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Le Comité de gestion des risques est heureux de présenter aux membres de l’Institut canadien de design-construction (ICDC) cet article portant sur la gestion des risques. L’article traite des risques et des enjeux associés aux réclamations de cautionnement lorsqu’une partie contractante devient insolvable et fait l’objet d’une mise sous séquestre. Cet article fait suite à celui qui a été publié en 2012 par l’ICDC. Afin de vous aider à mieux comprendre le contexte, le premier article (partie I) est présenté à la suite des observations à jour (partie II) ci-dessous. L’article fait référence à un entrepreneur général qui exerçait des activités dans le contexte d’un contrat de conception-soumission-construction; toutefois, les circonstances et les enjeux soulevés dans l’article peuvent tout aussi bien survenir dans un contexte de contrat de design-construction. Le Comité de gestion des risques de l’ICDC continuera de diffuser aux membres des articles de ce genre, à mesure qu’ils seront disponibles. Nous espérons que vous trouverez cet article intéressant et utile. Quelles perspectives pointent à l’horizon? (Partie II) : par Paul Stocco Dans l’affaire Horizon Earthworks Ltd.1, la cour du Banc de la Reine de l’Alberta a tenté de faire la lumière sur la question des droits de réclamants concurrents relativement à des sommes d’argent « gagnées, mais non encore payées » par le District municipal de Greenview (« Greenview ») à un entrepreneur insolvable (« Horizon »). À l’instar d’autres contrats de construction qui permettent à un maître d’ouvrage de payer directement un sous-traitant non payé dès réception d’un avis de compte impayé, le contrat entre Greenview et Horizon permettait à Greenview de payer directement les sous-traitants non payés de Horizon. Au moment où Greenview a tenté de payer directement les sous-traitants non payés de Horizon, ce dernier était déjà en faillite. La cour du Banc de la Reine de l’Alberta a jugé que les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« Loi ») empêchaient Greenview de verser ces paiements. Essentiellement, la cour a soutenu que, face à un réclamant ayant une sûreté prioritaire enregistrée ou à un créancier prioritaire conformément à la Loi, Greenview ne pouvait pas payer les fonds « gagnés, mais non encore payés » aux sous-traitants de Horizon. La cour a ensuite ordonné que les sommes d’argent retenues soient versées aux créanciers garantis, conformément au régime de priorités prévu par la Loi. Greenview a ensuite porté l’affaire en appel à la Cour d’appel de l’Alberta.2 Devant la Cour d’appel, Greenview a fait valoir que le libellé du contrat (qui lui permettait de payer directement les sous-traitants non payés), en combinaison avec le libellé du 1 2 2011 ABQB 799 2013 ABCA 302 1 Institut canadien de design-construction – Comité de gestion des risques Juin 2015 Page 2 cautionnement de paiement de la main-d’œuvre et des matériaux qui permettait à Greenview d’intenter une action au nom des réclamants non payés, créait en fait une relation spéciale entre Greenview et les sous-traitants non payés, faisant en sorte que Greenview n’était pas tenu de se soumettre au régime de priorités prévu par la Loi. La Cour d’appel a rejeté cet argument au motif que ni le libellé du contrat ni celui du cautionnement de paiement de la main-d’œuvre et des matériaux ne créait une relation spéciale entre Greenview et les sous-traitants non payés qui aurait permis de soustraire le paiement de l’application de la Loi. Toutefois, la Cour d’appel n’a pu déterminer si, au moment de la faillite de Horizon, Greenview devait effectivement des fonds à Horizon. En raison de cette incertitude, la Cour d’appel a renvoyé l’affaire au juge de première instance pour qu’une décision soit rendue sur cette question. En d’autres mots, la Cour d’appel a jugé que, si Greenview devait des fonds à Horizon au moment de la faillite de ce dernier, ces fonds deviendraient la propriété du syndic de faillite. Pour les créanciers potentiels d’entrepreneurs généraux (c.-à-d. les sous-traitants non payés), cette décision constitue un rappel important que les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne peuvent être évitées dans le cas de la faillite d’un entrepreneur. Même si le libellé du contrat principal permet à un maître d’ouvrage consentant de payer directement un sous-traitant non payé, il est peu probable qu’un maître d’ouvrage puisse verser la somme due. Si, au moment de la faillite d’un entrepreneur, un maître d’ouvrage détient des fonds gagnés, mais non encore payés à l’entrepreneur, ces fonds seraient considérés comme faisant partie des biens de l’entrepreneur en faillite afin d’être répartis par le syndic de faillite entre les créanciers garantis, selon le régime de priorités prévu par la Loi. Paul Stocco Associé, Brownlee LLP Paul V. Stocco est un associé du cabinet de l’Alberta de Brownlee LLP et chef du groupe du droit de la construction. Me Stocco offre des conseils à ses clients sur des questions liées à tous les aspects des contrats de construction, y compris le design-construction et les PPP, ainsi que l’approvisionnement de projets de construction comportant des appels d’offres et des demandes de propositions. Il représente aussi des clients dans le cadre de litiges à tous les niveaux du système judiciaire. Me Stocco est rédacteur en chef du bulletin d’information de Brownlee LLP intitulé Constructive Thinking et il est membre du Barreau de l’Alberta et du Barreau du HautCanada (Ontario). Le groupe du droit de la construction de Brownlee LLP travaille conjointement avec plusieurs autres avocats du cabinet dont les domaines de pratique sont axés sur les litiges municipaux et les litiges commerciaux des sociétés. 2 Institut canadien de design-construction – Comité de gestion des risques Juin 2015 Page 3 Quelles perspectives pointent à l’horizon? (Partie I) : Analyse de cause : Horizon Earthworks Ltd. par Paul Stocco Horizon Earthworks Ltd. (« Horizon ») était un entrepreneur de l’Alberta spécialisé dans la construction de routes. Vers novembre 2009, un séquestre a été nommé relativement aux biens de l’entrepreneur Horizon, puis en avril 2010, Horizon a été mis en faillite. Au moment où Horizon a été mis en faillite, l’entreprise avait plusieurs projets inachevés dans l’ensemble de l’Alberta, dont un projet pour le compte du District municipal de Greenview (« Greenview »). Dans le cadre du contrat conclu avec Greenview, Horizon était tenu de verser un cautionnement d’exécution et un cautionnement de paiement de la main-d’œuvre et des matériaux de l’ordre de 761 662,22 $ chacun. Avant de verser ces cautionnements, Horizon avait conclu un accord d’indemnisation avec sa compagnie de caution, soit Western Surety. Juste avant qu'Horizon ait été mis en faillite, Western Surety a envoyé une lettre à Greenview indiquant qu’aux termes des exigences de l’accord d’indemnisation, Horizon acceptait de céder à Western Surety tous les fonds dus à Horizon en vertu de son contrat avec Greenview. Vers décembre 2009, Greenview a déclaré Horizon en défaut. À cette date-là, Greenview estimait que la somme impayée à Horizon s’élevait à 774 260,92 $. Greenview a ensuite déposé une réclamation en vertu du cautionnement d’exécution pour récupérer les coûts nécessaires pour achever le projet. Western Surety a pris des dispositions pour retenir les services d’un autre entrepreneur chargé d’achever le travail non exécuté. Par suite de la faillite de Horizon, Greenview a reçu des avis de la part de sous-traitants et de fournisseurs qui n’avaient pas été payés par Horizon. Ces avis totalisaient environ 922 807,12 $. Western Surety a payé ces réclamations en vertu du cautionnement de paiement de la main-d’œuvre et des matériaux et a pris en charge, par cession, les réclamations. En tout temps, Horizon avait deux principaux créanciers garantis. Tous deux détenaient une sûreté, c.-à-d. un contrat de sûreté générale (CSG) sur tous les biens personnels actuels et à venir acquis par Horizon. La dette due aux créditeurs garantis dépassait les fonds que détenait Greenview. À la longue, les deux créditeurs garantis et le séquestre ont conclu une entente selon laquelle le séquestre a cédé aux deux créditeurs garantis son droit à la créance de Greenview et, en échange, les deux créditeurs garantis ont donné un crédit sur la dette de Horizon. Les créditeurs garantis et Western Surety ont chacun déposé une réclamation en vue d’obtenir les fonds détenus par Greenview. 3 Institut canadien de design-construction – Comité de gestion des risques Juin 2015 Page 4 Dans sa requête à la cour du Banc de la Reine de l’Alberta, Greenview, avec l’appui de Western Surety, a proposé que les fonds qu’il détenait soient versés à la compagnie Western Surety puisque celle-ci avait, en fait, assumé les obligations envers les sous-traitants non payés de Horizon. Pour leur part, les créditeurs garantis ont revendiqué les fonds en vertu du fait que le séquestre leur avait cédé son droit à la créance de Greenview et en vertu aussi du CSG. Dans sa décision, la cour a rejeté la proposition de Greenview au motif que le paiement par Greenview aurait eu pour effet de privilégier les créditeurs non garantis par rapport aux créditeurs garantis. La cour a caractérisé la proposition de Greenview de « réorganisation privée » qui violait les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. En outre, la cour a également conclu qu’en vertu du fait que les créditeurs garantis avaient conclu un CSG avec Horizon en mai 2008, ce CSG leur accordait une sûreté sur tous les biens actuels et à venir acquis par Horizon, y compris les créances. Les créditeurs garantis avaient procédé à l’enregistrement de leur sûreté, conformément à la Loi sur les sûretés mobilières de l’Alberta, et ce, avant que Horizon n'ait conclu un contrat avec Greenview. Par contre, Western Surety n’avait pas pris de démarches pour enregistrer son accord d’indemnisation en vertu de la Loi sur les sûretés mobilières. Par conséquent, Western Surety ne pouvait pas avoir la priorité sur les créditeurs garantis. Les conclusions de cette affaire clarifient le droit qu’ont des intérêts concurrents à l’égard de fonds « gagnés, mais non encore payés » par un maître d’ouvrage à un entrepreneur insolvable. Afin de pouvoir espérer établir son droit à de tels fonds, une partie doit enregistrer, en vertu de la Loi sur les sûretés mobilières, dans la mesure du possible, son intérêt aux fonds, ou encore avoir droit à une priorité aux fonds en question en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Le résultat de cette affaire souligne aussi l’importance pour les cautions de bien connaître leur client. Les cautions doivent assurer le risque de manière adéquate, obtenir les formes de sûreté appropriées et prendre les mesures nécessaires pour enregistrer les sûretés. Cette décision de la cour laisse quelques questions sans réponses. Par exemple, si les soustraitants non payés de Horizon avaient été titulaires de privilège et que la caution avait pris, par cession, les réclamations de privilège, cela aurait-il pu servir de défense par la caution pour démontrer son droit aux fonds détenus par le maître d’ouvrage? Cette affaire a été portée en appel; par conséquent, les perspectives à l’horizon dans ce dossier ne sont toujours pas claires. 4