parution de son recueil
de poésie Dans le silence des mots (éd.
L’Amandier). Le 16 octobre à 18h30.
FORCALQUIER
MARSEILLE
Association des Amis de Jean Proal
– 04 92 75 33 87
Jean Proal, écrivain d’ombre & de lumière
: organisées par les amis de Jean Proal,
ces journées proposent expositions,
lectures, chansons et théâtre. Les 27
et 28 septembre salle Pierre Michel.
Office de tourisme – 04 92 75 10 02
La langue d’Anna : représentation de la
pièce de Bernard Noël jouée par Andrée
Benchetrit, soirée organisée par
l’association Archétype et la revue
Marginales.
Le 19 septembre aux caves à Lulu.
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Poulpe et sirènes – La collection du
poulpe ; Pascale Lefebvre, œuvres
collectives : exposition de trente trois
pièces originales de pieuvres peintes à
l’encre de chine. Présentation d’objets,
de livres, de carnets de croquis autour du
poulpe, et projection d’un film de
Pascale Lefebvre dans le cadre du cycle
Portraits d’artistes. Jusqu’au 11 octobre.
Étrangers à Barcelone : représentations
littéraires et filmiques. Dans le cadre du
festival de cinéma espagnol
Cinéhorizontes, conférence proposée par
Roxana Nadim, vice-présidente de
l’association Cinéhorizontes. Barcelone
au travers d’un parcours romanesque et
filmique. Le 20 septembre à 17h.
Jean Cocteau 1942-1945, tête d’affiche et
tête de Turc : conférence de Jean Touzot,
suivie d’une table ronde. Le 25
septembre à 17h.
GAP
Association des Amis de Jean Proal
– 04 92 75 33 87
Jean Proal, une écriture saisissante : expo
photos de Didier Leclerc tirées du livre
Camargue, jusqu’au 4 octobre à la
médiathèque départementale ; lecture
LA CIOTAT
Rencontre avec Claude Mesplède, critique
littéraire et spécialiste du roman policier,
dans le cadre du cycle Les cahiers de
l’Ecailler. Le 27 septembre à 17h.
La danse du cheval blême : rencontre avec
Nicole Cheverney, à l’occasion du cycle
Juste une mer à traverser, sur son dernier
roman historique La danse du cheval
blême sur la peste à Marseille.
La Baleine qui dit «Vagues»
- 04 91 48 95 60
Salon du livre de conte,
du 10 au 12 octobre.
Centre social Mer et colline
– 04 91 72 22 91
10e édition de Lire en fête : rencontre
avec l’auteur-illustrateur jeunesse
Florence Langlois, le 10 octobre
à 14h30 ; spectacle conte jeunesse avec
la compagnie Masala le 11 octobre
à 14h30, et avec la compagnie
l’Amoscope pour Le voyage de Capucine
à 18h ; rencontre-dédicace avec Philippe
Carrèse et Jacques Ferrandez co-auteurs
du Jardin des délices et La malédiction de
l’enclume (Syros) à 15h ; exposition
intitulée 34 illustrateurs africains
pour la jeunesse.
The Wizz – 06 99 64 69 58
Vernissage de l’exposition de l’artiste
brésilien Joelito Da Paixho en sa
présence, le 19 septembre dès 18h30.
Invité par l’association Brazil, il peindra
en direct les robes ou pantalons que vous
souhaitez transformer !
Institut culturel Italien
– 04 91 48 51 94
Table ronde Antimafia : avec Dino
Palumbo, anthropologue à l’Université
de Messine, Anna Petrozzi, journaliste et
rédactrice en chef de Antimafia 2000,
Enrico Colajanni, fondateur des
associations anti-racket Addito Pizzo et
Libero Futuro et Cesare Mattina,
sociologue à l’Université de Provence.
Le 18 septembre à 18h. Par ailleurs,
du19 septembre au 15 octobre,
projections de quatre films sur ce sujet.
Festival Actoral : Parole in anteprima,
projet d’Antonella Amirante (lecture de
trois textes contemporains italiens :
Le dernier voyage de Sindbad de Erri de
Luca, Mari de Tino Caspanello et
Thérapie antidouleur de Laura Forti),
le 3 octobre ; Tre studi per una
crocifissione, pièce de et avec
Danio Manfredini, au Théâtre du
Gymnase, le 11 octobre.
Exposition Les jardins de Toscane :
photos de Massimo Listri des jardins
historiques de Toscane, des fastes du
XVIIe siècle jusqu’à nos jours.
Du 6 au 10 octobre.
VAISON-LA-ROMAINE
Association BD AOC
– 04 90 36 09 80
Festival de la bande dessinée : tables
rondes, rencontres-dédicaces, remise
des prix du jury des lecteurs…
Les 20 et 21 septembre.
64
LIVRES
ROMANS
Tempête en mère
Parce qu’elle ne supporte plus «cette
impression de vivre avec des éclats de
bombe sous la peau», avec «la guerre en
elle» et la peur aussi, parce que son
nouvel amour la bouleverse et lui
donne envie de fuir, parce qu’elle veut
mettre sa mère au centre de son
prochain spectacle et tâtonne, Lea, 38
ans, chorégraphe perfectionniste et
torturée, prend la route. Pressée par une
urgence indicible, elle roule vers l’océan,
vers la petite cité portuaire où vit sa
mère. Elle roule malgré l’avis de
tempête annoncé, et bientôt les
éléments furieux. Car, par cette nuit
d’ouragan, il faut laver les ombres.
Comme le précise Jeanne Benameur en
exergue, cette expression, en
photographie, «signifie mettre en lumière
un visage pour en faire le portrait». Pour
Lea et sa mère, réfugiées dans la
chambre obscure par une nuit de
tourmente, il s’agit aussi de révéler un
passé tu, lourd, et par les mots enfin
dits, de se laver de la culpabilité et de la
peur. La mère réapprend la parole, la
fille retrouve le fil de sa danse, et de sa
vie. Un ballet auquel elle saura
désormais intégrer le faux pas, où
l’erreur aura enfin sa place…
Dans ce roman bref, tendu comme un
corps de danseuse, palpitant comme un
cœur de mère et d’amoureuse, Jeanne
Benameur dessine le portrait en creux
d’un couple hors normes. Au rythme
haletant de phrases souvent elliptiques,
que des tableaux arrêtent sur image, elle
lève le voile sur la passion d’une femme
et sur le poids écrasant des secrets de
famille.
La romancière était l’an passé en
résidence à Manosque (voir page 60) ;
c’est là que ce texte émouvant, dédié «à
celle qui m’a appris à écrire et à lire» est
né.
FRED ROBERT
Laver les ombres
Jeanne Benameur
éditions Actes Sud
15 euros
Sentir Bombay qui palpite
Comment rendre compte d’une
totalité, comme la vie d’une mégapole,
sans être didactique, sans accumuler les
redites, en restant vivant, intéressant,
drôle ? C’est le tour de force qu’avait
réussi Altaf Tyréwala dans un premier
roman écrit en anglais : Aucun dieu en
vue. Les chapitres courts empruntent
tour à tour la voix d’un nouveau
personnage qui croise le précédent. Par
cet enchevêtrement rapide, l’agitation,
le fourmillement de Mumbai (nom
moderne de Bombay), ses scandaleux
écarts de richesse, ses tensions
s’orchestrent en une vaste polyphonie
qui permet au lecteur d’appréhender la
voix même de cette ville. Avec subtilité,
chaque personnage est doté d’une voix
unique, particulière, le «je» s’efface
parfois pour une troisième personne,
qui plonge dans la conscience du
protagoniste ou se contente de
l’approcher par une observation
extérieure de ses gestes et de ses mots.
Le vocabulaire suit aussi les mêmes
variations. L’épouse qui a renoncé à la
poésie côtoie le fakir, le tueur, l’agent de
police, l’homme d’affaires, le marchand
de chaussures et son rêve américain, le
médecin raté avorteur… et tous les
autres. Le roman de Tyréwala palpite
ainsi d’une vie singulière et multiple. La
farandole se résout en une boucle dans
laquelle vivent indéfiniment tous ces
héros quotidiens qui portent en eux des
amorces d’histoire, de roman. Pas de
transcendance : la vie dans sa
foisonnante complexité suffit. Aucun
dieu en vue, certes, mais un
remarquable écrivain à découvrir, qui
sera aux Écritures Croisées aixoises
pour présenter son second roman
traduit en français (voir page 62).
MARYVONNE COLOMBANI
Aucun Dieu en vue
Altaf Tyréwala
éditions Actes Sud
20 euros
Rêve étrange
Véronique Ovaldé est une des rares
jeunes romancières françaises qui
travaille sa langue. Qui fasse varier les
modes narratifs, qui tente vraiment,
sans artifice, le point de vue interne, qui
cherche de nouveaux modes de paroles
rapportées, de ponctuation, et brise la
linéarité temporelle. Tout en écrivant
vraiment des romans : avec des
personnages, une intrigue, une
progression narrative, un ancrage dans
le réel et l’Histoire, et des incursions
discrètes, suspendues, irrésolues, dans le
merveilleux. Avec Et mon cœur
transparent elle a écrit un roman
nettement plus léger que ses
précédents : noir, bâti comme un polar,
fondé sur des mystères qui s’élucident
progressivement. Les actions des
personnages, décrites sans que l’on ait
accès à leurs états d’âme, guident le
lecteur vers la résolution progressive
d’une intrigue construite avec les
chausse-trappes et fausses pistes propres
au roman policier : dans un pays froid,
glacé et lent, qui ressemble au réel sans
s’y confondre, un homme prénommé
Lancelot, qui s’est éveillé à la vie en
rencontrant Irina, perd sa femme et
découvre que cet amour était un
mensonge. Mais l’était-il ?
Véronique Ovaldé sera présente aux
Correspondances de Manosque, pour
une lecture croisée avec Carole
Martinez (voir page 60).
AGNÈS FRESCHEL
Et mon cœur transparent
Véronique Ovaldé
Éditions de l’Olivier
18 euros
65
Grandir en cave
Twist, jeune adolescente intelligente, particulière, est
enlevée par un malade et retenue prisonnière dans une
cave durant cinq années… L’intrigue, qui semble
inspirée d’une série américaine ou de faits divers
affreux, permet toutefois à Delphine Bertholon de
signer un joli roman sur l’enfance, la douleur, et l’éveil
du corps à l’amour. Car dans sa cave Twist grandit,
devient pubère, se transforme, et l’auteur décrit ce
passage et ses tourments avec une finesse certaine : la
cave, à cet endroit, y semble une métaphore des
carcans et interdits qui pèsent sur les corps des jeunes
filles ; tout comme les regards des hommes, déviants,
absents, pervers, symbolisent tout le mal que les mâles
peuvent faire lorsque les filles accèdent pour eux (et
non pour elles) au rang d’objet désirable.
Le roman est construit en une succession de trois
monologues entrecoupés de divers personnages : celui
de Twist, habilement écrit en affinant le style comme
si la langue de l’enfant progressait, est passionnant ;
celui de sa mère, qui répète de longs cris de douleurs,
est émouvant mais peu varié ; celui de Stanislas, jeune
homme dont Twist est amoureuse, manque d’intérêt.
Mais l’ensemble est haletant, et les 430 pages se
dévorent d’un trait !
Delphine Bertholon sera présente lors des Littorales à
Marseille (voir page 58).
AGNÈS FRESCHEL
Twist
Delphine Bertholon
Editions J.C. Lattès
18 euros
Les déserts vibrants du cœur
Akli Tadjer a écrit un roman sur la paternité. La vraie,
celle qui lie misérablement, indéfectiblement,
tendrement, jalousement, douloureusement, un père
à sa fille, lorsque celle-ci s’éloigne du logis familial pour
y revenir simplement en visite, et avec un homme. La
narration épouse le point de vue du père qui assume
ses sentiments contradictoires et se dérobe en des
agissements irrationnels et bougons… Plus rare, le
roman s’attache comme incidemment à décrire la
géographie imaginaire des immigrés parisiens, attachés
à l’Algérie par des liens symboliques, des contes, mais
profondément Parisiens (le narrateur en a l’argot
discret et la syntaxe expéditive). Bien sûr, dans ce
cadre-là, la relation de Mohamed avec sa «gazelle» de
fille se complique : racisme ordinaire des parents du
garçon, mas aussi, peu à peu, emprise sur Myriam
d’un islamisme menaçant… Le roman, qui débute
comme une comédie familiale, est interrompu par des
contes qui retracent le passé des ancêtres Algériens, et
peu à peu se dessine un drame originel. Qui rend cette
relation père-fille, déjà si belle, terriblement
émouvante…
AGNÈS FRESCHEL
Il était une fois peut-être pas
Akli Tadjer
Editions J.C. Lattès
17 euros
Apologie des faibles ?
Le court roman de David Descamps laisse un
sentiment étrange. D’abord on éprouve une
satisfaction évidente à découvrir un jeune auteur (c’est
un premier roman, il a 35 ans) au style visiblement
affirmé et construit, et à se retrouver dans un décor
marseillais nettement plus familier et véridique que
Plus belle la vie : la lumière marseillaise y est
symboliquement opposée aux horizons bouchés des
Flandres, lieux entre lesquels le narrateur se déplace,
vers les profondeurs refoulées, puis vers la «joie pure»
qui clôt le roman.
Puis cette satisfaction se transforme en malaise : les
personnages y sont tous des hommes, trentenaires
(racontant leurs vingt ans), sans ambition, se
promenant de plaisirs ratés en cuites décevantes, et de
clitoris en fellation (les femmes n’y sont jamais
envisagées comme sujets, mais comme «filles
intéressantes» à draguer, ou mères envahissantes, sœur
«vouée à s’occuper de la maison»…), n’ayant aucun goût
pour l’étude, le monde, les autres hors leurs amis…
mais ayant les moyens, doucettement, de vivre (sans
luxe) de l’héritage de leurs parents. Exclus du monde
fortuitement, mais n’ayant aucun désir d’y entrer, d’y
participer.
Le portrait est sans complaisance, et le titre les désigne
explicitement comme des faibles. Mais la narration à
la première personne, qui interdit la distance, met le
lecteur mal à l’aise (surtout la lectrice?), face à ses
personnages velléitaires qui geignent et tournent en
rond…
David Descamps sera présent aux Littorales (voir page
58).
AGNÈS FRESCHEL
L’Apéritif des faibles
David Descamps
Les Allusifs (Québec)
13 euros
66
LIVRE
ROMANS
Soixante ans de la vie d’une femme
La romancière Annie Ernaux sera à
l’honneur aux Correspondances de
Manosque (voir page 60). Emmanuelle
Devos y proposera une lecture de La
place, un de ses romans «autosociobiographiques» les plus connus, qui
inaugure les thèmes –famille, appartenance sociale et trahison...– et le style qui
sont sa marque. Une écriture aux
confins de l’intime et de l’universel,
fondée sur la mémoire et sur l’idée
qu’écrire, c’est exister et témoigner. À
cet égard, on ne peut que saluer son
dernier opus, bilan d’une vie sobrement
intitulé, comme le chef-d’œuvre de
Virginia Woolf, Les années.
Un livre conjuratoire, qui débute par
l’énoncé de la mort à venir, au futur de
la certitude absolue. Alors, puisque
«toutes les images disparaîtront», puisque
«s’annuleront subitement les milliers de
mots», pour ne pas sombrer corps et
biens, pour que «le dictionnaire
accumulé du berceau au dernier lit» ne
s’élimine pas tout à fait, place aux
souvenirs et aux images, de la naissance,
en 1941, à 2006.
L’évocation de cette traversée de plus
d’un demi-siècle s’appuie sur une série
de photos prises à différentes époques
et décrites avec cette neutralité distante
et ironique chère à Ernaux, arrêts sur
images récurrents qui permettent de
faire le point sur une évolution, un
parcours, comme le font aussi les récits
de repas de famille qui ponctuent le
texte. Pourtant, loin de se cantonner à
cet ancrage individuel et familial,
l’ouvrage adopte une visée plus large.
Au travers de l’itinéraire d’une femme,
c’est celui de toute une génération qu’il
suit : aspirations de l’après-guerre,
progrès matériel et course au confort,
luttes féministes, manifestations…
jusqu’aux désillusions des décennies
1990 et 2000.
Ernaux embrasse magistralement les
années enfuies, dans la distance du
«elle» et la solidarité du «nous», du «on».
Un beau panorama, général et si
personnel à la fois.
FRED ROBERT
Les années
Annie Ernaux
éd. Gallimard, 17 euros
Jeune à tout âge ?
Les Littorales s’inscrivent cette année
sous le double signe de la littérature
destinée aux jeunes, et de celle qui parle
de la jeunesse. Claudine Galéa était à ce
titre désignée pour ouvrir la manifestation : écrivant pour les enfants, les
ados et les adultes, son roman le plus
marquant est sans doute Jusqu’aux os
(2003), qui décrit avec une force émotionnelle peu commune l’anorexie
d’une fille de quinze ans, son premier
amour, absolu et douloureux, et son
terrible rapport à sa mère. Dense, écrit
pour les adultes en de longues phrases
qui déploient leur souffle, le roman
émeut aussi, profondément, les jeunes
filles. Posant ainsi avec acuité la
question d’une spécificité souhaitable
(ou non ?) de la littérature jeunesse.
Rouge métro, que Claudine Galéa lira au
Théâtre de Lenche le 10 octobre (voir
page 16), appartient à l’autre famille :
celle de la littérature spécialisée.
Construit vers la révélation finale de
l’acte de violence qui a traumatisé une
adolescente, le roman fait alterner deux
voix aux temporalités distinctes : une
d’avant l’évènement, l’autre d’après le
traumatisme. Les voix bien sûr se
rejoignent au bout du voyage. Conçu
pour des lecteurs plus jeunes (13/14
ans), le livre pourtant choisit les mots
justes, des rythmes inattendus. Parfois
un peu répétitif, dans la succession peu
variée des voix intérieures.
Pour les plus jeunes encore, les enfants,
Claudine Galéa a écrit À mes amourEs.
Un petit bijou, illustré par Thison, qui
donne la parole à une fille dotée de
deux mamans. L’homosexualité féminine, et la parentalité qu’elle implique,
y sont abordées avec une fraîcheur
rafraîchissante, une poésie de la
simplicité, une naïveté reconstruite et
retrouvée dans le plaisir. Un livre que
les ados détesteraient sans doute, mais
qui ravira les adultes !
A.F.
Claudine Galéa
Jusqu’aux os
Ed du Rouergue (la Brune),
11,50 euros
à Mes amourEs
Ed du Rouergue (zigZag),
6,50 euros
Rouge Métro
Ed du Rouergue (doAdo Noir),
7,50 euros
67
La double voix de la peur
Guillaume Guéraud est un auteur marseillais qui
affectionne la littérature pour ados, en particulier la
noire. Aux deux sens du terme : celle qui repose sur des
tensions, des suspenses, et celle qui se penche vers les
actes, les faits, les sentiments les plus sombres. Ce qui,
dans la littérature pour ado, n’est pas forcément facile
à manipuler : l’horreur et le frémissement y sont assez
bien admis, mais pas l’humeur noire, suicidaire,
autodestructrice, qui pourtant touche tant d’ados.
Je ne mourrai pas gibier, et La Brigade de l’œil (voir
Zibeline 5), ont fait un certain bruit dans la sphère de
la littérature jeunesse. Le Contour de toutes les peurs,
paru également dans la collection doAdo Noir, au
Rouergue, met en scène un adolescent de quatorze ans
confronté à la violence, et à ses propres peurs. Le
véritable dédoublement narratif de Clément, fait
entendre à la fois sa voix intérieure, en prise aux
sentiments les plus noirs, et un récit factuel qui le
mène de l’agression jusqu’au jugement de l’agresseur.
Le roman avance, bien construit, haletant,
parfaitement à la portée d’un lectorat adolescent.
Guillaume Guéraud sera présent aux Littorales
consacrée à la jeunesse (voir page 58).
Le Contour de toutes les peurs
Guillaume Guéraud
Ed. le Rouergue (doAdo Noir),
7,50 euros
A.F
Comment plonger
sans faire de plat
Une plongée en apnée dans un monde familier,
proche et pourtant hermétique ; celui des adolescents,
en bande, livrés à eux-mêmes au cœur de l’été
marseillais. Pourquoi marseillais ? Parce que ça se passe
à Marseille, que les minots habitent les quartiers nord
et qu’ils font les cons au bord de l’eau… À part ça, ils
pourraient être de Tanger, de Haïfa ou de Naples.
Signes distinctifs : une jeunesse inouïe, corps et cœur
déchaînés, une liberté presque totale, le désir d’aller
jusqu’au bout, l’envie d’en découdre avec le destin. Et
puis, en toile de fond la mer. La nôtre…
Du haut de sa terrasse et du fond de sa solitude, un flic
les observe, fasciné par leur ardeur à défier la mort et
les adultes dans de nouveaux jeux interdits. Le
spectacle de leur jeunesse effrontée le distrait de sa
misère métaphysique et de ses troubles pancréatiques
qu’il soigne -du moins les premiers- par de grandes
rasades de vodka. Car c’est un flic comme on les aime ;
revenu de tout, blessé à mort par la vie, tendre et
pathétique, caustique et impulsif. Un beau spécimen
de littérature!
L’histoire nous accroche bien mais l’écriture surtout
nous fait plonger. Maylis de Kerangal travaille son
réalisme au moyen d’une écriture très poétique, de
métaphores violentes et inédites. Le réel reste ce qu’il
est ; cruel et brutal mais relooké par un style qui nous
fait trouver belle la laideur. Baudelaire est sans doute
passé par là… Ce n’est certes pas le lecteur qui s’en
plaindra, car si la jeunesse supporte sans difficulté le
soleil de midi, la charogne, elle, nécessite une
métamorphose esthétique pour devenir respirable.
Surtout en plein cagnard.
Incarner
l’Histoire
On n’a pas toujours lu les romans dont chacun
connaît le titre. Les Enfants de minuit, chef-d’œuvre de
Salman Rushdie publié en 1981 est (relativement)
peu lu des Français, qui aiment bien la nouveauté. Les
Anglais, quant à eux, viennent encore, il y a quelques
mois, de l’élire Best of Bookers. C’est-à-dire, à peu près,
qu’il est pour eux leur meilleur Goncourt.
Le succès du roman repose sur un alliage rare, et
parfaitement réussi : celui de l’Histoire et de la fiction
romanesque. Saleem Sinai, enfant (laid) né à l’heure
exacte de l’Indépendance de l’Inde (le 15 août 1947),
en est la métaphore : jubilant comme elle, souffrant
comme elle, morcelé, mutilé, émasculé quand Indira
Gandhi déclare l’Etat d’urgence (1975). Avec lui, au
jour de l’Indépendance sont nés mille enfants indiens
qui communiquent, les Enfants de Minuit : si Saleem
Sinai est l’Inde dans sa chair même (de musulman), les
autres aussi, plus ou moins, ressentent dans leur corps
et leur histoire personnelle les évolutions de leur pays,
et savent traverser les miroirs, se joindre en esprit ou
changer de sexe…
Cruel, extrêmement pessimiste politiquement (son
personnage ira jusqu’à l’ésperectomie, l’ablation de
l’espoir), le roman n’en est pas moins drôle, sans doute
parce que la férocité s’exerce également à l’encontre du
narrateur, double de l’auteur en bien des points. Les
péripéties s’enchaînent, les personnages sont campés
comme dans un roman d’aventure, le style est vif,
rapide, et le merveilleux le plus irréaliste se mêle à la
description presque naturaliste de la ville indienne. Un
grand roman à (re)lire, vite, avant d’aller écouter
Rushdie à la Fête du livre d’Aix (voir page 62).
A.F.
SYLVIA GOURION
Corniche Kennedy
Maylis de Derangal
Éditions Verticales,
15,50 euros
Les enfants de Minuit
Salman Rushdie
Ed. Stock, 1981
Livre de Poche Biblio, 8 euros
68
LIVRES
ART
Nova musica occitana
Dans le débat sur l’appartenance des
langues régionales au patrimoine de la
Nation, ce livre passionnant, sorte
d’état des lieux des Musiques et Chants
en Occitanie, tombe à pic ! Il faut dire
qu’en demandant à Frank Tenaille
d’écrire cet ouvrage, le centre de
création des nouvelles musiques
traditionnelles Le Chantier (situé à
Correns dans le Var), ne pouvait se
tromper !
Le journaliste, spécialiste de la première
heure du vaste champ des Musiques du
monde, replace pertinemment le sujet
dans son contexte historique,
géographique, linguistique, politique,
avant de partir à la rencontre d’une
L’invitée
Après avoir longuement observé le
monde comme photojournaliste
(Magnum, Reuter, Sygma) Sophie
Elbaz démissionne en 1995 de sa
charge de reporter pour se consacrer
définitivement à son travail artistique.
Des diapositives contaminées par la
moisissure, qui constitueront la série
Organiques, une révélation lors d’un
stage avec Eikoh Hosoe, provoqueront
un changement de cap. Sans que jamais
elle se départisse d’une approche
fondamentalement humaniste comme
dans les séries Mémoires d’Elles,
Origines, Où en es-tu ?
Le sous-titre, Le sacré, le corps, le
politique inciterait à croire qu’il s’agit
d’une chronique ou une étude socio-
Musiques et Chants
en Occitanie
Franck Tenaille
Le Chantier et les Editions
du Layeur, 27,50 euros
politique. Il n’en est rien, il est question
d’un mythe : Cuba. Plusieurs séjours
dans l’île du lézard vert, de nombreuses
rencontres, l’initiation aux rites de la
santeria en particulier ont nourri ces
Aleyo
Sophie Elbaz
Images En Manœuvres
Editions, 31 euros
trentaine de figures de ce «renouveau
musical» né à la fin des années 60. Ces
musiciens, poètes-militants en faveur de
la langue d’Oc, s’inscrivent dans la
lignée d’un félibre «rouge», issu de
l’entre-deux guerres (sur le modèle
Catalan), faisant front au jacobinisme
linguistique de l’école de Jules Ferry. Il
en résulte une formidable vitalité dans
les domaines de l’expression et de la
création musicales, entre langue écrite
et tradition orale, recherches sonores et
références patrimoniales.
Dans ce pluriel occitan, qui s’étend sur
33 départements du sud de la France,
(deux millions de locuteurs, et six
millions dits «passifs»), on découvre des
images et un retour de l’auteur à ses
racines africaines.
Hormis les effigies des saints et icônes
politiques, pas un seul portrait vraiment
de face, les regards désignent un
ailleurs : le visage se tourne, les yeux
sont clos, les prunelles au-delà, la tête
s’incline, la masse des cheveux est
ramenée par devant, une silhouette
sombre en contre-jour, de dos, un écran
de fumée, l’ombre portée d’un chapeau
ou bien seulement un masque. Sans
aucun commentaire, en diptyque ou
triptyque, les images s’appréhendent
selon plusieurs registres qui
s’entremêlent, individuellement ou se
faisant écho en vis-à-vis, d’une page
puis à une autre. Sophie Elbaz a
portraits finement brossés du mythique
Claude Marti ou du «trobar» Jean-Mari
Carlotti, du «d’oc Quichotte» Manu
Théron et des «fadas» de Massilia Sound
System, voire du «cousin» d’A Filetta
Jean-Claude Aquaviva… Un voyage en
Pays d’Oc, de la Provence à l’Auvergne,
de la Gascogne au Limousin, où l’on se
souvient furtivement de l’âge d’or des
troubadours et des Cathares, du Nobel
de Mistral en 1904… Et un livre qui
donne envie d’entendre, de découvrir
aussi ce que ces artistes clament et
chantent depuis plus de trente ans !
JACQUES FRESCHEL
probablement trouvé une forme de clef
personnelle pour les yeux. Une pulsion
visuelle pour des images cependant
étrangement muettes. La triple
thématique innerve le livre qui
recommande impérativement un
temps long du regard : on n’entre pas
ici en touriste mais en invité. C’est le
sens profond du mot Aleyo en langue
Yoruba.
La préface sur Cuba du poète Alain
Borer et l’entretien mené avec Seloua
Luste Boulbina recontextualisent et
explicitent le parcours atypique de la
photographe.
CLAUDE LORIN
Dieu, Satan et le Rock
Comment est-il possible de mettre en relation le rock et la religion ?
En les évoquant explicitement dès son sous-titre, Fabien Hein nous parle de(s) Dieu(x) et de la musique du diable
Docteur en sociologie, Fabien Hein
oriente ses travaux de recherche
principalement sur les réalités concrètes
des pratiques artistiques et culturelles
dans le domaine des musiques
populaires.
Il souligne le fait que, dès son origine, le
rock est considéré comme une musique
damnée : les acteurs du rock, chanteurs
et guitaristes (instrument du diable par
excellence) en particulier, étaient
considérés comme des adorateurs de
satan ! Au fil des pages, l’auteur nous
montre comment les rockeurs ont su
exploiter le pouvoir médiatique lié à ce
phénomène, et en tirer avantage.
Rock et Religion
Dieu(x) et la musique du diable
Fabien Hein
Autour du Livre, 2006
(Les cahiers du rock), 10 euros
Par ailleurs, l’ouvrage nous informe des
transferts et parallèles qui se créent entre
la religion et le rock, à travers des termes
comme idole, divinité, culte ou
pèlerinage. Il y a donc là une véritable
analogie, une projection qui s’établit !
Le «King» Elvis n’est-il pas considéré
incontestablement comme une divinité
ou un prophète avec tout le culte, la
dévotion et le pèlerinage qui lui sont
dédiés ? L’auteur mentionne dans son
étude l’altérité entre les divinités
célestes du rock, Elvis en tête (même si
cela n’a pas toujours été le cas…) et les
divinités infernales avec Mick Jagger et
Marilyn Manson, pour ne citer qu’eux.
Car les hommes cherchent d’autres
vénérations que divines : les stars du
sport, du cinéma ou du rock sont donc
peut-être aujourd’hui les nouveaux
dieux à vénérer !
SONIA BENSAAD
69
En freestyle
Cette copieuse monographie, accompagnée de trois CD audio et un CD vidéo, rend compte du travail protéiforme et quelque
peu décalé de Denis Brun
Accompagné des contributions de différents auteurs, l’artiste commente sa
démarche et ses projets réalisés ou restés
en l’état, son parcours. À savoir : comment peut-on passer de la pratique de la
planche à roulette (pardon, skateboard)
avec Depeche Mode dans les oreilles, au
statut d’artiste contemporain. En se
rappelant intelligemment à Duchamp,
au Situationnisme ou encore à Truffaut,
avec la New Wave en background ; en
se créant un double Toshiro Bishoko
mais surtout en inventant sa méthode
de remix global : «…la synthèse expérimentale d’idées, de formes, de couleurs et
de sons en temps réel, avec parfois une
séance d’enregistrement improvisée,
immédiatement rangée et répertoriée pour
être exhumée le moment venu, lors d’une
tentative de création».
Si le préambule de Sylvie Coëllier circonscrit bien la production de l’artiste
jusqu’en 2005, on aurait aimé une
présentation actualisée et développée
plus encore, afin de situer ce travail en
regard des productions et esthétiques,
actuelles et passées, se réclamant en
particulier d’une «underground
attitude». D’ailleurs, le qualificatif
underground n’est plus vraiment
approprié ici, on pourra dire au moins
branché ou pop au sens anglo-saxon du
terme. Dans cet esprit la pop culture
n’est pas forcément inconséquente ni
commerciale, mais signifie le besoin
impérieux de s’affranchir des normes
établies de l’art pour ne pas être old
school.
De toute façon vous en avez pour un
bon moment de lecture, d’écoute et de
visionnements forts singuliers, et à
certains endroits jouissifs.
CLAUDE LORIN
Overground
Denis Brun
éditions Cravan et
Vidéochroniques, 2008,
35 euros
Pékin for ever
Réalisé par l’Institut d’Architecture de
Pékin, le très bel ouvrage édité chez
Parenthèses continue de centrer l’actualité sur la Chine et les controversés
Jeux Olympiques qui se sont déroulés
en août dernier. L’ouvrage démontre
qu’en terme d’architecture au moins, les
Chinois ont accompli à l’occasion des
jeux des progrès étonnants ! 177 agences
internationales ont participé aux
concours organisés par la Chine pour
construire ou restaurer les 37 sites
principaux. Photos remarquables et
textes appropriés sans surcharge
rendent la lecture agréable. Du
désormais renommé et majestueux
Stade Olympique «nid d’oiseau» à
l’onirisme de l’Aquacube en passant par
la façade ultra moderne façon circuit
imprimé de l’immeuble Le Pékin
Numérique, ce livre témoigne de
l’incroyable innova-tion architecturale
qui a accompagné les jeux olympiques
2008, et qui fait dorénavant partie du
paysage urbain chinois.
Architectures Olympiques
Pékin 2008
Ed Parenthèses
44 euros
F.I
N’oubliez pas le sel !
Un livre passionnant mêlant texte et
photos raconte l’histoire des Salins en
Camargue. Histoire du paysage, des
ouvriers, de l’industrie saline, de l’architecture ouvrière, ce livre témoigne de la
vie d’une région, d’une population, sur
fond de développement industriel et
souligne surtout les liens qui unissent
l’homme et la nature, et leur inter-
action. Dans sa préface, Bernard Picon,
sociologue au CNRS, rompt avec le
mythe de la Camargue sauvage et
précise que ce caractère a pu être
préservé grâce, paradoxalement, à son
industrialisation. Ce sont en effet les
systèmes hydrauliques innovants qui
ont permis la conservation du littoral et
de sa faune.
Le Salin a été créé en 1856 par Henri
Merle, englobant peu à peu les étangs
de Vaccarès et Giraud. Au début du
XIXe siècle, le Salin couvre une
superficie de 1000 hectares et produit
80 000 tonnes de sel par an. Des
canaux sont creusés, des machines
inventées. En 1863, la société Solvay
s’installe sur le site pour fabriquer de la
soude et construit des logements, puis
des équipements publics dans cette
zone déserte et insalubre. Les ouvriers
ont été beaucoup plus mal lotis que le
directeur ou les cadres...
Marie-Hélène Guyonnet analyse avec
finesse les déplacements et les mélanges
des différentes communautés grecques,
arméniennes, italiennes dont la
«surmasculinisation» a créé une
instabilité du personnel. Patrick Box
alterne couleur et noir et blanc pour
souligner les contrastes des paysages et
le réalisme de la vie ouvrière.
CHRIS BOURGUE
L’empire du sel, Salin-de-Giraud
Marie-Hélène Guyonnet
et Patrick Box
éd. Le bec en l’air
35 euro
70
LIVRES
PHILOSOPHIE
Qu’est-ce que la philosophie ?
On est en droit de se le demander
lorsque le titre d’un livre est Donner un
sens à l’existence ou pourquoi Le Petit
Prince est le plus grand traité de métaphysique du XXe siècle
Ce commentaire de l’œuvre se présente en fait comme
un recueil de bavardages. C’est le risque que court
l’entreprise philosophique lorsqu’elle se donne pour
ambition d’éclairer ce qui nous touche pratiquement,
avec la noble exigence d’être accessible. On n’y
apprend pas grand chose en fait, et ce n’est pas la
reprise de formules empruntées à l’histoire de la
philosophie qui fait illusion. On a affaire a une série de
lieux communs, comme la «prétention de l’homme à se
vouloir maître et possesseur de la nature», ou «le problème
de l’incommunicabilité des consciences» dans le dialogue
avec la rose, «le bon sens qui n’est pas la raison pure mais
l’intelligence éclairée par l’amour», ou encore
«l’apprivoisement qui n’est rien d’autre que cette
disponibilité qui nous permet d’aller à la rencontre des
autres, au-delà des préjugés et des apparences, cette
ouverture d’esprit qui a besoin de temps pour recevoir et
comprendre».
À s’engager sur le terrain de la morale, le philosophe
dédaigne de fait le réel et dit des bêtises : ainsi ne lisons
nous pas dans le commentaire du dialogue du Petit
Prince avec le Roi que «le seul pouvoir légitime est celui
qui n’exige de chacun que ce qu’il peut donner, qui est le
seul moyen de reconnaître la valeur de ceux qu’on sollicite
et de favoriser la collaboration» ; à ce compte-là, le
pouvoir nazi était légitime ! Et puis encore : «ce pouvoir
qui devrait être au fondement d’une vraie démocratie où
chacun reste libre en obéissant aux lois dont le chef a fait
comprendre la nécessité». Il y a de quoi s’étonner d’une
telle définition de la démocratie, mot qui désigne le
pouvoir du peuple. Est-il bon de légitimer les préjugés
des adultes, et de dire aux enfants que l’homme a
besoin d’un chef ?
Et le commentaire de la troisième planète habitée par
un buveur : «nous sommes entièrement responsables de
notre aliénation». Faut-il donc mentir aux enfants ?
Le philosophe devrait s’enrichir de la pertinence du
psychologue, notamment celle de Bettelheim sur les
histoires qui ont du sens pour les enfants, de celle du
sociologue quand il faut comprendre la réalité de
l’injustice du monde, de celle de l’historien pour
connaître la réalité de notre histoire, du pouvoir, des
expériences démocratiques, des massacres, des
Versaillais, etc… mais on aurait dû se méfier : citer le
médiatique et conformiste Raphaël Enthoven était
déjà un mauvais signe !
RÉGIS VLACHOS
Donner un sens à l’existence...
Jean-Philippe Ravoux
édition Robert Laffont, 15 euros
Philosophie politique
«La question est de savoir dans quelle société nous voulons vivre et quelle humanité nous ne voulons pas devenir, à défaut de savoir
laquelle nous devrions être. Et la réponse à cette question passe, qu’on le veuille ou non, par des rapports de force et des luttes de pouvoir».
Cet étonnant ouvrage de Krivine et Bensaïd est
d’une part une lecture événementielle de mai 68,
et d’autre part une véritable mine d’analyses de
notions comme celle de pouvoir, d’histoire, de
violence ; une leçon de politique en bref. La richesse
de 68 est justement d’éclairer des notions fortes de la
philosophie politique qui gagne à s’enrichir de
l’apprentissage du réel, à l’heure où certains
philosophes ont retourné leur veste de subversivité.
Joli titre en tout cas que ce Fins et suites qui invite à se
tenir en alerte face aux «appels du possible qui viennent
troubler le sens du réel».
Ce livre reprend une série d’articles produits aux fins
des commémorations, tel le premier de 1988 qui
plaint ceux qui sont nés en 1968 : «Tristesse pour celles
et ceux qui n’auront pas connu d’autres passions, d’autres
ambitions, d’autres projets à vingt ans que le réformisme
sans réforme d’un Jospin, la république de pensionnat
d’un Chevènement, le lyrisme mathématique d’un
Rocard, la neutralité lisse d’un Fabius. Tristesse pour les
tièdes et les tempérés. Tristesse pour ceux qui ne seront
jamais révoltés, pas même à vingt ans».
Car la parole est aujourd’hui aux opportunistes,
«reconvertis dans la pitrerie médiatique, et qui ont
désormais tendance à considérer leurs émois de jeunesse
avec la tendre commisération d’adultes enfin mûris,
adultement vieillis et mûrement rancis».
Mais on le disait, le mérite de ce livre ne réside pas
dans le seul pamphlet politique aux formules
ciselées. C’est un modèle d’analyse de la notion de
pouvoir, notamment quand il s’interroge sur le sang
froid relatif des responsables de l’ordre.
Faire de la philosophie politique, c’est justement
s’arracher des considérations sur les qualités du chef
pour penser politiquement ; car si en 1968 le pouvoir
ne s’est pas acharné sur les grévistes c’est que «la classe
dominante a parfaitement compris que l’opposition ne
cherchait surtout pas à parvenir au gouvernement, portée
par la vague montante d’une grève générale : tous les
compteurs étaient réglés sur l’échéance présidentielle de
1972. Il ne fallait surtout pas bousculer le calendrier» ;
et même lorsque Mitterrand répondit chiche au
chantage de la démission de De Gaulle, en présentant
un gouvernement provisoire qui n’avait d’autre but
que la sortie élégante du mauvais pas dans lequel s’était
mis le vieil homme, qui du coup rengaina son
referendum : «parmi ce personnel politique, le sens de la
raison d’Etat reste, somme toute, la chose du monde la
mieux partagée».
Et les deux marxistes de répéter que l’on a toujours
injustement reproché à Marx son déterminisme
historique alors que ce déterminisme est bien au
contraire la trame de la rhétorique néolibérale.
C’est bien elle qui présente ce monde comme le seul
possible, et le capitalisme comme devant
nécessairement advenir, «escamotant par la-même la
bifurcation évènementielle et dissolvant la pluralités des
possibles dans la fatalité du fait accompli». C’est
lumineux, politiquement et philosophiquement.
RÉGIS VLACHOS
1968 fins et suites
Daniel Bensaïd et Alain Krivine
Nouvelles édition Lignes, 12 euros
71
Illettrisme et violence
Échange et diffusion des savoirs a invité,
pour sa première conférence de la saison,
le linguiste Alain Bentolila pour parler
de l’illettrisme. Dans le cadre d’un cycle
sur L’emprise de la violence sur nos sociétés
contemporaines
individu à s’insérer socialement ? N’est-elle pas
également ce «capital» culturel qui permet aux élites de
rester entre elles ? Un réseau de contraintes
symboliques permet d’exclure ceux qui pourraient être
tout aussi efficaces mais qui ne parlent ou n’écrivent
pas bien.
C’est ce que nous ne manquerons pas de demander le
jeudi 16 octobre à 18h45 à Alain Bentolila,
professeur à l’université Paris V, qui animera une
conférence intitulée Maîtrise de la langue et destin
scolaire à l’hôtel du département (entrée libre dans la
limite des places disponibles)
Le problème de l’illettrisme n’est pas mince : il
conjugue tout à la fois un débat sur le destin social de
l’individu, ainsi que celui du caractère disciplinaire que
comporte le retour à la bonne vieille école d’antan avec
sa fixation sur les seuls socles communs que l’on veut
imposer à l’école. Si le problème de nos sociétés
actuelles, que chacun peut toucher du doigt, est celui
de la ghettoïsation et de l’absence de mixité sociale,
alors l’illettrisme est vraiment une cause majeure de la
dégénérescence actuelle de notre monde. Reste alors à
s’interroger sur la cause de cette cause et sur le
paradoxe d’une société plus éduquée qu’il y a 40 ans :
il y a plus d’illettrés chez les vieux que chez les jeunes.
Les mots manquaient aussi : était-on aussi violent ?
Autre problème : la maîtrise de la langue est-elle
strictement prépondérante dans la capacité d’un
R.V..
Échange et diffusion des savoirs
04 96 11 24 50
Bentolila © drfp odilejacob
Joyeuses incertitudes
C’est encore un immense éclat de rire au sein d’une
lecture sérieuse que nous propose cette dernière
livraison des éditions Parenthèses, qui reprend le
cycle de conférences programmées par Échange et
diffusion des savoirs.
Éclat de rire à la lecture de Pascal Picq : on continue
de dire que les espèces s’adaptent, ce qui expliquerait
les mutations morphologiques ; par exemple l’homme
se serait redressé pour voir au dessus des hautes herbes
dans la savane «et je vous rappelle qu’il ne fait pas plus de
1,20 m et que les hautes herbes font plus d’un mètre. Se
Lexiques de l’Incertain
Ouvrage collectif sous la direction
de Spyros Théodorou
Ed Parenthèses, coll. Savoirs à l’œuvre
17 euros
redresse-t-il pour voir les prédateurs ? Il n’est pas besoin
d’être un grand naturaliste : les prédateurs chassent de
nuit et ils ne se mettent pas dans la savane debout : coucou
les proies on arrive !». Très drôle.
Aussi étonnant que cela puisse paraître Darwin est
donc un gros mot en paléoanthropologie, on n’aime
pas l’incertain et le hasard ; comme le singe. C’est vrai
quoi, on retrouve systématiquement des fossiles
d’humains et jamais de singes, même à 7 millions
d’années ! Ça ne peut être un singe, se disent les
scientifiques, puisqu’il y a trace d’évolution : «les
bonobos et les chimpanzés ont aussi évolué. Quand
certains demandent pourquoi le singe n’a pas évolué ils
provoquent un ricanement des babouins dans les savanes».
Pas mal !
Et sur le sexisme : «n’avez-vous pas remarqué l’idéologie
des images de la préhistoire ? L’homme est devant la
caverne, il attend le troupeau, la femme est derrière
avachie… en espérant que son héros va ramener un bout
de mammouth !... On justifie ainsi ce qui se passe
aujourd’hui, évidemment…». Très fort !
Bon. On s’attarde là sur un article, mais vous pourrez
aussi aller piocher dans l’astrophysique et comprendre
que, lorsque Einstein a dit «c’est la plus grosse erreur de
ma vie», il ne comprenait pas que l’univers a une
histoire, le bêta ! Et chez la douzaine d’autres
contributions lumineuses de spécialistes en histoire,
politique, architecture, etc… dans ce magnifique
Lexiques de l’incertain.
R.V.
72
PHILOSOPHIE
KANT
La rétrolecture est à la
mode, mais faut l’oser
une double page
totalement hors actu !
Sur LE monument de
l’histoire de la philosophie
qui plus est, un des livres
les plus difficiles qu’on
ait jamais écrit !
Mais on va pas se gêner
dans Zibeline !
Deux pages
sur la
Raison
Pure,
je peux ?
Et puis il y a derrière ça un immense éclat de rire, un
fou rire qui m’a pris en relisant Nietzsche qui a lu la
Critique de la raison pure et qui traite Kant de «plus
grand difforme des estropiés de l’intellect qu’il y ait jamais
eu, ce grand chinois de Königsberg». Alors, même si Kant
est moins excitant que Nietzsche, on voulait
reparcourir à la hache cette critique et ses chinoiseries
parce qu’elle comporte des moments sinon tordants,
en tout cas foudroyants, derrière son austérité.
Sans Dieu, enfin !
Savez-vous que Galilée refusa de croire aux ellipses de
Kepler prétextant, pour d’obscures raisons
esthétiques, qu’elles étaient des cercles déformés ? Et
Newton alors, quel comique celui-là ! Il découvre et
calcule le principe de la gravitation mais persiste à dire
que c’est Dieu qui veut bien intervenir pour maintenir
en état ce fragile équilibre. Voilà pourquoi Kant a du
mérite et que nous vous proposons cette bafouille sur
la Critique de la raison pure : il va jusqu’au bout de
l’esprit des Lumières, et Dieu dégage du terrain ! Pire
encore : Kant réglera son compte à l’homme aussi, en
lui rappelant que sa manière de voir les choses dans
l’espace n’est pas forcément la seule possible...
Commençons par l’espace, tiens !
C’est là le début de la Critique : «l’esthétique
transcendantale». Définir ce joli mot ne sera pas de
trop, comme ça on vous aura éclairé sur l’aspect le plus
révolutionnaire de ce charmant ouvrage. Esthétique
vient du grec aisthésis qui signifie sensation ; et
transcendantale veut dire qui n’appartient pas à
l’expérience immédiate : ainsi pour le grand chinois
notre manière de sentir
cette pierre ne dépend pas de la pierre mais de nous,
nous ajoutons quelque chose qui n’est pas dans la
pierre. Voilà (en gros) ce qui est transcendantal.
Mais qu’ajoutons-nous à cette (pauvre ?) pierre me
direz-vous ? Et bien l’espace et le temps, qui
n’appartiennent pas aux choses mais à l’esprit. Pour
voir un objet il y a deux conditions primordiales : qu’il
soit dans un espace et dans un temps donnés ; je le
vois sur cette table et il est 15h. Et voilà la véritable
révolution de Kant (qu’il appelle sa révolution
copernicienne) : l’homme n’est pas au centre, les
choses ne se règlent pas sur lui ; c’est lui qui tourne
autour des choses, et qui les perçoit avec ses propres
limites, il a besoin de l’espace et du temps pour les
saisir. Bref, nous ne connaissons des choses que ce que
nous y mettons nous-mêmes : bravo pour le
relativisme, l’artiste !
Quand on y pense un peu c’est un véritable gouffre
métaphysique : pour Kant nous pouvons poser qu’une
intelligence autre qu’humaine pourrait voir les choses
sans avoir besoin du temps et de l’espace. Angoisse !
Passons au connaître
Pendant qu’on angoisse, la Critique passe par une
deuxième partie, moins intéressante, «l’analytique
transcendantale» : c’est le stade de la connaissance, des
concepts, et donc de l’entendement, après le premier,
celui de la perception. Ici nous serons plus facilement
en accord avec le côté transcendantal de notre
connaissance ; lorsque je dis que je vois une pierre, il
est facile d’admettre que le concept de pierre est
arbitraire, ainsi que son unité ; ces deux concepts sont
proprement humains, ils sont apportés par notre esprit
(excepté pour quelques mystiques intuitionnistes
comme on les appelle, qui considèrent que l’idée
d’unité, et des chiffres en général, est dans la nature.
Ou alors l’empiriste qui dit qu’à force de voir des
arbres les hommes en ont induit le concept de chiffre
un, deux…).
Donc, pour résumer, connaître c’est ranger une
perception arbitraire (puisque ne correspondant pas à
l’objet tel qu’il est en lui-même) sous un concept
arbitraire aussi (cette pierre aurait pu s’appeler yaourt,
73
et il aurait été difficile d’y bâtir une église sans en faire
un flan).
Lorsque je perçois un objet, je le perçois sous la
condition de l’espace et du temps, mode de perception
proprement humains. Une autre intelligence pourrait
le percevoir autrement ; ainsi nous avons affaire à
l’objet en tant que phénomène, c’est-à-dire tel qu’il
nous apparaît, et non àl’objet tel qu’il est en lui-même,
ça on n’en sait rien (cela implique que Dieu nous
trompe, mais ça Kant assume complètement, d’autant
plus qu’il lui règlera son compte un peu plus loin).
Donc l’objet tel qu’il ne m’apparaît pas, tel qu’il est
possible qu’il apparaisse à une autre intelligence, est ce
que Kant appelle le noumène.
Le noumène n’est pas la face sombre, que nous ne
verrions pas, des choses ; c’est la reconnaissance,
humble, de la possibilité de percevoir autrement le
monde ; le noumène est autrement appelé chose en
soi, la chose telle qu’on n’en sait rien, limités que nous
sommes par notre mode de perception. (Là aussi,
grosse trouvaille de Kant : le noumène n’est pas une
entité positive, c’est la conséquence logique d’une
pensée, celle qui se dit que sa manière de penser n’est
pas la seule possible.). Peut-être est-ce la seule
ambiguïté de Kant : parler de noumène, de chose en
soi sans affirmer leur existence ; dire que les choses
peuvent exister autrement que nous les percevons, tout
en disant qu’on n’en sait rien ; bref, il y a une voie
nécessaire à envisager, mais sans issue : drôle de
méthode ! Comme le dira Schopenhauer, tout était
sérieux dans ce livre jusqu’à ce qu’on en arrive à cette
affaire de noumènes, «nous voilà tout d’un coup au
royaume des petits anges» !
Pour critiquer la raison pure
Et nous battons des ailes allègrement vers la troisième
partie, la plus fameuse : la «dialectique transcendantale».
Il faut maintenant régler son compte à la raison parce
que, vu le titre du pavé, il ne faudrait pas qu’il y ait
tromperie sur la marchandise !
C’est la partie la plus sexy de l’ouvrage puisqu’on
plonge en pleine métaphysique. Et d’ailleurs qu’estce que la métaphysique ? La raison qui croit bien faire
en s’émancipant du terrain expérimental, pour délirer
grave sur l’origine du monde, Dieu, l’âme, tout ça. Et
là, Kant commence par ridiculiser Descartes : ce
n’est pas parce que nous disons «je» qu’il y a une
substance qui s’appellerait le moi ou l’âme ; c’est ce
qu’il appelle le «paralogisme de la psychologie
rationnelle». Une erreur en fait : un paralogisme est
une faute de raisonnement qui, à partir d’un fait, tire
une conclusion disproportionnée.
Expliquons-nous, puisque l’affaire est torride : le «je»
que nous employons pour penser et sentir est une
activité de synthèse, qui ne peut en aucun cas être
attribuée à un moi comme support. Ce moi est une
illusion, une erreur de raisonnement ; ou pour le dire
autrement la conscience est activité, elle n’est pas
substance, chose. Le «je pense donc je suis»
est une sinistre plaisanterie ! Pas de moi,
pas de chocolat !
Mais on ne va pas s’arrêter dans les
distributions des gifles : c’est Dieu qui tend
la joue ! C’est quoi cette idée de Dieu, nous
demande Kant (bon pas comme ça, il y va
plus poliment, il était très pieux). Et bien
Dieu n’est rien d’autre qu’une idée,
produite par la raison qui ordonne de
considérer l’organisation de la nature
comme si elle était le fait d’un grand
ordonnateur ; nous ne pouvons connaître
le monde (ce qui est l’affaire de
l’entendement qui s’occupe des concepts)
sans penser (ce qui est l’affaire de la raison
qui s’occupe des idées) qu’il y a une
organisation de ce monde ; et qui dit
organisation dit organisateur. En bref,
Dieu est un nom donné à un principe
régulateur : celui qui donne envie de
comprendre l’ordre de la nature.
Mais le plus excitant, on vous le disait, c’est
le conflit ! La pénétration d’une série de
thèses et d’antithèses ! Kant s’y amuse
beaucoup, il va synthétiser les plus grands
problèmes de la métaphysique et tout
résoudre : le monde a un commencement
dans le temps / il n’y a pas de
commencement dans le temps ; il y a de la
liberté / il n’y a pas de liberté. Que faire ?
dirait Lénine. Et bien il n’y a qu’à relire
l’esthétique
transcendantale
pour
comprendre le malentendu !
Notre esprit, avec la thèse, fonctionne
parfois nouménalement c’est-à-dire en
oubliant les conditions de l’espace et du
temps et donc tout est possible ; et parfois,
phénoménalement, il s’en rappelle, et là
bien sûr que nous ne sommes pas libres
puisqu’il y a toujours une cause à nos
actions, et donc il n’y a jamais,
phénoménalement, d’inconditionné : la
liberté est donc aussi un principe
régulateur, qui donne envie de vivre, et
d’attribuer des responsabilités pour vivre
en bonne justice. Aussi illusoire que
Dieu…
Voilà, cher lecteur patient, le terme d’un
parcours bien arbitraire dans the pavé de la
philosophie. On aime bien Kant, on
l’assume : mais la déconstruction en règle
de l’idée de Dieu et les patientes analyses
donnent parfois du baume au cœur dans
nos démocraties qui se meurent de la
vitesse et de la fascination du religieux.
Pape go home !
RÉGIS VLACHOS
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HISTOIRE ET PATRIMOINE
La création du patrimoine
Saint-Victor © A.B
Cette année, les journées du patrimoine veulent «mettre en valeur la
relation existant entre le patrimoine et
la création, ainsi que les possibilités
de développement culturel et d’aménagement urbain et paysager qu’elle
génère sur l’ensemble du territoire».
Cette notion large du patrimoine, reflet d’une évolution, s’énonce comme
un dilemme : le patrimoine peut-il
être en gestation ? Car, patrimoine
(du latin patrimonium) signifie, au
sens premier, l’héritage du père, les
biens de la famille que l’on a hérité
de ses ascendants. Il s’agit avant tout
d’une transmission et non d’une
possession !
Cette transmission nécessite pour sa
préservation le consentement de
sacrifices. Pour conserver, pour transmettre, il faut une volonté affirmée
que les sociétés ont consenti très tôt.
Les Romains conservaient ainsi, sur
le Palatin, une cabane de chaume
évoquant celle de Romulus et chargée
de rappeler aux citoyens les usages
antiques et le fondement de la
civilisation.
Révolution, la politique
du patrimoine
L’idée d’un patrimoine comme élément national est plus récente. À
l’époque moderne, à partir du sentiment d’admiration esthétique ou
intellectuelle d’œuvres remarquables,
la notion de préservation progresse
lentement. Mais si la monarchie
française reste attachée à des monuments symboles comme Versailles,
écrin de la puissance absolue, elle fait
pourtant le tri : en 1777, Louis XVI à
qui l’on propose de restaurer
Vincennes rétorque : «Est-ce que vous
êtes fou, Monsieur Collet, de proposer
quelque cent mille écus de dépenses
dans un château qui n’est bon à rien
et tout au plus à vendre ?». La nation
balbutie et le roi, maître de domaine,
agit en gestionnaire.
L’inflexion décisive ne survint que peu
après avec la Révolution de 1789. Il
faut dire que la natio-nalisation des
biens du Clergé, le 2 novembre 1790,
transfère à l’État un ensemble de
biens considérable. Mais les nécessités financières (vendre les biens
pour désendetter la nation) et le rejet
des symboles de l’ancien régime
(églises et châteaux) ne poussent pas
à la conservation. Pire, avec les
tensions révolutionnaires et la guerre,
la destruction du passé féodal et
monarchique s’impose : c’est l’époque
du vandalisme, où le 14 août 1792
est décrétée par l’Assemblée la
destruction des symboles de l’oppression (y compris les monuments).
A l’opposé, comme souvent dans le
balancement révolutionnaire, le souci
de la civilisation et de la conservation œuvre aussi. Dès septembre
1790, les Archives Nationales sont
créées ; en octobre vient le tour de la
Commission des Monuments ; en
novembre on élargit la préoccupation
aux manuscrits, tableaux, statues et
autres objets d’art. Mieux, le 4
septembre 1792, s’opposant au
vandalisme, les députés ordonnent un
inventaire général «des témoignages
du génie». En juillet 1793 on institue
le Museum de la République (le
musée national) ; en octobre 1795,
la Bibliothèque Nationale. Mais la
préservation reste erratique : dans
le nouvel univers bourgeois on
détruit par commodité ou spéculation
(la «bande noire», une société
financière, s’attache à démanteler
châteaux et églises pour en tirer
profit.). C’est donc dans le paradoxe
que naît la politique du patrimoine
en France.
Un patrimoine
bien installé
Avec Guizot et la monarchie de
Juillet, la préservation s’impose.
Celui-ci présente au roi, en octobre
1830, un rapport sur la création d’une
Inspection Générale des Monuments Historiques en France.
Prosper Mérimée occupe le poste à
partir de 1834. Avec Viollet-le-Duc, il
accomplira une œuvre fameuse. En
décembre 1837 le Comité historique des monuments et des arts
(Hugo, Montalembert en sont
Le Chateau d'If © wpopp
membres) est chargé d’établir l’inventaire des monuments et veiller à
leur conservation.
La politique de Guizot s’échine à
conserver pour décrire l’histoire
vraie ! Avec lui, l’État supplée les
individus défaillants dans la préservation du patrimoine. Nouveau
propriétaire, financier peu avare,
l’État s’active pour mettre à la
disposition des classes moyennes les
éléments de l’histoire commune. Loin
du tumulte révolutionnaire, la politique du patrimoine consiste à écrire
l’histoire de la Nation pacifiée et
réunifiée.
La IIIe République, préoccupée de
l’extension démocratique, veut, quant
à elle, convaincre de la grandeur
patriotique. À l’instar de l’école, le
monument devient démonstratif et
pédagogique : l’État éduque. Il le fait
davantage lorsque la séparation
Palais Longchamps © A.B
d’avec l’Église lui attribue les lieux de
culte : la cathédrale, édifice religieux,
devient un monument patrimonial
républicain. L’histoire de la nation
peut se poursuivre !
Élargissement
On l’a vu, dès le départ la notion de
patrimoine a largement dépassé le
seul bâti, même si celui-ci est rapidement devenu emblématique. Au XXe
siècle, les tendances se sont maintenues en se précisant. Dans les
années 30 le patrimoine naturel
devient objet de protection et donc
de classement. En 1960, la création
de parcs nationaux symbolise la
nouvelle vision. Vingt ans plus tard
on célèbre l’année du patrimoine
tandis que le patrimoine ethnologique fait son apparition. Avec la
décentralisation, le rôle de l’État
change, il délègue aux régions et
conseils généraux ; à partir de 1984,
une place majeure dans la
protection : les paysages naturels ou
urbains, et les perspectives monumentales, les vestiges et les sites
archéologiques font l’objet d’une
attention soutenue.
On l’aura compris, le patrimoine reste
bien un lien essentiel dans la trame
nationale. Il s’est adapté au gré des
métamorphoses de la société.
Aujourd’hui, il est devenu européen !
Cela présage-t-il d’une intégration
réussie de l’Europe ?
RENÉ DIAZ
Quelques visites…
Aix-en-Provence
Propriété du Jas de Bouffan
– 04 42 16 11 61
Bastide du début XVIIIe, ferme et parc
arboré avec spécimens centenaires.
Forum des métiers du Patrimoine, sur la
Place de l’Archevêché de 10h à 18h.
Arles
Ateliers SNCF - 04 90 49 35 68
Portes ouvertes aux Ateliers SNCF ;
maquettes et plans sont exposés pour
comprendre le projet de réhabilitation
des ateliers. Sam et dim.
Abbaye de Montmajour
– 04 90 54 64 17
Période historique du monument,
Xe au XVIIIe, visites de 10h à 18h30 ;
expo Théâtre of fashion, photos du
Fonds d’art contemporain.
Musée de la Camargue
– 04 90 49 35 68
Visites le sam de 10h à 11h30 ;
animations le dim où la visite de l’expo
La Camargue côté riz (10h30) est suivi
d’une démonstration de cuisine et
dégustation à base de riz de Camargue
avec les Chefs du Conservatoire des
cuisines de Camargue.
Draguignan
Bibliothèque communautaire de
Draguignan – 04 94 68 92 87
Conférence sur l’histoire du livre :
présentation par Sandrine Le Bel de
différents outils et matériaux qui ont
permis de faire évoluer l’apparence
visuelle du livre. Sam à 18h.
Marseille
Château d’If – 04 91 59 02 30
Installation multimédia Nightshot If de
l’artiste néerlandaise Judith Nab autour
d’une machine à captation qui transcrit
les rêves comme une boite noire. De
9h30 à 18h, sam et dim.
Visite commentée des rocailleurs /
paysagistes marseillais
– 04 91 90 78 74
Quartier nouveau qui surplombe
la Corniche, ouverte au milieu du XIXe
siècle, avec demeures et villas
bourgeoises mais aussi cabanons
et pavillons, terrain privilégié de l’art
des rocailleurs. Circuit de 3h,
sur inscription. Sam à 9h30.
Archives et Bibliothèques
départementales – 04 91 08 61 00
Visites thématiques : conservation
et restauration des documents
d’archives (sam à 15h et dim à 11h et
15h) ; archives orales, de la collecte
à la conservation (sam et dim à 16h) ;
les archives, écho de la société
d’aujourd’hui (dim à 14h et 17h)
Lampe 367, déambulation théâtrale
dans l’histoire des mineurs de Provence
avec la cie La Cohue (sam à 18h, sur
réservation) ; espace de jeu interactif et
documentaire en lien avec l’expo photo
de Samuel Keller sur le Congo
(sam et dim).
Ferme pédagogique de la Tour
des Pins – 04 91 55 25 24
Visite le sam de 14h à 18h30 avec
ateliers pour enfants (reliure et
empreintes de feuilles au pastel) ;
le dim, de 10h30 à 18h30, visite de
l’exploitation avec ateliers et
découvertes des arbres remarquables.
Quartiers des Aygalades
Ouverture de la grotte ermitage des
Carmes et Guillermy, de l’usine
Chimetex, de la salle de la cité des
Créneaux : RV à 14h à l’église des
Aygalades
Balade organisée par les associations
du bassin Consolat-Mirabeau
Le 21 septembre (mais aussi les 25 oct.
et 25 nov.), une balade vous mènera
entre les deux sites monticelliens de La
Villa favorite et de La Roche percée en
passant par l’ancien domaine des
Consolats et la cité Saint-Louis :
commentaires picturaux et historiques,
témoignages, accrochages et repros de
photos anciennes. RV à 9h30 à La Villa
favorite (119, ch. De Saint-Louis du
Rove). À noter, le 15 octobre, la sortie
d’un ouvrage de Lucienne Brun, Sur les
traces de nos pas, mémoire du quartier
né entre Saint-André et Saint-Louis.
Parcours culturel dans le 3e
– 09 52 43 06 05
D’Esperandieu à Coste – les églises du
3e : RV le sam, à 9h30, devant le Parvis
des arts ; D’une belle à l’autre, voyage
au cœur du parcours des migrants :
RV Place Caffo à 10h (06 63 91 50 01)
Association Peau d’Ame
– 06 20 74 93 86
Quand le recyclage devient créatif :
exposition/animation pour la
découverte de l’éco-design. Sam et dim,
de 10h à 13h et de 15h à 18h.
Ecole Supérieure des Beaux-Arts
et d’Architecture de Luminy
– 04 91 82 83 10
Ouverture exceptionnelle de 10h à 18h ;
expo 40e anniversaire retraçant
l’évolution depuis 40 ans de ces deux
écoles.
Le Comptoir Toussaint Victorine
– 04 91 50 77 61
Vide grenier festif (dim de 9h à 18h)
et atelier du grenier avec création
collective avec objets récupérés dans les
vides greniers, projections, expos…
Hôpital Caroline, ïles du Frioul
– 04 91 54 04 68
Visites de 10h à 17h, atelier de taille de
pierre.
Martigues
Musée Ziem – 04 42 80 66 06
Concert duo Romanesca, avec Sabine
Marzé (mandoline) et Ako Ito (guitare).
Sam à 19h.
Rencontre avec Hervé Nahon,
plasticien, Cyrpein Parveix de
Collombey, compositeur, à propos du
film réalisé autour de l’œuvre de Lisa
Barbier, Traces. Dim à 17h.
Fort de Bouc – 04 42 44 31 10
À la pointe de Bouc à l’embouchure du
Chenal de Caronte : visites commentées
des différents espaces du fort et
présentation de scènes historiées à
l’intérieur. Sam et dim, à 10h, 14h et
16h30.
Tarascon
Château royal – 04 90 91 01 93
Ouverture du Château royal, de la
collégiale Sainte-Marthe, du Cloître des
Cordeliers, de la Maison de Tartarin et
du Théâtre Municipal pour une balade
au cœur du centre historique.
Le ven 19, concert de l’ensemble vocal
Akané dans la cour d’honneur du
Château à 21h.
Le sam 20, à 15h, Théâtre au Château
avec la cie Les Didascalies ; concert
grégorien par la chorale Schola SaintJoseph à la Chapelle Saint-Gabriel à
16h30 ; concert du quatuor vocal
Résonances au Château à 21h.Le dim 21
visite du cloître du monastère de SaintMichel de Frigolet à 16h ; Théâtre au
Château par la cie Didascalies à 17h.
Saint-Chamas
Circuit de découvertes d’œuvres d’art
contemporain 04 90 50 90 54
Jérémy Blanco (sculpteur) au théâtre
de Verdure, René Rovellotti (sculpteur)
et Paul Lafran au Musée municipal, les
sam et dim à 14h30, 15h30 et 16h30,
RV au portail de l’ancienne poudrerie.
76
SCIENCES ET TECHNIQUES
De la génétique
à la gène éthique
Et si l’énorme
brassage de la double
hélice d’ADN voulait
transformer
la connaissance
scientifique en un
chavirant Pitalugue,
un navrant navire ?
De Lacan à Monod
1932, la thèse du psychiatre, Jacques Lacan, sur
«la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la
personnalité» ouvre de nouvelles voies à l’étude des
psychoses infantiles. Son travail ouvre un champ
totalement nouveau à l’entendement humain, à la
conception de l’univers mental. 1965, «leçon
d’ouverture» du psychanalyste Lacan à ses célèbres
séminaires sur «l’objet de la psychanalyse» à L’École
Normale Supérieure, leçon magistrale et absconse
sur «La science et la vérité». Le chercheur déifié
pontifie sur la vérité scientifique en incantations
d’un Nostradamus de Salon : «C’est la logique qui
fait ici office d’ombilic du sujet, et la logique en tant
Tonkin Prod./ Photos © X-D.R
qu’elle n’est nullement logique liée aux contingences
d’une grammaire». La connaissance s’emberlificote
dans la cape noire à revers pourpres du narcissisme.
Là, quand le chercheur est mort, le spectacle Lacan
est né.
1961, la publication des médecins biologistes,
Jacques Monod, André Lwoff et François Jacob sur
Genetic regulatory mechanisms in the synthesis of
proteins révolutionne l’entendement humain sur la
transmission de l’information génétique dans le
vivant et sa conservation. Cette découverte
constitue, jusqu’à nos jours, sans doute la dernière
grande révolution conceptuelle de la connaissance.
1965, les trois chercheurs entrent au panthéon de
l’imaginaire narcissique scientifique ; ils sont
«nobelisés». En 1970, Monod et Jacob produisent
leurs évangiles, Le hasard et la nécessité selon Saint
Jacques et La logique du vivant selon Saint
François. Seul Saint André s’abstient d’un testament
épistémologique. Les chercheurs médecins
biologistes d’autrefois sont devenus les deux Saints
chercheurs du paysage scientifique spectaculaire.
Du tout psy
à l’étonnant bio-gène
1968, la psychanalyse se popularise. Tout est psy,
de la névrose obsessionnelle au rhume de cerveau.
La psychosomatique triomphe des bas de barricades
aux badauds des terrasses des bars. Le
situationnisme institue la psychanalyse comme
canal idéologique d’une pseudo révolution de salon
sans Nostradamus. Et de bord en bars la découverte
de l’inconscient, du désir, du refoulement est
vilipendée en galimatias verbeux. La psychanalyse
ouvre la voie royale aux psychologies de tous poils,
qu’elles soient transactionnelles, quantitatives,
psychotechniques… la psychanalyse est réifiée,
elle entre dans le marché, elle devient marchandise.
1968, l’antidote de la psychanalyse commence à se
distiller quantitativement dans les milieux
positivistes : le déterminisme génétique vient
d’être synthétisé par Monod et al. Point n’est
d’inconscient sans essence bio [rien à voir avec les
bio carburants]. Le tout génétique va détrôner
lentement le tout psychologique. Maladies
génétiques, maladies orphelines, vont supplanter
les névroses en les rationalisant. Resteront les
psychoses dont désormais certains revendiquent
De l’idiot à l’odieux
2007, l’eugénisme triomphe. C’est l’avènement de la
monarchie marchande. On parle du gène de la
violence chez les petits enfants et de son dépistage
précoce. On parle de créer un fichier des empreintes
génétiques. On parle du gène de la psychose. On
parle de reconnaissance génétique des individus.
On parle de déterminisme génétique des
personnalités. On parle même d’un déterminisme
génétique artistique, par exemple pour «l’oreille
absolue» des musiciens.
2008, le département des sciences du vivant du
CNRS est mis au service du mercantilisme médical
et son cortège pharmaceutique de génome et autre
téléthon. La diversité culturelle se reconvertit en
diversité génétique dans le désir dément
d’abrogation du désir de connaître, c’est à dire de
subvertir. Bouffer avec délice le fruit défendu en
contrôlant les gênes de sa procréation ! Tout
humain vit pour et par le désir, il n’est aucun code
programmatique pour cela. Et contrairement à ce
que titrait Vernon Sullivan, on ne tuera pas tous
les affreux, car il n’y a guère qu’eux qui soient
réellement vivants.
Paris, Juillet 2008, Madame Sans-Gène, la
tenancière du Café du Commerce distribue aux
clients du bistrot son dernier album : Je suis la mort
heureuse. Le proprio du rade a rassemblé ses amis
mutants pour un dernier petit arrosage avant
fermeture estivale. Le titre ne lui plait pas mais ça
se vend bien. Donc tout va pour le mieux. Même
pas besoin d’obtenir la patente élyséenne.
Orwell, mon ami, mon frère, reste où tu es, ne
bouge pas, j’ai la nausée, je te rejoins bientôt.
YVES BERCHADSKY
Programme
d’avoir trouvé la cause génétique ! Là où il y a du
gène y’a plus de désir. C’est la faute au gène «tant»
sur le chromosome «untel». La génétique devient
un produit, un code, une marchandise. On vend des
séquenceurs. On «trace» tout ce qui est traçable. La
génétique spectacle est née avec ses papes, ses
archevêques, comme aux plus beaux temps de la
psychanalyse spectacle. O tempora, O intelligentia.
La logique du balancier substitue une oukase
théorique par une bulle pas pâle. L’institution sait
pervertir les intelligences et les acheter à la cause
du narcissisme primaire.
Une fois n’est pas coutume, le foisonnement en matière de culture scientifique
et technique des mois de septembre et
d’octobre nous oblige à être laconique !
Les 20 et 21 septembre 2008, les
Journées européennes du patrimoine
feront écho aux sciences et techniques
dans différents sites de notre région.
Le Muséum d’Histoire Naturelle de
Marseille profite du ravalement de sa
façade pour organiser une animation le
20 septembre autour du problème de la
restauration des bâtiments classés en
pierre de taille, avec la participation de
François Botton, architecte des monuments de France et Anne Medard-Blondel
Conservateur en chef du Muséum.
D’autre part, à l’occasion de la Fête du
vent organisée chaque année par la Ville
de Marseille sur les plages du Prado, la
Direction de l’Animation et de la Vie
Associative, l’Association Amitié ProvenceChine et bien d’autres partenaires
s’installent au Muséum et sur le Palais
Longchamp avec des cerfs-volants animaliers, créations contemporaines ou
pièces historiques.
Ateliers de conception et réalisation
de cerfs-volants, les 20 et 21
septembre de 10 à 17h,
par la DGASSU. Atelier de calligraphie
et d’origamis, le samedi 20 septembre
à 15h, par l’Association Amitié
Provence-Chine.
Palais Longchamp (aile droite) - 13004
Marseille
Renseignements 04 91 14 59 50 Inscriptions : 04 91 14 59 55
www.museum-paca.org
Jusqu’au 31 décembre le Muséum
Requien d’Avignon propose une exposition autour du thème de «L’Oiseau». À
l’aide de panneaux didactiques et de
spécimens choisis, la présentation lèvera
le voile sur l’origine et les extraordinaires caractéristiques anatomiques des
oiseaux. Beauté et multiplicité des
formes et des couleurs, spécificité des
pattes et des becs, diversité des nids et
des œufs, voies migratoires, espèces
menacées ou disparues... autant de
thèmes abordés dans cette balade scientifique où le chant des oiseaux et les
compositeurs qui ont cherché à retranscrire ces mélodies dans leurs œuvres,
tel Olivier Messiaen, seront aussi à
l’honneur.
67, rue Joseph Vernet 84000 Avignon
04 90 82 43 51
www.journeesdupatrimoine.culture.fr
Le 26 septembre verra s’ouvrir la quatrième édition de La Nuit des
chercheurs. Il s’agit d’une intéressante
invitation à une rencontre des publics
avec les chercheurs, en dehors de cadre
institutionnel, dans une manifestation
de proximité. Dans notre région élargie,
Montpellier, Nîmes et Nice assureront
dans ce cadre des animations originales
et conviviales.
Pour plus amples informations
consultez le site :
www.nuitdeschercheurs-france.eu.
La 1re édition du Salon du
Développement Durable ouvrira ses
portes, à Marseille, du 17 au 19 octobre
prochain au Parc Chanot, hall 2. Cette
manifestation ne cache pas ses visées
commerciales puisqu’elle se présente
comme un forum où «l’ensemble des
professionnels et spécialistes du Développement Durable seront réunis sur 2500
m2, pour créer pendant 3 jours la plateforme incontournable d’information,
de conseils et de promotion de l’habitat
écologique : construction, matériaux,
traitement de l’eau, énergies renouvelables… Protéger l’environnement est
aujourd’hui une préoccupation majeure
pour l’avenir de notre région.»
www.salondeveloppementdurablemarseille.com
04 91 16 53 13
Dans le cadre du Colloque thématique
de la Société des Neurosciences va se
tenir à Marseille la deuxième conférence
française de Neurosciences Computationnelles, intitulée Neurocomp08, les 8-11
octobre 2008, http://2008.neurocomp.fr.
Ce colloque de spécialistes s’ouvrira une
journée au grand public avec une
conférence et des animations scientifiques, le samedi 11 octobre à l’Alcazar
(BMVR - bibliothèque de Marseille).
Si le Zibelecteur veut prendre la mesure
du contenu de notre article ci-contre, il
ne manquera pas cette journée de
«vulgarisation» !
78
ÉDUCATION
FAI AR
Une bonne FAI
s’est installée à Marseille...
Avez-vous déjà
entendu parler de la
FAI AR, c’est-à-dire la
Formation Avancée et
Itinérante des Arts de
la Rue ? Quelques
heureux élus y
approfondissent
les techniques
de spectacle
en milieu urbain.
Pourquoi heureux ?
Parce que c’est une
formation unique en
Europe, et que son
siège se trouve…
à Marseille !
Une longue
germination
La genèse de cette aventure mérite
qu’on s’y attarde. Tout est parti en fait
de mai 68 : la rue s’y est appréhendée
comme un espace à prendre, un champ
d’expérience, une occasion de secouer
la tradition poussiéreuse du théâtre
classique. Ce sont les plasticiens qui
ont les premiers tenté l’expérience
avec les happenings et les performances : l’espace urbain devenait le
champdupossible!Lieuderencontre,
de mixité et donc de démocratisation,
ouvert à un public hétérogène, les Arts
de la Rue ont conquis un public de
plus en plus nombreux au fil des
saisons et des années ; dans le même
temps se développaient les techniques
et les savoir-faire.
Ainsi le besoin s’est-il fait sentir de fixer
les savoirs, d’approfondir les formations. Michel Crespin et Fabien
Jannelle créent Lieux Publics, lieu
international de rencontres et de
Chantier des Apprentis © Agnès Mellon
création pour les pratiques artistiques dans les lieux
publics et les espaces libres des villes, en région parisienne
en 1983, et à Marseille en 1990. Puis en 1994 le Ministère
crée Hors les Murs pour la promotion des Arts de la Rue.
Parallèlement Michel Crespin créait le premier Festival
de Théâtre de Rue à Aurillac, dont il s’occupera de 1986
à 1994. C’est ainsi que peu à peu mûrit l’idée d’apprentissage et d’organisation de la transmission pour aboutir
enfin à la création d’une formation supérieure : la FAI AR !
De 2002 à 2005 la FAI AR organise des stages de
formation continue en collaboration avec l’AFDAS, puis le
premier cursus de la Formation Supérieure démarre en
avril 2005 en accueillant 15 Apprentis : c’est ainsi qu’on
appelle les participants, en souvenir des artistes allemands
du Bauhaus. Ceux-là ont terminé leur formation en mars
2007. La 2e est en cours et se terminera en mars 2009.
Une immersion totale
L’aventure dure 18 mois et concerne des intermittents, des
artistes déjà expérimentés ou possédant une solide
formation initiale. Totalement immergés dans un processus
de création, ils sont libérés pour la plupart des soucis
matériels puisque pris en charge par l’AFDAS, organisme
qui finance la formation professionnelle, par les
ASSEDIC, et d’autres aides financières sont trouvées au
cas par cas. Ils viennent d’horizons divers : metteurs en scène,
scénographes, chorégraphes, compositeurs, plasticiens,
directeurs de compagnie, constructeurs, paysagistes...
Mais avant toute chose ils ont été sélectionnés sur un
dossier justifiant d’une formation de base dans un domaine
donné, d’une expérience artistique et présentant un projet
inventif de façon détaillée (même s’il est appelé à changer)
qu’ils défendent ensuite lors d’un entretien oral. Ils doivent
aussi justifier de leurs activités dans l’espace public.
Cette formation professionnalisante a pour point d’accueil la
Cité des Arts de la Rue aux Aygalades et se déplace
ensuite dans différents lieux consacrés aux arts de la rue en
France et à l’étranger (Pays-Bas, Espagne, Italie, Belgique...).
La FAI AR reçoit une centaine de dossiers pour chaque
formation, une trentaine est retenue et 15 seulement sont
admis. Association loi 1901 sous tutelle du Ministère de la
Culture et de la Communication, conventionnée par la
Région PACA et la ville de Marseille, et le soutien du Conseil
Général des Bouches-du-Rhône, elle propose une
Formation unique et innovante.
Apprendre la rue
Le développement pédagogique s’appuie sur des
Fondamentaux (au nombre de 10), des modules
thématiques qui constituent les bases de la formation
comme le son, la verticalité, l’objet scénique, l’image, la
lumière… éléments indispensables pour qui veut intervenir
dans l’espace urbain. Chaque thème initié par un artiste ou
un collectif est traité dans un cadre professionnel pour une
79
Portraits
durée de 1 à 4 semaines. L’appréhension des politiques
culturelles n’est pas oubliée avec l’étude des cadres
institutionnels en France et en Europe, formation dispensée
d’ailleurs par des hommes politiques de terrain : cette année,
tout le monde a planché sur le dossier Marseille, capitale
européenne de la Culture en 2013.
Puis des Aventures Individuelles offrent aux Apprentis la
possibilité de participer à des événements artistiques en
s’intégrant au travail d’une compagnie en création ; un Voyage
Imaginé permet à des tandems d’apprentis de rentrer en
contact avec un pays non occidental, de se faire accepter (le
prix du voyage est pris en charge par la formation) et ainsi de
se fondre durant une quinzaine de jours dans une culture
différente ; chaque Apprenti a aussi un «jardin» à cultiver, c’està-dire une option nouvelle à découvrir et à développer, et un
instrument de musique à travailler.
Peu à peu le projet personnel se précise avec les conseils
d’un tuteur, choisi par les Apprentis, qui offre son regard
extérieur, ses questions ou ses contradictions, et aide à la
finalisation du projet. Toutes les étapes de travail et
d’acquisition sont ponctuées par des chantiers ouverts au
public pour finir par une Présentation-panorama qui
présente l’ensemble des propositions.
Il est alors temps pour ces Apprentis de prendre leur envol,
sous le regard complice de la Bonne FAI !
CHRIS BOURGHE
Chantier des Apprentis © Agnès Mellon
Grands chambellans,
elfes, lutins malicieux
et gracieuses sylphides
s’empressent au service
de la Fée Art
Pour l’instant leur «Château» n’existe que
sur les plans des architectes : la 1re réunion de chantier a lieu en ce moment. Si
tout va bien, courant 2010 la Cité des
Arts de la Rue devrait être opérationnelle. Les 7 structures qui en font
partie travaillent pour l’heure avec les
moyens du bord, dans des préfabriqués,
sur un terrain de 36 000 m2 et interviennent dans la formation des Apprentis,
quand ceux-ci ne sont pas en résidence
en Bretagne, en Espagne ou aux Pays-Bas.
Deux grands chambellans,
compagnons de route
À l’origine, il y a Michel Crespin, celui
sans qui il n’y aurait rien ! Après s’être
occupé de Lieux Publics durant 18 ans,
il a voulu mettre en place l’objet de ses
recherches et de ses amours depuis 30
ans : une formation professionnelle qualifiante des Arts de la Rue. Dès 2001 il
propose une étude de préfiguration, travail
collectif qui s’expérimente à Marseille et
en Espagne, depuis la réflexion et de
l’échange des connaissances jusqu’à la
réalisation. «Depuis toujours j’invente
mes outils et je les transmets.». Passé
par l’École militaire, il a été instit, enseignant de physique, puis saltimbanque...
une vraie «saga» comme il dit ! Maintenant
il est consultant pédagogique à la FAI
AR, enseignant de scénographie. Son
enthousiasme est inébranlable et nul
doute qu’il le transmette aux jeunes qui
montent !
Son alter-ego, Dominique Trichet a eu
aussi un parcours engagé. À Nanterre en
68, sa rencontre avec Catherine Dasté
l’a lancé vers «l’exigence intellectuelle et
le plaisir du risque.». Comédien, metteur
en scène , inventeur de spectacles
musicaux, il est tout naturellement devenu
le compagnon de route de Michel Crespin
pendant 5 ans pour le Festival d’Aurillac.
En 2005, il accepte la direction de la FAI
AR, assume avec ferveur ses fonctions et
s’apprête à affronter les mois de
construction de pied ferme, mais avec
décontraction !
Lutins et sylphides ont suivi
la «Fée» de 2005 à 2007...
Estelle Charles faisait du Théâtre de Rue
en Lorraine (compagnie La Mâchoire 36)
d’où elle est originaire. Au bout de 10 ans
elle décide qu’il est temps de requestionner sa pratique artistique : «J’ai
voulu poser mon savoir-faire, réactiver la
machine créatrice... Ça m’a énormément
apporté d’un point de vue humain, on s’est
mis à travailler ensemble : un spectacle sur
l’enfance et ses blessures à partir
d’interview.». Elle est maintenant artiste
associée de Lézarap’art.
Raphaël Caillens, Architecte-Paysagiste
formé à l’École de Versailles, enseigne
paysage et jardinage, et se livre à des
actions de Land-Art. «Mon regard se
perdait dans des procédures lourdes pour
faire évoluer la ville. J’ai voulu cultiver la
légèreté, réveiller le regard des passants,
inscrire des lignes de force dans le
monde... J’ai assisté presque par hasard
aux portes ouvertes de la formation. Tout
de suite ce qu’a dit Michel m’a
enthousiasmé, je correspondais au profil :
bousculer mes horizons et m’ouvrir à
d’autres pratiques. J’ai découvert l’importance de la gestuelle et j’effectue des
rituels poétiques quand je me sens en
phase avec le paysage.»
Berta, Lili et Boueb,
apprentis-magiciens...
Berta, espagnole imagine un spectacle
sur le cochon : «Le cochon est l’avenir de
l’homme, Porcopolis montrera que l’homme
se comporte comme un cochon.». Elle a un
projet pour la Léthonie sur la mémoire
sonore. Lili, franco-américaine, a
beaucoup voyagé et ne se sépare pas de
son chien qu’elle intègre à tous ses
spectacles. Toutes deux se réjouissent de
l’opportunité d’une telle formation qui les
ouvre à l’écriture et la mise en scène.
Boueb vient de Bretagne : «Je trouve ce
que je suis venu chercher : élargir mon
expérience en repartant de zéro. C’est
une occasion incroyable que de pouvoir se
consacrer à la création pendant 18 mois
sans soucis matériels !».
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRIS BOURGUE
80
ÉDUCATION
Réforme des Lycées, mise en place du contrôle continu, suppression drastique de
postes d’enseignants et hausse notable des effectifs dans les classes… où va
l’Éducation Nationale ?
Une rentrée
blanche et sèche
Monsieur Darcos l’affirme, il faut réformer le lycée,
qui va mal. Arrêtons-nous un instant sur ce constat.
La réforme envisagée par Monsieur Darcos renonce
aux filières, envisage un tronc commun avec des
enseignements modulaires, des options qui
correspondront au profil de l’élève. Ce qui, a priori,
peut paraître une solution à l’hégémonie de la section
scientifique, qui apparaît aux yeux des parents
comme la seule filière fiable de réussite dans une
société incapable de résorber le chômage de ses
jeunes.
Or cette réforme fait peur à plusieurs titres : d’une
part, elle coïncide avec la disparition annoncée (et
effective dès cette année) de milliers de postes
d’enseignants du second degré (- 8830 postes en
2008, - 4500 postes en 2009…), si bien que l’on se
demande si c’est l’intérêt des élèves qui est pris en
compte lorsqu’il est question de diminuer le nombre
d’heures d’enseignement. Ne s’agirait-il pas plutôt de
faire des économies ? D’autre part, elle va demander
aux Régions, en charge de l’équipement des lycées,
des investissements considérables pour adapter les
établissements scolaires à leur nouveau profil
(création d’amphithéâtres, de salles modulables…).
Et cela dans un contexte où la décentralisation
consiste à se défausser sur les collectivités
territoriales des dépenses auparavant dévolues à
l’Etat… enfin, ce modèle de lycée existe dans l’Union
Européenne… Et si les reportages télévisés
présentent habituellement l’Angleterre ou l’Allemagne
comme des pays où le Lycée va bien, parce qu’on y
fait de l’art et du sport l’après-midi, les rapports de la
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième jeudi du mois
Edité à 25 000 exemplaires
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
© Cyril Cé
Conception maquette
Max Minniti
Commission Européenne sont à ce sujet alarmant.
Faut-il adopter leur modèle ?
apaiser les enseignants, troque l’ensemble de ces
réformes et disparitions de postes (qui entraînent une
surcharge de travail pour les professeurs) contre une
augmentation, toute relative, des rémunérations (une
prime à l’entrée dans la carrière, une promesse de
revalorisation…). Belle carotte, quand les professeurs
français sont payés un tiers de moins en moyenne
que leurs collègues allemands ou anglais…
Constat chiffré
Le reste
Comment juger de la qualité de l’enseignement au
lycée, sinon en observant ce qui se passe dans les
premières années de l’enseignement supérieur ? Un
Français commence ses études supérieures à 18 ans
(et 4 mois) en moyenne, un Anglais à 19, un Allemand
à 20. Plus frappant encore : l’âge médian des
étudiants est de 24 ans en Allemagne, et de 21
seulement en France…
Cette entrée précoce dans le monde étudiant se
double d’une réussite analogue des étudiants français
à celle de leurs collègues plus âgés : ils n’abandonnent pas plus qu’ailleurs, et finissent leurs études
bien plus tôt. (21 % d’abandon durant le premier cycle
en France, 24 % en Allemagne, 35 % en Angleterre…).
Ils sont plutôt plus nombreux qu’ailleurs (12 % des
Français de 18/39 ans font des études, 9 %
seulement des Allemands, 10 % des Anglais), et
nettement mieux aidés. C’est là le chiffre le plus
scandaleux publié par la Commission Européenne1 :
l’aide financière accordée par la France à ses
étudiants est l’une des plus basse d’Europe ! 8,2 %
des dépenses publiques, pour 17,2 % en Allemagne,
et 24,76 % dans le Royaume Uni… Si l’on doit
chercher une cause à l’échec (relatif) des étudiants
durant le premier cycle, ne faudrait-il pas regarder là,
et investir massivement dans l’université plutôt que
de faire des économies au lycée ?
Le plus écœurant est que Monsieur Darcos, pour
Et comme tout cela ne suffira pas à diminuer
sensiblement la dépense publique d’éducation,
d’autres remèdes sont déjà appliqués : la mise en
place du contrôle continu en BTS (moins cher que le
contrôle final), qui va faire fuir les élèves malins vers
les boîtes privées (qui n’hésiteront pas à gonfler les
notes pour avoir des clients), alourdir encore la
charge des enseignants, tout en rendant invivable leur
rapport avec les élèves, les parents et la hiérarchie,
puisqu’ils devront donner ou non à LEUR élève
l’examen pour lequel ils LE préparent… la
concurrence entre établissements, qui proposent des
options plus ou moins valorisantes : les collégiens qui
n’obtiennent pas les lycées bien classés partent vers
le privé. Autant d’économie…
la suppression progressive des classes passerelles
(entre
enseignements
professionnel
et
technologique) ou des classes «rares», qui coûtent
trop cher, même si elles forment à des métiers à fort
débouchés… Le gouvernement a pris l’habitude
d’appeler Réforme les mises à sac en règle de tout ce
qui relève de la dépense publique. Il serait naïf de
croire que les Lycées feront exception !
DOMINIQUE MARÇON
1
Chiffres clés de l’enseignement supérieur, 2007
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Secrétaire de rédaction
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Responsable commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Ont également participé à ce numéro :
Sonia Bensaad, Armelle Marie, Muriel
Bénisty, Maryvonne Colombani,
Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Yamina Tahri,
Dan Warzy,
Éducation
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Spectacle vivant
Laurence Perez
[email protected]
06 15 78 65 21
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Photographes : Agnès Mellon,
82
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1 exemplaire mensuel,
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(autant de cartes de membres que de personnes
vivant sous le même toit)
Adhésions collectives
5 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 60€
10 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 100€
15 exemplaires mensuels, 1 carte nominative : 125€
Adhésions de groupes
5 exemplaires mensuels, 5 cartes nominatives : 100€
10 exemplaires mensuels, 10 cartes nominatives : 140€
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Théâtre du Gymnase
10 invitations par soir
pour La famille Semianyki
par le Teatr Licedei
le 14 oct à 20h30
le 15 oct à 19h
le 16 oct à 20h30
résa par mail à
[email protected]
La criée
10 invitations
pour Personne ne voit la vidéo
de Martin Crimp
mes Linda Blanchet
le 24 sept à 19h
10 invitations par soir
pour De Gaulle en mai
mes Jean-Louis Benoît
le 9 oct à 20h
le 11 oct à 15h
10 invitations
pour Nicomède
de Corneille
mes Brigitte Jacques-Wajeman
le 17 oct à 20h
04 96 17 80 31
(Bernadette Brisson)
La Minoterie
4 invitations par soir
pour Boucherie chevaline
de Wladyslaw Znorko
le 10 et le 11 oct à 20h
résa par mail :
[email protected]
au delà de ce quota,
tarif réduit
à toutes les représentations
du 10 au 18 oct
8 € au lieu de 12 €
Théâtre de Lenche
tarif réduit
pour l’opération
Quatre pièces de Sébastien Joanniez
par le CDN de l’Océan Indien
du 23 sept au 3 oct
04 91 91 52 22
Montévidéo
tarif réduit
à toutes les représentations
04 91 37 97 35
Les Bancs Publics
1 place offerte pour 1 place achetée
pour tous les spectacles
04 91 64 60 00
Les Salins (Martigues)
10 invitations
pour Le silence des communistes
mes Jean-Pierre Vincent
le 23 oct à 20h30
à confirmer avant le 17 oct
au 04 42 49 02 00
attention ! le spectacle
se joue à la salle du Grès à Martigues
Théâtre de l’Olivier (Istres)
Scènes et Cinés Ouest Provence
4 invitations
pour Silent Ballet et Sixty Four
dernières créations
du chorégraphe Emanuel Gat
le 10 oct à 20h30
à confirmer avant le 3 oct
au 04 42 56 48 48
Théâtre d’Arles
2 invitations par soir
pour Raté-Rattrapé-Raté
de Nokoloas
le 11 oct à 20h30
le 12 oct à 17h
à confirmer avant le 3 oct
04 90 52 51 51
Théâtre du Jeu de Paume (Aix)
10 invitations
pour Les chaussettes opus 124
Michel Galabru / Gérard Desarthe
le 30 sept à 20h30
résa par mail à
[email protected]
Le Pavillon Noir (Aix)
5 invitations
pour le CCN-Ballet de Lorraine
pgme Preljocaj / Maliphant /
Brumachon / Petronio
le 5 oct à 17h
04 42 93 48 00
Le Vélo théâtre (Apt)
vous invite à
un apéro au “Cinérotic”
de la compagnie Jamais 2 Sans 3
le 30 sept à partir de 19h
04 90 04 85 25
GRIM
tarif réduit
pour tous les concerts
(10€ au lieu de 12€)
O4 91 04 69 59
Le Balthazar
entrée gratuite
pour tous les concerts du jeudi
04 91 42 59 57
Le festival Courts-Bouillon
(Rousset)
vous invite
à une séance de votre choix
le 4 oct à 14h, 16h, 18h ou 20h30
à la salle Emilien Ventre
offre réservée à tous les adhérents
de Zibeline
dans la mesure des places
disponibles
réservation au 04 42 53 36 39
ou par mail :
[email protected]
Films, Femmes et méditerranée
10 invitations
pour une séance au choix
(sauf le 30 sept)
résa par mail à
[email protected]
Librairie Maupetit (Marseille 1er)
La Canebière
5% de réduction
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Librairie L’écailler (Marseille 1er)
2 rue Barbaroux
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Le Greffier de Saint-Yves (Marseille
1er)
librairie générale et juridique
10 rue Venture
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Librairie Regards (Marseille 2ème)
Centre de la Vieille Charité
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L’histoire de l’œil (Marseille 6ème)
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Librairie Imbernon (Marseille 8ème)
spécialisée en architecture
La Cité Radieuse
280 bd Michelet, 3ème étage
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Librairie Arcadia (Marseille 12ème)
Centre commercial Saint Barnabé
Village
30 rue des électriciens
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Librairie de Provence (Aix)
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Librairie Au poivre d’Ane
(La Ciotat)
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La Pensée de Midi
vous offre
3 exemplaires du dernier n° de la
revue Le Mépris
5 exemplaires de Tanger, ville
frontière
1 exemplaire de Beyrouth, XXIème
siècle
1 exemplaire de Retrouver Palerme
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Le Comité régional de Tourisme
vous offre
2 guides Le petit futé PACA
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