Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l`empire

Transcription

Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l`empire
Homicide et peine capitale en Chine
à la fin de l'empire
Analyse statistique préliminaire des données
James Lee 1
Souligner l'importance fondamentale des archives judiciaires pour la compréhension des sociétés passées est aujourd'hui devenu une banalité2. Que
la Chine n'ait pas encore été beaucoup étudiée sous cet angle vient en grande
partie de l'inaccessibilité, jusqu'à une date récente, des principales collections documentaires. Mais la situation a changé : il est désormais possible
d'exploiter les archives judiciaires extraordinairement riches et détaillées
de la dynastie des Qing (1644-1911), aussi bien à Taiwan qu'en République
populaire de Chine, et même hors de Chine puisque une grande partie de
James Lee (Li Zhongqing) est Associate Professor au Califomia Institute of
Technology, Pasadena. Une première version de ce travail a été présentée en mai
1988 au Centre de Recherches et de Documentation sur la Chine Contemporaine
de l'EHESS, où l'auteur séjournait comme directeur d'études associé, et une
version révisée en 1989 au China Center de l'Université de Californie à Los
Angeles, où il était Adjunct Associate Professor. Texte adapté de l'anglais par
Pierre-Etienne Will.
Ted Robert Gurr, « Historical trends in violent crime : a critical review of the
évidence », Annual Review of Crime and Justice, vol. IH, 1981, pp. 295-352, et
Lawrence Stone, « Interpersonal violence in English society 1300-1980 », Past
andPresent, 101,1983,pp. 22-33, fournissent entre eux un bon état de la question
concernant les travaux sur la Grande Bretagne et les États-Unis.
Études chinoises, vol. X, n° 1-2, printemps-automne 1991
James Lee
ces documents sont à présent disponibles en reproduction3. À terme,
l'analyse de cette documentation devrait nous permettre de largement réécrire l'histoire sociale et institutionnelle des derniers siècles de l'empire,
de même que les sources d'archives récemment mises au jour conduisent
actuellement à repenser l'histoire économique et démographique des xvnf
et xix0 siècles.
Je me propose dans les pages qui suivent de décrire les données désormais
accessibles aux USA4 et d'en tirer quelques conclusions préliminaires,
basées sur des dépouillements et sur un traitement quantitatif réalisés en
1988 et 1989 au California Instruite of Technology et dans le cadre d'un
séminaire de l'Université de Californie à Los Angeles5.
J'envisageraipourcommencerlaquestiondessourcesetdeleurslimites ;
puis je montrerai comment ces sources jettent un jour nouveau sur les
procédures et les pratiques relatives à la peine capitale ; enfin j'examinerai
l'impact des différences sexuelles et de la position au sein de la structure
familiale sur la nature et la répartition des crimes capitaux. Mon ambition,
en d'autres termes, est de suggérer comment ce type de données peut aider
à mieux saisir les réalités sociales et institutionnelles cachées derrière la
façade du code et de la réglementation.
Pour une description détaillée de ces matériaux et de leur accès, voir Ted A.
Telford et Michael H. Fînegan, « Qing archivai materials from the Number One
Historical Archives on microfilm at the Genealogical Society of Utah », Laie
Impérial China, 9 (2), 1988, pp. 86-114.
Une grande partie de la documentation judiciaire conservée aux Archives
historiques n° 1 à Pékin y est disponible en microfilm par l'intermédiaire de la
Société généalogique de l'Utah (cf. note précédente), et je souhaite ici remercier
Laura Pomroy et Melvin Thatcher pour leur aide. Mes remerciements vont
égalementàEdwinaBiermanetàses assis tantspourl'hospitalité dont nous avons
bénéficié à la Family History Library de Pasadena.
L'essentiel du codage informatique a été effectué par six de nos étudiants (Pan
Mingde, David Wakefield, Zhou Guangyuan, et plus particulièrement Chi
Shaoai, YanXiaojian etZhang Meizhi). Cameron Campbell et YanXiaojian ont
également participé à l'analyse des données.
114
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Les sources et leurs limites
Les documents sur lesquels s'appuie cette étude correspondent aux stades
ultimes de la procédure complexe de révision et d'appel créée sous la
dynastie des Ming et conservée par les Qing et jusqu'à la fin de l'empire6.
Pour décrire les choses brièvement : une fois achevé, à la fin de l'année,
le réexamen de tous les cas de crimes capitaux survenus dans leur province,
les gouverneurs étaient tenus d'expédier à la capitale une série de rapports
— aujourd'hui classés aux archives comme xingke tiben — donnant un
résumé de chaque cas, indiquant leur verdict, et recommandant l'une des
trois options suivantes : exécution (qingshi, ou qingzhen, litt. « culpabilité
établie ») ; suspension de la décision (huanjue) ; digne de compassion (jcejin),
ou douteux (keyi)1. Ces cas étaient transmis au Sanfasi, sorte de cour d'appel
dont la mission était de les examiner un par un avant le cinquième mois
de l'année suivante et de faire des recommandations finales à l'usage de
l'empereur. Pour les sentences d'exécution « après les assises » (jianhou)
— par opposition aux sentences d'« exécution immédiate » (lijue) — ce
dernier était supposé examiner personnellement ces recommandations avant
de réunir, au début du huitième mois, les fameuses « assises d'automne »
au cours desquelles les sentences définitives étaient annoncées après avoir
6
7
Voir la reconstruction détaillée de ce système proposée par Zheng Qin, Qingdai
sifa shenpan zhidu yanjiu, Changsha, Hunan jiaoyu chubanshe, 1988. Voir
également William Alford, « Of arsenic and old laws : looking anew at criminal
justice in late impérial China », California Law Review, 72 (5), 1984, pp. 11801256 ; Marinus J. Meijer, « The Autumn assizes », T'oungPao, 70,1984, pp. 117 ; et Jonathan K. Ocko, « I'H take it ail the way to Beijing : capital appeals in
the Qing », Journal ofAsian Studies, 47 (2), 1988, pp. 291-315.
Voir pour ces termes E-tu Zen Sun, Ch'ing administrative terms : a translation
ofthe Terminology ofthe six boards with explanatory notes, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1961, p. 268 : la suspension de la décision débouchait
sur une amnistie, sur une réduction de peine, ou sur un réexamen ; les cas « dignes
de pitié » (et, de même, les cas « douteux », keyï) étaient soumis à réexamen. Il
existait également une catégorie intitulée « renvoyé chez lui pour s'occuper de ses
parents ou continuer le culte ancestral » (liuyang chengsï). Voir aussi Derk Bodde
et Carence Morris, Law in impérial China, exemplified by 190 Ch'ing dynasty
cases, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1967, pp. 131-143.
115
James Lee
été, en principe, débattues. La décision finale appartenait à l'empereur qui,
lors d'une cérémonie ultérieure et suivant un rituel précis, marquait {gou)
à l'encre vermillon sur une liste des cas de « crime avéré » les noms des
criminels à exécuter. Pour les autres, si leur peine n'avait pas été explicitement commuée ou s'ils n'avaient pas été pardonnes, on les gardait en
prison pour un nouvel examen aux assises suivantes.
La présente étude fait usage de trois types de documents préparés pour
l'empereur par le Sanfasi au cours du dernier stade de la procédure8 : les
registres statistiques de la criminalité par provinces (gesheng mingdao
deng'an shumu huangce),,qui classaient tous les cas en suspens par type
de crime ; d'autres registres qui sont de longues listes nominatives
fournissant une description abrégée de tous les crimes graves perpétrés dans
les différentes provinces {gesheng mingdao zhanjiao zhong'an qingcé) ;
et enfin, les mémoires du Sanfasi conservés aux archives dans la section
qiushen xingke tiben, eux aussi classés par provinces, résumant les circonstances de chaque cas et recommandant une sentence.
Avec les registres provinciaux des dépositions des criminels {gesheng
qingzhong zuiren kougong ce), ces documents représentent plusieurs
millions de pages et constituent près du cinquième des archives Qing
conservées à Pékin et à Taipei. La présente enquête se fonde sur l'analyse
d'un modeste échantillon incluant 42 registres statistiques, un peu plus de
20 000 descriptions abrégées de crimes, et un peu plus de 2 000 descriptions
détaillées (dans les qiushen xingke tiben).
Les principales limites de cette documentation sont celles de toute source
bureaucratique. D'abord, il va de soi que l'État n'était pas capable d'enregistrer tous les crimes survenant sur son territoire9. Il n'avait pas non
plus les moyens d'identifier et d'arrêter tous les coupables. Enfin, nous
8
9
J'ai choisi ces documents parce qu'ils constituent l'essentiel des sources judiciaires disponibles depuis peu par le canal de la Société généalogique de l'Utah.
Celle-ci a également microfilmé de nombreuses autres sources qui resteraient à
examiner en détail, en particulier les registres transcrivant les dépositions des
criminels (gesheng qingzhong zuiren kougong ce).
Sur ce type de problème, voir Gurr, art. cité, et Eric H. Monkkonen, « A disorderly
people ? Urban order in the nineteenth and twentieth centuries », Journal of
American History, 68 (3), 1981, pp. 539-559.
116
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
sommes obligés d'en passer par ses propres définitions pour répertorier
les principaux crimes10. Autrement dit les sources ne mentionnent pas les
crimes non signalés ou les cas non résolus (ce que les criminologues appellent
le « chiffre obscur ») ; plus important, elles ignorent les crimes non considérés comme « graves » (zhong'ari) par l'appareil d'Etat. Bref, l'image
qu'elles livrent ne correspond pas nécessairement à la configuration réelle
de la violence.
La violence intra-familiale offre un bon exemple de ce genre de
distorsion. Le code des Qing était conçu pour renforcer le système patriarcal
extrêmement autoritaire sur lequel reposait la société, et incorporait de ce
fait les trois principes hiérarchiques mettant le père au dessus du fils, l'époux
au dessus de l'épouse, et le frère aîné au dessus du frère cadet — et par
extension, les parents au dessus des enfants, les hommes au dessus des
femmes, et les aînés au dessus des cadetst11. Du coup, la décision de classer
un crime comme « grave » ou non dépendait souvent des positions
respectives du coupable et de la victime au sein de la même hiérarchie
familiale. Un crime commis par un supérieur contre un inférieur pouvait
rester impuni, alors que dans le cas inverse il pouvait être classé comme
crime capital. Alors que sous les Qing pratiquement tous les types d'homicide étaient passibles de la peine de mort, tel n'était pas le cas lorsque
un parent ou un grand-parent tuait un enfant ou un petit-enfant : de tels
meurtres étaient considérés comme excusables si la victime avait manqué
de « filialité », et même quand il n'y avait rien eu à lui reprocher la punition
n'excédait pas cent coups de bambou12. Même tolérance dans les cas de
mari tuant une épouse adultère ou simplement désobéissante13. En revanche,
les enfants qui frappaient ou même injuriaient leurs parents pouvaient être
10
11
12
13
Pour un bon exemple de la façon dont les définitions officielles ont pu évoluer au
cours des Qing, voir Vivien W. Ng, « Ideology and sexuality : râpe laws in Qing
China », Journal ofAsian Studies, 46 (1), 1987, pp. 57-69.
L'étude classique sur le droit et la famille demeure Ch'ii T'ung-tsu, Law and Society in traditional China, Paris et La Haye, Mouton, 1961. On se reportera
également à Zhu Yong, Qingdai zongzufayanjiu, Changsha, Hunan jiaoyu chubanshe, 1987.
Cf. Guy Boulais, S. J., Manuel du code chinois, Shanghai, 1924 (Variétés sino logiques, 55), p. 616 (n° 1420).
Cf. ibid., p. 546 (n° 1234), p. 569 (nM 1298,1299).
117
James Lee
exécutés par l'État La façon dont le code institutionnalisait les inégalités
au sein de la famille se traduit dans nos source par une sur-représentation des crimes contre ceux qui se trouvent au haut de la hiérarchie familiale
et une sous-représentation des crimes contre ceux qui se trouvent en bas.
Procédure et pratique judiciaires
Ce type de biais n'affecte évidemment pas les aspects plus proprement
institutionnels de la procédure judiciaire tels qu'ils apparaissent dans nos
sources. Un fait inattendu, et tout à fait remarquable, est en particulier mis
en évidence : alors que dans la Chine d'aujourd'hui la plupart des accusés
convaincus de crime capital sont exécutés, dans la Chine de la fin de l'empire
on les épargnait dans leur grande majorité. Le tableau 1 propose une
comparaison entre le nombre de tels accusés, basé sur une sélection de
26 « registres statistiques de la criminalité parprovinces » (gesheng mingdao
deng'an shumu huangcè), et ceux des commutations et des exécutions
effectivement décidées au cours des assises d'automne, tels qu'on les trouve
dans les « Annales véridiques » (Shilu)14. La faiblesse du taux d'exécutions
est surprenante : en général guère plus d'un cinquième à un tiers des accusés
reconnus coupables de crime capital étaient exécutés, parfois moins. La
grande majorité voyaient leur cas maintenu dans une sorte de vide judiciaire,
sans exécution capitale et sans commutation explicite de peine, et devaient
attendre l'année suivante pour connaître leur sort. Ceux qui restaient en
prison dix ans sans faire l'objet d'une décision voyaient leur exécution
automatiquement commuée en peine d'exil. Autrement dit, la plupart des
affaires de crime capital aboutissaient à une commutation non par le fait
d'un acte explicite de grâce impériale, mais comme conséquence de
l'absence d'action (wuwei) du souverain.
Il arrivait que les cours participassent à cette inertie. L'analyse des
qiushen xingke tiben proposée dans le tableau 2 montre que, même au milieu
du xvaf siècle, la moitié peut-être des provinces se dispensaient de donner
des listes de cas méritant soit la « compassion » (kejiri), soit une suspension
14
Les chiffres des commutations et des exécutions (respectivement tingjue et gou)
apparaissent dans le courant ou à la suite du huitième mois chaque année où ont
eu lieu des assises d'automne.
118
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Tableau 1
La clémence impériale aux assises d'automne :
exécutions immédiates et commutations
Année
Crimes
capitaux'
Commutationsb
N
1760=
1761
1762
1770"
1771'
1777
1789
1805
181(7
1821
1823
1826
1830*
1831
1834°
1835
1837
1840;
1841
1844
1846
1848
1851
1852k
1854'
1855°
1862°
1863
1864
2589
2694
3151
2913
2941
3299
4151
3877
4894
4034
4225
3591
2464
2964
3381
2809
3008
3269
2922
3108
2652
2056
2325
2127
1725
320
767
1088
%
-
-
56
60
2,2
-
-
140
117
4,8
3,9
-
-
312
393
100
273
312
149
112
105
137
211
93
101
79
87
107
110
58
80
63
15
7,5
5,1
2,0
6,7
7,3
4,1
4,5
3,5
4,0
7,5
3,1
3,0
2,7
2,8
4,0
5,3
2,5
3,7
3,7
4,6
Exécutions11
N
-
782
516
1180
614
-
833
1543
387
531
551
430
446
560
624
506
377
573
422
461
528
545
252
246
225
100
-
-
-
27
2,4
277
119
%
19,7
41,0
21,1
20,1
19,8
8,0
13,2
13,0
12,0
18,1
19,9
18,5
18,1
12,5
17,5
14,4
14,9
20,0
27,0
11,0
12,0
13,0
31,6
25,6
James Lee
1867
1870
1872
1875
1876°
1878"
1893
1894
1896
1897
1898
1899
1903
1040
1111
397
470
833
1233
1327
1140
1474
1581
1399
1404
1179
.
-
_
-
_
-
17
19
2,0
1,5
91
134
-
-
-
_
11,0
11,0
-
Notes :
*
b
°
d
e
f
8
h
'
'
k
1
m
"
°
p
Source : Gesheng mingdao deng'an shumu huangce, Genealogical Society of
Utah, microfilms n" 1357653-1357773.
Source : Da Qing shilu, chiffres donnés chaque année à la suite des assises
d'automne (huitième mois ou suivant) ; la source donne un chiffre de commutations {tingjue) et un chiffre d'exécutions immédiates (gou).
Pas d'assises d'automne en raison du soixante-dixième anniversaire de l'impératrice douairière.
Pas d'assises d'automne enraison du quatre-vingtième anniversaire de l'impératrice douairière.
Ces chiffres incluent probablement l'année 1770.
Chiffres de 1809 et 1810, regroupés en 1811.
Chiffres manquant pour le Fujian, le Fengtian et le Shaanxi-Gansu.
Assises de 1834 reportées en 1836.
Assises de 1840 reportées en 1842.
Assises de 1844 reportées en 1846.
Chiffres manquant pour le Anhui, le Hubei et le Shandong.
Chiffres manquant pour le Hunan, le Henan, le Guangdong et le Zhili.
Chiffres manquant pour le Henan et le Huguang.
Chiffres manquant pour le Zhili, le Fengtian, le Henan et le Shanxi.
Chiffres manquant pour le Henan, le Shandong et le Shanxi.
Chiffres manquant pour le Jiangsu, le Anhui, le Jiangxi, le Fujian, le Zhejiang, le
Shandong, le Shaanxi et le Guangdong.
120
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
de décision (huanjué) ; la seule catégorie représentée partout est celle des
cas recommandés pour exécution immédiate (qingshf)iS. Le résultat est que,
dans bien des cas, l'empereur ne disposait tout simplement pas d'une
information suffisante pour prendre ses décisions.
Tableau 2
Recommandations des provinces en vue des décisions finales
de l'empereur (1738-1740)
Province
Nombre
de
cas
Zhili
Fengtian
Jiangsu
Anhui
Jiangxi
Fujian
Zhejiang
Hunan
Henan
Shandong
Shanxi
Shaanxi
Guangdong
Guangxi
Yunnan
Guizhou
Total
350
27
89
106
116
114
129
194
101
310
69
157
84
144
47
34
2142
Exécution
(%)
23,4
100,0
91,0
47,2
11,2
22,5
25,3
95,0
28,4
75,0
17,8
61,9
13,2
12,8
82,4
35,8
Recommandation
Compassion Suspension
(%)
(%)
7,1
9,0
4,7
3,6
5,0
2,9
25,0
31,8
38,1
17,6
17,6
7,6
69,1
52,8
88,8
100,0
72,9
71,1
68,7
50,3
86,8
56,5
Source : Qiushenxingke tiben, Genealogical Society of Utah, microfilms n'
1357653-1357773.
On notera cependant que le Fujian est complètement absent des documents pendant les années considérées dans le tableau. Les rapports des gouverneurs et leurs
résumés étaient transmis au Sanfasi et, enfinde compte, faisaient théoriquement
parvenir jusqu'à l'empereur les informations et les recommandations venant des
provinces.
121
James Lee
Le système était moins cohérent et unifié qu'on pourrait le croire. Un
examen plus approfondi des xingke tiben (cf. tableau 3) révèle que les types
de « crimes graves » transmis avec demande d'exécution variaient considérablement d'une province à l'autre : certaines, comme le Jiangxi, le Zhejiang ou le Hunan, ne mentionnaient aucun cas de viol. D'autres, comme
le Zhili, le Fengtian ou le Shaanxi, donnaient des chiffres très faibles de
meurtres. D'autres encore, ainsi le Anhui, le Henan, etc., ne signalaient
pratiquement pas de morts accidentelles. En dépit de l'uniformité requise
par le code des Qing, l'impression prévaut que les autorités provinciales
disposaient d'une grande liberté pour quabfier les crimes commis sur leur
territoire et décider de leurs sentences criminelles.
Tableau 3
Recommandations des provinces pour
exécution immédiate en fonction du type de crime (1738-1740)
Province
Zhili
Fengtian
Jiangsu
Anhui
Jiangxi
Zhejiang
Hunan
Henan
Shandong
Shanxi
Shaanxi
Sichuan
Guangdong
Guangxi
Yunnan
Guizhou
Total
Nombre Homici- Meur- Homicide
de invo- tre
de par
lontaire
imprucas
dence
(%)
(%)
(%)
82
27
81
50
13
29
49
96
88
45
28
71
52
19
6
28
43,9
66,7
18,5
46,0
53,8
17,2
36,7
26,0
50,0
48,9
64,3
71,8
55,8
52,6
66,7
39,3
13,4
14,8
63,0
38,0
46,2
72,4
42,9
50,0
22,7
33,3
17,9
19,7
26,9
47,4
16,7
60,7
764
44,0
36,1
Source : cf. tableau 2.
122
7,4
1,2
2,1
1,9
0,8
Incitation au
suicide
Viol
Autre
(%)
(%)
(%)
4,9
3,7
8,0
8,2
13,5
8,0
4,4
2,8
11,5
16,7
6,2
12,2
7,4
4,9
6,0
2,1
10,2
8,9
7,1
1,4
3,8
5,1
25,6
3,7
8,6
2,0
12,2
6,3
9,1
4,4
10,7
4,2
7,9
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
En outre, comme on pouvait s'y attendre, les registres statistiques
montrent que le nombre de cas signalés par les provinces a eu tendance
à diminuer progressivement : l'effectif des crimes capitaux transmis au
gouvernement central culmine au début du xrx° siècle, pour ensuite décliner
graduellement pendant le second quart, et brutalement après 1850 ; une
légère croissance correspondant approximativement à la « restauration de
Tongzhi » (après 1862) apparaît hésitante et peu cohérente.
Autre aspect du même phénomène, les sources révèlent qu'à partir du
milieu du XDC siècle un nombre important de provinces avaient cessé de
participer pleinement au système judiciaire central. Le Guangxi est la
première province à cesser d'envoyer des rapports, dès 1851, ce qui n'est
guère surprenant puisque c'est de là qu'est partie la rébellion des Taiping.
Le Anhui, le Jiangsu, le Fujian, le Zhejiang, le Hubei et le Gansu font
de même en 1854, le Jiangxi en 1855, le Yunnan et le Guizhou en 1862
(probablement plus tôt, mais nous n'avons pas de données entre 1855 et
1862), le Shaanxi en 1863. La plupart de ces provinces ne recommencent
à communiquer leurs données aux institutions judiciaires centrales que dans
le dernier quart du siècle. Même alors, certaines provinces comme le Fujian
se contentent d'envoyer des rapports sur les affaires les plus complexes
et traitent la plupart des cas de leur propre autorité. Dans de tels exemples
on peut dire que le gouvernement provincial s'est en quelque sorte arrogé
une part du pouvoir judiciaire, suivant en cela une démarche qui a déjà
été bien décrite dans le domaine financier ou militaire : on aurait là une
autre illustration du processus de dévolution du pouvoir d'État qui marque
la fin de la dynastie.
Sexe, famille et violence
En dépit des limitations évoquées à l'instant, les descriptions de cas et les
données sur les coupables nous en apprennent beaucoup sur 1 ' histoire sociale
de la violence à la fin de l'empire. Dans les pages qui suivent je concentrerai
l'analyse sur les relations entre coupables et victimes en termes de sexe
et de position au sein de la structure familiale.
123
James Lee
Commençons par les quelque 22 000 résumés de cas que nous avons
extraits des Gesheng mingdao zhanjiao zhong'an qingce16 ; en dépit de
leur brièveté, ils indiquent le type de crime, la forme de châtiment recommandée, le nom et le sexe du coupable et de la (ou des) victime(s), leur
relation familiale, la date du crime, et celle à laquelle le cas a été jugé
la première fois. Les données que nous avons analysées sont limitées à
quatre provinces, mais elles couvrent une période de presque deux siècles,
du début du règne de l'empereur Qianlong (1736) à la fin de la dynastie.
Les données résumées dans le tableau 4 révèlent une division sexuelle
tranchée entre coupables et victimes. Alors qu'au total un peu plus de 2 %
seulement (492) de tous les coupables sont de sexe féminin, c'est le cas
pour plus de 11% (2 427) des victimes. En outre, quand une femme est
effectivement coupable d'homicide, la victime est un homme dans la quasi
totalité des cas (477 sur 492), et dans la majorité il s'agit de son mari (323
sur 477). À l'opposé, un peu plus d'un dixième seulement des victimes
de criminels hommes sont des femmes (2 284 cas sur un total de 21 743),
et apparemment il s'agit dans moins de la moitié des cas de leurs épouses
(844 cas).
En outre, lorsqu'un homme en tue un autre, c'est en général quelqu'un
avec qui il n'entretient aucune relation de parenté, même lointaine: 17 %
seulement des victimes de criminels hommes appartiennent à la même
famille, contre près de 90 % des victimes de femmes homicides. À l'époque
des Qing, en contraste marqué avec ce qui se passe aujourd'hui, lorsque
les hommes se rendaient coupables d'homicides leurs victimes étaient le
plus souvent extérieures non seulement au cercle de la famille immédiate,
mais aussi au cercle beaucoup plus large défini par les cinq degrés de deuil
(w«/«)17.
16
17
5804 au Zhili, 4042 au Fengtian, 4152 au Jiangsu, 7855 au Sichuan.
Voir là-dessus la description classique de Feng Han-chi, « The Chinese kinship
System », Harvard Journal ofAsiatic Studies, 2 (2), 1937, pp. 141-289. Voir
également Boulais, op. cit., pp. 17-22, et le tableau in Hugh D.R. Baker, Chinese
family and kinship, New York, Columbia University Press, 1979, p. 109. Dans
nos tableaux 4 et 7, « proche parent » correspond au premier degré de deuil, les
« parents éloignés » se situent du second au cinquième degrés, et les « parents très
éloignés » au delà du cinquième degré.
124
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Tableau 4
Relations de parenté entre coupables et victimes, par sexe,
dans quatre provinces (1736-1903)
Coupables femmes
Victimes
parents
proches
parents
éloignés
conjoint
parents
beaux-parents
enfants
beaux-enfants
frères et sœurs aînés
frères et sœurs cadets
autres (non spécifié)
beaux-frères et belles-sœurs
oncles et tantes
neveux et nièces
cousins plus âgés
cousins plus jeunes
autres (non spécifiés)
cousins par alliance
autres parents
Total
323
7
7
3
7
1
4
22
2
1
21
11
399
3
2
4
3
1
5
1
19
parents
très
éloignés
4
3
7
Coupables hommes
parents
proches
parents
éloignés
parents
très
éloignés
844
58
29
3
10
315
33
2
85
51 348 59
13 259 15
- 467 24
- 286 22
6
90
1
43
8
1
60 684
450 1553 813
Total apparentés
Non apparentés
425
66
3 816
18 346
TOTAL
491
22 162
Sources : Gesheng mingdao zhanjiao zhong'an qingce, Genealogical Society of Utah, microfilms nM 1357653-1357773, pour les années 1736, 1743,
125
James Lee
1760,1762,1763,1771,1772,1777,1786,1787,1788,1789,1802,1803,
1804,1805,1806,1807,1808,1809,1810,1812,1814,1815,1816,1817,
1818.1819.1820.1821.1826.1830.1831.1837.1842.1843.1844.1845,
1846,1847,1848,1849,1850,1851,1852,1853,1854,1855,1857,1858,
1859,1860,1861,1862,1863,1864,1865,1866,1867,1868,1868,1869,
1870,1871,1875,1876,1877,1878,1879,1880,1881,1891,1892,1893,
1894,1895,1896,1897,1898,1900,1901,1902,1903 (Zhili) ; 1748,1760,
1762.1770.1771.1777.1805.1809.1821.1823.1826.1830.1831.1846,
1848,1850,1851,1852,1855,1856,1862,1863,1864,1867,1870,1872,
1875,1876,1878,1893,1894,1896,1897,1898,1899,1901,1903 (Fengtian) ; 1760,1762,1770,1771,1777,1789,1805,1809,1821,1823,1826,
1830,1831,1846,1848,1850,1851,1852,1855,1856,1862,1863,1864,
1867,1870,1872,1875,1876,1878,1893,1894,1896,1897,1898,1899,
1901, 1903 (Jiangsu) ; 1781, 1783, 1790, 1805, 1809, 1821, 1823, 1832,
1834,1846,1847, 1848,1850,1851,1852,1854,1856,1857,1858,1862,
1863,1864,1867,1870,1872 (Sichuan).
Comme on peut s'y attendre, la représentation de la violence familiale
offerte par le tableau 4 tend occasionnellement à refléter les préjugés du
code des Qing plus que les réalités de la société du temps. On notera par
exemple l'énorme disproportion entre le nombre de parents et le nombre
d'enfants donnés comme victimes d'homicides, et de même entre le nombre
d'aînés et le nombre de cadets. Et pourtant, certaines configurations se
dégagent dont je crois qu'elles correspondent assez fidèlement à ce que
pouvait être la violence dans les comportements sociaux entre parents durant la période étudiée.
D'abord, si l'on excepte les cas de violence entre époux, on constate
qu'à l'intérieur de leur parentèle les femmes sont susceptibles dans un peu
plus de la moite des cas de s'attaquer à d'autres femmes autant qu'à des
hommes, alors que les hommes s'affrontent essentiellement à d'autres hommes18.
18
Les pourcentages respectifs seraient 55 et 81 % : pour ne pas compliquer
inutilement le tableau 4 nous n'y avons pas inclus la distribution par sexe.
126
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Par ailleurs, on constate que lorsque les hommes recourent à la violence
contre des proches parents leurs victimes appartiennent souvent à la même
génération. Parmi les 685 cas où un homme tue un parent proche autre
que son épouse, on ne trouve que 87 parents ou beaux-parents, 51 oncles
et tantes. On compte en revanche 435 cas d'homicide visant une personne
de la même génération (y compris les beaux-frères et les belles-sœurs).
Il n'est donc pas impossible que l'ambiguïté inhérente aux relations
horizontales ait plus laissé cours à la violence que la hiérarchie rigide dans
laquelle étaient enfermées les relations verticales. De fait, malgré la priorité
donnée par l'État à l'arrestation et au châtiment des coupables de crimes
visant des aînés, ce genre de violence inter-générationnelle apparaît relativement rare. Faut-il en conclure qu'à ce stade de son développement
historique l'État impérial avait, dans une large mesure, réussi à faire intégrer
ses propres valeurs par le corps social ?
Enfin, si les femmes apparaissent proportionnellement plus portées que
les hommes à s'attaquer aux générations supérieures, cette violence semble
tout particulièrement dirigée contre les tantes (21 cas). Par contraste
également avec les hommes, les homicides féminins intra-générationnels
visent d'abord les membres de leur belle-famille (26 sur 38), ce qui
s'explique très évidemment par les particularités du système patrilocal
prévalant en Chine (épouses venant résider dans leur belle-famille). Les
femmes, pourrait-on dire, recouraient d'abord à la violence là où les relations
familiales étaient à la fois ambiguës et ténues. Là encore l'autorité des parents
et des beaux-parents était, semble-t-il, globalement acceptée (ou du moins
suffisait-elle à contenir la violence) : le seul « supérieur » contre lequel
se dressaient massivement les femmes était leur mari.
Les descriptions beaucoup plus détaillées fournies par les qiushenxingke
tiben confirment ces intuitions et permettent de préciser certains points.
Notre dépouillement a porté sur quelque 2 200 cas survenus dans 19
provinces et soumis à examen entre 1738 et 1740. Chaque cas a été codé
en fonction de la date, de la province, du type de crime, du sexe et du
métier du (des) coupable(s) et de la (des) victime(s), des liens sociaux et
familiaux entre l'un et l'autre, des motifs et circonstances, des moyens de
violence utilisés, de l'environnement où s'est déroulé le crime, et finalement
de la sentence recommandée. Comme précédemment, les sources révèlent
127
James Lee
des configurations fortement contrastées en fonction du sexe et de la position
familiale.
Les tableaux 5 et 6, par exemple, ainsi que les textes sur lesquels ils
se fondent, suggèrent que dans la majorité des cas les femmes allaient
jusqu'au meurtre lorsqu'elles avaient une liaison adultère, et ne le faisaient
qu'après une préméditation soigneuse. En revanche il était plus typique
pour un homme de commettre un homicide au cours d'une dispute portant
sur des problèmes de propriété, dans laquelle il cherchait à défendre son
bien ou au contraire à s'emparer de celui d'autrui, ou dans une querelle
de dette. Les hommes tendaient par conséquent à tuer sans intention de
donner la mort, ou du moins sans préméditation.
Tableau 5
Crimes capitaux par sexe, 1738-1740
(toutes les provinces)
Autresb
(%)
Homicides
involontaires'
(%)
74
21
18
43
8
35
95
392
20
20
58
63
23
17
2118
1698
22
21
56
59
22
20
2 213
2 098
Meurtres
femmes
coupables
victimes
hommes
coupables
victimes
total
coupables
victimes
Effectif
(%)
Sources : Qiushen xingke tiben (cf. tableau 2).
Notes :
* À l'exclusion des homicides par imprudence (accidentels).
b
Essentiellement les viols et les comportement ayant entraîné un suicide pour les
victimes femmes ; les décès accidentels et les vols avec violences pour les
victimes hommes.
128
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Tableau 6
Motifs et circonstances des crimes, 1738-1740
(toutes les provinces)
sexuel
(%)
femmes
coupables
victimes
hommes
coupables
victimes
total
coupables
victimes
Motif
patrimonial
(%)
familial
(%)
autre
(%)
Effectif
73
45
10
20
9
27
9
9
94
388
17
12
53
60
10
7
20
22
2 087
1673
20
18
51
52
10
10
19
19
2 181
2 061
Sources : cf. tableau 2.
Les tableaux 7 (reprenant les classifications du tableau 4 sur un effectif
plus étroit mais plus précisément décrit) et 8 suggèrent en outre que les
hommes considéraient leur lignage comme leur « patrie », alors que pour
les femmes le lignage où elles s'étaient mariées était une sorte de territoire
ennemi. Un quart seulement des victimes de coupables hommes leur étaient
apparentées, même de loin, alors que trois quarts des victimes des coupables
femmes étaient des proches parents par alliance, usuellement leurs maris.
En revanche, lorsque les hommes recrutaient des complices, ils tendaient
à les rechercher au sein de leur famille proche, tandis que les femmes
s'adressaient presque exclusivement à l'extérieur du réseau familial.
Manifestement, les liens qu'entretenaient les hommes avec leurs familles
étaient forts, et les chances étaient bien plus grandes de les voir coopérer
avec leurs parents qu'agir contre eux.
De même, les proportions contrastées entre disputes et alliances par
type de relation familiale, telles que les résume le tableau 9, fournissent
une indication sommaire sur les liens affectifs entre parents proches. Les
129
James Lee
Tableau 7
Les coupables des deux sexes et leurs victimes
(1738-1740) (toutes les provinces)
Coupables femmes
parents
proches
paparents rents
éloi- très
gnés éloignés
Coupables hommes
parents
proches
parents
éloignés
parents
très
éloignés
Victimes
conjoint
parents
beaux-parents
enfant
beaux-enfants
frères et sœurs aînés
frères et sœurs cadets
autres (non spécifié)
beaux-frères et belles-sœurs
oncles et tantes
neveux et nièces
cousins plus âgés
cousins plus jeunes
autres (non spécifiés)
cousins par alliance
autres parents
58
2
3
1
2
1
-
-
126
10
5
33
15
4
24
27
16
9
35
31
38
24
27
5
4
4
4
2
2
4
4
33
Total
67
-
-
271
164
53
67
95
Total victimes apparentées
Total coupables*
488
2118
Sources : cf. tableau 2.
Note:
*
Cf. tableau 5. La comparaison entre les deux dernières lignes du présent tableau
(cf. texte) part du principe en général correct qu * il y avait en moyenne une victime
par coupable.
130
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Tableau 8
Les coupables des deux sexes et leurs complices
(1738-1740) (toutes les provinces)
Coupables femmes
Complices
Coupables hommes
papapaparents rents rents rents
pro- éloi- très proches gnés éloi- ches
gnés
parents
éloignés
parents
très
éloignés
conjoint
parents
beaux-parents
enfant
beaux-enfants
frères et sœurs aînés
frères et sœurs cadets
autres (non spécifié)
beaux-frères et belles-sœurs
oncles et tantes
neveux et nièces
cousins plus âgés
cousins plus jeunes
autres (non spécifiés)
cousins par alliance
autres parents
1
1
-
-
-
3
21
2
12
27
33
5
3
18
8
7
1
1
3
1
2
-
2
1
1
2
6
Total
2
-
-
140
7
12
Total complices apparentés
Total coupables"
2
95
Sources : cf. tableau 2.
Note:
* Cf. tableau 5.
131
159
2 118
James Lee
liens les plus forts sont entre parents et enfants : dans presque tous les
cas de ce type relatés par les xingke tiben, nous les voyons combattre côte
à côte un ennemi commun, pratiquement jamais l'un contre l'autre. En
revanche les relations entres frères et sœurs, ou oncles et neveux, apparaissent beaucoup plus complexes, puisqu'on les trouve soit alliés soit
ennemis dans une proportion comparable de cas. Les cousins et les parents
par alliance, eux, font pencher la balance dans l'autre sens : ils avaient
beaucoup plus de chances d'être antagonistes que de s'allier.
Tableau 9
Parents complices et adversaires dans les cas d'homicide
(1738-1740) (toutes les provinces)
parenté
parents/enfants
frères/sœurs
oncles/neveux
cousins
parents/beaux-enfants
beaux-frères/belles-sceurs
conjoints*
amants*
Effectif
total
35
117
60
24
17
27
96
10
Complices
N
(%)
33
65
26
7
2
3
3
10
94
56
43
29
12
11
3
100
Adversaires
N
(%)
2
52
34
17
15
24
93
0
Sources : cf. tableau 2.
Note :
* Compte non tenu des cas de meurtre pour cause d'adultère.
132
6
44
57
71
88
89
97
0
Homicide et peine capitale en Chine à la fin de l'empire
Dans ce même tableau 9, le contraste entre époux et amants apparaît
particulièrement marqué lorsqu'on exclut les cas de meurtres pour cause
d'adultère. Nous trouvons alors 93 cas où un mari a tué sa femme, mais
seulement 3 cas où il lui est venu en assistance pour l'aider à préserver
ses biens ou son honneur. En revanche, pour 10 cas où un homme est venu
en aide à sa maîtresse, il n'y en a pas un seul où il l'a tuée. On en conclura
d'une part que les hommes étaient plus prompts à battre leurs femmes à
l'intérieur des liens du mariage, et d'autre part que les amants risquaient
plus de s'assister mutuellement tant qu'ils restaient non mariés.
Tout cela reste fort schématique. J'espère néanmoins avoir donné une idée
des ouvertures données par les sources judiciaires sur l'histoire sociale et
institutionnelle de la fin de l'empire. Pour des raisons de place, les
configurations de la violence ont été analysées pour le xvnf siècle surtout,
et l'efficacité des institutions qui produisent nos sources pour le xix° siècle
plus particulièrement. Une grande quantité d'autres données attendent d'être
codées et analysées, et la méthodologie ne peut que s'affiner en cours de
route. Il n'en reste pas moins que c'est à de telles analyses de grands
ensembles que doivent être confrontés ces milliers de cas individuels dont
la lecture demeure à la fois l'exercice le plus divertissant et le meilleur
moyen de conserver le contact avec la vie des gens19.
Voir à ce sujet l'étude de Paola Pademi dans ce même numéro.
133
James Lee
Caractères chinois
gesheng mingdao deng'an shumu lijue .iL v^^J^^fai
huangce - ê r f e ^ ^ ^ ^ C â liuyang chengsi
qingshi ^Hjjjgesheng mingdao zhanjiao
qingzhen -+4jtzhong'an qingce J&Qêy
qiushen xingke tiben
gesheng qingzhongzeiren kougongce
-é^^l^M^U
gou J{
huanjue ^ ^ ^
jianhou «§£.4^
kejin 5 j ^
keyi Sj.
Sanfasi S-b£zé>{
Shilu
<^j^
tingjue -f.lpc^wufu 3 - %
wuwei -*ïfvJ^
xingbu JffJ-^JJ
xingke tiben ^ J ^ - è t M *
zhong'an ^[jf-T
134