Hagiographies et légendaire arthurien

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Hagiographies et légendaire arthurien
22e CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ
INTERNATIONALE ARTHURIENNE,
22nd CONGRESS OF THE
INTERNATIONAL ARTHURIAN SOCIETY
Rennes 2008
Actes
Proceedings
Réunis et publiés en ligne par
Denis Hüe, Anne Delamaire et Christine Ferlampin-Acher
POUR CITER CET ARTICLE, RENVOYER À L’ADRESSE DU SITE :
HTTP ://WWW.UHB.FR/ALC/IAS/ACTES/INDEX.HTM
SUIVIE DE LA RÉFÉRENCE (JOUR, SESSION)
Hagiographies et légendaire arthurien.
« En face d’une littérature cléricale qui
s’obstine à cultiver l’héritage antique, les
poètes
vernaculaires
cherchent
à
s’enraciner dans le terroir... l’enquête est à
poursuivre, il est des traditions qui parlent.
Il est des traditions qui survivent comme
celle des fontaines magiques... »
J.C. Payen. Domfront 1983.
Contexte historique et géographique.
Le Passais, est une entité profondément marquée par ses caractères
historique et géographique. En effet, son étymologie même, (passus = le
passage), inscrit dans la mémoire des hommes les atouts d’une région de
collines et de landes sauvages, de solitudes boisées où fleurirent depuis la
plus haute antiquité les mythologies et les hagiographies. Elle a fourni à la
littérature médiévale quelques uns de ses plus beaux thèmes d’inspiration1.
Héritier de l’ancien Pagus Cenomanensis, pays de marches, aux
confins de Bretagne, de Normandie et du Maine, il a formé de tous temps
une contrée intermédiaire entre ces provinces que reliaient de très anciennes
voies antiques dont l’une d’elles, le « chemin potier », joignait entre eux les
bassins des rivières de la Mayenne, de la Sonce de la Varenne et de la Vire3
Connu longtemps pour ses étendues boisées escaladant une
succession de collines formées par le vieux relief armoricain, il devint très
tôt un haut lieu du druidisme dont monuments mégalithiques et traditions
rappellent l’emprise.
1 La Légende Arthurienne et la Normandie, Ouvrage collectif sous la direction de J.C. Payen, Condé sur
Noireau, Corlet, 1983.
POUR CITER CET ARTICLE, RENVOYER À L’ADRESSE DU SITE :
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SUIVIE DE LA RÉFÉRENCE (JOUR, SESSION)
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Avec sa ligne de crêtes culminant à près de 300 mètres et formant
une défense naturelle à une pénétration Nord-Sud comme les vallées
encaissées de la Mayenne et de ses affluents gouvernent aisément le passage
d’Est en Ouest, le Passais occupait une position privilégiée sur le plan
stratégique qui fit de son histoire une des plus mouvementées des provinces
de l’Ouest de la France.
En témoignent les nombreuses batailles sièges et conquêtes
émaillant, (de la création du comté de Bellême et Domfront, véritable
« État-tampon » par Louis IV en 942, à la prise du château de Domfront en
1418 par les Anglais,) l’histoire de cette petite province. À l’époque
médiévale, l’histoire du Passais, alors inféodé aux seigneurs de Bellême, est
constamment marquée par sa résistance aux luttes des grands féodaux.
C’est Guillaume le Conquérant qui s’en rendit maître en le faisant entrer
dans sa mouvance vers 1050. Il lui fallut encore bien des efforts pour s’en
concilier les habitants dotés d’un fier esprit d’indépendance.
Après la conquête de l’Angleterre par les Normands et la mort du
Conquérant, les luttes reprirent et c’est Henri 1er Beauclerc qui fut choisi
comme prince par les habitants de Domfront. Ceux-ci avaient secoué le
joug de leur seigneur, Robert de Bellême, pour accueillir ce fils de
Guillaume qui n’avait reçu aucune terre en héritage mais qui passait pour
instruit et compétent. Étonnante démonstration de ce particularisme des
habitants du Bocage élisant, en pleine féodalité, leur chef et souverain ! Les
monarques anglo-normands ne l’oublieront pas et l’on sait qu’au XIIe siècle
Henri II Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine y firent séjour, tenant cour
renforcée à Domfront en Passais, y accueillant clercs et lettrés, dotant tout
le pays richement en foyers de culture au travers de l’abbaye de Lonlay et de
ses prieurés fort nombreux en Passais.
Les ermites du Bas Maine.
Lorsque au VIe siècle, St Innocent, évêque du Mans, envoie vers
cette nouvelle Thébaïde des moines qui ont noms Fraimbault, Ernier,
Bômer... pour y créer, avec leurs ermitages, les premiers îlots de la
civilisation chrétienne, il est loin d’imaginer l’extraordinaire floraison de
hauts faits, de récits légendaires et de cérémonies pieuses, de fêtes, enfin,
que ce petit terroir coincé entre Maine, Anjou, Bretagne et Normandie va
pouvoir susciter.
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HAGIOGRAPHIES ET LÉGENDAIRE ARTHURIEN
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Pour revenir et illustrer un sujet déjà bien étudié, celui de
l’enracinement folklorique de la légende Arthurienne, et participer à cette
idée, patiemment défendue par l’érudit ornais René Bansard, que ce terroir
du Passais, s’il a quelque chose à voir avec le pays des Grandes Merveilles
dont parlent les anciens romans, a, de ce fait, servi de cadre et par là même
condensé un grand nombre d’événements festifs qui en font, au plan
symbolique, un lieu de passage, je tenterai de montrer le parallélisme
frappant entre nombre de situations hagiographiques locales et la vie
légendaire de quelque héros arthuriens.
Les légendes hagiographiques décrivant l’arrivée des moines
civilisateurs du Passais au VIe siècle les représentent en effet souvent
occupés à détruire les bois consacrés aux « faux dieux », telles celui des
prêtresses d’Eros qui avaient élu domicile sur le territoire de l’actuelle
paroisse de St Bômer les Forges, du nom du saint qui brisa les autels de leur
culte, leurs idoles et menhirs. Ainsi qu’on le verra plus loin, les saints
ermites fondateurs de la civilisation dans ces contrées retirées se trouvèrent
tôt nantis, dans l’âme populaire, par une sorte de retour des choses, des
vertus que l’on attribuait précédemment aux divinités des sources et des
bois, le culte nouveau se superposant à l’ancien sans trop de difficultés au
niveau de la pratique quotidienne.
Une des caractéristiques du Passais, c’est donc, aujourd’hui,
l’existence de traditions très vivantes dont nous devons l’origine aux moines
défricheurs du VIe siècle . Leurs établissements monastiques ayant disparu
dans la grande tourmente des invasions normandes aux IXe-Xe siècles, le
Passais s’est retrouvé, vers l’an Mil, très convoité par les Bretons à l’Ouest,
par les Normands au Nord, par les comtes du Maine et d’Anjou au Sud et
par les rois de France à l’Est.
Saint Fraimbault
Examinons d’abord les figures de ces saints ermites et leurs
doublets chevaleresques.
La plus célèbre de ces figures est sans contredit possible celle de
saint Fraimbault en qui René Bansard voyait un doublet de Lancelot du
Lac.
Saint Fraimbault naquit vers 500, de parents les plus riches et les
plus considérés de l’Auvergne. Son père, en effet gouvernait cette région
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pour le roi Clovis et ne manqua pas de lui donner la meilleure éducation en
l’introduisant très jeune à la cour de Childebert.
Pour la Biblioteca sanctorum2 Frambaldo (de Frambaldus, ou encore
Phambaldus, ou Fraimbauld, Frambaud, Frambourg) abbé de Gabrone
dans le Maine, est solitaire sous le pontificat de Saint Innocent évêque du
Mans. Il mène une vie cénobitique dans les solitudes du Maine et meurt en
559.
Il est encore honoré à Saint Fraimbault de Prières (Mayenne) et à
Saint Fraimbault anciennement sur Pisse (Orne) et à Senlis où la collégiale
des rois de France porte son nom.
Au XIe siècle, saint Fraimbault avait déjà son église, à St Fraimbault
sur Pisse, aumônée au chapitre du Mans. Au début du XIIe siècle, celle-ci fut
cédée avec la seigneurerie du lieu à l’abbaye de Beaulieu, fondée par
Bernard, baron de Sillé le Guillaume. À la fin du XIXe siècle, la communauté
était encore un prieuré de Saint Augustin à la présentation de l’Abbaye de
Beaulieu.3 Notons au passage que la paroisse de Saint Front, à Domfront,
était administrée par un curé/prieur dépendant de la même abbaye.
L’histoire du diocèse de Bayeux le mentionne également comme
e
14 évêque du lieu. Ses reliques y furent reconnues en 1177 en présence
d’un grand concours de peuples. Portent encore son nom l’abbaye de Sainte
Marie de la Victoire près de Senlis, l’église d’Yvri sur Seine, et le prieuré de
Roezé au diocèse du Mans, en Sarthe : Epineu le Chevreuil, Lévaré, en
Eure et Loire : Brou, Châteaudun, en Loiret : l’abbaye de Micy (aujourd’hui
saint Maximin-sur-Loire). L’expansion de son culte serait liée à la
translation de ses reliques. Sa fête est célébrée les 8 ou 16 août dans les
diocèses de Le Mans, Sées, Laval.
Dans la légende du saint, on le voit être tiraillé entre le service divin
et le service du roi. Comme mû par un appel intérieur, alors qu’ issu d’une
famille noble, il est éduqué à la cour de Childebert comme tous les jeunes
nobles de son temps, c’est à dire d’abord au métier des armes, il se retire
dans un lieu peu fréquenté, puis poursuivi par la vindicte de ses parents
venus le rechercher, leur échappe miraculeusement (épisode de la citerne
2
Instituto Giovanni XXIII, delle Pontificia Universita lateranum, Roma, 1964, article de J Evenou,
1001-1002.
3 Lasseur G. Fiefs et manoirs du Domfrontais, Paris, Jouve, 1947, p.178.
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siens4),
d’eau qui se gonfle et le dérobe à la vue des
s’adresser à l’abbaye de
Mici où, disciple de saint Mesmin, il reçoit la prêtrise avant de s’enfoncer
dans le Maine. L’un de ses ermitages, à Saint Fraimbault de Prières, est, de
nos jours, encore entouré des eaux de la Mayenne qui le cernent tandis que
l’église de l’actuelle paroisse de Saint Fraimbault de Lassay, lieu de sa
sépulture, mire les reflets de son clocher dans un petit lac, résidu d’un plan
d’eau de dix fois supérieur et dont le profil est encore bien visible dans les
prés environnants.
Dans le Passais, sa prédication est liée à trois autres ermites, les
saints Constantin ou Constantien, Ernier, moine du Pays d’Ernée et Avit.
À Gabrone en Saint Georges de la Couée5, au lieu dit Savonnières,
où il s’installe en premier, il est l’auteur de deux miracles :
- d’abord ayant posé les pieds sur une pierre pour prêcher une
assemblée, celle-ci s’élève miraculeusement à deux pieds au dessus de son
public, elle portera l’empreinte de ses pieds,
- il subjugue, dans la forêt, une bête sauvage géant qui ravage la
contrée et guérit un enfant (Sylvain) qu’elle avait enlevé et blessé (miracle
du carrefour de l’Ourse blanche).
À Saint-Fraimbaut de Lassay, alors qu’il construit seul son
ermitage, un carrier passe dont il sollicite l’aide. Celui-ci l’ayant refusée et
déclaré faussement transporter un mort en charrette, le saint réalise
l’allégation puis le carrier s’étant repenti, ressuscite son commis. Il meurt à
quelques lieues de son ermitage au lieu dit La Beunaîche en Céaucé et
entend la voix de sa mère qui l’appelle en ses derniers instants.
Son nom, Frambaldus de Laceio, se traduit littéralement par « le lancier
du Lac » (fram = la lance, baldo = porter, laceio = le lac). La paroisse de Saint
Fraimbault de Lassay où l’on montre, dans le mur de l’Eglise, une pierre
tombale mérovingienne de réemploi portant calice et trèfle (symbole
alchimique des ondins) est de ce fait associée à cette interprétation
onomastique. On y observe encore de nos jours, chaque année, une
4 Gilles Susong explorant cet épisode de sa légende à Yvry-sur-Seine a montré que son premier ermitage
en cet endroit se trouve à l’endroit même où des fouilles récentes (1193) ont découvert un site urbain
fortifié de l’âge du bronze entouré de tout un réseau de douves, fossés, rigoles. Voir : Susong Gilles,
« La légende de Saint Fraimbault et les enfances arthuriennes », in Herméneutiques sociales, N° 3, mars
2000, p.43-48.
5 Canton du Grand Lucé
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procession ostentatoire du chef de saint Fraimbault, autrefois circulaire, sur
le territoire de plusieurs paroisses et interrompue par arrêté du Conseil
d’Etat le 11 0ctobre 1177.
La double filiation de Fraimbault : royale et monacale est, là,
manifeste, s’y ajoute celle d’un territoire, l’Auvergne, province d’Aquitaine
bien notée par les chroniques.
Lancelot du Lac et Saint Fraimbault.
Lancelot, contemporain du roi Arthur est, pour le roman en prose,
un chevalier gaulois, il vit au VIe siècle de notre ère et descend de la lignée
de Joseph d’Arimathie, premier détenteur du Graal. C’est un personnage
complexe et hermétique, une figure qui ne se laisse pas saisir d’emblée.
Personnage apparu en littérature sous la plume de Chrétien de
Troyes, qui publie ses aventures entre 1177 et 1179 sous le titre « Le chevalier
à la charrette », Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du Monde, fils de Ban
de Banoïc, né aux marches de Gaule et de Petite Bretagne1 est également
connu depuis le XIIIe siècle du fait de la publication, vers 1223, du roman en
prose le Lancelot-Graal, restitué par l’actuelle édition critique d’Alexandre
Micha.
Son attribut, la Lance, qui est aussi son patronyme, indique à quel
point Lancelot est l’archétype de la chevalerie du temps n’étant jamais
désigné autrement que par la périphrase « le meilleur chevalier du Monde ».
On peut placer là une première analogie avec le personnage de
saint Fraimbault de Lassay, Fraimbault affronte la vie religieuse par une
rupture radicale avec son milieu, s’exilant volontairement, tel un chevalier
errant, affrontant seul tous les dangers et sa quête, pour être spirituelle, n’en
est pas moins héroïque. Il y a encore du chevalier dans ce moine qui
s’enfonce au VIe siècle de notre ère dans les solitudes boisées du Passais.
Comme saint Fraimbault, Lancelot, l’ondin, est enlevé à sa mère
tout bébé et ravi au royaume sub-aquatique de la fée du Lac, Viviane, où il
vivra dans un « autre monde » avant de revenir chez les humains. Ceci
accentue encore le caractère hybride du personnage participant, par son
père Ban de Banoïc, d’une royauté incarnée dans une lignée charnelle et par
sa mère d’adoption, l’ondine, d’une essence différente.
Tous deux connaissent donc, au cours de leurs enfances, un
scénario initiatique qui les voit passer par les stades de la séparation (ils sont
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enlevés à leurs parents) de la marge (ils sont éduqués dans un endroit retiré
(pour Lancelot chez la Dame du Lac et pour Saint Fraimbault,à l’abbaye de
Micy) et de l’agrégation (c’est l’accueil de Lancelot à la cour du roi Arthur et
le début de la vie apostolique de saint Fraimbault et de ses compagnons au
Passais). L’un et l’autre sont associés dans les récits légendaires au conte de
la charrette, récit d’ailleurs très archaïque et vivent la fin de leurs jours dans
un ermitage retiré, leur tombe, après trépas étant honorée à l’égale de celle
d’un saint puisque Lancelot finira ses jours comme moine chantant messe.
Fils de Ban de Banoïc et de la reine Hélène, Lancelot a reçu en
baptême le nom de Galaad, il est issu d’une lignée prestigieuse, celle de
Joseph d’Arimathie, qui passe, dans l’Ecriture sainte pour avoir été un ami
de Jésus de Nazareth et aurait recueilli, après la crucifixion, le corps du
Christ ainsi que les principaux instruments de la Passion dont cette relique,
précieuse entre toutes : le Saint Graal.
Comme Saint Fraimbault, qui installe ses ermitages, témoin la
toponymie locale, à proximité des carrefours, afin de se donner plus de
chances de rencontrer âme qui erre, Lancelot se tient aux croisées des
chemins en quête de nouvelles aventures. Homme des Marches, il occupe
dans tout le roman arthurien une situation marginale et pourtant clé, à la
charnière de deux mondes, celui des chevaleries terrestres et celui des
chevaleries célestes, il est aussi le fils adoptif et ambigu de la dame du Lac.
Figure du Bocage de l’Ouest, Lancelot/saint Fraimbault est ainsi
un moine chevalier ou encore un prêtre-roi, résumant en lui-même les deux
fonctions principales de la société féodale chrétienne, elle-même héritière
de la tripartition fonctionnelle indo-européenne décrite par Georges
Dumézil23 .
Saint Fraimbault rencontra un vif intérêt de la part des souverains
régnants puisque si son chef est conservé à Lassay , son corps fut transféré
à Senlis au Xe siècle par la reine Adélaïde, épouse d’Hugues Capet, et l’on
sait qu’Aliénor a, dès l’époque de son mariage avec Louis VII, dont elle se
séparera après la deuxième croisade pour épouser Henri II Plantagenêt,
accordé la plus grande importance à cet obscur ermite du Bas-Maine
qu’était saint Fraimbault organisant de grandes fêtes en son honneur et
restaurant, à Senlis son tombeau et la collégiale qui l’abrite.
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Devenue souveraine du royaume anglo-normand, elle n’aura de
cesse d’encourager son culte, affirmant ainsi la continuité du fait
aquitanique.
Témoignent encore de cet enracinement folklorique en Passais, le
culte et les processions de saint Ernier .
Saint Ernier, né en Aquitaine comme Fraimbault, vint comme lui
dans ces contrées au début du VIe siècle, à la demande de St Innocent, alors
évêque du Mans, après un séjour à l’abbaye de Micy, près d’Orléans. À
l’instar des cénobites Auvieu, Bômer, Front, Oratire. Il se signale très vite
par une solide réputation de sainteté, son aptitude à détrôner les anciens
cultes celtiques et la ferveur qui entoure reliques et tombeau, son aptitude à
faire des miracles, allant même jusqu’à ressusciter les morts. il est fêté le 9
Août.
Né en Aquitaine, d’une famille noble, compagnon de saint
Fraimbault, Erneo, val Alveo ou Alveo, ou Alneo 6 fonde l’abbaye de
Céaucé au VIe siècle. Il prêche à partir de 532 dans le diocèse du Mans
envoyé par saint Innocent en forêt de Nufa où se trouvaient des cultes
païens des druides. Il y construit une chapelle et une église consacrée à saint
Pierre ainsi qu’un monastère. Il meurt le 11 septembre 565. Le zèle d’Ernier
le conduit aussi à Banvou, et à Charné (Ernée), occupé qu’il est à
l’évangélisation de la contrée. Visité par Clotaire, il réitéra pour lui et sa
suite le miracle de la multiplication du vin et lui prédit sa victoire sur ses fils
révoltés. Au retour, indique René Bansard, le roi lui manifesta son
contentement par l’octroi de quelques biens et notre ami supposait
qu’Ernier avait peut-être une autre mission, celle de monter la garde aux
entrées menacées de la Bretagne. La légende veut qu’il se soit adjoint trente
compagnons, dix pour chacun des lieux qui gardent sa mémoire, ces lieux
se situant « aux marches de petite Bretagne », sur des itinéraires fréquentés à
l’époque.
Son culte se développe rapidement et se manifeste, de tradition
immémoriale, par des processions et des fêtes populaires. Les hagiographes
s’interrogent sur un doublet possible avec saint Auvieu, ermite en Passais la
Conception, (chapelle saint Auvieu).
6
biblioteca sanctorum, op. cit, voir aussi Les saints de Mici, annales de bollandistes, XXIV 1905, p. 88-89
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Au Passais, c’est le lundi de Pentecôte que, chaque année, on
organise encore en ces endroits, quoique sous une forme bien restreinte,
des processions qui défraient toujours la chronique. Ces processions du
Grand Tour et du Petit Tour sont placées sous le signe du cercle. Elles
évoquent la pluralité des dieux protecteurs, les rythmes du calendrier
soli/lunaire, ouvrant un cheminement quasi initiatique aux fidèles du
Bocage lorsqu’elles les entraînent au cours de processions qui tendent à
circonscrire le royaume de la nuit : le célèbre Mont Margantin aux sentes
obscures, figure archétypale des temples païens où se célébraient les cultes
démoniaques au cours des nuits de sabbats. On voit bien l’ambiguïté de ces
démarches populaires collectives où l’attrait de pratiques réprouvées le
dispute sans cesse à celles que l’Eglise tolère quand les saints protecteurs du
bétail viennent prendre la relève du Grand Cornu.
De même, saint Ernier est honoré à Banvou par des processions
rogatoires qui drainaient, nous assurent ses témoins26 jusqu’à 3000
personnes. On y portait en cortège un petit reliquaire contenant le « doigt »
de St Ernier. Descendant de l’actuel bourg de « Banvou au Vieux-Bourg où
se trouve une fontaine. On y plongeait le reliquaire, les années de
sécheresse, pour obtenir la pluie, ce qui ne manquait jamais de se produire
comme l’attestent de nombreux témoignages.
Saint Ernier et Léonce de Payerne.
L’hagiographie d’Ernier recoupe, sur certains points, celle d’un
compagnon de la Table Ronde : Léonce de Payerne, intendant du roi Ban
de Banoïc. Le parallélisme des légendes d’Ernier et de Léonce de Payerne7
est en effet étonnant :
1) - Ernier est averti en songe, comme tous ses compagnons, que
leur père touchait à ses derniers moments; ils reviennent alors à Céaucé là
où meurt saint Fraimbault.
7 il est cité dans The Vulgate version of Arthurian romance par Oskar Sommer, Washington, Carnégie 1913 et
dans le Merlin de Robert de Boron, ms Huth, par Gaston Paris et Jacob Ulrich, Société des anciens
textes français, Paris, 1886. « Il était cousin du roi Bohort, avait bien cinquante ans ou davantage ». .. il
est commis à la garde des enfants de Bohort et passe pour le plus prud’homme du royaume. C’est lui qui
ira en ambassade rencontrer Claudas de la déserte.
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- Léonce de Payerne est en compagnie d’un grand concours de
peuple quand ils assistent à la mort de Lancelot dont l’âme est emportée au
ciel.
2)- Léonce reçoit un jour l’ordre de se mettre en route émanant de
Merlin qui lui apparaît,
- de la même façon, saint Ernier reçut son ordre de départ d’une
voix de femme, sa mère, qui l’appelle à Céaucé. Un de ses protégés, qui ne
pouvait pas l’entendre, ayant mis son pied droit sur le pied gauche du saint,
entendit aussi la voix surnaturelle.
Comme dans le roman qui place également Léonce de Payerne,
intendant du roi Ban à Banoïc, le lieu de culte, la chapelle de saint Ernier
est situé dans la paroisse de Banvou la plus au Nord de l’ancien diocèse du
Mans, limitrophe des évêchés de Dol (Bretagne) et de Sées (Normandie),
soit exactement comme le pays de Ban dans le Lancelot en Prose. On y
conte deux légendes, l’une d’une fontaine qui déclenche des orages lorsque
les années de sécheresse on y plonge un reliquaire abritant une phalange de
l’index du saint et l’autre d’une aubépine qui fleurit en plein hiver, suite à un
miracle de l’ermite. Dés sa mort, sa tombe y fut honorée à l’égal de celle
d’un saint.
À Banvou, lieu de sépulture de saint Ernier, à Céaucé où mourut
saint Fraimbault et à Lassay où il repose, on rejoint de façon très subtile, au
travers des rituels aquatiques et des cultes dévolus à ces héros, le lien qui
existe dans toutes les religions, on pourrait presque dire qui les fait exister
en tant que telles, entre le berceau et la tombe, entre le ventre maternel (les
eaux primordiales), et le sépulchre, notre dernier berceau chtonien.
Héros mythiques et saints protecteurs sont, pour le bocain, lieu
possible de projection, d’identification, viatique vers l’au-delà et, par
l’analogie constante où le plongent les rituels, ouverture à l’Harmonie.
Notons enfin à ce sujet que comme les fêtes arthuriennes, la
Pentecôte est le temps choisi pour ces réjouissances : « le jour de la
Pentecôte, nous dit le conte, le roi Artus et la reine Guenièvre vêtirent leurs
robes royales et posèrent leur couronne d’or sur leur tête(...) » quand tous
les chevaliers ont pris place à la Table Ronde, apparaît le Graal qui les
rassasie et tous rendent grâces à Dieu, « seigneurs dit le roi, Notre Seigneur
nous donne certes une haute marque d’amour en venant nous rassasier de
sa grâce en un si haut jour que celui de la Pentecôte» .
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HAGIOGRAPHIES ET LÉGENDAIRE ARTHURIEN
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On remarquera la parenté qui unit la Pentecôte populaire du
bocage, vouée aux cultes de fécondité du Bocage avec leurs processions
rogatoires qui sont mises en oeuvre au temps de la reverdie et celle du
Graal à la cour d’Arthur où triomphe cette nouvelle coupe d’abondance,
matrice universelle, lieu de tous les renouvellements.
Baudemagu, roi de Gorre et saint Bômer.
Né en Aquitaine, saint Bômer ou Baudomiro ou Baumadus
(diocèses de Le Mans, Angers), également honoré au diocèse de Tulle sous
le nom de saint Baumade, saint évangélisateur, est connu comme ermite du
Maine et du Perche. Après un séjour à l’abbaye de Mici, il est envoyé par
saint Innocent évêque du Mans aux sources de la Braye (actuellement en
Eure et Loire), où il se rend célèbre par des miracles qu’il accomplit sous le
roi Childebert. Il fonde ensuite une abbaye au Passais. Il décède le 5 août
vers la fin du VIe siècle (570) / une charte d’Henri II et une bulle du pape
Grégoire X confirmèrent la solidité de son culte8. Les évêques du Mans lui
consacrèrent un autel dans leur cathédrale.
Le culte de St Bômer n’est pas moins associé aux Marches puisque
toutes les paroisses qui lui étaient consacrées au diocèse du Mans se
trouvaient en marche, en position de frontières. C’est le cas à Saint Bômer
les Forges, au Passais, entre Maine et Normandie, et encore à Saint Bômer
au Perche, à la limite actuelle de l’Orne et du Loir et Cher, et à FontaineCouverte, en Mayenne angevine prés de Brains sur les Marches, au Sud de
Château-Gontier. Pour franchir la limite communale entre ces deux
communes, on franchit une passerelle encore appelée de nos jours « La
Planche Arthour ».
On retrouve, dans le culte de saint Bômer et dans la dispersion
géographique des paroisses qui s’en réclament dans l’ancien diocèse du
Mans, cette fonction de frontière, qui est aussi dans le roman une fonction
de Baudemagu, roi de Gorre, pays loin aux limites du royaume d’Arthur, ce
qui est le fait même de Bômer, abbé, qui, selon le bréviaire sagien, est
précisément envoyé par St Innocent « ad Cenomanorum limites» . Nous ne
8 Flament Pierre, « Les ermites du Passais », in La Légende arthurienne et la Normandie, Condé sur Noireau,
Corlet 1983.
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sommes pas si loin de Gorron, chef lieu de canton de la Mayenne, (8
lieues).
Baudemagu, roi de Gorre.
De tous les personnages de la Table Ronde, Baudemagu est sans
doute l’un des plus sympathiques. Ses biographes en faisaient le neveu et
successeur d’Urien, qui descendait de Joseph d’Arimathie. Il parvint
péniblement au rang de chevalier de la Table Ronde et, pourtant, une fois
promu, on le comptait parmi la pléiade de privilégiés admis à la Quête du
Graal.
Il est surtout connu à cause de son fils, Méléagant, lequel enlève la
reine Guenièvre au royaume de Gorre, épisode pendant lequel il affiche une
grande volonté de conciliation.
C’est Lancelot lui-même qui constate sa mort en passant devant un
tombeau fraîchement édifié où il lit cette inscription : « Ci Gist li roi
Baudemagu de Gorre que Gauvain, li niés le roi Arthur, occit. » Lorsque le roi
Arthur l’apprend, il en ressent une douleur immense et c’est Lancelot qui
vengera Baudemagu devant les murs de la cité de Gannes. La Mort de
Baudemagu commence les aventures qui viennent clore le roman lequel
finit par la mort du roi et l’extinction des chevaleries terrestres.
Saint Bômer vel Bohamadus ressemble comme un frère jumeau à
Baudemagu, lui aussi périt sous les coups de chevaliers indignes et l’on
trouve encore aujourd’hui sur la paroisse de saint Bômer les Forges, près de
Lonlay l’Abbaye, un tombeau mérovingien taillé à même le roc qui passe
pour un tombeau de chef tandis que l’on montre au pays un chemin qui va
de la Baud onniére à la Mag riére.
René Bansard avait relevé plusieurs ainsi plusieurs données voisines
entre les vies de Baudemagu et de saint Bômer.
La moindre d’entre elles n’est sans doute pas le fait que comme
Baudemagu, roi de Gorre, pays conquis sur les Bretons, est une sorte de
gardien des marches des possessions d’Arthur sur le continent, ainsi
Galehaut lui confie la baillie des Îles lointaines et Gorre était décrit comme
la plus forte terre de toutes les possessions arthuriennes, pays bas entouré
d’une rivière profonde, courante, large et noire et de marais si fangeux que
ce qui y était entré n’en pouvait plus jamais sortir.
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Après la mort d’Urien, roi de Gorre, son fils Yvain céda sa terre à
son cousin Baudemagu pour rester auprès d’Arthur. La maîtresse cité du
royaume était Gahion ou Gabion et se trouvait en face du Pont de l’épée ou
Pont perdu. À cinq journées de là, on franchit le fleuve par le Pont sous
l’Eau, poutre étroite jetée entre deux eaux, de telle façon que celui qui y
voudrait passer eût six pieds de rivière au dessus de la tête). Après, on n’en
entendit plus parler jusqu’au jour où Gauvain, passant devant un tombeau
fraîchement édifié, y lit l’inscription : « Ci gît li roi Baudemagu de Gorre que
Gauvains li niés le roi Arthur occist ». Gauvain en éprouvera d’ailleurs un grand
remords et c’est Lancelot qui le vengera devant les murs de Gannes.
« Arthur : dites moi si vous pensez avoir occis le Roi Baudemagu.
- Sire, fait Gauvain, je l’ai occis assurément. jamais action ne
m’a pesé comme celle-là.
- Certes, beau neveu, dit le roi, il n’est pas étonnant qu’elle
vous pése, car il m’en pèse à moi plus fort encore, puisque ma
maison en a subi un plus lourd préjudice que des quatre
meilleurs qui soient morts en la quête ».
Ainsi s’exprima le roi Arthur au sujet du roi Baudemagu.
D’une certaine façon, la mort de Baudemagu, en détruisant les
équilibres sur lesquels s’appuyait le pouvoir royal, et qui est décrite à ce titre
au premier chapitre de La Mort d’Artu, préfigure celle du roi lui-même, et la
fin des chevaleries terrestres. Il apparaît d’ailleurs dans tout le roman en
position charnière, tant lorsqu’il désapprouve son fils sans toutefois le trahir
lors de l’épisode du rapt de Guenièvre que par ses fonctions. On sait encore
que Baudemagu fut le seul à entendre la voix de Merlin après quatre jours
d’enfouissement.
Bohamadus/Bômer, périt lui aussi sous les coups de chevaliers
indignes, lui aussi était tenu en grande considération par un roi, Hugues
Capet, qui fit transférer ses reliques à Senlis, avec ceux de saint Fraimbault.
Essai d’interprétation.
Nous constatons donc un certain nombre de synchronismes et
convergences entre d’une part des vitae sancti encore en vigueur dans les
diocèses qui se partagent aujourd’hui les territoires de l’ancien
l’archidiaconé du Passais (Sées, Le Mans, Laval) et le légendaire arthurien tel
que nous le restituent les Romans de la Table Ronde composés au XIIe et au
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XIIIe siècle.
À ce stade d’une enquête initiée dans les années 1960 par René
Bansard et poursuivie depuis sans relâche (hypothèse Bansard Payen), nous
pouvons émettre quelques éléments d’interprétation.
Notons d’abord que ces récits concernent Les Enfances (celles de
Lancelot par exemple), genre qui souligne René Aigrain9 était cher aux
publics des siècles médiévaux. Il se développe dans les cycles consacrés aux
héros des chansons de geste, satisfaisant la curiosité populaire sur la
naissance et l’apprentissage de ces saints personnages. Il y aurait ainsi
attraction d’un genre littéraire sur l’autre, les rédacteurs et copistes étant les
mêmes se contentant souvent de formules littéraires et de récits de miracles
à vocation exemplaire. René Aigrain précise qu’au Moyen Age la tradition
des biographies épiscopales rejoint celle des biographies monastiques,
tandis qu’avec la vie des grands saints convertisseurs, tel saint Martin,
afflue, dés le VIIIe siècle, des Îles Britanniques, la grande vague des
convertisseurs des peuples barbares. Les abbayes normandes seront bien
placées pour réalise cette synthèse.
Le récit religieux, constitue de fait une part capitale du réel
médiéval, le christianisme proposant là à l’homme médiéval la certitude de
son historicité10. Les vies des saints (une véritable forêt) caractérisent ainsi
la civilisation médiévale. Avatars de la biographie, elles restituent une
conception médiévale de la sainteté qui déborde la légende en lui
substituant plusieurs genres et en faisant un usage immodéré de
l’exemplum, miracle prodige à des fins de lecture édifiante.
Martin Aurell11 insiste à juste titre sur le contexte pastoral qui
marque le pontificat d’Innocent II (1198-1216) et dont les romans de
l’époque portent la marque. Il voit dans leurs récits édifiants où triomphe le
héros exemplaire une visée didactique encourageant le public à se convertir.
Pour lui, les rencontres des chevaliers sur leurs chemins d’errance avec
ermites et moines blancs influencent directement le public à se sanctifier.
Les vitae dont il est question ici sont toutes situées au VIe siècle et
leurs héros sont d’Aquitaine (Auvergne). Alors qu’à l’époque
mérovingienne, le saint par excellence avait été l’évêque, c’est désormais le
9
Aigrain René, L’hagiographie, ses sources, ses méthodes, son histoire, Bollandistes, 1953, p 156
Boureau Alain, L’événement sans fin. Récit et christianisation au Moyen Âge, Les Belles Lettres, 2004.
11 Aurell Martin, La légende du roi Arthur, Paris Perrin, p. 447 sq.
10
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moine qui prévaut dans l’opinion chrétienne. Ceci explique le
développement rapide du culte de saints locaux, celui des reliques (nous
avons vu qu’elles étaient bien présentes dans les récits susdits) et la
multiplication des lieux de pèlerinages. Gabriel Fournier note à cet effet que
l’usage du sarcophage se généralise que l’on trouve des ermites partout, soit
à proximité des lieux habités, soit dans les solitudes boisées. Le
développement du monachisme est du à l’influence de saint Martin dans
l’Ouest et s’inscrit aussi dans ce cadre la fondation de Sainte Croix de
Poitiers par sainte Radegonde12.
On en trouve l’illustration sur la marche de Gaule et de Petite
Bretagne, au carrefour de plusieurs provinces, d’importantes abbayes : Saint
Evroult Notre Dame du Bois, Lonlay l’Abbaye, L’Abbaye Blanche de
Mortain, celle de Savigny le Vieux, (sans même parler du Mont saint
Michel) dont les filiales, dans l’Ouest et en Grande Bretagne, ont joué un
rôle considérable dans la diffusion des corpus et des idées.
Orderic Vital, moine historien de l’abbaye de saint Evroult en
Normandie, († 1142) est l’un des premiers, au XIIe siècle, à raconter des vies
de saints en développent des épisodes légendaires hagiographiques ou non.
Il décrit ainsi le familier d’Hugues d’Avranches, Gérald d’Avranches, qui
« raconte aux chevaliers les vies de combattants devenus saints ».
Le légendaire para historique vient ici combler les lacunes de
l’écriture des récits religieux et « tout récit ancien, profane, folklorique retro
sacralisé par l’exégèse peut prendre place dans le légendaire chrétien13 ».
Milieu longtemps fermé sur lui-même, le clergé, en brandissant ses
récits fondateurs, diversifie la légende, se répand, multiplie ses fonctions et
en acquiert une légitimité qui agit sur les consciences : intériorisation des
interdits, consolidation des lignages, renforcement de l’image de la femme,
sont aussi à l’œuvre dans les récits arthuriens. Nous avions nous même,
dans une communication à la Société de Mythologie Française14 montré les
translations existant d’un type à l’autre, (chevaliers devenus moines ou
ermites).
12
Fournier Gabriel, Les Mérovingiens, PUF, 1966.
Aigrain, op.cit, p.26.
14 Bertin Georges, Les ermites et la forêt dans le roman arthurien, SMF, 1997.
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Cette expansion légendaire extraordinaire correspond aussi à la
montée en puissance d’une couche sociale, celle des clercs, utilisant le récit
fondateur pour se légitimer. Avec l’autonomisation de l’Eglise, la légende se
diversifie, se répand, multiplie ses fonctions.
Prenons un autre exemple, celui de l’Abbaye de Savigny, proche du
Mont Saint Michel, en marche du Petit Maine et de l’Avranchin. Elle trouve
son origine avec la prolifération des ermites bien connue dans la région qui
nous occupe au début du XIIe siècle, autour d’Avranches. C’est en 1112 que
saint Vital, chapelain de Robert de Mortain, prédicateur de la première
croisade et évangélisateur du Cotentin, du Bas Maine et de la Bretagne,
fonde cette abbaye sur un chemin montois. Elève de Robert d’Arbrissel, il
est lui-même fondateur de l’Abbaye de La Roë et de Fontevraud, et fut sans
doute sensible aux critiques se faisant jour dans le clergé dont plusieurs
dignitaires s’élevaient avec vigueur contre ces ermites (on en dénombra
jusqu’à 140) qui vagabondaient et prêchaient dans les forêts du Passais et
donnaient parfois sans doute un témoignage peu en rapport avec les règles
de l’Institution. Ayant obtenu de Raoul, comte de Fougères, la concession
d’un territoire il y établit une abbaye qui essaimera dans tout l’Ouest et en
Grande-Bretagne (68 fondations aux XIIe et XIIIe siècles). Ainsi, ces ermites
apparaissent dans les premières chartes de Savigny et sont connus pour
avoir construit des chapelles dans la région du Passais, leur mode de
prédication itinérant, leur évangélisation et leur vie érémitique leur attirant
de nombreux fidèles. En 1114, un chanoine de Chartres, Rainard, mettra en
relation leur vie érémitique et celle de la vie de l’Eglise primitive, preuve
incontestable d’un retournement de l’opinion.
Les « Saints de Savigny » développèrent considérablement cette
abbaye. Fusionnée avec les cisterciens en 1147, elle connut les faveurs
d’Henri II qui la visita deux fois, la première pour y rencontrer les légats du
pape le 17 Mai 1172 et négocier avec eux les circonstances de sa pénitence
publique à Avranches, 4 jours plus tard, en expiation du meurtre de
Thomas Beckett et la seconde en 1173. Sise à l’emplacement de
défrichements tardifs, au coeur de la Terre Gâte, dont témoignent les
toponymes locaux : St Laurent ou Aubin de Terregatte, Désertines, Landelles,
Louvigné du Désert, il semble évident que son paysage aie pu impressionner
les clercs chargés de mettre en forme les récits arthuriens, d’où aussi la
prolifération des ermites dans les romans arthuriens semble être
proportionnelle à celle de la région, au début du XIIe siècle. Savigny est donc
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un lieu de transmission possible des récits hagiographiques et légendaires
du fait de ses possessions ou filiales outre Manche puisque, dés 1138,
l’abbaye comptait 10 fondations en Angleterre dont deux situées en
Cornouailles britanniques (Quarr Abbey, 1132 et Buckfast, 1136). Un des
ermites contemporains de Vital, Raoul de la Futaie, fonda Loc Maria prés
de Quimper et l’Abbaye de St Sulpice la Forêt entre Rennes et Fougères.
Tout se passe en fait comme « si la Matière de Normandie avait pris le chemin
breton » (Gilles Susong).
À Savigny, abbaye des Marches de Maine et de Normandie, se
réalise sans doute l’hypothèse de Jean Frappier estimant que la rédaction et
la diffusion des romans de la Table Ronde n’avaient pu se réaliser que dans
le cadre de la civilisation anglo-normande et de ses abbayes, à partir de lieux
où cette civilisation était en contact avec les sociétés celtiques et aussi avec
celles du Midi..
Les processus littéraires d’enracinement déjà cités y ont assurément
trouvé et une matière hagiographique (les Vitae) et un carrefour mythico
légendaire, et une situation historico géographique propres à les inspirer.
Gilles Susong a ainsi fort bien mis en évidence la composition dans la Vita
du Bienheureux Pierre d’Avranches, ancien trouvère converti à la vie
monacale, vénéré de son vivant par Henri II, d’un récit dit « de la glorieuse
révélation faite à un chevalier breton » lequel, ravi au ciel aperçut, au pied du
trône du Christ, un moine blanc de Savigny, Pierre d’Avranches. Récit qui
n’a pas manqué d’influer sur les récits graaliques.
On peut encore citer le rôle de l’Abbaye du Mont Saint Michel, aux
rives de la mer de Cornouailles, et sa réplique en Cornouailles britannique.
La mer, après la conquête formant plus vraisemblablement lien que
frontière.
Le XIIIe siècle verra le processus se systématiser. Le récit contribue
à l’intériorisation des interdits, et à exercer des pressions su la société civile
en frappant au coeur de l’imaginaire social. La visée est édifiante certes mais
aussi théologique : pour éviter le péché contempler Dieu et ses mystères15.
Cette réalité théologique est due à l’influence des théologiens
trinitaires et des cisterciens dans la rédaction et la diffusion des écrits
arthuriens tel Achard de Saint Victor, originaire de la plus vieille famille du
15
Aurell, op.cit, p. 503
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Passais, évêque de Sées puis d’Avranches au XIIe siècle et familier d’Aliénor
d’Aquitaine. Il est rédacteur d’un traité consacré à la Sainte Trinité
considéré par les spécialistes comme l’un des documents « les plus étincelants
et les plus inattendus de la pensée occidentale » (Marie Thérèse d’Alverny). Dans
l’ensemble, nous concluons que la matière de Bretagne est, pour l’essentiel,
de rédaction anglo-normande. Ce que nous savons du développement des
Abbayes normandes, de Lonlay, de Mortain, de Savigny et du Mont Saint
Michel vient nous conforter dans cette opinion.
La lecture que nous avons esquissée des ces figues érémitiques et
de leurs pendants chevaleresques nous a permis de vérifier trois
hypothèses :
- d’abord celle d’une correspondance étroite entre le roman en
prose du XIIIe siècle et nombre de récits mythiques et hagiographiques que
les clercs rédacteurs du corpus arthurien ont eu à connaître aux Marches du
Maine, de Bretagne et de Normandie où les souverains anglo-normands,
commanditaires de la Matière de Bretagne, firent de fréquents séjours, au
coeur de leurs états,
- ensuite une parenté onomastique et hagiographique au coeur
d’espaces habités et lieux de pèlerinages que les clercs lisant et écrivant,
comme leurs commanditaires, fréquentaient aux marches de Gaule et de
Petite Bretagne, l’intérêt porté par les Caroligiens, les Capétiens et les
Plantagenêts à ces ermites du Mas Maine, est ici patent,
- enfin, l’assimilation réciproque des images du prêtre et du
chevalier dans la littérature médiévale française, étudiée par l’abbé Moisan,
dans sa thèse de doctorat ès lettres. Ce va et vient sans cesse récurrent entre
les figures de l’ermite et du chevalier, outre le fait qu’il contribue à
consolider un ordre médiéval, théocratico orienté, (et l’on sait que membres
de la chevalerie et clercs appartiennent aux mêmes lignages16) réalise sans
doute plus profondément le grand rêve de coïncidence des opposés qui coexiste au mystère du Graal.
« Le Graal, a écrit Gilbert Durand, est certes preuve de
véracité du Christianisme qui a su intégrer les archétypes de
l’immémoriale Matière de Bretagne. Mais encore et surtout, le
16
Aurell, op, cit., p. 487
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Graal est le paradigme de toute puissance mythique. Il est
décidément héritage de l’homo religiosus »17.
L’attraction exercée, dans nombre récits héroïques, par
l’hagiographie en est peut-être un signe ? Aux marges du monde arthurien,
les ermites en sont, en quelque sorte, la conscience avivée et l’écriture
même des romans, en faisant entrer subtilement des faits de sainteté dans la
vie des héros, en porterait donc la trace ?
De façon beaucoup plus récente, dans son remarquable travail de
thèse, Catalina Girbea18 a mis en évidence le rôle des ermites, à la fois
exégètes, confesseurs et interprètes des événements du monde arthurien.
Vivant à l’extérieur du monde, en dehors de l’espace public et donc du
monde politique, ils agissent, comme Merlin, sur la royauté et la chevalerie
puisque le chevalier est aussi un serviteur de Dieu et de l’Eglise. Le héros
arthurien parvenu au bout ultime de sa quête devient en quelque sorte un
interprète de la volonté divine. Le rapprochement de ces rois du monde
arthurien des figures de sainteté nous semble bien dans l’air du temps, à la
fois protecteurs de leur peuple, libérateurs, auxiliaires de la foi au combat,
ils protégent l’Eglise et assurent Justice et Paix au royaume arthurien19 tout
en entretenant une certaine ambiguïté dont témoignent les fêtes populaires
organisées en leur honneur avec le monde celtique et son calendrier naturel.
Ils ne trouvent leur justification que dans la sénéfiance d’actions
oscillant comme l’écrit Catalina Girbea, entre garant de l’ordre d’un monde
désormais révolu et quête céleste20, réalisant en quelque sorte la synthèse de
valeurs centrées sur la royauté sacrée et celles de la quête individuelle de la
chevalerie célestielle.
GEORGES BERTIN.
17
Durand Gilbert, Beaux-Arts et Archétypes, Paris, P.U.F. 1989, p.235.
Girbea Catalina, La couronne ou l’auréole, royauté terrestre et chevalerie célestielle dans la légende
arthurienne, XIIe -XIIIe siècle, Turnhout, Brepols, 2007, p. 472 sq.
19 Fazz Robert, Les saints rois du Moyen-Âge en Occident, du VIe au XIIe siècle, Subsidia hagiographica n°68,
Société des Bollandistes, 1984.
20 Girbea, op. cit., p. 322 sq.
18
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