Transfert de charge dans les systèmes moléculaires Des plasmas
Transcription
Transfert de charge dans les systèmes moléculaires Des plasmas
Transfert de charge dans les systèmes moléculaires Des plasmas de fusion aux systèmes biologiques I. Introduction: importance du phénomène de transfert de charge Le transfert de charge est un processus très important en physique, chimie et biochimie. En particulier le transfert de charge d’un ion mono ou multi-chargé (B, C, N, O, S, Si…) en collision avec un atome ou une molécule cible est déterminant dans les plasmas de fusion et en astrophysique. Dans une telle réaction, on a, de façon schématique, capture de n électrons de la cible A par l’ion projectile Iq+, généralement dans un état excité de l’ion I*(q-n)+. Iq+ + A → I*(q-n)+ + An+ Les processus de simple capture sont souvent les plus efficaces, mais la double ou même multi capture jouent aussi un rôle important dans nombre de mécanismes. Selon le type d’environnement, ces réactions interviennent à des énergies de collision très différentes. Dans les environnements astrophysiques (nébuleuses planétaires, plasmas coronaux..), la capture électronique est un des processus responsable de l’équilibre d’ionisation des plasmas astrophysiques. L’abondance d’un ion multichargé résulte en effet de la compétition entre les mécanismes de formation de cet ion par ionisation d’ions moins fortement chargés par exemple, et les mécanismes conduisant à sa destruction, comme la recombinaison radiative, électronique ou l’échange de charge. Compte tenu de l’abondance des différentes espèces dans ces milieux, la cible est le plus souvent l’atome d’hydrogène, H2 ou parfois He. Dans ces plasmas, les processus interviennent généralement à faible énergie de collision, de l’ordre de l’eV ou même moins jusqu’à quelques dixièmes d’eV, et on a accès expérimentalement aux constantes de vitesse k(T) du processus, en fonction de la température du plasma. Le transfert de charge joue aussi un rôle très important dans les expériences de fusion thermonucléaire contrôlée, en particulier dans les Tokamaks. En effet, les impuretés émises par les parois du Tokamak produisent des ions fortement chargés qui interagissent avec le faisceau d’atomes neutres (hydrogène et hélium) utilisé pour chauffer le plasma. L’efficacité de chauffage se trouve alors amoindrie et les états excités formés par échange de charge subissent des transitions radiatives qui déstabilisent et refroidissent le plasma. Les ions impliqués dans ces processus proviennent des éléments formant les parois et de nombreuses études ont été menées impliquant les ions du carbone, de l’azote, et plus récemment du bore. Les expériences sont généralement réalisées à des énergies de l’ordre du keV, à quelques centaines de keV, correspondant aux énergies mises en jeu dans les plasmas de fusion. Par ailleurs les ions multichargés interviennent aussi dans des réactions chimiques, ou même des réactions mettant en jeu des systèmes biologiques. En effet l’action des radiations ionisantes sur les tissus biologiques induit des dommages, en particulier sur les molécules d’ADN. Une partie importante de ces dommages est due à l’action des particules secondaires générées le long de la radiation ionisante après interaction de la radiation avec le milieu biologique. Ceci peut paraître tout à fait paradoxal, puisque l’on a d’une part des radiations de haute énergie (radiations γ) alors que les particules secondaires induisent des processus à 1 faible énergie, de 10eV à quelques keV. Ces particules secondaires sont des électrons lents, des radicaux comme OH par exemple, et aussi des ions mono ou multi chargés et un grand nombre d’études ont été menées récemment dans ce domaine. II. Description théorique 1. Calcul moléculaire On se place dans le cadre d’une description moléculaire du processus de collision, c'est-à-dire que la collision de l’ion Iq+ sur la cible A est représentée par l’évolution de la super-molécule (IA)q+. Iq+ + A → (IA)q+ On doit donc déterminer les états moléculaires, fondamental et excités, du système intervenant dans le processus de collision. a. Calcul des potentiels Pour cela on peut calculer les courbes ou surfaces de potentiel des états moléculaires à l’aide de méthodes ab-initio qui permettent de prendre en compte explicitement tous les électrons du système. On doit en particulier choisir des méthodes qui permettent de calculer les états excités avec une bonne précision, car parfois un grand nombre d’états interviennent dans le système collisionnel. Les approches CASSCF-MRCI avec interaction de configurations multi références sont bien adaptées pour les systèmes ion/atome ou ion/diatomique, elles s’avèrent un peu lourdes si la cible A est une molécule plus grosse. De telles approches ab-initio peuvent bien sûr être utilisées pour tous les types d’ions, qu’ils soient à couches électroniques ouvertes ou fermées. Pour les ions lourds (S, Si par exemple) on est amené à introduire des pseudopotentiels pour représenter les électrons de cœur. Les méthodes de potentiel modèle sont également largement utilisées pour ce type de systèmes. Elles donnent avec précision les énergies asymptotiques qui sont des paramètres importants dans ces processus. Elles sont bien adaptées pour les systèmes ion/atome lorsque on peut représenter le processus comme un ion évoluant entre deux cœurs sphériques, le cœur correspondant à la cible A+ et le cœur correspondant à l’ion Iq+, ce qui correspond à un processus de simple capture mettant en jeu un ion Iq+ à couches fermées. Elles ne permettent pas de traiter les collisions faisant intervenir un ion Iq+ à couches ouvertes et s’étendent difficilement aux captures multiples. b. Calcul des couplages Il faut déterminer aussi les interactions entre les états moléculaires, c'est-à-dire les couplages qui induisent des transitions non-adiabatiques entre les états impliqués dans la collision. Le couplage radial Il couple des états de même symétrie ψα et ψβ. Pαβ ( R ) = 〈ψ α ( R ) ∂ / ∂ R ψ β ( R ) = Pαβ( MO ) + Pαβ( CI ) Il se décompose en un terme PMO qui correspond à la variation des orbitales moléculaires 2 {ϕi}, ραβ étant la matrice densité entre les états ψα et ψβ; Pαβ( MO ) = ∑ ρ αβ ( ij ) 〈ϕ i ∂ / ∂ R ϕ j ij et un terme PCI qui correspond à la variation avec R des fonctions d’onde ψα et ψβ. Pαβ(CI ) = Cα+ ∂Cβ ∂R Bien que généralement plus faible que PCI, PMO n’est pas négligeable et doit être pris en compte. Le couplage radial se calcule le plus souvent à l’aide de la méthode des différences finies où la dérivée est représentée par un petit déplacement ∆: Pαβ ( R ) = lim ∆−1 〈ψ α ( R ) ψ β ( R + ∆ ) ∆ →0 D’un point de vue technique, on utilise souvent un calcul 3 points ou même 5 points afin d’avoir une bonne précision. On peut également utiliser le théorème de Hellmann-Feynman : ∂H Pαβ( CI ) = ( Eα − Eβ ) −1 Cα+ Cβ ∂R qui évite de calculer la fonction d’onde en plusieurs points voisins, mais les résultats sont généralement moins précis. Le couplage rotationnel Lαβ = ψ α iLy ψ β couple les états de moment angulaire ∆Λ=±1. C’est un opérateur mono-électronique qui est calculé directement à partir du moment quadripolaire, ou à l’aide des opérateurs L+ et L-. 2. Traitement dynamique a. Méthodes indépendantes du temps A partir des données du calcul moléculaire, on doit résoudre les équations couplées de collision. Selon l’énergie de collision, on peut utiliser l’approximation semi-classique, c’est le cas pour des processus aux énergies de l’ordre du keV jusqu’à 100keV environ, ou prendre une approche quantique (développement en ondes partielles) pour les énergies thermiques (eV). Aux énergies de collision de l’ordre du keV (plasmas de fusion), on utilise généralement les méthodes semi-classiques. On se place dans le cadre de l’approximation de BornOppenheimer. On considère que les noyaux suivent une trajectoire rectiligne alors que les électrons sont traités quantiquement. → R = → b + → vt r r Ψ ( r , t ) = ∑ an (t )ψ n ( r , R ) n 3 La résolution de l’équation de Schrödinger dépendant du temps conduit au systèmes d’équations couplées : i t d an (t ) vZ vb ∂ ψn ψ m − i 2 ψ n iLy ψ m exp − i ∫ (ε m − ε n ) dt ′ = ∑ am (t ) ψ n H elec ψ m − i dt R R ∂R m 0 Effets de translation La fonction d’onde est développée sur la base des fonctions électroniques {ψn }. Cette base est finie et les couplages ne satisfont pas les conditions asymptotiques. Par ailleurs ils dépendent de l’origine des coordonnées et l’invariance galliléene n’est pas garantie. r Pour s’affranchir de cette difficulté, on introduit le facteur de translation électronique fn( r ,R) et on fait une changement de base, la base adiabatique {ψn} étant remplacée par la base {χn} définie par : χn = ψn exp(ifn(r,R) v.r) Ce facteur est une fonction plus ou moins arbitraire qui doit correspondre à la bonne dissociation asymptotique. Son choix dépend de considérations physiques liées au problème étudié. On a principalement deux façons de le définir, soit on prend un facteur de translation spécifique à chaque orbitale moléculaire, on a alors un facteur dépendant de chaque état, ou alors on prend un facteur commun à toutes les orbitales moléculaires (Common Translation Factors, Errea et al. J. Phys. B 15, 101 (1982)), ce qui revient à introduire une correction au niveau des couplages entre états moléculaires : ψ K ( R ) ∂ / ∂R − ( E K − EL ) z 2 / 2 R ψ L ( R ) 〈ψ K ( R ) iLy + ( EK − EL ) zx ψ L ( R ) où z2 et zx sont les éléments de matrice du moment quadripolaire. Cette dernière approche est très largement utilisée. Cette approche semi-classique peut être étendue aux collisions ion-molécule (groupe de Madrid), en particulier molécules diatomiques. Iq+ + H2(v=0) → I(q-1)+ + H2+(v) On se place dans le cadre de l’approximation soudaine où l’on suppose que les transitions électroniques ont lieu dans un intervalle de temps suffisamment court pour pouvoir considérer que les vibrations et rotations restent inchangées. Si on considère que la distance interatomique H-H est fixée, on a des équations formellement identiques au cas précédent. On peut prendre en compte les mouvements de vibration en développant la fonction d’onde sur les fonctions les fonctions de vibration, χv=0 pour la voie d’entrée, χ’v pour les voies de sortie, avec toujours une trajectoire R(t) rectiligne: R(t ) = b + vt P el ( Rd , b, v ) = ∑ a j ( Rd ; b, v, ∞) 2 j Pov ( Rd , b, v ) = ∑ ∫ a j ( Rd ; b, v, ∞) × χ 0 ( Rd ) χ v' ( Rd )dRd 2 j Cette expression se simplifie dans le cadre de l’approximation centroïde où seul le 4 recouvrement entre les fonctions vibrationnelles à l’équilibre est pris en compte. On peut alors exprimer la probabilité de capture sur un niveau vibrationnel donné à partir des coefficients de Franck-Condon : P0Cv ( Rd , b, v ) = P el ( Rd ; b, v ) F0 v b. Méthodes dépendantes du temps : propagation de paquets d’ondes Des approches dépendantes du temps peuvent aussi être envisagées pour ce genre de problèmes, en particulier pour des collisions à faible énergie. Dans ce cas, à chaque énergie de collision : On prépare un paquet d’onde (gaussien) dans la voie d’entrée On le propage sur les différentes voies pour chaque valeur du moment angulaire total K On enregistre les amplitudes de collision dans la région post collisionnelle. On doit résoudre l’équation de Schrödinger dépendant du temps connaissant la fonction d’onde de la voie d’entrée : 1 ΨiK ( r, R, t ) = ∑ φαKΛ ( R, t )ψ αΛ ( r, R )YΛK (θ ,ϕ ) R αΛ où K est le moment angulaire total et Λ sa projection sur l’axe internucléaire. On a donc à résoudre les équations : ∂φ K ( R, t ) ih αΛ = ∑ HαKΛ ,βΛ 'φβKΛ ' ( R, t ) ∂t βΛ ' Avec dans le cas diabatique ( K m Λ )( K ± Λ + 1) d K ( K + 1) − 2Λ2 HK = TRI + Hd + Im K 2 2 µR µR 2 Et on les résout à l’aide d’une méthode de propagation φ K ( R, t ) = exp[iHK ( R )t / h]φ K ( R,0) 1 R − R0 φα =i ( R, t = 0) = exp( −ik0 R ) exp− 2 1/ 4 (πσ R ) 2 σ R 1 2 à l’aide du formalisme ‘Feit-Fleck split-operator’ qui utilise une représentation en variables discrètes. Les éléments de matrice de collision SβiK pour la transition i→β sont extraits par une transformation de Fourier du paquet d’ondes dans la zone asymptotique. La méthode des paquets d’ondes est particulièrement intéressante pour les systèmes polyatomiques dans la mesure où on a la possibilité de faire un traitement quantique complet pour certains degrés de liberté, pendant que d’autres sont traités classiquement. On passe de la représentation adiabatique à une représentation diabatique à l’aide d’une transformation unitaire F déterminée par l’équation : ∂ F + PF = 0 ∂R 5 Cette transformation n’est pas unique, et on peut être amenés à préférer travailler dans la représentation adiabatique. Dans ce cas l’hamiltonien fait apparaître les opérateurs ∂ / ∂R et ∂ 2 / ∂R 2 : H K = TR I + Ea + Qαβ = ψ α ( K m Λ )( K ± Λ + 1) 1 K ( K + 1) − 2Λ2 ∂ Im LQ + 2P 2 2 2 µR 2µ µR ∂R ∂2 ψβ ∂R 2 et les équations couplées sont résolues généralement par la méthode de Chebyshev. III. Applications 1. Plasmas astrophysiques a. Transfert de charge dans la réaction O2+ + H P. Honvault, M.C. Bacchus-Montabonel, R. McCarroll, J. Phys. B. 27, 3115 (1994) P. Honvault, M. Gargaud, M.C. Bacchus-Montabonel, R. McCarroll, Astron. Astrophys. 302, 931 (1995) C’est un travail déjà ancien mais qui présente des aspects très intéressants, en particulier pour montrer l’importance des différents couplages et des effets de translation à plus haute énergie de collision. C’est un système d’intérêt astrophysique qui intervient en particulier dans les nébuleuses planétaires (Petitjean et al. 1990, Péquignot 1994), mais dans un premier temps nous l’avons étudié dans un très large domaine d’énergie, de 100 eV à 10keV environ, à l’aide de méthodes semi-classiques (programme EIKONXS). Les calculs moléculaires ont été réalisés avec le programme CIPSI (interaction de configurations et perturbation) en utilisant des bases de Huzinaga. Le processus principal est une capture avec une excitation 2s→2p (processus de transfert excitation) à partir de l’état fondamental O2+(3P) + H dans la symétrie 4Σ- et 4Π, mais on doit aussi prendre en compte les états excités O2+(1D) et O2+(1S) : 4 Π O2+(2s22p2)3P + H → O+(2s2p4)4P + H+ • 4Σ• • Σ 2 ∆ 2 + Σ 2 + 2 Π O2+(2s22p2)1D + H → O+(2s2p4)2D + H+ O2+(2s22p2)1S + H → O+(2s2p4)2D + H+ Au niveau des potentiels 4Σ- et 4Π, on a une forte interaction entre la voie d’entrée (état A) O2+(2s22p2)3P + H et la voie de sortie O+(2s2p4)4P + H+ (état B) qui correspond à un très fort couplage radial, légèrement décalé selon la symétrie étudiée. 6 4 - Σ ---Π _______ 4 Courbes de potentiel de O2+(2s22p2)3P + H Couplage radial correspondant Le calcul de collision montre clairement l’importance du couplage rotationnel entre les états Σ et 4Π dans ce processus. Il devient tout à fait déterminant à partir d’environ 2 keV alors que la contribution du couplage radial diminue à ces énergies. En ce qui concerne les effets de translation, ils sont tout à fait négligeables à basse énergie, jusqu’à environ 1 keV, et ensuite sont significatifs aux plus grandes énergies de collision. Le calcul a été aussi mené à partir des états excités de O2+, comme montré sur la figure. 4 - O2+(3P) Rad seul O2+(1D) O2+(1S) Sections efficaces de la réaction O2+(2s22p2) + H Aux énergies thermiques, un calcul quantique utilisant un développement en ondes partielles a été mené. Pour la représentation de tels plasmas astrophysiques, ce qui est déterminant à connaître est la constante de vitesse du processus de capture, en fonction de la température T du milieu. Les constantes de vitesse sont déterminées en moyennant les sections efficaces σ(E) en considérant une distribution des vitesses de Maxwell. On a l’expression : 2 k (T ) = kT 3/ 2 E 1 ∫ Eσ ( E )e − E / kt dE πµ 0 7 Dans le cas du système O2+ + H, les constantes de vitesses issues de notre calcul présentent un accord satisfaisant avec les prédictions de Péquignot et al. 1994 donnant k(T)=1.4±0.3 10-9 cm3 s-1à T=13000K. Nos valeurs sont plus grandes que celles données par un précédent calcul de Butler et al. 1980, en relation avec une meilleure description des états moléculaires impliqués dans le processus. Constante de vitesse de la réaction O2+(2s22p2) + H en fonction de la température b. Recombinaison des ions du silicium par capture électronique avec l’hélium M.C. Bacchus-Montabonel and P. Ceyzeriat, Phys. Rev. A 58, 1162 (1998) M.C. Bacchus-Montabonel, Theor Chem Acc 104, 296 (2000) N. Vaeck, M.C. Bacchus-Montabonel, E. Baloïtcha, M. Desouter-Lecomte, Phys. Rev. A 63, 042704 (2001) E. Baloïtcha, M. Desouter-Lecomte, M.C. Bacchus-Montabonel, N. Vaeck, J. Chem. Phys. 114, 8741 (2001) Ce sont des systèmes d’intérêt astrophysique largement étudiés. En particulier, on dispose d’expériences de mesure de k(T) à basse température pour le système Si4+ + He (Z. Fang and V.H.S. Kwong, Phys. Rev. A 51, 1321 (1995) ; V.H.S. Kwong and Z. Fang, Phys. Rev. Lett. 71, 4127 (1993)). D’un point de vue moléculaire, le système Si4+ + He est assez simple, il met en jeu la voie d’entrée 1Σ+ {Si4+(1S) + He}, la voie de sortie 1Σ+, 1Π {Si3+(3p)(2P) + He+} et la voie 1Σ+ {Si3+(3s)(2S) + He+} : 1 + Σ Si4+(1S) + He → Si3+(3s)(2S) + He+ 1 +1 Σ Π → Si3+(3p)(2P) + He+ Le calcul moléculaire a été réalisé avec le code MOLPRO au niveau CASSCF-MRCI avec la base de Dunning cc-pVTZ. La collision a été développée à la fois avec une méthode semiclassique (EIKONX) pour des énergies de l’ordre du keV, mais surtout avec une approche quantique de propagation de paquets d’ondes aux énergies thermiques. Ce qui nous a plus particulièrement intéressés sur ce système, c’est de mener une étude complète à la fois en représentation diabatique et en représentation adiabatique afin de montrer numériquement l’équivalence de ces deux approches. 8 E1 : voie d’entrée Si4+ + He E2 : voie de sortie Si3+(3p) + H+ E3 : voie de sortie Si3+(3s) + H+ 1 + Σ Σ, Π 1 + Σ 1 + 1 Représentation adiabatique : fort couplage radial g12 Même si l’évolution du paquet d’ondes au cours du temps est différente dans les deux représentations, le module carré du paquet d’ondes dans la zone asymptotique est exactement le même, que l’on fasse le calcul à partir des potentiels et couplages diabatiques, avec la méthode ‘split-operator’, ou à partir des potentiels et couplages adiabatiques avec la méthode de Cheybyshev. 9 Calcul diabatique: Split-operator HK = TRI + Hd + ( K m Λ)(K ± Λ + 1) d K( K + 1) − 2Λ2 Im K 2µR2 µR2 Calcul adiabatique: Cheybyshev HK = TRI + Ea + Qαβ = ηα ( K m Λ )( K ± Λ + 1) 1 ∂ K ( K + 1) − 2Λ2 Im LQ + 2P 2 µ µR 2 2 µR 2 ∂R ∂2 ηβ ∂R 2 2. Plasmas de fusion a. Simple et double capture dans la réaction N4+ + He Y.S. Tergiman and M.C. Bacchus-Montabonel, Phys. Rev. A 64, 042721 (2001) Ce système, au contraire du précédent, est un système très complexe, qui fait intervenir un très grand nombre d’états, à la fois des états de simple capture N3+ + He+, et des états de double capture N2+ + He2+. 2 Σ N4+(2s)2S + He → N3+(2p2)1S + He+ A 2 2 3+ 2 1 + Σ Π → N (2p ) D + He B B → N3+(2p2)3P + He+ C → N3+(2s2p)1P + He+ 3+ 3 + D → N (2s2p) P + He E → N3+(2s2)1S + He+ 2+ 2 2+ double capture → N (2s2p ) + He → N2+(2s22p) + He2+ Le calcul moléculaire est dans ce cas assez complexe. Il a été réalisé comme précédemment avec le code MOLPRO au niveau CASSCF/MRCI et avec une base cc-pV6Z/VTZ respectivement pour l’azote et l’hélium. Ce travail a été mené en relation avec les expériences 10 de McLaughlin et al. J. Phys. B 26, 3871 (1993) à des énergies de collision dans le domaine [4-28 keV], donc tout naturellement des approches semi-classiques ont été utilisées pour le calcul de collision. Potentiels: ____ 2Σ; ____ 2Π 1: N3+(2s2) + He+ 2: N3+(2s2p)3P + He+ 3: N2+(2s22p)2P + He2+ 4: N3+(2s2p)1P + He+ 5: N3+(2p2)3P + He+ 6: N2+(2s2p2)2D + He2+ 7: N3+(2p2)1D + He+ 8: N2+(2s2p2)2S + He2+ 9: N2+(2s2p2)2P + He2+ 10: N3+(2p2)1S + He+ 11: N4+(2s)2S + He voie d’entrée Le traitement collisionnel permet de bien reproduire les sections efficaces de simple et double capture ainsi que la section efficace totale. On a aussi les sections partielles sur les différentes voies de collision. Le processus principal correspond à la capture sur l’état N3+(2p2)1S+He+ (pic expérimental A) ; la section efficace décroît avec l’énergie de collision, en bon accord avec le résultats expérimentaux. Au vu des différences d’énergies asymptotiques, le pic expérimental B correspond à deux réactions, la capture sur l’état N3+(2p2)1D + He+ et sur l’état N3+(2p2)3P + He+ et la variation des sections efficaces est là aussi en bon accord avec les mesures expérimentales. Les pics C, D et E correspondent respectivement à la capture sur l’état N3+(2s2p)1P + He+ et celle sur l’état N3+(2s2p)3P + He+ et l’état N3+(2s2) + He+. Sections efficaces totales et partielles pour le système N4+ + He Variation des sections efficaces correspondant aux différents pics expérimentaux 11 b. Collision ion-molécule : réaction B3+ + H2 M.C. Bacchus-Montabonel, Phys. Rev. A 59, 3569 (1999) Comme je l’ai mentionné en première partie, on peut étendre le traitement développé pour les systèmes ion/atome aux systèmes ion/molécule, et en tout premier lieu aux systèmes ion/diatomique. C’est tout particulièrement utile car un très grand nombre de processus font intervenir l’hydrogène moléculaire. A titre d’exemple, je présente le système B3+ + H2. Le bore est en effet, avec le carbone, une des impuretés les plus importantes que l’on peut trouver dans les plasmas de fusion et un très grand nombre d’études ont été faites sur les processus faisant intervenir les ions du bore. Le système collisionnel est assez simple, avec les états de simple capture B2+(1s22s)2S + H2+ et B2+(1s22p)2P + H2+ et aussi la double capture vers B+(2s2). 1A’ B3+(1s2)1S + H2 → B2+(1s22s)2S + H2+ 1A’ 1A’’ → B2+(1s22p)2P + H2+ double capture → B+(2s2)1S + H++ H+ On se place bien sûr en coordonnées de Jacobi et on peut étudier d’une part l’effet d’orientation en faisant varier l’angle d’attaque θ pour une distance r=H-H fixe, et également l’influence de la vibration de la molécule H2 en faisant varier la distance r=H-H. L’effet d’orientation pour la distance d’équilibre de H2 montre une forte interaction avec l’état de double capture. Cette interaction est favorisée dans l’attaque perpendiculaire mais l’effet reste assez faible. Par contre si on fait varier la distance r, on a un très fort effet d’anisotropie à plus courte distance, ici r=1.2 a.u. θ = 90° req=1.4 a.u. θ = 0° r=1.2 a.u. B3+ + H2 B+ + H+ + H+ B2+(2p) + H2+ B2+(2s) + H2+ 12 Les sections efficaces moyennées sur les différentes orientations se comparent bien avec les résultats expérimentaux de Goffe et al. (bleu), Crandall et al. et Gardner et al. (points rouges). On accède aussi aux sections efficaces du processus B3+ + H2(ν=0) → B2+ + H2+ (ν) sur les différents niveaux de vibration de H2+ Sections efficaces B3+ + H2 (ν=0) → B2+ + H2+(ν) à différentes vitesses de collision v ν v = 0.2 a.u. v = 0.3 a.u. 0 0.154 0.450 1 0.272 0.793 2 0.296 0.862 3 0.259 0.756 4 0.203 0.592 5 0.149 0.435 6 0.106 0.308 7 0.074 0.215 8 0.051 0.149 Sections efficaces moyennées sur les différentes orientations 3. Interactions ion/biomolécule a. Transfert de charge dans le système Cq++ uracile M.C. Bacchus-Montabonel, M. Labuda, Y.S. Tergiman, J.E. Sienkiewicz, Phys. Rev. A 72, 052706 (2005) M.C. Bacchus-Montabonel and Y.S. tergiman, Phys. Rev. A 74, 054702 (2006) L’interaction des radiations ionisantes avec le tissu biologique induit des dommages à l’ADN : rupture de brin simple et double single stranded DNA .... sugar-phosphate backbone A T C A C .... nucleobase .... T A G T G .... single strand break complementary double strand break Des dommages très importants sont dus aux particules secondaires générées sur le trajet des radiations ionisantes dans le milieu biologique, que ce soit lors des processus directs dus à l’action des radiations sur une molécule biologique, ou lors des processus indirects liés à l’action sur les molécules d’eau du milieu. Ces particules secondaires sont soit des électrons de faible énergie (des expériences ont été menées avec des électrons de moins de 10 eV), des radicaux comme OH, ou des ions mono ou multi-chargés. De ce fait, des expériences de mesures en coïncidence avec analyse de la 13 distribution de masse des fragments par spectrométrie de temps de vol ont été réalisées récemment sur des réactions de collision d’ion avec des systèmes biologiques. En particulier la collision des ions Cq+(q=1-6) sur l’uracile a été étudiée expérimentalement par le groupe de Gröningen à des énergies de collision de 2 à 120 keV. Dans ce type de réaction, plusieurs processus doivent être pris en compte : - la fragmentation de la molécule biologique - l’ionisation de la biomolécule - le transfert de charge entre la biomolécule et l’ion incident. Expérimentalement, on mesure la section efficace de fragmentation σfq= 1-Yuracile /Ytotal 1.0 2+ C 2+ 0.9 N 4+ C relative yield 0.8 0.7 6+ C 5+ C 2+ O 3+ 0.6 0.5 0.0 C + C 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 velocity (a.u.) Pour les ions C , la fragmentation est pratiquement totale à faible vitesse de collision, on n’a donc pratiquement pas de transfert de charge. A plus haute vitesse, la section efficace de fragmentation décroît et donc on s’attend à une augmentation de sections efficaces de transfert de charge. Pour les ions plus chargés, comme C4+ par exemple, la fragmentation est plus faible, quasi constante avec la vitesse de collision, et donc on attend un transfert de charge plus significatif. 2+ x Θ Cq+ R D’un point de vue théorique, on s’intéresse non pas au processus de fragmentation, mais au processus complémentaire de transfert de charge qui n’est pas étudié expérimentalement. Pour cela on a établi un modèle en se plaçant dans le cadre de l’approximation de la coordonnée de réaction à une dimension et on étudie l’approche de l’ion Cq+ par rapport au centre de masse de la molécule d’uracile. De façon tout à fait semblable au traitement des molécules diatomiques, on considère que la collision est rapide et on se place dans l’hypothèse de l’approximation soudaine, les transitions électroniques pouvant être considérées comme beaucoup plus rapides que les mouvements de vibration et de rotation de la molécule d’uracile. z y 14 Les calculs moléculaires ont été réalisés avec le code MOLPRO au niveau CASSCF avec la base d’orbitales atomiques 6-31G**. Deux cas limite ont été étudiés en détail, l’attaque dans le plan de la molécule d’uracile, et l’attaque perpendiculairement au plan de la molécule. Attaque dans le plan Dans ce cas, des études antérieures (Russo et al 2001, 2003 ; Yanez et al. (2003))sur les différents complexes ion-uracile ont montré que la géométrie la plus stable était obtenue lorsque l’ion s’accrochait le long de la liaison C4-O4. On a donc considéré l’attaque le long de cette liaison. Z O4 C4 N3 y O2 Cq+ C5 C2 C6 N1 x On est en symétrie Cs et on a une voie d’entrée 1A’ pour les systèmes C2+ et C4+ + uracile et 2 A’ pour les ions C3+ et C5+. Les états A’’, qui interagiraient par l’intermédiaire du couplage rotationnel ont été négligés dans ce calcul. Pour tous les systèmes collisionnels, Cq+ + uracile (q=2-5), on observe un croisement évité autour de 1.5-2 Å correspondant à l’interaction de la voie d’entrée avec l’état de transfert de charge. Exemple: C2+ + uracile, états 1A’ Voie d’entrée: {(pxO)2(πC2O2)2(πC4O4)2 (πC5C6)2} Transfert de charge πC5C6→2pzC πC5C6 2pzC D’une manière générale, pour tous les systèmes collisionnels, on a délocalisation des électrons de l’uracile vers l’ion incident, délocalisation d’un électron pour C2+ + uracile et délocalisation de plusieurs électrons pour lorsque l’ion incident est plus chargé. Attaque perpendiculaire Dans ce cas, l’ion Cq+ est le long de l’axe z centré au centre de masse de la molécule, et la molécule d’uracile dans le plan xy. 15 Les résultats sont très semblables au cas précédent. Exemple : C4+ + uracile On a un fort croisement évité avec l’état de transfert de charge {πC5C6 2pC} Potentiels C4+ + uracile Le traitement dynamique a été réalisé à l’aide de la méthode semi-classique (EIKONX) aux mêmes vitesses de collision que les mesures expérimentales (v=[0.1,0.7] u.a. ; Ecoll=[3-147] keV). On voit clairement que le processus de fragmentation et celui de transfert de charge sont deux processus complémentaires. Pour C2+, le transfert de charge est très faible à v=0.1 u.a. et augmente lorsque la vitesse de collision augmente. Par contre pour le système C4+ + uracile, le transfert de charge est significatif, et varie peu avec la vitesse de collision. Pour C3+, on observe bien une décroissance des sections efficaces de transfert de charge avec la vitesse de collision, en accord avec l’augmentation des sections efficaces de fragmentation, mais les valeurs semblent un peu faibles. Expérience : sections efficaces de fragmentation 1.0 2+ C 2+ 0.9 N 4+ C relative yield 0.8 0.7 Calcul théorique : sections efficaces de transfert de charge (10-16 cm2) 6+ C 5+ C 2+ O 3+ 0.6 0.5 0.0 C + C 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 velocity (a.u.) Le processus de transfert de charge apparaît très anisotrope. Pour C2+ par exemple, les sections efficaces restent toujours faibles mais l’attaque dans le plan est un peu plus efficace, alors que pour C4+ l’attaque perpendiculaire est nettement favorisée avec des sections efficaces environ 30 fois supérieures à celles de l’attaque coplanaire. Une étude plus détaillée en fonction de l’angle d’attaque θ montre d’ailleurs clairement que le transfert de charge est favorisé pour ce système dans un angle solide d’environ 20° autour de la direction perpendiculaire. 16 4. Conclusion J’espère vous avoir convaincu de l’intérêt du processus de transfert de charge. C’est un phénomène très général qui intervient dans un large domaine, que ce soit dans le cas des plasmas astrophysiques ou des plasmas de fusion, ou dans l’action des ions secondaires créés par les radiations sur les biomolécules. Ce genre de processus peut être traité très précisément dans le cas des systèmes ion/atome. Pour les systèmes plus complexes comme les réactions ion/biomolécule nous avons proposé un modèle très simple qui bien sûr peut être amélioré. Il permet néanmoins d’apporter un certain nombre d’informations dans le cas d’un processus direct comme celui que nous avons présenté. On montre bien que fragmentation et transfert de charge sont des processus complémentaires à prendre en compte dans ce type de réactions. Le processus de transfert de charge est très anisotrope, en particulier pour les collisions avec les ions plus chargés comme C4+ pour lesquels les sections efficaces de transfert de charge sont significatives. Ce type d’approche peut s’appliquer aux processus indirects, où on a collision d’un ion avec le solvant, généralement l’eau, ou le radical OH généré par l’action des radiations sur l’eau. 17