Dépasser les idées reçues sur le célibat des prêtres

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Dépasser les idées reçues sur le célibat des prêtres
Dépasser les idées reçues sur le célibat des prêtres
Un livre sérieux et équilibré pour nourrir de manière approfondie un débat trop
souvent escamoté
Dissipons d'emblée un malentendu. Non, le livre de Jean Mercier n'est pas une enquête partiale
destinée à répondre de manière expéditive à l'interrogation qu'indique son sous-titre: l'Église doit-elle
mettre fin au célibat des prêtres? Car, trop souvent, poser la question, c'est y répondre positivement
comme si ce changement de discipline allait résoudre instantanément la crise des vocations et les
difficultés affectives et sexuelles de certains prêtres. Au contraire d'un brûlot, le solide ouvrage bâti
par Jean Mercier, rédacteur en chef adjoint au magazine La Vie, est le fruit d'une enquête de cinq ans,
nourrissant de manière fine et approfondie un sujet qui mérite mieux que des propos péremptoires.
Désormais, on ne saurait aborder cette question, dans l'Église ou dans les médias, sans s'être référé
à ce qui devrait devenir un livre de référence sur le célibat des prêtres.
Comme le rappelle l'auteur, les idées fausses qui circulent sur les origines de cette exigence sont
légion, en particulier sur Internet. Avec la rigueur et le sens de la pédagogie qui parcourent l'ensemble
de ce travail, Jean Mercier revient d'abord aux origines. Effectivement, dit-il, il a bel et bien existé dans
l'Église catholique des prêtres mariés mais ils devaient observer une stricte continence sexuelle, au
motif que, le prêtre étant un intercesseur, l'acte sexuel est incompatible avec l'acte liturgique. Autre
rappel d'importance, la règle selon laquelle on ne peut pas changer d'état après l'ordination est établie
depuis le quatrième siècle. Édictée par le premier concile de Latran, en 1123, l'interdiction faite aux
clercs majeurs de se marier, sera reprise par les conciles de Pise en 1135 puis Latran II en 1139.
Celui-ci déclare nul le mariage contracté par un clerc. Seule la Révolution française marquera une
parenthèse concernant le célibat des prêtres.
Après ces rappels historiques, le livre revient longuement sur les raisons qui ont conduit au passage
de la continence sexuelle imposée au clerc marié ou célibataire à l'obligation du célibat. Bien sûr, les
bouleversements anthropologiques de la société moderne et le regard porté sur la sexualité
affaiblissent l'idée même de célibat et lui donnent des allures de calvaire pour celui qui s'y conforme.
Dans ces conditions, pourquoi maintenir ce qui n'est qu'une règle disciplinaire et ne relève pas du
dogme? C'est là que l'étude de Jean Mercier trouve tout son intérêt puisqu'elle explique les racines
théologiques du célibat, sans en cacher aucune des contraintes. Celles-ci peuvent se confronter à des
désirs humains dont le livre ne fait nullement mystère et qui conduisent encore aujourd'hui certains
prêtres à renoncer. Jean Mercier évoque ces cas douloureux avec délicatesse, sans porter de
jugement.
Dans le même mouvement, l'auteur envisage avec lucidité les conditions qui peuvent aider le prêtre à
assumer son engagement et à s'épanouir en lui, si éloigné soit-il de l'air du temps. « Le célibat n'est
pas d'abord le refus du mariage mais un choix mystique, celui d'être l'époux de l'Église par
identification au Christ, rappelle Jean Mercier. Cet état implique une forme de solitude qui n'est pas un
vide mais un creux que le Christ vient habiter. Il faut alors concilier cette solitude ontologique et la
nécessité d'une vie affective intense. »
Sans remettre en cause la signification spirituelle du célibat, pourquoi ne pas aussi ordonner des viri
probati (hommes éprouvés), comme les appelle l'Église catholique? Dans un passionnant chapitre, le
journaliste de La Vie donne la parole à quelques-uns de ces prêtres mariés, anciens pasteurs
d'Églises protestantes ou, surtout, anciens prêtres anglicans convertis au catholicisme. Il est
intéressant de noter qu'aucun n'adopte une posture militante en faveur de l'abrogation du célibat et tel
d'entre eux se défend d'être précurseur. L'évaluation de ces expériences a le mérite d'en éclairer les
forces et les faiblesses et aide le lecteur à se faire sa propre opinion sur un choix sans doute aussi
exigeant que le célibat à certains égards. Loin d'une opposition abusive entre la « panacée » et
l'option intenable…
BOUVET Bruno
23/10/14 - 00 H 00