la selection des distributeurs - Centre de droit de la Consommation

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la selection des distributeurs - Centre de droit de la Consommation
UNIVERSITE MONTPELLIER I
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
UMR 5815 « DYNAMIQUES DU DROIT »
MASTER RECHERCHE DROIT DU MARCHE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2008-2009
LA SELECTION DES DISTRIBUTEURS
PAR MARION MURCIA
MEMOIRE REALISE
SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-LOUIS RESPAUD
MAITRE DE CONFERENCE A LA FACULTE DE DROIT D’AVIGNON
Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché
UNIVERSITE MONTPELLIER I
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
UMR 5815 « DYNAMIQUES DU DROIT »
MASTER RECHERCHE DROIT DU MARCHE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2008-2009
LA SELECTION DES DISTRIBUTEURS
PAR MARION MURCIA
MEMOIRE REALISE
SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-LOUIS RESPAUD
MAITRE DE CONFERENCE A LA FACULTE DE DROIT D’AVIGNON
Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché
« La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur »
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :
Monsieur Jean-Louis Respaud, Maître de conférences à la Faculté d’Avignon et Directeur de
cette étude, pour avoir su me laisser la liberté nécessaire à l’accomplissement de ce mémoire,
tout en ayant fait preuve d’autant de disponibilité et de gentillesse.
Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du
Master Recherche Droit du Marché, pour m’avoir permis de suivre ce parcours et pour ses
riches enseignements.
Monsieur Vincent Cadoret, Doctorant à la faculté de droit de Montpellier, pour son aide
précieuse, sa patience, ses encouragements et son soutient.
Et enfin, l’ensemble de la promotion 2008-2009 du Master Recherche Droit du Marché et
ceux dont le nom n’apparait pas dans ces quelques lignes, qui m’ont aidés d’une manière ou
d’une autre.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................ 2
PREMIERE PARTIE L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION PAR
LA DETERMINATION DU BESOIN ................................................................................ 20
TITRE I La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction
juridique par le processus................................................................................................... 22
Chapitre I L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? ......................... 22
Chapitre II La satisfaction juridique du processus de sélection ................................... 52
TITRE II Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement juridique
du processus de sélection .................................................................................................... 83
Chapitre I Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit
de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences .............................................. 84
Chapitre II L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ................................................... 102
DEUXIEME PARTIE LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU
BESOIN DE SELECTION ................................................................................................. 119
TITRE I La recherche de qualifications aux processus de sélection ........................... 122
Chapitre I La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils
contractuels du droit français ..................................................................................... 123
Chapitre II L’élargissement de la recherche aux frontières internationales .............. 150
TITRE II La gestion des risques de la négociation dans le processus de sélection ... 185
Chapitre I La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus
de sélection ................................................................................................................ 187
Chapitre II La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le
processus de sélection ............................................................................................... 219
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 236
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 239
INTRODUCTION GENERALE
1. La sélection naturelle ou sélection darwinienne - « Si lente que puisse être la marche de
la sélection, puisque l'homme ne peut, avec ses faibles moyens, faire beaucoup par sélection
artificielle, je ne vois aucune limite à l'étendue des changements, à la beauté et à l'infinie
complication des coadaptations entre tous les êtres organisés, tant les uns avec les autres,
qu'avec les conditions physiques dans lesquelles ils se trouvent, qui peuvent, dans le cours des
temps, être effectuées par la sélection naturelle, ou la survivance des plus aptes »1.
La célébration du cent cinquantième anniversaire de la théorie de la sélection naturelle, et
notamment du principe de sélection, parmi les trois principes directeurs, est propice à
quelques parallèles. Pour Darwin, la sélection naturelle est le résultat de la « lutte pour
l'existence ». Il ne saurait s’agir d’analyser l’évolution des espèces en fonction de leur
environnement, seulement de percevoir que dans la nature, seuls les plus aptes, génétiquement
parlant, survivent.
Aussi, la sélection quantitative des distributeurs tend à la même constatation, dans les
relations d’affaires, seuls les candidats les plus aptes à revendre les marchandises sont
sélectionnés et intégrés au réseau de distribution. Une distinction essentielle est cependant à
noter dans la sélection qualitative, seuls les revendeurs correspondant aux critères de sélection
établis par le fournisseur sont retenus mais tous les candidats satisfaisant les conditions de
commercialisation. Or, la lutte pour l’existence s’effectuant entre les espèces et au sein d’une
même espèce, avec des êtres vivants ayant les mêmes capacités, la survie de certains se fait au
détriment d’autres2.
1
DARWIN C., L'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l'existence dans la
nature, Editions Reinwald, Paris, 1876.
2
Une histoire amusante imaginée par Richard DRAWKINS permet de comprendre un élément important de la
théorie Darwienne. Deux brontosaures voient un T-Rex avancer dans leur direction et se mettent à courir aussi
vite qu'ils le peuvent. Puis l'un des deux dit à l'autre, « pourquoi nous fatiguons-nous au juste ? Nous n'avons de
toute façon pas la moindre chance d'arriver à courir plus vite qu'un T-Rex ! ». Et l'autre lui répond cyniquement,
« je ne cherche pas à courir plus vite que le T-Rex. Je cherche juste à courir plus vite que toi ! ».
2. La sélection dans la distribution – Opération économique3, caractérisée comme étant l’un
des trois stades de l’activité économique, la distribution est un acte intermédiaire situé en aval
de celui de la production et en amont de la consommation.
La distribution peut être définie de manière très générale comme « l’ensemble des opérations
par lesquelles un bien, après le stade de sa production, ou une prestation de service après le
stade de sa conception, est vendu ou fourni, à l’acquéreur ou à l’utilisateur final »4. Une
opération de vente succède à la revente, l’intermédiation commerciale de marchands est
nécessaire à la distribution des produits. Le commerce se réalise simplement par une
succession, régulière ou irrégulière, d’achats pour revendre, liant le distributeur au fournisseur
par un contrat de vente.
Pendant une longue période de l’histoire de l’humanité, le groupe social a vécu en autarcie,
chaque producteur consommant les produits qu’il créait. L’économie ne reposait pas sur la
distinction entre les activités de production et de consommation et elle ne connaissait pas
d’activité de distribution5. Pour que naisse véritablement la fonction de distribution, il a fallu
la conjugaison de deux éléments ; l’irruption des moyens de transports, qui a permis à un
producteur d’acheminer la marchandise vers le consommateur, et l’avènement de l’industrie,
engendrant une production de masse que ne permettait pas l’artisanat6. La fonction de
distribution s’est développée vers 1850 mais n’a pris de véritable ampleur qu’à la sortie de la
seconde guerre mondiale, avec la restructuration économique générale7. L’augmentation du
pouvoir d’achat, de niveau de vie des ménages, conjuguée à la multiplication des entreprises,
a engendré de profonds bouleversements propices au développement de la distribution.
La distribution s’organise par l’instauration de relations commerciales durables entre
fournisseur et distributeur, qui comprennent les enjeux inhérents à leur partenariat, mettant fin
au commerce traditionnel. Dès lors, le phénomène de sélection se déploie, les fournisseurs
poursuivant l’intérêt de trouver les distributeurs correspondant à leurs conditions de
commercialisation, à leurs souhaits. Des nouvelles formes de commercialisation apparaissent,
3
Jean-Baptiste SAY a étudié pour la première fois la distribution comme étant un stade de l’activité
économique, Traité d’économie politique, simple exposé de la manière dont se forment, se distribuent et se
consomment les richesses, 1803 in D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008, n° 1, p. 1.
4
Lamy Droit économique, 2008, n° 3709.
5
D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008, n° 2, p. 1.
6
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, J. GHESTIN (dir.), Traité des contrats, Les contrats de la
distribution, L.G.D.J, 1999, n° 1, p. 1.
7
A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 2, p. 10.
en ayant recours à la constitution de réseaux de distribution8. Le fournisseur, pour rendre
effective la sélection de ses distributeurs, met en place un réseau permettant leur
regroupement.
3. L’enjeu de la sélection, la constitution du réseau de distribution – La Grande crise
industrielle de 1929 de surproduction en Europe conduit à l’émergence de nouvelles formes
de contrats basées sur la coopération entre fournisseur et revendeurs. Des modes de
commercialisation structurés apparaissent, tels que la concession commerciale dans le secteur
automobile, les contrats d’agréation, d’assistance et de fourniture, les contrats de franchise,
dans la parfumerie de luxe. Les rapports bipolaires entre vendeur et acheteur sont
progressivement remplacés par des rapports pluri polaires où une entreprise traite
identiquement avec de multiples contractants pour mettre en œuvre une politique de
distribution9.
Aujourd’hui, le réseau de distribution ne tend plus à produire mais plutôt à vendre, tout en
créant un avantage concurrentiel à son promoteur ainsi qu’à ses membres, afin d’assurer une
commercialisation optimale des produits, tout en instaurant une politique marketing uniforme,
une stratégie de différenciation commune.
« Le réseau de distribution est celui qui naît de la somme de volontés individuelles, unissant
un fournisseur, l’intégrateur, à une pluralité de revendeurs, distributeurs intégrés, donnant
naissance à des accords-cadres principaux liés à des contrats accessoires, constituant un
groupe de contrats synallagmatiques, conclus à titre onéreux et dans l’intérêt commun de ses
membres, en vue d’organiser la revente de produits et/ou la fourniture de services, sur un
marché déterminé, à un consommateur final »10. La dimension collective11 du réseau met en
lumière les relations d’interdépendance entre les contrats constitutifs du réseau. Tout l’enjeu
de la sélection pour son initiateur est de bénéficier, par la constitution du réseau, d’un
pouvoir, à la fois hiérarchique et finalisé12.
8
L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, thèse, L.G.D.J., 1995, n°6.
V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 3, p. 8 et s.
10
Op. cit. n° 3, p. 8.
11
V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 5, p. 12 : Le
terme « collectif » vient du latin collectivus et signifie « qui groupe, qui rassemble », et dérive du mot
« collecter » (latin colligere : rassembler, recueillir), désignant un assujettissement à une contribution.
12
L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, n° 12, p. 14, in Mélanges en l’honneur de Y.
GUYON, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003.
9
Le réseau est perçu par certains auteurs comme étant un groupe de contrats, possédant la
structure circulaire caractéristique des ensembles13, convoitant « un but commun à toutes les
parties, connu et voulu par elles, qui assure la connexité de leurs conventions »14. Pour
d’autres auteurs, le réseau est un ensemble de contrats dont le concédant serait le pivot, sans
qu’il n’existe de lien juridique entre les concessionnaires15. Le réseau est un « faiseur de
contrat », constitué de « liens opérationnels unissant des partenaires à des contrats distincts
mais qui concourent tous à un même sort économique » 16.
La reconnaissance de la personnaliste juridique du réseau ne semble pas nécessaire à
l’appréhension de l’intérêt commun du fournisseur et des distributeurs, véhiculé par sa
constitution. La réunion d’apports, l’affectio cooperandi, le respect d’obligations dans l’intérêt
du réseau sont autant d’éléments témoignant des synergies développées par la création d’une
telle institution17. La délimitation d’un besoin de sélection découlant ensuite sur la satisfaction
juridique de celui-ci par la mise en œuvre du processus de sélection, tend à la constitution
d’une organisation, le réseau de distribution. La sélection des candidats revendeurs, pour leur
intégration au sein de l’entité, présente une importance cruciale du fait que les efforts de
chaque distributeur bénéficient à l’ensemble des membres du réseau et inversement, la
défaillance, les manquements d’un seul pénalisent tout le groupe.
En droit de la distribution, le réseau traduit un « recentrage » des entreprises sur leurs
compétences et leurs missions visant à la réalisation d’une coopération du fournisseur avec un
ensemble de distributeurs, afin d’optimiser leurs fonctions18. L’un des moyens de parvenir à
l’efficience du processus de sélection consiste en une stratégie de développement par
rapprochement contractuel entre entreprises. Il existe une diversité de réseaux de distribution,
externes ou internes à l’entreprise, qu’il convient de distinguer du circuit de distribution19.
L’exclusion de la sélection pour certains réseaux simples de distribution - La démarche
poursuivie par le fournisseur consiste à trouver une « offre de commercialisation »
13
B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, thèse, L.G.D.J, 1975, p. 213, n° 113.
Op. cit., p. 36, n° 87.
15
J. LE CALVEZ, Les contrats d’exclusivité, thèse, Paris, 1979, p. 418 et s.
16
J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution contemporaine du droit
des contrats, PUF., 1986, p. 167 et s.
17
L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, p. 1, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON,
Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003.
18
Le « réseau » est doté d’une certaine souplesse, il repose sur « une formalisation non directive c’est-à-dire
portant sur des résultats à atteindre et non sur le détail des moyens pour y parvenir », G. PACHE et C.
PARAPONARIS, L’entreprise en réseau, PUF, 1993, p. 46.
19
Le circuit de distribution désigne le parcours d’un bien de la production à la consommation.
14
correspondant à un besoin déterminé de sélection. Par la création de réseaux simples de
distribution, l’entreprise de production, d’importation ou de gros peut assurer elle-même la
distribution de ses produits. L’entreprise peut opter pour un réseau de succursales, tendant à
décentraliser géographiquement son activité de distribution ou une partie de celle-ci. « Pour
avoir la qualité de succursale, un établissement doit, par rapport au siège central, être à michemin entre l’indépendance et l’assujettissement complet : indépendant, il constituerait une
autre entreprise, bien que propriété de la même personne ; totalement assujetti, il ne
réaliserait pas la décentralisation nécessaire et ne constituerait qu’un simple prolongement
de la maison principale »20.
Aussi, « l’intérêt de la formule tient essentiellement à la possibilité pour l’entreprise « mère »
de développer son implantation en maîtrisant totalement l’activité des points de vente
succursalistes grâce au pouvoir exercé sur les personnes à la tête de ceux-ci (…) »21. La
stratégie commerciale s’illustre notamment par la volonté d’une uniformité tarifaire ; politique
de prix imposé impossible dans les réseaux complexes de distribution, en présence d’un
distributeur commerçant indépendant, sans le risque de la condamnation au titre de
l’imposition des prix de revente minimum.
Une autre alternative s’offre au fournisseur, le recrutement de salariés, « force de vente » de
l’entreprise. La subordination juridique est l’élément essentiel, octroyant au fournisseur un
contrôle poussé de la distribution de ses marchandises. Cependant, les voyageurs
représentants placiers disposent d’une autonomie relative dans l’exercice de leur activité de
représentation ; ayant pour mission de prospecter la clientèle dans un secteur géographique
qui leur a été attribué. Ces derniers bénéficient d’un régime spécial 22, d’ordre public, avec une
certaine indépendance dans les missions qui leurs sont confiées, mais demeurent soumis au
pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur.
Certains réseaux simples de distribution sont constitués par le recrutement de personnes
subordonnées, uniquement dans le prolongement du fournisseur. Or, la sélection des
distributeurs concerne le phénomène par lequel le fournisseur choisit des commerçants,
juridiquement indépendants en fonction de leurs capacités à distribuer les produits. Le
processus de sélection ne trouve à s’exprimer dans le phénomène de sélection d’un exécutant,
20
M. CABRILLAC, Unicité ou pluralité de la notion de succursale en droit privé, in Dix ans de conférences
d’agréation : Etudes de droit commercial offertes à Joseph HAMEL, Dalloz, 1961, p. 120.
21
D. FERRIER, Droit de la distribution, op. cit., n° 81, p. 52.
22
Régime des VRP instauré par la loi du 18 juillet 1937 modifiée par la loi du 6 mars 1957, modifiée en 1973 et
codifiée aux articles L. 751-1 à L. 751-15 du Code du travail.
d’un autre soi-même. En effet, si l’on admet que la sélection s’applique dans les réseaux
succursalistes, cela reviendrait à dire qu’il existe un processus de sélection lors du
recrutement d’un salarié et il faudrait également convenir que la sélection s’inscrit non plus
dans les relations d’affaires mais dans les relations de subordination. La sélection des
distributeurs ne peut donc pas s’étendre au-delà du choix de candidats, commerçants
indépendants, sans quoi les enjeux liés à la coordination, à la coopération entre deux
entreprises ne seraient plus perceptibles.
La difficulté d’identification et de gestion de la sélection résulte notamment d’une prise de
risque, en conférant la responsabilité de la commercialisation des marchandises à des
commerçants indépendants, disposant d’un pouvoir décisionnel, certes encadré mais existant.
L’enjeu de la réussite du processus de sélection tend alors à n’intégrer dans le réseau de
distribution que les revendeurs satisfaisant les critères de commercialisation. Pour cette
raison, le choix est d’écarter ces modes de commercialisation du seul fait que le processus de
sélection ne se détache pas de la personne du fournisseur.
Les agents commerciaux, commissionnaires et courtiers sont également écartés du champ de
l’étude ; les agents commerciaux étant des mandataires civils qui agissent au nom et pour le
compte de leur mandant. Les commissionnaires et les courtiers sont considérés comme des
intermédiaires occasionnels, cette caractéristique étant exclusive de la constitution d’un réseau
de distribution, dont l’existence suppose l’instauration de relations commerciales de longue
durée. Les commissionnaires sont des mandataires commerçants qui agissent pour le compte
de leur mandant, mais en leur nom23. Les courtiers sont des commerçants indépendants mais
leur fonction ne correspond pas à la revente de produits puisqu’ils sont chargés de mettre en
rapport des personnes qui contracteront éventuellement entre elles par la suite.
Le cadre de l’étude circonscrit aux réseaux de distributeurs indépendants - Le processus
de sélection ne peut porter que sur le choix de distributeurs indépendants, commerçants24,
exerçant leur activité en leur nom et à leur compte. Ceux-ci supportent, par conséquent, les
risques de perte et bénéficient des profits engendrés par leur exploitation25. Les distributeurs
sélectionnés sont libres dans l’exercice de leur activité économique, maîtres de leurs
décisions, mais doivent se conforter à la politique commerciale du promoteur du réseau. La
23
C. com. Art. L. 132-1.
Cass. com., 21 oct. 1970, JCP 1971, éd. CI, 10131, note P. LEVEL.
25
V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, op. cit., n° 23, p. 34.
24
liberté d’exploitation est alors encadrée, conditionnée au respect des obligations inhérentes à
l’intégration et au bon fonctionnement du réseau.
L’ajustement entre l’indépendance juridique des distributeurs et le contrôle de la bonne
commercialisation des marchandises doit être trouvé, afin de générer des retombées positives
par la constitution du réseau. En effet, les membres du réseau doivent conserver, au nom de la
liberté du commerce et de l’industrie, leur liberté décisionnelle dans la gestion de leur activité
économique. Cependant, l’existence même du réseau est conditionnée au respect, notamment
des conditions de commercialisation, des indications concernant la promotion des produits de
part ses membres. Aussi, il convient de trouver le juste équilibre propice au bon
fonctionnement du réseau tout en octroyant aux distributeurs suffisamment de liberté ; leur
subordination conduirait à la requalification de leurs contrats-cadre de distribution en contrats
de travail.
Le contrat de distribution sélective, le contrat de distribution agrée, le contrat de concession
exclusive, la franchise commerciale illustrent autant de systèmes de distribution faisant l'objet
d'une sélection des distributeurs. Les caractéristiques, mode de fonctionnement de chacun
d'entre eux différent. Aussi, la validité du réseau, des critères de sélection et de leur
application s'apprécie en fonction du système de distribution retenu.
4. L’appréhension de la sélection - Corrélations et enjeux entre besoin et processus de
sélection - « C’est en effet la grandeur de l’esprit humain que de chercher à saisir le monde
par un système conceptuel et efficace. Mais c’est aussi sa faiblesse que d’y croire
exagérément (…). L’esprit doit tendre vers la synthèse qui contente non seulement un de nos
besoins – tel que l’ordre et l’aménagement technique, mais tous nos besoins »26.
Le besoin de sélection est situé en amont du phénomène et découle sur le processus de
sélection, qui est l’expression concrète, la satisfaction juridique des nécessités formulées par
le fournisseur concernant, principalement, la commercialisation des produits. Le besoin de
sélection étant la cause, à l’origine de la survenance du processus de sélection, il est
nécessaire d’appréhender ses particularités afin d’en délimiter les contours. Comprendre le
besoin de sélection revient alors à cerner le fait générateur du processus.
26
A. DE SAINT-EXUPERY, « Aux américains », in Ecrits de guerre. 1939-1944, Gallimard.
La diffusion de l’insaisissable sélection, l’environnement de la sélection - L’analyse de la
sélection des distributeurs est confrontée à un étalement dans le temps, la sélection est tout
d’abord envisagée, souhaitée, c’est le besoin de sélection, puis celui-ci est concrétisé par le
processus de sélection, qui constitue la satisfaction juridique du besoin.
La sélection tend à la constitution d’un réseau de distribution dans un premier temps mais les
synergies développées par le réseau ne peuvent perdurer sans une réadaptation constante des
nécessités de la commercialisation des produits, de la prise en considération des attentes des
consommateurs. Aussi, le promoteur du réseau a vocation à renouveler son besoin de
sélection et peut, lorsque les modifications à effectuer sont telles, réorganiser le réseau de
distribution. Un nouveau besoin de sélection est identifié, auquel il conviendra de répondre
juridiquement parlant par l’élaboration de nouveaux critères de sélection et par la mise en
œuvre d’un nouveau processus. La sélection n’est jamais définitive, éteinte, une fois réalisée,
puisque l’adéquation entre les nécessités formulées par le fournisseur et la création de tel ou
tel réseau de distribution par le choix de candidats n’est que temporaire. Néanmoins, la
sélection des distributeurs tend à la création de relations commerciales de longue durée, aussi
l’actualisation de la sélection peut être satisfaite par les membres du réseau, du fait qu’ils
correspondent encore aux nouvelles conditions de commercialisation.
Juridiquement parlant, qu’est ce que le besoin de sélection ? La notion de sélection n’est
reconnue que par le résultat auquel elle tend, la création d’un réseau de distribution, par la
conclusion de contrats-cadre de distribution. En outre, il n’existe pas de définition juridique
du besoin de sélection. Le processus de sélection est dévoilé par l’analyse et le contrôle de la
licéité des critères de sélection, leur mise en œuvre mais le phénomène de sélection demeure
encré dans la période informelle des négociations. Aussi, pour satisfaire quelqu’un ou quelque
chose, il est indispensable de connaitre ses besoins, ses nécessités. Le fournisseur ne peut être
satisfait par la réalisation d’un processus de sélection que s’il a préalablement déterminé le
besoin de sélection propre à sa volonté et à ses produits.
Identification du besoin de sélection - L’identification des nécessités liées à la
commercialisation des produits est essentielle, la délimitation du besoin de sélection impulse
le choix du système de distribution et envisage sa satisfaction juridique.
Les contours du besoin de sélection ne sont pas aisément visibles, palpables, leur
identification procède de la réunion de nombreux facteurs, diversifiés. Certains fournisseurs
souhaitent mettre en place un système de distribution générateur d’une efficience économique
et commerciale, afin de maximiser la qualité de la commercialisation, des services, mais
également le niveau qualitatif des produits. Les consommateurs bénéficient des retombées
positives de l’instauration d’un réseau organisé de distribution, du fait d’un élargissement de
l’offre des produits, de professionnels aptes à les conseiller pour la revente et pour l’aprèsvente. D’autres initiateurs de la sélection sont davantage préoccupés par les synergies
financières que permet de développer le processus de sélection par la création d’un réseau de
distribution.
Néanmoins, un élément fondamental impulsant la nécessité de sélectionner les distributeurs
pour leur intégration au sein d’un réseau est la protection conférée par l’entité. L’organisation
de la commercialisation en réseau permet de sécuriser la commercialisation des produits, par
l’instauration d’une politique commerciale commune à l’ensemble de ses membres. Les
distributeurs sélectionnés bénéficient d’une protection de la revente contre les marchés
parallèles et d’une garantie quant à la possibilité de sanctionner les comportements
parasitaires.
L’enjeu véhiculé par le besoin de sélection et notamment par son objet réside dans la réponse
à la question suivante : pourquoi choisir et surtout que choisir ?27
Certains auteurs opèrent une distinction entre la distribution sélective et les systèmes de
distribution dits de « commerce organisé ». Aussi, la poursuite du raisonnement conduit à
l’explication suivante, « en matière de distribution sélective, le fabricant sélectionne des
commerçants indépendants sur des critères qualitatifs pour distribuer des produits de marque
dans les conditions d’un environnement de prestige et/ou de technicité qui lui paraissent
nécessaires à valoriser sa marque, alors qu’en matière de commerce organisé (concession,
franchise, commerce associé, coopérative de commerçants détaillants), la sélection
qualitative des commerçants indépendants dépend moins du produit ou du service distribué
que de l’unité d’image identifiée que le réseau cherche à imposer au consommateur sous
couvert de la référence à une unicité d’enseigne »28.
Finalement, cela signifierait qu’il existe deux grandes catégories de besoins de sélection. Le
premier correspondrait alors au besoin du fabriquant de s’assurer de l’obtention d’un certain
niveau qualitatif de commercialisation du fait de la nature sophistiquée et des caractéristiques
27
Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999, n° 24, p. 9.
G. AMEDEE-MANESME, Plaidoyer pour la reconnaissance du concept de distribution distinctive, Rev. jur.
Com. 1995, n° 5, p. 173 et s.
28
des produits ou services, dans un esprit de valorisation. Le second besoin de sélectionner les
revendeurs tendrait plutôt à la nécessité d’une commercialisation homogène, uniforme afin de
créer des synergies issues de « l’effet de réseau »29. Le réseau est perçu en temps qu’outil
stratégique de développement et non pas seulement comme le seul moyen apte à
commercialiser les produits. Alors même que les marchandises pourraient être
commercialisées sous d’autres modes, un besoin de sélection que nous pourrions ici
requalifier de « besoin de réseau » est privilégié par son promoteur.
Le mot, le concept « sélection » n’est pas aisément déterminable du fait qu’il renvoi à un
nombre d’éléments important, extrêmement différents, variant d’un processus de sélection à
un autre. La délimitation de ses contours nécessite une étude au cas par cas, afin d’essayer de
rapprocher certains phénomènes de sélection entre eux par des aspects similaires. La sélection
se concrétise par la création d’un réseau de distribution ; aussi, les liens entre le besoin de
sélection et sa réalisation, sa satisfaction juridique par la constitution de tel ou tel système de
distribution sont primordiaux. La perception des stimulis, éléments influençant le choix du
fournisseur, en présence d’un besoin déterminé de sélection, d’un modèle de distribution est
essentielle.
Le besoin de sélection ne procède pas de l’unique volonté de son initiateur, d’autres facteurs
entrent en considération et influencent le choix du mode de commercialisation retenu. La
liberté décisionnelle du fournisseur est plus ou moins affectée par le système de distribution,
ce qui peut tendre à la modification du besoin de sélection initialement déterminé. La
distribution sélective confère une réelle sécurité dans la commercialisation des produits mais
vise à restreindre considérablement la liberté contractuelle du promoteur de réseau. Ce dernier
est lié par les critères de sélection qu’il a préalablement définis et ne saurait pouvoir s’en
détacher. Le refus de sélectionner des candidats aptes constitue une violation des exigences
d’objectivité et de non discrimination qui doivent gouverner la mise en œuvre d’un tel
processus de sélection. La sélection dans la concession exclusive permet d’opérer un choix
29
Il est assez délicat de donner une définition de ce que certains auteurs appellent « l’effet de réseau ». Certains
auteurs le considèrent comme un concept économique et d’autres, comme la manifestation d’un phénomène
juridique. Pour MM. BOUT et CAS, l’effet de réseau résulte de l’utilisation collective par les membres du réseau
de l’enseigne du fournisseur (R. BOUT et G. CAS., Droit économique, concurrence, distribution,
consommation, éd. 2000 Lamy, n° 4370, 1554). M. LELOUP considère que l’effet de réseau est le résultat du
« caractère pluri-polaire des organisations mises en place pour la couverture d’un marché » et implique
l’existence d’une « pluralité organisée de liens semblables unissant la firme aux éléments de son réseau » (Le
partage du marché par les réseaux de vente et les réseaux de distribution, in Dix ans de droit de l’entreprise, n°
13, p. 941). M. LE TOURNEAU estime que l’effet de réseau représente « les bienfaits multiplicateurs de
l’entrée dans un réseau » (Concessions. Eléments communs. Les rapports individuels, J.-Cl. ContratsDistribution, Fasc. 1010, nov. 1996, n° 74).
parmi les candidats distributeurs pour n’en sélectionner qu’un seul, le plus apte, afin qu’il
revende seul les produits sur un territoire exclusif. Le concédant est tenu de faire preuve
d’objectivité et de non discrimination mais, à la différence de la distribution sélective, il peut
limiter quantitativement le nombre de revendeurs. La franchise commerciale est le modèle de
distribution qui octroie la plus grande liberté à son initiateur, du fait qu’il puisse sélectionner
les candidats aptes à réitérer un savoir-faire, une réussite commerciale en fonction de sa
volonté.
Satisfaction juridique du besoin de sélection - Le fournisseur doit composer entre les
nécessités de la commercialisation de ses produits qu’il a identifiés et les contraintes pour la
mise en œuvre de la sélection propres à chaque système de distribution. L’initiateur de la
sélection présente un besoin de sélection, caractérisé par un entrelacement de divers
composants, tels que la volonté de maximiser les profits, de sécuriser la revente des
marchandises au moyen de l’instauration du réseau. La nécessité de sélection est perçue
comme une demande à laquelle il convient de trouver l’ajustement d’une offre de distribution,
de l’offre caractérisée par un système de distribution. L’étude se limitera à la satisfaction du
besoin de sélection au moyen des systèmes de distribution, composés de commerçants
indépendants, les plus utilisées ; la distribution sélective, avec la distribution agrée lorsque ce
système présente des éléments importants, la concession exclusive et la franchise.
Sélection et principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l’industrie Le principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l’industrie aurait pu
justifier que le fournisseur choisisse discrétionnairement les conditions de commercialisation
de ses produits et donc les critères de sélection de ses revendeurs 30. Néanmoins, alors même
que le fournisseur est libre de déterminer les critères de sélection, celui-ci doit se conforter
aux exigences légales et jurisprudentielles eu égard au système de distribution convoité. La
concrétisation du besoin de sélection est rendue possible au moyen de sa satisfaction
juridique, par la détermination de critères de sélection et leur application licite. Le respect des
exigences correspondant à chaque système de distribution conduit à privilégier une sélection
qualitative dans la distribution sélective, ne permettant la limitation quantitative que de
manière ponctuelle, tandis qu’étant plus propice dans la concession exclusivité et la franchise
commerciale. Le principe de liberté du commerce et de l’industrie tend dans le même temps à
30
D. FERRIER, Les appréciations de la distribution sélective en droit interne et communautaire, JCP E 1991,
Cah. dr. entr. n° 1.
sanctionner l’exclusion opérée aux dépens de certains candidats distributeurs et conduit à
poser des interrogations au regard du respect des exigences concurrentielles.
Sélection et enjeux concurrentiels - La sélection dans la distribution ne peut être satisfaite
sans être confrontée aux exigences légales, jurisprudentielles, nationales et communautaires.
L’éviction de certains opérateurs qu’induit la mise en œuvre de la sélection, à l’exception faite
de la distribution sélective, progresse à contre courant des enjeux concurrentiels tels que la
liberté de la concurrence. Le contrôle opéré par le droit de la concurrence doit être pris en
considération par l’initiateur de la sélection, afin d’élaborer des critères non restrictifs de
concurrence, pour que l’accord puisse bénéficier de l’exemption au titre de l’article 81, §3 du
Traité CE31. La nature du besoin de sélection détermine les exigences propres à la réalisation
du processus de sélection, au système de distribution qu’il souhaite mettre en place.
5. L’enjeu de la sélection, la conclusion du contrat-cadre de distribution – Un objectif
commun à tous les besoins et processus de sélection - La rencontre entre un besoin de
sélection défini et un système de distribution, constituant l’offre de sélection, tend à la
satisfaction du processus de sélection, qui découle sur la conclusion entre le promoteur du
réseau et un candidat distributeur du contrat-cadre de distribution. L’offre de sélection est
caractérisée par la réponse au besoin ; aussi, l’offre de sélection ne saurait s’illustrer par les
candidatures des revendeurs, n’étant finalement qu’un élément du phénomène de sélection.
Au contraire, les candidats distributeurs présentent une volonté de faire l’objet de la sélection,
un besoin de sélection, d’intégration au réseau. Dès lors, le fournisseur, seul, doit déterminer
les nécessités de commercialisation de ses produits, puis envisager leur satisfaction en
fonction des opportunités et contraintes propres à chaque système de distribution.
Certains auteurs opèrent un classement des modes de distribution en fonction de leur objet32.
La distinction est ramenée à deux catégories, présentant des sous-types, ainsi entre les contrats
de spécialisation et les contrats de réitération. Le premier « réalise un accord de
spécialisation entre deux intervenants qui n’ont pas la même activité »33, alors que l’objet du
second est de permettre à un distributeur de réitérer une réussite grâce à une formule
commerciale éprouvée. Néanmoins, cette distinction est contestée puisque le second critère
semble commun à l’ensemble des systèmes. « La relation de distribution organisée emporte,
31
Règl. CE n° 2790/99, JOCE n° L.336/21, 29 déc. 1999.
D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd. Litec, 2006, n°527, p. 231.
33
D. FERRIER, La distribution exclusive, Répertoire européen, Dalloz 1992, n° 4 in J.-L. RESPAUD,
L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, n° 11, p. 19.
32
par nature, cette spécialisation »34. Par ailleurs, ni la franchise, ni la concession ne font
l’objet d’une règlementation juridique spécifique. « Par conséquent, quelle que soit la
qualification adoptée, le droit commun s’applique »35.
La démarche consistant à ne privilégier que les distinctions existantes entre les divers modèles
de distribution est inopportune étant donné que l’aspect contractuel permet un regroupement,
une assimilation par le recours au contrat-cadre. Aussi, « la distinction entre les différentes
formes de contrats-cadre de distribution ne semble pas déterminante en matière de droit des
contrats »36. L’auteur conclu alors qu’ « en réalité, les distinctions, fondées ou artificielles,
s’effacent devant les nombreux points communs que connaissent les différents contrats de
distribution. Ces accords entretiennent une indiscutable communauté d’objectifs et de
moyens. Tous mettent en œuvre la même opération, une succession d’achats pour revendre.
(…) Les points communs sont fondamentaux, les éléments de distinctions sont souvent
secondaires, parfois discutables »37.
L’identification du contrat-cadre de distribution - Le processus de sélection est le centre
de nombreux conflits d’ordre financier puisqu’il constitue une étape décisive à franchir avec
succès par les revendeurs potentiels. L’enjeu est de taille, la sélection commande la possibilité
offerte au distributeur de conclure un contrat-cadre avec le fournisseur et ainsi bénéficier du
courant d’affaire du réseau. Le contrat est utile en présence de situations complexes puisqu’il
permet de gérer de la meilleure manière qu’il soit les enjeux économiques.
La structure contractuelle des relations de distribution se décompose en différents stades
chronologiques, présentant d’abord un accord de base puis une succession de contrats
d’application. Le contrat-cadre est perçu comme étant « un accord visant à définir les
principales règles auxquelles seront soumis des accords à traiter rapidement dans le futur,
contrats d’application ou contrats d’exécution auxquels de simples bons de commande ou
ordres de service, lettres d’embauche… fourniront éventuellement leur support. Un contrat-
34
J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000,
note (65) dans n° 11, p. 19.
35
F.-L. SIMON, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009, n° 26, p. 17.
36
Thèse préc. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse,
Montpellier, 2000, n° 11, p. 20.
37
Ibid. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier,
2000.
cadre organise par voie d’obligations de faire ou de ne pas faire les modalités de conclusions
et le contenu de multiples contrats d’application à venir »38.
Une particularité de ce que l’on pourrait appeler la « charpente des accords de distribution »
réside dans l’altérité et la complémentarité préexistantes entre le contrat-cadre et ses contrats
d’applications39. L’altérité est issue de l’indétermination des modalités futures, éléments
essentiels des contrats d’application dans les dispositions du contrat-cadre. Néanmoins, la
complémentarité permet de ne pas dénuer de portée la volonté génératrice de la relation
d’affaire traduite par le contrat-cadre.
Envisager l’utilité du contrat-cadre comme ne résultant que de la seule préparation ou
prévision des contrats d’application serait réducteur bien qu’il faille avouer la nécessité
d’intervention de ceux-ci pour la réalisation de l’objectif poursuivi par le contrat-cadre40. Le
contrat-cadre de distribution présente « un double objet ; il organise, d’une part, la vente des
produits du fournisseur au distributeur et leur revente par ce dernier aux consommateurs,
d’autre part »41. La relation entre le fournisseur et le distributeur consiste en l’organisation de
la commercialisation de marchandises, opération est qualifiée d’opération d’achat pour
revente42.
Les effets de la sélection dans l’exécution du contrat-cadre de distribution - La sélection
procède de la naissance des relations d’affaires et développe ses effets jusqu’à l’exécution du
contrat-cadre de distribution. Ne pourrions-nous pas envisager le fait que la réalisation d’un
processus de sélection induit des conséquences telles qu’elles influent sur l’exécution du
contrat-cadre de distribution ?
Le processus de sélection participe à la vie du contrat du fait des enjeux qu’il suscite, des
obligations qu’il soulève et des synergies qu’il génère. La vie et la mort du contrat-cadre de
distribution sont considérablement influencées par les caractéristiques propres à chaque
processus de sélection, issus de chaque type de besoin et pouvoir de sélection. Cela s’illustre
par la création d’obligations à la charge des membres du réseau inhérentes à la sélection
précédemment opérée. La circulation du contrat de distribution entraine t-elle d’une certaine
38
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, 2ème éd., F. Lefebvre, 1999.
F. POLLAUD-DULIAN et A. RONZANO, Le contrat-cadre par-delà les paradoxes, RTD com. 1996, p. 179.
40
J. GHESTIN, La notion de contrat-cadre et les enjeux théoriques et pratiques qui s’y attachent, in Le contratcadre de distribution – Enjeux et perspectives, Paris 11-12 décembre 1996, JCP éd. E. 1997, Suppl. n° 3/4.
41
J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000,
n°16, p. 25.
42
D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996.
39
manière la circulation de la sélection ? Lorsque le promoteur du réseau accorde son
consentement à la substitution de distributeur, alors un nouveau processus de sélection est
automatiquement réalisé. L’originalité de celui-ci réside dans son fait générateur, la volonté
du premier distributeur sélectionné.
Toutefois, alors même que l’on peut envisager l’influence de la sélection sur l’exécution du
contrat-cadre de distribution, l’intérêt est de cerner le phénomène informel de sélection. Le
phénomène de sélection n’est reconnu, au sens juridique, qu’au moment de la conclusion du
contrat-cadre
de
distribution,
puisqu’étant,
généralement,
encré
dans
la
période
précontractuelle.
6. La gestion de la sélection - La négociation dans le processus de sélection - « La
négociation est aussi un processus. Les parties ne sont pas impuissantes dans le cadre de la
structure ainsi dessinée »43. En 1804, le Code civil ne régit pas la période précontractuelle, en
ignorant totalement ou presque les pourparlers44. La période des négociations est considérée
« comme juridiquement négligeable »45 par la doctrine du XIXe siècle. Le principe de
l’autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle des parties justifie alors cette absence
d’encadrement juridique des négociations, ne se préoccupant que du moment de la formation
du contrat.
La philosophie individualiste et le libéralisme économique conduisent à accueillir l’autonomie
de la volonté en droit des contrats comme le fait de consacrer la seule volonté des parties
génératrice de l’obligation contractuelle. Les parties sont libres de conclure ou d’y renoncer
puisque « la volonté humaine est à elle-même sa propre loi, se crée sa propre obligation »46.
Le Professeur Jean CARBONNIER poursuit, « le contrat est le principe de la vie juridique ;
la volonté individuelle, le principe du contrat »47. Aussi, les parties peuvent choisir d’encadrer
contractuellement leurs négociations, afin d’organiser la réalisation de formalités, et de
sécuriser les données confidentielles transmises par exemple, ou bien, si le faible encadrement
du droit de la responsabilité suffit à leurs nécessités de sélection, à gérer leurs risques, cellesci peuvent préférer ne pas conclure de contrat de négociation.
43
J. ROJOT, La gestion de la négociation, Dalloz, RTD com. 1998 p. 447.
J. SCHMIDT, La sanction de la faute précontractuelle, RTD civ. 1974, spéc. n° 7, p. 50.
45
P. ROUBIER, Essai sur la responsabilité précontractuelle, thèse, Lyon, 1911, p. 137.
46
J. CARBONNIER, Droit civil : les Obligations, PUF 2ème éd. 1996, n° 24, p. 67.
47
Ibid.
44
Les enjeux des relations d’affaires tendent à se manifester dès la période des négociations. Les
diverses figures contractuelles aptes à régir les dispositions précédant la conclusion du
contrat-cadre de distribution en sont des illustrations. Les parties peuvent présenter un besoin
de créer des obligations pour garantir la survenue d’événements, de formalités, et ainsi,
aménager les modalités d’indemnisation, en cas d’inexécution. Les régimes étrangers, tels que
le droit allemand, mais aussi les « Principes pour un droit européen des contrats », l’avantprojet de réforme du droit français des obligations, le projet de la Chancellerie de réforme du
droit des contrats, prennent davantage en considération les négociations, bien que la naissance
d’un véritable régime, un droit des négociations ne soit pas encore à constater48.
Les deux temps de la négociation pour la sélection – Le promoteur du réseau et le candidat
distributeur entrent dans une première phase consacrée à la conduite des négociations, qui
s’illustre par leur rencontre, des échanges d’informations, avant que ne survienne le second
temps de la négociation dans le processus de sélection, l’expression du pouvoir décisionnel du
fournisseur.
Importance de la gestion de la sélection - « La franchise est une construction née d’un
dialogue entre le monde des commerçants et celui des juristes, les praticiens ont imaginés des
méthodes originales de distribution que les juristes ont analysées et appréciées, provoquant
ainsi de nouvelles adaptations de la pratique au gré des besoins du commerce et de
l’évolution des circuits de distribution »49.
Les négociations dans la sélection sont empreintes de particularités, de prises de risques,
notamment du fait de l’engagement significatif en terme de temps, d’argent et d’échanges
d’informations, voire de savoir-faire que cela induit. La divulgation ou l’utilisation
frauduleuse des informations transmisses durant les pourparlers constituent des risques dont
les conséquences peuvent être d’une gravité extrême pour la santé du réseau de distribution.
Dès lors, une fois identifié le besoin de sélection à satisfaire, l’essai de minimiser les risques
au moyen d’outils juridiques, d’un encadrement semble être opportun. Par ailleurs, les
négociations dans le processus de sélection ont vocation à perdurer un certain temps ; temps
nécessaire à la réalisation d’analyses financières sur la pérennité du réseau par le candidat
distributeur par exemple. En effet, les contrats de distribution « nécessitent une élaboration
juridique beaucoup plus longue que les contrats classiques, car ils sont beaucoup plus
48
V. supra n° 367 et s.
D. TRICOT, Avant-propos de Théorie et Pratique du droit de la Franchise, de F.-L. SIMON, éd. Lextenso,
thèse, Paris, 2009.
49
complexes. Ils impliquent une montée par étapes progressives vers l’accord contractuel »50.
La préparation des négociations par les parties peut alors se révéler utile, en présence de
certains besoins de sélection, afin d’optimiser les efforts du fournisseur, parfois au détriment
du pouvoir du candidat distributeur, mais dans l’intérêt de la réussite de son intégration au
réseau.
Le refus d’alimenter la thèse sur les contrats de dépendance51 - L’étude ne poursuit pas
une démarche consistant à se positionner en faveur ou en défaveur du distributeur ou du
fournisseur. Il ne s’agit nullement d’identifier le besoin de sélection et d’essayer de minimiser
les risques liés à son processus pour protéger le distributeur ou le fournisseur, mais leur
relation de négociation pour leur coopération, collaboration. L’absence d’a priori en faveur du
distributeur ou du fournisseur permet de lutter contre les effets pervers qu’induirait le souci de
satisfaire un rééquilibrage.
7. Intérêt de l’étude – L’étude de la sélection des distributeurs, des modalités de formation
des contrats-cadre de distribution, des spécificités tendant à la création de réseaux de
distribution, présente un intérêt tant théorique que pratique. L’appréhension du besoin de
sélection puis de son processus par l’identification des motifs, des facteurs déclencheurs d’un
tel phénomène permet de mettre l’accent sur une période informelle, pourtant décisive à
l’avenir des relations commerciales de distribution. Il s’agit de comprendre les enjeux propres
à la naissance des contrats d’affaires et les mécanismes gouvernant les réseaux de
distributeurs indépendants. Aussi, il est primordial de prendre conscience de l’importance de
la réussite du processus de sélection puisqu’elle conditionne le bon fonctionnement du réseau
et la création de synergies, retombées positives pour nombres d’opérateurs, des distributeurs
aux consommateurs.
L’étude permet également la prévention, l’anticipation des dangers concrets, rencontrés par
les fournisseurs, lorsque la mise en œuvre de leur processus de sélection est alors justifiée par
les enjeux des relations d’affaires. Le recours à la technique contractuelle doit permettre de
trouver le juste équilibre entre un interventionnisme contractuel, issu de la volonté des parties
et la préservation de leur liberté contractuelle. L’étude invite alors à réfléchir à l’opportunité
d’encadrer les négociations pour la sélection et à la nature, la fonction des mécanismes
50
J. CEDRAS, L’obligation de négocier, RTD com. 1985, p. 273, n° 9.
G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance (essai sur les activités professionnelles exercées dans une
dépendance économique), Bibl. Dr. Privé, T. 190, L.G.D.J., 1986, Préface J. GHESTIN ; F. DE BOÜARD, La
dépendance économique née d’un contrat, Préf. J. GINEY, L.G.D.J, Bibl. de l’Institut André Tunc, Tome 13,
2007.
51
juridiques aptes. La recherche d’encadrements efficients tend à dépasser les frontières du droit
français et s’exporte à l’international. L’analyse au cas par cas des nécessités de chaque
besoin de sélection dans le but de proposer aux parties l’encadrement juridique le plus adapté
tend également à jauger de la flexibilité des principes du droit des contrats, ainsi que de leur
capacité d’adaptation aux réalités économiques. Le faible encadrement émanant du droit de la
responsabilité civile, du fait de la prédominance du principe de liberté contractuelle, ne
sanctionnant les négociateurs que rarement, qu’en cas d’abus dans la conduite des
négociations, peut répondre à des besoins de sélection présentant peu de risques. L’existence
d’un savoir-faire, d’informations confidentielles divulguées durant les négociations, conduit le
promoteur du réseau à prendre davantage de risques. La conclusion d’un contrat de
négociation, avec l’aménagement des dispositions générales mais aussi particulières,
concernant notamment la confidentialité, l’exclusivité, la gestion des différends, de
l’inexécution du contrat, peut se révéler opportune. Les promesses unilatérales et
synallagmatiques de contracter répondent à des nécessités spécifiques, induisant la volonté de
figer le consentement d’une ou des parties. L’étude ne saurait transiger quant à une seule
qualification, un unique encadrement juridique des négociations pour la sélection. La
perception de la silhouette changeante du besoin de sélection vise à identifier les risques liés à
la période précontractuelle et offre la possibilité de proposer à la pratique du droit des affaires,
des solutions concrètes et utiles. Telle une grille d’analyse, l’étude s’efforce de répondre à
chaque besoin de sélection par le ou les encadrements les plus aptes à anticiper, diminuer le
niveau de risque.
8. Plan de l’étude - L’appréhension, l’identification du ou des besoins de sélection est une
étape décisive puisqu’il s’agit de percevoir les contours d’un concept juridique « fantôme »
afin d’en comprendre le fonctionnement, notamment au moyen de sa satisfaction juridique et
de l’encadrement de ses processus (Partie I). La recherche de qualifications juridiques aux
processus de sélection conduit à envisager la gestion des risques par l’essai d’un encadrement
des négociations (Partie II).
PREMIERE PARTIE
L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION PAR
LA DETERMINATION DU BESOIN
9. - Les prémisses de la constitution d’un réseau de distribution consistent en l’existence d’un
besoin, pour le fournisseur, d’effectuer une sélection des revendeurs et en son identification.
L’initiateur d’un réseau de distribution souhaite, pour obtenir une commercialisation optimale
de ses marchandises, recourir à un processus de sélection. Nombre de facteurs entrent en jeu,
conduisant le fournisseur à déterminer le système de distribution le plus adéquat au besoin de
sélection qu’il présente.
Aussi, la délimitation du besoin de sélection est essentielle afin d’envisager les enjeux
juridiques dont ce phénomène est empreint. Alors même que les nécessités de la
commercialisation des produits sont fondamentales, les caractéristiques propres à chaque
système de distribution et notamment, la liberté décisionnelle que chaque modèle octroie au
fournisseur, sont à prendre en considération. La sélection des distributeurs n’est opportune
que si le point d’équilibre entre le besoin et l’offre de sélection, traduite par les divers modes
de distribution, a été trouvé. L’identification du besoin de sélection doit permettre de
rechercher le système de distribution apte à y répondre.
10. - Le besoin de sélection est le préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un processus de
sélection, exprimant ainsi concrètement le pouvoir décisionnel du fournisseur à l’égard des
candidats distributeurs. Néanmoins, le besoin de sélection pour être réalisé doit respecter les
exigences légales, jurisprudentielles, correspondant au mode de commercialisation retenu. La
satisfaction juridique du processus de sélection est l’élément clef, sans quoi le besoin ne peut
être concrétisé. Le fournisseur, par l’impulsion d’un processus de sélection, peut générer une
obligation de sélection à sa charge, dans la distribution sélective par exemple, ou un devoir
implicite de choisir tel ou tel candidat revendeur. La mise en œuvre de la sélection est plus ou
moins encadrée en fonction des spécificités de chaque système de distribution. L’initiateur de
la sélection ne peut donc se contenter de déterminer son besoin de sélection et de le mettre en
œuvre, sans se préoccuper des limites possibles à l’expression de sa liberté contractuelle. Dès
lors, l’on perçoit que les nécessités de la sélection devront être conciliées avec les contraintes
de chaque modèle de distribution.
L’appréhension du phénomène de sélection semble difficile en raison de l’incertitude
concernant l’existence d’un ou d’une multitude de besoins de sélection découlant sur
l’expression concrète par le ou les processus. L’analyse de l’ensemble des motifs et des
modalités concernant le besoin de sélection doit conduire à répondre à cette interrogation.
Mais il ne s’agit que d’une phase préalable puisque le fournisseur doit composer entre le
besoin de sélection de ses produits ou services et les impératifs de sa réalisation.
11. - Le processus de sélection choisit certains distributeurs et opère, simultanément, une
exclusion des candidats non retenus. La réservation artificielle du marché peut être mise en
balance avec les avantages conférés aux consommateurs, par le mécanisme du bilan
économique favorable. Les enjeux concurrentiels encadrent le principe, ayant valeur
constitutionnelle, de la liberté du commerce et de l’industrie, dont se prévaut le fournisseur,
par le contrôle de la sélection des opérateurs et la création de réseaux de distribution. La
distribution automobile est particulièrement concernée et notamment, pour le renouvellement
du besoin de sélection lors de la réorganisation du réseau de distribution.
Toutefois, il semble opportun de s’interroger sur le fait que le contrôle du droit de la
concurrence puisse être générateur d’un encadrement des dispositions préalables à la
conclusion du contrat-cadre de distribution. L’essai est mis en échec par l’inadaptation des
pratiques sanctionnées au regard du droit de la concurrence, à ériger une telle qualification. Le
contrôle des enjeux concurrentiels est circonscrit à la seule élaboration des critères de
sélection et à leur mise en œuvre.
Les enjeux de la sélection traversent les frontières et, bien qu’étant, à chaque fois, un
phénomène microéconomique, entre un promoteur de réseau et chaque distributeur, les
conséquences engendrées sont d’une telle importante qu’il bénéficie d’un contrôle
communautaire, parfois par des mécanismes macroéconomiques.
L’analyse de la naissance de la sélection est cruciale afin de déterminer les modalités admises
pour la satisfaction juridique du processus de sélection (Titre I). L’intervention des
considérations concurrentielles s’apparente à un « Droit-Police », contraignant, ne permettant
pas l’efficience de l’encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre
de distribution. L’admission par le droit de la concurrence du phénomène de sélection, tendant
à la constitution de réseau de distribution, est conditionnée au respect de conditions
nouvelles ; permettant de conférer un avantage concurrentiel aux opérateurs sélectionnés
(Titre II).
TITRE I
La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction
juridique par le processus
12. - Le ou les besoins de sélection doivent être appréhendés, délimités afin d’en ériger les
caractéristiques (Chapitre I), permettant ensuite le traitement de la satisfaction juridique des
processus de sélection (Chapitre II).
Chapitre I
L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ?
13. - Dans un souci de cohérence chronologique, il convient tout d’abord d’effectuer un
descriptif des raisons qui conduisent les fournisseurs à mettre en place un processus de
sélection. Cette étude constitue un préalable à l’analyse du phénomène de sélection des
distributeurs et doit permettre l’émergence de distinctions entre les différents systèmes de
distribution. La compréhension des besoins des fournisseurs conduit à l’obtention d’une
vision d’ensemble quant au choix du type de commercialisation qui se révèle être adapté.
La volonté de l’initiateur d’un réseau de distribution impulse la détermination du besoin de
sélection. Les diverses raisons pour lesquelles le fournisseur souhaite recourir à un processus
de sélection sont essentielles (Section 1). Aussi, cerner les motifs de la sélection vise à
appréhender ses bases, sa naissance. Toutefois, le fournisseur peut adapter son besoin de
sélection en fonction de la liberté décisionnelle que lui octroie tel ou tel système de
distribution (Section 2). Le besoin de sélection émane du fournisseur mais celui-ci doit
composer avec les contraintes propres à chaque mode de commercialisation, ce qui tend à
l’obtention d’un compromis entre volonté et possibilité.
Section 1/ Les motifs de la sélection
14. - La détermination du besoin ou des nécessités de la sélection (Paragraphe I) conduit à
envisager les différents modèles de distribution aptes à y répondre. Le choix du mode de
commercialisation, qui dépend de nombreux facteurs, doit permettre de se rapprocher au
maximum du besoin identifié par le fournisseur (Paragraphe II).
Paragraphe I/ L’analyse du besoin de sélection
15. - La nécessité d’effectuer une sélection des distributeurs pour la commercialisation des
produits est souvent bien plus forte que les contraintes liées à la création d’un réseau de
distribution. Les fournisseurs qui organisent la commercialisation de leurs produits en
utilisant une phase de sélection des revendeurs, ne se plient au respect de certaines exigences
que du seul fait des retombées positives qu’ils espèrent obtenir. Il ne s’agit que d’une
illustration de la logique commerciale gouvernant le monde des affaires. En l’absence de
motifs justifiant la mise en œuvre de la sélection, il parait certain que ces derniers ne se
soumettraient pas à un encadrement pouvant être contraignant pour distribuer leurs
marchandises.
Il devient alors primordial de s'interroger quant aux motivations qui incitent les fournisseurs à
fermer le réseau. Deux synergies développées par la sélection sont identifiables, la
maximisation des ressources pour une commercialisation optimale (I) et la protection des
produits par la constitution du réseau de distribution (II).
I/ L’efficience économique et commerciale
16. - Le besoin de sélectionner la personne avec qui le fournisseur va entretenir des relations
commerciales, le futur cocontractant s’entend comme le fait d’écarter les opérateurs n’ayant
pas les aptitudes requises. « La distribution sélective correspond à l’accord par lequel un
fournisseur, désireux de préserver la notoriété de ses produits s’engage à approvisionner un
revendeur sélectionné en raison de son aptitude à distribuer ses produits »52. L’objectif
principal est de choisir le meilleur cocontractant afin de réussir les projets économiques
52
Cass. Com, 9 févr. 1976, JCP 1977, II, p. 1859.
entrepris. Le système de distribution sélective présente de nombreux avantages économiques
et juridiques, notamment liés à la souplesse quant à la mise en place du réseau.
Tel en témoigne notamment les conditions à remplir, pour que le réseau soit reconnu licite en
application du droit de la concurrence, par le bénéfice d’une exemption53. Ce mode de
commercialisation doit, en autres, pouvoir justifier de gains d’efficacité. Cela peut s’illustrer
par une réduction des coûts à l’origine de la réalisation d’investissements qui conduisent à une
amélioration des techniques employées, du savoir faire54. Une telle efficience économique55
peut profiter aux différents opérateurs, du fabriquant au consommateur, d’où l’intérêt de
recourir à des systèmes de distribution organisés. Le contrôle de la sélection par
l’encadrement du droit de la concurrence fera l’objet d’une analyse détaillée56.
Le fournisseur requière, avant toute chose, une bonne commercialisation de ses produits afin
de s’assurer de retombées économiques fructueuses (A). L’élévation du niveau qualitatif des
produits proposés au public tend à conférer des avantages aux consommateurs (B) ;
considération consumériste parfois délaissée au profit de la seule volonté de générer des
profits (C).
A/ La maximisation de la qualité et des profits
17. - L'accord de spécialisation offre au fournisseur une commercialisation optimale et
uniforme de ses produits par des distributeurs sélectionnés. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une
exclusivité de fourniture qui favorise l’écoulement des stocks. Le but est de créer une
allocation optimale des ressources afin d'obtenir le meilleur résultat possible. Le fournisseur
souhaite utiliser un processus de sélection de ses revendeurs lorsqu’il veut implanter ses
produits sur un territoire avec la garantie d’un certain niveau qualitatif de commercialisation.
En fonction du type de marchandises, l’industriel peut devoir adapter l’image des distributeurs
à celle des produits, sans quoi la commercialisation ne peut être efficiente.
53
Règl. CE n° 2790-99, art. 81, §3, JOCE 29 déc. 1999.
Comm. CEE, déc. n° 88/143, 22 déc. 1987, Rich Products/Jus-Rol : JOCE 15 Mars 1988.
55
Règl. CE n° 2790-99, considérant 6 : La Commission européenne apprécie favorablement les accords
verticaux qui « peuvent améliorer l’efficience économique à l’intérieur d’une chaîne de production ou de
distribution grâce à une meilleure coordination entre les entreprises participants (…), entraîner une diminution
des coûts de transaction et de distribution des parties et assumer un niveau optimal de leurs investissements et
de leurs ventes ».
56
V. Supra n° 142 et s.
54
Si l’on prend l’exemple de la distribution sélective, ce modèle organisé de commercialisation
est « économiquement, une stratégie de différenciation qui cherche à créer une valeur pour le
client » et « sociologiquement, une dimension poétique de l’acte de commerce » qui met
l’accent sur la relation de vente. Cette stratégie de différenciation 57 débute par l’analyse de la
demande des consommateurs afin de cibler leurs attentes et pour y répondre du mieux que
possible en produisant des marchandises et en dispensant des services d’une qualité
supérieure.
B/ Les avantages retirés par les consommateurs
18. - La réponse aux besoins et envies des consommateurs est l’élément clef de la distribution.
Le contrat de consommation, la relation avale existant entre le distributeur et le
consommateur final, est intégrée dans la relation amont entre le fournisseur et le distributeur.
Les industriels étudient le comportement du consommateur dans une démarche consistant à
essayer de le satisfaire et de le séduire afin qu’il entre dans un processus d’achat.
19. - « La sélectivité n’exclut pas la proximité »58. La distribution sélective favorise le
développement de magasins et offre un accès aux produits de luxe et de haute technicité pour
les consommateurs. La création de systèmes de distribution utilisant des procédés de sélection
des revendeurs permet de répondre à des demandes insatisfaites présentes sur le marché. Cela
favorise le développement de nouveaux produits et services qu’une commercialisation
« normale » ne pourrait engendrer et ainsi proposer aux consommateurs59. L’éventail des
produits présents sur le marché s’élargit du fait de l’émergence de produits et services de
qualité supérieure60, sans compter l’amélioration de la distribution obtenue par une meilleure
organisation et évolution par les coûts.
« Celui qui distribue sélectivement ne se veut plus industriel, mais une personne attentive et
délicate qui choisit les meilleures choses, les fait apporter pour ses amis et leur transmet pour
de l’argent, de telle manière que chacun de ses clients éprouve le sentiment d’être unique et
57
G.AMEDEE-MANESME, Plaidoyer pour la reconnaissance du concept de distribution sélective, Rev. Jurisp.
Com., mai 1995
58
C. THOEING, Colloque du 22 mai 1991 organisé par l’Association Libre Justice sur « les enjeux économiques
et culturels de la distribution sélective ».
59
Comm. CE, déc. 12 déc. 1994, Fujitsu AMD Semiconductor, aff. IV/34.891 : JOCE, 30 Décembre 1994 ;
Comm. CE, déc. 14 sept. 1999, GEAE/P & W, aff. IV/36.213/F2 : JOCE, 3 Mars 2000 ; Comm. CE, déc. 8 oct.
2002, IFPI Simulcast, aff. COMP/C2/38.014, § 84 : JOCE, 30 Avril 2003.
60
Comm. CE, déc. 7 avr. 2004, § 132 ; Comm. CE, déc. 10 mars 2003, British Airways/SN Brussels Airlines,
aff. COMP/A.38.477/D2.
de profiter d’un service rare »61. Ces motifs sont souvent présentés par les fournisseurs, têtes
de réseau, puisqu’ils apportent des éléments attestant du partage des intérêts avec les
consommateurs. La création de réseaux de distribution n’est pas, selon eux, une simple
illustration de comportement égoïstes. La sélectivité ne profite pas qu’aux seuls fournisseurs
mais englobe d’autres raisons, effectuant un partage des gains avec les consommateurs. Le
consommateur exerce une influence déterminante sur toute la chaine contractuelle de la
distribution mais également quant à l’appréhension des comportements anticoncurrentiels. La
condamnation d’une entente horizontale ou verticale ne pourra être prononcée si la pratique,
au départ anticoncurrentielle, participe à une amélioration des produits et services proposés
aux consommateurs finaux62. Le vif intérêt suscité par les fournisseurs à prouver que leurs
systèmes de distribution sont profitables aux consommateurs finaux n’est vraisemblablement
pas désintéressé.
20. - Toutefois, dans un objectif de réussite commerciale se trouve la volonté d'assurer au
client final des prestations de qualité en lui dispensant des services spécifiques63. Cela semble
être une composante de la stratégie globale de distribution visant à s’assurer de la satisfaction
des clients. L’amélioration de l’image de marque du réseau tend à fidéliser les
consommateurs64. On parle de technique de différenciation puisque le fournisseur cherche à se
différencier de la distribution de masse. La réussite commerciale est poursuivie par
l’intégration renforcée du distributeur à la politique commerciale de son fournisseur65.
Certains auteurs dénomment cette pratique le « trade marketing »66.
Cette spécialisation n’est utile que dans l’hypothèse où les clients préfèrent assumer des coûts
supplémentaires en payant les produits plus chers, pour des raisons purement qualitatives. Le
coût supplémentaire qu’entraine la création du réseau est présumé correspondre à une valeur
ajoutée octroyée aux consommateurs. Raison avouée ou pas, efforts pour accroitre les ventes
61
J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. dr. Entr., Litec, 1999.
Cons. Conc. Déc. 05-D-22, 18 mai 2005, Pratiques mises en œuvre par l’association « Agriculture et
Tourisme en Dordogne-Périgord ».
63
Notamment services de conseils de professionnels qualifiés en la matière, services après vente.
64
Comm CE, déc. 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent Parfums, aff. IV/33.242, JOCE, 18 Janvier 1992, Europe
1992 : « les produits Yves Saint Laurent ne sont distribués que dans des conditions susceptibles d'en préserver
l'image de haute qualité et la vocation d'exclusivité caractérisant leur nature de produits cosmétiques de luxe ».
Comm. 103 ; Comm. CE, 24 juill. 1992, Système de distribution sélective de Parfums Givenchy, aff. IV/33.542 :
JOCE, 19 Aout 1992 ; Europe 1992, comm. 387.
65
M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution, La
Sem. Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Févr. 1998, p. 260.
66
Le « trade marketing » tend à associer fournisseur et distributeur en mettant en valeur la marque du
fournisseur et l'enseigne du distributeur en créant des événements promotionnels et des animations (concours
organisé par les clients du distributeur).
62
ou bien avantages sincères procurés aux consommateurs, ces derniers bénéficient de
retombées positives du fait de la distribution en réseau.
C/ But purement lucratif
21. - Bien que l'intérêt premier énoncé soit d'obtenir la meilleure commercialisation possible
bénéficiant à l’ensemble des opérateurs, jusqu’au consommateur, un esprit critique ne peut se
satisfaire de ces seuls éléments. Il faut envisager d'autres justifications concernant le besoin de
sélection. Un fabriquant peut vouloir limiter quantitativement le nombre de distributeurs
sélectionnés pour des raisons économiques, purement financières alors même que cela n'est
pas justifié. Tant la jurisprudence que la loi sont venus encadrer ce type de distribution afin
d’éviter ce genre de comportement opportuniste. La sélection opère inévitablement une
éviction de certains distributeurs en réservant le marché des marchandises en question à un
nombre limité de revendeurs. La réservation artificielle dans la distribution sélective, qui n’est
pas justifiée par des motifs légitimes, objectifs est condamnée67. Néanmoins, la mise en œuvre
d’une sélection quantitative dans la franchise ou la concession est beaucoup plus libre puisque
celle-ci peut être inhérente eu égard au besoin de sélection68.
II/ Le contrôle et la protection opérés sur les produits par le réseau de distribution
22. - La création d’un réseau licite de distribution octroie un contrôle de droit à son promoteur
sur la revente de ses marchandises (A). La création du réseau pour la distribution des produits
résulte de la stratégie commerciale du fournisseur (B), souhaitant bénéficier de l’auto
protection inhérente à sa constitution (C).
A/ Un contrôle effectif de la commercialisation
23. - Le besoin de sélection peut être envisagé sous un angle de protection, d’auto contrôle
qu’opère le réseau sur la commercialisation des marchandises. Sélectionner les professionnels
ayant les caractéristiques nécessaires tend à une homogénéisation, parfois partielle, du réseau
et finalement à une revente des marchandises, conforme à celle préconisée et escomptée. Le
67
68
V. supra n° 82 et s.
V. supra n° 89 et s.
système de distribution sélective permet la garantie d’un contrôle effectif des produits, de la
production ainsi que de la commercialisation69. « Les contrats d’intégration du secteur de la
distribution reposent sur une stratégie de filiérisation »70. Cela permet à l’entreprise
intégratrice de prolonger la maîtrise qu’elle exerce sur l’élaboration de son produit, ou de son
service, jusqu’à sa distribution au public71.
B/ Le choix de la stratégie commerciale du fournisseur
24. - Le système de distribution choisit fait partie intégrante de la stratégie commerciale de la
marque. Au vu des éléments qui précèdent, il s’agit d’adapter le type de commercialisation
aux produits pour que la distribution soit efficace. A côté de cette effectivité de
commercialisation, le processus de sélection permet d’autres apports. Les grandes marques,
notamment dans le domaine des parfums de luxe, souhaitent recourir au réseau de distribution
sélective dans un but de protection. Cela leur permet de contrôler l’image de la marque et de
s’assurer de l’uniformité des services qualitatifs rendus par les revendeurs. La créativité
inhérente à la production des biens de luxe, leur mode de distribution mais également leur
conditionnement sont pris en considération par le droit positif.
Néanmoins, la sélection pour la constitution du réseau n’est efficace que si le comportement
des distributeurs est en harmonie avec la stratégie globale72 de la marque ; sans quoi
l’existence même du réseau est remise en cause. Une des spécificités de ce mode de
distribution est l’absence d’exclusivité d’achat, les distributeurs ayant fait l’objet de la
sélection de part une marque représentent également des produits concurrents. C’est là tout
l’intérêt de la distribution sélective puisque le réseau utilise à son profit les retombées des
investissements commerciaux des marques concurrentes, notamment en termes d’image, et
ces dernières profitent de la même manière de la réputation et du pouvoir d’attraction des
produits du réseau.
69
Y. CHIROUZE, La distribution, éd. Chotard, 1986, p. 145.
La filiérisation, selon F. de BOÜARD, consiste en l’action de créer une filière productrice ou d’y associer un
nouvel élément.
71
F. de BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, L.G.D.J., 2007, n° 20, p. 13.
72
J. VIGNY, La distribution, Structures et pratiques, Dalloz, 1994, p 111.
70
C/ L’auto protection inhérente au réseau
25. - Il convient d’analyser la notion de réseau (1/) afin d’envisager les effets qu’il induit ainsi
que les synergies qu’il développe (2/), du seul fait de sa création.
1/ La notion de réseau
26. - La notion de réseau n’est pas définie en droit positif, alors même que le terme est
employé par le législateur73. Le réseau est envisagé par l’analyse économique comme étant un
« ensemble constitué d’entreprises liées par des relations d’échanges suffisamment fortes et
stables pour créer un sous-marché contractuel au sein du marché »74. Mme AMIEL-COSME
effectue une recherche étiologique du mot réseau, qui vient du mot latin « rete », diminutif de
« reticulum », qui signifie réseau ou filet à petites mailles75. L’auteur tend à définir une
véritable théorie de droit commun des réseaux de distribution.
La notion de réseau a fait l’objet de différentes analyses doctrinales, poursuivant l’objectif de
percevoir la ou les considérations juridiques du concept ainsi que les conséquences liées à sa
composition. L’ensemble de la doctrine s’accorde à penser que le réseau est caractérisé par
une pluralité de contrats, un enchevêtrement de rapports d’obligations, liens contractuels et
efforts commerciaux, et qu’il « est constitué par un ensemble homogène de contrats-cadre,
une gerbe de contrats identiques ou semblables »76. « Un dessein commun vivifie l’ensemble,
créant entre les membres une interdépendance »77. Toutefois, certains auteurs s’attachent
davantage à la notion de groupe de contrats, alors que d’autres privilégient la personnalisation
du réseau, pendant que d’autres octroient une importance plus grande encore à sa dimension
collective.
27. - L’étude du réseau, qui tend à mettre en exergue les effets produits et, notamment les
avantages octroyés à son initiateur et à ses membres du fait de sa mise en œuvre, s’inscrit
dans une démarche visant à apporter des éléments tangibles, palpables, soutenant ainsi
l’intérêt de sa création.
73
Par exemple : C. com., art. L. 330-3 ; C. Consom., art. L. 122-6, 2° « réseau de vente » ; Règl. CE n° 2790-99 :
JOCE 29 déc. 1999, n° L. 336, art. 6 et 8.
74
In D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd., Litec, 2006, n° 521, p. 229 - H. THORELLI, Networks :
between markets and hierarchies : Strategie Managmenent Journal, vol. 7, t. 1, 1986, p. 37 et s.
75
L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, thèse L.G.D.J, 1995, préface Y. GUYON, n° 2, p. 4.
76
Ph. LE TOURNEAU, JurisClasseur Contrats - Distribution, Concession Exclusive. Distribution, circuits et
réseaux de distribution. Fasc. 1010, Cote : 08,2006.
77
Ibid.
28. - Le réseau apparait comme étant un groupe de contrats, possédant la structure circulaire
caractéristique des ensembles78, convoitant « un but commun à toutes les parties, connu et
voulu par elles, qui assure la connexité de leurs conventions »79. Pour d’autres auteurs, le
réseau est un ensemble de contrats dont le concédant serait le pivot, sans qu’il n’existe de lien
juridique entre les concessionnaires80. Le réseau est un « faiseur de contrat », constitué de
« liens opérationnels unissant des partenaires à des contrats distincts mais qui concourent
tous à un même sort économique » 81.
L’analyse personnaliste du réseau présente deux aspects. Le premier considère la
personnification du réseau avec les seuls distributeurs tandis que la seconde envisage
l’initiateur et les distributeurs. La personnification du réseau constitué des seuls distributeurs
tend à conférer à ceux-ci un pouvoir plus grand vis-à-vis du fournisseur, par la création d’un
groupement juridique et par leur participation dans la politique commerciale du réseau 82.
L’objectif de la proposition de loi était de promouvoir un rééquilibrage des rapports, non de
tirer les conséquences d’une réalité83. Une autre proposition de loi de M. TURCO poursuivait
la même démarche84.
La personnification du réseau comprenant l’initiateur analyse l’intérêt commun que l’entité
véhicule. Les membres du réseau mettent en commun des apports, tout en témoignant tous
d’un affectio cooperandi, une volonté intéressée de collaborer de bonne foi, en étant égaux, au
développement d’une œuvre commune, se rapprochant d’un affectio societatis. Par ailleurs,
chaque membre du réseau demeure indépendant, il n’y a donc pas de partage des gains et des
pertes du réseau. Bien que le réseau puisse être perçu comme étant une personne morale, cette
personnification n’apparait pas comme étant une nécessité85. La présence d’un intérêt
commun n’exclut pas la possibilité que les distributeurs présentent des intérêts divergents.
78
B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, thèse, L.G.D.J, 1975, p. 213, n° 113.
Op. cit., p. 36, n° 87.
80
J. LE CALVEZ, Les contrats d’exclusivité, thèse, Paris, 1979, p. 418 et s.
81
J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in « L’évolution contemporaine du
droit des contrats », PUF., 1986, p. 167 et s.
82
Proposition de M. GLON et COUSTE, tendant à règlementer la situation juridique des franchisés et des
concessionnaires, Ass. Nat., 1973/1974, n° 891 in M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de
la distribution, Traité des contrats, L.G.D. G, 1999, p. 464, n° 881.
83
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats Les contrats de la distribution, , L.G.D. G,
1999, p. 464, n° 881.
84
Proposition tendant à définir la situation de commerçant distributeur, Ass. Nat., 1973/1974, n° 979 et
Proposition tendant à préciser le statut juridique du concessionnaire revendeur de produits de marque, Ass. Nat.,
1976, n° 1904 in M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, Traité des
contrats, L.G.D. G, 1999, p. 464, n° 881.
85
Th. Précitée, n° 368.
79
La dimension collective86 du réseau semble être l’analyse la plus adéquate, eu égard aux
particularités du concept. Tout en se réservant de qualifier le réseau de personne morale, il
convient de noter que ce dernier présente une dimension collective en ce qu’il témoigne de la
réunion d’apports, de l’affectio cooperandi et du respect d’obligations dans l’intérêt du réseau.
« L’entreprise en réseau »87 est devenue une réalité juridique au point que l’on pourrait se
demander si elle ne parviendrait pas à se hisser au rand d’institution88.
« L’image crée par le producteur doit ensuite se prolonger au stade de la distribution »89. Le
fournisseur doit opérer un contrôle des conditions de la distribution.
29. - La création du réseau engendre, de manière accessoire, la survenue d’un certain nombre
de droits, devoirs et obligations, à la fois pour le promoteur du réseau mais aussi pour ses
membres. L’entité est un système juridique, une véritable organisation avec des normes, sorte
de législation du réseau, auxquels ses membres doivent se référer et se conformer. Aussi, la
politique, la loi d’un réseau licite s’impose de droit à ses membres et aux tiers puisque sa
protection et son contrôle est légitime, inhérente à son existence. Néanmoins, la protection du
réseau contre les tiers revendeurs revêt des particularités, qu’il conviendra d’envisager
ultérieurement90.
Le « réseau-institution » s’apparente à la théorie soutenue par le doyen Hauriou, qui le
considère comme « une organisation sociale, crée par un pouvoir (…), et qui repose sur un
équilibre de forces ou une séparation de pouvoirs. En assurant une expression ordonnée des
intérêts adverses en présence, elle assure un état de paix sociale qui est la contrepartie de la
contrainte qui pèse sur ses membres »91.
Le réseau résulte de la somme des engagements, de la combinaison des contrats de
distribution liant les membres au fournisseur. Chaque nouvel adhérent bénéficie et peut
également souffrir des conséquences induites par la relation contractuelle que chaque
distributeur entretient avec le promoteur du réseau. Le recours à cette organisation globale de
distribution, dans laquelle les distributeurs ne sont pas juridiquement liés mais partagent un
86
V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse Montpellier, 2008, n° 5, p. 12 : Le terme
« collectif » vient du latin collectivus et signifie « qui groupe, qui rassemble », et dérive du mot « collecter »
(latin colligere : rassembler, recueillir), désignant un assujettisement à une contribution.
87
G. PACHE et Cl. PARAPONARIS, L’entreprise en réseau, PUF, 1993.
88
L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, p. 1, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON,
Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003.
89
Ibid.
90
V. supra n° 111 et s.
91
Ibid.
intérêt commun et des difficultés similaires, poursuit l’objectif de parvenir à une
maximisation des avantages et crée des synergies grâce à la mise en commun d’efforts
simultanés, dans une démarche identique. La création d’un réseau de distribution octroie à ses
membres la possibilité d’obtenir des gains d’efficience, difficilement envisageables hors
réseau.
2/ Les synergies du réseau : l’exemple de l’auto protection
30. - L’auto protection conférée au fournisseur par le réseau de distribution peut être
appréhendée sous deux aspects ; la lutte contre les marchés parallèles et contre la contrefaçon
(a/), notamment en présence de droits de propriété industrielle, ainsi que le droit de
condamner la revente effectuée par les tiers, sous certaines conditions (b/).
a/ La protection opérée par le réseau contre les marchés parallèles
 Protection en faveur des intérêts du fournisseur
31. - L’instauration d’un processus de sélection licite confère le droit de contrôler la
commercialisation des marchandises, notamment par l’instauration d’un réseau de distribution
sélective, et se révèle être un moyen de lutte efficace contre les marchés parallèles. La
contrefaçon frappe directement les professionnels de produits de luxe et semble s’adapter au
fil du temps à l’évolution des techniques. Le caractère distinctif et attractif de la marque est
protégé par la sanction qu’opère le droit positif à l’encontre des pratiques parasitaires et
contrefaçons. L’initiateur a donc tout intérêt à créer un réseau de distribution, par la
réalisation du processus de sélection, car celui-ci lui assurera un certain niveau de protection.
 Influences de la lutte contre le parasitisme sur les droits de
propriété industrielle : l’histoire d’une dérive
32. - Il parait opportun d’envisager les influences exercées par la lutte contre le parasitisme
sur la protection des droits de propriété industrielle92. Dans la franchise, le fournisseur
transmet un savoir-faire aux distributeurs qu’il a précédemment sélectionnés. Celui-ci détient
des droits sur ce savoir-faire et doit le protéger efficacement, contre les tiers. Il existe deux
moyens distincts93, l’action en contrefaçon qui tend à lutter contre les atteintes portées à un
droit de propriété industrielle et l’action en concurrence déloyale, visant à condamner certains
comportements critiquables dans l’activité commerciale.
La jurisprudence a considérablement assoupli les conditions nécessaires à l’action en
concurrence déloyale. Celle-ci peut être exercée sans que soit toujours établit, préalablement,
un rapport direct et étroit de concurrence et la clientèle commune n’est plus systématiquement
requise puisque la faute a pu être reconnue en son absence94. Le simple fait de se prévaloir de
sa réputation, en dehors même de la recherche de la confusion dans l’esprit du public, suffit à
caractériser un acte de concurrence déloyale.
Avant d’être consacrée par la jurisprudence95, la notion de concurrence parasitaire, issue de
régimes étrangers, a d’abord été introduite par Saint-GAL, l’ayant définie comme le fait
« pour un tiers, de vivre en parasite dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a
réalisés et de la réputation de son nom et de ses produits »96. L’idée de parasitisme s’est alors
développée, appuyée par certains97, mais a pris une telle ampleur98 que celle-ci a engendré de
vives critiques, dénonçant son application extensive ainsi que ses dérives99.
92
J. AZEMA, L’incidence des dérives du parasitisme sur le régime des droits de propriété industrielle (à propos
de quelsques décisions récentes), in Etudes de droit privé, Mélanges offerts à Paul DIDIER, p. 1, Economica,
2008.
93
Distinction déjà opérée par ROUBIER, qui y consacrait un chapitre dans le tome 1 de son Traité de propriété
industrielle. Sirey, 1952, p. 307 et s.
94
Cass., com. 30 janv. 1996, D. 1997, p. 232, note SERRA.
95
Cour de Paris, 18 mai 1989, D. 1990, p. 340, note CADIER, arrêt rendu à propos d’un litige entre
parfumeurs.
96
« Concurrence parasitaire ou agissements parasitaires », RIPIA 1957, p. 19.
97
Par exemple : DESJEUX, Le droit de la responsabilité civile comme limite au principe de la liberté du
commerce et de l’industrie (à propos de la sanction de la copie), JCP éd. E.,11, 14490 ou Ph. LE TOURNEAU,
Du nouveau sur la protection et la protection des idées, Rev. Jurisp. Com. 1984, p. 65 et s.
98
La conception extensive du parasitisme tend à perturber le régime normal de protection des droits de propriété
industrielle et présente un danger pour la liberté du commerce et de l’industrie.
99
Par exemple, M.A. FRISON-ROCHE et M. S PAYET, Droit de la concurrence, Coll. Précis Dalloz 2006, n°
507 et s.
33. - Néanmoins, certains arrêts ont cessés d’alimenter ces excès100, alors même qu’il
semblerait que les dernières décisions jurisprudentielles101 perdurent dans une appréciation
souple, voire très souple. Une formule reprise102, de manière automatique, par la 4iè Chambre,
Section A, de la Cour d’Appel de Paris, constitue une réelle menace à l’égard des principes
fondamentaux de la propriété industrielle, par l’action combinée d’une extension des
monopoles d’exploitation et de leur périmètre103.
La condamnation du parasitisme, rendu possible par l’instauration d’un réseau licite de
distribution et au moyen de l’action en concurrence déloyale, tend dans la franchise à
l’émergence de dérives. Le franchiseur est dans une position privilégiée puisqu’il peut
bénéficier de ces dérives, issues de l’appréciation souple de l’action en concurrence déloyale,
et d’une protection, de plus en plus large, de son monopole d’exploitation. La constitution du
réseau, combinée avec l’existence de droits de propriété industrielle, semble octroyer au
franchiseur des garanties solides pour l’avenir.
b/ La consécration d’un droit à la protection de la revente du fait de l’existence
même du réseau
34. - Lorsque le processus de sélection s’est valablement réalisé, celui-ci engendre la création
d’un réseau de distribution licite. Dans l’étude des motifs étant à l’origine de l’impulsion de la
volonté du fournisseur de recourir au processus de sélection, l’auto protection du réseau
envers ses membres et contre les tiers est un élément décisif. Même en l’absence de droits de
propriété intellectuelle, le fournisseur bénéficie d’un droit à la protection de la revente de ses
marchandises et bien qu’il soit tenu de respecter les exigences légales en la matière, cela
constitue un motif influençant le souhait de constituer un réseau de distribution. La licéité de
la sélection pour la constitution du réseau ainsi que les moyens de s’assurer de l’effectivité de
la sélection par la protection du réseau seront traités plus amplement104.
100
Notamment CA Paris, 18 oct. 2000, O. 2001, p. 850, note PASSA 1.
Notamment CA Paris, 17 janv. 2007, n° 05/22999 – CA Paris, 10 janv. 2007, n° 05/24739 - CA Paris, 29 déc.
2006, n° 06/03791
102
« Le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon
injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage
concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».
103
Op. Cit. p. 4.
104
V. supra n° 108 et s.
101
35. - L’apparition de plusieurs besoins de sélection, influencés par des éléments variables, tels
que la nature des produits ou la volonté de maximiser la qualité par exemple, tend à confirmer
l’idée selon laquelle il n’existe pas qu’un seul besoin de sélection. L’existence de besoins de
sélection propres à chaque sélectionneur, chaque initiateur du réseau, constitue autant de
demandes de sélection, auxquelles il faut trouver une offre. Cependant, les diverses offres de
sélection sont restreintes par les particularités légales, eu égard aux systèmes de distribution
existants. Dès lors, l’on peut opérer des regroupements concernant les besoins de sélection
similaires afin de trouver les systèmes de distribution s’y afférant.
36. - Bien que la licéité quant à la mise en œuvre de tel ou tel mode de commercialisation et
son aspect contraignant soient importants, il convient préalablement de trouver le point
d’équilibre105 entre le besoin de sélection et la satisfaction juridique la plus adéquate.
Paragraphe II/ L’analyse du choix du système de distribution satisfaisant le
besoin de sélection
37. - Le producteur doit opérer un choix crucial quant au mode de distribution qu’il souhaite
mettre en place en fonction de ses attentes envers les revendeurs. Avant même de s’interroger
sur la constitution du réseau, le fabricant doit évaluer les aspects positifs qu’il peut espérer
retirer de chaque système de distribution en les confrontant aux besoins de la
commercialisation de ses produits ou services.
38. - L’enjeu véhiculé par le besoin de sélection et notamment par son objet réside dans la
réponse à la question suivante : pourquoi choisir et surtout que choisir ?106
Certains auteurs opèrent une distinction entre la distribution sélective et les systèmes de
distribution dits de « commerce organisé »107. L’étude du pouvoir décisionnel détenu par
105
A. JACQUEMIN, H. TULKENS et P. MERCIER, Fondements d’économie politique, 3è éd., De Boeck
Université, p. 100, partie 1, analyse microéconomique, pt 5.5. : « A chaque point de la courbe d’offre correspond
un point d’équilibre pour le producteur. » L’on peut effectuer un rapprochement entre la théorie économique des
choix du consommateur et notre étude qui consiste à trouver un point d’équilibre entre le besoin de sélection et
l’offre de sélection, qui se traduit par les différents modes de commercialisation, différents processus de
sélection. La théorie des choix du consommateur soutient que « toute courbe de demande individuelle est un lieu
de point d’équilibre du consommateur ». Par transposition, cela signifierait que toute courbe de besoin individuel
de sélection trouve un point d’équilibre par l’offre des différents moyens de distribution. Ici, le fournisseur est
perçu comme étant un consommateur, dont la demande est la réalisation de son besoin de sélection.
106
Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999, n° 24, p. 9.
l’initiateur du réseau quant au type de commercialisation pourrait alors s’organiser en deux
analyses distinctes. Il s’agirait de percevoir les avantages conférés par la mise en œuvre d’un
système de distribution sélective et de les confronter à ceux qu’offre le commerce organisé.
Toutefois, alors même qu’une telle distinction se justifie au regard des différences existant
entre les systèmes de distribution, une étude comparative tend à mettre en lumière des
synergies, similitudes et permet ainsi d’obtenir une vision plus globale, d’ensemble. En effet,
il est opportun d’envisager les caractéristiques propres à chaque mode de commercialisation
et de percevoir les divers besoins de sélections s’y afférents (II). Néanmoins, avant
d’envisager le choix du système de distribution le plus efficient, un aspect essentiel doit être
préalablement examiné ; le degré d’indépendance juridique octroyé par le fournisseur aux
distributeurs combiné avec le contrôle que ce dernier souhaite effectuer sur l’activité de ses
revendeurs (I).
I/ L’élément déterminant, l’ajustement entre indépendance juridique du distributeur et
contrôle du fournisseur
39. - Le choix du fournisseur quant à l’indépendance octroyée aux revendeurs influe sur la
considération de nombreux éléments. Le degré d’indépendance des distributeurs au sein de
chaque réseau est un élément déterminant puisqu’il conditionne notamment la responsabilité
de chacune des parties, l’identité de la personne sur qui reposent les investissements.
40. - Ce dernier peut opter pour le contrôle total de la direction de son entreprise avec le
recrutement de personnes salariées108 ou, à l’opposé, sélectionner des commerçants qui
conserveront leur statut. Toutefois, il est décisif d’effectuer une distinction entre les notions
d’indépendance des revendeurs et celle d’intégration à un réseau de distribution. Le fait d’être
intégré ne préjuge aucunement quant à la liberté dont dispose le distributeur et quant à son
degré.
Un large panel de possibilités s’offre au fournisseur puisqu’il peut commercialiser ses
marchandises avec des distributeurs intégrés à son réseau ou seulement regroupés ou encore
isolés. L’intégration peut être plus ou moins effective. La création d’un réseau de franchise
permet une forte intégration des distributeurs bien qu’ils demeurent indépendants, tandis que
107
108
V. infra n° 4.
V. infra n° 3. L’étude est circonscrite au processus de sélection des distributeurs juridiquement indépendants.
l’intégration est plus nuancée en ayant recours à de simples revendeurs agréés ou à des
commerçants regroupés sous une enseigne commune. Il est primordial de noter que chaque
régime de distribution n’est effectif qu’en fonction de l’adéquation qui existe entre les attentes
du fournisseur et les caractéristiques propres au système de distribution choisi.
41. - Les conditions qui régissent les contrats sont variables selon le type de système de
distribution envisagé. Des particularités tendant à la plus ou moins grande latitude laissée au
profit du distributeur par son fournisseur peuvent se révéler être des aspects décisifs dans la
qualification de tel ou tel système de distribution. Le choix de l’initiateur concernant le mode
de distribution de ses marchandises peut être majoritairement influencé par les qualités
propres et les besoins de ces dernières mais il s’agit ici de percevoir les attraits et atouts de
chacun d’entre eux.
II/ Les processus de sélection, réponses aux divers besoins
42. - L’indépendance juridique des distributeurs au sein d’un réseau doit répondre à tel ou tel
besoin de sélection du promoteur du réseau, en fonction du système de distribution mis en
œuvre. Néanmoins, l’indépendance juridique doit être effective (A) pour le choix de systèmes
de distribution basés sur la sélection de commerçants (B).
A/ La vérification de l’indépendance juridique
43. - Alors même que le distributeur sélectionné conserve son indépendance juridique et doit,
à ce titre, avoir une réelle liberté décisionnelle sur son activité (1/), l’existence du réseau de
distribution nécessite, pour son bon fonctionnement, une intervention modérée du fournisseur
(2/).
1/ Les limites entre indépendance juridique et réelle liberté décisionnelle
44. - Bien que le distributeur intégré à un réseau soit un commerçant indépendant, la relation
qu’il entretient avec son fournisseur a été qualifiée de relation de dépendance 109. Le
distributeur en réseau est indépendant sur le plan juridique, ce dernier achète lui-même les
marchandises pour ensuite les revendre pour son propre compte ; cependant, il demeure sous
la dépendance économique de la tête de réseau. Par exemple, « la franchise a toute la richesse
d’un contrat moderne : contrat-cadre de coopération commerciale dans la distribution, il a
pour objet de mettre un concept attirant pour la clientèle à la disposition d’un franchisé qui,
en dépit de son indépendance commerciale, se trouve en position de domination
économique »110. Néanmoins, transiger quant à la situation de dépendance économique du
distributeur envers le fournisseur n’est pas l’objet du propos, il ne s’agit pas d’alimenter ce
débat111.
45. - La vérification du degré de réelle liberté dont bénéficie le distributeur intégré a fait
l’objet de nombreuses positions de la loi ainsi que de la jurisprudence, assurant ainsi
l’émergence de règles protectrices112. Il s’agit de contrôler concrètement si le distributeur est
indépendant dans les choix qu’il opère ou bien si la relation peut être requalifiée en contrat de
travail, avec l’application de l’ensemble des dispositions du droit social que cela sous-entend.
Prenons l’exemple de la clause de non concurrence qui connu de profonds remaniements
quant à la reconnaissance de sa licéité tant en droit du travail113 que dans les relations entre
professionnels.
2/ La nécessaire intervention modérée du fournisseur dans l’activité du distributeur,
enjeu inhérent au réseau
46. - Toutefois, il ne s’agit pas de manquer d’impartialité dans l’étude de la liberté des parties,
au sein de la relation d’affaire. Le promoteur du réseau supporte un certain nombre
d’obligation, d’assistance, de conseil, en fonction du système de distribution qu’il a mis en
109
G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance (Essai sur les activités professionnelles exercées dans une
dépendance économique), Bibl. Droit Privé, t. 190, LGDJ, 1986.
110
D. TRICOT, Avant-propos de Théorie et Pratique du droit de la Franchise, de F.-L. Simon, éd. Lextenso,
thèse, Paris, 2009.
111
V. infra n° 6.
112
E. PICARD, L’émergence des droits et libertés fondamentaux en France, AJDA 1998, n° spécial 6 ; obs. J.
ROCHFELD, RTD civ. 2003.1.
113
Cass, soc., 10 juillet 2002, Bull. civ. V, n°293, 3 arrêts, JCP 2002.II.10162, note critique PETIT, JCP, éd. E,
2002.1511, note D. CORRIGNAN-CARSIN, D. 2002.2491, note Y. SERRA.
œuvre. Aussi, il parait évident que l’homogénéité d’un réseau ne peut être obtenue en laissant
une liberté absolue au distributeur. En acceptant la survenue du processus de sélection, à son
bénéfice, celui-ci consent à la politique du réseau. Seuls les abus limitant considérablement la
liberté d’un distributeur juridiquement indépendant sont prohibés.
B/ Les offres des différents processus de sélection pour la satisfaction des besoins
47. - Une présentation des différents systèmes de distribution est nécessaire afin d’envisager
leurs caractéristiques et notamment les réponses apportées aux besoins de sélection.
Toutefois, il ne s’agit pas de percevoir la satisfaction juridique du besoin de sélection en
aval114, mais seulement dans le processus décisionnel du fournisseur, en amont de la sélection.
Aussi, la distribution sélective permet de ne sélectionner que les candidats, mais tous les
candidats, correspondant aux critères établis par le fournisseur (1/) ; tandis que la concession
vise à ne sélectionner que de revendeurs aptes de prospecter seuls, sur des territoires exclusifs
(2/). La sélection dans la franchise dépend de la capacité des candidats à savoir réitérer un
savoir-faire, une méthode commerciale préalablement mise au point par le franchiseur (3/).
1/ Le système de distribution sélective
48. - En matière de distribution sélective, le fournisseur ne sélectionne que les candidats aptes
à répondre aux critères qu’il a préalablement définis. L’établissement des critères de
commercialisation fait l’objet d’un contrôle strict quant à leur validité, puisqu’ils doivent être
objectifs et non discriminatoires115.
49. - Les nécessités eu égard à la nature et aux propriétés des produits ou service sont un
élément déterminant dans le recours à un système de distribution sélective. Celles-ci
interviennent, d’abord, pour savoir si la sélection des distributeurs se justifie dans son principe
et, ensuite, pour vérifier si les critères de sélection sont proportionnés aux caractéristiques des
produits ou services considérés116. Le besoin de sélection, satisfait par la constitution d’un
réseau de distribution sélective, s’illustre par des attentes liées à la nature intrinsèque des
marchandises et par les exigences d’achat des consommateurs vis-à-vis de ces produits. En
114
V. supra n° 73 et s.
V. supra n° 75 et s.
116
Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse Montpellier, n° 30, p. 11.
115
effet, la Commission européenne a reconnu que le consommateur avait le loisir de se
détourner ou de sanctionner la politique de sélection du fabricant, lorsque celle-ci est
inadaptée117.
Le principe de nécessité, qui a longtemps gouverné la licéité d’un système de distribution
sélective118, tout en faisant l’objet de critiques par la doctrine119, a finalement été supprimé
avec l’entrée en vigueur du règlement communautaire n°2790-99120. Aussi, désormais,
« l'exemption par catégorie s'applique à la distribution sélective quelle que soit la nature du
produit concerné »121. Le fabricant de produits ordinaires peut donc recourir à un système de
distribution sélective, en étant exempté, à la condition de ne pas dépasser une part de marché
de 30 %. Dans l’hypothèse où le seuil serait dépassé, la Commission européenne précise qu'il
convient de procéder à une analyse du contexte économique des restrictions de concurrence
résultant des parts de marché détenues par le fournisseur.
Toutefois, la Commission européenne apporte une précision litigieuse, au même point 186 de
ses lignes directrices, en se réservant la possibilité de retirer le bénéfice de l'exemption,
lorsque la nature du produit ne nécessite pas une distribution sélective122. Dès lors, l’on peut
légitimement s’interroger quant à la réelle suppression de la condition concernant la nature du
produit permettant l’exemption, en droit communautaire de la concurrence, même lorsque le
seuil de 30 % de parts du marché n'est pas dépassé123.
50. - Une remarque, somme toute, très simple, s’impose. Le processus de sélection pour la
distribution sélective tend à restreindre la liberté décisionnelle de l’initiateur en personne. En
effet, le fournisseur souhaitant mettre en place un réseau de distribution sélective sera
indéniablement lié par les critères de sélection qu’il aura préalablement établi et ne pourra
s’en détacher. Aussi, celui-ci ne pourra refuser de sélectionner les candidats répondant aux
normes, critères fixés en dépit d’un degré de subjectivité dans l’appréciation de la sélection.
C’est pourquoi, certains auteurs tendent à déconseiller la distribution sélective aux
117
TPICE, 12 déc. 1996, aff. T-88/92 et T-19/92, Yves Saint-Laurent Parfums et Givenchy : Rec. CJCE 1996, II,
p. 967 et 1857.
118
Il s’agissait d’une condition de validité au regard de l'ancien article 85, § 1er ou § 3 du Traité CE.
119
Notamment J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibli. Dr. E., Litec, 1999.
120
Art. 81 §3 du Traité CE ; Règl. n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 relatif aux restrictions verticales.
121
Pt. 186 des Lignes Directrices du 13 oct. 2000.
122
Ph. LE TROURNEAU et M. ZOÏA, JCl. Contrats – Distrib., Fasc. 1020, Concessions. Concession libre : la
distribution sélective, Cote : 08,2006, 1ier mai 2006, n° 85 et s.
123
P. ARHEL, Les Lignes directrices sur les restrictions verticales, JCP E 2000, p. 1178.
fournisseurs désireux de conserver une réelle marge de manœuvre, un véritable pouvoir
décisionnel, au sein du processus de sélection.
2/ La concession exclusive
51. - La spécificité majeure du modèle de concession s’illustre par la réservation d’un
territoire de façon exclusive ou quasi-exclusive au revendeur sélectionné. Le fait d’octroyer
l’ensemble du courant d’affaires sur un territoire délimité à un unique distributeur entraine
une réelle prise de risque pour le réseau tout entier. Seul ce concessionnaire représentera
l’image de la marque sur le territoire considéré. Les erreurs commises, négligences ne
pourront être contrebalancées par l’action d’un autre distributeur du même réseau du fait de
l’exclusivité territoriale. Le besoin de sélection est conditionné à l’aptitude de gestion d’une
seule personne sur une zone géographique délimitée. Le choix du concessionnaire doit
répondre à la capacité de prospecter seul sur un territoire exclusif, en l’absence d’une
concurrence directe de part les autres concessionnaires. L’octroi d’une exclusivité territoriale
se justifie par la mise en œuvre de lourds investissements pour les produits. Le promoteur du
réseau accepte un certain niveau de risque en accordant une exclusivité à chacun de ses
distributeurs puisque, sans cette garantie, il est peu probable que ces derniers aient accepté de
supporter de tels coûts.
52. - Au sein du processus de sélection, les caractéristiques du candidat distributeur sont
essentielles, le fournisseur attache une réelle importance à sa personnalité, à son expérience, à
son emplacement, à sa structure juridique… « La sélection est empreinte d’un fort intuitus
personae, synonyme de subjectivité, puisqu’il s’agit de choisir, parmi des distributeurs qui
peuvent être d’une compétence égale, celui à qui seul sera confiée la qualité de distributeur
sur une zone de vente, précisément définie »124. L’influence déterminante de considérations
subjectives pour la satisfaction du besoin de sélection préjuge de la liberté du fournisseur.
L’initiateur du réseau bénéficie d’une grande latitude dans la mise en œuvre de ses méthodes
de recrutements et dans l’exécution de la sélection. « Le contrat de concession commerciale,
formule majeure parmi les contrats de distribution, est (d’ailleurs) considéré comme
l’exemple topique du contrat-cadre »125.
124
Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999.
J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, Thèse, Montpellier, 2000,
n°7, p. 13.
125
53. - Le système de concession exclusive génère une pluralité de relations contractuelles
similaires voire même identiques entre chaque distributeur et le promoteur du réseau. La
naissance de toutes les relations individuelles ne doit pas occulter le fait que s'instaurent, en
parallèle, des rapports collectifs entre les divers concessionnaires du même concédant. Les
revendeurs conservent leur indépendance juridique et ne présentent aucune relation
contractuelle les liant les uns des autres. L’indépendance juridique gouverne également la
relation entre le concédant et chaque concessionnaire. Une réflexion rapide trancherait sur
l’absence de tout lien entre les distributeurs puisque n’étant aucunement parties au même
contrat et travaillant seuls, dans leur territoire exclusif respectif. Ce n’est pourtant,
généralement, pas le cas. L'existence du réseau dans son aspect vertical, dont tous sont
membres d'office, crée ipso facto des liens entre eux : une sorte d'interdépendance. Tous les
concessionnaires sont comme les branches d'un même arbre126.
L’interdépendance se développe tant dans la relation entre le concédant et tous les
distributeurs qu’entre les concessionnaires entre eux. Les distributeurs poursuivent un intérêt
identique de part la réussite de leur relation contractuelle avec le promoteur du réseau ; il
s’agit d’un intérêt commun visant le bon fonctionnement du réseau. Par ailleurs, les
distributeurs peuvent légitimement constituer des accords horizontaux, tels que des
associations professionnelles. Les concessionnaires sont situés, de manière parallèle et
additionnelle, dans la même situation et, à ce titre, présentent des nécessités et problèmes
similaires. L’objectif tend à mutualiser leurs risques en unissant leurs efforts au moyen, par
exemple de l’adhésion au sein de syndicats, sans que cela ne caractérise des actes de
concurrence déloyale127.
3/ La franchise commerciale
54. - La franchise commerciale tend à la réitération d’une réussite fondée sur la transmission
d’un savoir-faire du fournisseur envers ses distributeurs. Ce système de distribution garantit
une uniformité des méthodes utilisées par l’ensemble des franchisés et, par conséquent,
permet l’obtention de prestations conformes à la politique de la marque. Quelque soit le point
de vente, les services dispensés aux consommateurs doivent répondre aux aspects du réseau,
donnant l’apparence qu’il n’y ait qu’un seul et même franchisé. Ces derniers sont donc
126
Ph. LE TOURNEAU, JCl. Contrats – Distrib. Fasc. 1010. « Concession exclusive. Distribution, circuits et
réseaux de distribution. » Cote : 08,2006. 1ier mai 2006.
127
TGI Paris, 8 déc. 1986 : PIBD 1987, III, p. 183.
choisit, non pas principalement pour leurs qualités professionnelles comme dans la
distribution sélective, mais pour leur aptitude à reproduire à l’identique un enseignement, une
méthode de commercialisation. Le fournisseur doit donc réussir à évaluer la capacité de
chaque revendeur à réitérer, presque cloner, des techniques commerciales. Il s’agit de
l’élément primordial qui a fait la réussite de la franchise. La particularité du contrat de
franchise réside dans le fait que le franchisé effectue les investissements, exerce lui-même
l’activité commerciale et supporte seul les risques liés à celle-ci. L’initiateur du réseau,
« ayant réussi dans une activité de distributeur, permet à des franchisés, moyennant
rémunération, de réitérer les éléments de cette réussite »128. Le principal avantage pour le
fournisseur est alors la facilité de mise en œuvre du réseau puisqu’il n’a pas à supporter les
investissements, étant à la charge des distributeurs. L’initiateur du réseau perçoit, au contraire,
une rémunération, souvent composé d’un droit d’entrée et de redevances forfaitaires, du fait
de l’octroi du privilège, constitué par le savoir-faire, qu’il délivre aux distributeurs.
55. - La mise en œuvre d’un réseau de franchise est conditionnée à la réunion de certains
éléments. La rémunération des revendeurs, pour être causée, doit nécessairement être la juste
contrepartie de la communication des moyens de la réussite. Le promoteur du réseau doit
donc posséder un droit de propriété exclusif quant au savoir-faire transmis. Le franchiseur
supporte une obligation de contrôle et celui-ci prodigue une assistance au franchisé.
L’assistance est une obligation de moyens. Néanmoins, seul le distributeur est juridiquement
responsable, à moins que le franchiseur parvienne à relever des manquements précis du
franchiseur. L’inefficacité ou l’insuffisance de l’assistance commerciale sont des éléments
permettant au franchisé de désengager sa responsabilité, aux dépens de la tête de réseau.
56. - Le contrat de franchise est conclu intuitu personae129, en raison de la transmission d’un
savoir-faire, mais peut être aussi parce que la sélection est une pièce maitresse de ce savoirfaire. Les difficultés résideront au moment de l’extinction des relations, notamment en ce qui
concerne la propriété commerciale. La tête de réseau ne peut prétendre obtenir tous les droits
sur cette dernière et se retrouve contraint d’accorder à l’ancien franchisé la clientèle qu’il a
développé au plan local, par opposition à la clientèle nationale qui lui est attachée130. Par
128
Définition donnée par Le Robert, reprise par D. FERRIER, Droit de la distribution, 4iè éd., Litec, n° 672, p.
301.
129
V. supra n° 103 et s.
130
Cass. 3e Civ., 27 mars 2002, n° 00-30.732, Bull. civ. III, n° 77, Cah. Dr. Entr. 2002, n° 5, p. 20, obs. J.-L.
RESPAUD – Cass. com., 9 oct. 2007, n° 05-14.118, Revue Lamy Dr. Civ. n° 47,p. 6, Vers l’indemnisation de la
clause de non-concurrence ?, obs. D. MAINGUY et M. DEPINCE.
ailleurs, le local ayant été obtenu par les efforts du distributeur, le fournisseur ne peut espérer
le récupérer. Le franchiseur et le franchisé, malgré l’interdépendance économique qui peut
régir leurs rapports, sont juridiquement indépendants. Le contrat de franchise est bien un
contrat de collaboration131.
131
F.-L. SIMON, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009, n° 18, p. 11.
Section 2/ L’influence du système de distribution a priori retenu sur la
liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection
57. - Le processus de sélection opère un tri plus ou moins encadré et règlementé parmi les
candidats revendeurs. L’objectif tend à obtenir la garantie d’une commercialisation des
produits conforme aux attentes du fournisseur. La sélection consiste à choisir les futurs
cocontractants sur la base de critères plus ou moins détaillés. L’étude est volontairement
orientée vers la sélection légale, encadrée par un régime spécial. La démarche entreprise
débute avec l’hypothèse selon laquelle il existerait, pour certains processus, une obligation de
sélection (Paragraphe I) et pour d’autres modèles de commercialisation, il ne s’agirait qu’un
devoir à la charge du fournisseur d’opérer une sélection (Paragraphe II). La coexistence de
deux systèmes différents de distribution semble, dès lors compromise ; pourtant, certaines
conditions strictes la rendent réalisable (Paragraphe III).
Paragraphe I/ L’obligation de sélection
58. - La liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection est réduite à la seule détermination
des critères dans la distribution sélective, lui imposant de sélectionner les personnes les
satisfaisant, sans pouvoir opposer un refus ; exception faite des rares possibilités de
limitations quantitatives admises132 (I). La distribution agrée, bien qu’étant beaucoup plus
souple, tend à créer une obligation de sélection similaire (II). La concession exclusive semble
générer une exigence de sélection, à laquelle le fournisseur peut apporter des nuances,
notamment de nature quantitative (III).
I/ Le système de distribution sélective
59. - L’élaboration de critères servant de base à la sélection des distributeurs pour la
constitution d’un réseau licite conduit à encadrer et à restreindre la liberté de choix, de
sélection du fournisseur. La tête de réseau élabore des critères qualitatifs, objectifs et non
discriminatoires que doivent remplir les distributeurs souhaitant intégrer le réseau.
Dès lors qu’un distributeur est apte à remplir les conditions posées par ces critères ainsi que
les exigences du fournisseur, celui-ci est sélectionné. La satisfaction des critères déterminés
132
V. supra n° 82 et s.
par le fournisseur confère une sélection de droit au futur revendeur. Le distributeur
remplissant l’ensemble des exigences de commercialisation ne peut se voir opposer un refus
d’intégration pour un autre motif. Le fournisseur est contraint par les critères de sélection et
ne dispose d’aucune latitude dans le choix des revendeurs, exception faite de l’élaboration des
règles du processus de sélection en lui même. La conception des critères de sélection est alors
décisive du fait que le fournisseur ne pourra plus s’en détacher à moins qu’il effectue une
modification des critères.
60. - Le fournisseur ayant conclu un contrat-cadre à durée déterminée avec un distributeur
afin qu’il commercialise ses produits ne peut pas refuser son renouvellement lorsque ce
dernier remplit les nouveaux critères de sélection133. La seule possibilité offerte au fournisseur
est la conclusion de contrats à durée indéterminée lui permettant de rompre les relations à tout
moment.
II/ Le système de distribution agrée
61. - Un contrat d’agrégation est conclu entre un fournisseur qui consent des conditions de
vente préférentielles aux seuls distributeurs aptes à remplir des exigences liées à la
commercialisation des marchandises. Cela se traduit notamment par des conditions quant à la
formation du personnel ou encore concernant l’équipement, l’agencement du local. De son
côté, le fournisseur met à la disposition des distributeurs agrées un signe distinctif telle qu’une
enseigne. Les revendeurs agrées sont facilement identifiables aux yeux des consommateurs,
ce qui leur confère un avantage dans le processus de commercialisation. Une telle différence
de traitement entre les distributeurs agrées et les revendeurs classiques est constitutive de
discrimination. Celle-ci est admise lorsque les conditions commerciales octroyées aux
distributeurs agrées sont contrebalancées par les avantages procurés au fournisseur. Le fait de
recourir à un réseau de distribution agrée assure au fournisseur une commercialisation des
produits de qualité.
62. - Une sélection s’opère dès lors que certains distributeurs correspondent aux critères
érigés par le fournisseur. Il convient de s’interroger quant à l’existence d’une sélection de
droit ? Le fournisseur dispose t-il d’une marge de manœuvre suffisante lui donnant la liberté
de renoncer à la conclusion de contrats avec des distributeurs répondant aux critères érigés ?
133
V. supra n° 181 et s.
Le refus de ne pas agréer un revendeur satisfaisant aux critères préalablement établis par le
fournisseur serait constitutif d’une discrimination. Aussi, le fournisseur est lié par les
exigences permettant la commercialisation des marchandises en qualité de revendeur agrée,
avec des conditions de vente plus favorables. Une fois le processus de sélection engagé, le
fournisseur crée à sa charge une obligation de sélectionner les candidats aptes.
III/ Une obligation de sélection nuancée dans la concession exclusive
63. - L’initiateur du réseau est lié par le respect des critères de sélection qu’il a précédemment
déterminé. Cependant, la sélection quantitative étant admise dans la concession exclusive, le
fournisseur peut, une fois le nombre suffisant de concessionnaires choisit, mettre un terme à la
sélection. Il convient que la sélection quantitative, justifiée par de réels motifs, soit licite.
Aussi, le promoteur de la sélection est contraint par une obligation, résultant des normes qu’il
a lui-même fixées, auxquelles il peut apporter des nuances, notamment par la sélection d’un
nombre limité de candidats. L’obligation de sélection est réelle mais limitée dans le temps.
Paragraphe II/ L’existence d’un devoir de sélection dans la franchise
64. - La sélection des futurs franchisés revêt une importance particulière du fait que le
franchiseur met en jeu le réseau, le savoir-faire qu’il a crée et développé. La sélection dans la
franchise n’est pas constitutive d’un droit pour chaque distributeur qui remplit les critères et
correspond aux attentes du fournisseur comme c’est le cas dans la distribution sélective. Le
franchiseur est créancier d’un devoir implicite de sélection, il se doit d’opérer une sélection
réussie, il en va de l’intérêt de tout le réseau. En effet, la mauvaise gestion d’un seul
distributeur pourra déstabiliser l’ensemble du réseau tout comme la négligence dans un point
de vente peut conférer une mauvaise image auprès des consommateurs à l’enseigne.
65. - Le franchiseur réalise des investissements tendant à la création d’une marque, d’une
enseigne, de méthodes de commercialisation, d’un savoir faire afin de délimiter les signes
distinctifs d’un réseau de distribution. Le franchiseur met tous les investissements qu’il a
fournit au service des distributeurs sélectionnés. Il existe une interdépendance entre le
fournisseur et les revendeurs sélectionnés puisqu’ils ont choisi de travailler ensembles, dans
un intérêt commun. Chacun d’entre eux participe au bon fonctionnement et au développement
du réseau entendu comme étant générateur de profits. Le franchiseur est le titulaire légal de la
marque, il possède un droit exclusif de propriété quant au nom apposé sur les produits qu’il
souhaite commercialiser.
66. - Alors même que le franchiseur décide de la politique du réseau, des stratégies de
commercialisation, il demeure dans l’obligation de confier aux distributeurs sélectionnés la
gestion et la représentation de l’image de la marque auprès des consommateurs. La marque
constitue un élément décisif dans le choix des consommateurs dans l’acte d’achat. Le fait de
reconnaitre des produits ou services, de pouvoir les distinguer des concurrents en les
apparentant à une même enseigne permet une fidélisation des consommateurs.
La marque permet une identification facile des produits ou services du réseau, ce qui conduit
à rassurer les consommateurs et à leur conférer une certaine confiance. Le franchiseur à pris
le soin de développer ce précieux capital confiance de l’entreprise et le met à la disposition
des revendeurs sélectionnés pour qu’ils bénéficient des avantages de commercialisation
découlant de l’existence même du réseau. Le distributeur est l’intermédiaire dans le contrat de
confiance qui est conclu entre le fabricant et le consommateur, d’où la gravité des
conséquences liées au choix de cet intermédiaire.
Paragraphe III/ La coexistence de deux systèmes de distribution
67. - En vertu des principes de liberté du commerce et de l’industrie134 et de la concurrence,
une entreprise est libre de constituer un réseau d’accords de même nature et de faire coexister
plusieurs réseaux135 d’accords de nature différente, pour la distribution de ses produits ou la
mise à disposition de ses services136.
68. - La commercialisation peut, parfois, nécessiter le recours à plusieurs réseaux de
distribution distincts. Le fabricant exprime alors un besoin de sélection composé de plusieurs
processus, qui découlent ainsi sur plusieurs systèmes de distribution. Bien que chaque réseau
soit indépendant, un réseau peut empiéter, participer au fonctionnement d’un autre. Les
134
D. FERRIER, La liberté du commerce et de l’industrie, in R. CABRILLAC, M.-A FRISON-ROCHE et T.
REVET (sous la dir.), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 9e éd., 2003, n° 868, p. 667.
135
Règl. CE n° 4087/88 du 30 nov. 1988, concernant l’application de l’article 85 §3 du Traité à des catégories
d’accords de franchise a reconnu cette pratique, JOCE n° L 359, 28 déc. 1988, p. 46 à 52, pt 12 : « (…) lorsqu’un
réseau de franchise est combiné avec un autre système de distribution, les franchisés doivent être libres de
s’approvisionner auprès des distributeurs agrées » ; art. 3, 1) et art. 4, a).
136
V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse Montpellier, 2008, n° 28, p. 40.
différents réseaux peuvent s'enchevêtrer les uns les autres ou des distributeurs appartenant
initialement à un réseau peuvent influer sur un autre. La « poly-distribution »137 consiste en la
commercialisation des produits d'une société par la mise en œuvre, simultanément, de
différents modes de distribution. Il peut notamment s’agir de la juxtaposition d’un réseau
composé de succursales, d’un autre de détaillants ordinaires, d’un autre de distributeurs
sélectionnés et de concessionnaires exclusifs, voire de franchisés.
69. - Toutefois, à l’image de certaines alliances impossibles, la coexistence de certains
systèmes de distribution est en proie à des difficultés, inhérentes aux spécificités propres à
chacun d’entre eux. Aussi, les membres d’un réseau de distribution sélective verront
certainement d’un mauvais œil la création d’un réseau de distributeurs non agréés. En effet,
les distributeurs initiaux ont fait l’objet d’un besoin puis d’un processus de sélection adéquat
aux qualités intrinsèques des marchandises. La légitimité de l’existence même du réseau de
distribution sélective peut être remise en cause. La possibilité de réserver la
commercialisation des produits ou services aux seuls revendeurs sélectionnés est conditionnée
à la réunion de conditions de validité. Les caractéristiques des marchandises doivent imposer
le recours à une telle organisation. Or, la distribution parallèle par des distributeurs non agrées
laisse à supposer un niveau qualitatif moindre. Le besoin de sélection peut être perçu comme
étant infondé puisque le contrôle des revendeurs aptes n’est opéré que partiellement. La
jurisprudence admet la juxtaposition de la distribution sélective et non agrée bien qu’il soit
effectué un contrôle strict des conditions de validité138.
Le fournisseur doit s’engager à ne pas avantager l'un des deux réseaux de distribution, sans
quoi la discrimination est sanctionnée. Il doit également s’agir de deux zones géographiques
distinctes139. Le promoteur du réseau ne doit pas revenir sur ses engagements antérieurs, il est
tenu de les respecter140. Cependant, un concessionnaire peut mettre en place son propre réseau
de distribution, un sous-réseau en quelque sorte, dérivé du premier. Celui-ci peut utiliser les
services d'agents commerciaux, qui vont le représenter dans les différentes localités de son
territoire.
137
Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003.
Contrats, conc. consom. 2002, comm. 26, obs. M. MALAURIE-VIGNAL.
139
Cons. conc., déc. n° 97-D-31, 20 mai 1997, Distribution des produits d'entretien professionnels.
140
CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, act. jurispr. p. 389, obs. E. CHEVRIER.
138
70. - L’autorité de la concurrence, qui revêtait encore la qualification de conseil de la
concurrence à ce moment là, consacre la liberté pour l’initiateur du réseau de constituer et
d’organiser des réseaux de distribution. Cela « constitue un principe de base sous réserve que
les modes de distribution mis en œuvre n’aient pas pour objet ou pour effet d’affecter le
fonctionnement du marché »141. En outre, la coexistence de deux systèmes de distribution
« n’est pas, en soi, anticoncurrentiel puisque cela permet aux consommateurs de bénéficier
d’une offre plus abondante et plus diversifiée »142.
141
Cons. conc., Avis n° 04-A-14 du 23 juill. 2004 relatif à une saisine du Syndicat national de l’équipement du
bureau et de l’informatique.
142
Cons., conc., Décision n° 00-D-72 du 16 janv. 2001 relative à une saisine présentée par la Société Time and
Diamond.
Conclusion sur l’existence de contours « flous » au besoin de sélection ?
71. – La sélection ne peut être appréhendée de manière générale, il existe une multitude de
besoins de sélection, alors même que certains d’entre eux présentent des similitudes. Le
processus de sélection procède de l’expression de la volonté du promoteur d’un réseau de
distribution d’obtenir des gains d’efficience, dont la nature et les caractéristiques peuvent
varier. De pures considérations financières traduites par une meilleure satisfaction des enjeux
économiques, un vif intérêt à opérer un contrôle de la revente des marchandises, une nécessité
de réserver la distribution de produits de luxe, techniques, à des professionnels de qualité, sont
les éléments préalables, influençant l’organisation de la commercialisation par un réseau de
distribution.
La considération des principaux motifs ayant conduit le fournisseur à opter pour un modèle
spécifique de distribution est primordiale. Le choix du système de distribution résulte de la
mise en balance des diverses corrélations entre les besoins exprimés par la commercialisation
des produits ou services en question et leur satisfaction par tel ou tel système de distribution.
La franchise commerciale offre une marge de manœuvre plus importante à son promoteur, en
générant seulement un devoir implicite de sélection. D’autres réseaux, tels que la distribution
sélective, voire même la concession exclusive sous certains aspects, sont régis par une
législation plus contraignante. Le respect des critères de sélection préétablis conduit à
restreindre le pouvoir décisionnel de la tête de réseau, du fait de l’« obligation de sélection »
induite ; exigence moindre dans la concession exclusive du fait de la sélection quantitative. Le
degré de liberté octroyé au fournisseur par les dispositions applicables à chaque système de
distribution tend à délimiter l’encadrement du besoin de sélection.
72. - Toutefois, il convient de différencier le besoin du processus de sélection. Le processus
de sélection est l’expression concrète de la nécessité de sélectionner, l’illustration de sa
satisfaction. Ainsi, pour répondre au besoin de sélection, l’analyse de la satisfaction juridique
de son processus est nécessaire. L’analyse de l’élaboration des critères de sélection, leur mise
en œuvre mais également le contrôle de l’effectivité de la sélection sont alors indispensables à
la concrétisation des nécessités de la distribution des produits.
Chapitre II
La satisfaction juridique du processus de sélection
___________________________________________________________________________
73. - Au XVIIème siècle, les mots « obligation » et « nécessité » étaient synonymes143. Cette
remarque sémantique, certes historique, mais somme toute éloignée de notre étude, prend une
importance certaine si on la transpose à la réflexion portant sur les moyens de parvenir à la
satisfaction juridique du besoin de sélection.
Le fournisseur, ayant fort probablement, par simple logique, emprunté la même démarche
chronologique que notre recherche, a d’abord défini les nécessités correspondant à la
distribution de ses marchandises. Une fois cette première étape réalisée, celui-ci s’est
interrogé quant à la manière lui permettant de satisfaire au mieux et au plus près son besoin de
sélection à l’égard des candidats revendeurs. Le fournisseur s’est alors trouvé lié par la
traduction de son unique volonté, la mise en place d’un processus de sélection, conforme à ses
seules attentes. La nécessité de sélectionner s’est alors métamorphosée en une sorte
d’obligation, notamment pour la constitution d’un réseau de distribution sélective 144. Dans la
franchise commerciale, le franchiseur présente un devoir de sélection145, dicté implicitement
par son propre souhait. Cependant, l’hypothèse selon laquelle il existerait un devoir de
sélection n’est que le résultat de la volonté du fournisseur puisque ce dernier demeure libre de
recourir à la sélection ou d’y renoncer. Seules des considérations tendant à la bonne
commercialisation des marchandises peuvent s’apparenter en une sorte de devoir de sélection
des revendeurs, faute de quoi la commercialisation ne sera que médiocre. Il ne s’agirait alors
non pas, au moment de l’impulsion du processus146, d’une obligation de sélection, à
143
Dictionnaire Robert. Remarque de J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de
distribution, thèse, Montpellier, 2000, p. 31, note n° 131.
144
V. Infra n° 58 et s. L’obligation de sélectionner résulte du respect des exigences d’objectivité et de non
discrimination dans l’application des critères. Une fois établis les critères de sélection, le fournisseur doit s’y
conformer et ne peut refuser d’intégrer au réseau les candidats satisfaisants les conditions de commercialisation.
Le système de distribution sélective, voire même la concession exclusive, tendent à restreindre la liberté
décisionnelle de l’initiateur de la sélection.
145
V. Infra n° 64 et s.
146
Il convient de distinguer le moment consacré au choix par le fournisseur de mettre en place un processus de
sélection et le moment où celui-ci a établis les critères, au cours de l’exécution du processus de sélection. Dans le
premier temps, avant la naissance de la sélection, le fournisseur est libre d’opérer une sélection ou d’y renoncer ;
il présente une obligation implicite de sélection mais seulement pour obtenir une commercialisation efficiente
des produits. Lorsque le processus de sélection est né, du fait de l’établissement des critères, le fournisseur doit
sélectionner, dans la distribution sélective, tous les candidats aptes, faute de quoi le refus de sélection sera
entaché de discrimination, de faute.
proprement parler, mais plutôt d’une exigence d’utiliser le processus de sélection dans le but
de satisfaire la volonté du fournisseur et ainsi la distribution adéquate.
« La liberté contractuelle est peut-être alors aux frontières de la volonté qui l'affranchit et de
la nécessité qui la contraint »147. L’initiateur du réseau est tenu de remplir un certain nombre
d’exigences, conditions nécessaires à la réalisation du processus de sélection. Celui-ci, pour
répondre à la nécessité de sélection de ses produits ou services, est obligé de faire preuve de
souplesse, en se conformant aux contraintes juridiques, extérieures.
74. - Le besoin de sélection fait l’objet d’un double contrôle, a priori lors de sa traduction
juridique, par l’établissement de critères et par leur application licite, en fonction du système
de distribution désiré, et a posteriori, une fois le processus de sélection effectué, par le
contrôle du respect des effets qu’induit la sélection. L’initiateur du réseau doit tout d’abord
s’assurer de la possibilité de satisfaire le besoin de sélection qu’il a délimité en fonction des
contraintes juridiques posées (Section 1). Néanmoins, le promoteur du réseau ne peut, une
fois le processus de sélection réalisé, se garder d’opérer un contrôle de son effectivité, sans
quoi l’existence même du réseau serait remise en question (Section 2).
147
Ibid. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier,
2000, p. 31.
Section 1/ La licéité de la mise en œuvre du processus de sélection
75. - « Consentir, c'est effectivement exprimer sa volonté, mais sa volonté d'accepter un
sacrifice afin de rencontrer le consentement de l'autre partie »148. Dans le processus visant la
mise en œuvre de la sélection par le recours aux mécanismes contractuels, le fournisseur tend
à faire prévaloir sa volonté mais doit, pour obtenir une sélection licite et ainsi la création du
réseau de distribution qu’il désire, accepter le sacrifice traduit par les exigences
concurrentielles en la matière. Le compromis entre l’unique volonté de l’initiateur du réseau
et son renoncement absolu, sa non satisfaction du fait des contraintes juridiques, constitue le
point d’équilibre entre le besoin de sélection et son offre.
76. - « La nécessité n'est ainsi pas étrangère à la conclusion des contrats 149 : je peux avoir
envie ou besoin de posséder une chose, ce n'est pas pour autant que je vais m'en saisir. J'en
payerais le prix, c'est à dire, je consentirais au sacrifice nécessaire à la satisfaction de ma
volonté. Nécessité et volonté sont donc liées »150. Le fournisseur étant parvenu à déterminer
un besoin de sélection, notamment basé sur des raisons propres au souhait de réussir la
commercialisation de ses produits ou services, présente une nécessité à satisfaire.
77. - La concrétisation du besoin de sélection est confrontée au respect de contraintes légales
et jurisprudentielle afin que la « fermeture »151 du réseau de distribution, provoquée par le
processus de sélection, soit reconnue licite. La définition des critères de sélection
(Paragraphe I) ainsi que les modalités de leur mise en œuvre effective (Paragraphe II) font
l’objet de contrôles, eu égard au système de distribution choisi et aux justifications apportées
par l’initiateur de la sélection, en fonction des nécessités de la commercialisation. Il parait
incohérent d’opérer une distinction entre les conditions posées par le droit français et le
communautaire de la concurrence ; c’est pourquoi, la validité de la sélection requière une
étude d’ensemble de la licéité de la sélection, se référant à toutes les sources.
148
M.-A. FRISON-ROCHE in J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de
distribution, thèse, Montpellier, 2000, p. 31.
149
Cela est plus particulièrement le cas en droit commercial car les contrats sont la transcription juridique des
échanges économiques généralement dictés par la satisfaction des besoins.
150
B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, op. cit., n° 22. Ces auteurs relèvent que certains contractant
« pressés par le besoin, sont obligés de vouloir ».
151
D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ème éd., Litec, 2008, p. 262, n° 594.
Paragraphe I/ La licéité des critères de sélection
78. - Deux théories s’opposent catégoriquement, divisant la doctrine, quant à l’appréciation de
la latitude octroyée aux fournisseurs dans l’établissement des critères engendrant la création
licite d’un réseau de distribution. La première acception, étroite, considère que seuls des
critères spécifiques et inhérents aux produits peuvent légitimer le recours à un système de
distribution sélective. Aussi, la seule défense de la marque ne doit pas justifier le recours à la
distribution sélective. La seconde théorie privilégie une vision plus large, souple, et soutient
que le critère déterminant à retenir, pouvant varier, doit être le prestige ou la renommée de la
marque ou encore la qualité de la marque, sur le fondement du principe de liberté des
entreprises.
79. - Le principe de la liberté de l’industrie aurait pu légitimer le droit, pour le fournisseur, de
choisir librement, de manière discrétionnaire à la fois les conditions de commercialisation de
ses marchandises mais également les critères de sélection de ses revendeurs152. L’initiateur du
réseau dispose d’une marge de manœuvre plus ou moins étendue concernant son degré de
liberté dans l’établissement et la réalisation du processus de sélection. Le fournisseur, après
avoir préalablement définit le besoin de sélection qui correspond à la commercialisation de
ses produits ou services, doit se conformer aux exigences en fonction du système de
distribution choisi.
80. - Le besoin de sélection s’exprime par le recours à des critères quantitatifs dans certains
cas, lorsque le fournisseur souhaite limiter le nombre de revendeurs (I). Le processus de
sélection se traduit également par des critères qualitatifs, se référant à des normes en termes
de qualité de commercialisation (II). Toutefois, certains besoins de sélection nécessitent
l’utilisation des deux types de critères, de manière combinée. Pour la mise en œuvre d’un
réseau licite, il convient de vérifier la validité de la sélection, en fonction des critères établis
par le fournisseur et selon l’application qui en est faite.
152
D. FERRIER, Les appréciations de la distribution sélective en droit interne et communautaire, JCP E 1991,
Cah. dr. entr. n° 1.
I/ Les critères quantitatifs
81. - Dans un esprit de clarté, distinguer distribution sélective (A) et concession exclusive (B)
pour le choix de critères quantitatifs semble opportun.
A/ La sélection quantitative dans la distribution sélective
82. - « Les critères de sélection, surtout s'ils sont assortis d'une sélection quantitative,
conduisent en réalité à une quasi-exclusivité territoriale de fait »153.
Etablir des critères de sélection constitue une barrière à l'entrée dans le réseau et permet ainsi
de limiter quantitativement le nombre de revendeurs. La possibilité de sélectionner certains
distributeurs en constituant un réseau fermé et ainsi d'en évincer d'autres est soumise à
l'appréciation de la validité des critères de sélection. Par ailleurs, une fois ces critères validés
par le juge national et par les autorités de la concurrence, faut-il encore qu'ils soient
« appliqués de manière non discriminatoire »154 pour la constitution d’un réseau de
distribution sélective.
83. - Dans la distribution sélective, l’article 1-d du règlement 2790-99 exige que le
fournisseur définisse préalablement les critères de sélection, en explicitant leur contenu155. En
l’absence d’autres exigences, il semble que le fournisseur bénéfice d’une grande liberté dans
le choix des critères de sélection156. Toutefois, la Commission européenne, au moyen des
lignes directrices157, est venue apporter des précisions quant à la licéité des critères de
sélection préétablis par le fournisseur, encadrant sa liberté de sélection. De plus, la
jurisprudence nationale et communautaire tend à privilégier la liberté du commerce octroyant
ainsi le droit pour chaque distributeur d’acheter pour revendre tout produit commercialisable.
Or, le processus de sélection semble promouvoir une démarche à contre courant. En effet, le
phénomène de sélection écarte certains opérateurs au profit d’autres revendeurs, seuls
autorisés à commercialiser les marchandises du fournisseur, au sein d’un réseau de
distribution.
153
M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution,
La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Février 1998, p. 260.
154
CJCE 25 oct. 1977, Metro c/ Commission, Rec. 1976, p. 1831.
155
Versailles, 5 mars 1998 : D. 1998, somm. p. 342, obs. D. FERRIER : la seule évocation de « critères de
distributeur idéal » est considérée comme insuffisante.
156
J.-P. VIENNOIS, Distribution sélective : JCl. Fasc. 318, n° 16.
157
Lignes Directrices du 13 oct. 2000, notamment pts. 184 et 185.
Les critères de sélection peuvent être considérés comme étant restrictifs de concurrence
lorsqu’ils excèdent les nécessités d’une commercialisation adéquate des marchandises en
cause. Les contrats de distribution « simples », résultant d’un processus de sélection basé
uniquement sur des critères nécessaires à la bonne commercialisation, sont licites tandis que
les contrats de distribution « complexes » sont condamnables158 du fait qu’ils émanent de
critères de sélection non indispensables159.
Néanmoins, les critères condamnables ne sont pas toujours condamnés, ils peuvent tomber
sous le coup de l’exemption en application de l’article 81 §3 du Traité CE ou de l’article
L.420-4 du Code de commerce. Pour bénéficier de l’exemption, le fournisseur doit
notamment justifier que « la politique de distribution concernée exige les restrictions de
concurrence en cause »160 et que les critères de sélection « ne vont pas au-delà de ce qui est
nécessaire »161 dans la mise en œuvre de cette politique.
84. - La commission européenne valide le fait de limiter le nombre de distributeurs lorsque
celui-ci « ne peut dépasser un plafond qui dépend du nombre d'habitants de la zone
considérée »162. La commission européenne tolérait, au départ, une sélection des distributeurs
par le critère du potentiel de chalandise163. En effet, une limitation du nombre de distributeurs
des montres Omega était nécessaire afin que ces derniers puissent obtenir un chiffre d'affaire
satisfaisant. En l'absence de cette sélection quantitative, les distributeurs se seraient porté
mutuellement préjudice, « ce qui aboutirait finalement à une détérioration plutôt qu’à une
amélioration des services »164.
Dans un second temps, la Commission Européenne est revenue sur la validité du critère
quantitatif dans la distribution sélective en estimant que « chaque distributeur sélectionnable
devait être sélectionné ». Le numerus clausus ne peut être appliqué dans ce système de
distribution. Il semble que seuls les critères qualitatifs soient admis dans le processus de
sélection pour le réseau de distribution sélective. Aussi, « les propriétés des produits en cause
158
CJCE, 22 oct. 1986, Metro II : Rec. CJCE, 3021.
Distinction opérée par C. BABUSIAUX, Le nouveau droit des relations contractuelles : Rev. conc. Consom.
1987-40, p. 5.
160
Comm. CE, 10 juill. 1985, Grunding : JOCE n° L. 233, 30 août 1985, pt. 1. ; Cass. Com., 3 juill. 1985 : Bull.
Civ. IV, n° 205.
161
CJCE, 11 déc. 1980, L’oréal : Rec. CJCE, 3775.
162
Lignes directrices de la Commission Européenne du 13 oct. 2000, pts. 185 et 187.
163
Commission CE, 28 oct. 1970, Omega : JOCE n° L. 242, 5 nov.
164
Op. cit. pt. 7.
159
nécessitent un système de distribution sélective en ce sens qu’un tel système constitue une
exigence légitime, eu égard à la nature des produits concernés, et notamment à leur haute
qualité ou technicité, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage »165.
85. - La satisfaction juridique du processus de sélection est ainsi encadrée et ne peut être la
traduction de l’unique volonté du fournisseur. Il convient néanmoins d’envisager les moyens
détournés utilisés par des promoteurs de réseau « malins » pour contourner, à l’aide de
justifications, certaines contraintes propres au déploiement de la sélection. Tel a notamment
été le cas du fournisseur ayant subordonné la sélection à la qualité de « pharmacien
d’officine » pour la commercialisation de cosmétiques. Ce processus de sélection est
condamnable puisqu’il vise volontairement à restreindre de manière artificielle le nombre de
revendeurs potentiels, en application de la règlementation limitant le nombre de
pharmacies166.
86. - Le principe général dans la distribution sélective selon lequel le fournisseur ne peut fixer
un numerus clausus de ses distributeurs167 subit des atténuations. La sélection quantitative des
distributeurs peut être justifiée par la faible production du fabricant ou la spécialité très
marquée du produit, l'insuffisance des possibilités locales économiques ou bien encore par
une clientèle trop étroite qui ne permet pas d'assurer un service de qualité, faute de rendement
suffisant pour les distributeurs168.
La limitation quantitative de la sélection pour la mise en œuvre d’un système de distribution
sélective n’est pas condamnable automatiquement puisqu’il appartient au promoteur du réseau
d’expliciter les raisons de l’utilisation des critères quantitatifs. Dans l’affaire Cartier, la Cour
d’appel réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris, en retenant que « la
limitation quantitative n'est pas illicite en soi, mais rappelle que tout critère de sélection
(quantitatif ou qualitatif) doit être fondé sur des critères définis, objectivement fixés et
appliqués sans discrimination à l'égard de tous les revendeurs potentiels »169. En l'espèce, la
société Cartier a été condamnée sur le fondement de la discrimination. La société a refusé de
sélectionner un candidat distributeur en invoquant une limitation quantitative, eu égard au
165
TPICE 16 déc. 1996, Yves Saint Laurent.
Comm. CE, 11 janv. 1991, Vichy : JOCE n° L. 75, 21 mars, confirmée par TPI, 27 févr. 1992.
167
TPICE, 27 févr. 1991, aff. T-19/91, Sté Vichy : Rec. TPICE 1991, p. 415.
168
M. MALAURIE-VIGNAL, La distribution sélective quantitative à l’épreuve, Contrats. Conc. Consom. n°11,
Nov. 2005, comm. 191.
169
CA Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, Sté HBC c/ SA Cartier, JurisData n° 2007-352302.
166
potentiel de chalandise saturé du 8iè arrondissement de Paris et aux capacités de production
des montres. Le candidat a été mis sur liste d’attente mais un autre candidat plus récent a été
sélectionné. La cour d'appel reproche à la société Cartier de ne pas avoir définit de façon
objective les zones de chalandise, les critères d'appréciation du taux maximum de densité des
distributeurs, et les méthodes adoptées pour respecter l'antériorité des demandes.
87. - Il est certain que la justification économique autorisant un numerus clausus doit être
précise170. La clause subordonnant l'agrément « aux possibilités locales de vente » sans autre
précision est alors insuffisante171.
88. - Toutefois, la Cour de cassation172 précise que les juges n’ont pas « à juger de
l'opportunité du choix de ce critère » lorsque les critères sont objectifs, alors même qu’ils
conduisent à des découpages différents en fonction des spécificités locales. La jurisprudence
n’impose pas au promoteur du réseau de recourir à un appel officiel pour la réalisation du
processus de sélection.
Il semblerait que la jurisprudence interne opère un contrôle plus rigoureux de l’application des
critères quantitatifs. Cet arrêt condamne le principe jurisprudentiel selon lequel le fournisseur
peut utiliser une liste d’attente mais n’y est pas tenu dans la priorité de la sélection173. Certains
auteurs174 soutiennent la position de la jurisprudence alors que d’autres s’en éloignent.
Notamment, Maître Max VOGUE175 considère qu’il est nécessaire d’établir un régime
spécial, applicable aux critères quantitatifs puisque la nature de ces critères est différente176.
Aussi, « un critère de sélection des membres d'un réseau sélectif quantitatif peut tout à fait
reposer sur le principe de l'intuitu personae sans pour autant contrevenir au règlement (CE)
170
M. MALAURIE-VIGNAL, La limitation quantitative n’est pas illicite en soi, Contrats. Conc. Consom. n°3,
Mars 2008, comm. 70.
171
CA Paris, 9 déc. 1997, Sté Rolex, JurisData n° 1997-023732.
172
Cass. com., 28 juin 2005, JurisData n° 2005-029187.
173
CA Versailles, 18 févr. 1987, JurisData n° 1987-600814.
174
Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de concession, Litec coll. affaires et finances 2003, n° 96.
175
Rapp. Me Max VOGUE, relatif à certaines stipulations d'un contrat de distribution sélective à la demande du
Ministre de l'économie, juin 2007.
176
Les critères quantitatifs « sont définis à partir d'éléments d'ordre économique que le fournisseur n'a
généralement pas les moyens de maîtriser au même titre que les critères qualitatifs de sélection. En outre, à la
différence des critères qualitatifs, les critères quantitatifs de sélection ne peuvent être fixés de manière uniforme
pour l'ensemble d'un marché national, mais doivent être déterminés en fonction des caractéristiques propres aux
zones géographiques d'implantation de chaque distributeur. De plus, ils doivent évoluer dans le temps en
fonction de l'évolution d'éléments indépendants de la volonté du fournisseur comme la position de la
concurrence ou le pouvoir d'achat des consommateurs. Il s'ensuit que ces critères, par définition différenciés et
variables dans l'espace et dans le temps, ne peuvent être toujours identiques dans l'ensemble des contrats du
réseau et doivent pouvoir évoluer à l'intérieur même de chaque contrat ».
n° 1400/2002. Il n'est dès lors pas dans l'esprit dudit règlement d'exiger qu'ils explicitent
leurs critères quantitatifs leur permettant de fixer directement le nombre de leurs
distributeurs ».
B/ L’application de critères quantitatifs dans la concession exclusive
89. - La concession exclusive tolère la mise en œuvre de critères qualitatifs mais aussi
quantitatifs du fait qu'il y ait une attribution à chaque distributeur d'une exclusivité
territoriale.
Aussi, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation177, peut valider une limitation
numéraire des distributeurs, lorsque la méthode de sélection quantitative des distributeurs est
expliquée et justifiée au moyen de diverses pièces, que celle-ci est suffisamment objective et
précise, et appliquée de façon uniforme.
90. - Néanmoins, le critère quantitatif ne peut pas être utilisé comme motif de refus à
l’encontre d’un candidat concessionnaire lorsque l’ensemble du réseau n’a pas été constitué.
« Tant que la place n‘est pas prise par un opérateur qui est effectivement en conformité avec
le cahier des charges, elle est libre »178. Cependant, bien que Maitre J. VOGEL plaide en
faveur d’un « contrôle du juge (qui) doit être effectif et (doit) résulter de la vérification des
critères qualitatifs et de la manière dont ils ont été appliqués »179, la Cour de cassation180
précise que les juges n’ont pas « à juger de l'opportunité du choix de ce critère ».
177
Cass. Com., 6 mars 2007, E. CHEVRIER, Nécessité d’une réorganisation juridique ou économique du
réseau, Dalloz.
178
Cass. Com., 28 juin 2005, Maitre R. BERTIN, avocat du garage GREMEAU, contre DAIMLER
CHRYSLER.
179
Cass. Com., 28 juin 2005, Maitre J. VOGEL, avocat de DAIMLER CHRYSLER, contre le Garage
GREMEAU.
180
Cass. com., 28 juin 2005, JurisData n° 2005-029187.
II/ La nature des critères qualitatifs de sélection
91. - La réalisation d’un processus de sélection pour la mise en œuvre d’un système de
distribution sélective est particulièrement requise pour les produits de luxe181 du fait de leur
notoriété182, de leur qualité183 entrainant un certain niveau tarifaire. Il peut notamment s’agir
de « chocolats rares, foulards de grande renommée, articles de voyage d’élite, orfèvrerie fine,
montres réputées », de produits de « haute qualité des vêtements de luxe »184, des cosmétiques
et produits d’hygiène corporelle. La pertinence du recours à la distribution sélective est
facilement reconnue pour les produits techniques, complexes, fragiles185, qui nécessitent une
plus grande attention des distributeurs.
92. - L’étude des critères subjectifs (A) et objectifs (B) tend à privilégier la sélection pour la
constitution d’un réseau de distribution sélective, puisque l’utilisation de critères qualitatifs
est emblématique de ce modèle, sans toutefois occulter leur recours dans la concession
exclusive186 ou la franchise187, de façon moins marquée.
A/ Les critères subjectifs
93. - La compétence du distributeur s’évalue par la qualité des conseils qu’il prodigue dans la
vente et les services de l’après-vente188. La compétence professionnelle et commerciale doit
garantir « la vente des produits dans de bonnes conditions »189 et, pour cela, être en
adéquation avec la nature et la marque du produit. L’enjeu d’optimiser la sélection doit tendre
à l’efficience du réseau pour ne choisir que les revendeurs répondant aux critères préétablis.
181
Comm. CE, 16 déc. 1985, Villeroy et Boch : JOCE n° L. 376, 31 déc. 1985 pour les produits d’art de la
table. – TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851 pour la parfumerie. – Cass. com., 11 janv. 2005 :
Juris-Data n° 2005, 026564, pour des « jeans haut de gamme ».
182
CJCE, 11 déc. 1980, L’Oréal, Rec. CJCE, 3775.
183
Comm. CE, 16 déc. 1985, Villeroy et Boch : JOCE n° L. 376, 31 déc. 1985 pour les produits d’art de la
table.
184
Cass. Crim., 11 mai 1987, Affaire Christine Laure, Rev Conc. consomm., 1988, n° 41, p. 25.
185
Comm. CE, 10 juill. 1985, Grunding : JOCE n° L. 233, 30 août 1985 pour du matériel de reproduction
sonore.- Comm. CE, 18 avr. 1984, IBM : JOCE n° L. 118, 4 mai 1984, pt. 24 pour des ordinateurs.
186
La concession exclusive crée une exclusivité de fourniture au profit des distributeurs sélectionnés à partir de
critères qui sont qualitatifs et quantitatifs. Toutefois, la particularité de ce modèle réside dans l’attribution d’un
territoire de façon exclusive.
187
La franchise commerciale, qui peut être assimilée à la distribution sélective, présente la transmission d’un
savoir-faire et d’une assistance tandis que la distribution sélective tend à la seule reconnaissance d’une aptitude à
la commercialisation.
188
Cass. com., 22 oct. 1991 : D. 1992, somm. p. 393, obs. D. FERRIER.
189
Comm. CE, 13 déc. 1974, BMW : JOCE n° L. 29, 3 févr. 1975.
La compétence technique peut être différenciée de la compétence commerciale puisque les
aptitudes requises varient selon la nature et les caractéristiques des produits à commercialiser.
94. - Les critères de compétence ont été considérés comme non restrictifs de concurrence
lorsqu’il n’existe aucune règlementation déterminant l’accès à la profession de vendeur des
produits concernés par la distribution sélective, étant donné que ces critères sont
indispensables à une commercialisation bien adaptée des produits. Les produits de haute
technicité190 requièrent des compétences professionnelles indispensables. Le distributeur doit
connaitre parfaitement le fonctionnement du matériel et savoir prodiguer des conseils
efficaces aux consommateurs. Cette obligation pour le professionnel de donner des conseils
pertinents au consommateur profane a été reconnue licite par la jurisprudence191.
95. - Le distributeur de produits techniques, tels que des ordinateurs, doit également assurer le
service de garantie, de maintenance pour l’après-vente. Les produits dits de « dermo
pharmacie », produits cosmétiques, peuvent avoir des effets indésirables, voire même
dangereux en cas de mauvaise utilisation. Le recours à des systèmes de distribution organisés
a été consacré192. La commercialisation de produits de luxe sous-entend une aptitude
commerciale des distributeurs liée à la renommée de la marque.
B/ Les critères objectifs
96. - La nature et l’installation du point de vente présentent une réelle importance mais celleci doit être justifiée eu égard à la nature des produits en cause. L’affaire du « litologue
agrée »193 dans laquelle un fabricant de lits soutenait que la vente de ses produits était
impossible, dans un environnement bruyant du fait de téléviseurs placés à côté. La Cour
d’appel a validé cette clause tout en considérant que pour que le gène cesse, une simple
cloison suffisait tandis qu’une insonorisation totale n’était pas nécessaire. Il convient de se
réserver des abus et dérives en la matière.
97. - Le critère de l’indépendance du point de vente implique une différenciation des stands
d’un centre commercial des autres activités du centre.
190
Paris, 25 sept. 1991, Marché de la chaussure de ski : BOCC 17 oct. 1991.
CA Paris, 5 Mars 1987, SARL MACSI Information c/ Sté APPLE.
192
Cons. Conc., 9 juin 1987 ; CA Paris, 28 janv. 1988.
193
CA Paris, 16 janv. 1989 in D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008.
191
L’installation du point de vente requière des modalités spécifiques à respecter afin de faire
l’objet de la sélection et pouvoir ainsi intégrer le réseau. Ces critères tendant au point de vente
sont en concordance avec la nature du produit afin que la commercialisation soit optimale. Le
standing du point de vente est le critère déterminant concernant la vente de produits de luxe,
aussi le distributeur possédant un point de vente ne répondant pas à ce critère de « standing »
se verra évincé de la sélection194. Parmi les exigences, il sera notamment question de la
surface du local avec l’obligation de détenir un nombre minimal de mètre carrés, la surface et
l’agencement des vitrines, « l’aspect général et la qualité de la façade », l’aménagement
intérieur. L’environnement du local avec les facteurs de l’emplacement et de l’enseigne sont
primordiaux mais il conviendra au fournisseur « d’appliquer le critère de l’enseigne d’une
manière particulièrement prudente lorsqu’il ne fait aucun doute que le détaillant a fait les
investissements nécessaires pour satisfaire à toutes les exigences concernant les conditions
matérielles de vente et a accepté les obligations de stockage, de chiffre minimal d’achats
annuels, de coopération publicitaire (…) »195. « Dans un tel cas, il appartient aux juridictions
(…) de vérifier que le critère de l’enseigne n’est pas utilisé à la seule fin d’exclure du réseau
un point de vente apte à vendre les produits concernés, sans qu’il n’existe de risque réel
d’atteinte à l’image de ces derniers »196.
98. - Alors même que certains domaines de prédilection, tels que les biens de consommation
durable, de haute qualité ou technicité, ont vocation à recourir à la commercialisation par le
biais de la distribution sélective, ce système de distribution ne présente pas de domaine
réservé. Il suffit que tout produit appartenant à tout secteur d’activité nécessite la mise en
place d’un tel système fondé sur des critères qualitatifs, objectifs et appliqués de manière non
discriminatoire. Cette grande souplesse de pouvoir recourir à la distribution sélective doit être
nuancée par le réel contrôle existant dans l’évaluation des critères et dans leur application
permettant la réservation du marché à certains distributeurs.
194
Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint-Laurent, JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992. – Cass. crim., 11 mai 1987 :
Rev Conc. consom., 1988-41, p. 25 pour un point de vente Leclerc refusé car ayant été jugé dégradant pour la
vente pour la marque des vêtements.
195
Op. cit. pt. 155.
196
Op. cit. pt. 155.
Paragraphe II/ La licéité de l’application des critères, de façon effective
99. - Le processus de sélection dans la distribution sélective est encadré par l’exigence de
non-discrimination et d’application des critères de manière objective (I), contrainte retrouvée
dans la concession exclusive tandis que la franchise bénéficie d’un encadrement plus souple,
octroyant une plus grande liberté au fournisseur (II).
I/ Les exigences propres à la distribution sélective
100. - En application de l’exigence de cohérence, une fois les critères de sélection élaborés, le
fournisseur doit mettre en œuvre les critères qualitatifs comme quantitatifs de manière non
discriminatoire197, sans quoi il démontre que la règle qu’il a unilatéralement dictée n’est pas
fondée. « Les critères ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet d’exclure par nature une
ou des formes déterminées de commerce qui seraient aptes à cette distribution »198. Aussi, la
grande distribution ne peut être exclue, par la conclusion que ce mode de commercialisation
est incompatible, tels qu’ont pu le faire les juges du fond ; lorsque les critères sont satisfaits, il
convient de sélectionner la grande surface199.
101. - Pour éviter qu’un réseau de distribution sélective n'entrave l'accès au marché pour une
catégorie de distributeurs, le droit communautaire et le droit français veillent à ce que cette
forme de distribution ne constitue pas une restriction injustifiée de concurrence, en exigeant
que les critères de sélection choisis soient précis et mis en œuvre sans discrimination200.
Cependant, la décision du Conseil de la concurrence du 26 novembre 2003201, qui se réfère à
une communication de la Commission Européenne du 22 décembre 2001 relative aux accords
d'importance mineure, ne sanctionne pas les pratiques discriminatoires, employées dans le
domaine de la distribution sélective, par le fournisseur lors de la sélection de ses distributeurs.
L’application discriminatoire n’est pas automatiquement sanctionnée, les instances
197
CJCE, 25 oct. 1977, Metro : Rec. CJCE, 1875.
TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, p. 1967.
199
Cass. com., 21 oct. 1997 : D. 1998, somm. p. 340, obs. D. FERRIER : La Cour de cassation a jugé
« erronée » la constatation par les juges du fond que « la commercialisation des produits de luxe selon les
techniques de la grande distribution fait perdre à ces produits leur renommée et le caractère luxueux que veut
leur conférer le fabricant ».
200
CA Versailles, 12ème ch., 16 mai 2002, Sté Parasante c/ Sté Biotherm distribution et compagnie, RD. 2003, p.
2433 et p. 2430, obs. D. FERRIER : « Le promoteur d'une distribution sélective doit fournir tous les demandeurs
de ses produits, qui satisfont ses critères ».
201
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 octobre 1997, avait sanctionné la discrimination : Bull. civ. IV,
n°271 ; D. 1998, Somm. p. 340, obs. D. FERRIER.
198
compétentes en la matière doivent, pour se prononcer sur l'existence et la réparation du
préjudice concurrentiel, évaluer la part de marché détenue par le fournisseur. En présence
d’un accord d’importance mineure, la discrimination n’est alors pas condamnée, en l’absence
d’effet sensible sur le libre jeu de la concurrence202. Cette solution est contestée203 du fait
qu’elle remet en cause la sécurité juridique des principes en la matière.
102. - Le processus de sélection est circonscrit à des contraintes, tendant à la création des
critères aptes à le réaliser, mais également quant à leur mise en œuvre. Il semble utile
d’appréhender les effets induits par de telles exigences sur la sélection et, par ricochet, sur la
structure contractuelle.
II/ La présence de l’obligation d’objectivité et de non discrimination dans la franchise
commerciale ?
103. - « Le législateur contemporain multiplie à l’envie les interdictions de discrimination et,
ce faisant, neutralise le jeu de l’intuitus personae lors de la formation du contrat »204.
Une hypothèse de parallèle se dresse. Il semble intéressant de s’interroger sur la conciliation
entre le respect des modalités d’exercice de la sélection dans la franchise et la concession et la
considération de la personne du distributeur.
104. - Une jurisprudence bien établie ne reconnaît pas au concédant un pouvoir
discrétionnaire dans le choix de ses concessionnaires ; des critères précis et non
discriminatoires devant être mis en application dès le stade de la sélection205.
105. - Néanmoins, le contrat de franchise a été jugé par la Cour de cassation206 conclu en
considération de la personne du franchiseur. Il en résulte, par exemple, qu’en cas d'absorption
202
La société Biotherm ne détient que 2 à 3 % de parts du marché des produits cosmétiques et d'hygiène
corporelle vendus par toutes les formes de distribution.
203
M.-A. SABIRAU-PEREZ, Distribution sélective et préjudice concurrentiel, Réflexions à propos de la
décision du Conseil de la Concurrence du 26 novembre 2003, Biotherm, RD. 2004, p. 1441 : « Le droit de la
concurrence, gagnant en autonomie, donne une définition restrictive du préjudice concurrentiel qui ne nous
paraît pas satisfaisante ».
204
J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, 3ième éd., Francis Lefebvre,
2005, n° 1190, p. 459.
205
Cass. com. 25 janv. 2000, Contrats, conc., consom. 2000, n° 64, obs. M. Malaurie-Vignal.
206
Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n° 06-18007761 : « Le tiers au contrat de franchise, ne peut, contrairement
au franchisé, se prévaloir du caractère intuitu personae de celui-ci et soutenir que ce contrat, par l'effet de
l'apport qui a emporté changement de franchiseur, a nécessairement pris fin ».- Cass. com., 26 mai 2009,
pourvoi n° 08-13.194 : « le contrat de franchise avait été conclu intuitu personae ».
du franchiseur par une société tierce, même si celle-ci appartient au même groupe, le contrat
de franchise n'est pas transmis de plein droit et nécessite l'accord du franchisé.
Lorsque le processus de sélection est influencé par des considérations, pour la totalité,
difficilement identifiables et propres à la personne du candidat, cela revient à faire primer la
subjectivité. La sélection dans la franchise est dotée d’une importante subjectivité en présence
d’un choix basé, pour le principal, sur l’ensemble des qualités personnelles que possède le
candidat. La réunion de ces éléments présente une synergie non immédiatement accessible
pour le sélectionneur dans l’état actuel des candidats distributeurs.
La transposition d’un phénomène de sélection influencé majoritairement par les qualités
propres à la personne équivaut à une discrimination. Il s’agit d’une discrimination, bien
qu’elle puisse être qualifiée de « positive »207, puisque celle-ci tend à favoriser un candidat
revendeur en fonction des différences propres à son identité. Toutefois, certains candidats
compétents, aptes, sont exclus injustement de la sélection. La tendance législative tend à plus
de liberté contractuelle et, surtout, plus de liberté précontractuelle. La suppression du principe
de non discrimination au sein de l’article L. 446-2 du Code de commerce en témoigne. « Les
nouvelles dispositions de la loi sur la modernisation de l'économie208 abrogeant le principe de
non-discrimination faciliteront la négociation commerciale du prix des insertions
publicitaires dès lors que les supports éditeront des tarifs différenciés par type de
clientèle »209.
106. - Il convient d’envisager alors la reconnaissance, dans la franchise, de l’absence d’une
obligation de non discrimination. En effet, seuls les critères préalablement définis dans la
distribution sélective et la concession doivent être appliqués de manière objective et non
discriminatoire. L’initiateur d’un réseau de distribution sélective est lié par le respect des
critères qu’il a antérieurement défini. La sélection dans la concession doit être objective et
non discriminatoire, de la même manière.
207
Le Monde Diplomatique, « Discrimination positive », mai 2007, p. 12 : « L’expression « discrimination
positive » a fait son apparition dans le vocabulaire politique français il y a une vingtaine d’années. Mais sa
véritable vogue date des années 2000. (…)M. (Le Président de la République) Nicolas Sarkozy a été le premier
homme politique à s’en réclamer... ».
208
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, Journal Officiel 5 Aout 2008 s.
209
JCl. Comm., Fasc. 4450, Non-discrimination, n° 18 : « Discriminations positives et négatives », Cote :
01,2009.
Toutefois, dans la franchise, bien que le fournisseur dispose d’une plus grande liberté dans la
mise en œuvre de la sélection, cela ne saurait automatiquement signifier que la sélection n’est
empreinte que de discrimination et de subjectivité.
« L'intuitus personae a incontestablement deux rôles, l'un destiné à assurer la cause du
contrat (comme dans les donations), l'autre à assurer son exécution comme remède au risque
inhérent à tout contrat, et constitue en ce sens un instrument du dessein contractuel »210. La
finalité contractuelle de l’intuitus personae est néanmoins bien objective.
La réalisation d’un besoin de sélection par le choix d’un candidat basé essentiellement sur les
caractéristiques propres à sa personne, non transposables à d’autres distributeurs pour
l’ensemble, montre l’importance d’éléments subjectifs. Néanmoins, une partie de la doctrine a
observé, dans les années 70, un certain déclin de l’intuitu personae dans les contrats211. Mme
CONTAMINE-RAYNAUD apporte une justification à ce phénomène, « le déclin de l’intuitu
personae dans les contrats provient du déclin plus général de la liberté contractuelle »212.
107. - Une fois le besoin de sélection déterminé et réalisé par la mise en œuvre d’un processus
licite, le phénomène de sélection, bien qu’effectué, n’est pas terminé. Le processus de
sélection, pour être effectif, dépend du respect de conditions, normes au sein même du réseau
de distribution. Pour cela, le thème du travail de recherche ne peut écarter la licéité du
contrôle de la sélection, du réseau.
210
JCl. Contrats – Distrib., Fasc. 1020, Concessions, Distribution des produits de luxe, n° 21 : L'agrément est-il
donné « intuitus personæ » ?, Cote : 08,2006.
211
AZOULAI, Elimination de l’intuitu personae dans le contrat, in Etudes et Documents de Droit privé, la
tendance à la stabilité du rapport contractuel, p.1. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitu personae dans les
contrats, thèse, Paris, 1974.
212
M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitu personae dans les contrats, Thèse, Paris, 1974, n° 2, p. 3.
Section 2/ La validité du contrôle de l’effectivité du processus de
sélection
108. - « L’organisation du réseau permet un réel contrôle interne du respect des normes du
réseau et de l’intérêt du réseau »213.
Le fournisseur étant parvenu à satisfaire le besoin de sélection, inhérent à la bonne
commercialisation de ses produits ou services, doit s’assurer qu’il ne sera pas porté atteinte
aux intérêts et enjeux véhiculés par la sélection. La concrétisation de la sélection n’est autre
que la création d’une institution organisée, le réseau de distribution. Sélection et réseau sont
alors liés, ils poursuivent, à deux étapes différentes, celle de la projection puis celle de la
réalisation, le même résultat, obtenir la distribution la plus efficiente des marchandises.
109. - Le réseau de distribution serait générateur d’obligations qui n’existeraient pas sans
lui ?214 Cette conception semble occulter le fait que seul le contrat de distribution crée les
obligations, le réseau n’est que le cadre commun permettant de lier les différentes relations
contractuelles, autour d’intérêts communs. L’obligation d’assistance, de reconversion,
résulterait du contrat lui-même, « indépendamment de l’appartenance d’un contractant à un
réseau quelconque »215.
110. - Toutefois, au vu des constations précédentes, l’on ne saurait occulter les synergies que
développe le recours au réseau de distribution. La théorie contractuelle pourrait composer
avec la théorie institutionnelle, en admettant le compromis du contrat créateur d’obligations et
de l’organisation en réseau impliquant la nécessité du respect desdites obligations.
Il convient, dès lors, de comprendre que la sélection doit être protégée par son initiateur, au
moyen de celle du réseau pour la sécurité des contrats qu’il rassemble (Paragraphe I). Le
contrôle du réseau n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen utilisé pour garantir
l’efficience des contrats de distribution et, par conséquent, des effets de la sélection. Les
modalités de la protection du réseau, notamment par le contrôle du fournisseur du respect de
l’exclusion de certains opérateurs du fait de la survenue de la sélection, sont encadrées par des
exigences légales (Paragraphe II).
213
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D. G,
1999, n° 889, p. 470.
214
Selon la formule utilisée par D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, in L. AMIEL-COSME, La théorie
institutionnelle du réseau, n° 19, p. 23, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Aspects actuels du droit des
affaires, Dalloz, 2003.
215
Ibid.
Paragraphe I/ Droit et devoir de contrôle du fournisseur indispensables à
l’effectivité de la sélection
111. - La tête de réseau a besoin de sécuriser les investissements réalisés pour mettre en place
et développer son réseau de distribution. Le fournisseur ne peut remettre en cause l’ensemble
des efforts qu’il a déployés en offrant la possibilité à n’importe quel revendeur de
commercialiser ses produits. Tout l’intérêt de réussir la phase de sélection des revendeurs
réside dans le fait que, tel un château de cartes, la faille d’un seul distributeur peut conduire à
déstabiliser, voire anéantir, tout le travail des autres. L’initiateur, pour garantir l’efficience de
la sélection, peut recourir à la protection directe du réseau en imposant le respect de la
politique de celui-ci à ses membres et, sous certaines conditions, aux tiers (I) ou bien à la
protection indirecte, qui s’exprime par des moyens plus subtils (II).
I/ La protection directe du réseau
112. - La santé du réseau repose alors sur le comportement de chaque membre. Les
distributeurs doivent respecter des exigences liées au réseau afin que celui-ci soit solide (A).
Le fournisseur doit réussir à constituer un réseau homogène de distributeurs étant dotés du
même esprit marketing qu’il souhaite véhiculer. Néanmoins, le promoteur du réseau dispose
de moyens pour protéger le réseau, notamment par l’engagement de la responsabilité des
distributeurs sélectionnés ou des tiers revendeurs (B).
A/ Le contrôle des obligations à la charge des distributeurs sélectionnés
113. - Le promoteur du réseau peut contraindre les distributeurs au respect de certaines
obligations du fait de leur licéité (1/) mais ne dispose pas d’un pouvoir absolu, certaines
exigences étant excessives et donc condamnées par le droit de la concurrence (2/).
1/ Les exigences licites, admises
114. - Le caractère collectif du réseau implique le respect par chacun de ses membres de
l’intérêt du réseau216, de ses usages217, et plus largement le respect des stipulations
contractuelles l’ayant organisé de manière cohérente avec pour but final la conquête de la
clientèle218. La liberté commerciale des distributeurs est limitée dans l’intérêt du fournisseur
mais également dans l’intérêt de l’ensemble du réseau.
115. - Dans la distribution sélective, le distributeur peut être tenu d’acquérir un assortiment de
produits, tout nouveau produit mis sur le marché par le fournisseur, afin d’élargir les
possibilités de choix du consommateur final219. Il peut être également tenu de réaliser un
chiffre annuel minimum d’achat220, dans la mesure où celui-ci est raisonnable, pour
rentabiliser les coûts de promotion et de commercialisation. Un montant excessif induirait une
élimination des distributeurs sélectionnables ou une impossibilité d’approvisionnement des
distributeurs sélectionnés auprès d’autres fournisseur. Aussi, le montant annuel minimum des
achats des produits parfumant et cosmétiques par un distributeur ne devait pas excéder 40 %
du chiffre moyen des achats réalisés au cours de l’année précédente dans l’ensemble des
points de vente situés sur le territoire du pays concerné221.
Dans la concession exclusive, le concessionnaire, peut être tenu d’acquérir une certaine
quantité de produits déterminés au moyen d’une clause de quota ou de minimas. Cette
exigence peut être analysée comme une obligation de moyens pour atteindre un objectif ou
bien caractériser une obligation de résultat, dont l’échec induit une inexécution
contractuelle222. Il convient toutefois que l’objectif soit réalisable et nullement en proie à des
discriminations.
Le franchisé doit appliquer les normes résultant de la communication du savoir-faire, afin
d’assurer l’uniformité indispensable à la mise en œuvre de la franchise223. L’obligation
d’approvisionnement peut s’illustrer par l’acquisition d’un stock minimum ; en outre, le
franchisé pourra être tenu de ne vendre ou n’utiliser pour l’exécution des prestations que des
216
Colmar, 6 déc. 1977, Cah. dr. E., 1978, n° 4, p. 12, note D. FERRIER.
Paris, 20 mai 1994, D. 1995, somm., p. 70, obs. D. FERRIER.
218
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des Contrats, Les contrats de la distribution, J.
GHESTIN (dir.), LGDJ, 1999, n° 927, p. 479.
219
TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, p. 1967.
220
Comm. CE, 18 avr. 1984, IBM, prec., pt. 8.
221
TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851.
222
Paris, 19 oct. 1981 : Gaz. Pal. 1982, 2, p. 240, note Ph. LE TOURNEAU.
223
Lignes directrices, pt. 42 et 43.
217
produits fournis ou référencés par le franchiseur. Lorsque l’engagement « est nécessaire au
maintient de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé »224, celui-ci
bénéficie de l’exemption et peut avoir une durée excédant cinq ans, sans toutefois excéder
celle du contrat de franchise lui-même. Toutefois, l’obligation essentielle du franchisé réside
dans le paiement du prix de la franchise ; le droit d’entrée, en contrepartie de la
communication du savoir-faire, ainsi que les redevances, contreparties de la mise à disposition
de la marque et de l’assistance apportée par le franchiseur.
116. - Le distributeur, membre d’un réseau de distribution sélective, doit commercialiser les
produits selon les normes qualitatives préalablement fixées par le promoteur du réseau, telles
que la présentation des produits dans un environnement valorisant. Toutefois, le fournisseur
peut exiger que d’autres marques notoires soient présentes dans le point de vente 225 mais il ne
peut imposer leur identité226. Ce dernier peut être tenu d’un montant minimum de revente à
réaliser uniquement si cette obligation n’est pas génératrice d’une élimination des
concurrents. Le règlement n° 2790-99 exclue « toute obligation directe ou indirecte imposée
aux membres d’un système de distribution sélective de ne pas vendre des marques de
fournisseur concurrents déterminés »227.
117. - Les distributeurs sélectionnés doivent également participer à la protection du réseau.
L’ensemble des membres du réseau est tenu de ne pas revendre à des distributeurs non
sélectionnés. Ainsi, « Cartier s’engage à n’approvisionner en produits de sa marque, à
l’intérieur de la Communauté, que des distributeurs agrées. En contrepartie, ces derniers
s’engagent à ne vendre ces produits à l’intérieur de la Communauté qu’aux consommateurs
finals, ou encore à d’autres distributeurs agrées qui y sont établis »228.
En application de cette obligation, les distributeurs doivent vérifier la qualité de tout acheteur
professionnel et conserver les factures en vue d’un éventuel contrôle par le fournisseur.
L’interdiction des ventes dites « hors réseau » est considérée par le règlement 2790-99229
comme inhérente à la distribution sélective230 : « Tout système de distribution fondé sur une
sélection des points de distribution implique nécessairement, à peine de n’avoir aucun sens,
l’obligation pour les distributeurs faisant partie du réseau de n’approvisionner que des
224
Lignes directrices, pt. 200.
TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851, prec.
226
Cons. conc., 1ier oct. 1996, Produits cosmétiques, BOCC 1997, p. 42.
227
Règl. n° 2790-99, art. 5-c.
228
CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15, n° 7.
229
Art. 1, Règl. CE n° 2790-99 : JOCE n° L. 336/21, 29 déc. 1999.
230
D. FERRIER, Droit de la distribution, 4iè éd., Litec, 2006, p. 271, n° 612.
225
revendeurs agrées… »231. Il convient nécessairement que les critères de sélection soient
considérés comme étant non restrictifs de concurrence, pour échapper à l’application des
articles 81 §1 du Traité CE et L. 420-1 du Code de commerce et qu’ils soient exemptés232, au
titre des articles 81 §3233 et L. 420-4 du Code de commerce.
118. - En outre, le distributeur ne doit pas porter atteinte à l’image de marque du réseau.
L’image de marque du réseau est désormais une valeur dont la nécessaire protection est prise
en compte234.
2/ Les obligations condamnées
119. - Certaines obligations excèdent les besoins inhérents à la bonne commercialisation des
marchandises et sont condamnées. Il peut notamment s’agir de limitations de revente235, qui
constituent une restriction de concurrence236, du respect de prix imposés237. En effet, dans un
réseau de distribution sélective, le distributeur doit être libre de « prospecter la clientèle, dans
n’importe quel Etat membre de la Communauté économique européenne », étant donné qu’il
n’y a pas d’exclusivité territoriale à son profit238.
B/ Les moyens de la protection directe du réseau
120. - Le fournisseur, tout comme les membres du réseau, peut engager la responsabilité de
l’un des distributeurs, en cas d’inexécution contractuelle (1/) mais également la responsabilité
du tiers revendeur, à la condition de satisfaire quelques exigences probatoires (2/).
231
CJCE, 25 oct. 1977, Metro : Rec. CJCE, 1875, pt. 27.
Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992.
233
Art. 4b, Règl. CE n° 2790-99 : JOCE n° L. 336/21, 29 déc. 1999.
234
Cass. com., 28 nov. 1995, Bull. civ. IV, n° 276, p. 254.
235
CJCE, 28 avr. 1988, Javico, Rec. CJCE 1983 : « constitue une restriction de concurrence (…), l’interdiction
faite à un distributeur établi dans un Etat-membre qui serait chargé de commercialiser les produits dans un
territoire situé hors de l’Union européenne de vendre directement ou de réexporter ces produits dans l’Union
européenne en raison de l’existence d’un réseau de distribution sélective ».
236
Ces restrictions de concurrence tombent sous le coup de l’article 81, § 1 du traité CE.
237
Règl . n° 2790-99, considérant 10 : « certaines restrictions verticales ayant des effets anticoncurrentiels
graves comme l’imposition d’un prix de vente minimum ou fixe (…) doivent être exclues du bénéfice de
l’exemption (…), quelle que soit la part de marché des entreprises concernées ».
238
Comm. CE, 21 déc. 1976, Junghans, JOCE, n° L.30, 2 févr. 1977, pt. 29.
232
1/ L’engagement de la responsabilité du distributeur sélectionné
121. - Chaque distributeur est lié au promoteur du réseau par le contrat-cadre de distribution
et doit respecter les obligations licites qu’il regroupe. Il s’agit notamment de l’obligation de
ne pas revendre à des distributeurs hors réseau et de respecter les conditions de
commercialisation relatives aux produits. Ces exigences sont indispensables au bon
fonctionnement du réseau et à la création de synergies. En effet, le comportement
opportuniste d’un distributeur induit des effets négatifs qui sont répercutés sur l’ensemble des
autres membres. Néanmoins, certains distributeurs sélectionnés violent l’obligation négative
de ne pas revendre hors réseau et engagent, à ce titre, leur responsabilité contractuelle.
L’initiateur du réseau doit assurer la police du réseau, ce qui engendre à sa charge une
obligation d’engager la responsabilité contractuelle du distributeur sélectionné.
122. - Il a été admis qu’un distributeur sélectionné puisse agir en concurrence déloyale contre
un autre distributeur sélectionné qui ne respectait pas les obligations tenant à la distribution
sélective239. Aussi, alors même que le second distributeur sélectionné n’est que tiers à la
relation contractuelle, l’inexécution contractuelle lui cause un préjudice délictuel, lui ouvrant
un droit à l’invoquer240. Les membres du réseau peuvent donc se prévaloir du fait que le
manquement contractuel qui cause à un tiers un dommage est constitutif d’une faute
délictuelle241.
123. - Dans la concession exclusive, lorsque le contrat relève du règlement CE n° 2790-99, le
concédant ne peut interdire au concessionnaire de revendre les produits à un revendeur hors
réseau. Mais s’il relève uniquement des règles de concurrence d’origine interne, l’article
L.442-6-I-6°, du Code de commerce sanctionne le fait « de participer à la violation de
l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution
(…) exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ».
Le concessionnaire bénéficie d’une exclusivité territoriale, ce qui le protège contre les
reventes actives, celles réalisées par les autres distributeurs avec l’utilisation de promotions,
239
Cass. com., 1ier juill. 2003 : D. 2003, somm. p. 2427, obs. D. FERRIER.
Civ. 1re, 15 déc. 1998, RTD civ. 1999. 623, obs. MESTRE : « Les tiers à un contrat sont fondés à invoquer
l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage ».
241
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, D. 2006. 2825, note VINEY. – Com., 6 mars 2007, D. 2007. AJ. 1078, obs.
CHEVRIER. – Civ. 1re, 15 mai 2007, D. 2007. AJ. 1502 : « Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement
de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un
dommage ».
240
ou à partir d’un établissement dans le territoire réservé242. Le concessionnaire pourra mettre
en jeu la responsabilité délictuelle du distributeur et voire même la responsabilité
contractuelle du concédant qui n’aurait pas fait respecter cette obligation243. Les ventes
passives244 des autres concessionnaires sur le territoire exclusif de l’un d’entre eux sont
admises.
2/ L’engagement de la responsabilité du revendeur hors réseau
124. - L’initiateur du réseau et ses membres craignent les revendeurs parallèles, puisque ces
derniers souhaitent profiter des synergies qu’engendre le réseau, sans toutefois supporter les
investissements et subir les contraintes.
125. - Le principe est le droit du revendeur non sélectionné d’acheter librement et revendre les
produits. En effet, le simple fait « d’acquérir les produits et de les commercialiser en dehors
du réseau ne constitue en lui-même aucune faute »245. Néanmoins, ce dernier ne doit pas se
procurer les produits dans des conditions illicites ou frauduleuses. Bien que le caractère
frauduleux ne soit pas présumé, il pourra être déduit de la provenance des produits. La preuve
de l’origine régulière devra être rapportée par le distributeur pour ses approvisionnements, tel
n’étant pas le cas pour les approvisionnements en amont du sien. Le revendeur hors réseau ne
peut revendre les produits portant la mention indiquant qu’ils ne peuvent être vendus que par
des distributeurs sélectionnés, ou supprimer cette mention, sans quoi ces agissements sont de
nature à tromper délibérément les consommateurs. Celui-ci pourra revendre ces produits en
précisant qu’il n’est pas membre du réseau, afin de dissiper toute confusion dans l’esprit du
public. Il en est de même pour la garantie contractuelle.
Aussi, dans le cas où la licéité du réseau a été établie et que la preuve de la licéité de
l’approvisionnement n’a pas été apportée par le revendeur, sa responsabilité civile pourra être
engagée sur le fondement de la concurrence déloyale. Le distributeur sélectionné, ayant fourni
le revendeur hors réseau, est coupable de tierce complicité et peut voir engager sa
responsabilité contractuelle par le promoteur du réseau du fait de l’inexécution contractuelle
242
Règl. n° 2790-99, art. 4-b.
Cass. com., 19 oct. 1983 : Bull. civ. IV, n° 269. – Cass. Com., 22 févr. 1967, Bull. civ. III, n° 85.
244
Le concessionnaire ne doit pas être protégé contre les ventes opérées à la demande d’un client situé dans son
territoire ou tout au moins sans qu’ils l’aient eux-mêmes sollicité.
245
Cass. com., 27 oct. 1992 et Paris, 17 févr. 1993 : D. 1995, somm. p. 83, obs. D. FERRIER.
243
qu’il a commise. L’atteinte à l’image engendrée par la revente dévalorisante des produits est
également condamnable246.
126. - En conséquence, le contrat de distribution ne créé pas d’obligation à l’égard des
revendeurs hors réseau mais constitue un fait juridique qui leur est opposable et rend
condamnable la commercialisation des produits par un distributeur qui n’est pas sélectionné
ou tout au moins pas sélectionnable247. Certains auteurs248 sont même allés au-delà de ce
raisonnement en consacrant la personnalité juridique du réseau, ayant pour effet de rendre
opposable aux distributeurs non sélectionnés les dispositions contractuelles émanant de celuici.
II/ La protection indirecte du réseau
127. - Le fournisseur, afin d’assurer l’efficience du processus de sélection préalablement mis
en œuvre par la protection du réseau, peut recourir à des moyens quelque peu détournés,
ingénieux, sans que ceux-ci ne soient illicites. La société Cartier illustre parfaitement ce
propos en gênant la commercialisation des revendeurs hors réseau, de sorte à protéger ses
distributeurs sélectionnés contre une concurrence déséquilibrée. En effet, les distributeurs
hors réseau ne supportent pas les investissements étant à la charge des candidats sélectionnés,
ce qui crée une inégalité de concurrence. Les distributeurs du réseau ne se battent pas à armes
égales, du fait des frais inhérents au fonctionnement du réseau.
128. - Le promoteur du réseau, pour se prémunir contre les importations parallèles, insère
dans les contrats-cadre de distribution de ses revendeurs des clauses d'effet équivalent 249. Le
réseau de distribution Cartier a refusé d’octroyer aux consommateurs finals sa garantie
lorsque l’achat résultait du travail d’un distributeur hors réseau.
246
CJCE, 4 nov. 1997, Dior : Rec. CJCE, I, 6034. Le revendeur non agréé ne peut utiliser la marque des produits
qu’il commercialise hors réseau « dans un voisinage qui risquerait d’amoindrir gravement l’image que le
titulaire a réussi à créer de sa marque ».
247
D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Litec, 2008, n° 625, p. 280.
248
L. AMIEL-COSME, Op.cit., p. 352.
249
J.-Cl Conc., Consomm., Fasc. n° 225, Atteintes à la production et à l’organisation commerciale de
l’entreprise concurrente, Cote : 02 2005, 15 oct 2004, comm. M. MALAURIE-VIGNAL.
La Cour de Justice des Communautés Européennes250, suivie par la Cour de cassation251, a
reconnu licite la clause visant à limiter la garantie contractuelle du fabricant aux produits
contractuels acquis auprès des distributeurs agréés.
« Un engagement contractuel de limiter la garantie aux commerçants du réseau et de la
refuser aux marchandises écoulées par les tiers aboutit au même résultat et produit le même
effet que les clauses contractuelles, la limitation de garantie est un moyen pour le fabricant
d’empêcher que les tiers au réseau ne se livrent au commerce des produits couvert par le
système »252. Etant donné que « sont licites les clauses contractuelles par lesquelles le
fabricant s’oblige à ne vendre que par l’intermédiaire de distributeurs agrées et par
lesquelles ces commerçants s’engagent à ne revendre qu’à d’autres commerçants agrées ou à
des consommateurs »253, il n’y a pas lieu d’effectuer une distinction entre des clauses dont la
démarche est identique. L’objectif que poursuit la clause limitative de garantie se confond
avec celui de clauses jugées licites, aussi la disposition a bénéficié de l’exemption de l’article
81 §3 du Traité CE254.
129. - Le revendeur hors réseau est confronté à l’obligation d’informer ses clients du fait
qu’ils ne pourront bénéficier de la garantie, au titre de la marque Cartier.
130. - Le réseau de distribution crée indéniablement une exclusion d’une forme de
concurrence par la réservation du marché de distribution de produits ou de prestations de
service aux seuls distributeurs choisis par le fournisseur sur le fondement de critères licites.
Au départ, en l’absence de règlementation applicable, la jurisprudence ne consacrait pas la
reconnaissance de l’effectivité de la protection du réseau par la condamnation des réseaux de
distribution parallèles. Les arrêts de la chambre commerciale du 23 février 1993 et du 18
octobre 1994 ainsi que la loi du 1ier juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations
commerciales viennent apporter une réponse concrète à l’identification du réseau de
distribution sélective en sanctionnant la violation de ce dernier à l’aide d’une réelle
protection.
131. - Un moyen efficace est de prévenir la revente parallèle, en amont, est de réserver
légalement la revente des produits aux seuls distributeurs sélectionnés. Le second moyen pour
250
CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15.
Cass. com., 18 oct. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n° 310.
252
CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, n° 32, p. 15.
253
Op. cit. , n° 33.
254
Ancien art. 85 du Traité CE.
251
protéger le réseau est de lutter contre les comportements irréguliers255. Une fois la constitution
du réseau effectuée conformément à la législation en vigueur, les contraintes posées par la loi
et la jurisprudence, dans le contrôle de la mise en œuvre de la sélection, se métamorphosent
en outil de protection. Le réseau, par son existence même, est générateur d’un droit de
protection, de contrôle et de sanction.
Paragraphe II/ La licéité des moyens du contrôle du fournisseur
132. - La distribution sélective pose des exigences strictes à respecter, telles que le respect de
l’indépendance juridique du distributeur, ce qui ne laisse au fournisseur qu’une faible latitude
dans son contrôle, limitée aux critères de commercialisation (I). La concession exclusive et la
franchise permettent une plus grande intervention de l’initiateur du réseau, notamment par la
gestion nécessaire dans la concession et indispensable dans la franchise (II).
I/ Un droit de contrôle limité au respect des conditions de commercialisation dans la
distribution sélective
133. - « Les obligations acceptées en matière de contrôle, tant qu’elles ne dépassent pas le
but recherché, ne sauraient constituer par elles mêmes une restriction de concurrence mais
forment l’accessoire de l’obligation principale dont elle tend à assurer l’application »256 et
dont « elles partagent la destinée juridique »257. L’exercice du contrôle ne doit pas être abusif
et ne peut constituer une raison légitime à l’immixtion du fournisseur dans l’activité des
distributeurs, tout comme leur soumission à des contraintes excessives. Le promoteur du
réseau ne peut, à ce titre, demander des informations trop détaillées, tel que le chiffre d’affaire
réalisé, les factures correspondant à la revente, que « s’il dispose d’indices concrets quant à la
participation du distributeur à la revente de produits contractuels hors du réseau de
distribution »258. Le fait de limiter les moyens du contrôle du fournisseur semble aller dans le
255
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D.J,
1999, p.743, n° 1351.
256
CJCE, 25 oct. 1977, Metro I, pt. 27, aff. 26/76 : Rec. CJCE. 1875.
257
Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, pt. 7 : JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992.
258
Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, préc.
sens contraire au besoin de surveillance des rétrocessions, qui est pourtant un devoir à la
charge de l’initiateur du réseau259.
II/ Un droit de contrôle plus souple dans la concession et plus élaboré dans la franchise
134. - La marge de manœuvre offerte au fournisseur pour son contrôle dans la concession
exclusive demeure circonscrite aux normes de commercialisation accompagnées d’une
assistance utile (A). Le réseau de franchise repose sur la transmission d’un savoir-faire, lequel
induit une obligation d’assistance, sans toutefois porter atteinte à la qualité de commerçant
indépendant du franchisé (B).
A/ Le contrôle de la gestion par l’assistance nécessaire, utile dans la concession
135. - Le concédant intervient dans l’activité du concessionnaire en lui apportant une
assistance matérielle, technique et commerciale. Cela s’illustre notamment par une formation
dispensée au distributeur et à son personnel, une participation aux opérations publicitaires et
promotionnelles. Toutefois, le concédant peut engager sa responsabilité lorsqu’il exerce sur
l’activité du concessionnaire un contrôle excessif, qui traduit une immixtion, ou bien, au
contraire, lorsque l’assistance est insuffisante. Aussi, le fournisseur qui ne résilie pas le
contrat, sanction prévue en cas de défaillance du concessionnaire, se verra reprocher son
inertie dès lors qu’il connaissait260 ou qu’il ne pouvait ignorer261 cette défaillance et devra
réparer le préjudice que le maintien du contrat aura causé. Le promoteur du réseau doit donc
trouver le juste équilibre dans l’assistance qu’il confère au concessionnaire.
B/ Le contrôle de la gestion par l’assistance obligatoire du franchiseur
136. - Bien que le franchisé, exploitant en son nom une entreprise, assume les charges de tout
entrepreneur262, le franchiseur doit satisfaire à l’obligation d’assistance et de conseil lui
incombant, au profit de l’activité du distributeur. Le franchiseur doit contrôler la mise en
259
D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Litec, 2008, n° 617, p. 275.
Cass. civ., 14 déc. 1956 : Bull. civ. II, n° 694.
261
Cass. com., 6 nov. 1961 : D. 1962, p. 186.
262
CA Douai, 6 février 2003 : Juris-data no 2003-246631.
260
œuvre du savoir-faire qu’il a transmis au franchisé. Il s’agit d’une obligation de contrôle qui
contraint le fournisseur à intervenir lorsque le franchisé rencontre des difficultés dans la mise
en œuvre de la franchise263, sous peine d’engager sa responsabilité264, à condition toutefois
d’être informé de ces difficultés ou d’être sollicité pour les traiter. L’obligation de contrôle
engendre une obligation d’assistance à la charge du promoteur du réseau.
137. - L’obligation d’assistance peut revêtir une multitude de visages, du fait que son contrôle
ne puisse être effectué sans prendre en compte une analyse casuistique, eu égard aux
particularités de chaque relation d’affaires. Le fournisseur ayant proposé de dispenser une
formation au distributeur tout en l’accompagnant d'un logiciel spécifique de gestion et d’un
étalement de la dette, malgré le refus de ces propositions par le franchisé, a valablement
rempli son exigence d’assistance265. Il en est de même pour l’initiateur du réseau qui a conféré
une aide très active au cours de la première année et une aide moins soutenue mais régulière
les années suivantes. Le franchisé ne saurait donc se prévaloir d'une exception d'inexécution
en présence de la démonstration, par les autres membres du réseau, d’une assistance efficace.
La réussite de l’activité des autres distributeurs du réseau ainsi que leurs témoignages sont des
éléments de faits qui participent activement à reconnaitre la satisfaction de l’obligation du
fournisseur.
De plus, le franchiseur ne méconnaît pas son obligation de conseil en n'alertant pas le
franchisé sur le fait qu'il n'a pas progressé rapidement vers une situation bénéficiaire et en ne
le conseillant pas d'arrêter l'activité de l'entreprise266. Par suite, ne donne pas de base légale à
sa décision, la Cour d'appel qui, pour engager la responsabilité du franchiseur, constate qu'il a
manqué à son obligation de conseil sans préciser quelles stipulations lui imposaient cette
obligation267.
En outre, l’obligation d’assistance et de conseil n’est pas en proie à une interprétation rigide
de la jurisprudence, qui lui octroie un certain degré de souplesse et d’originalité, puisqu’elle
peut être variable, en intensité, et quant aux modalités de sa mise en œuvre.
138. - L’intervention du franchiseur dans l’activité du distributeur est justifiée par la
particularité du réseau de franchise, à savoir la nécessité d’opérer une sorte de service après
263
Cass. civ., 17 mai 2005, Contrats conc. consom. 2005 comm. 169, H. MAULAURIE-VIGNAL.
Cass. civ., 21 mai 1997 : D. 1998, p. 150, note B. FAGES.
265
TC Paris, 24 novembre 2003 : Juris-data no 2003-235448.
266
Cass. com., 17 mai 2005, pourvoi no 04-12.176 : Juris-data no 2003-222223.
267
D. MAINGUY, Le contrat de franchise, panorama de jurisprudence (2003-2005), LPA, 08 mars 2006 n° 48,
p. 3.
264
vente du savoir-faire, dans l’intérêt de tous. La communication du savoir-faire emporte des
obligations à la charge du franchisé, telle que la confidentialité ; toutefois ces exigences ne
sauraient le priver de son indépendance commerciale268. Lorsque le franchisé est privé de
réelle autonomie décisionnelle dans la conduite de son activité, qui tend à le placer dans un
état de subordination à l’égard du franchiseur, le contrat devra être requalifié en contrat de
travail. Il convient, dès lors, pour le promoteur du réseau de remplir les obligations de
contrôle et d’assistance qui lui incombent, en faisant preuve de modération permettant au
franchisé de conserver son statut de commerçant indépendant.
268
Paris, 3 juill. 2002, D. 2003, somm. 2429, obs. D. FERRIER.
Conclusion sur la satisfaction juridique du processus de sélection
139. - L’expression du pouvoir décisionnel du fournisseur est confrontée, pour la licéité du
processus de sélection, aux contraintes législatives et jurisprudentielles en la matière ainsi
qu’aux exigences de la Commission européenne, pour bénéficier de l’exemption au titre de
l’article 81, § 3 du traité CE269. La mise en œuvre d’un processus de sélection nécessite la
détermination de critères de sélection licites, non restrictifs de concurrence puisque
n’excédant pas les besoins d’une bonne commercialisation, et préétablis dans la distribution
sélective.
Leur mise en œuvre est soumise aux particularités de chaque système de distribution. La
distribution sélective est essentiellement gouvernée par une sélection qualitative des
revendeurs, alors même que la limitation quantitative est admise dans des cas plus rares,
lorsqu’elle est justifiée par de réels motifs. La concession exclusive et la franchise
commerciale sont basées sur une sélection à la fois qualitative et quantitative. L’exigence de
non-discrimination et d’objectivité semble n’exister que dans les deux premiers systèmes, le
franchiseur, concluant des contrats intuitus personae, bénéficie de plus de liberté dans son
processus de sélection.
140. - Toutefois, une fois la sélection réalisée, encore faut-il, pour déployer les synergies du
réseau, identifiées par le besoin de sélection, s’assurer de son effectivité, par le
développement de moyens permettant sa protection. La protection directe, obligation
incombant au promoteur, faculté pour les autres membres du réseau malgré l’absence de
relation contractuelle qui les lie, permet d’engager la responsabilité contractuelle d’un
distributeur sélectionné en cas de manquement à ses obligations. La responsabilité délictuelle
des tiers revendeurs peut également être engagée en réunissant certaines conditions précises.
La protection indirecte s’illustre par l’utilisation de subtilités, telle que le fait pour le fabricant
Cartier de n’assurer la garantie des produits qu’aux seules marchandises commercialisées par
les distributeurs membres du réseau.
La protection de la sélection, du réseau, résulte de la juste adéquation entre d’un côté, le droit,
devoir de contrôle, de sanction du promoteur quant aux obligations des membres et aux
269
Op. Cit., Règl. CE n° 2790-99.
agissements parasitaires des tiers et d’autre part, le respect de l’indépendance juridique des
distributeurs et de la liberté des revendeurs hors réseau d’exercer une activité économique.
141. - Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie aurait pu légitimer le droit, pour
le fournisseur, de choisir librement, les conditions de commercialisation de ses marchandises
et les critères de sélection de ses revendeurs. Les enjeux concurrentiels tendent à contrôler le
processus de sélection, en ce sens qu’il évince des opérateurs de la possibilité d’exercer une
activité économique. Aussi, il est nécessaire d’appréhender les modalités par lesquelles le
droit de la concurrence opère un contrôle de la sélection, des systèmes de distribution et peut
conduire à ériger un encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre
de distribution.
TITRE II
Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement
juridique du processus de sélection
142. - Le souhait du fournisseur de choisir ses partenaires commerciaux ainsi que le circuit de
distribution de ses produits génère traditionnellement une méfiance du droit français et du
droit communautaire de la concurrence, du fait de l’éviction de certains opérateurs que cela
opère, au profit des distributeurs sélectionnés. Il ne saurait s’agir de débuter une nouvelle
étude de la satisfaction juridique du processus de sélection, et notamment du contrôle des
critères de sélection par le droit de la concurrence270. Au contraire, au vu des éléments qui
précèdent, il convient, par l’analyse des effets de la sélection sur la concurrence,
d’appréhender les modalités de ce contrôle, générant ainsi de nouvelles exigences pour la
mise en œuvre du processus de sélection (Chapitre I).
L’objet de l’étude consiste à déterminer les outils mis en œuvre par le droit de la concurrence
pour délimiter le processus de sélection. Le contrôle effectué par le droit de la concurrence, au
moyen des différentes pratiques et agissements condamnés, conduit à envisager un
encadrement de la sélection, dans sa phase précédant la conclusion du contrat-cadre de
distribution (Chapitre II).
270
Le contrôle de la nature des critères de sélection ainsi que leur mise en œuvre ayant déjà été traité dans le
chapitre précédant.
Chapitre I
Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit
de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences
143. - L’édification d’un encadrement du processus de sélection ne peut être satisfaite avec les
seules dispositions légales et jurisprudentielles nationales. L’analyse de l’expression du
besoin de sélection, c’est-à-dire de son processus juridique, au regard du droit de la
concurrence est inhérent au développement de ses effets.
Chaque système de distribution, reposant sur une sélection des candidats, conduit à une
organisation artificielle de l’entrée sur le marché des produits ou services en question. Le
recours au processus de sélection, que l’on pourrait également nommer processus d’éviction,
tend à une modification du libre jeu de la concurrence. Il est alors nécessaire d’envisager une
possible conciliation entre l’émergence des divers systèmes de distribution, basés sur un
besoin de sélection satisfait, et les exigences concurrentielles. L’examen du processus de
sélection doit permettre la perception des atteintes portées à la concurrence et ainsi déterminer
les possibilités d’admission de celui-ci. La démarche s’inscrit dans une logique de contrôle
pour cerner les litiges, difficultés posées par la sélection. Il convient, ensuite, d’envisager les
moyens mis en œuvre par le droit de la concurrence pour tolérer les effets induits par la
satisfaction du besoin de sélection.
144. - Le besoin de sélection s’exprime à différents moments, alors même qu’il procède
généralement de la volonté de mettre en œuvre un réseau de distribution (Section 1), celui-ci
peut être renouvelé, remanié et donne alors lieu à la réorganisation du réseau de distribution
(Section 2). Il semble opportun de percevoir l’existence de différences entre le processus de
sélection pour la première intégration et celui qui est réalisé, notamment pour le
renouvellement du contrat-cadre de distribution ou pour le changement de l’organisation du
réseau, au regard des exigences propres à chaque temps de la sélection.
Section 1/ Le contrôle de la mise en œuvre du processus de sélection à
l’épreuve du principe de la liberté de la concurrence
145. - L’examen de la sélection, d’un point de vue concurrentiel, ne peut écarter la perception
et l’analyse des modèles qui véhiculent et concrétisent ce besoin (Paragraphe I),
particulièrement
dans
le
domaine
spécifique,
qu’est
la
distribution
automobile
(Paragraphe II).
Paragraphe I/ La perception par le droit de la concurrence des systèmes de
distribution opérant un processus de sélection
146. - La définition des systèmes de distribution concrétisant le processus de sélection de
certains opérateurs est modifiée selon les intérêts poursuivis par la référence, législation étant
à son origine. La méthode théologique est bien souvent retenue et influence considérablement
les analyses. En effet, la législation nationale érige des règles, critères en fonction des
attentes, nécessités liées au développement de l’économie, par exemple. Le droit de la
concurrence délimite des objectifs et, à partir de ceux-ci, sanctionne les comportements
nocifs.
En fonction du point de vue à partir duquel l’analyse se place, la délimitation du processus de
sélection, à travers sa concrétisation par les systèmes de distribution, varie (I). Les
spécificités, les effets de la commercialisation au moyen de la sélection doivent être conciliés
avec les enjeux concurrentiels (II).
I/ Les spécificités des différents systèmes de distribution
147. - Il semble alors opportun d’envisager la définition des différents systèmes de
distribution, la franchise commerciale (A), la concession exclusive (B) et la distribution
sélective (C), satisfaisant les besoins de sélection, telle que celle-ci est posée par le droit de la
concurrence.
A/ La franchise commerciale
148. - En droit interne, la franchise n’a pas fait l’objet d’une intervention législative
spécifique. Néanmoins, il est souvent fait référence à celle-ci, notamment en ce qui concerne
l’obligation précontractuelle d’information271. Tel n’a pourtant pas été le cas dans le paysage
communautaire, accordant à ce modèle organisé de distribution, une importance considérable.
149. - Le règlement communautaire n°4087/88272 avait d’abord exempté l’ « accord par
lequel une entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d’une
compensation financière directe ou indirecte, le droit d’exploiter un ensemble de droits de
propriété industrielle ou intellectuelle concernant des marques, noms commerciaux,
enseignes, dessins et modèles, droits d’auteurs, savoir-faire ou brevet, destinés à être
exploités pour la revente de produits ou la prestation de services à des utilisateurs finals »273.
Ces dispositions, très favorables à la franchise274, ont disparu avec l’édification du règlement
n° 2790/99. La Commission européenne a opéré un revirement quant à sa manière de
procéder. En dénonçant « l’effet camisole » de ce règlement avec d’autres, la Commission
européenne a renoncé à une application rigide et systématique pour davantage de souplesse.
Désormais, la franchise commerciale est traitée plus succinctement275. Les lignes
directrices276 définissent le contenu des accords de franchise comme « comportant une licence
de droits de propriété intellectuelle relatifs à des marques ou à des signes distinctifs ou à un
savoir-faire pour l’utilisation et la distribution de biens et de services. » Elles envisagent une
description des obligations de chacune des parties. « Le franchiseur fournit normalement au
franchisé, pendant la période d’application de l’accord, une assistance commerciale ou
technique. La licence et cette assistance font partie intégrante de la méthode commerciale
franchisée. Le franchiseur perçoit en règle générale du franchisé une redevance pour
271
Art. L. 330-3 du Code de commerce. Art. 1ier de la loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989 : « toute
personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en
exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue,
préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre
partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de
cause ».
272
Règl. n°4087/88 du 30 nov. 1988 de la Commission des Communautés européennes : JOCE n° L. 359, 28
déc. 1988.
273
Règl. n°4087/88, art. 1.
274
D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd., Litec, 2006, n°676, p. 302.
275
L’analyse de la franchise est réduite à cinq paragraphes des Lignes Directrices de la Commission européenne
du 13 oct. 2000.
276
Pt 199 des lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000.
l’utilisation de la méthode commerciale en question. La franchise peut permettre au
franchiseur de mettre en place, moyennant des investissements limités, un réseau uniforme
pour la distribution de ses produits »277.
150. - Malgré cela, l’élément essentiel de la définition réside dans la condamnation par la
Commission Européenne des effets néfastes de la franchise. « Outre la concession de la
méthode commerciale, les accords de franchise contiennent généralement une combinaison
de restrictions verticales portant sur les produits distribués, en particulier la distribution
sélective et/ou l’exclusivité de marque et/ou la distribution exclusive ou des formes adoucies
de ces restrictions »278.
B/ La concession exclusive
151. - Dénommée « distribution exclusive » par le droit communautaire de la concurrence, ce
système de distribution est perçu comme étant l’opération par laquelle « le fournisseur
accepte de ne vendre sa production qu’à un seul distributeur en vue de la revente sur un
territoire déterminé »279. Le « concessionnaire met son entreprise de distribution au service
d’un commerçant ou industriel appelé concédant pour assurer exclusivement, sur un
territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance du concédant, la
distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé »280.
Il en a été déduit la spécificité principale de l’objet du contrat de concession exclusive. Cette
dernière réside dans la réciprocité de l’engagement des parties qui génère un lien très fort. Il
s’agit d’un côté, de l’exclusivité de fourniture supportée par le concédant et des exclusivités
d’approvisionnement et de revente à la charge du concessionnaire. Toutefois, certains auteurs
contestent ce postulat en présence d’un processus de sélection principalement ou purement
quantitatif281. En effet, le phénomène de sélection reposant sur des considérations numéraires
n’est créateur que d’une exclusivité de fourniture à la charge de l’initiateur du réseau.
277
Ibid.
Ibid.
279
Pt 61 des lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000.
280
C. CHAMPAUD, La concession commerciale : RTD com. 1963, p. 451, n° 24.
281
J. AZEMA, Le droit français de la concurrence, PUF, 1989, n°266.
278
152. - L’exclusivité territoriale consentie est de nature à fausser le jeu normal de la
concurrence et peut être condamnable282 au titre de l’entente283. Néanmoins, celle-ci peut être
exemptée284 en application du bilan économique favorable285 et fait l’objet d’une appréciation
favorable par le droit de la concurrence. L’accord présentant un bilan économique positif ne
bénéficie de l’exemption286 que si la part de marché du concédant n’excède pas 30 %. De
plus, le règlement n° 772/2004 du 27 avril 2004 de la Commission Européenne condamne les
ventes actives dans le cadre de la concession exclusive tout en accordant la possibilité d’une
concurrence passive.
C/ La distribution sélective
153. - La distribution sélective est un « système de distribution où un fournisseur conclut des
accords (verticaux) avec un nombre limité de distributeurs choisis dans la même zone
géographique ». La Commission européenne opère un contrôle quant aux conséquences d’un
tel modèle de commercialisation sur la concurrence. « Les accords de distribution sélective
restreignent le nombre des distributeurs agréés et interdisent les ventes aux distributeurs non
agréés, les seuls acheteurs possibles des distributeurs agréés étant alors les autres
distributeurs désignés et les consommateurs finaux ». Celle-ci conclu sur un risque de
restriction de la concurrence intramarque, entre les différents distributeurs sélectionnés. Il y a
également un risque tendant à « faciliter la collusion entre fournisseurs ou acheteurs et à
exclure une ou plusieurs catégories de distributeurs, en particulier en cas d'effets cumulatifs
de réseaux parallèles de distribution sélective sur un marché ».
282
Le contrôle opéré par le droit de la concurrence sur les dispositions préalables à la conclusion du contratcadre de distribution fera l’objet d’une analyse. Celle-ci a, notamment, vocation à remettre en cause la
caractérisation de pratiques anticoncurrentielles au stade du contrat préparatoire.
283
Art. 81, §1 du traité CE ; Art. L. 420-1 du Code de commerce. L’exclusivité territoriale empêche les autres
distributeurs d’accéder au marché des produits, limite les débouchés pour ces produits et répartit les marchés
pour les concessionnaires.
284
Art. 81, §3 du traité CE ; Art. L. 420-4 du Code de commerce. Pour bénéficier du bilan économique
favorable, l’accord doit « contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir
le progrès technique… », en réservant « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte… », sans
imposer aux entreprises intéressées « des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces
objectifs… », sans donner à ces entreprises « la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause
d’éliminer la concurrence » sur le marché. Le bilan économique favorable est obtenu par la mise en balance des
éléments positifs, apport économique et apport consumériste ou plus largement utilitaire, et des éléments
négatifs, atteinte aux capacités concurrentielles du partenaire et atteinte à la concurrence sur le marché.
285
La sélection quantitative doit participer au développement du progrès technique, en générant des gains
d’efficience tout en apportant au consommateur un avantage économique. La réservation territoriale ne doit pas
être absolue, le « verrouillage » absolu du marché empêche l’exemption. Le territoire exclusif doit être
proportionné à la zone de chalandise nécessaire et suffisante pour amortir les investissements du distributeur et
lui permettre une exploitation rentable. La sélection quantitative ne doit pas conduire à éliminer la concurrence
pour une partie substantielle des produits ou du marché concerné.
286
Art. 4-b du Règlement n° 2790/99 de la Commission Européenne.
Le système de distribution sélective restreint le nombre d’opérateurs sur le marché puisqu’il
implique l’éviction de certains distributeurs au profit d’autres revendeurs par l’effet de la
sélection. Certains auteurs287 précisent que le nombre réduit de distributeurs a pour
conséquence d’amoindrir l’étendue du choix des consommateurs dans le processus d’achat et
notamment d’affecter négativement la concurrence sur les prix entre les distributeurs d’un
même réseau, d’une même marque. La concurrence par les prix étant la forme de concurrence
par excellence, la mise en œuvre de la sélection pour la création du réseau de distribution
sélective pose problème en lui-même.
154. - La distribution sélective empêche le jeu normal de la concurrence entre les distributeurs
sélectionnés et a été analysée comme une entente288 entre le fournisseur et les distributeurs
sélectionnés. On incrimine ce système de commercialisation d’être l’objet d’une restriction de
la concurrence intrabrand, intra marque et interbrand, inter marque. La Commission
Européenne289 évoque également l’affectation du système de distribution sélective sur la
liberté des revendeurs par le fait qu’ils doivent répondre à des obligations strictes tendant aux
stocks, au chiffre d’affaire à réaliser. La Commission Européenne justifie la nécessité
d’opérer un contrôle de la distribution sélective étant donné l’atteinte à l’intégration du
marché commun que celle-ci pourrait engendrer par l’affectation du commerce entre Etatsmembres. Le contrôle des critères de sélection, de leur mise en œuvre, ainsi que des effets de
la sélection, permet de rendre licite la constitution d’un réseau de distribution sélective.
II/ La conciliation entre le principe de la liberté de la concurrence et les spécificités de
chaque système de distribution
155. - Le Commission européenne, pose un principe général de liberté tout en prévoyant des
exceptions à celui-ci pour le contrôle des restrictions verticales.
« La politique de concurrence mise en œuvre à l’égard des restrictions verticales depuis
l’entrée en vigueur du règlement n° 2790-99 fait que la liberté d’organisation du mode de
distribution de ses produits par un fabricant constitue un principe de base, sous réserve que
287
J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibliothèque de droit de l’Entreprise, Litec, 1999.
Art. 81, §1 du traité CE ; L ; 420-1 du Code de commerce.
289
Aff. Grunding/Consten, Décision Yves Saint-Laurent Parfums du 16 décembre 1991.
288
le mode de distribution n’ait pas pour objet ou pour effet d’affecter le fonctionnement du
marché »290.
L’initiateur du réseau dispose d’une liberté décisionnelle quant à l’organisation de la
distribution de ses marchandises à condition que ses effets induits n’affectent pas
sensiblement le marché communautaire. On en déduit alors qu’en l’absence d’effets nocifs
portant atteinte à la libre concurrence, le fournisseur est libre de recourir au système de
distribution qu’il souhaite. Une limite peut être apportée puisque le principe de liberté de la
tête de réseau, dans l’hypothèse où les effets sur la concurrence sont acceptables, doit être
concilié avec les exigences légales de chaque système de distribution. L’analyse de la
réalisation du processus de sélection à l’épreuve des enjeux concurrentiels ne saurait se
substituer aux contraintes légales. L’examen par le droit de la concurrence s’effectue de
manière cumulative, en l’additionnant à l’encadrement législatif et jurisprudentiel préexistant.
156. - Les effets de la sélection sont perceptibles au titre de l’analyse économique291,
notamment par la réservation artificielle des produits en question 292, contrebalancée par le
développement de produits et services de qualité, bénéficiant aux consommateurs293. Aussi,
certains auteurs294 affirment que la distribution sélective est un système très concurrentiel du
fait que celui-ci repose sur une interdépendance entre les concurrents lié au courant d’affaires
véhiculé par la commercialisation de nombreux produits de prestige dans un même espace de
vente295.
157. - Néanmoins, il est primordial de distinguer le contrôle des systèmes de distribution
basés sur une sélection des distributeurs et le processus de sélection en lui-même. L’objectif
poursuivi par notre étude est de percevoir l’examen effectué par les enjeux du droit de la
290
Communication Comm. CE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291 du 13 oct. 2000, point
51.
291
D. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, L.G.D.J, 2004, n°495, p. 247.
292
La théorie économique soutient l’importance de la clarté des informations sur les données du marché quant à
influencer son bon fonctionnement. La quête de transparence, notamment dans les relations commerciales,
développe essentiellement ses effets au stade final, aux yeux des consommateurs, en matière de prix et de qualité
des produits.
293
La démarche poursuivie par le promoteur du réseau tend au développement de nouveaux marchés dans
certains cas ou du moins, dans d’autres, à diversifier des marchés préexistants. La possibilité offerte aux
fournisseurs de recourir à un réseau de distribution ayant fait l’objet de sélection pour le choix de ses opérateurs
permet une garantie quant aux investissements effectués. Il parait alors évident de percevoir un effet
d’accroissement des investissements induit par la protection et l’autocontrôle que confère le réseau et, par
déduction, la sélection à son promoteur.
294
J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. Dr. E, Litec, 1999.
295
Le fabricant à la tête d’un réseau de distribution sélective ne peut pas se permettre de vouloir évincer la
concurrence comme le font la franchise et la concession avec des accords d’exclusivité car cela reviendrait à
renoncer à l’octroi d’effets positifs profitant aux ventes de ses propres marchandises.
concurrence sur la mise en œuvre du processus de sélection. Il parait alors inutile de s’attarder
sur les pratiques étrangères au besoin de sélection. L’essai d’un contrôle par le droit de la
concurrence des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution sera traitée ensuite296.
Paragraphe II/ Le régime spécifique de la distribution automobile
158. - Les accords de distribution sont régis par des règles communes, telles que le règlement
général de la Commission européenne n° 2790/99 du 22 décembre 1999, concernant
l'application de l'article 81, § 3, du Traité CE à des catégories d'accords verticaux, qui occupe
une place importante au titre de l'ordre public économique et dont le respect conditionne la
validité des contrats297. Néanmoins, ce règlement n'est pas applicable aux accords de
distribution du secteur automobile, du fait de leurs spécificités298, puisqu’ils relèvent pour
l'essentiel du règlement spécifique de la Commission européenne n° 1400/2002299, du
31 juillet 2002300.
Le règlement 1400/2002 a étendu le champ d’application de l’exemption par catégorie. En
application de son article 2 §1, celle-ci bénéficie aux accords verticaux conclus entre deux ou
plusieurs entreprises dont chacune agit, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne
de production ou de distribution, et qui ont pour objet l’achat, la vente ou la revente de
véhicules automobiles neufs, de pièces de rechange ou de services de réparations et
d’entretien.
159. - L’initiateur d’un réseau de distribution automobile souhaitant bénéficier de l’exemption
catégorielle doit obligatoirement choisir entre un système de distribution sélective et un
système de concession exclusive basé sur une obligation de fourniture exclusive,
contrairement au précèdent règlement qui permettait de combiner les deux. Aussi, le besoin de
296
V. Supra n° 186 et s.
J.-P. VIENNOIS, JCl. Com. Fasc. 319, Contrats de distribution automobile, Cote : 04,2007, 1ier févr. 2007.
298
Rapport de la Commission européenne publié en 2000 (COM/2000/743) dans lequel celle-ci a rappelé la
spécificité de la distribution automobile, qui présente des caractéristiques à la fois de distribution sélective et de
distribution exclusive.
299
Règl. CE n° 1400/2002, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du Traité à
des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, accompagné d’une
« Brochure explicative » du 31 juill. 2002, JOCE n° L. 203, 1ier août 2002, avec un complément du 12 nov.
2003, eur-lex.europa-eu.
300
Le règlement n° 1400/2002, entré en vigueur le 1ier octobre 2002, est applicable jusqu’au 31 mai 2010, date
qui coïncide avec l’expiration du règlement général 2790/99. Il succède au règlement n° 1475/95 de la
Commission du 28 juin 1995, qui a expiré le 30 septembre 2002 et qui avait lui-même pris la suite du règlement
n° 123/85 du 12 décembre 1984, expiré le 30 juin 1995.
297
sélection dans le secteur automobile ne peut être satisfait que par la mise en œuvre d’un
système de distribution sélective (I) ou un système de distribution exclusive (II). Pour
bénéficier de l’exemption, le fournisseur ne peut plus imposer à un concessionnaire exclusif
des critères sélectifs tout en lui réservant le bénéfice d’une exclusivité territoriale301.
I/ La distribution sélective en matière automobile
160. - Le règlement n° 1400/2002 a défini la distribution sélective comme « un système de
distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services
contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou des réparateurs
sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs ou réparateurs
s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agrées ou à des
réparateurs indépendants, sans préjudice de la faculté de vendre des pièces de rechange à des
réparateurs indépendants ou de l’obligation de fournir aux opérateurs indépendants
l’ensemble des informations techniques, des systèmes de diagnostic, des outils et de la
formation nécessaires pour la réparation et l’entretien des véhicules automobiles ou pour la
mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement »302.
161. - Les contrats de distribution sélective portant sur des véhicules automobiles neufs, des
pièces de rechange, ou des services de réparation et d’entretien des véhicules relèvent de ce
règlement303, quelle que soit la part de marché du fournisseur lorsque la sélection est
qualitative et à condition que sa part de marché n’excède pas 40 % lorsque la sélection est
également quantitative304. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en
date du 6 mars 2007305, rappelle les conditions d’application, notamment en termes de seuils
de part de marché, pour bénéficier de l’exemption au titre du règlement n° 1400/2002. En
l’espèce, la société Peugeot distribuait ses véhicules au moyen d’un système de distribution
exclusive, en détenant une part de marché de 33 %. Cette dernière ne pouvait donc plus
301
Mémento, Concurrence-consommation, F. Lefèbre, 2007-2008, n° 1484, p. 444 et s.
Règl. n° 1400/2002, art. 1, § 1, f.
303
Règl. n° 1400/2002, art. 2-1.
304
Règl. n° 1400/2002, art. 3-1.
305
Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-17.011, SA Ferry c/ Sté Automobile Peugeot : JurisData n° 2007-037802.
302
tomber sous le coup de l’exemption catégorielle et a, à bon droit, sous peine de s'exposer à
des sanctions, procédé à la résiliation des contrats de concession en vigueur306.
162. - La distribution sélective qualitative est appréciée favorablement par la Commission
européenne ; elle ne tombe, en général, pas dans le champ d’application de l’article 81 §1 ou
bénéficie d’une exemption. La distribution quantitative n’est pas perçue avec une telle
souplesse étant donné que le processus de sélection vise à limiter le nombre de distributeurs et
réparateurs.
163. - Néanmoins, en présence d’un besoin de sélection satisfait par un système de
distribution sélective quantitative, le fournisseur doit préalablement appliquer les critères
qualitatifs avant de limiter quantitativement le nombre de candidats distributeurs. La mise en
œuvre licite des critères quantitatifs fait l’objet d’un contrôle par le juge307 puisque que celleci doit être objective et non discriminatoire.
164. - Par ailleurs, le règlement prévoit que le contrat doit contenir certaines stipulations.
Celles-ci doivent notamment octroyer la possibilité au distributeur ou réparateur de céder
librement les droits qu’il tient du contrat à un autre membre du réseau 308 et aménager les
obligations d’achat de revente en cas de conflit309.
165. - Le règlement n° 1400/2002 définit les restrictions caractérisées ou exclues, reprenant
celles du règlement n° 2790-99 tout en les complétant par de nouvelles. L’énumération ne
contient que les clauses dites « noires » ou interdites, correspondant aux restrictions
caractérisées qui ne peuvent, quelle que soit la part de marché des entreprises concernées,
figurer dans un accord, sous peine de priver cet accord, dans son ensemble du bénéfice de
l’exemption par catégorie.
166. - L’obligation de non-concurrence pendant la durée du contrat en matière de vente
constitue une restriction exclue310, ayant pour effet d’invalider la clause sans remettre en
question l’ensemble de l’accord. Les clauses de localisations sont interdites du fait que chaque
distributeur doit être libre d’exercer son activité à partir de la ou des installations de son
306
B. BOULOC, Vente. Concession exclusive. Distribution automobile. Résiliation. Conséquence du règlement
CE 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002, RTD com. 2007 p. 825.
307
Cass. com., 28 juin 2005, Garage Gremeau c/ DaimlerChnrysler, n° 982 : RJDA 3/06 n° 255.
308
Règl. n° 1400/2002, art. 3-3.
309
Règl. n° 1400/2002, art. 3-6.
310
Règl. n° 1400/2002, art. 5-a et c.
choix, n’importe où sur le territoire communautaire311. Néanmoins, les distributeurs peuvent
être tenus de ne pas commercialiser les produits dans un territoire réservé exclusivement à un
concessionnaire, à condition de démontrer que l’engagement présente des avantages qui
l’emportent sur les effets restrictifs de concurrence induits312.
II/ La distribution exclusive en matière automobile
167. - Le règlement n° 1400/2002 définit la fourniture exclusive comme « toute obligation
directe ou indirecte contraignant le fournisseur à ne vendre les biens ou services contractuels
qu’à un acheteur dans le Marché commun en vue d’un usage déterminé ou de la revente »313.
168. - La satisfaction juridique du besoin de sélection par la mise en œuvre d’un réseau de
distribution exclusive tend à une restriction admise des ventes actives sur un territoire exclusif
ou à une clientèle exclusive et a pour conséquence l’interdiction des accords contenant une
restriction de clientèle ; ce qui autorise les ventes hors réseaux, effectuées par le distributeur à
une grande surface ou à un vendeur « toutes marques ».
Pour les accords contenant des obligations de fourniture exclusive, le seuil de 30 %, limite à
la possibilité de bénéficier de l’exemption, est calculé à partir de la part de marché détenue
par l’acheteur. Cependant, les accords d’importance mineure ne sauraient concernés puisque,
en principe, ceux-ci ne tombent pas sous le coup de l’article 81 § 1 lorsque les parts de
marché sont inférieures ou égales à 15 %.
169. - La définition par le droit de la concurrence des divers moyens de commercialisation qui
répondent à un besoin de sélection est nécessaire mais ne saurait être suffisante en l’absence
d’une analyse de la réorganisation du réseau. Le secteur automobile est particulièrement
concerné du fait des dispositions particulières et des interrogations suscitées par l’entrée en
vigueur du règlement n° 1400/2002.
311
Règl. n° 1400/2002, art. 4-1-d.
D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Littec, 2008, n° 616, p. 273 et s.
313
Règl. n° 1400/2002, art. 1-1-e.
312
Section 2/ Le contrôle de la réorganisation du réseau à l’épreuve du
principe de la liberté de la concurrence
170. - Le besoin de sélection, dépendant de nombres de paramètres, n’est pas, une fois établit
et satisfait, éteint. La nécessité de sélectionner des distributeurs, bien qu’ayant été concrétisée
par l’instauration d’un réseau licite, continue sans cesse d’évoluer. Aussi, la sélection doit être
renouvelée afin que les synergies émanant de celle-ci perdurent. Le fournisseur exprime alors
librement son nouveau besoin de sélection qui tend, lorsque les modifications sont d’une telle
importance, à la réorganisation du réseau (Paragraphe I). Le système de distribution mis en
place conditionne le degré de liberté de réorganiser le réseau. La réalisation du second
processus de sélection dépend de la latitude variable dont bénéficie le promoteur du réseau, en
fonction des exigences légales propres à chaque mode de commercialisation (Paragraphe II).
Paragraphe I/ La liberté de principe de l’initiateur du réseau de gestion et
réorganisation
171. - Le fournisseur est libre de modifier l’organisation de son réseau de distribution (I),
mais doit se réserver de générer des abus, en présentant de véritables nécessités, de réels
motifs. La réalisation du second processus de sélection par la réorganisation dans distribution
automobile est, quant à elle, empreinte de spécificités (II).
I/ Les modalités du droit à la réorganisation du réseau au bénéfice du fournisseur
172. - Le principe du droit, pour le promoteur du réseau de modifier son organisation (A), doit
être appuyé de motifs légitimes, vérifiés par les juges, seulement en cas de contentieux (B).
A/ Un principe affirmé
173. - Le promoteur d’un réseau de distribution sélective a la liberté, sous réserve de l'abus,
de modifier l'organisation de son réseau de distribution, sans engendrer, de droit, pour les
distributeurs le bénéfice du maintien de leur situation314. La Cour de cassation315 consacre
incidemment la latitude offerte à l’initiateur du réseau d’en réorganiser le fonctionnement,
puisqu’en l’espèce, celui-ci a agi à bon droit, en informant ses distributeurs de la rupture de
leur contrat et en leur soumettant une proposition de nouvelle organisation commerciale. Bien
qu’aucun accord n’ait été conclu, la Cour de cassation rejette la demande d’indemnisation du
distributeur, fondée sur l’article L. 442-6 du Code de commerce. En l’absence d’abus dans
l’exercice du droit de réorganisation316, « le choix d'un mode de distribution relève de la libre
appréciation du fournisseur, sous réserve que le refus opposé à un revendeur ne constitue
pas, en raison des circonstances dans lesquelles il intervient, une pratique contraire aux
règles de la concurrence [et] qu'ainsi, un fournisseur demeure libre de modifier
l'organisation de son réseau de distribution sans que ses clients bénéficient d'un droit acquis
au maintien de leur situation »317.
B/ Un principe justifié par de réels motifs
174. - Le promoteur du réseau présente un besoin financier, une nécessité économique qui le
conduit à envisager la modification de l’organisation du réseau de distribution. Lorsque le
mode de distribution initialement choisi est alors devenu inadapté ou inefficient à la bonne
commercialisation des produits, du fait d’une évolution des besoins et enjeux, cela constitue
un juste motif de résiliation d'un contrat de distribution318.
175. - Le fournisseur ne doit pas réorganiser son réseau sans raison légitimement fondée, de
manière abusive. Les juges n’effectuent pas un contrôle systématique des motifs de la
réorganisation et de leur pertinence mais vérifient, lorsqu’une contestation leur est soumise,
l’absence d’abus. En effet, bien qu’il n'appartienne pas aux juges de porter un jugement de
valeur sur la pertinence du choix économique opéré par le concédant 319, les juridictions
nationales effectuent une analyse casuistique afin de vérifier concrètement si les changements
314
N. MATHEY, La Cour de cassation rappelle la liberté de réorganisation du réseau, Contrats, conc.
Consomm, n° 2, Février 2009, comm. 42.
315
Cass. com., 2 déc. 2008, n° 07-18.775, F-D, SA Au sol d'or c/ SA Clause Tezier : JurisData n° 2008-046118.
316
Cass. com., 16 juin 1992, n° 90-20.665 : JurisData n° 1992-002669.
317
Cons. conc., déc. n° 2002-D-26, 9 avr. 2002 relative à une saisine de la société Prieur Sports dans le secteur
de la distribution des équipements d'escrime.
318
CA Paris, 6 févr. 1997 : D. 1998, somm. p. 335, obs. D. FERRIER ; CA Versailles, 6 nov. 1997 : RTD civ.
1998, p. 370, obs. J. MESTRE.
319
Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-13.991, SA Garage de Bretagne c/ SA Daimler Chrysler France : JurisData
n° 2007-037801, D. 2007. AJ. 1011, obs. CHEVRIER.
sont d’une telle importance qu’ils constituent une véritable réorganisation du réseau. Par
ailleurs, le distributeur ayant rapporté une preuve d’abus, doit la soumettre au contrôle des
juges, qui vérifient si celle-ci est fondée. Par exemple, le fournisseur ne doit pas avoir tenté
d'obtenir des avantages indus par une forme de chantage, ce qui pourrait constituer un abus de
position dominante.
Un arrêt320 ne concernant pas un contrat de distribution, mais un contrat conclu entre une
clinique et des médecins anesthésistes, qui s’inscrit, comme les contrats de distribution, dans
le domaine plus large des contrats d’affaires, des contrats de longue durée, se prononce sur la
question de l’exigence de motivation d’une décision de résiliation321. La Cour décide que « si
la partie qui met fin à un contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues
n’a pas à justifier d’un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l’examen des
circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus l’exercice du droit de
rompre ». Alors même que l’exigence d’un préavis n’est pas rapportée, le contrôle des
circonstances de la rupture par les juges conduit à s’interroger quant à l’opportunité d’une
motivation de la rupture pour les contrats de longue durée322.
II/ Réorganisation de réseau de distribution automobile : un cas particulier
176. - La réorganisation d’un réseau de distribution automobile est régie par des dispositions
spécifiques. Le règlement n° 1400/2002 de la Commission européenne est générateur de plus
d’exigences. Au vu de ce qui précède, la réforme du droit communautaire de la concurrence
de la distribution automobile donne lieu à un abondant contentieux en imposant au promoteur
du réseau d’effectuer un choix entre distribution exclusive et distribution sélective. Le besoin
traduit par une réorganisation sur le plan géographique et matériel du réseau doit être fondé
sur des circonstances objectives. En effet, le contrat doit préciser l’obligation du fournisseur,
en cas de résiliation, de donner par écrit les « raisons objectives et transparentes »323.
177. - Dans le cadre de la distribution de véhicules neufs, la durée du contrat doit être au
moins égale à cinq ans324 avec un préavis de rupture d’au moins six mois, ou alors le contrat
doit être à durée indéterminée avec un préavis de rupture d’au moins deux ans pouvant être
320
Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 02-21.240 et n° 02-21.355 : Juris-Data n° 2006-032278.
D. MAINGUY, Chronique Droit de la distribution, n° 5, La motivation d’une décision de résiliation d’un
contrat, JCP La semaine juridique, éd. E et A n° 11, 15 mars 2007, n° 1384, p. 24.
322
Ibid.
323
Règl. n° 1400/2002, art. 3-4.
324
Règl. n° 1400/2002, art. 3-5-a.
321
réduit à un an en cas de réorganisation affectant le réseau ou d’indemnisation
« appropriée »325. Toutefois, les juges refusent d’appliquer ce dispositif si n’est pas établie
l’atteinte à la concurrence au plan européen résultant du contrat en cause et appelant
l’application du règlement communautaire326.
178. - En ce qui concerne la durée admise pour le remaniement du modèle de distribution, une
réorganisation du réseau peut prendre du temps. « Le fournisseur n'a aucune obligation de
procéder à la résiliation de l'ensemble des contrats dès le début du processus de
réorganisation »327. La durée du processus de réorganisation n’a aucune influence sur la durée
du préavis de résiliation. Celui-ci peut être réduit à une année, même si la réorganisation s'est
poursuivie pendant plus de deux ans en l'espèce. Les concessionnaires ne peuvent se prévaloir
d’un préjudice émanant du retardement de la résiliation de leur contrat. Reprocher au
concédant d'avoir agit sans brusquerie et d'avoir retardé aussi longtemps que possible la
résiliation est inconcevable. Toutefois, il convient de vérifier qu’au moment où la résiliation
« différée » survient, elle puisse être rattachée au processus de réorganisation global. Il ne
s’agit, finalement, que d’une question casuistique. « Dès lors qu'il s'agit d'un processus qui se
poursuit sans solution de continuité et qui n'est pas achevé », le fournisseur est libre quant à
la durée pour réorganiser son réseau.
179. - La réorganisation d'un réseau peut être justifiée par des motifs économiques ou
juridiques. Aussi, lorsqu’un motif juridique nécessite une réorganisation du réseau, ce seul
élément suffit à légitimer la modification. Le motif doit exister, il est nécessaire mais
suffisant ; le juge n'a pas à s'immiscer dans le choix, d’un point de vue juridique328.
Par ailleurs, il convient de caractériser la présence d’une réorganisation du réseau ou d'une
partie substantielle de celui-ci afin de percevoir les hypothèses dans lesquelles le promoteur
du réseau agit de manière légitime. Le règlement prévoit que le contrat doit contenir des
informations aménageant, en cas de litige, la motivation de la résiliation par la possibilité pour
chaque partie de recourir à un expert ou à un « arbitre »329.
325
Règl. n° 1400/2002, art. 3-5-b.
Paris, 25 juin 1991, D. 1992, somm. p. 287, obs. D. FERRIER. – Cass. com., 7 févr. 1995, D. 1997, somm.
p.55, obs. D. FERRIER.
327
E. CHEVRIER, Quelle durée pour la réorganisation du réseau ?, RD. 2007 p. 1010, sous Com. 6 mars 2007.
328
Versailles, 24 nov. 2005, Lettre distrib. Déc. 2005, p. 2.
329
Règl. n° 1400/2002, art. 3-6.
326
La réorganisation du réseau de distribution du fournisseur330 n’est pas indispensable, ni même
nécessaire du fait de la seule entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002, du 31 juillet
2002331. Toutefois, sa survenue peut engendrer la nécessité d’opérer des modifications au sein
du réseau de distribution. Tout l’enjeu est de déterminer si les changements réalisés se
relèvent être une simple adaptation des contrats des distributeurs au nouveau règlement ou
bien s’il s’agit d’une réorganisation du réseau. « La modification du mode de distribution et la
suppression de la concession de territoires exclusifs sont, en elles-mêmes, révélatrices du
caractère substantiel de la modification intervenue, peu important qu'elle porte directement
sur les accords même de distribution qui régissent le réseau »332.
180. - Le pouvoir décisionnel dont bénéficie le promoteur doit être mis en balance avec le
respect de contraintes découlant du fonctionnement effectif du réseau. Bien que le principe
général demeure la liberté du fournisseur de gérer et réorganiser son réseau de distribution en
fonction de ses souhaits et attentes, celui-ci ne peut agir au mépris d’exigences légales et
jurisprudentielles.
Paragraphe II/ Les limites à la liberté de réorganisation du fournisseur : la
consécration du droit au renouvellement du contrat de distribution
sélective ?
181. - Le système de distribution sélective prévoit un droit au renouvellement du contrat à
durée déterminée à l’arrivée du terme mais uniquement dans le cas où les critères de sélection
ne font pas l’objet d’une modification et si le distributeur remplit toujours ces critères333. Le
renouvellement du contrat étant nullement de droit, il n’est pas systématique et dépend de la
réussite d’une nouvelle épreuve de sélection du distributeur en fonction de l’évolution des
critères et des compétences requises nécessaires à l’intégration.
182. - « Le fournisseur peut librement réorganiser la distribution de ses produits mais ne doit
pas évincer intempestivement ou abusivement ses anciens distributeurs »334.
330
Au sens de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement 1475/95.
CJCE, 3e ch., 7 sept. 2006, VW-Audi Forhandlerforenigen c/ Skandinavick Motor, aff. C-135/05, note E.
CHEVRIER, Modalités de la réorganisation d’un réseau de distribution automobile, RD 2006, p. 2393.
332
Cass., com., 29 janv. 2008, n° 06-17. 748 (n° 167 F-B+P), RD 2008, p. 476, obs. CHEVRIER.
333
Par exemple, Trib. com., 15 mai 1987.
334
CA Paris, 21 janv. 1993, RD 1995, p. 73, obs. D. FERRIER.
331
Le fournisseur n’est soumis à aucune exigence concernant la continuité de conditions de
commercialisation inchangées, il demeure libre de ses choix quant aux remaniements de la
stratégie commerciale de ses produits sur le fondement de la liberté du commerce et de
l’industrie. Il doit seulement informer ses revendeurs des nouvelles conditions de vente dans
un délai de préavis raisonnable pour pouvoir opérer une nouvelle sélection fondée sur de
nouveaux critères. Toutefois, en présence du non-renouvellement discuté d'un contrat de
distribution sélective, il a été jugé que l'ex-distributeur pouvait obtenir la poursuite des
livraisons de son ex-partenaire335.
Les distributeurs ayant été sélectionnés mais ne satisfaisant plus aux nouveaux critères se
verront évincés du réseau du fait de la seconde sélection.
183. - Cependant, lorsque les nouvelles exigences qualitatives de sélection sont remplies par
des distributeurs faisant déjà partie du réseau, le fournisseur ne peut décider de son propre
chef de mettre fin aux relations commerciales. Si tel est pourtant le cas, le fournisseur pourra
être condamné pour refus de vente à l’encontre des distributeurs éliminés, à moins qu’il ne
justifie d’une réorganisation quant au système de distribution passant de la distribution
sélective à la concession, qui est basée sur une sélection quantitative.
335
Cass. com., 27 avr. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 159, p. 109.
Conclusion sur l’analyse et le contrôle juridique du processus de sélection à
l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences
184. - Les enjeux concurrentiels influent sur la liberté décisionnelle de l’initiateur d’un réseau
de distribution, le contraignant, pour satisfaire son besoin de sélection, au respect des
exigences qu’ils induisent. L’impulsion de la sélection pour la création du réseau, tout comme
son renouvellement lors de la réorganisation du réseau, sont gouvernés par la conciliation
entre la volonté du fournisseur et sa concrétisation contrôlée, licite.
Les lignes directrices de la Commission Européenne posent un principe général de liberté, à
condition que les effets de la sélection, des systèmes de distribution n’affectent pas
sensiblement le fonctionnement du marché et ne constituent pas des restrictions caractérisées.
Le fournisseur est libre de constituer, gérer et réorganiser son réseau tout en bénéficiant de
l’exemption de l’article 81, §3 du règlement n° 2790/1999 de la Commission européenne,
lorsque les exigences concurrentielles sont préservées, en l’absence d’abus. La distribution
automobile est régie par le règlement 1400/2002 qui impose le choix entre distribution
sélective et exclusive, en soumettant l’exemption à des seuils de part de marché en cas de
sélection quantitative. La distribution sélective présente une limite au principe de liberté de
réorganisation du réseau du fait qu’elle consacre un droit au renouvellement du contrat-cadre
de distribution à durée déterminée, lorsque le distributeur satisfait toujours les critères de
sélection, bien qu’ils aient pu évoluer.
185. - L’examen opéré par le droit de la concurrence peut-il être générateur d’un encadrement
des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution ? L’essai tend à
envisager l’aptitude du droit de la concurrence à satisfaire à l’exigence de sécurité, de gestion
des risques, au stade des négociations.
Chapitre II
L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence
186. - Le processus concurrentiel contraint les entreprises soucieuses de maximiser leurs
profits à adopter des stratégies conformes à l’intérêt général, c’est-à-dire à employer de la
façon la plus efficace possible les ressources qu’elles mobilisent et à assurer la satisfaction
des demandes des consommateurs au moindre coût336. Toutefois, des acteurs économiques
agissent au mépris de l’intérêt général en ayant recours à des pratiques nuisibles, désormais
identifiées par le droit de la concurrence. Aussi, les autorités des pays occidentaux ont mis en
place un droit de la concurrence en partant de l’idée que le marché a besoin d’être régulé pour
être plus efficient, pour éviter que certains de ses acteurs ne captent à leur profit, et au
détriment des autres intervenants, une part trop grande de la richesse produite337.
187. - L’objet de l’étude tend à analyser les comportements sanctionnés par le droit de la
concurrence, en ce sens que l’interdiction générée est productrice d’un encadrement. Il
convient de limiter l’essai d’encadrement à la période réservée à la sélection des distributeurs,
avant la conclusion du contrat-cadre de distribution. Les seules règles de police du droit de la
concurrence, applicables à l’accord précédant la conclusion du contrat-cadre, seront donc
traitées dans le but d’en ériger un cadre contraignant. La démarche consistant à contrôler les
dispositions préalables au contrat-cadre de distribution au regard des exigences
concurrentielles s’inscrit nécessairement dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles
(Section 1) puis des pratiques restrictives de concurrence (Section 2).
Toutefois, le « Droit-police » peine à satisfaire les exigences d’encadrement et de sécurité
dans la période consacrée aux négociations338.
336
C. CHAMPAUD, JCl Concurrence – Consommation, Fasc. 30, Caractères du droit de la concurrence.
A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 83, p. 65.
338
Op. cit. 4ième de couverture.
337
Section 1/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au
contrat-cadre de distribution par les pratiques anticoncurrentielles
188. - Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour finalité de contrôler les
comportements macroéconomiques, engendrant de lourdes conséquences sur les marchés du
fait, notamment de leur taille importante. Le commerce ou la concurrence intracommunautaire
doivent être affectés et un seuil de sensibilité doit être franchit pour que le droit
communautaire de la concurrence trouver à s’appliquer. Seules les pratiques présentant une
certaine influence sur le marché en cause ne font l’objet de l’attention des contrôles ; les
accords d’importance mineure ne restreignant pas suffisamment la concurrence, au sens de
l’article 81 du Traité CE.
189. - La phase préalable à la conclusion du contrat-cadre de distribution concerne les
négociations d’un premier accord entre un fournisseur et un distributeur et nullement des
comportements de grande échelle. L’on perçoit dès lors que la démarche poursuivie par l’abus
de dépendance économique (Paragraphe I) et par le droit des ententes (Paragraphe II)
semble inadaptée à notre étude.
Paragraphe I/ L’emploi de l’article L. 420-2 du Code de commerce
190. - L’étude de la période réservée à l’accord préalable de sélection conduit à envisager les
possibilités d’un contrôle offert par l’abus de dépendance économique (I) ; tentative
rapidement mise en échec par des incohérences, inefficiences (II).
I/ Les modalités de l’adaptation de l’article L. 420-2 du Code de commerce pour régir
les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution
191. - « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive
par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché
intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en
refus de vente, en vente liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la
rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se
soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la
structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe
d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une
entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en
vente liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442-6 ou en accords de
gamme »339.
II/ Les difficultés résultant de l’inadaptation du recours à l’article L. 420-2 du Code de
commerce
192. - Il convient de répondre aux deux conditions posées par le présent article, l’existence
d’une situation de dépendance économique à l’égard d’un fournisseur ou d’un distributeur et
l’exploitation abusive de celle-ci, au moyen de pratiques anticoncurrentielles ayant entrainées
l’affectation du fonctionnement ou la structure de la concurrence.
193. - A priori, la caractérisation d’un abus de dépendance économique semble impensable au
stade du contrat préparatoire. Il n’existe aucune relation commerciale entre le fournisseur et le
candidat distributeurs puisqu’ils sont dans une phase de négociations et ne sont pas liés par le
contrat-cadre de distribution.
L’ancien Conseil de la concurrence a apporté des précisions quant à l’appréciation de la
notion, précisions confirmées par la Cour d’appel de Paris340 puis par la Cour de Cassation341.
Il faut tenir compte « de l’importance de la part du fournisseur dans le chiffre d’affaires du
revendeur, de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de la part de marché
du fournisseur, de l’impossibilité pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des
produits équivalents » et « ces critères doivent être simultanément présents pour entrainer
cette qualification »342. De plus, malgré la suppression de la preuve de l’absence de solution
339
Art. L.420-2 du Code de commerce.
Notamment, CA Paris, 1re ch., 12 juill. 1990, BOCCRF 20 juill. et CA Paris, 13 juin 1991, BOCCFR 5 juill.
341
Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17. 983, RJDA 1993, n° 922, Contrats, conc., consom. 1993, n° 213.
342
Cons. conc., déc. n° 89-D-16, 2 mai 1989, Sté Chaptal SA, BOCCRF 30 mai et Cons. conc., déc. n° 90-D-23,
3 juill. 1990, Sté JVC Vidéo France.
340
équivalente par la loi du 15 mai 2001343, la jurisprudence344 maintient une telle appréciation,
basée sur les critères énoncés.
194. - Alors même que le contrat de franchise est qualifié par certains auteurs de relation de
dépendance, l’article L. 420-2, alinéa 2 n’est pas applicable345. Les conditions ne peuvent être
remplies lors d’une négociation du fait que la jurisprudence refuse de caractériser une telle
pratique dans le contrat, objet même de cette négociation. L’abus de dépendance économique
ne semble pas non plus juridiquement constitué une fois la sélection réalisée puisque la
personne qui s’est délibérément placée dans cette situation ne saurait pouvoir s’en
prévaloir346.
195. - Par ailleurs, s’il on transpose ce raisonnement à la distribution sélective, le candidat
distributeur fait l’objet de la sélection du fait de son aptitude à satisfaire aux critères établis
par le fournisseur. Aussi, « estimer qu’il se trouve dans un état de dépendance au seul motif
qu’une fois agréé, il lui serait plus facile de lutter contre la concurrence, ou inversement qu’il
est dans une position plus difficile en n’obtenant pas le produit, caractéristique de la
dépendance et justifiant l’application du texte, reviendrait à supprimer toute liberté de choix
pour le fabricant et par là-même à condamner la distribution sélective »347.
L’abus n’est pas non plus caractérisé, tout comme le fait de nuire à la concurrence. Un seul
distributeur abusé ne permet pas un tel effet, « à supposer que l’abus se traduise par une
diminution de la concurrence intra marque, il peut en résulter l’augmentation ou la
préservation de la valeur concurrentielle de la marque et donc globalement une amélioration
de la concurrence »348.
L’utilisation de l’abus de dépendance économique pour contrôler les dispositions précédant la
survenue du contrat-cadre n’est pas adaptée.
343
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001.
Notamment, Cass. com., 9 mars 2002, RTD com. 2003, p. 75, obs. E. CLAUDEL.
345
V. par exemple, CA Versailles, 11 mai 2006, D. 2007, pan. p. 191, obs. D. FERRIER : le fait que le
franchiseur impose au franchisé des normes de commercialisation ne conduit pas à la création d’une dépendance
économique.
346
Cons. conc., déc. n° 01-D-42, 11 sept. 2001, André Barbot, Recueil Lamy, n° 863, obs. V. SELINSKY.
347
J.-P VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. Dr. E, Litec, 1999, n° 78, p. 103.
348
Op. Cit. n° 78, p. 103.
344
Paragraphe II/ L’utilisation du droit des ententes
196. - Les modalités du contrôle par le droit des ententes doit être appréhendé au stade des
dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution (I) alors même que
certaines conditions d’application se révèlent être incompatibles avec cette période (II).
I/ Les moyens du contrôle des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution
par le droit des ententes
197. - « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre
entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui
sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour
effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du
marché commun (…) »349.
Selon l’article L. 420-1 du Code de commerce, « sont prohibées (…), lorsqu’elles ont pour
objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites
ou coalitions (…) ».
198. - Le Conseil de la concurrence peut sanctionner une entente à partir du moment où deux
entités se sont entendues, sont parvenues à un échange, même implicite, des volontés. Ainsi,
un simple accord de volonté entre deux entreprises, est suffisant, quelle que soit sa forme.
Une entente est prohibée même lorsqu’elle n’a pas d’effet anticoncurrentiel, à condition
qu’elle puisse avoir des effets restrictifs de concurrence.
Les fournisseurs peuvent s’entendre avec les distributeurs, générant alors une entente
verticale, tout comme peuvent le faire les distributeurs entre eux dans une démarche
horizontale afin de se réserver artificiellement le marché des produits ou services en question,
en limitant l’accès aux concurrents. Il peut s’agir de stratégies communes d’éviction
développées par des concurrents afin d’entraver la création des grandes surfaces et des
coopératives d’installateurs350. Par ailleurs, plusieurs décisions du Conseil de la concurrence
349
Art. 81, § 1 du Traité CE.
Décision n°06-D-03, Cons., conc., 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des
appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation. Le Conseil de la concurrence a sanctionné près de
80 entreprises ou organisations professionnelles pour un montant cumul de 26,1 millions d’euros. Les
350
ont permis de révéler l’existence d’ententes quant à la fixation de prix de revente aux
consommateurs, notamment entre distributeur et fournisseurs351. L’entente sur les prix se
manifeste de diverses manières ; la mise en place de prix indicatifs, la négociation de remises
conditionnées au respect des prix fixés par le promoteur du réseau.
Le Conseil de la concurrence, dans une décision relative à des pratiques relevées dans le
secteur de la parfumerie de luxe, indique qu’ « il résulte de cette jurisprudence constante que
les clauses des contrats de distribution sélective liant fabricants et distributeurs ou les
interventions des fabricants dans la distribution lorsqu’elles visent à limiter la liberté
commerciale des distributeurs, par des pratiques de prix imposés ou toute pratique
aboutissant au même résultat, sont contraires aux articles 81 du Traité et L. 420-1 du Code
de commerce »352. Les clauses relatives à la publicité des marques de luxe peuvent également
faire l’objet de sanction, lorsqu’elles sont utilisées pour dissuader les distributeurs de faire
porter leurs campagnes publicitaires sur les prix353.
199. - Cependant, la démonstration quant à l’existence d’une coordination de comportements
tarifaires issue d’une entente prohibée est d’autant plus difficile puisque le libre jeu de la
concurrence peut conduire à un tel résultat. L’alignement simultané des tarifs par l’ensemble
des concurrents ou une partie de ceux-ci peut résulter d’une réaction identique des
distributeurs face à la concurrence dans le secteur d’activité354. L’application du contrôle du
droit des ententes à la phase précontractuelle semble en proie à des difficultés.
II/ L’inaptitude du droit des ententes à régir les dispositions préalables au contrat-cadre
de distribution
200. - Certaines particularités propres à la période des négociations, dans l’accord
préparatoire, sont incompatibles avec l’application du droit des ententes (A), restreignant son
champ d’étude à la seule phase de sélection des distributeurs, qui permet son contrôle (B).
entreprises, au cours de réunions, avaient décidé d’user de pratiques de boycott et de menaces de
déréférencement envers les fournisseurs, fabricants approvisionnant les grandes surfaces concurrentes.
351
Cons. Conc., 7 nov. 2002, déc. n°02-D-67, St Chapelle et Senavem c/ Sté Darty, Caprofem et certains de leurs
fournisseurs, BOCC 28 févr. 2003, p.165.
352
Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04 bis, pt 451.
353
Cons. Conc., 19 nov. 1996, déc. n° 96-D-72, Rolex. Cons. Conc., 19 juill. 2001, déc. n°01-D-45, Ray Ban.
354
Cons. Conc., 5 déc. 2005, déc. n°05-D-66, point 250 - Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04, point 454.
A/ Les raisons de l’échec
201. - La nécessité d’une « coordination des volontés »355 semble relever davantage du
vocable du contrat que de celui de la négociation. Il faut distinguer d’une part l’analyse des
notions d’ « accord » et de « pratique concertée » qui démontrent l’inaptitude du droit de la
concurrence à appréhender la phase préalable à la conclusion du contrat (1/) et la perception
du « concours de volontés », proche de celle l’approche civiliste, retenue par la jurisprudence,
tendant à confirmer cette inadaptation356 (2/).
1/ Les difficultés inhérentes aux notions d’ « accord » et de « pratique concertée »
202. - Pour qu’un engagement soit qualifié d’accord au sens de l’article 81, § 1, il n’est pas
nécessaire qu’il constitue un contrat « obligatoire et valide selon le droit national »357. Si tout
contrat résulte d’un accord de volontés, tout accord de volontés n’est pas un contrat 358. L’idée
générale vise à l’adhésion par les parties à un objet commun, emportant les comportements de
chacune des entreprises sur le marché. « Il suffit que les entreprises en cause aient exprimé
leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée »359.
203. - Transposé à la relation de distribution, cela signifie que le candidat distributeur accepte
les conditions du fournisseur, en manifestant sa volonté de se comporter sur le marché en
fonction des exigences de ce dernier. La manifestation de volonté expresse, la déclaration de
volonté du revendeur au cours des négociations, pour l’établissement d’un projet commun, le
contrat-cadre, est plausible. Néanmoins, la démonstration de la manifestation de volonté tacite
dans le contrat préparatoire suppose que l’entreprise du candidat distributeur, de part son
comportement, traduise son adhésion au projet commun. Il faut que le distributeur figure dans
le marché et soit en relation commerciale avec le fournisseur. Ce n’est autre que les
caractéristiques qui décrivent un distributeur sélectionné, ayant fait l’objet de l’intégration au
355
La Commission de la concurrence a précisé que « toutes les ententes supposent un concours de volontés,
quelle que soit la forme de cet accord et même s’il ne se formalise pas réellement (…) ; la démonstration ou la
conviction qu’il y a ou qu’il y a eu un concours de volontés des personnes physiques ou morales juridiquement et
économiquement distinctes est une condition absolue de toute incrimination ».
356
Op. Cit. n° 102, p. 77 et s.
357
Com. Déc. 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOUE L 209, 19 août 2003, pt. 123 : un contrat nul au
regard du droit civil constitue un accord au sens de l’article 81, § 1, du traité CE. Aussi, en l’espèce l’argument
invoqué de la nullité de droit du contrat pour violence est rejeté puisque la validité du contrat n’est pas requise à
la caractérisation d’un accord, pour la Commission européenne.
358
J.-P. LEVY et A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz, 1re éd., 2002, spéc. p. 647.
359
CJCE, 14 mai 1998, Carton et CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-49/92, Commission c/ ANIC Partecipazioni : Rec.
CJCE 1999, I, p. 4125, pt 130.
sein du réseau par la conclusion du contrat-cadre de distribution. La démonstration ne peut
être établie dans le contrat préparatoire de distribution du fait de l’absence de relations
commerciales entamées.
La notion de pratique concertée, concept autonome360, permet d’appréhender les concours de
volontés, sans qu’ils ne soient axés autour d’un plan commun. La concordance de volontés
résulte d’un échange d’informations361 afin de s’entendre sur comportement futur de chaque
entreprise, dans un esprit de coopération mutuelle. Les négociateurs, bien qu’échangeant des
informations, délibérément ou par le respect de l’obligation posée par la loi Doubin, ne
sauraient caractériser par leurs agissements une pratique concertée. Il convient de rappeler que
l’objet du droit des ententes est de sanctionner des concurrents et non pas des futurs
partenaires. Alors même que la Cour de Justice a posé un principe visant à ne pas opérer de
distinctions entre les accords362, principe critiqué par certains auteurs363, la jurisprudence
communautaire364 et nationale365 semble ne sanctionner que les échanges d’informations entre
concurrents.
360
CJCE, 14 juill. 1972, Matières colorantes, aff. 48, 49 et 51 à 57/69, I.C.I et a c/ Comm. : Rec. CJCE 1972, p.
619, B. GOLDMAN, obs. sous les arrêts 14 juill. 1972 : Clunet 1973, p. 924. « Si l’article 85 (actuel art. 81)
distingue la notion de « pratique concertée » de celle d’ « accord entre entreprises » ou de « décisions
d’association d’entreprises », c’est dans le dessein d’appréhender sous les interdictions de cet article une forme
de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement
dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence ; (…) par sa nature
même, la pratique concertée ne réunit donc pas tous les éléments d’un accord mais peut notamment résulter
d’une coordination qui s’extériorise par le comportement des participants (…). »
361
Dans son rapport pour 1988, le Conseil distinguait trois catégories de pratiques d’entente anticoncurrentielle :
« la détermination ou la mise en œuvre de stratégies communes à plusieurs opérateurs par voie d’entente
explicite ou tacite, qui viole la condition d’autonomie des décisions », ce qui recouvre la notion d’ « accord » ;
« l’échange d’information sur les stratégies que chacun des opérateurs est susceptible de mettre en œuvre, qui
viole la condition d’incertitude », ce qui vise les « pratiques concertées » ; enfin « les pratiques d’exclusion qui
limitent ou interdisent l’entrée sur le marché considéré ».
362
CJCE, 13 juill. 1966, Grunding-Consten, 56 et 58/64 73 : « l’article 85, se référant de façon générale à tous
les accords qui faussent la concurrence à l’intérieur du marché commun, n’établit aucune distinction entre ces
accords, selon qu’ils sont passés entre des opérateurs concurrents au même stade ou entre opérateurs non
concurrents situés à des stades différents ».
363
Notamment, J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, op. cit., n° 138, p. 169. Cet auteur trouve cette
acceptation discutable puisque « si toute limitation de l’autonomie du comportement des concurrents est une
affectation anormale de leur activité, il est tout à fait normal que dans ses relations avec ses fournisseurs, qui ne
sont pas ses concurrents, un distributeur consente des restrictions à son autonomie et à sa liberté. Si bien qu’en
l’absence d’autre élément, retenir la limitation de l’autonomie des parties comme le critère d’une entente entre
un producteur et un distributeur n’aurait pas de sens ».
364
Notamment, TPICE, 15 mars 2000, aff. Jtes T-25/95 et a., Cimenteries-CBR c/ Commission : Rec. CJCE
2000, II, p. 491, pt. 1852 : « toute prise de contact directe ou indirecte de nature à dévoiler à un concurrent le
comportement que l’on a décidé, ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché, lorsqu’une telle prise de
contact a pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux
conditions normales du marché ». – Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 103 : « La notion de
pratique concertée, ou, en droit national, de coalitions, concertations, collusions, s’applique dans le domaine
des échanges d’informations entre concurrents. En matière d’entente verticale, un échange d’informations entre
Présumer de l’existence de pratiques concertées dans la période précédant la conclusion du
contrat-cadre parait inapproprié puisque cela vise à condamner le candidat distributeur pour
l’avenir, alors même qu’il n’est pas encore un opérateur économique sur le marché.
204. - L’entente n’est pas caractérisée pour les pratiques issues d’une volonté unilatérale du
fournisseur. Le contrôle par le droit des ententes ne peut alors effectuer un contrôle des
dispositions préalables au contrat-cadre de distribution qu’au moyen de la démonstration
d’une position dominante de l’entreprise concernée366.
2/ L’affirmation de l’incompatibilité
205. - La Commission interprétait largement la jurisprudence communautaire en matière de
réseau de distribution et concluait que l’ensemble des mesures prises par un fournisseur, au
sein du réseau, même celles unilatérales, étaient encrées dans des relations contractuelles,
caractérisant un « accord de volonté » et étant ainsi condamnables au titre d’une entente.
206. - Toutefois, la jurisprudence la plus récente revient sur cette conception, en imposant la
preuve de l’acquiescement du distributeur367. Le Tribunal de première instance des
Communautés européennes368 refuse ce changement, pourtant accepté par la Cour de justice
des Communautés européennes369. Néanmoins, l’analyse combinée des deux solutions370
conduit à penser que la mesure ne peut désormais revêtir la qualification d’entente que si les
deux partenaires ont exprimé leur volonté commune d’adopter et de suivre la ligne de
opérateurs situés à des niveaux différents de la chaîne économique n’est pas en soi nuisible à la concurrence,
dans certaines configurations de marchés, il a pour effet de porter atteinte à la concurrence ».
365
Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 103 : « La notion de pratique concertée, ou, en droit
national, de coalitions, concertations, collusions, s’applique dans le domaine des échanges d’informations entre
concurrents. En matière d’entente verticale, un échange d’informations entre opérateurs situés à des niveaux
différents de la chaîne économique n’est pas en soi nuisible à la concurrence, dans certaines configurations de
marchés, il a pour effet de porter atteinte à la concurrence ».
366
Art. 82 du Traité CE ; Art. L.420-2 du Code de commerce.
367
Comm. CE, déc. Bayer n° 96/478/CE, 10 janv. 1996, JOCE 9 août, n° L 201, p. 1. En l’espèce, les grossistes
avaient poursuivi leurs relations commerciales avec Bayer, caractérisant ainsi leur acquiescement. L’interdiction
d’exporter constituait un accord entre les parties, ayant pour objet et pour effet de restreindre la concurrence et
qui affectait de manière sensible le commerce entre Etats membres.
368
TPICE, 26 oct. 2000, aff. T-41/96, Bayer AG, Rec., CJCE, II, p. 3383, Contrats, conc., consom. 2001, comm.
28, obs. S. POILLOT-PERUZZETTO : « La Commission méconnait ladite notion de concordance de volontés
en estimant que la poursuite des relations commerciales avec le fabricant lorsque celui-ci adopte une nouvelle
politique, qu’il met en pratique unilatéralement, équivaut à un acquiescement des grossistes à celle-ci, alors que
leur comportement de facto est clairement contraire à ladite pratique ».
369
CJCE, 6 janv. 2004, aff. Jtes C-2/01 et C-3/01 P, Bundesverband der Arzneimittel-Importere, Europe fév.
2004, comm. 84, obs. L. IDOT.
370
Op. cit. n° 127, p. 95.
conduite dictée par ladite mesure, peu important que les relations commerciales soient de
nature contractuelle ou bien simplement « établies »371.
« Par analogie avec l’analyse contractuelle »372, la qualification d’entente suppose alors la
réunion d’une offre et d’une acceptation, c’est-à-dire une invitation373 du fournisseur à
laquelle le distributeur adhère. Il convient, dès lors de démontrer l’existence des deux
éléments. L’invitation ne pose pas de difficulté puisqu’il suffit que le fournisseur ait invité le
distributeur à suivre une démarche commerciale, un projet commun. Toutefois, l’existence
d’une acceptation est moins aisée374. Le droit des ententes se révèle être inadapté à
l’encadrement des dispositions précontractuelles étant donné que l’accord de volonté est
constitué au moment de la conclusion du contrat de distribution. Le droit de la concurrence
intervient en aval de la négociation, or notre étude tend à conférer un contrôle en amont de la
relation contractuelle. Le second moyen de parvenir à une acceptation suppose
l’acquiescement, pour l’adhésion, en connaissance de cause à l’entente, sans ambiguïté
possible. Au vu des éléments précédents, en l’absence de relation commerciale, il ne peut y
avoir une acceptation tacite.
207. - En matière de sélection des distributeurs, l’arrêt AEG illustre cette analyse en refusant
le caractère unilatéral du refus d’agrément : « dans le cadre de l’admission d’un distributeur,
politique poursuivie par (le fabricant) exigeant, entre autres, l’exclusion du réseau de
distributeurs ayant les qualités pour y être admis, mais n’étant pas disposé à adhérer à cette
politique »375.
Aussi, dans les relations de distribution, « la simple connaissance d’une pratique, même
suivie d’un comportement d’alignement, ne suffit pas »376.
371
Position également partagée par le Conseil de la concurrence. Cons. conc., déc. n° 03-D-66, 23 déc. 2003,
Pratiques mises en œuvre par la société Renault et le groupement des Concessionnaires Renault (GCR) dans le
secteur de la distribution automobile.
372
E. CLAUDEL, Entente et concours de volonté. De la dénaturation à l’harmonie, RD. 2004, p. 1970.
373
La Cour de justice a estimé, dans l’arrêt Bayer, du 6 janvier 2004, que le refus d’approvisionnement n’était
pas constitutif d’une entente, du fait du défaut d’une invitation claire aux grossistes.
374
Le Conseil de la concurrence, dans son rapport annuel de 2006, divise en deux catégories les accords de
volontés des articles L. 420-2 du Code de commerce et 81 du traité CE : « soit les accords de volontés sont
matérialisés dans une relation contractuelle : les preuves de ces accords résultent généralement, directement, de
la signature d’un contrat ; soit les accords de volontés sont tacites : il faut alors démontrer la volonté de chaque
participant à l’entente de commettre une pratique anticoncurrentielle ; les preuves, indirectes, de nature variée,
sont généralement tirées du comportement des entreprises ».
375
Arrêt AEG c/ Commission, 25 oct. 1983, aff. 107/82,
376
Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 110.
B/ Le champ d’application du contrôle opéré par le droit des ententes circonscrit au
processus de sélection, excluant celui de son encadrement
208. - La sélection des distributeurs est encrée dans la période réservée aux négociations et
bien que son contrôle par le droit de la concurrence s’effectue une fois le processus réalisé, il
semble opportun de percevoir l’influence des enjeux concurrentiels sur le contrôle de la
sélection.
209. - L’étude de la satisfaction du besoin de sélection par la mise en œuvre d’un processus
licite a été réalisée, en combinant les exigences relevant de la législation française mais aussi
communautaire en vigueur. Opérer une distinction entre d’une part les critères issus du
contrôle par le droit de la concurrence et d’autre part les exigences nationales n’aurait pas été
opportun. Aussi, l’analyse de critères de sélection ainsi que leur mise en œuvre ayant été
effectuée377, il convient seulement d’envisager le principe de la non-exclusion d’une forme de
distribution.
Pour échapper à l’interdiction posée par l’article 81, §1 du traité CE, la Cour de justice précise
qu’il faut que subsistent des « canaux de distribution différents »378. Toutefois, les nouveaux
modes de commercialisation tels que le commerce électronique sont générateurs de limites.
Le principe de non-discrimination trouve à s’appliquer ; l’initiateur du réseau ne peut pas
interdire le recours par ses distributeurs à Internet. Cependant, celui-ci peut, par des moyens
détournés, justifier d’une telle exception. Par exemple, le fournisseur peut justifier de
l’incompatibilité objective d’Internet du fait des spécificités du réseau, en démontrant que ce
mode de commercialisation n’offre pas aux consommateurs un service approprié eu égard à la
nature des produits distribués379. Le promoteur du réseau pourra également exclure un
distributeur n’ayant pas un point de vente physique, « exclusivement Internet »380. La
commercialisation en magasin semble être l’élément principal auquel l’on peut ajouter
Internet, en tant que mode de commercialisation accessoire.
377
V. Infra n° 73 et s.
CJCE, 22 oct. 1986, aff. 75/84, Metro II, Rec. CJCE, p. 3021 : « une restriction ou une élimination de la
concurrence peut (…) se produire lorsque l’existence d’un certain nombre de tels systèmes ne laisse aucune
place à d’autres formes de distribution axées sur une politique concurrentielle de nature différente, ou aboutit à
une rigidité dans la structure des prix qui n’est pas contrebalancée par d’autres facteurs de concurrence entre
produits d’une même marque et par l’existence d’une concurrence effective entre marques différentes ».
379
Lignes directrices de la Commission du 13 octobre 2000 sur les restrictions verticales, pt. 51 : « L’interdiction
catégorique de vendre sur Internet (…) n’est admissible que si elle est objectivement justifiée ».
380
Cons. conc., déc. n° 06-D-24, 24 juill. 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par
Festina France, Contrats, conc., consom.2006, comm. 18 ; Cons. conc., déc. n° 06-D-28, 5 oct. 2006 relative à
des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle,
Contrats, conc., consom.2006, comm. 122.
378
Le seuil de part de marché maximal est de 30 % pour pouvoir bénéficier de l’exemption,
lorsque le fournisseur exclut les revendeurs ne disposant pas d’un point de vente physique. La
Cour d’appel de Paris, confirme la décision du Conseil, en précisant que Festina « est fondée
à exiger (…) que la vente sur Internet n’intervienne, dans l’intérêt des consommateurs, qu’en
complément d’un point de vente physique »381.
381
CA Paris, 16 oct. 2007, 1re ch., sect. H, n° RG: 2006/17900, Bijourama c/ Festina France.
Section 2/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au
contrat-cadre de distribution par les pratiques restrictives de
concurrence
210. - L’utilisation des pratiques restrictives de concurrence au cours du déroulement du
contrat préparatoire de distribution (Paragraphe I) semble possible bien que discutable tandis
que le contrôle au moment de l’extinction des relations doit être écarté (Paragraphe II).
Paragraphe I/ L’adaptation du contrôle des pratiques restrictives de
concurrence lors de l’exécution du « contrat préparatoire » de distribution
211. - L’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce est circonscrite à la situation
dans laquelle l’une des parties est le « partenaire commercial » de l’autre. Toute la question
est de déterminer si, dans l’exécution du contrat préparatoire de distribution, une partie est le
partenaire commercial de l’autre. Il est nécessaire de délimiter les contours de la notion, le
partenaire est « la personne qui participe avec d’autres à des négociations pour la défense de
ses intérêts »382. Certains auteurs soutiennent le fait que le partenaire commercial ne saurait
être strictement définit comme le cocontractant383. La relation ne doit pas être nécessairement
de nature contractuelle384.
212. - Cependant, l’expression « partenaire commercial » impose, pour l’utilisation de
l’article L. 442-6 du Code de commerce, que le partenaire présente une activité économique ;
il doit s’agir d’un partenaire économique. Aussi, le fournisseur et le distributeur doivent être
en relations d’affaires et non pas seulement envisager leur survenue. La Cour d’appel de
Nîmes385 a rejeté son application386 au refus, par un constructeur automobile, d’agréer un
ancien concessionnaire dont le contrat avait été résilié. En l’absence de relation commerciale
entre les parties, l’exigence requise tendant à un « partenaire économique » n’est pas remplie.
382
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 2004, p. 649.
D. FERRIER, Conditions générales de vente et discrimination, LPA, 5 janv. 1998, n° 2.
384
T. com. Avignon, 25 juin 1999, RG n° 98/003658, SA Haladjan et ministre de l’Economie c/ Société
Verachtert, RJDA 11/99, n° 1176.
385
CA Nîmes, 2ième ch. 25 janv. 1996, SA Automobiles Citroën c/ SA Alès Auto.
386
Art. 36 de l’Ordonnance n° 86-1273 du 1ier déc. 1986.
383
Le législateur a pris le soin d’élargir le champ d’application de certaines dispositions de
l’article387 puisque le terme « partenaire commercial » est parfois remplacé par « tout
acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services ». Dès lors, l’on comprend
que le législateur a délibérément limité les possibilités de recours388, rendant ainsi difficile
voire même impossible son utilisation au cours de la période préalable à la conclusion du
contrat-cadre de distribution.
Paragraphe II/ L’impossibilité du recours aux pratiques restrictives de
concurrence lors de l’extinction du « contrat préparatoire » de distribution
213. - La rupture des relations entachée de brutalité ou de faute est sanctionné per se par
l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce389. Cette disposition, rédigée de manière large
et accueillie favorablement par les tribunaux, a pris une telle ampleur qu’elle constitue
désormais « la règle prévalant dans le droit qui devient commun, des contrats de distribution,
des contrats, voire des relations d’affaires, formule plus évocatrice que celles de relations
commerciales établies »390. L’article peut être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de
la victime du comportement incriminé391, lorsque l’existence d’une relation commerciale est
établie.
214. - Il convient de déterminer la notion de « relation commerciale établie » pour envisager
les possibilités d’appréhension des dispositions propres à l’extinction du contrat préparatoire
de distribution. L’élément perturbateur est l’exigence d’une « relation commerciale », qui, de
plus est, doit être « établie ». La relation doit d’une part exister mais celle-ci doit également
s’étendre sur une période de temps non négligeable, ayant vocation à perdurer, manifestant
« une certaine stabilité ». Des relations commerciales n’ayant duré que quelques mois n’est
pas suffisant pour remplir la condition d’application de l’article392.
387
Art. L. 442-6 du Code de commerce.
Op. cit. n° 172, p. 122.
389
Art. L. 442-6 du Code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le
préjudice subi, le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de rompre brutalement, même
partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée minimale de
préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels ».
390
D. MAINGUY, Chronique du Droit de la distribution, JCP E 2005, p. 1324, spéc. p. 1325.
391
Cass. com., 6 févr. 2007, n° 03-20.463, D. 2007, p. 1317.
392
Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n° 06-10.390.
388
Les négociations n’ont pas vocation à perdurer, bien que certaines puissent être difficiles et à
ce titre, longues393, l’issue est en proie à une instabilité, l’obtention d’un résultat positif, la
conclusion du contrat ou bien l’échec des pourparlers.
L’essai d’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce est entaché de nombreuses
difficultés, privant notre essai d’une issue heureuse.
393
Les longues négociations n’ayant pas été concrétisées par un accord doivent être écartées. Par exemple, Cass.
com., 25 avril 2006, RDC 2006. 1033, obs. ROCHEFELD.
Conclusion sur l’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables
au contrat-cadre de distribution par le droit de la concurrence
215. - Le droit de la concurrence opère un contrôle de la licéité de la mise en œuvre du
processus de sélection mais ses sanctions se révèlent inadaptées à un réel encadrement des
dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution.
L’encadrement par les pratiques anticoncurrentielles de la relation fournisseur distributeur,
avant la conclusion du contrat-cadre de distribution, est inopportun du fait de la finalité même
poursuivie,
les
effets
macroéconomiques.
Les
subtilités
des
comportements
microéconomiques de distribution ne peuvent être perçues et, de ce fait, appréhendées au
moyen d’un tel encadrement. Les pratiques restrictives de concurrence semblent plus adaptées
mais sont confrontées à l’absence de relations commerciales établies, puisque le fournisseur et
le distributeur ne sont encore qu’en cours de négociation, condition qui fait défaut à leur
application.
216. - Le droit de la concurrence, tout comme son homologue civiliste, consacre le principe
de liberté contractuelle en vertu duquel nul ne peut être contraint de contracter avec un tiers.
Pour certains auteurs, les contrats de distribution peuvent être générateurs d’un conflit entre le
droit civil et les considérations concurrentielles. « L'un, au nom de la liberté contractuelle, est
attaché à la liberté du contractant ; l'autre, au nom de la liberté de la concurrence et de
l'égalité des chances, peut obliger un fournisseur à contracter avec quelqu'un qu'il ne désire
pas »394.
Néanmoins, la loi du 1er juillet 1996 ayant abrogé le refus de vente, a permis l’émergence
d’un nouveau souffle privilégiant le respect de la liberté décisionnelle de sélection. La
tendance législative vise à se « désengager de la protection individuelle des concurrents »395,
telle en témoigne la loi de modernisation de l’économie396 ayant abrogé l’article L. 442-6, I-I°
du Code de commerce, afin d’impulser aux parties plus de liberté dans les négociations. La
suppression de la sanction civile des pratiques discriminatoires non justifiées par des
394
M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution,
La Sem. Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Février 1998, p. 260.
395
J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. dr. E, Litec, 1999, n° 82, p. 106 : en 1986, l’objectif de la
réforme était déjà de « réduire l’intervention administrative dans les mécanismes de marché » pour le
« rapprochement entre le raisonnement économique et la pratique institutionnelle ».
396
Loi n° 2008-776, 4 août 2008, art. 93, I.
contreparties réelles397 permet aux distributeurs de négocier plus librement les conditions
générales de vente ainsi que les conditions tarifaires.
217. - Le « Droit-police » de la concurrence n’étant pas apte à encadrer les négociations dans
le processus de sélection, le recours au « Droit-instrument », à la technique contractuelle
semble nécessaire. Ayant délimité les contours du processus de sélection par l’appréhension et
la satisfaction juridique de son besoin, il convient de s’interroger sur la possibilité d’ériger
une ou plusieurs qualifications juridiques du phénomène. L’analyse des divers outils
juridiques permettant l’encadrement du processus de sélection est utile ; un tel encadrement
juridique du processus de sélection est-il réalisable ? Qu’en est-il de son opportunité au regard
des attentes formulées par les différents initiateurs de la sélection ?
397
D. FERRIER et D. FERRE, La réforme des pratiques commerciales, Dalloz, 2008, p. 2234.
DEUXIEME PARTIE
LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU
BESOIN DE SELECTION
218. - Le droit français des obligations a fait l’objet de vives critiques en revêtant notamment
la qualification d’un droit peu efficace, à ranger bien loin de la première place dans
classement des droits des pays du monde398. Bien que la méthode de cette analyse ayant
conduit à de telles observations ait été remise en cause399, les conclusions alarmantes
conjuguées à la volonté d’exportation appellent à de nécessaires remaniements voire même à
une réforme du droit français des obligations.
Un problème essentiel repose sur la conception générale du contrat consacrée par le Code
civil. Ce dernier n’envisage que les dispositions applicables au modèle de la vente, contrat à
exécution rapide voire instantanée, tandis que l’évolution des besoins du droit des contrats
tend vers les contrats de longue durée. Les contrats d’affaires nécessitent l’application d’un
droit pratique, économique et non plus d’une conception morale du droit. Loin d’être
catégorique, la prise en compte de l’évolution des nécessités de la vie des affaires conduit
naturellement à envisager une conciliation entre la réservation des bases, fondements de notre
système juridique et la réception adaptée des enjeux économiques actuels. La volonté et
l’opportunité de rendre plus attractive la législation française afin de dynamiser son
exportation est emprise d’une difficile tâche, ayant impulsé des travaux de recherche.
219. - La prise en considération des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de
distribution ne peut écarter celle, plus générale, des négociations. Il est nécessaire d’assimiler
négociation et processus de sélection pour ensuite distinguer les subtilités des négociations en
398
Rapport de la Banque mondiale Doing business ( www.doingbusiness.org). A titre d’exemple, en 2008, le
classement des pays sur la « Facilité de faire des affaires », la France arrive en 31è position.
399
M. HARAVON, « Le rapport Doing Business de la Banque mondiale : mythes et réalités d'un rapport sans
nuance », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 41, 13 Oct. 2005, 1478. V. aussi, Association Henri
Capitant des amis de la culture juridique française : Après Henri Capitant, l'Association a eu, comme présidents
successifs, le bâtonnier Jacques Charpentier, le professeur Robert Le Balle, le doyen Roger Houin, le professeur
Philippe Malinvaud et, aujourd’hui, le professeur Michel Grimaldi. ; M. GRIMALDI et D. MAZEAUD, Les
droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports doing business de la banque mondiale, Société de
Législation comparée. 2006.
vue de la sélection. Le phénomène de sélection connait en effet deux temps distincts, celui de
la rencontre entre le promoteur du réseau et le candidat distributeur, permettant la mise en
œuvre d’une phase de discussion, négociation sur les aptitudes du candidat et puis le moment
de l’expression de la volonté de l’initiateur du réseau, la sélection des distributeurs retenus400.
La spécificité majeure de la négociation au sein du processus de sélection est son objet. La
négociation ne porte pas sur les conditions du contrat-cadre de distribution, du fait qu’elles
soient fixées unilatéralement par la tête de réseau, mais sur la personne, sur le candidat
distributeur.
220. - L’objet de l’étude vise à conférer au processus de sélection un encadrement juridique,
une qualification, génératrice d’organisation et de sécurité au profit des parties401. Néanmoins,
il existe une multitude de besoins de sélection402, eu égard aux particularités de chaque
système de distribution mais également aux nécessités propres à chaque réseau de
distribution. Transiger de manière générale quant à un seul encadrement juridique
transposable à l’ensemble des besoins de sélection, aussi variés soient-ils, est impensable.
L’initiateur du réseau de distribution doit avoir un intérêt en la conclusion d’un contrat, sans
quoi celui-ci refusera de restreindre la liberté contractuelle dont il bénéficie en application du
traitement informel des négociations403. Les diverses nécessités de sélection comportent des
éléments communs, tels que l’intérêt de préserver la confidentialité du savoir-faire pendant la
période précontractuelle, ce qui permet de satisfaire ces processus de sélection, en sécurisant
contractuellement les informations transmisses, par exemple.
221. - Il convient, dès lors, d’analyser les caractéristiques des négociations et de déterminer
les moyens juridiques et outils contractuels aptes à régir cette phase décisive pour l’avenir des
relations. L’identification des mécanismes pouvant régir les négociations tend à envisager des
solutions concrètes à l’encadrement du processus de sélection. L’évolution de la prise en
compte des négociations vise également à percevoir les tendances législatives,
jurisprudentielles. L’étude des dispositions étrangères, ainsi que des projets de réforme,
gouvernant les négociations, permet d’envisager les alternatives au choix des outils
contractuels retenus. Celle-ci vise à ne pas conclure trop rapidement, sans avoir perçu
l’ensemble des possibilités d’encadrement des négociations et de la sélection (Titre I).
400
V. Supra n° 481 et s.
V. Supra n° 417 et s.
402
V. Infra n° 71.
403
V. Supra n° 399 et s.
401
Une fois l’analyse des divers moyens d’encadrer les négociations effectuée, l’adaptation de
ces mécanismes aux processus de sélection est nécessaire afin de déterminer l’opportunité de
chaque outil juridique en fonction de chaque besoin de sélection. Le contrat de négociation
parait être opportun dans certaines circonstances, afin de répondre aux attentes formulées par
certains phénomènes de sélection. Néanmoins, il faut se détacher d’une analyse trop vague, se
contentant d’envisager la sélection au sein du grand ensemble des négociations, et essayer
d’identifier pour les spécificités de chaque besoin de sélection, l’encadrement le plus
opportun. Les mécanismes juridiques, les outils contractuels doivent être au service des
particularités de chaque processus de sélection.
La finalité poursuivie par l’ensemble de ce travail de recherche est de trouver des réponses
concrètes permettant l’encadrement adéquat de chaque besoin de sélection, afin proposer aux
parties une satisfaction opportune, en fonction des particularités de la sélection. Dans une
démarche méthodologique, chaque besoin de sélection tend à être satisfait, contractuellement
parlant, par tel ou tel outil juridique. Toutefois, certains besoins de sélection sont plus
simples, ne nécessitant pas l’aménagement contractuel de certaines dispositions, et amènent à
privilégier la seule préparation informelle des négociations. Ainsi, l’objectif est de conférer
une grille de lecture à l’initiateur de la sélection, qui trouvera, en fonction des nécessités
propres à son processus, l’encadrement contractuel utile. (Titre II).
TITRE I
La recherche de qualifications aux processus de sélection
222. - Le droit français ne consacre que deux dispositions légales404 à la période
précontractuelle de la négociation, alors que des pays voisins405, tels que l’Allemagne, se sont
penchés sur la question depuis longtemps.
L’évolution de la prise en compte de la période précontractuelle dans le paysage étranger fera
l’objet d’une analyse, par la suite, pour essayer de transposer leurs apports au droit français et
plus particulièrement aux dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de
distribution.
223. - Notre recherche consiste à envisager des hypothèses issues de la jurisprudence, de la
doctrine ainsi que des projets de réforme, des principes internationaux et européens de droit
des contrats permettant l’encadrement de la phase précontractuelle. Ces analyses nous
amèneront à essayer d’appliquer ces dispositions au modèle de la phase précontractuelle ayant
pour objet la sélection des opérateurs, préalable nécessaire à la conclusion de contrats-cadre
de distribution (Chapitre II).
Toutefois, avant d’élargir le champ de l’étude, il est utile de rechercher s’il n’existe pas des
solutions à la qualification du processus de sélection, par l’encadrement juridique des
négociations, dans l’état actuel du droit français (Chapitre I).
404
Art. 1589 du Code civil. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, article 72-III codifié à l’article 1589-1 du
Code civil.
405
Principes pour un droit européen des contrats ; Convention de Vienne du 11 avril 1980.
Chapitre I
La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils
contractuels du droit français
224. - L’article 1108 du Code Civil n’apporte aucun élément concernant les négociations pour
la formation du contrat et n’envisage pas l’étude du moment auquel elle se produit. Le
principe fondamental de la liberté contractuelle prévaut et semble être à la fois un justificatif à
l’absence de dispositions légales applicables à la phase précontractuelle et un obstacle à
l’apparition de celles-ci.
225. - La démarche tend à appréhender les dispositions applicables aux négociations pour la
conclusion du contrat-cadre de distribution. Les dispositions du Code civil sont inadaptées à
l’évolution des caractéristiques des contrats. Aussi, l’essai d’encadrement de la négociation
par le droit de la responsabilité civile se révèle être insuffisant à régir certains besoins de
sélection, du fait d’un faible encadrement, alors que celui-ci peut être opportun en présence
d’autres enjeux inhérents à certains processus de sélection. Seules les règles jurisprudentielles
et les éléments explicatifs développés par la doctrine nous apportent des éléments de réponse
afin de percevoir les contours des négociations et essayer d’appréhender le moment de la
formation du contrat (Section 1).
La négociation formalisée, entendue au sens strict, est confrontée à des difficultés rendant
inopportun le contrôle de la sélection. L’utilisation de l’outil contractuel est alors nécessaire
pour organiser certains besoins de sélection, à condition de sélectionner le ou les outils
adaptés (Section 2).
Section 1/ L’encadrement de la négociation par le droit de la
responsabilité civile
226. - L’encadrement par le droit de la responsabilité civile est rapidement confronté à des
limites du fait des spécificités de la préparation informelle de la négociation (Paragraphe I),
tout comme l’essai d’adaptation au processus de sélection. La préparation informelle octroie
une extrême souplesse aux parties, au bénéfice de la liberté décisionnelle de l’initiateur de la
sélection (Paragraphe II).
Paragraphe I/ Caractéristiques de la préparation informelle de la
négociation
227. - Le principe de liberté contractuelle des parties prédomine (I) ; les quelques nuances qui
lui sont apporté n’octroient qu’une faible latitude à l’essai d’un encadrement juridique par le
droit de la responsabilité civile (II).
I/ Le principe de liberté contractuelle
228. - Le droit des obligations se limite à ne considérer que l’existence de la formation du
consentement avec la rencontre des volontés, par le biais de la reconnaissance de l’acceptation
par une partie de l’offre proposée par une autre.
229. - La doctrine et la jurisprudence ont effectué des études portant sur cette phase
précontractuelle et se sont appuyées, dans un premier temps, sur la distinction existante entre
deux périodes, le mariage et les fiançailles. Il s’agit d’illustrer les enjeux de la négociation par
l’analyse des fiançailles, préalable usuel et possible du mariage et d’en tirer les conséquences.
Des interrogations se sont posées concernant la qualification des fiançailles afin de savoir si
ces dernières sont constitutives d’un contrat ou bien si elles ne font l’objet que d’un simple
fait juridique. La Cour de cassation a retenu la seconde conception consacrant le principe de
la liberté matrimoniale406. Les fiançailles s’analysent comme une promesse réciproque de
mariage et ne sont dotées d’aucune valeur obligatoire, leur rupture est libre. Elles se forment
406
Cass. 30 mai et 11 juin 1838, DS., 1838, 1, p. 492 s.
sans condition, ne créent pas d’obligation et leur preuve peut être faite par tous les moyens 407.
Ainsi, leur rupture ne peut être constitutive d’une faute qui aurait pour effet d’engager la
responsabilité de son auteur. Toutefois, la personne ayant été victime d’une rupture abusive408
ou brutale409 des fiançailles peut obtenir réparation du préjudice subi par l’obtention de
dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle410.
En essayant de transposer ces éléments à la phase précontractuelle, la jurisprudence en a
déduit que la négociation est une période préalable à conclusion du contrat. Cette période a
pour effet de préparer, d’organiser les dispositions contractuelles mais ne présente pas de
caractère obligatoire du fait qu’elle soit par nature facultative. Dans la phase de négociation,
les parties demeurent libres de conclure ou bien d’y renoncer, conséquence directe du principe
de liberté contractuelle qui doit prévaloir. On ne peut donc pas reprocher à une partie de ne
pas s’être engagée contractuellement à l’issue des pourparlers car ce n’est pas une faute. La
Cour de cassation a reconnu l’absence de faute bien que la situation cause un dommage à
l’autre partie du fait de la perte des profits, du gain manqué, qu’il aurait pu obtenir suite à la
conclusion du contrat411. La liberté contractuelle est un droit mais la partie ne doit pas en user
de manière incorrecte et encore moins dans le seul but de nuire à autrui412.
II/ L’aménagement de la liberté contractuelle au moyen de gardes fou
230. - L’intervention de l’insaisissable « bonne foi » peine à influencer le principe
fondamental de liberté contractuelle (A). L’engagement de la responsabilité au cours des
négociations tend à sécuriser les relations, alors même qu’il demeure limité à des
circonstances précises et des conditions strictes (B).
407
Cass. 1re, Civ., 26 mai 1971, D. 1971, p.501 s.
Exemple de rupture abusive des fiançailles : Cass., 1re Civ., 3 janvier 1980, D. 1980, IR, p. 295.
409
Exemple de rupture brutale des fiançailles: Paris, 8 nov. 1957, D., 1958, p. 45 s. ; Aix en Provence, 3 mars
2005, Dr. Fam., 2005, n°11, p. 22.
410
Art. 1382 du Code civil. La victime doit réunir les trois conditions d’application, à savoir, l’existence d’une
faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
411
Cass. Com. 10 juin 1986, Bull. IV, n° 123.
412
J. SCHMIDT, La sanction de la faute précontractuelle, RTD. civ. 1974, p. 46 s.
408
A/ Un devoir de négocier de bonne foi
231. - Bien que la période de négociation soit encrée dans la phase précontractuelle, qui n’est
presque pas régie par la loi, des règles de conduite gouvernant le déroulement de cette période
sont applicables.
Il incombe aux parties de respecter un devoir de négociation de bonne foi et de loyauté413,
sans quoi celles-ci commettent une faute qui peut engager leur responsabilité. L’appréciation
de cette notion de bonne foi et de loyauté dans la négociation a fait l’objet de décisions
jurisprudentielles qui ont permis d’en délimiter les contours. Il faut entendre par là, le devoir
pour les parties de s’informer et se renseigner en recherchant l’ensemble des éléments
nécessaires afin de négocier en connaissance de cause. Ces dernières ne doivent pas se
comporter de manière désinvolte414, ni avec légèreté415. Cependant, l’exclusivité de la
négociation n’est pas requise, ce qui rend possible l’existence de négociations parallèles à
condition de ne pas commettre de faute416. La bonne foi dans les négociations s’illustre par la
volonté des parties, avec deux libertés contractuelles qui se font face, de trouver un
compromis, de sorte à générer un intérêt commun.
232. - La faute est engendrée par le fait de laisser croire de manière légitime ou de faire croire
à l’autre partie de part son comportement qu’il s’agit d’une négociation présentant un
caractère d’exclusivité. Lorsque l’exclusivité de la négociation est requise du fait de
l’impossibilité de laisser courir des pourparlers simultanés, l’information de l’autre partie et le
respect de la confidentialité nécessaire doivent prévaloir417.
233. - Néanmoins, il est important de préciser que « le code civil s'inscrit dans la tradition
humaniste, morale du droit français classique, parfaitement belle, honorable et légitime, mais
assez peu dans cette dimension économique, disons pragmatique ou pratique si le mot
économique effraie, qui, répétons-le encore et encore, n'a pas vocation à supplanter la
précédente, mais à ajouter une grille d'analyse, soit pour conforter, soit pour critiquer mais
en tout cas pour offrir des réflexions autres, sinon alternatives »418.
413
Y. NEVEU, Le devoir de loyauté pendant la période précontractuelle, Gaz. Pal. 2000. Doctr. 2112 et s.
Paris 13 mai 1991, RJDA 1991, n°911 ; RTD civ., 1992.394, obs. J. MESTRE.
415
Versailles 1ier avril 1999, RJDA 1999.1285 ; Com. 22 février 1994, Bull. IV, n°79, RJDA 1994.765.
416
Cass. Com. 2 juill. 2002, RJDA 2003, n°52.
417
Comp. PECL, art. 2302 ; Cass. Com. 3 oct. 1978 ; Bull. Civ. IV, n°209, D. 1980, p. 55, note J. SHMIDT.
418
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
RD. 2009, p. 308.
414
Le concept de bonne foi semble étranger aux contrats d’affaires, ou du moins, rencontre
quelques difficultés d’intégration parmi les enjeux économiques. Aussi, il convient de se
réserver d’appréhender les négociations d’affaires sous l’angle de considérations morales
omniprésentes, mais plutôt de n’y recourir qu’en cas d’abus. En effet, la bonne foi tend à
n’intervenir uniquement lorsque les juges ont épuisé d’autres fondements juridiques, tels que
les vices du consentement419. Les juges se réfèrent à l’intégrité du consentement au moment
de la finalité des négociations, la bonne foi n’a vocation à jouer que de manière occasionnelle
pour régir la conduite des pourparlers.
B/ L’engagement de la responsabilité du fait de la conduite inappropriée des
négociations
234. - Il convient de rappeler la brève évolution du régime de la responsabilité qui s’applique
à la rupture de la négociation. Au XIXème siècle, Ihéring a proposé un régime de
responsabilité contractuelle du fait de la rupture fautive des négociations. Cette responsabilité
est fondée sur une culpa ion contrahendo, une faute commise en contractant. Le droit
allemand reconnait le régime de responsabilité contractuelle applicable en matière de rupture
fautive des pourparlers. En droit français, la responsabilité précontractuelle n’a fait l’objet que
de quelques analyses doctrinales420 pendant longtemps, ce qui rend difficile son étude.
235. - Cependant, un important arrêt de la Cour de cassation421 permet une évolution
considérable en consacrant pour la première fois, sous le visa des articles 1382 et 1383 du
Code civil, le régime de la responsabilité précontractuelle. Ainsi, en cas d'échec des
négociations « la responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés du code civil peut être
retenue en l'absence d'intention de nuire ». La même année, une cour d'appel retient à bon
droit que « des négociations aussi laborieuses ne pouvaient être rompues par un simple coup
de téléphone » 422.
419
Article 1116 du Code civil.
R. SALEILLES, La responsabilité précontractuelle, RTD civ. 1907.697 ; P. ROUBIER, Essai sur la
responsabilité précontractuelle, thèse Lyon, 1911 ; A. COHERIER, Des obligations naissant des pourparlers
préalables à la formation des contrats, thèse Paris, 1939.
421
Civ. 3e, 3 oct. 1972, Bull. civ. III, n° 491.
422
Cass. Com. 20 mars 1972, JCP, 1973, II, 17543, note J. SCHMIDT ; RTD civ. 1972. 779, obs. G. DURRY.
420
La jurisprudence adopte une position contraire à celle défendue par Ihéring. Celle-ci
caractérise l’application de la responsabilité délictuelle par la faute commise dans la période
précontractuelle, donc en l’absence de contrat liant les parties.
236. - Les négociateurs peuvent donc voir engager leur responsabilité en cas de conduite
abusive des pourparlers (1/), ce qui peut donner lieu à réparation au titre du dommage
précontractuel, mais uniquement dans certaines configurations (2/). L’engagement de la
responsabilité des négociateurs, tout comme l’indemnisation précontractuelle, demeure
limités, étant circonscrits à des conditions strictes.
1/ Les modalités du déroulement abusif des négociations
237. - La responsabilité de la personne peut être engagée lorsqu’elle rompt la négociation
alors qu’elle avait laissé espérer à son partenaire la conclusion immédiate ou prochaine du
contrat423. Les parties ne peuvent mettre fin aux pourparlers sans explication, au moment où
ceux-ci étaient sur le point d’aboutir. Il s’agit d’une faute qui porte atteinte aux devoirs de
bonne foi et de loyauté dans le déroulement de la négociation. « C’est la déception de la
personne à qui nous avons fait une promesse qui produit l’obligation de l’accomplir. (…)
Mais la déception occasionnée par la rupture d’une promesse dépend de deux causes : non
seulement de la solennité et de l’assurance avec laquelle la promesse est faite, mais
également de l’importance de la chose promise. (…) Nous observons que les hommes sensés
mesurent l’obligation où l’on est d’accomplir une promesse à la déception que sa rupture
occasionnerait »424.
238. - Le principe demeure la liberté des parties de pouvoir mettre un terme aux négociations
mais uniquement lorsque celles-ci ont fait preuve de bonne foi et de loyauté. La Cour de
cassation a réaffirmé ce principe et ces nuances, lorsqu’une faute est commise, tout en
apportant des éléments explicatifs au régime de responsabilité applicable à la négociation. La
victime peut agir sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, qui peut être parfois
assortie de sanctions pénales dans le cas de la publicité trompeuse et d’autres sanctions
civiles, lorsque les fautes dans la négociation traduisent l’existence d’un dol.
423
Cass. Civ 1ière, 19 janvier 1977, D. 1977, 593, note J. SCHMIDT.
A. SMITH, Leçons sur la jurisprudence, traduction, préface et notes de H. COMMETTI, D. 2009, p. 129
« Vendredi 21 janvier 1763 ».
424
239. - Il a été jugé que la création d’une situation d’incertitude prolongée par l’une des partie
à l’encontre de l’autre, afin de l’amener volontairement à considérer qu’il existe encore une
chance de conclure le contrat alors que ce n’est plus envisageable depuis longtemps, est une
faute, constitutive d’une rupture abusive. Il ne faut pas confondre cette situation où le
partenaire possède les motifs légitimes de croire que la conclusion est sur le point d’opérer
avec le simple avancement des pourparlers qui n’est que le déroulement logique des
négociations425 ou bien avec la simple croyance infondée d’une partie.
En effet, il n’est nullement question d’entacher les négociations d’un caractère obligatoire qui
rendrait effective la sanction de toute rupture des pourparlers, aussi normale soit telle. Le
caractère brutal, inattendu, soudain de la rupture peut être constaté dans des cas similaires, il
est également condamnable426.
240. - Toutefois, un arrêt du 9 janvier 2007427 émet quelques réticences. Il importe peu de
savoir si le motif à l’origine de la rupture des négociations était fondé ou non, dès lors que le
motif invoqué était extérieur aux deux négociateurs, mais résultait d’une énonciation d’une
tierce personne428. La rédaction des décisions jurisprudentielles429 sur la question engendre
quelques interrogations. Si la Cour met en exergue le caractère brutal et non justifié de la
rupture, elle le couple systématiquement avec l’avancement des pourparlers.
241. - L’interprétation traditionnelle vise à considérer que la rupture des négociations est un
droit susceptible d’abus430, alors que l’on peut envisager qu’il ne s’agit non pas de la sanction
de la rupture fautive ou brutale des négociations mais plutôt la condamnation du déroulement
de celles-ci. La conduite des négociations serait alors empreinte de mauvaise foi ou de
déloyauté, ce qui ouvrirait droit, à la victime des agissements de l’autre partie, à
indemnisation.
Dès lors, la seule rupture des pourparlers ne constituerait pas le fait générateur de la
condamnation, puisqu’étant un droit reconnu à chacun des négociateurs. En l’absence de la
425
Cass. Com. 20 juin 2000, RJDA 2000, n° 1068.
Cass. Civ 1ière, 6 janvier 1999, JCP 1998, II, 10066, note B. FAGES.
427
Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297.
428
Les deux parties négociaient une forme de joint venture dans la perspective de la passation d’un contrat
d’entreprise. Les pourparlers entre les deux entrepreneurs avaient été rompus en raison d’une énonciation du
maître d’œuvre, extérieur aux négociations, et dont la Cour refuse de contrôler la pertinence.
426
429
Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.456 ; Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n° 94-21.561 ; Cass.
com., 14 décembre 2004, pourvoi n° 02-10.157
430
Ph. Le Tourneau, La rupture des négociations, Op. Cit.
reconnaissance d’un droit discrétionnaire de chaque partie de pouvoir quitter la table des
négociations, cela revient à consacrer une obligation de s’entendre sur les termes du contratcadre de distribution. Une telle exigence porterait indéniablement atteinte à la liberté
contractuelle des parties et ne saurait être acceptée.
Ainsi, la rupture des pourparlers ne serait pas fautif, seul le fait de faire naître et d’entretenir
la confiance de son partenaire sur des éléments infondés, visant à l’induire en erreur sur ses
réelles intentions serait fautif. Or, en déplaçant la faute sur la conduite des négociations et non
plus sur leur rupture, il devient inutile de se référer à la théorie de l’abus de droit dans la
mesure où le principe de la généralité de la faute suffit à engager la responsabilité de son
auteur.
2/ Le dommage précontractuel
242. - Une fois l’engagement de la responsabilité de l’auteur établi, il faut évaluer le
dommage précontractuel431 afin de réparer le préjudice subi.
La doctrine a opéré une distinction, entre le dommage résultant de la perte subie et celui du
gain manqué, qui n’est pas sans poser des contraintes quant à leur évaluation432.
Les décisions de jurisprudence ont fait l’objet de divergences, étant très hétérogènes,
concernant la réparation du dommage. La jurisprudence a admis, au départ, l’existence d’un
préjudice lié à la perte d’une chance de conclure un contrat avec un tiers à cause du temps
perdu avec le partenaire ayant été à l’initiative de la rupture fautive. Le dommage de la
personne qui a refusé la conclusion d’un contrat avec un tiers, attendu qu’elle avait les motifs
légitimes d’envisager la conclusion du contrat, est réparable433.
243. - Puisqu’il s’agit de différentes composantes du dommage, il s’est posé la question de la
réparation cumulative de ceux-ci au nom du respect du principe de réparation intégrale. Ce
431
O. DESHAYES, Le dommage précontractuel, RTD com. 2004, p. 187.
La distinction provient selon O. DESHAYES de l’influence de l’article 1149 du Code civil : « Les dommages
et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les
exceptions et modifications ci-après ».
433
CA Lyon, 4 mars 1994, Juris-Data n° 043277 ; CA Angers, 1er déc. 1983, JurisData n° 043730 ; CA
Rennes, 7 déc. 1989, Juris-Data n° 047667 ; Com. 7 avr. 1998, D. 1999.J.514, note. P. CHAUVEL ; Com. 18
juin 2002, n° 99-16488.
432
cumul de réparation était admis par une partie de la doctrine434 avant que la jurisprudence ne
vienne refuser l’indemnisation du préjudice lié au gain manqué. L'application cumulative des
deux conceptions, en présence d'un même comportement, conduit en effet à des résultats
incohérents.
244. - L’élément ayant été le centre de nombreuses discutions est la considération du gain
manqué par la personne n’ayant pas pu conclure le contrat. L’arrêt Manoukian435, qui vient de
faire son entrée dans les grands arrêts de la jurisprudence civile436, s’est prononcé pour la
première fois de façon aussi décisive sur les chefs de préjudice à prendre en compte en cas de
rupture fautive des pourparlers. « Cet arrêt prend de sérieuses distances avec la jurisprudence
dominante » et a érigé une véritable ligne de démarcation des plus appuyées entre la perte
subie, réparée, et le gain manqué, non causé437.
245. - Le principe de liberté contractuelle prime sur la réparation du dommage. Cela permet
d’en déduire que la réparation du gain manqué, de la perte de chance de conclure un contrat,
ne saurait être satisfaite sans porter atteinte à ce principe. La Cour de cassation refuse
d’accueillir de façon positive le fait de réparer le dommage consécutif du refus d’une des
parties de ne pas conclure un contrat : « les circonstances constitutives d’une faute commise
dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la
cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait
d’espérer la conclusion du contrat »438.
La Cour de Cassation maintient une position sévère, refusant de consacrer le droit à réparation
de la perte d’une chance et en limitant l’indemnisation du préjudice réparable en cas de
« rupture fautive »439. Dans un récent arrêt, celle-ci prononce la cassation d’un arrêt dans
lequel les juges du fond avaient accordé des dommages-intérêts pour réparer le préjudice
généré par le gain manqué. Les juges avaient souligné le caractère indiscutable de ce
434
CA Versailles, 1er avril 1999, RJDA 1999, n° 1285 ; CA Versailles, 25 sept. 2003, JCP 2004 éd. E., n° 384,
obs. P. MOUSSERON. A. LAUDE, La reconnaissance par le juge de l'existence d'un contrat, thèse, éd. PUAM
1992, préf. J. MESTRE, n° 836, p. 514 : « le négociateur qui a légitimement pu croire à une issue constructive
des pourparlers et qui se voit refuser la conclusion du contrat peut prétendre obtenir des dédommagements non
seulement pour les frais engagés durant les négociations mais également pour le préjudice « global » résultant
de la non-conclusion du contrat objet des différentes transactions ».
435
Cass. Com. 26 nov. 2003, Bull. Civ. IV, n°186, RTD Civ. 2004, p. 80, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
436
H. CAPITANT, F. TERRE et Y. LEQUETTE, t. 2, Dalloz, 12e éd., 2008, n° 142GACIV1220080001.
437
J. MESTRE et B. FAGES, Un grand arrêt relatif aux pourparlers, RTD Civ. 2004 p. 80.
438
Cass. Civ. 3ième, 28 juin 2006, JCP 2006, II, 10130, note O. DESHAYES. Comp. Reim, 10 juin 1992, RDJA
1992, n° 893 ; RTD. Civ. 1993.343, obs. J. MESTRE - Rennes, 29 avril 1992, Bull. Joly 1993, p. 463, note J.J.
DAIGRE.
439
V. Infra n° 241: il s’agirait plutôt d’indemnisation en cas de conduite fautive des négociations, étant entachées
de déloyauté.
préjudice et le fait qu'ils disposaient d'éléments suffisants pour l'évaluer. « La faute commise
dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la
cause d'un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait
d'espérer la conclusion du contrat »440.
246. - La jurisprudence n’autorise que la réparation de l’intérêt négatif, celui que l’entreprise
aurait évité si les pourparlers n'avaient pas été entrepris, à l'exclusion de son intérêt positif,
celui qu'elle aurait retiré de la conclusion du contrat si les pourparlers avaient abouti. « La
Cour de cassation exige ni plus ni moins que soit laissée sans réparation une perte de chance
qui, dans la vie des affaires, correspond bien souvent à un préjudice économique réel, que la
victime est tout à fait capable de chiffrer sur des bases objectives »441.
La Cour de Cassation confirme donc l’engagement de la responsabilité de l’auteur d’une
rupture liée au déroulement fautif des pourparlers tout en consacrant l’absence de réparation
du dommage lorsqu’il résulte de la perte d’une chance de conclure. Le cas contraire
semblerait revenir à consacrer une obligation de conclure.
247. - Bien que les décisions jurisprudentielles accompagnées des études doctrinales aient
permis d’apporter des éléments de réponse à l’appréhension de ce régime de responsabilité, il
demeure de multiples interrogations et zones d’ombre qui restent encore à explorer442.
Paragraphe II/ La réception de l’encadrement par le processus de sélection
248. - Au vu des éléments qui précèdent, la rupture conséquente à la conduite abusive des
pourparlers fait l’objet de dispositions permettant d’engager la responsabilité de son auteur.
En posant l’hypothèse selon laquelle la phase de sélection peut être assimilée à des
négociations, à une période de pourparlers, n’ayant pas un régime précontractuel autre, cela
revient à considérer que le déroulement abusif, la rupture abusive ou brutale du processus de
sélection engendre un droit à réparation du préjudice subi au profit du distributeur lésé.
Cependant, la réparation du gain manqué du fait de la rupture des négociations due à une
conduite fautive de celles-ci, de la perte d’une chance d’être sélectionné, et ainsi d’avoir la
440
Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297.
B. FAGES, Limitation du préjudice réparable en cas de rupture fautive des pourparlers : sévérité maintenue
de la jurisprudence, RTD civ. 2009 p. 113.
442
D. MAZEAUD, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, Mélanges J. GHESTION, éd. LGDJ,
2001. 637 et s.
441
possibilité de conclure un contrat de distribution, ne peut faire l’objet d’une réparation, du
moins si l’on se contente de transposer les dispositions de la jurisprudence en matière de
rupture fautive des négociations.
249. - L’engagement de la responsabilité de l’initiateur du réseau de distribution sélective,
pour son refus de sélectionner un candidat distributeur, en respectant l’application objective et
non discriminatoire des critères établis, reviendrait à porter atteinte au principe de liberté
contractuelle443.
250. - Néanmoins, la perte d’une chance de récolter les fruits de l’activité économique du fait
du refus de la sélection doit être distinguée des pertes financières résultant des frais engagés
pendant les pourparlers. Les pertes financières subies, les sommes engagés sont constitutives
d’un préjudice économique, qui lui est réparable.
251. - Il faut ajouter que le fournisseur peut engager sa responsabilité également à l'occasion
des pourparlers engagés dans le cadre d'une réorganisation du réseau444.
252. - En conséquence, l’encadrement des négociations par le droit de la responsabilité civile
s’avère être d’une telle souplesse que l’on peut légitimement s’interroger sur l’existence d’un
cadre sécurisant. La réponse semble être négative, au profit de la liberté contractuelle des
parties. Celle-ci ne voient engager leur responsabilité que de manière très occasionnelle, et ne
sont tenues d’indemniser leur partenaire, victime, dans des cas encore plus rares. L’initiateur
du réseau de distribution, en l’absence d’un besoin de confidentialité, d’exclusivité, a tout
intérêt à bénéficier de ce seul encadrement, du fait que celui-ci lui permette de conserver toute
sa liberté décisionnelle. Toutefois, un franchiseur présentant un savoir-faire développé, aura
plus intérêt à recourir à un encadrement plus étoffé, de nature contractuelle, l’assurant de
préserver son réseau de distribution445.
443
Op. Cit. J. MESTRE et B. FAGES, « Un grand arrêt relatif aux pourparlers », RTD civ. 2004 p. 80.
Cass. com., 20 nov. 2007 : JurisData n° 2007-041591 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 6, note
N. MATHEY, rupture de pourparlers au cours du préavis précédant la rupture d'un contrat de distribution.
445
V. supra n° 406 et s.
444
Section 2/ L’inadaptation de l’encadrement au moyen de la
formalisation de la négociation : l’opportunité du recours à l’outil
contractuel
253. - La formalisation de la négociation, perçue au sens strict du terme, pour son
encadrement juridique, conduit à l’émergence de difficultés, rendant inefficient son utilisation
et sa transposition au processus de sélection (Paragraphe I). La nécessité de recourir à
l’instrument contractuel suppose d’opérer un choix quant à l’outil semblant être adapté au
déroulement des négociations, dans la sélection (Paragraphe II). L’identification du contrat
de négociation ne s’inscrit que dans une phase préalable, qu’il conviendra de compléter par
une étude poussée, tendant à vérifier son aptitude à régir certains besoins de sélection446.
Paragraphe I/ Les obstacles liés à la préparation formalisée de la
négociation, entendue au sens strict
254. - Les décisions prises au cours des négociations sont encrées dans une période
informelle, rendant difficile leur preuve (I). L’obligation d’information précontractuelle est
inadaptée à régir la conduite du processus de sélection, n’étant opportune et effectivement
condamnable qu’en cas de conclusion du contrat-cadre de distribution (II).
I/ La difficulté probatoire des éléments décidés pendant les pourparlers
255. - En règle générale, la phase de négociation ne confère pas aux documents et autres
décisions le caractère contractuel puisqu’il ne s’agit que de simples faits. L’exception est faite
de certains cas de figure spécifiques tels que les promesses synallagmatiques ou unilatérales
de contrat et pactes de préférence447.
256. - La preuve de ces simples faits est libre même si la conclusion du contrat final est
intervenue. Toutefois, l’engagement des parties n’a aucune incidence sur les moyens
d’apporter la preuve de des éléments échangés, à la seule condition que les négociations se
446
447
V. Supra n° 395 et s ; n° 443 et s.
V. Supra n° 269 et s.
soient opérées entre professionnels448. Or, dans le cadre de la sélection, l’entreprise
intégratrice tend à sélectionner une entreprise dont l’objet est la distribution, revente de
marchandises. Il s’agit de deux commerçants indépendants, l’article L. 110-3 du Code de
commerce leur est applicable.
257. - Néanmoins, dans un contexte de liberté contractuelle, les parties ont tout intérêt à
« gérer la preuve par le contrat »449. La convention de preuve peut être opportune en fonction
de besoins de sélection spécifiques.
II/ L’inadaptation de l’obligation précontractuelle à régir le déroulement des
négociations
258. - Le bon déroulement des pourparlers, conditionne la conclusion du contrat, bien que les
négociations ne puissent, à elles même, être suffisantes pour engager les parties. La phase de
négociation peut permettre l’interprétation du contrat final de part les éléments résultant des
débats et des accords450.
259. - Les vices entachant la validité du consentement des parties au moment de la conclusion
du contrat se situent dans la phase précontractuelle. Il peut notamment s’agir de la
constatation du défaut de conformité de certains documents tels qu’une étude de marché ayant
un effet déterminant quant à l’engagement d’une des parties451.
260. - La violation des obligations précontractuelles à la charge des professionnels constitue
un vice dans la formation du contrat du fait que le consentement n’ait pu, faute d’éléments
décisifs, être valablement éclairé. L’obligation d’information précontractuelle est circonscrite
à des relations spécifiques et ne saurait être applicable dans toutes les phases préalables à la
conclusion du contrat-cadre de distribution.
La jurisprudence a été pendant longtemps réticente à consacrer une obligation d’information
entre deux professionnels, privilégiant la liberté de négociation. La Cour de cassation
consacrait un devoir de s’informer et allait même jusqu’à reconnaitre une obligation de se
448
Art. L. 110-3 du Code de commerce.
D. MAINGUY, La preuve du contrat, Lamy Droit du contrat, 1999.
450
Cass. Com, 11 mai 1984, n°82-15.925 : le système informatique proposé correspondait « aux besoins
contractuellement déterminés par l'avant-projet, le bon de commande … ».
451
Cass. Com, 11 Janvier 1984, n° 82-13.259, Bull. Civ. IV, n° 16, p. 3 ; Quot. Jur. 14 juin 1984, p. 13.
449
méfier à la charge du professionnel, qu’elle qualifiait d’averti452. La doctrine critiquait cette
jurisprudence453, refusant notamment d’accepter le fait pour le concessionnaire de devoir
vérifier l’exactitude des informations communiquées par le concédant. Une intervention
législative est venue opérer un changement radical par rapport à la position jurisprudentielle.
261. - L’obligation d’information précontractuelle est une émanation du législateur454 qui
impose au professionnel de délivrer des éléments de renseignement lorsque celui-ci souhaite
mettre à la disposition de son futur cocontractant un nom commercial, une marque ou une
enseigne en contrepartie d'une exclusivité ou quasi-exclusivité. Le fournisseur doit fournir à
son futur distributeur exclusif ou quasi exclusif un document qui comporte l’ensemble des
éléments nécessaires455 permettant de s'engager en connaissance de cause. Il doit s’agir
d’informations sincères, objectives, remises au futur cocontractant et non pas seulement à sa
disposition, illustrant concrètement le projet du contrat. Le distributeur doit disposer d’une
durée minimale de vingt jours avant la formation du contrat afin d’évaluer l’opportunité de
conclure ou d’y renoncer456. En cas de prorogation, l’obligation d’information n’est pas à
réitérer457 tandis qu’en présence d’un renouvellement du contrat, la situation et les
caractéristiques économiques ayant probablement évolué, celle-ci doit être à nouveau réalisée.
262. - Il convient de mettre l’accent sur le caractère obligatoire des documents bien que situés
dans la période consacrée aux pourparlers. En effet, sous la loi Doubin, le manquement à cette
obligation d’information est sanctionné sur le plan pénal par une peine d’amende relative aux
contraventions de cinquième classe ainsi que par une sanction civile. Des interrogations se
sont posées quant à la sanction civile applicable, la nullité relative, absolue ou bien la
caducité. La majorité des décisions jurisprudentielles prononcent la nullité de la convention458
et optent pour un caractère relatif de la nullité en fonction du vice du consentement.
452
Cass. Com, 25 février 1986, Arrêt Peugeot c/ Turco, JCP G 1988, II, 20995, 1re esp., note G. VIRASSAMY ;
Bull. civ. 1986, IV, n° 33 ; RTD civ. 1987, p. 85, obs. J. MESTRE - Cass. Com, 10 février 1987, Arrêt Couturier
c/ Peugeot, JCP G 1988, II, 20995, 2e esp., note G. VIRASSAMY ; Bull. civ. 1987, IV, n° 41 : « qu'au moment
de décider s'il avait ou non intérêt à rester dans le réseau, il appartenait à la société Couturier, dont a été
retenue la qualité de professionnel du marché de l'automobile, de s'informer, en l'état de l'évolution de la
conjoncture, et de s'entourer de tous éclaircissements lui permettant de mesurer les risques et de former
raisonnablement son opinion ».
453
Notamment Obs. J. MESTRE et G. VIRASSAMY (infra 1).
454
Loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989.
455
Décret n°91-337 du 4 avril 1991 : nature des informations à délivrer, concernant le passé, le présent et
l’avenir « perspectives de développement du marché concerné ».
456
Article L. 330-3 du Code de commerce.
457
L’obligation d’information doit être effectuée une seule fois puisqu’il s’agit du même contrat.
458
Sauf quelques exceptions de résiliation du contrat : par exemple, T com. Toulouse, 8 févr. 1995, cité par L. et
J. VOGEL.
263. - La jurisprudence présente désormais une position établie459 concernant la sanction d’un
défaut de l’obligation d’information. La seule méconnaissance des éléments d’information ne
saurait suffire à obtenir l’annulation du contrat. Il convient d’apprécier concrètement le lien
qui existe entre le défaut de renseignement et le fait que le consentement ait été vicié au
moment de la conclusion de la convention. Lorsque la personne est en mesure de connaitre
l’ensemble des informations manquantes, quand bien même ce soit en opérant des recherches
complémentaires, le vice du consentement ne peut être retenu460. Ainsi, le fournisseur à la
charge de prouver que le consentement du distributeur a été éclairé. Cependant, les juges
contrôlent attentivement la situation et peuvent en déduire si ce dernier était en mesure
d’avoir un consentement éclairé au vu des éléments dont il disposait. La jurisprudence confère
un caractère automatique à la nullité du contrat lorsqu’il est établi que le vice du
consentement est lié au défaut de l’obligation d’information du fournisseur461.
264. - Le processus de sélection présente des obligations à respecter dans une démarche de
protection du consentement du distributeur par le législateur. Ces dispositions législatives
tendent à contrebalancer, ce que certains auteurs nomment la situation de faiblesse, de
dépendance462 dans laquelle est placé le distributeur par l’engagement d’exclusivité qui le lie
au fournisseur. Le fait de permettre au distributeur de s’identifier à une enseigne, en utilisant
des signes distinctifs renforce l’effet de réseau463.
265. - La liberté contractuelle souffre d’atténuations au profit de l’insertion de dispositions
tendant à une protection. Certains auteurs voient un paradoxe à l’émergence de telles
orientations dans les négociations de contrats d’affaires puisqu’il s’agit de relations entre
professionnels. Toutefois, les juges ont eu une lecture intelligente du texte en prenant en
459
Cass. Com, 10 févr. 1998, no 95-21.906, Bull. civ. IV, no 71, p. 55, RTD civ. 1998, p. 365, obs. J. MESTRE,
JCP éd. E 1998, p. 894, note L. LEVENEUR ; Cass. Com, 5 décembre 2000, n° 97-21.631 ; Cass. Com, 11 mars
2003, n° 97-14.366.
460
Cass. Com, 7 juillet 2004, n° 02-15.950 : « la méconnaissance par une partie des dispositions de l'article L.
330-3 du Commerce ( … ) ne peut entraîner la nullité de la convention qu'autant qu'elle a eu pour effet de vicier
le consentement » ; « qu’à la date à laquelle elle a signé le contrat pour l’exploitation de la station en cause, la
société Hubert avait exploité depuis plus de six années des stations-services Esso dans des environnements fort
différents et avait été à même d’apprécier les chances et les risques d’une telle exploitation ».
461
Cass. com., 2 déc. 1997, Andreco, D. 1998, somm. p. 334, obs. D. FERRIER - Cass. com., 19 oct. 1999,
Prodim, Cah. dr. entr. 2000, n° 4, p. 19, obs. J.-L. RESPAUD - Cass. com., 21 nov. 2000, Verjo c/ Bonaudo,
Cah. dr. entr. 2001, n° 4, p. 26, note J.-L. RESPAUD ; Contrats, conc. consom. 2001, comm. 20, note
L. LEVENEUR - Cass. com., 21 janv. 2003, Sté Moto-Ouest c/ Sté MBK, Contrats, conc. consom. 2003, comm.
68, note L. LEVENEUR - Cass. com., 4 févr. 2004, Sté Fina, Cah. dr. entr. 2004, n° 3, p. 29, obs. J.L. RESPAUD.
462
V. Infra n° 6.
463
V. Infra n° 4 ; D. FERRIER, Op. Cit., «C’est l’effet sectaire ».
compte la qualification de professionnel du distributeur tout en considérant l’existence
d’informations déterminantes du consentement et d’autres, qui ne sont qu’accessoires.
266. - L’obligation précontractuelle d’information n’a néanmoins aucune incidence sur le
déroulement des négociations puisque ce dispositif tend à s’appliquer vingt jours au moins
avant la conclusion du contrat. En cas d’échec des négociations, le contrat n’étant pas conclu,
le fournisseur ne peut être pas tenu par une obligation « fantôme ». Il n’y a pas de contratcadre de distribution, il n’y a pas d’obligation d’information et par conséquent, pas de
possibilité de sanctionner son manquement.
En effet, alors même que des négociations sont survenues, il devient impossible de dire quand
l’obligation d’information aurait du être fournie. De ce fait, on ne peut pas sanctionner un
fournisseur pour défaut d'information précontractuelle si les négociations n'ont pas abouti à la
conclusion du contrat. L'exigence d’information se rattache à la conclusion du contrat, et non
pas à la négociation en elle-même. L’obligation d’information est alors inadaptée à
l’encadrement des négociations, celui du processus de sélection.
Paragraphe II/ Les solutions apportées par l’outil contractuel
267. - Une sélection des instruments contractuels est nécessaire afin d’écarter les outils
inadaptés (I) et ne conserver que ceux qui semblent464 satisfaire à l’objectif poursuivi (II).
En effet, certaines conventions ont trait à la conclusion du contrat définitif alors que d’autres
sont uniquement relatives à sa négociation. L’objet de cette recherche n’est pas de transiger
quant à la conclusion du contrat de distribution mais d’organiser, par l’intermédiaire de la
sélection, les négociations s’y afférents.
464
L’emploi du verbe « sembler » trouve toute son importance puisqu’il s’agit de choisir l’outil contractuel qui
correspond a priori à la qualification du processus de sélection. Cependant, l’essai de transposition aux
caractéristiques des contrats d’affaire est essentiel. La seule vérification a posteriori de l’efficacité de cet outil
contractuel permettra de conclure.
I/ Les outils contractuels a priori inadaptés
268. - Ceux que certains auteurs ont eu l’occasion de qualifier de « presque contrats »465, de
« simples instruments de secrétariat »466, bien qu’il s’agisse avant tout chose de contrats467,
tels que les lettres d’intention et les engagements d’honneur sont délibérément écartés de
l’étude. L’essai d’élaborer une qualification du processus de sélection, de conférer un
encadrement juridique à chaque besoin de sélection, ne concerne, dans un premier temps, que
les promesses de contrats (A) et les accords de préférence (B).
A/ Les promesses de contrat
269. - Les promesses de contracter visent à fixer la volonté d’une ou des parties de conclure le
contrat définitif et ne servent nullement à réguler le déroulement des négociations. Bien que le
contrat de promesse ait un caractère provisoire et préparatoire, n’étant qu’une étape et non pas
une fin en soi, celui-ci ne satisfait que le moment de la fin des négociations, la promesse de
donner son consentement au contrat-cadre de distribution. Pour davantage de clarté, la
situation dans laquelle les deux parties sont engagées par la promesse, donc synallagmatique
(2/), est distinguée de l’hypothèse d’une promesse unilatérale (2/).
1/ La promesse synallagmatique
270. - Un type de contrat préparatoire peut comporter une obligation de contracter bien qu’il
s’agisse d’une période consacrée aux pourparlers. Le cas des promesses de contrat est souvent
utilisé dans le but d’éviter que l’issue des négociations souffre d’imprécisions en présence de
situations juridiques ou techniques complexes. Le recours à cet outil juridique qui revêt un
caractère obligatoire dans une phase de préparation confère aux parties une sécurité quant à la
survenance de la conclusion du contrat définitif.
465
P. MALAURIE, L. AYNES et P. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois 2005, 2 e éd.,
n° 439, p. 203.
466
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, Francis Lefebvre 2e éd. 1999, n° 83, p. 5.
467
C. LARROUMET, Droit civil, t. 3, Les Obligations, le contrat, Économica 2005, 5e éd., n° 288, p. 257 et 258
« À la différence de l'offre de contrat, l'avant-contrat est lui-même un contrat. Seulement il s'agit d'un contrat
préparatoire du contrat définitif qui n'est pas encore conclu (...)...les volontés des contractants s'étant
rencontrées sur ce qui fait l'objet du contrat préparatoire, celui-ci les lie comme n'importe quel contrat ».
271. - Toutefois, la distinction entre le contrat de promesse synallagmatique et la conclusion
du contrat-cadre de distribution n’est pas aisée.
« La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des parties sur la
chose et le prix »468. Le Code civil assimile la promesse synallagmatique de vente au contrat
définitif.
272. - La formation du contrat-cadre de distribution n’est pas subordonnée, à peine de nullité
absolue, à la production du document d’information précontractuel469. Le contrat principal est
alors consensuel470 et la promesse synallagmatique de contrat-cadre de distribution vaut
contrat471. Le consentement des parties étant intervenu, cela suffit à la formation du contrat.
Aussi, l’exécution forcée en nature du contrat définitif peut être ordonnée puisque
l’inexécution de la promesse est traitée comme celle du contrat-cadre de distribution.
273. - Sauf stipulation dans la promesse d’une condition suspensive ou d’un terme, la
promesse emporte le transfert de la propriété et des risques à l’acheteur dès sa conclusion472.
En conséquence, un distributeur pourrait, théoriquement, demander l’exécution forcée du
contrat-cadre afin d’être intégré dans le réseau. Toutefois, cette affirmation semble douteuse
étant donné que le promoteur du réseau et le distributeur, pour le bon fonctionnement du
réseau, doivent entretenir des relations cordiales. Dès lors, l’on pense plutôt à la
condamnation à des dommages et intérêts du fait de la rupture de la promesse473.
274. - La question de l’absence d’autonomie de la promesse synallagmatique de contrat est
centrale. La Cour de cassation a rappelé que « la règle selon laquelle le promesse de vente
vaut vente n’a qu’un caractère supplétif »474. Les parties peuvent décider de reporter la
formation du contrat définitif en subordonnant la promesse « ad validitatem » à l’intervention
468
Article 1589 du Code civil.
Cass. com., 10 févr. 1998, Bull. civ. IV, n° 252 : Pour que l’annulation du contrat soit prononcée, il convient
que le créancier de l’obligation d’information apporte la preuve que leur omission a eu un impact sur son
consentement. Le défaut de l’obligation d’information ne suffit plus au prononcé de la nullité. La formalité
s’apparente à une règle de fond, le contrat est donc bien consensuel.
470
Les contrats de distribution sélective, de concession exclusive et de franchise, se forment par la simple
rencontre des volontés. Ils sont donc consensuels.
471
La promesse synallagmatique d’un contrat solennel ne « vaut » jamais contrat définitif.
472
Civ. 3e, 14 janv. 1987, D. 1988.80, note J. SCHMIDT : les promesses synallagmatiques de vente peuvent être
exécutées comme des ventes. L’acquéreur peut être condamné à payer le prix et le vendeur à livrer les biens.
473
CA Paris, 15e ch., 15 mars 1995 : JurisData n° 1995-021061 : La lettre d’un distributeur indiquant sans
conditions ni réserves qu’un projet d’implantation d’une grande surface à son enseigne a été affecté au candidat
franchisé, et accepté par ce dernier, constitue une promesse synallagmatique de franchise dont la rupture par le
franchiseur engage sa responsabilité envers le franchisé. Celui-ci a droit à la réparation du préjudice subi
consistant en la perte de l’espoir de réaliser des bénéfices.
474
Cass. 3e civ., 10 mai 2005, n° 03-19.238, RDC 2005, p. 1076, note F. COLLART DUTILLEUL.
469
d’un élément, à l’accomplissement d’une formalité. Ainsi, la promesse ne vaudra pas contrat
sans la réalisation de la condition prévue par les parties. En cas d’inexécution de la promesse
par l’une des parties, cette dernière ne peut pas se voir contrainte à exécuter ledit contrat,
l’inexécution d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts.
275. - Dans le cas où la formalité n’est pas une condition de formation du contrat, celle-ci
affecte seulement les effets du contrat475, non pas son existence ; la promesse vaut alors
contrat.
276. - Le processus de sélection ne se réalise effectivement pas en un trait de temps du fait de
l’importance du choix et des effets que cela engendre. « La négociation ne se cristallise pas
en un instant, elle se construit par étapes successives, afin de préparer au mieux la longue
relation qui doit naître d’un tel contrat-cadre »476. La promesse synallagmatique n’apporte
aucun élément de réponse permettant l’organisation du déploiement des négociations et donc
de la mise en œuvre du processus de sélection. Cependant, celle-ci peut être utile à certains
besoins de sélection, au moment de la finalisation des négociations477. Le promoteur du réseau
et le distributeur trouvent un intérêt à conclure une telle promesse, de sorte à figer leur
consentement, tout en le subordonnant à la réalisation d’une condition, par exemple.
2/ La promesse unilatérale
277. - Il convient de distinguer l’acceptation de la promesse issue du contrat préparatoire et la
levée de l’option478. Seul le promettant s’engage envers le cocontractant à conclure le contratcadre de distribution. Le bénéficiaire de l’option peut accepter ou non, dans un certain délai,
de conclure la convention définitive, dont les éléments essentiels sont prédéfinis. Bien que le
contrat préparatoire présente un caractère contractuel du fait de l’engagement d’une des
parties, seule la conclusion du contrat de vente emporte transfert de propriété.
278. - Le promettant s’engage à « maintenir l’offre figée par la promesse »479. Toutefois, la
jurisprudence autorise ce dernier à rétracter son engagement avant la levée de l’option par le
bénéficiaire, sans craindre que celui-ci puisse obtenir une exécution forcée de l’obligation480.
475
Il peut s’agir d’un terme suspensif ou d’une condition suspensive.
A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 449, p. 288 et s.
477
V. Supra n° 512.
478
Tout comme la distinction entre le contrat-cadre et les contrats d’applications.
479
J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat, Op. Cit., n° 556, p. 340.
476
279. - Le Professeur Daniel MAINGUY distingue le consentement à la promesse, dont l’objet
est de maintenir son offre de contracter, du consentement au contrat définitif. Aussi, la
rétractation « excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir »481.
Il convient d’en conclure que « ces volontés de vendre n’avaient pu se rencontrer, que le
consentement à la vente était impossible, ce qui semble nier le fait que le promettant ait déjà
donné son consentement à la vente »482.
Le contrat de promesse est un « contrat ordinaire et autonome des autres contrats et
notamment du contrat préparé. Les consentements nécessaires à la formation de ces deux
contrats sont donc bien séparés »483. Le contrat préparatoire est autonome du contrat préparé.
280. - L’intérêt de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale peut être anéanti par le
promettant. La promesse unilatérale semble en proie à une insécurité et une imprévisibilité,
tendant à remette en question sa réelle utilité.
L’efficacité de ces instruments est sujette à caution du fait de son imprévisibilité. Toutefois,
au moment de la conduite des négociations, faire consentir de telles promesses unilatérales
aux candidats distributeurs, permet à l’initiateur du réseau de s’assurer du maintient de leur
candidature. Ou du moins, puisque le promettant pourra renoncer à sa promesse, le promoteur
du réseau pourra obtenir réparation, être dédommagé ; chose impossible en application des
négociations informelles, du fait du principe de liberté contractuelle des parties.
B/ Les accords de préférence
281. - Le pacte de préférence tend à l’organisation de la formation d’un contrat final puisqu’il
offre à un partenaire le bénéfice d’être sélectionné afin de pouvoir conclure ladite convention.
Ce contrat préparatoire est générateur d’une obligation de préférence à l’égard du bénéficiaire
du pacte mais ne tranche pas quant à l’issue du contrat définitif. Celui-ci ne prévoit pas la
conclusion du contrat qui est laissée à l’appréciation du promettant, ni le contenu de la
convention qui peut ne pas être arrêté, mais lui impose une obligation négative de ne pas
conclure avec un autre partenaire, avant de l’avoir fait avec le bénéficiaire. Il s’agit d’une
480
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199.
D. MAINGUY, L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ. 2004, p. 1.
482
Ibid.
483
Ibid.
481
sorte de droit de préemption d'origine conventionnelle dont la violation est sanctionnée par
l’engagement de la responsabilité du promettant et la réparation par des dommages et intérêts.
Le débiteur du pacte de préférence propose la conclusion d’un contrat par priorité à une
personne déterminée qui est libre de consentir ou pas. Il ne s’agit nullement de consentir au
futur contrat de façon irrévocable. « Le pacte de préférence assure au bénéficiaire la primeur
d’une offre éventuelle, alors que la promesse unilatérale de contracter assure au bénéficiaire
l’exclusivité d’une offre actuelle »484. Le pacte de préférence est un instrument autonome,
générateur d’une obligation de préférer. Les parties demeurent libres dans le déroulement des
négociations.
282. - L’accord de préférence présente un intérêt dans l’hypothèse où le candidat distributeur
consent une obligation de préférer l’intégration au réseau de l’initiateur de la sélection, étant
donné que cela sécurise le choix du promoteur du réseau. Celui-ci pourra faire consentir
autant de promesses que de candidats « pré-sélectionnés » et bénéficiera d’un pouvoir
décisionnel plus appuyé encore.
283. - Toutefois, s’il s’agit d’un réseau de distribution sélective, les exigences d’objectivité et
de non-discrimination sont violées par l’obligation de préférence. La validité de cet outil
contractuel est alors discutable, notamment au regard du droit de la concurrence.
284. - Un autre problème est sous-jacent, celui de la détermination de la nature de
l’obligation. « Il s’agit, sans doute, d’une obligation de faire, réserver la priorité de l’offre à
son destinataire qui contient, comme une ombre, une exigence de ne pas faire, celle de ne pas
offrir la conclusion du contrat envisagé à des tiers »485. Dès lors, « cette exigence
contractuelle corollaire peut-elle être propulsée au rang d’obligation contractuelle de ne pas
faire ? »486. Le Professeur D. MAINGUY conclu « si obligation de ne pas faire il y a, elle
n’est donc sans doute que l’obligation de ne pas offrir le contrat préparé à la vente à un autre
que le bénéficiaire avant qu’une offre lui ait été utilement destinée, c’est-à-dire qu’elle est
bien l’ombre portée, en négatif, de l’obligation de faire »487.
L’obligation est double pour le promettant ; proposer au bénéficiaire une offre et, en parallèle,
se réserver de la proposer à un tiers tant que le bénéficiaire ne s’est prononcé.
484
D. MAINGUY, La violation du pacte de préférence, Droit et patrimoine, 2006.
Ibid.
486
Ibid.
487
Ibid.
485
285. - Le pacte de préférence n’apporte pas une réelle sécurité aux négociations puisque
l’obligation de préférence n’engendre que peu de conséquences. S’il on considère qu’il s’agit
d’une véritable offre, le bénéficiaire n’a d’autre choix que d’accepter ou de refuser le contrat
proposé et établit unilatéralement. Dans l’hypothèse où il ne s’agirait pas d’une véritable
offre, alors le pacte ne commande que d’entreprendre les négociations. La volonté d’ériger un
véritable encadrement au processus de sélection semble encore insatisfaite.
286. - Il convient néanmoins d’apporter une nuance à cette affirmation. La conclusion d’un
accord de préférence peut se révéler opportune dans certains cas, notamment pour s’assurer
que le candidat distributeur n’intégrera pas un autre réseau de distribution. Le fournisseur,
grâce à l’accord de préférence, sécurise sa relation avec le candidat distributeur, puisque
celui-ci est contraint de préférer conclure le contrat-cadre de distribution avec le fournisseur,
sans quoi il devra indemniser la tête de réseau.
II/ Les outils contractuels a priori « sélectionnés »
287. - La figure contractuelle qui semble permettre une appréhension des dispositions
préalables à la survenance de la sélection, à la conclusion du contrat-cadre de distribution, est
le contrat préparatoire. L’appellation « avant contrat » n’est pas retenue, puisqu’étant en
proie à des critiques (A) ; le contrat de négociation parait être l’outil contractuel se
rapprochant le plus des besoins inhérents à l’organisation élaborée des négociations (B).
A/ L’« avant contrat » ou « la possibilité d’une île »488
288. - Le contrat préparant la survenance d’un second contrat, contrat-cadre de distribution,
n’est tout de même plus une zone de non-droit489. Ce premier contrat, d’un point de vue
purement chronologique, est tantôt traité d’avant-contrat et tantôt vivement critiqué pour cette
appellation que certains lui ont conférée.
289. - Le refus de nommer ce contrat d’avant-contrat réside très exactement dans le fait qu’il
ne s’agit que d’un cadre contractuel comme un autre, sans éléments ni en plus ni en moins. Le
488
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
RD. 2009, p. 308. - M. HOUELLEBECQ, La possibilité d’une île, éd. Fayard, 2005.
489
J. CARBONNIER, Droit Civil : les Obligations, PUF 22ième éd. 2000.
Professeur D. MAINGUY conclu que « la notion d' « avant-contrat » est une horreur ».
L’auteur poursuit par une explication qui lutte contre ces préjugés et qui s’efforce d’éclaircir
notre esprit, « il existe des « contrats préparatoires » sans doute, mais pas des « avantcontrats », et surtout pas avec ce « - » entre « avant » et « contrats » qui laisse entendre que
les contrats préparatoires seraient une catégorie déclassée de contrats : ils sont des contrats,
de la période de l'avant contrat, de la négociation du contrat »490. Néanmoins, reprenant ses
termes, il ne s’agit là que de « broutilles ». Il convient d’envisager les moyens disponibles qui
permettent un encadrement de la négociation avec, notamment, l’implication d’un contrat
préparatoire.
290. - L’ « avant contrat » est perçu par certains auteurs comme désignant « soit de véritables
contrats tels qu’une promesse pure et simple de contrat ou un contrat préliminaire à la vente
d’immeuble à construire, soit plus généralement et plus vaguement toute espèce d’accord
préliminaire passé lors des pourparlers, de façon informelle en vue de la conclusion
ultérieure d’une convention en général plus formaliste »491. Cette définition fait l’objet de
critiques par une partie de la doctrine qui trouve regrettable d’effectuer une telle confusion
entre la période réservée à l’avant contrat et les contrats préparatoires492.
291. - Dans un objectif d’organisation de la phase précontractuelle, les parties peuvent être
amenées à préparer la conclusion du contrat final par un contrat dit « préparatoire ». Certains
documents sont à tord qualifiés de documents contractuels alors qu’ils ne traduisent en rien un
échange valable des consentements des parties.
292. - La rencontre des volontés réalisée dans la seule phase de préparation amenant à la
formation du contrat ne peut constituer à elle seule la conclusion du contrat définitif. Il
convient de préciser que l’organisation de la formation du contrat par une convention
préparatoire ne dispense absolument pas la signature du contrat principal ; elle seule atteste de
l’engagement des parties493.
293. - Il semble préférable de ne pas utiliser le terme « d’avant contrat » étant donné qu’il
s’agit ni plus ni moins de contrats, comme les autres.
490
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
Rec. D. 2009, p. 308.
491
G. CORNU, Vocabulaire juridique (Assoc. H. CAPITANT), PUF, coll. « Quadrige ».
492
J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001.
493
CA Paris 12 mai 2006 n° 04-9488, 25e ch. A, SARL IDEIS c/ SA Alsthom Transport.
B/ Le contrat de négociation : une solution envisageable
294. - L’objet de la recherche est centré sur la période précontractuelle, consacrée aux
négociations, et plus particulièrement à la sélection. Aussi, un modèle contractuel parait
octroyer la liberté contractuelle nécessaire aux parties tout en sécurisant les informations
échangées494, par exemple.
295. - Il parait opportun pour les partenaires de conclure un contrat de négociation afin de
s’assurer de la participation de l’autre partie à la table des négociations. Dans le contrat de
négociation, les parties créent à leur charge une double obligation ; celle d’entrer en
discussion, l’obligation est de résultat et celle de négocier de bonne foi, l’obligation est de
moyens495. Le refus de l’une des parties de ne pas participer aux pourparlers est sanctionné
sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
296. - Néanmoins, dans le cadre du processus de sélection, ces éléments ne sont pas
fondamentaux aux yeux du promoteur du réseau. En effet, pourquoi prévoir contractuellement
l’obligation de négocier et ce, de bonne foi, puisque celui-ci entrera forcement en négociation
avec les candidats distributeurs afin de mettre en œuvre son processus de sélection ? Les
candidats revendeurs ont tout intérêt également à rencontrer l’initiateur du réseau afin de
pouvoir être intégrés et donc de négocier. L’obligation de négocier n’est pas causée du fait
que celle-ci n’a pas d’effet sur la sélection. La réponse est ailleurs ; le contrat de négociation
offre la liberté aux parties, ou plus justement au promoteur du réseau, d’aménager les
dispositions quant à la conduite des négociations, en insérant des clauses utiles.
297. - Ce cas de figure est fréquent entre professionnels lorsqu’ils envisagent de conclure un
contrat d’affaire. Dans l’accord de négociation sont insérées des clauses de confidentialité,
d’exclusivité ou encore un calendrier permettant d’organiser le déroulement des pourparlers.
Il s’agit d’un réel engagement des parties de négocier les conditions du contrat définitif et non
pas d’un simple accord de principe.
298. - Tout l’enjeu de ce processus est d’envisager un ensemble d’éléments dans la période
des négociations, désormais contractuelle, afin de décider quant au choix d’un partenaire pour
la conclusion du contrat final.
494
V. Supra n° 444 : Les parties peuvent aménager leurs obligations, découlant des clauses et autres dispositions
insérées dans le contrat de négociation. Il peut notamment s’agir d’une clause de confidentialité.
495
F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, Droit Civil, 9e éd., Précis Dalloz, 2005, n° 474,
p. 477 et s.
299. - L’insertion de clauses offre la possibilité d’aménager les conditions de l’accord de
négociation. Il parait notamment intéressant de faire figurer dans l’accord de négociation le
droit pour chacune des parties de pouvoir rompre l’accord ad nutum sans avoir à verser
d’indemnités496. Cela permet d’informer les partenaires de l’incertitude quant à la conclusion
du contrat définitif et évite ainsi de créer des croyances légitimes contraires. Toutefois, il
existe un plus grand intérêt à prévoir des clauses en fonction des souhaits de l’initiateur du
réseau, afin de réduire la possibilité d’appréciation du juge quant à l’importance ou non de
certains manquements. Le contrat de négociation par la liberté qu’il consent aux parties,
permet une adaptation casuistique de l’encadrement de la sélection.
496
Cass. Civ 1ière, 5 novembre 1996, n° 94-20.817, Bull. Civ. I, n° 379, p. 265.
Conclusions tirées de la recherche circonscrite aux particularités juridiques
nationales et outils contractuels du droit français
300. - La qualification du processus de sélection s’effectue au moyen de l’essai d’un
encadrement juridique des négociations. Le premier temps de la recherche tend à déterminer,
sélectionner les instruments juridiques permettant de satisfaire le but recherché ; à savoir
l’organisation et la sécurisation des négociations. La liberté contractuelle des parties
prédomine, n’octroyant qu’une efficacité limitée à l’encadrement par le droit de la
responsabilité civile. L’obligation précontractuelle d’information est inadaptée à régir le
déroulement des négociations et ne tend à s’appliquer qu’en cas de conclusion du contratcadre de distribution.
301. - L’outil contractuel parait plus apte à régir le processus de sélection ; la préparation
formalisée de la négociation, entendue au sens strict, n’étant pas suffisante. La liberté
contractuelle s’engouffre dans le régime de la promesse unilatérale, ce qui participe à
l’imprévisibilité de l’instrument. Cependant, la promesse unilatérale peut s’avérer utile au
promoteur du réseau afin de s’assurer des candidatures des distributeurs postulants. Recourir à
la promesse synallagmatique n’est opportun qu’à la fin des négociations, pour formaliser le
résultat de la sélection et non pas son déroulement. Les accords de préférence ne sont pas
aptes à ériger un véritable encadrement ; leur opportunité n’est dévoilée que pour asseoir la
liberté décisionnelle de l’initiateur du réseau, par la préférence qui lui est consentie par les
candidats revendeurs.
Aussi, au stade de l’étude des seuls mécanismes nationaux, le contrat de négociation est un
encadrement possible, pouvant être opportun lorsque le fournisseur présente un besoin de
sélection qui nécessite de sécuriser son savoir-faire par exemple497. La liberté contractuelle
des parties et notamment du fournisseur est préservée tout en permettant l’aménagement de
dispositions, telles que la clause de confidentialité. Les parties peuvent, par la rédaction du
contrat, indiquer les exigences auxquelles le fournisseur accorde plus d’importance, au
détriment de celles jugées secondaires ; limitant ainsi à la possibilité de leur interprétation par
le juge.
497
V. Supra n° 443 et s.
302. - Toutefois, avant d’appréhender l’opportunité de chaque outil en fonction des différents
besoins de sélection et les enjeux de la sélection, il semble nécessaire de vérifier s’il n’existe
pas d’autres solutions, mécanismes juridiques alternatifs émanant des projets de réforme et
des régimes étrangers. Dans l’affirmative, cela vise à proposer plusieurs réponses à la
qualification du processus de sélection. Si tel n’est pas le cas, le déploiement de la recherche
aux frontières internationales confortera la position adoptée.
Chapitre II
L’élargissement de la recherche aux frontières internationales
303. - L’encadrement juridique, ou plus justement les encadrements juridiques possibles au
processus de sélection, dans la période des négociations, ne peuvent se limiter aux seuls
mécanismes juridiques contenus dans le droit français. L’élargissement de la recherche est
nécessaire à l’aboutissement du travail. La même méthode est reprise, celle-ci est seulement
exportée à l’étranger et doit composer avec les enjeux internationaux. L’intérêt est double ; il
s’agit d’appréhender les spécificités juridiques des négociations, à l’échelle mondiale, afin
d’envisager des alternatives aux outils contractuels a priori retenus. En parallèle, l’objectif est
d’opérer une première vérification permettant de s’assurer de l’opportunité des choix
effectués, avant une analyse détaillée, concrète de l’utilité de chaque mécanisme à régir tel ou
tel besoin de sélection.
304. - L’étude se consacre aux régimes étrangers (Section 1) afin d’effectuer une sorte d’état
de la situation, des lieux des dispositions étrangères. Etant donné que le droit français fait
l’objet de plusieurs projets de réforme, tels que l’avant projet de réforme du droit des
obligations ou le projet de la Chancellerie, il parait opportun de s’interroger sur les modalités
de prise en considération des négociations pour notamment envisager si le droit français est à
l’aube d’accueillir l’émergence d’un droit des négociations (Section 2). Question qui reste,
pour l’essentiel, sans réponse ou qui trouve de seules réponses à demi-mots. Les dispositions
portant sur les négociations dans les « Principes Unidroit » et les « Principes pour un droit
européen des contrats », permettent de percevoir l’influence de la liberté contractuelle des
parties, prédominante à celle d’un encadrement de la période précontractuelle.
L’analyse au moyen d’inspirations étrangères et de l’actualité législative, traitant de la période
consacrée aux négociations, a le mérite de conférer un nouveau regard sur la manière de
traiter la question mais n’apporte pas de solution novatrice aux qualifications opportunes du
processus de sélection.
Section 1/ Inspirations venues d’autres régimes juridiques
305. - Le déroulement de notre étude conduit à confronter les régimes anglo-saxon et romanogermanique en ce qu’ils sont applicables à la phase précontractuelle de négociation. Il s’agit
d’effectuer une analyse des différences quant aux dispositions régissant la négociation en
droit anglais et américain puis en droit allemand par rapport au droit français. Ni le temps, ni
la difficulté de la tache ne permettent d’opérer une étude globale, comparative de ces
systèmes, qui, par ailleurs, a déjà été brillamment accomplie498. Dans une démarche plus
sélective, l’intérêt repose sur le fait de comprendre comment sont organisés les régimes
étrangers en ce qui concerne la prise en compte, l’encadrement de période consacrée aux
négociations. Aussi, le but est de regrouper des éléments régissant les contrats internationaux
pour contribuer aux recherches visant à encadrer la phase précontractuelle de sélection. Il
semble opportun d’influencer la qualification de la sélection des aspects favorablement
développés ailleurs.
Paragraphe I/ Les apports des systèmes anglais et américains
306. - La « Common Law » est un droit coutumier, qui présente un réel caractère pratique.
Celui-ci offre une grande flexibilité dans l’interprétation, avantage certain dans les relations
d’affaires puisque les besoins évoluent considérablement vite499. Cependant, son influence
jurisprudentielle a pour effet de rejeter l’ensemble des dispositions générales, du fait qu’elle
soit génératrice de règles de droit. Cela a pour conséquence de créer une insécurité
juridique500.
La liberté contractuelle est consacrée sans concession (I) ; l’engagement de la responsabilité
des négociateurs n’est qu’exceptionnelle, les moyens sont utilisés comme des prototypes (II).
Toutefois, certains mécanismes juridiques permettent une organisation des négociations, qui
demeure presque embryonnaire (III).
498
R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
A ce titre, le Code civil est inefficace à répondre aux besoins et enjeux des relations d’affaires (rapport Doing
Business de la banque mondiale).
500
S. ZECEVIC, Le contrat de common law forces et faiblesses, JCP N, 2004, n° 38, p. 1388 et s.
499
I/ Liberté contractuelle absolue
307. - Le droit anglo-saxon possède une nature commerciale qui se traduit sous divers aspects.
Ce régime présente le contrat comme étant un échange, une promesse en échange d’une
contrepartie. Il considère à ce titre que la phase précontractuelle ne doit pas être enfermée
dans des dispositions qui seraient réductrices. Aussi, le principe de liberté contractuelle
prédomine (A), tout comme celui du « All or nothing » (B).
A/ La consécration du principe de liberté contractuelle absolue dans les négociations
308. - La négociation est perçue comme une période de risque501 selon laquelle « la partie qui
entre en négociation en l’espérance d’un gain qui peut résulter de l’accord final, supportera
les risques de toutes les pertes qui peuvent provenir de la rupture des négociations »502. Le
droit anglo-saxon consacre un principe de liberté contractuelle total, absolu et refuse de
reconnaitre l’existence de règles modelant le moment et la qualité de la rupture des
pourparlers.
309. - Le principe de liberté contractuelle contient en son sein deux nuances qui lui donnent
toute sa substance. Le premier aspect, le « freedom of contract », accorde aux parties une
liberté totale quant à l’expression de leur volonté au moment de la formation du contrat. Dans
la phase de négociation, les partenaires ont toute latitude dans la détermination des conditions
du contrat. La violation de ce premier volet du principe est sanctionnée par le biais de
différents mécanismes tels que la fraude, la violence ou encore d’autres comportements
déloyaux lors des pourparlers. Le second point traite de l’aspect négatif de la liberté
contractuelle appelé « freedom from contrat ».
310. - A l’instar des dispositions du principe, les négociateurs peuvent se retirer de la table
des négociations à tout instant tant que le contrat définitif n’est pas valablement formé. Il
parait alors logique de comprendre que ce fondement a opéré un blocage au développement
de la mise en cause de la responsabilité des négociateurs. Dès lors, l’on peut légitimement
501
Conclusions de l’avocat général M.L.A. GEELHOED de la CJCE présentées devant la Cour le 31 janvier
2002 dans l’affaire Fonderie Officine Meccaniche Tacconi SpA c/ Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik
GmbH, Aff. C-334/00 in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
502
E. A. FARNSWORTH, Farnsworth on Contracts, Volume I, ed. Little, Brown ad Company, 1990, p. 313,
paragraphe 3.26 a., « A party that enters negotiations in the hope of the gain that will result from ultimate
agreement bears the risk of whatever loss results if the other party off the negotiations » in R. MONZER, La
négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
s’interroger quant à l’absence de réparation du dommage, alors nié (1/), et quant à la
consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi (2/).
1/ L’absence de réparation d’un dommage nié
311. - La sanction consécutive à une rupture injustifiée, abusive ou brutale ne peut être
envisagée puisqu’elle porte atteinte au principe de l’autonomie de la volonté des parties. Il
n’est donc nullement question d’imposer aux partenaires négociant des relations d’affaires
une quelconque réparation du dommage lié à une rupture fautive503. Cependant, certaines
nuances pourront être apportées.
2/ La consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi ?
312. - Les obligations de bonne foi et d’information existant en droit français ne peuvent être
accueillies de manière positive tant par la jurisprudence504 que par la doctrine anglosaxonne505. Le droit anglais affirme plus particulièrement son opposition à une atténuation du
principe de « freedom from contract » en refusant toute notion de bonne foi que ce soit dans la
phase précontractuelle mais également dans la période post-contractuelle. Seul le contrat est
apte à régir les engagements pris par les partenaires. Le droit anglais refuse catégoriquement
la prise en compte d’autres éléments ayant cette fonction d’encadrement, de garde fou
concernant les comportements existants en dehors du champ d’application des dispositions
contractuelles.
313. - L’absence de devoirs à la charge des négociateurs s’assurant du bon déroulement des
pourparlers trouve son explication dans la liberté qui est laissée aux parties afin qu’elles
puissent négocier de « bonnes affaires »506. Le rejet des obligations de bonne foi, de loyauté
ainsi que de l’existence d’un régime de responsabilité du fait de comportements fautifs durant
503
G. SAMUEL, Réalisme et efficacité du droit anglais des contrats, in La nouvelle crise du contrat, Colloque
organisé le 14 mai 2001 par le centre René-DEMOGUE de l’Université Lille II, Ch. JAMIN et D. MAZEAUD,
Dalloz, 2003, p. 69.
504
Affaire Smith v. Hughes, 1871, LR 6 QB 597 In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux,
thèse Montpellier, 2008.
505
Affaire Walford v. Miles, 1992, 2 AC 128, dans laquelle Lord ACKNER de la Chambre des lords refuse toute
obligation de négocier de bonne foi.
506
« Négocier, c’est chercher à faire de bonnes affaires sur le dos des autres », Formation du contrat et
responsabilité précontractuelle, Colloque du CCI, ICC, Publishing 1990. In R. MONZER, La négociation des
contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
les négociations est un mal nécessaire. Il faut permettre aux partenaires toute fantaisie de sorte
qu’ils n’hésitent pas à entrer en pourparlers.
314. - Pourtant, le principe de liberté absolue conduit à des comportements opportunistes,
privilégiant la mauvaise foi au détriment de toute idée d’honnêteté. Le principal effet de
l’absence de règles a conduit les parties à des méfiances du fait des pertes probables lors de
pourparlers infructueux. Cela tend à conforter notre recherche d’un encadrement juridique des
négociations, de la sélection génératrice d’un accroissement des relations d’affaires.
315. - Aux Etats-Unis, la caractéristique de regrouper en un seul pays autant de droit que
d’états complexifie la tache507. Bien que le droit américain reconnaisse une obligation de
bonne foi dans les relations contractuelles508, cela n’est pas le cas dans la phase
précontractuelle. La philosophie de la Common Law tend vers un individualisme des parties
ne se souciant que de la satisfaction des intérêts personnels. Cet individualisme ajouté à la
théorie du risque, préexistante en droit américain, les partenaires se voient supporter la charge
liée à tout type de rupture des négociations. Les tribunaux refusent d’accepter un engagement
de la responsabilité d’une personne du simple fait de sa rupture fautive. Ils y voient la
construction artificielle d’une barrière contraignant les partenaires, les empêchant de prendre
l’initiative de la rupture des pourparlers.
316. - Il convient de nuancer, voire même se réserver de l’erreur qui consiste en la divergence
caricaturale entre le droit français, générateur de considérations morales et le régime anglosaxon, prônant le traditionnel adage « Business is business ». Ne pourrions-nous pas
considérer que les deux régimes convoitent finalement les mêmes objectifs, permettre aux
parties de négocier librement ? En effet, alors même que la jurisprudence française reconnait
l’obligation de négocier de bonne foi comme le devoir d’avoir un comportement loyal509, les
juges français ne recourent à ce concept que lorsque d’autres fondements juridiques font
défaut.
317. - La question centrale, lors des négociations, au moment de leur finalisation, relève du
consentement. L’offre et l’acceptation, d’information précontractuelle et même la fraude
précontractuelle sont envisagées sous l’angle de l’expression du consentement et de son
507
L’Uniforme Commercial Code est un Code fédéral applicable, entre autres, au droit des contrats de vente de
marchandises et aux instruments négociables.
508
Restatement of Contracts Second, 1981 ; la section 1-203 du Uniforme Commercial Code consacrait déjà la
même obligation par des termes équivalents.
509
Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n° 90.
intégrité. Les promesses de contrat sont analysées comme des contrats en tant que tels et tout
manquement à ces promesses se lit traditionnellement comme l’inexécution du contrat de
promesse et non pas comme la mauvaise foi dans la conclusion ou l’absence de conclusion du
contrat projeté. Dès lors, la notion de bonne foi demeure secondaire, les juges disposant de
l’article 1116 du Code civil510, leur permettant de résoudre les questions liées aux vices du
consentement.
Le concept de bonne foi n’est réellement opportun qu’au stade, plus reculé, du déroulement
des négociations. La conduite abusive des pourparlers, dans le but d’induire son partenaire en
erreur par exemple, est condamnable511. L’extension de l’article 1134 al. 3 du Code civil512
afin d’introduire la bonne foi dans la période précontractuelle semble ne se justifier qu’en
l’absence d’autres fondements.
B/ Le principe du « All or nothing »
318. - Un des grands principes du droit des contrats anglo-saxons, appelé « All or nothing »,
impose la réunion de l’ensemble des éléments essentiels du contrat afin de celui-ci acquière le
caractère contractuel et bénéficie d’une réelle autorité.
Les accords effectués pendant la phase précontractuelle des négociations ne peuvent revêtir la
valeur contractuelle que s’ils respectent l’ensemble des dispositions propres à la formation des
contrats. Ce principe oblige les parties à réunir les conditions de « consideration » et de
certitude, bien qu’il s’agisse d’accords précontractuels. Les accords précontractuels n’ayant
aucune force obligatoire bien que bénéficiant d’un certain caractère contraignant ne sont pas
pris en compte. Il n’y a pas d’interprétation intermédiaire, plus nuancée, l’accord doit remplir
l’ensemble des conditions propres à la qualification de contrat, dans le cas contraire, le droit
anglo-saxon refuse de reconnaitre la force de ce type d’accords.
Cela ne va pas sans engendrer de grandes difficultés dans l’organisation des négociations
puisque les accords partiels et ceux qui créent une obligation de négociation n’ont aucune
valeur juridique. Ces mesures législatives sont justifiées par des raisons économiques avec,
notamment la libre concurrence et la liberté de négocier qui prévalent.
510
qui recouvre le dol par commission, c’est-à-dire la fraude anglo-saxonne, mais aussi les réticences dolosives,
c’est-à-dire une forme de fraude par omission.
511
512
V. Infra n° 230 et s.
« (Les conventions) sont exécutées de bonne foi ».
319. - La liberté contractuelle de la « Common Law » a eu des répercutions positives sur tous
les domaines du droit et lui a permis de construire sa réputation. Cependant, le droit anglosaxon se trouve dépassé par les avancées du régime romano-germanique concernant la phase
précontractuelle et plus particulièrement sur le plan des échanges internationaux513. Le fait de
prévoir une totale liberté contractuelle durant les pourparlers pour ensuite n’octroyer de valeur
contractuelle que de manière très stricte aux seuls contrats répondant à un ensemble de
dispositions spécifiques génère une situation loin de satisfaire les intérêts des négociateurs.
Le commerce international et la quête de protection de sa force concurrentielle, l’ont donc
incité à une évolution en faveur de l’adoption de règles inspirées du régime opposé.
II/ L’engagement exceptionnel de la responsabilité précontractuelle
320. - Tant le droit anglais que son homologue américain ont tenté de consacrer l’engagement
de la responsabilité précontractuelle des parties et ce, au moyen de différents mécanismes. Par
la démonstration de la mise en œuvre des divers moyens propres à engager la responsabilité
des partenaires durant les pourparlers, il s’agit de s’assurer des véritables intentions légales,
jurisprudentielles et doctrinales sur la question.
La théorie de l’Unjust Enrichment (A), du Promissory estopped (B) et de la Misrepresentation
(C) attestent de l’existence de mécanismes juridiques inefficients à régir les négociations.
A/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution)
321. - Pour davantage de clarté, il est nécessaire de distinguer l’Unjust Enrichment en droit
anglais (A) et en droit américain (B).
513
R. MONZER, Les effets de la mondialisation sur la responsabilité précontractuelle. Régime juridiques
romano-germaniques et anglo-saxons, RIDC, 2007, n° 3, p. 523 et s. ; H. MUIR-WATT, Les pourparlers : de la
confiance trompée à la relation de confiance, in Les concepts contractuels français, Dalloz, 2003, p. 53 et s.,
spéc. p. 55.
1/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) en droit anglais
322. - La Chambre des Lords a rejeté l’application de la théorie fictive des contrats implicites
pour confirmer la théorie de l’enrichissement injuste514 appelée « Restitution » en droit
anglais.
Il s’agit d’une limite au principe de liberté contractuelle absolu des parties. Les négociations
doivent dépasser la phase du risque, un certain avancement des pourparlers est exigé. Les
tribunaux ayant toute liberté dans la détermination casuistique du dépassement de la phase du
risque, l’effectivité de l’engagement de la responsabilité dans la période précontractuelle
semble être amoindrie515. Les notions d’injustice et d’enrichissement présentent des
problèmes conceptuels. La jurisprudence anglaise considère que l’injustice est établie
notamment, lorsqu’une partie s’est enrichie du fait d’une erreur quant à l’existence du contrat
ou bien lorsque il y a exécution d’un contrat considéré comme existant alors que cela n’est
pas le cas.
323. - Pour obtenir une indemnisation du préjudice subi sur le fondement de l’erreur516, il
appartient au partenaire de prouver la réunion des deux éléments. Il faut à la fois que la phase
du risque ait été dépassée et que la partie ait une croyance légitime quant à l’existence d’un
contrat alors qu’il n’est pas formé.
324. - Toutefois, l’indemnisation peut avoir lieu en l’absence d’erreur. Le droit anglais a
développé deux autres formes d’enrichissement injuste, « l’acceptation libre »517 et « l’échec
de la contrepartie »518. En application de la « libre acceptation », le fait de ne pas refuser un
bénéfice normalement rémunéré est entendu comme une acceptation implicite de celui-ci. La
personne ayant bénéficié de la rémunération, bien que non perçue, à l’obligation de la
rembourser.
514
Affaire Lipkin Gorman v. Karpnale Ltd, 1991, 2 AC 548, 578 ; Arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale
v. Islington LBC, 1996, AC 669. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse
Montpellier, 2008.
515
Affaire Regalian Propreties Plcv. London Docklands Development Corp, 1995, 1 WLR 212 : bien que les
négociations étaient bien avancées et que les travaux avaient débutés, le tribunal a estimé que les parties
n’avaient pas dépassé la phase du risque. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse
Montpellier, 2008.
516
Affaire Kleinwort Benson Ltd v. Lincoln City Council, 1999, 2 AC 349. In R. MONZER, La négociation des
contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
517
« Free Acceptance ».
518
« Failure of Consideration ».
325. - Par ailleurs, « l’échec de la contrepartie » est constaté lorsque le demandeur, après
avoir exécuté son obligation, ne reçoit pas la contrepartie prétendue. Il a le droit d’obtenir une
compensation sur le fondement de l’enrichissement injuste. Il parait notable de préciser que
ces deux éléments ne sont nullement le résultat de décisions jurisprudentielles et sont
controversées. Le droit anglais commence à ériger des dispositions tendant à une
harmonisation de la prise en considération de la phase précontractuelle avec le régime
romano-germanique. Il s’agit d’une réelle évolution puisqu’elle porte atteinte à un grand
principe du droit anglais, celui de la liberté contractuelle absolue.
326. - Néanmoins, l’engagement de la responsabilité des partenaires dans la période des
négociations n’est pas systématique et souffre de lourdes contraintes quant à sa mise en
œuvre. La preuve du phénomène d’enrichissement appauvrissement simultané d’un partenaire
à la charge de l’autre est difficile à rapporter. Le concept de « bénéfice incontestable » semble
être plus satisfaisant. L’enrichissement est constaté dès lors qu’une partie reçoit « un gain
financier immédiat, (ou bien) épargne certaines dépenses nécessaires, grâce aux prestations
de l’autre partenaire »519. Il faut reconnaitre que l’analyse, basée sur le comportement adopté
par une personne raisonnable, est empreinte de pragmatisme.
Nonobstant cela, le défaut d’aboutissement du fondement d’enrichissement injuste à
l’engagement de la responsabilité des parties en dehors de tout champ contractuel ne fait,
somme toute, que déplacer le problème.
2/ La Théorie de « l’Unjust Enrichment » (Restitution) en droit américain
327. - Il convient d’écarter l’aspect de la théorie en ce qu’elle permet d’indemniser des
personnes victimes de détournement d’idées ou utilisation frauduleuse de celles-ci. Les
éléments propres à régir la période des négociations requièrent notre attention.
328. - La doctrine a développé deux conditions à remplir, la démonstration de l’existence d’un
bénéfice qui doit résulter d’une injustice. Alors même que la preuve de ces éléments est
difficile à apporter, le droit américain520 à souhaité alourdir le principe de deux autres
contraintes. Il faut établir l’existence d’un caractère abusif, déraisonnable dans le
comportement d’une des parties et la perte de l’autre partie. Les dépenses doivent être le fruit
519
520
Golf and Jones.
Article 6(2) du Restatement (Second) of Restitution.
de circonstances anormales et en aucun cas du risque usuel, que les négociateurs ont
l’habitude de supporter. La notion de comportement abusif laisse entendre que la
responsabilité précontractuelle ne peut être engagée qu’en présence d’une faute.
329. - Le recours au principe d’enrichissement injuste est privé de réelle utilité du fait des
obstacles érigés tant par la doctrine que par la jurisprudence. L’indemnisation du dommage
n’est retenue que lorsque la perte d’une partie est consécutive à la demande formulée par
l’autre partenaire d’effectuer le service en question521. L’initiative des dépenses ne doit pas
provenir de l’unique volonté de celui qui les a engagées. Malgré l’établissement de
l’ensemble de ces conditions, la jurisprudence américaine peut écarter l’application de la
théorie de l’enrichissement injuste et utiliser un autre fondement, la théorie du contrat tacite
déduit des faits522.
Une lecture plus large lui donnerait une forte utilité et permettrait de révéler toute sa
substance. La responsabilité précontractuelle ne peut être satisfaite par une telle application de
ce fondement. Il est donc nécessaire d’envisager d’autres moyens, théories, pour admettre une
mise en cause de la responsabilité plus accessible.
B/ La Théorie du « Promissory estopped » (Reliance)
330. - L’analyse distingue la « Promissory estoppel » en droit anglais (1/) et américain (2/).
1/ La Promissory estopped (Reliance) en droit anglais
331. - « Un homme, par ses mots ou comportements, a conduit l’autre à croire en un état
particulier des affaires, il ne peut plus y revenir quand il sera injuste ou inéquitable (à lui) de
le faire »523.
Il existe plusieurs formes d’estoppel, la « Promissory estoppel » s’applique à la phase de
négociation. L’objectif est de protéger des négociateurs victimes d’absence de contreparties à
521
Affaire Hill v. Waxberg, 237 F.2d 936 (9 th Cir. 1956). In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
522
Contract implied-in-fact.
523
Décisions du Lord Denning dans l’affaire Central London Property Trust Ltd v. High House Ltd, 1947, 1 KB
130. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
des promesses fictives non tenues. Les tribunaux524 et la doctrine anglaise ont accueilli
favorablement la création d’un effet juridique aux promesses effectuées durant les
pourparlers. Ils lui ont même donné une portée générale en affirmant que la « promissory
estoppel » n’est pas encadrée à la seule indemnisation des pertes525.
332. - Le demandeur doit apporter la preuve du renoncement du promettant de son propre
droit à son profit526. Il s’agit d’établir que la promesse effectuée est claire et non équivoque.
Le fondement ne peut en aucun cas reposer sur une mauvaise interprétation d’une partie de la
parole de son partenaire. La confiance qui réside dans l’esprit du demandeur doit être
légitime. Il appartient au tribunal de prendre en considération l’existence d’un préjudice afin
d’évaluer les conséquences de la promesse sur la situation du demandeur. La personne ayant
été lésée doit démontrer qu’en l’absence d’intervention judiciaire, elle est contrainte de rester
dans une situation inéquitable.
333. - Toutefois, une relation contractuelle préexistante doit être constatée. Cette exigence
constitue un obstacle quasiment insurmontable pour les partenaires puisqu’ils évoluent
encore, généralement, dans la phase des pourparlers. Une nuance a été apportée en acceptant
l’existence de relations légales afin d’actionner l’estoppel527. Des décisions jurisprudentielles
ont affirmé que « la négociation peut former une relation suffisante pour l’application de la
doctrine »528. Il ne s’agit que d’un courant jurisprudentiel et bien que n’étant pas majoritaire,
il confère au droit anglais un fondement à l’engagement de la responsabilité au cours des
négociations. Le refus d’appliquer la condition de la préexistante des relations contractuelles
ou légales permet de donner aux pourparlers une certaine valeur.
334. - L’efficacité de la « Promissory estoppel » se trouve réduite puisque cette théorie ne
peut constituer une cause d’action. Or, dans la phase précontractuelle, les parties ne sont liées
524
Principe affirmé par le jude Lord Bowen dans l’affaire Birminghan & District Land Company v. London &
North Western Rail Co, 1888, 40 ChD 268, CA. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux,
thèse Montpellier, 2008.
525
Lord Cairns dans l’affaire Huges v. Metropolitan, 1877, 2 App Cas 439.
526
Affaire Wooldhouse AC Coca Ltd v. Nigerian Produce Marketing Co Ltd, 1972, AC 741, HL : Lord Denning
a rejeté les demandes des acheteurs en appel puisque « pour appliquer la doctrine de l’estoppel, l’affirmation
doit être claire et non équivoque ».
527
Juge Donaldson dans l’affaire Durham Fancy Ltd v. Michael Jackson (Fancy Goods) Ltd, 168, 2 QB 839,
847 : « la préexistence des relations contractuelles entre les parties (…) ne parait pas être nécessaire, à
condition de la préexistence d’une relation légale qui peut dans certaines situations engendrer des pénalités et
des responsabilités ».
528
Juge Webster dans l’affaire Pacol Ltd v. Trade Lines Ltd, 1982, 2 Lloyd’s Rep 456 : « Elle s’applique aux
relations entre négociateurs selon lequel l’un d’eux avait l’intention de donner à cette négociation un effet légal,
ce qui était connu par la deuxième partie (…) » ; Lord Templeman dans l’affaire Attoney General pf Hong Kong
v. Humphreys Estate (Queen’s Garden) Ltd, 1987, 1 AC 114 at 127.
par aucune obligation mais également par aucun droit. Il parait alors difficile d’envisager
l’utilisation d’un tel fondement en l’absence de possibilité d’engager une action en justice. Le
seul moyen est de créer une illusion de contrat, ce qui est très certainement voué à l’échec. Le
principe manque de flexibilité et pourrait être appliqué de manière plus souple par les
tribunaux.
2/ La Promissory estoppel (Reliance) en droit américain
335. - Le droit américain fait de ce principe l’un des principaux fondements de la
responsabilité précontractuelle. « Un négociateur ne peut sans punition rompre une promesse
faite durant la négociation si l’autre partie s’y est fiée »529.
Le Restatement Second of Contract530 consacre la « Promissory estoppel » en élargissant les
contours de la théorie, du fait que son champ d’application ne soit pas circoncit par des
relations contractuelles ou légales. De plus, le principe peut être utilisé comme la cause
unique d’une action.
La jurisprudence531 a développé l’exigence d’une promesse claire et non équivoque,
accompagnée d’une confiance raisonnable au maintien de ladite promesse. Il est nécessaire
d’observer la survenance d’un préjudice résultant de cette confiance. Le raisonnement
développé par la jurisprudence semble promouvoir l’application du principe à toute sorte de
promesse, exception faite de celles revêtant la qualification d’illusoires. Ainsi, le fait qu’une
promesse ne soit pas définie ou alors qu’elle soit incomplète n’est pas de nature à empêcher le
recours à la théorie532. Il s’agit de conférer un moyen d’exécution aux promesses qui ne
pourront pas être satisfaites contractuellement533.
529
E. Allan Farnsworth, Precontractual Liability and preliminary agreements : Fair dealing and Failed
Negociations. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
530
Article 90 (1) du Restatement Second of Contract : « Une promesse où le promettant peut raisonnablement
envisager qu’elle induira une action ou une abstention d’agir de la part du bénéficiaire ou d’un tiers et qui
induit en une telle action ou abstention d’agir, est valable si une injustice peut être uniquement évitée en la
faisant exécuter ».
531
Affaire Cyberchron Corp v. Calldata Systems development, Inc , United States Court of Appeals, Second
Circuit, 47 F. 3d 39, 1995. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
532
Affaire Neiss v. Ehlers, 135 Or. App. 218, 899 P. 2d 700 (1995): « le meilleur raisonnement supporte la
conclusion que la Promissory estoppel peut s’appliquer, dans les circonstances appropriées, sur les promesses
indéfinies et incomplètes, y inclus les accords de contracter ».
533
La Cour d’appel dans l’affaire Neiss v. Ehler ne trouve aucune raison pour que « l’imprécision de la promesse
empêche l’application du Promissory estoppel ».
336. - La « Promissory estoppel » conduit à engager la responsabilité précontractuelle des
personnes qui sont à l’initiative d’injustices, notamment par de véritables promesses non
tenues. L’estoppel n’est qu’une concrétisation, un achèvement de la théorie anglo-saxonne de
l’« equity ». L’injustice ne peut se manifester que lorsqu’une personne a perçu des éléments
d’information l’amenant à croire en un aboutissement particulier des pourparlers.
Alors même que l’existence d’une croyance certaine en une promesse claire et non équivoque
est déterminée, l’estoppel ne peut être actionné qu’aux fins d’indemnisation d’un préjudice
réel. Les juges ont la liberté d’octroyer seulement une indemnisation du préjudice subi par le
bénéficiaire de la promesse ou d’ordonner l’exécution de cette dernière. La partie qui fonde
son action sur la « Promissory estoppel » ne peut obtenir réparation du gain manqué. Il est
donc nécessaire que l’injustice cause un préjudice certain et ne soit pas seulement générateur
de la perte de sommes escomptées.
337. - Bien que l’estoppel présente une certaine valeur dans son application, les règles
gouvernant l’indemnisation du préjudice sur ce fondement demeurent circonscrites au seul
rétablissement d’une situation équitable, juste. L’évaluation de l’indemnisation est un aspect
décisif dans le choix du fondement dont les demandeurs se prévalent afin d’intenter leur
action. L’application restrictive conduit à détourner ses encenseurs.
338. - Les conclusions d’une étude américaine effectuée auprès des tribunaux de Californie et
New York contestent la validité du « Promissory estoppel » comme fondement de réparation.
Les décisions jurisprudentielles sont rares et incertaines, le principe semble n’avoir qu’une
autorité doctrinale. Il est certain que la théorie manque à s’exprimer.
C/ Le Law of Tord (Misrepresentation)
339. - La communication de fausses informations durant la période précontractuelle engage la
responsabilité délictuelle de son auteur.
On parle de « Fraudulent Misrepresentation » (1/) lorsque le caractère intentionnel est avéré.
Dans l’hypothèse où la communication d’éléments erronés n’est qu’accidentelle, les
mécanismes gouvernant la « Negligent Mispresentation » (2/) trouvent à s’appliquer.
1/ « Fraudulent Misrepresentation »
340. - « Une fausse et non équivoque affirmation de fait adressée à la partie induite en erreur
afin qu’elle contracte »534.
Il faut une fausse affirmation d’une certaine clarté, une simple communication orale suffit,
l’écrit n’est pas nécessaire. Le partenaire lésé ne peut avoir obtenu le renseignement incorrect
par sa propre initiative. La justification de sous entendus échangés à son égard l’ayant amené
à chercher et trouver de faux éléments ne peut permettre un engagement de la responsabilité
délictuelle de son partenaire. Il convient que l’information échangée soit fausse, claire et non
équivoque.
341. - Sous certains aspects, le « Fraudulent Mispresentation » pourrait être confondu avec la
« Promissory estoppel ». En effet, dans les deux cas, il s’agit de lutter contre les dires d’un
négociateur ayant entrainés des conséquences néfastes à l’encontre l’autre partie par la
création d’une croyance illégitime en la concrétisation de ses paroles. La confusion est évitée
par la différence qui existe quant à la qualification des propos mensongers. Le principe de
l’estoppel nécessite la preuve d’une promesse tandis que le mécanisme de responsabilité
délictuelle repose sur des faits. Le discernement entre la promesse et un ensemble de faits
n’est pas toujours facile, elle est subtile. Il faut comprendre que la promesse représente un
stade plus avancé que l’allégation de simples faits. Une fois la distinction effectuée entre une
promesse et des faits, il faut encore vérifier qu’il ne s’agisse pas de l’affirmation d’une
opinion.
342. - L’aspect du « Fraudulent Mispresentation » qui est au cœur du débat porte sur
l’importance des informations communiquées dans la décision du partenaire de contracter. Le
fait qu’une partie ait été influencée à la suite d’éléments faux mais non décisifs dans
l’intention de contracter ne serait alors pas suffisant. La seule manière d’échapper à
l’engagement de sa responsabilité est de démontrer le contraire. La charge de la preuve pèse
donc sur l’auteur des propos mensongers afin de se dégager de la Mispresentation535.
Le « Fraudulent Mispresentation » doit être « un encouragement (…) activement présent dans
l’esprit du demandeur lorsqu’il s’est engagé ».
534
E. Mckendrick, Contract Law, Text, Cases, and Materials, op. cit, p. 630.
Affaire Museprime Properties Ltd v. Adhill Properties Ltd, 1991, 61 P&CR 111, 124. In R. MONZER, La
négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
535
343. - L’homogénéisation des dispositions précontractuelles mondiales poursuit l’objectif de
garantir aux parties une réelle sécurité juridique. Sa réussite repose sur une transformation
modérée des législations et ne saurait supporter des bouleversements brutaux. Une
généralisation immédiate du fondement délictuel visant à condamner tout agissement dénué
de bonne foi dans les pourparlers semble alors utopique ; il est voué à l’échec.
2/ « Negligent Misrepresentation »
344. - Cet aspect du principe vise à condamner la délivrance de fausses informations, sans
qu’il ne soit fait mention aux circonstances l’ayant orchestrée. Cependant, le droit américain
refuse de consacrer un tel engagement de la responsabilité délictuelle en ce qu’il est
applicable à la période précontractuelle. Ce fondement est contraire à la règle d’ « Economic
Loss » qui doit prévaloir.
345. - L’ « Economic Loss » prohibe la seule réparation du dommage économique obtenu par
engagement de la responsabilité délictuelle. L’indemnisation du dommage économique n’est
rendue possible que si celle-ci est octroyée concomitamment à la réparation des dommages
corporels, physiques. Les conséquences de l’indemnisation résultant de rapports,
d’informations erronées seraient néfastes tant pour l’entreprise que pour les investisseurs. La
condamnation sur le fondement délictuel de la communication de ces rapports inciteraient les
parties à ne plus y recourir536. L’esprit américain ne perçoit que l’émergence d’incidents du
marché aux dépends des demandeurs537.
Le droit anglais se distingue de son homologue américain en faisant preuve d’une certaine
flexibilité dans l’interprétation de la règle d’ « Economic Loss ». L’indemnisation, pendant les
pourparlers, du préjudice économique est soumise à la démonstration de l’existence d’une
relation spéciale538 entre les parties. L’exigence d’un cadre contractuel est tombée en
désuétude. La seule constatation d’un certain avancement des pourparlers traduisant une
relation établie entre les parties suffit à contourner la précédente condition d’application.
536
Affaire Ultramares Corp v. Touche, 255 NY Rep 170, 179, 1931 ; 174 NE Rep 441, 444, 1931.
B. Feldthusen, Negligent Mispresentation : indeterminate language about indeterminate lass, 1984, 13, 3,
Anglo-Am LR 57, 58. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
538
« Special relationchip ».
537
346. - La jurisprudence anglaise a confirmé l’interprétation a contrario effectuée par la
doctrine. La Chambre des Lords539 a consacré la validité du « Negligent Misstatement » au
moyen de plusieurs éléments indispensables à sa mise en œuvre. La description des faits
poursuit l’objectif d’écarter d’éventuelles déclarations d’intention ou d’opinion et évite ainsi
leur confusion. Il faut apporter la preuve de l’existence d’une obligation de diligence. La
jurisprudence l’a définie comme étant un soin, des précautions raisonnables, qui s’illustrent
soit par un comportement ou par des omissions envers les autres, afin de ne pas leur causer de
dommages540.
Dans l’hypothèse visant l’indemnisation des pertes financières, il convient de témoigner d’une
relation spéciale entre les parties. Les tribunaux doivent prendre en considération les éléments
de prévisibilité, de proximité et de raisonnabilité.
347. - L’ultime condition tient à une restriction artificielle de l’application du fondement. Il
s’agit de l’exigence selon laquelle le fondement peut être uniquement invoqué dans les
relations entre professionnels541. Alors même que la jurisprudence542 a élargi son champ
d’application aux relations d’affaires, aucune disposition n’empêche la mise en œuvre du
fondement délictuel entre particuliers si les conditions précédemment citée sont remplies.
348. - Il est nécessaire d’envisager les moyens par lesquels le régime anglo-saxon a aménagé
ses dispositions contractuelles afin qu’elles soient applicables aux pourparlers.
III/ Les moyens juridiques anglo-saxons au service des relations précontractuelles
349. - La Common Law refuse de consacrer une qualité contraignante, une autorité, aux
accords préparatoires. L’incontournable principe du « All or nothing » exige la réunion et la
détermination de tous les éléments essentiels du contrat. Le fondement n’octroie de légitimité
qu’aux seules conventions qui remplissent un ensemble de conditions. Un simple
raisonnement à contrario suffit à comprendre l’absence de valeur dont souffrent les accords
précontractuels, au regard de l’absolu « All or nothing ».
539
Affaire Hedley Byrne v. Heller and Partners, 1964, AC 465. In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
540
Affaire Donoghnue v. Stevenson, 1932, AC 562. In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
541
Affaire Mutual Life and Citizens Assurance Co v. Evatt, 1971, AC 793. In R. MONZER, La négociation des
contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
542
Décision de la Cour d’appel dans l’affaire Chaudhry v. Prabhakar, 1989, 1 WLR 29. In R. MONZER, La
négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
Il existe tout de même deux grandes catégories d’outils permettant d’encadrer le déroulement
des négociations. Une distinction s’opère entre les accords partiels dits « Agreement to
agree » (A) et les contrats de négociations, « Contract to negociate » (B).
A/ L’accord pour se mettre d’accord ?
350. - L’ « Agreement to agree » se présente comme étant le stade intermédiaire, relativement
avancé d’une relation précontractuelle, mais pas suffisant afin de revêtir la qualification de
contrat. Le défaut de réunion de l’ensemble des exigences propres au contrat ne permet
d’octroyer à la relation que l’appellation d’accord partiel. La spécificité réside dans le fait que
les parties ont convenu de déterminer ultérieurement, dans un accord définitif, les éléments
manquants du contrat. Les partenaires se réservent la liberté de décider, ensuite, des
caractéristiques concernant un ou plusieurs composants essentiels du contrat définitif543.
351. - Contrairement au concept anglais qui le considère comme « un contrat pour conclure
(un autre) contrat »544, la jurisprudence américaine adopte une position souple. La Cour
d’appel de Californie545 lui confère une valeur morale en interprétant l’existence d’une
promesse d’entente. Le droit américain se distingue de son équivalent anglais par l’utilité
qu’il entend délivrer à ce dernier. Il résulte des deux évaluations certaines influences quant à
la portée juridique conférée au régime de l’ « Agreement to agree ».
352. - Les deux conceptions se rejoignent sur un point essentiel du fait de la prééminence du
principe du « All or nothing » gouvernant le paysage contractuel anglo-saxon. L’accord
partiel pour les uns, la promesse d’entente pour les autres, ne peut bénéficier d’un quelconque
degré de valeur juridique contractuelle. Néanmoins, le refus de reconnaitre une réelle valeur
juridique à l’ « Agreement to agree » est basé sur des justifications distinctes. Le droit anglais
ne fait qu’appliquer le principe général de droit des contrats et trouve un appui confortable
dans les décisions jurisprudentielles. L’accord partiel ne peut être reconnu valable en
543
Affaire Mazolli v. Carapelli, 1975, 1 Lloyd’s Rep, 229 : le fait de réserver la possibilité de « déterminer par
les parties » plus tard le lieu de livraison, le port de déchargement, en l’espèce, suffit à obtenir la qualification
d’ « Agreement to agree ». Affaire May and Bucher v. R, 1934, 3 KB, 17 : le prix, la date de paiement et le mode
de livraison seront « déterminés plus tard ».
544
« A contract to enter into a contract, when there is a fundamental term yet to be agreed » dans l’affaire
Courtney & Fairbairn Ltd v. Tolaini Brothers (Hotels) Ltd. In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
545
Affaire Kevin A. Copeland v. Baskin Robbins USA, Court of Appeal of California, Second Appelate District,
Division Seven, 19 March, 2002. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse
Montpellier, 2008.
l’absence de l’exigence de « certitude ». Alors même qu’il rassemble dans son contenu des
éléments primordiaux au contrat, celui-ci souffre d’un défaut de finalisation. La force
obligatoire ne peut être le résultat que d’un contrat valablement formé.
Une partie de la doctrine considère que certains accords préparatoires, lorsqu’ils répondent à
des conditions précises, détiennent une valeur juridique. Il existe des types d’accords dans
lesquels les formalités nécessitent, pour leur réalisation, la conclusion d’un second contrat.
C’est notamment le cas pour les contrats de vente portant sur un bien immobilier où le recours
à un contrat formel, ultérieur, est capital. Ainsi, dans l’hypothèse où l’accord est complet, il
ne s’agit plus que d’un contrat comme tant d’autres. Malgré les efforts de certains juges, les
décisions soutenant l’autorité juridique octroyée aux accords partiels complets demeurent
isolées et ne sauraient, pour l’instant, suffire à créer une controverse permettant un
renversement de la position actuelle.
La jurisprudence américaine546 a retenu un examen casuistique en accordant une importance
certaine aux intérêts à défendre au profit des parties. Les partenaires sont placés dans une
situation contraire au principe de liberté qui prédomine dans la phase précontractuelle. En
effet, la conclusion du premier accord crée une obligation de résultat pour chacune des
parties, par laquelle celles-ci doivent s’entendre sur les éléments essentiels du contrat
définitif. Ainsi, dans l’hypothèse où les négociateurs ne parviennent pas à trouver un
compromis, ils demeurent liés.
Finalement, la jurisprudence américaine entend défendre la possibilité offerte aux parties de
pouvoir « refuser d’accepter n’importe quelle proposition de l’autre »547. Ce raisonnement à
été étendu à l’ensemble des promesses d’entente. Le refus aurait pu être appliqué aux seuls
accords précontractuels générateurs d’obligation de résultat. Les accords partiels sont « un fait
nécessaire à la vie économique » et « maintiennent une flexibilité » dans la détermination
future des éléments du contrat. Il existe alors une présomption d’absence d’acceptation de
l’accord partiel. Le fait que l’accord ne crée aucune valeur contraignante conserve la liberté
des parties de poursuivre les pourparlers mais présente la terrible conséquence de les placer
dans une insécurité juridique.
546
Affaire Kenvin A. Copeland v. Baskin Robbins USA, Court of Appeal of California, Second Appelate
District, Division Seven, 19 March, 2002. Prec. Cit. In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
547
Affaire Avalon Products, Inc v. Lentini, 1950, 98 Cal. App. 2d 177, 180 (219 P. 2d 485). In R. MONZER, La
négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
353. - Décider d’assimiler tout type de mécanisme juridique à l’accord partiel complet permet
de légitimer le refus de toute autorité. Des parties mal intentionnées peuvent envisager
l’opportunité de violer les engagements pris du fait de la possibilité de faire requalifier
l’accord en « Agreement to agree ». La mise en place d’un accord partiel complet peut avoir
une influence quant à l’édification artificielle d’une exigence de respecter ces éléments par
l’autre partenaire. Effectivement, l’autre partie, moins renseignée, peut ne pas voir en certains
mécanismes se dessiner le régime de l’ « Agreement to agree ». Celle-ci se contraint ellemême au respect de dispositions avec une croyance légitime en la valeur juridique de
l’accord, revêtant par exemple l’aspect d’une lettre d’intention. Il ne s’agit que d’une modalité
permettant aux tribunaux de ne pas concéder de valeur contractuelle aux accords
précontractuels incomplets.
B/ Un contrat précontractuel ?
354. - Le régime romano-germanique entend conférer une large portée au contrat de
négociation. Il présente la spécificité d’ériger entre les parties une obligation de négocier, de
préserver un déroulement correct, suffisant, des pourparlers. L’ « Agreement to negociate » ne
porte pas atteinte au principe de liberté contractuelle pour la simple raison que les
négociateurs conservent pleinement leur droit de refuser de conclure l’accord définitif.
355. - Selon les droits allemand et français, la relation est soumise aux dispositions
contractuelles alors même qu’elle est encrée dans la phase précontractuelle. La théorie
soutenue confère à ce contrat une réelle autorité. Fidèle au respect de ses principes
fondamentaux, le droit anglo-saxon n’a pas accueilli de manière aussi favorable le « Contract
to negociate ». Une première décision548 reconnait la validité du contrat dès lors qu’il est apte
à remplir les conditions usuelles nécessaires à la licéité des contrats.
Un second arrêt549 effectue un rejet catégorique de toute valeur contractuelle applicable à
l’« Agreement to negociate ». Les juges réalisent une déduction identique au raisonnement
soutenu concernant l’accord précontractuel partiel, en se fondant sur le principe du « All or
nothing ». La référence à l’accord précontractuel tente d’effectuer une assimilation rapide au
548
Affaire Hillas and Co Ltd v. Arcos Ltd, 1932, 147 LT 503, 514. In R. MONZER, La négociation des contrats
internationaux, thèse Montpellier, 2008.
549
Affaire Courtney & Fairbairn Ltd v. Tolaini Brothers (Hotels) Ltd, 1975, 1 WLR 297. In R. MONZER, La
négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
contrat de négociation. Une telle comparaison ne peut être valable puisque l’accord
précontractuel partiel n’est pas un contrat de négociation ; ce sont deux mécanismes distincts.
356. - En effet, la différence cruciale entre l’ « Agreement to negociate » et l’ « Agreement to
agree » est la liberté réservée de conclure un contrat définitif ou de s’y refuser. Dans le
premier, les parties s’obligent mutuellement à débuter, ou prolonger des négociations tout en
réservant la liberté contractuelle de s’entendre ou non. L’ « Agreement to agree » oblige les
partenaires à déterminer ultérieurement les dispositions défaillantes. Les conséquences des
négociations, leur résultat, constituent justement le caractère contraignant de l’accord.
357. - La décision est critiquable quant au fondement même utilisé pour refuser la
reconnaissance d’une autorité au contrat de négociation. « C’est le défaut de fiabilité et la
déficience technique, du régime juridique anglais, qui obligent les tribunaux à exclure les
effets contractuels contraignants du contrat de négociation, et non pas son manque de
« certitude » puisqu’il est un contrat complet et autonome ».
358. - Les réelles raisons à l’initiative du refus de consacrer une autorité à l’ « Agreement to
negociate » ont été déterminées par Chambre des Lords. L’affaire Walford v. Miles550 est
considérée comme étant l’une des plus importantes décisions concernant la négociation au
Royaume-Uni. En l’espèce, les partenaires ont déterminé le prix de vente de l’entreprise ainsi
qu’une obligation d’exclusivité. Le défendeur rompt brutalement les pourparlers et conclu un
contrat de vente au profit d’une tierce personne avec laquelle il a maintenu des négociations.
Walford assigne Miles pour la violation de son engagement d’exclusivité afin d’obtenir une
indemnisation du préjudice qu’il a subi. Il se fonde également sur le principe de la
« Mispresentation » du fait des fausses informations qu’il lui a communiqué.
La Cour de première instance octroie une indemnisation au demandeur en application de la
théorie de la « Mispresentation ». Toutefois, la décision d’appel affirme qu’un contrat
d’exclusivité ne peut être le résultat de l’unique création d’une obligation négative de ne pas
négocier avec des tiers. L’engagement d’exclusivité engendre nécessairement une obligation
positive de négocier avec l’autre partie. Cela va même plus loin puisqu’il ne s’aurait s’agir de
contraindre la poursuite des pourparlers sans garantir l’existence de bonne foi dans la relation.
L’obligation de négocier, empreinte de mauvaise foi, ne suffit pas à empêcher la survenance
de négociations parallèles, parasitaires.
550
Affaire Walford v. Miles, (1992) 2 AC 128.
L’efficacité réside dans la réunion des deux aspects de l’exigence. La Chambre des Lords a
opéré la distinction entre l’accord d’exclusivité et le contrat de négociation. L’accord
d’exclusivité, « lock-out agreement » ne peut renfermer une obligation de négociation. La
validité de l’accord d’exclusivité réside dans la détermination de la durée de l’engagement,
qui doit être expressément stipulée, et dans la réunion des éléments de « Consideration ». Le
fait de contraindre les partenaires à négocier sort du cadre propre à l’engagement exclusif
définit par la Chambre des Lords. En effet, l’obligation de négocier inscrite dans un contrat
d’exclusivité produit une requalification de ce dernier en un « Contract to negociate ».
359. - L’application absolue du principe de liberté contractuelle ne supporte aucun autre
concept. Malgré l’évolution des besoins juridiques, notamment dans la phase précontractuelle,
la Common Law refuse toute appréciation plus modéré du fondement. L’attendu de principe,
en consacrant l’irrecevabilité du contrat de négociation, tranche définitivement plusieurs
interrogations.
Les difficultés qui résident dans l’évaluation des dommages présentent des freins à la
reconnaissance des accords de négociation. L’indemnisation est problématique du fait qu’elle
ne repose que sur des éléments incertains et imprévisibles. Le régime anglo-saxon écarte
l’application du droit moral tout en laissant la relation des parties évoluer sans garde fou. Une
démarche casuistique nécessite un recul et des critères transposables à un panel de situations,
dont les tribunaux ne disposent pas. Le réel problème provient de la capacité à accepter
l’intervention de mécanismes juridiques nouveaux. Le droit anglais n’est pas apte
techniquement à constater l’utilité du contrat de négociation.
« Un système qui n’a jamais accepté la notion de bonne foi lors de la négociation, et qui est
actuellement hostile à ce concept, peut se sentir incapable à remplir les lacunes dans un
contrat par le biais de ce principe »551. La préservation des principes fondateurs peut
coexister avec l’émergence de nouveaux outils, il suffit de prévoir des concepts organisant
leur validité.
360. - La remarque attestant d’un échec du régime anglo-saxon à déterminer un cadre
juridique sécurisant est inéluctable. Le fait d’ériger des dispositions afin de créer une police
comportementale dans la période consacrée aux négociations a pour conséquence d’influencer
de façon significative leur survenance. La Common Law entend conférer aux partenaires un
degré maximal de liberté de sorte à préserver leurs intérêts. Mettre en place de nouveaux
551
N. COHEN In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008.
instruments juridiques permet d’offrir la possibilité aux parties d’y recourir ou non.
L’édification d’accord n’a pour seul objet que de préserver les droits des négociateurs, évitant
ainsi qu’ils soient lésés.
L’accent est volontairement mis sur les points litigieux afin d’observer les différences
essentielles qui existent entre les législations.
Paragraphe II/ Les apports du droit allemand
361. - Le système romano-germanique regroupe notamment le droit français et le droit
allemand dont les aspects principaux sont leur émanation de part un processus de codification,
à côté duquel la doctrine a apporté sa contribution. L’étude du droit allemand se veut plus
synthétique. Ce régime, empreint de droits législatifs, en opposition avec la « Common Law »,
se caractérise par des principes généraux.
362. - Le droit romano-germanique définit le contrat comme l’expression d’un accord de
volonté des parties ayant échangé leur consentement à la suite d’une période de pourparlers. Il
met l’accent sur la relation existant entre les partenaires. La phase précontractuelle a fait
l’objet de nombreuses évolutions visant à l’instauration de règles protectrices pour les
négociateurs. Toutefois, ce régime présente une certaine souplesse en privilégiant la volonté
des parties puisqu’il admet la valeur contractuelle conférée à des accords précontractuels. La
bonne foi est considérée tant en droit français qu’allemand comme étant un principe général
du droit des contrats. En toute hypothèse, le droit allemand utilise les règles de la
responsabilité contractuelle sur le fondement de la « culpa in contrahendo ».
« La décision prise par les négociateurs d’entrer en pourparlers est un acte de volonté aussi
important que celui requis pour la formation du contrat, elle dissimule une acceptation de
formation d’un contrat organisant la relation entre ces parties, voulant le contrat, les
négociateurs ont voulu ces préliminaires »552. Il s’agit d’un contrat tacite, engendrant
l’obligation pour les parties de loyauté et diligence durant le processus de négociation 553. Le
552
M. GENINET, Théorie générale des avants contrats en droit privé, thèse, Paris II, 1985, p. 213 in R.
MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse, Montpellier, 2008, n° 199, p. 121.
553
La réforme du droit allemand, entrée en vigueur le 1 ier janvier 2002 a apporté des précisions. Selon le nouvel
article 311 alinéa 2, un rapport contractuel générateur d’obligations accessoires peut naître avant la conclusion
du contrat. Art. 241 : durant le temps de l’engagement des pourparlers, des mesures préparatoires à la conclusion
du contrat et enfin des rapports d’affaires similaires, les parties doivent protéger réciproquement leurs droits,
biens et intérêts de l’autre.
régime de responsabilité précontractuelle peut s’entendre aux tiers qui peuvent influencer les
négociations.
363. - Certains auteurs ont réalisé des études économiques554 afin de comprendre les éléments
ayant pour effet de favoriser ou non le développement des pourparlers. La sécurité juridique
conférée aux parties semble avoir des conséquences positives. Les partenaires n’hésitent pas à
rentrer dans des négociations en raison de l’absence de risques financiers quant à des pertes
injustifiées555.
364. - En ce qui concerne la libre révocabilité de l’offre consacrée tant en droit français qu’au
niveau européen et international, le droit allemand adopte une position opposée. Le Code civil
allemand précise que « celui qui propose à autrui de conclure un contrat est lié par l'offre, à
moins qu'il n'ait exclu ce lien obligatoire »556. Toutefois, certains auteurs ne voient pas une
véritable contradiction entre les deux systèmes puisqu’il ne s’agit pas d’une disposition
d’ordre public, les parties pouvant en disposer autrement557.
365. - Le droit allemand va encore plus loin en considérant, pour les contrats commerciaux,
que le silence gardé à la réception d'une lettre de confirmation, vaut acceptation de ses termes,
y compris des conditions générales qui ont pu y être annexées.
366. - Le droit allemand confère une réelle importance à l’encadrement juridique des
négociations. Toutefois, l’encadrement du processus de sélection ne peut être efficiente et
inciter les négociateurs à y recourir uniquement si celui-ci ne nuit pas, sans raison, à leur
liberté contractuelle. Le promoteur du réseau ne choisira pas délibérément de restreindre sa
liberté décisionnelle, s’il n’y trouve pas un intérêt. Le besoin de confidentialité en est un
exemple concret, toutefois, l’encadrement juridique repose sur la conciliation entre la juste
dose d’interventionnisme contractuel et de liberté contractuelle des parties. Or, le droit
allemand, sans même que les parties aient exprimé leur volonté de conclure un contrat de
négociation par exemple, tend à limiter leur liberté du seul fait du régime de responsabilité
contractuelle applicable aux négociations qualifiées d’informelles, en droit français.
554
Etude effectuée par W.P.J. Wils in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse
Montpellier, L.G.D.J., 2008.
555
M. FONTAINE, Un régime harmonisé de la formation des contrats. Réexamen critique, in Le processus de
formation du contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à l’harmonisation du droit européen, sous
la direction de M. FONTAINE, Bruylant, LGDJ, 2002, p. 851 et s.
556
Paragraphe 145 du BGB.
557
J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 3 e éd., 1993, no 304.
Section 2/ Un droit émergeant des négociations ?
367. - Les principes Unidroit et les principes pour un droit européen des contrats n’apportent
pas de réponse satisfaisante à l’encadrement juridique des négociations (Paragraphe I), tout
comme les projets de réforme qui demeurent chétifs à régler cette question (Paragraphe II).
Paragraphe I/ Principes Unidroit et Principes pour un droit européen des
contrats
368. - L’institut international pour l’unification du droit privé dit « Unidroit » poursuit
l’objectif d’une unification des règles matérielles en matière de commerce international. Il
s’agit d’une initiative privée de codification, perçue comme étant une alternative aux
conventions internationales ou lois-types558. Bien que ces dispositions ne bénéficient d’aucun
caractère obligatoire, celles-ci présentent une véritable autorité, notamment auprès de
l’arbitrage international. Ces règles régissent l’ensemble des dispositions des contrats de
commerce international, de leur création à leur extinction.
369. - Les « Principes pour un droit européen des contrats » s’apparentent aux règles des
Principes d’Unidroit puisqu’ils défendent les mêmes objectifs tout en limitant leur champ
d’application à l’Europe. Au départ, en 1974, il s’agit d’une initiative du Pr. Ole Lando et
d’universitaires de différents pays membres559 qui a été reprise par le Parlement Européen afin
d’ériger un Code européen des obligations.
370. - La convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ne contient
aucune disposition concernant la période précontractuelle, la phase de négociation.
Cependant, les principes Unidroit consacrent une obligation de négocier de bonne foi et un
principe de confidentialité560 à la charge des parties. Ces principes sont repris à l’échelle
européenne561, de façon semblable aux principes Unidroit.
558
Publication en 1994 des « Principes relatifs aux contrats du commerce international », complétés en 2004.
JCP 1995, III, 67399. C. LARROUMET, La valeur des principes d’Unidroit applicables aux contrats du
commerce international, JCP 1997, I, 4011 ; D. MAZEAUD, A propos du droit virtuel des contrats : réflexions
sur les principes d’Unidroit et de la commission Lando, Mélanges M. CABRILLAC, Dalloz-Litec, 1999, p. 205.
559
Principles of european Contract Law, publiés en trois temps, en 1995, 1998 et 2002.
560
Art. 2.1.15 et 2.1.16 des Principes Unidroit.
561
Art. 2:301 et 2:302 des Principes pour un droit européen des contrats.
371. - Le Code civil ne présentant aucune disposition à portée générale sur bonne foi
contractuelle, ces principes opèrent un apport considérable en la matière. « Chaque partie est
tenue d'agir conformément aux exigences de bonne foi »562. Il en est fait des applications dans
les contrats d’affaires de part l’émergence des obligations de discrétion, de réserve et de
coopération entre les parties. L’exigence de collaboration est retenue par les principes
européens563.
Ainsi, le fait de prendre l’initiative des pourparlers sans avoir une intention sérieuse de
contracter engage la responsabilité civile de son auteur564. Cette pratique tendant à une
invitation de l’autre partie à entrer en négociation est condamnable à cause des effets pervers
qu’elle induit. L’auteur porte atteinte au principe de confidentialité en cherchant à obtenir la
révélation d’informations de la part de son partenaire. Cela peut également conduire à le
dissuader de négocier avec autrui puisqu’il entretient une croyance légitime quant à la
conclusion d’un contrat avec l’auteur de la manœuvre565. Cette pratique est entachée d’une
mauvaise foi dans la période précontractuelle.
372. - Par ailleurs, tout comme en droit français, la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur
la vente internationale de marchandises, les principes Unidroit et les principes pour un droit
européen des contrats, considèrent que l’offre est librement révocable. En effet, « une offre
étant insuffisante pour lier par elle-même celui qui l'a faite, elle peut, en général, être
rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée valablement »566.
373. - Deux éléments retiennent notre attention, d’une part l’existence d’un devoir de
minimiser son propre dommage pour obtenir réparation (I), qui témoigne d’une démarche à
contre courant de celle empruntée par cette étude. En effet, la qualification du processus de
sélection par l’encadrement des négociations entend conférer davantage d’organisation et de
sécurité au profit des parties. Or, l’exigence de minimiser le dommage tend à encore plus de
souplesse pour moins de réparation. Néanmoins, les textes ne vont pas jusqu’à interpréter le
silence des parties et adoptent une position semblable à celle du droit français (II).
562
Art. 1 :201 des Principes pour un droit européen des contrats.
Art. 1 :202 des Principes pour un droit européen des contrats : « chaque partie doit à l'autre une
collaboration qui permette au contrat de produire son plein effet ».
564
Art. 2.15, 3 des Principes Unidroit et article 2:301,3 des Principes pour un droit européen des contrats.
565
Il s’agit de pourparlers de barrage.
566
Cass. Civ, 3 févr. 1919, DP 1923, I, p. 126 ; Cass. Civ 1ière, 13 juin 1984, no 83-13.113, Bull. Civ. I, no 193 ;
CA Aix-en-Provence, 13 janv. 1983, JCP éd. G 1984, II, no 20198, note F. GIVORD.
563
I/ Le devoir de minimiser le dommage
374. - Lorsque les pourparlers souffrent d’une rupture fautive, la responsabilité de l’auteur de
la rupture est engagée. Cependant, l’évaluation du dommage est régie par des dispositions
spécifiques, qui ne peuvent être traduites en droit français. Il s’agit du devoir de minimiser
son propre dommage. Ce devoir est à la charge de la victime dans un objectif de limiter le
seuil de responsabilité de la personne fautive.
Selon la Convention de Vienne, « la partie qui invoque la contravention du contrat doit
prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y
compris le gain manqué, résultant de la contravention » et « si elle néglige de le faire, la
partie en défaut peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la
perte qui aurait dû être évitée »567. Les principes Unidroit et les principes pour un droit
européen des contrats soutiennent le même raisonnement : « le débiteur n’est point tenu du
préjudice souffert par le créancier pour autant que ce dernier aurait pu réduire son préjudice
par des mesures raisonnables »568 et « le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure
où le créancier aurait pu l‘atténuer par des moyens raisonnables »569. Il en est de même pour
le droit anglais570.
375. - La jurisprudence française adopte une position claire et établie en refusant de
reconnaitre l’existence d’un tel devoir : « la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice
dans l'intérêt du responsable »571. Il est vrai qu’il parait difficile d’envisager une intégration
en droit français, tant du point de vue de la doctrine que de la jurisprudence qui agit avec tact,
en raison de la généralité des termes utilisés.
376. - Dans le processus de sélection, prenons l’hypothèse selon laquelle les parties ont
débuté les pourparlers mais que leur conduite s’est effectuée de manière abusive. La partie a
l’initiative de l’abus voit sa responsabilité civile engagée, celle-ci doit réparer le préjudice
causé du fait de la « rupture fautive »572. Au vu des constations précédentes, la jurisprudence
française refuse d’admettre la réparation du gain manqué tandis qu’elle reconnait
l’indemnisation de la perte subie et, plus généralement, du préjudice économique. Lorsque la
567
Art. 77 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980.
Art. 9 :505 des Principes pour un droit européen des contrats.
569
Art. 7.4.8 des Principes Unidroit.
570
R. DAVID, Les contrats en droit anglais, LGDJ 1985, p. 377.
571
Cass. 2e civ., 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, D. 2003, p. 2326, note J.-P. CHAZAL,
DEFRENOIS 2003, art. 37845, n° 121, obs. J.-L. AUBERT.
572
V. infra n° 230 et s. Il s’agirait plutôt du déroulement fautif des négociations, entachées d’une intention
d’induire l’autre partie en erreur par exemple.
568
nature du dommage considéré ouvre droit à réparation, celle-ci est opérée pour le préjudice
réel, tout le préjudice mais rien que le préjudice, ni plus ni moins, en application des règles de
droit commun en matière de responsabilité civile. Il s’agit de la réparation intégrale qui
s’illustre, par exemple, par le remboursement de l’ensemble des frais engagés par le
distributeur pendant les négociations.
La tentative de transposition du devoir de minimiser son propre dommage dans le phénomène
de sélection reviendrait à imposer au distributeur un auto contrôle quant aux frais qu’il
engage, alors même que certaines situations l’obligent à effectuer des investissements573. Des
dérives sont à craindre, le fournisseur pourrait limiter le dommage réparable en démontrant
que le distributeur n’a pas pris toutes les mesures raisonnable afin de réduire ses pertes.
II/ Le refus d’une interprétation extensive du silence des parties
377. - En droit français, le silence d’une des parties ne saurait, à lui seul, témoigner de
l’acceptation de l’offre présentée par son partenaire. Le silence ne peut engager les parties car,
dans le cas contraire, il serait la source d’une véritable insécurité juridique. Les principes
Unidroit ne font pas preuve d’une grande originalité sur ce point du fait qu’ils posent le
principe d’absence de valeur du silence, « Constitue une acceptation toute déclaration ou
autre comportement du destinataire indiquant qu'il acquiesce à l'offre. Le silence ou
l'inaction ne peuvent à eux seuls valoir acceptation »574. La Convention de Vienne consacre le
même principe575.
Toutefois, par le passé, la jurisprudence française a reconnu que, dans le cadre de certains
contrats commerciaux, le silence pouvait valoir acceptation. Il s’agissait uniquement de
relations entre professionnels, de contrats d’affaires. La Cour de cassation a néanmoins posé
le principe selon lequel le silence ne peut valoir à lui seul acceptation, tout en continuant à
soutenir des atténuations de celui-ci. Le silence suffit à engager une partie lorsque les
circonstances permettent de donner au silence la signification d'une acceptation 576.
L’appréciation casuistique doit permettre d’éviter les abus. Les principes Unidroit et la
573
Par exemple, le futur franchisé effectue nombre de démarches afin de trouver un local, dans le but d’être
sélectionné et de faire partie du réseau.
574
Art. 2-6 des Principes Unidroit.
575
Art. 18, paragraphe 1 de la Convention de Vienne de 1980.
576
Cass. 1re civ., 24 mai 2005 : Bull. civ. 2005, I, n° 223 ; D. 2006, p. 1025, note A. BENSAMOUN ; RTD civ.
2005, p. 588, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
Convention de Vienne se distinguent par une interprétation stricte du principe et optent pour
une acceptation expresse de l’offre, refusant de consacrer le rôle du silence.
Par ailleurs, les Principes Unidroit posent le principe d’interprétation en privilégiant la
commune intention des parties. Lorsqu’il est impossible de déceler cette commune intention,
« le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable, de même
qualité placée dans la même situation »577. Dans une démarche d’interprétation utile du
contrat tendant à sa cohérence, ces principes font l’objet d’un succès important auprès des
juges étatiques mais aussi des arbitres578.
378. - La phase précontractuelle de sélection n’étant que très peu régie, il semble favorable de
soumettre le processus de sélection à des telles dispositions. Une interprétation utile de
l’accord en respectant l’intention commune des parties lui offre une plus grande portée.
Toutefois, ces précisions n’apportent pas de réponses à l’encadrement juridique des
négociations.
Paragraphe II/ Les projets de réforme
379. - Il semble opportun d’envisager la prise en considération des négociations dans l’avantprojet de réforme du droit des obligations (I) ainsi que dans le projet de la Chancellerie de
réforme du droit des contrats (II). Les dispositions des projets de réforme témoignent-elles de
l’émergence d’un droit des négociations ? Ces projets de réforme sont-ils à droit constant, ce
qui reviendrait à figer une interprétation de la jurisprudence par lesdits projets ? « Bien
entendu, ni le projet, ni ses zélateurs, et c'était également le cas du projet Catala, n'affirment
que le projet codifie à « norme constante », c'est-à-dire en reprenant les dispositions
anciennes qui demeurent efficaces et les normes jurisprudentielles faisant l'objet d'un
consensus »579.
380. - Toutefois, l’élément essentiel consiste à appréhender les modalités par lesquelles les
projets de réformes régissent la période précontractuelle afin de comprendre s’il s’agit d’une
577
Art. 4-1 et art. 4-4 et s. des Principes Unidroit.
P. DEUMIER, L'utilisation par la pratique des codifications d'origine doctrinale : D. 2008, doctr. p. 494.
579
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
RD. 2009, p. 308.
578
réelle évolution ou bien seulement d’un avancement modéré dans la prise en considération des
négociations, confondu dans « la formation du contrat »580.
I/ Avant-projet de réforme du droit des obligations
381. - L’avant-projet de réforme du droit des obligations581 n’effectue pas une rupture brutale,
un profond revirement de l’ensemble de la matière, mais tend plutôt à des modifications dans
un but de modernisation, afin de le rendre plus attractif.
L’objectif poursuivi s’illustre sur certains points par un ajustement des dispositions nationales
avec les principes européens tout en conservant des spécificités françaises. L’avant-projet suit
notamment les préconisations européennes concernant les dommages et intérêts punitifs,
l’évaluation du dommage en créant une obligation de minimiser le dommage. La possibilité
pour le juge de supprimer certaines clauses engendrant un déséquilibre significatif au
détriment d'une des parties lorsqu'elles n'ont pas été négociées est également reprise. Il
maintient toutefois la notion de cause582.
382. - L’avant-projet de réforme du droit des obligations opère la même distinction que le
Code civil583 entre contrat et convention en précisant que « le contrat est une convention par
laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à accomplir une
prestation ». Pour qu’un contrat soit reconnu valable en application des dispositions de
l’avant-projet de réforme du droit des obligations, quatre conditions sont essentielles : « le
consentement des parties contractantes, leur capacité de contracter, un contenu certain et la
licéité du contrat »584.
383. - Les analyses précédentes ont permis de montrer que le droit de la responsabilité civile
n’apporte qu’un faible encadrement des négociations, pouvant être opportun pour la mise en
œuvre de certains besoins de sélection585. Néanmoins, la grande liberté contractuelle octroyée
aux parties peut se révéler insuffisante en présence de besoins de sélection spécifiques.
580
V. Supra n° 386. Le projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats insère les dispositions relatives
aux négociations au sein d’un chapitre III intitulé « Formation du contrat », articles 19 à 35. Regroupement
contestable.
581
P. CATALA (dir.) Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, Rapport au garde
des Sceaux du 22 sept. 2005.
582
L. AYNES, A. BENABENT et D. MAZEAUD, Projet de réforme du droit des contrats : éclosion ou
enlisement : D. 2008, p. 1421.
583
Art. 1101 du Code civil.
584
Art. 49 de l'avant-projet de réforme du droit des obligations.
585
V. Supra n° 403.
L’intérêt de recourir à l’outil contractuel permet d’aménager le déroulement du processus de
sélection. Le régime du droit de la responsabilité civile étant en partie repris, l’avant-projet de
réforme ne consacre pas de solution alternative pour la qualification du processus de
sélection.
II/ Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats
384. - Le bicentenaire du Code civil a été l’occasion d’engager une série de travaux de
recherche tendant à une profonde rénovation d’une partie du droit privé. Le droit de la famille
et le droit des sûretés ont ouvert la marche, avant de poursuivre la démarche de modernisation
avec le droit des obligations et de la prescription, datant pour l’essentiel du Code civil de
1804. Celle-ci a été concrétisée par l’adoption de la loi du 17 juin 2008586 portant sur la
réforme de la prescription en matière civile587. Le second temps de la réforme concerne le
droit des contrats et devra être concilié avec un autre texte sur le régime des obligations en
général. La réforme tend à être finalisée par l’élaboration d’un projet consacré à la
responsabilité.
Le projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie, bien qu’inspiré d’autres
travaux588 et notamment de l’ « Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la
prescription », présente de réelles divergences. Celui-ci vise à « contribuer au renforcement
de la compétitivité et de l’attractivité de notre droit » et à « permettre au citoyen de trouver à
la lecture du Code Civil les règles relatives à une étape donnée du processus contractuel ».
385. - Deux des conditions essentielles à la validité d’une convention sont affectées par des
modifications. L’objet du contrat semble toutefois demeurer, alors même qu’il fait place à la
condition de contenu589. La cause est substituée au concept d’intérêt au contrat, dont l’objet
est la traduction de l’interdépendance des obligations des parties. Les raisons de ce
remplacement sont incertaines, l’influence des droits anglais et allemand ne connaissant pas la
586
Loi n° 2008-561.
Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 concernant la prescription en matière civile, issue d’une proposition de loi de
M. J-J HYEST, président de la commission des lois du Sénat.
588
Le projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie s’est inspiré de travaux académiques, des
analyses des acteurs économiques et judiciaires et des travaux menés par le Professeur F. TERRE qui a constitué
un groupe de travail sous l’égide de l’Académie des Sciences morales et politiques. Le projet de réforme reprend
également les principes fondateurs de la tradition civiliste, les projets d’harmonisation du droit européen et
international des contrats (les principes de droit européen des contrats, les travaux du réseau de chercheurs sur le
Cadre Commun de Référence, les principes UNIDROIT, le Code Gandolfi) et du droit comparé.
589
Art. 81.
587
cause peut en constituer une. Certains auteurs590 ne voient pas d’un mauvais œil sa disparition
pendant que d’autres tentent de défendre son utilité. « Lorsque l’on veut bien éviter de
l’obscurcir, la cause est une notion dont les contours peuvent aujourd’hui être bien cernés et
l’objectif d’une réforme du Code civil sur ce point pourrait être d’exprimer dans les textes la
distinction finalement très simple à laquelle la jurisprudence est parvenue entre cause
objective et subjective selon qu’il s’agit de contrôler l’existence de la cause ou sa licéité »591.
La question ainsi posée est de savoir si l’intérêt au contrat est objectif ou bien subjectif.
386. - Néanmoins, il prévaut, pour notre étude, de se concentrer sur les modifications opérées
par le projet de réforme concernant la période précontractuelle. Les dispositions portant sur la
négociation, l'offre et l'acceptation, la date et le lieu de formation du contrat et les « avantcontrats » sont réunis au sein d’un chapitre III intitulé « la formation du contrat »592. L’on
peut s’interroger sur la cohérence d’un tel regroupement pour la simple raison que les
négociations précèdent le temps de la formation du contrat, du fait de la finalisation desdites
négociations. Il s’agit de deux moments distincts, à moins que l’on considère d’une part la
conduite des négociations et d’autre part, la réussite des négociations que l’on assimilerait
alors à la formation du contrat. Distinction qui n’est opportune qu’en présence de spécificités
et notamment pour la gestion des risques du phénomène de sélection. Toujours est-il que le
déroulement des négociations ne saurait être confondu avec le moment propre à la formation
du contrat puisque l’objet même des pourparlers est de transiger quant à la possibilité future
de conclure un contrat.
387. - Le principe de liberté contractuelle est consacré, les négociations sont libres et seules
les circonstances de leur rupture peuvent être source de responsabilité délictuelle593.
Des précisions sont effectuées concernant l'obligation de confidentialité et l'accord de principe
par lesquels les parties organisent leur future négociation594. Les délais de rétractation et de
590
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
RD. 2009, p. 308 : « Comme tout le monde, j'ai été surpris tant par la disparition de la cause dans le projet que
par l'érection de « l'intérêt au contrat ». Sur la disparition de la cause, j'ai déjà dit ce que j'en pensais, je crains
ne pas beaucoup la pleurer. »
591
L. LEVENEUR, Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats : à améliorer, Contrats, conc.
Consom. Nov. 2008, n° 11, p. 1.
592
Art. 19 à 35 du projet de réforme.
593
Art. 20 du projet de réforme : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles
sont libres. La conduite ou la rupture fautive de ces négociations oblige son auteur à réparation sur le
fondement de la responsabilité délictuelle. La faute est notamment constituée lorsque l’une des parties a entamé
ou a poursuivi des négociations sans intention de parvenir à un accord. Les dommages et intérêts ne peuvent
avoir pour objet de compenser la perte des bénéfices attendus du contrat non conclu ».
réflexion ont été prévus. Les effets induits par la rétractation d’une offre sont sanctionnées
indifféremment, selon que l’offre ait été faite à personne déterminée ou non, par la
responsabilité délictuelle de l’auteur de la rétractation595. « Il n’est pas en effet apparu
opportun de forcer à la formation d'un contrat en cas de révocation illégitime d’une offre
faite, de même en cas d'incapacité ou de décès de son auteur »596.
Par ailleurs, les « avant-contrats », dont font partie la promesse unilatérale de contrat et le
pacte de préférence, sont insérés dans cette partie du code civil597. L’article 35 du projet
précise que le contrat conclu avec un tiers de mauvaise foi en violation d'un pacte de
préférence est nul. En outre, le projet de réforme octroie aux considérations morales une
importance certaine, une promotion de l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil, puisque la
bonne foi doit gouverner les agissements de chacune des parties598. Certains auteurs y voient
« un moyen commode de nourrir les procès les plus long en invoquant un prétendu
manquement de son cocontractant à ce principe »599.
388. - Les projets de réforme ont fait couler beaucoup d’encre, notamment au moyen de
lettres entre auteurs600.
Certains auteurs émettent des objections, « le projet donne l'impression générale d'avoir
réalisé un grand écart, faisant du copier-coller tantôt de l'avant-projet de réforme du droit
des obligations et de la prescription, tantôt des Principes du droit européen des contrats » et
que « le cocktail (qui) en ressort (n'est) guère cohérent »601 tandis que d’autres considèrent le
projet cohérent puisqu’ « à l'instar des Principes du droit européen du contrat et de l'avant594
Art. 21 du projet de réforme : « Indépendamment de toute rupture, celui qui utilise sans autorisation une
information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité délictuelle. »
Art. 22 du projet de réforme : « L’accord de principe par lequel les parties se sont engagées à négocier
ultérieurement un contrat dont les éléments restent à déterminer est soumis aux dispositions du présent soustitre ».
595
Art. 26 du projet de réforme : « La rétractation de l’offre, en violation de l’obligation de maintien prévue à
l’article 25, n’engage que la responsabilité délictuelle de son auteur sans l’obliger à compenser la perte des
bénéfices attendus du contrat ».
596
D. HOUTCIEFF, Rapport de présentation, in Blog « Faculté, Droit et Droit à la faculté », 24 sept. 2008.
597
Art. 33 à 35 du projet de réforme.
598
Art. 18 du projet de réforme.
599
L. LEVENEUR, Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats : à améliorer, Contrats, conc.
Consom. Op. Cit. nov. 2008, n° 11, p. 1.
600
R. CABRILLAC, Le projet de réforme du droit des contrats. Premières impressions, JCP 2008. I. 190. – D.
MAZEAUD, Réforme du droit des contrats : haro, en Hérault, sur le projet !, RD. 2008. p. 2675. : « Mon cher
Rémy, Je t'écris une lettre que tu liras sûrement car tu en as le temps... (…) Mais, les yeux dans les yeux, Mon
Cher Rémy, les universitaires que nous sommes sont-ils, en l'occurrence, les mieux placés pour donner des
leçons de transparence et de pluralisme ?» Le ton est donné.
601
R. CABRILLAC, Le projet de réforme du droit des contrats. Premières impressions, JCP 2008. I. 190.
projet « Catala », on intègre, comme l'avait d'ailleurs déjà fait la Cour de cassation, dans
notre modèle contractuel l'impératif d'efficacité économique du droit et on ouvre donc, plus
ou moins largement, notre tradition civiliste aux leçons de l'analyse économique du droit »602.
Le projet de réforme tend à trouver un « équilibre assez harmonieux, réalisé entre les
impératifs de liberté, de sécurité et de justice contractuelles »603.
389. - Alors même que ces mêmes projets témoignent d’ « une exigence d'« intelligibilité et
d'attractivité » du droit des contrats, mais encore d'efficacité de notre droit des contrats, dans
un contexte de mondialisation et de concurrence des droits »604, l’encadrement juridique des
négociations ne fait pas l’objet d’une attention particulière. Les questions liées à la formation
du contrat apparaissent de façon plus affirmée, mais cela ne consacre pas pour autant un
véritable régime des négociations. La liberté contractuelle est privilégiée, la recherche d’une
plus grande attention de la volonté des parties semble délaisser la possibilité d’un
interventionnisme contractuel modéré, calculé.
390. - L’élément, dont on peut être sûrs, est le fait que « la jurisprudence continuera son
travail de construction, code civil nouveau ou pas », étant donné que « la Cour de cassation
est une autorité décisionnelle créatrice de règles, la jurisprudence est une source objective de
droit, qu'on l'admire ou qu'on le regrette, de sorte que notre système est mi-légal mi
prétorien, ce dont on pourrait alors tirer quelques conclusions en termes d'organisation et de
prévisibilité »605.
391. - La question de l’intérêt au contrat tend habilement à traiter du débat sur le contrôle des
clauses des contrats d'affaires, tels que la clause de confidentialité, d’exclusivité. Ces
conventions, plus ou moins autonomes, répondent elles-mêmes à des intérêts particuliers qui
justifient leur présence, leur contrôle, leur interprétation.
Les différentes clauses permettent de mettre en lumière les intérêts distincts des parties et leur
offre la possibilité d’aménager leur contrat selon leurs souhaits. Transposé au processus de
sélection, ne pourrions-nous pas percevoir l’opportunité de recourir à de telles clauses, afin
d’aménager le déroulement des négociations pour la sélection, au gré de la volonté du
promoteur du réseau ?
602
D. MAZEAUD, Réforme du droit des contrats : haro, en Hérault, sur le projet !, RD. 2008. p. 2675.
Ibid.
604
D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats,
RD. 2009, p. 308.
605
Ibid.
603
Conclusions tirées de l’élargissement de la recherche aux frontières
internationales
392. - Les inspirations textuelles ne sont pas génératrices de l’encadrement des négociations
escompté. Le principe de liberté contractuelle absolue demeure bien encré. Dans le régime
anglo-saxon, la Chambre des Lords reste fidèle à ses fondements et ne permet aucun
changement dans sa vision traditionnelle des dispositions propres à régir la période des
négociations. En effet, elle n’entend nullement faire droit à une obligation de négocier dont la
conséquence générerait un élément contraignant à la charge des partenaires. Simultanément,
la Chambre des Lords soutient la théorie de liberté absolue des négociateurs. Celle-ci défend
le respect de la possibilité, durant les négociations, de rechercher uniquement son propre
intérêt et l’acceptation implicite des risques financiers induits par leur rupture.
Néanmoins, les précédentes observations démontrent une volonté d’unification avec les
dispositions du régime romano-germanique. Nonobstant ces efforts, les pratiques
jurisprudentielles et doctrinales révèlent les réelles lacunes dont souffre l’efficience des règles
applicables à la période précontractuelle. Le cœur de l’obstacle est de savoir s’il n’est
question que d’une période utile à une réelle application des théories ou bien si le régime est
déterminé à conserver ce blocage. Dans ce dernier cas de figure, il ne s’agirait alors que d’une
homogénéisation artificielle des dispositions mondiales.
Alors même que certains aspects étrangers, tel que l’« Agreement to negociate » paraissent
intéressants, ceux-ci manquent d’effectivité dans leur mise en œuvre et de force obligatoire.
393. - Le droit allemand apporte des réponses concrètes à l’encadrement juridique des
négociations mais semble octroyer une importance trop grande à l’interventionnisme, aux
dépens de la liberté contractuelle des parties. Aussi, il parait inadapté à l’encadrement des
dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution, de contrats d’affaires.
394. - Les principes Unidroit, tout comme leurs homologues européens606, tendent à conforter
la liberté contractuelle des parties, en prévoyant notamment un devoir de minimiser son
propre dommage607. A ce titre, tant les dispositions législatives que jurisprudentielles
606
607
Les Principes pour un droit européen des contrats.
V. Infra n° 374.
françaises différent, octroyant aux négociateurs une liberté contractuelle plus modérée608. Les
projets de réforme n’apportent pas de solutions nouvelles permettant l’encadrement juridique
du processus de sélection. Alors même que le projet de la Chancellerie de réforme du droit
des contrats fait mention des négociations dans son chapitre III, consacré à la formation du
contrat, l’incohérence de ce regroupement participe, en autres, à l’absence de reconnaissance
d’un droit émergeant des négociations. Toutefois, le projet de réforme consacre le « nouvel
essor des particules élémentaires des contrats, nouvel essor de leur contrôle et, donc, de leur
importance »609. La gestion des risques dans les négociations pour la sélection peut s’effectuer
au moyen des diverses clauses, de confidentialité, d’exclusivité, conférant aux parties la
liberté de recourir à l’encadrement souhaité, correspondant aux caractéristiques du besoin de
sélection en question.
608
609
V. Infra n° 230 et s.
Ibid.
TITRE II
La gestion des risques de la négociation dans le processus de
sélection
395. - Avant toute chose, il convient de préciser que la gestion des risques de la sélection par
un encadrement de la négociation ne vise, en aucun cas, à créer de toute pièce un contrat
« Canada-Dry »610 qui se révèle ne pas en avoir la qualité en vérité, mais seulement y
ressembler de loin, au sens juridique du terme. Tous les contrats n’ont donc pas la même force
et ne peuvent être placés au même niveau. Les protocoles d’accords et autres accords de
principe n’ont alors pas lieu de figurer dans l’analyse.
396. - L’encadrement juridique des négociations est rendu possible au moyen d’un panel de
mécanismes qui offre aux parties, mais surtout à l’initiateur de la sélection, un large choix
quant au degré d’interventionnisme contractuel souhaité. Le promoteur du réseau dispose de
divers outils juridiques, lui permettant d’aménager le déroulement des négociations et les
modalités d’exercice de son pouvoir décisionnel de sélection. Pour rendre effectif l’utilité
d’un encadrement de la sélection, l’identification des caractéristiques de chaque type de
besoin de sélection est primordiale. En effet, il parait incohérent de conférer au processus de
sélection une qualification générale, applicable à tous les besoins de sélection, aussi différents
soient-ils611. La prise en considération des risques liés à chaque besoin de sélection conduit à
trouver les encadrements opportuns.
La démarche vise à présenter une grille d’analyse des outils juridiques, mécanismes aptes à
régir chaque besoin de sélection. Le véritable intérêt est de conférer une réelle utilité des
propositions d’encadrement, dans les relations d’affaire. L’objectif soutenu tend à l’obtention
d’une réelle efficacité auprès des négociateurs. Aussi, trouver une qualification « possible »
ne saurait suffire612, il convient que celle-ci trouve une place légitime, par les avantages que
celle-ci induit, au sein même des négociations de distribution.
610
D. MAINGUY, Droit des obligations, fascicule de cours, 2007-2008.
V. Infra n° 13 et s. Chapitre I. Les contours « flous » au besoin de sélection.
612
V. Infra n° 219 et s.
611
Envisager les négociations dans le processus de sélection de façon globale ne peut être
satisfaisant. Les particularités des dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de
distribution influent considérablement sur la nature des négociations. Bien qu’il s’agisse du
régime précontractuel des négociations, les négociations pour la sélection ne porteront non
pas sur le contrat projeté, mais sur l’identité de la personne choisie pour conclure ledit contrat.
Les candidats distributeurs ne pourront que, très rarement et avec une marge de manœuvre
restreinte, transiger sur les dispositions du contrat-cadre de distribution. Le franchisé pourra
« négocier » les investissements à réaliser mais de manière réellement accessoire. Lorsque le
candidat franchisé ne dispose pas d’une assise financière suffisamment confortable pour lui
permettre de réaliser les investissements nécessaires à l’intégration dans le réseau, le
franchiseur détournera son choix de cette personne.
397. - Dès lors, le processus de sélection s’articule autour de deux moments principaux, la
rencontre avec les candidats distributeurs « présélectionnés »613 avec lesquels le promoteur du
réseau entrera en négociation, pour obtenir davantage d’informations sur les aptitudes des
candidats, afin de débuter sa sélection. Le second temps relève du seul pouvoir de sélection de
l’initiateur du réseau, qui exprime sa volonté de sélectionner les candidats. Tout
naturellement, la gestion des risques liés à la sélection doit s’appliquer à identifier
l’opportunité des différentes modalités de l’encadrement correspondant à chaque type de
besoin de sélection lors de la conduite des négociations (Chapitre I), puis au moment décisif
du choix du promoteur du réseau des distributeurs sélectionnés, la finalité première des
négociations (Chapitre II).
613
Le promoteur du réseau effectue une phase de présélection afin de ne rencontrer que les candidats a priori
retenus pour intégrer le réseau de distribution. Débuter une période de négociation avec l’ensemble des
postulants est matériellement inconcevable dans la franchise commerciale ou la concession exclusive. Le
système de distribution sélective est exclu de ce raisonnement, notamment par le fait que cela reviendrait à violer
l’obligation d’objectivité et de non-discrimination, à la charge de la tête de réseau. Aussi, la sélection pour la
constitution d’un réseau de distribution sélective semble constituer une limite à la possibilité d’aménager
contractuellement la sélection.
Chapitre I
La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus
de sélection
398. - Le droit de la responsabilité civile confère au principe de liberté contractuelle des
parties une importance telle que l’encadrement des négociations informelles est quasiinexistant. L’encadrement se borne à ne sanctionner que l’abus dans la conduite des
négociations, par l’engagement de la responsabilité de la partie ayant délibérément induit en
erreur son partenaire quant à ses réelles intentions614. Néanmoins, dans le contexte des
relations d’affaires, la possibilité de négocier de manière informelle présente des avantages,
notamment par la grande latitude octroyée aux parties. Le promoteur du réseau présentant un
besoin de sélection ne nécessitant pas une grande protection, sans savoir-faire par exemple,
peut trouver satisfaisant ce faible encadrement (Section 1). D’autres besoins de sélection
nécessitent une plus grande sécurité, ce qui conduira l’initiateur de la sélection à se détourner
du régime des négociations informelles pour un encadrement contractuel, plus élaboré.
La recherche de qualification pour chaque processus de sélection a permis de retenir le contrat
de négociation ; outil contractuel, a priori, conforme aux attentes d’un encadrement organisé,
sécurisant sans toutefois être oppressant et réducteur de liberté aux dépends des parties.
L’étude ne peut se contenter de seules intuitions et doit identifier, pour chaque type de besoin
de sélection, l’encadrement juridique adapté. Les caractéristiques du contrat de négociation
permettent d’identifier les besoins de sélection nécessitant cet encadrement contractuel
(Section 2).
614
V. Infra n° 234 et s.
Section 1/ L’opportunité d’un faible encadrement par le droit de la
responsabilité civile
399. - La gestion informelle des négociations est une aubaine pour certains promoteurs de
réseau afin de mettre en œuvre leur besoin de sélection, sans être contraints par le respect de
dispositions contractuelles, réductrices de leur liberté (Paragraphe I). La détermination des
besoins de sélection satisfaits par le seul encadrement du droit de la responsabilité civile tend
également à percevoir ses limites ; certains besoins de sélection nécessitent un encadrement
contractuel, plus élaboré (Paragraphe II). Les particularités propres à chaque type de besoin
de sélection mettent en lumière les enjeux des processus de sélection ; enjeux qu’il convient
de relever au moyen des différents degrés d’encadrement proposés.
Paragraphe I/ La consécration de la liberté contractuelle par la gestion
informelle des négociations
400. - L’initiateur d’un réseau de distribution est confronté, pour l’élaboration et la mise en
œuvre d’un processus de sélection, au respect d’exigences légales et jurisprudentielles 615. La
défense des enjeux concurrentiels conduit à opérer un contrôle de la sélection, du fait
notamment de l’éviction de certains opérateurs qu’elle induit 616. Aussi, le promoteur du
réseau, s’il ne présente aucun intérêt en un encadrement contractuel de son besoin de
sélection, refusera de réduire son pouvoir de négociation (I). L’identification des besoins de
sélection, pour lesquels le fournisseur ne manifeste pas d’intérêt à organiser contractuellement
la négociation, est alors possible (II).
I/ L’expression de la liberté contractuelle du promoteur du réseau
401. - Le législateur, rapidement suivi par la jurisprudence, refuse d’admettre un
interventionnisme permettant de régir les dispositions encrées dans la période informelle,
précontractuelle. Les décisions jurisprudentielles demeurent rares et discrètes concernant la
615
616
V. Infra n° 57 et s.
V. Infra n° 142 et s.
question. Les modifications législatives617 tendent, au contraire, à assouplir la gestion des
négociations. Octroyer une plus grande liberté aux parties, au nom d’une volonté de faciliter
les relations commerciales, connote une tendance générale à ne pas intervenir, au laisser-faire
comme l’imaginait Adam Smith en défendant le libéralisme économique.
Le pouvoir de chacune des parties au sein des pourparlers semble être une question centrale
au sein du processus de sélection. En effet, en l’absence d’un équilibre des pouvoirs, seul le
négociateur le plus fort aura la capacité décisionnelle. Le pouvoir permet de mobiliser des
ressources vers les objectifs à atteindre. L’environnement de la négociation est à la fois
créateur de contraintes et de ressources. De manière générale, « dans une relation de
négociation le pouvoir de a sur b est la capacité que manifeste a, dans sa négociation avec b,
d'obtenir les termes d'un échange qui lui soit favorable »618.
Certains auteurs affirment que les contrats de distribution sont des contrats de dépendance
dans lesquels le distributeur est la partie la plus faible619. Selon cette conception, l’absence
d’un véritable pouvoir de négociation est à constater, au profit de la liberté décisionnelle du
fournisseur. Il convient de nuancer cette conception par l’élément principal qui caractérise la
sélection, les négociations ne portent pas sur les dispositions du contrat-cadre de distribution
prévu, mais sur la personne du candidat. Dans le processus de sélection, le fournisseur prend
seul la décision finale, sélectionner le candidat ou y renoncer.
402. - Aussi, le promoteur du réseau peut, du fait de l’encadrement minime du droit de la
responsabilité, bénéficier une liberté dans la conduite des négociations. La loyauté et la bonne
foi doivent gouverner la conduite des négociations, afin d’opérer un faible contrôle de cellesci620. Dans une démarche méthodologique, la détermination des besoins de sélection,
correspondant aux seules négociations informelles, est utile.
617
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a modifié l’article L. 442-6 du Code de
commerce : la liberté de négocier les prix est consacrée ; l’article L. 441-6 du Code de commerce : les règles de
transparence précontractuelles sont assouplies.
618
N. A. CHAMBERLAIN, and J. W. KUHN, Collective Bargaining, 2nd ed., McGraw Hill, New York, 1965 in
J. ROJOT, La gestion de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 447.
619
F. de BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, L.G.D.J, 2007.
620
V. Infra n° 230 et s.
II/ Les contours du besoin de sélection nécessitant un faible encadrement
403. - Les contours de chaque besoin de sélection sont difficilement perceptibles du fait que
chaque réseau de distribution présente des nécessités divergentes. Chaque promoteur de
réseau de distribution présente un besoin de sélection unique, reposant sur la réunion d’un
nombre important d’éléments. Toutefois, les besoins de sélection peuvent être regroupés
autour de spécificités communes. Il peut notamment s’agir la nécessité d’opérer un contrôle
de la commercialisation des produits, ou bien d’obtenir une efficience économique et
commerciale.
404. - En l’absence d’un savoir-faire, induisant la nécessité de protéger des informations
confidentielles, ou alors d’un besoin d’obtenir l’exclusivité des candidats distributeurs, le
fournisseur ne trouvera pas d’intérêt à un encadrement contractuel. La gestion informelle des
négociations est opportune pour régir des besoins de sélection peu élaborés, qui présentent un
niveau de risque lors des négociations relativement faible. A titre d’exemple, le franchiseur
ayant développé un savoir-faire logistique, ne présente qu’un besoin moindre de prévoir une
clause de confidentialité pendant les pourparlers puisque seuls les distributeurs sélectionnés
peuvent accéder au savoir-faire par l’appartenance au réseau de distribution.
405. - Le choix de l’encadrement résulte de la mise en balance des risques induits par la
sélection et de la volonté du fournisseur de conserver la plus grande latitude, liberté dans la
réalisation de son pouvoir décisionnel. Le seul encadrement par le droit de la responsabilité
civile connote un niveau de risque moindre, insuffisant à justifier une réduction de la liberté
du promoteur de réseau. Dans le cas contraire, le niveau de risque étant important, la tête du
réseau privilégiera un encadrement contractuel, en conciliant les impératifs de protection, des
informations confidentielles par exemple, et la nécessité de conserver sa liberté décisionnelle.
Paragraphe II/ L’insuffisance de l’encadrement par le droit de la
responsabilité civile
406. - Le droit de la responsabilité civile présente un encadrement inadapté à certains besoins
de sélection, présentant une nécessité de protection, de sécurité (I). Un moyen alternatif au
contrat de négociation est la conclusion d’une promesse unilatérale de contracter par les
candidats distributeurs (II).
I/ La nature du besoin de sélection, insatisfait par le faible encadrement de la
responsabilité civile
407. - La longueur et la complexité des négociations sont souvent proportionnelles à
l’importance du contrat projeté. Pour faciliter le déroulement des négociations, au sein du
processus de sélection, l’initiateur du réseau peut aménager contractuellement les risques
identifiables, en fonction de la nature du besoin de sélection en cause.
408. - Au vu des constatations précédentes, les besoins de sélection ne présentant pas de
risque d’atteinte à des informations confidentielles, à un savoir-faire logistique, ou ne
nécessitant pas une exclusivité de part les candidats distributeurs, sont satisfait pas le faible
encadrement des négociations informelles.
Dès lors, l’on peut en déduire, a contrario, que l’exigence de confidentialité et d’exclusivité
semblent être les deux éléments essentiels, incitant les promoteurs de réseau à organiser
contractuellement les modalités de la conduite des négociations. Avant d’envisager
l’opportunité de l’encadrement du contrat de négociation, adapté aux nécessités de certains
besoins de sélection, le fournisseur peut choisir de faire consentir aux candidats distributeurs
une promesse unilatérale, afin de garantir leur consentement quant à la conclusion du contratcadre de distribution.
II/ La possibilité de recourir à la promesse unilatérale de vente
409. - La promesse unilatérale de contracter est la convention par laquelle un individu, le
promettant s’engage envers un autre qui l’accepte, le bénéficiaire, pour conclure un contrat
dont les conditions sont dès à présent déterminées, si celui-ci le lui demande dans un certain
délai. Le bénéficiaire de la promesse, l’initiateur du réseau, prend acte de l’engagement du
promettant, le candidat distributeur, mais ne promet pas de conclure le contrat définitif621. Le
fournisseur du réseau conserve sa liberté décisionnelle de sélectionner le candidat revendeur
ou bien de renoncer à conclure un contrat-cadre de distribution avec celui-ci. Le fournisseur
peut alors tranquillement étudier l’opportunité de sélectionner ce candidat distributeur à telle
ou telle condition. Le promettant s’engage dès la conclusion de la promesse tandis que le
bénéficiaire ne s’engage à conclure le contrat qu’au moment de la levée de l’option. Jusqu’à
la levée de l’option, le fournisseur est bénéficiaire d’un droit personnel, un droit potestatif qui
lui confère le pouvoir de conclure le contrat définitif.
410. - Le promoteur du réseau, en faisant conclure à chacun des candidats distributeurs une
promesse unilatérale de contracter, sécurise la conduite des négociations. Celui-ci anticipe le
risque lié à la renonciation par un candidat revendeur de faire l’objet de la sélection par la tête
au réseau, au profit par exemple d’un autre réseau de distribution. En effet, il est possible que
le candidat distributeur « postule » pour intégrer simultanément dans plusieurs réseaux de
distribution, afin de multiplier ses chances d’être sélectionné. Dans l’hypothèse où le candidat
est sélectionné par les deux fournisseurs, celui-ci renoncera à conclure l’un des deux contratscadre de distribution. L’initiateur de la sélection ayant divulgué des informations précieuses
au candidat distributeur observera l’atteinte ainsi portée à son réseau, à son savoir-faire
commercial, par le distributeur nouvellement intégré à un réseau concurrent.
Aussi, la conclusion par les candidats distributeurs de promesses unilatérales de contracter
permet de minimiser les risques. La promesse unilatérale de contracter peut être soumise à la
réalisation d’une condition suspensive, l’obtention d’un crédit par exemple par le candidat
distributeur, afin de pouvoir effectuer les investissements nécessaires à l’intégration dans le
réseau.
411. - Cependant, la promesse unilatérale de contracter peut être empreinte d’insécurité 622. La
jurisprudence autorise le promettant à rétracter son engagement avant la levée de l’option par
le bénéficiaire, sans craindre que celui-ci puisse obtenir une exécution forcée de
l’obligation623. Au vu des analyses précédentes, l’acceptation de la promesse n’emporte pas le
621
F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 9e éd., Précis Dalloz, n° 191 et s., p.
193 et s.
622
V. Infra n° 277 et s.
623
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199.
consentement du promettant à la conclusion du contrat définitif. Le candidat distributeur ayant
consenti une promesse unilatérale de contracter bénéficie d’une faculté de rétractation.
412. - Néanmoins, alors même que le candidat distributeur peut anéantir la promesse
unilatérale de contracter qu’il a consentie, le promoteur du réseau obtiendra réparation du
préjudice causé, tandis que la seule responsabilité civile ne permet pas l’engagement de la
responsabilité de la partie qui refuse de conclure le contrat définitif. Les négociations
informelles ne sanctionnent pas l’échec des négociations, le fait pour le candidat distributeur
de quitter la table des négociations. La conclusion d’une promesse unilatérale par chacun des
candidats distributeurs tend à sécuriser le processus de sélection.
Bien que le promettant dispose d’un droit de rétractation, la Cour de Cassation a récemment
jugé que l’article 1142 du Code civil ne s’impose qu’à défaut de stipulation contraire624.
L’efficacité de la promesse relève désormais des parties, libres d’imposer son exécution en
nature. C’est parce qu’elles n’auront pas pris cette précaution que ce texte conservera son
empire.
Cependant, la solution n’a que peu d’intérêt ; l’exécution forcée autorisée judiciairement ou
conventionnellement est confrontée aux particularités inhérentes aux relations d’affaires, de
distribution. L’exécution d’un tel accord va faire naître une relation durable, propice à de
nombreux échanges, à l’instauration de relations commerciales de confiance. Le contrat-cadre
implique une collaboration entre les parties, collaboration évidement inexistante en cas de
« forçage » du contrat.
Si le franchisé par exemple, promettant, rétracte sa promesse, le forcer à intégrer le réseau
témoignerait de conditions de travail infructueuses. Les enjeux propres à la sélection pour la
constitution d’un réseau de distribution tendent à amoindrir le sens de cette solution,
l’exécution forcée étant inefficiente.
413. - Les parties peuvent aménager contractuellement les conséquences du non-respect de
son obligation par le promettant par la stipulation d’une clause de dédit. Dans cette hypothèse,
le promettant, candidat distributeur, se voit consacrer contractuellement un droit de ne pas
conclure le contrat-cadre de distribution et le bénéficiaire, la tête de réseau a, de son côté, la
624
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS D, Sté Ogic c/ SCI Foncière Costa et a., Juris-Data n° 2008043404.
garantie de percevoir la somme prévue dans la promesse, le dédit n’étant pas révisable. La
faculté de dédit ne fait pas perdre à la promesse son caractère unilatéral625.
414. - Le contrat de négociation assure davantage de prévisibilité aux parties, octroyant ainsi à
la tête de réseau la possibilité d’aménager les modalités de la négociation ; l’encadrement
contractuel les risques liés à la conduite des pourparlers étant générateur de sécurité.
625
Cass. com., 14 juin 1982, n° 81-10.195, Gaz. Pal. 1983, 1, pan., p. 19, obs. J. DUPICHOT.
Section 2/ L’opportunité d’un encadrement contractuel « à la carte »
415. - Le contrat de négociation présente des particularités qu’il convient d’adapter au
processus de sélection afin de vérifier si la sélection peut être appréhendée par cet outil
contractuel. Alors même que la création d’une structure contractuelle pour l’organisation des
négociations génère des obligations à la charge des parties, celles-ci disposent d’une grande
liberté contractuelle, dans la détermination des dispositions du contrat de négociation. Ce
contrat « à la carte » est propice au déploiement du processus de sélection puisque les parties
peuvent aménager les aspects contraignants, selon leurs souhaits.
416. - La perception de l’opportunité d’encadrer contractuellement les négociations lors du
processus de sélection est fondamentale. Cette première étape tend à identifier les besoins
issus de la sélection et ainsi préjuger de la nécessité de recourir au contrat de négociation
(Paragraphe I). Aussi, les attentes propres aux pourparlers dans la distribution doivent
pouvoir être satisfaites par les caractéristiques de cet encadrement. Les contours des besoins
de sélection dont l’encadrement contractuel est opportun sont alors identifiables
(Paragraphe II). Cela permet de conférer une grille d’analyse aux promoteurs de réseau afin
que ceux-ci déterminent en fonction des particularités du besoin de sélection qu’ils présentent,
l’encadrement préconisé.
Paragraphe I/ Les synergies de l’organisation contractuelle des négociations
pour la sélection
417. - Les éléments influençant le recours à l’encadrement contractuel sont multiples, ceux-ci
proviennent des particularités de la conduite des négociations pour la sélection mais
également de l’analyse économique des enjeux en cause (I). Les négociations pour la
sélection portent majoritairement sur les candidats distributeurs ; le principal intérêt du contrat
de négociation étant de prévoir des clauses pour sécuriser notamment les informations
confidentielles et non pas de transiger sur le contenu du contrat-cadre de distribution.
Néanmoins, l’étude ne peut écarter l’aspect premier du contrat, les modalités de la
négociation. L’obligation de négocier de bonne foi, particularité essentielle du contrat de
négociation, est transposable au développement de la sélection (II).
I/ Les stimuli influençant l’édification d’un cadre contractuel au processus de sélection
418. - L’organisation des négociations dans la sélection se justifie par les synergies que
l’encadrement crée, du fait de la réponse à des nécessités concrètes (A) ; synergies confortées
par l’analyse économique (B).
A/ La nécessité d’organiser le déroulement des négociations
419. - Les éléments induisant la réussite des négociations (1/), conjugués aux besoins propres
aux dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution, aux négociations
d’affaires (2/) attestent de l’opportunité de mettre en place un contrat de négociation, en
présence de certains besoins de sélection particuliers, qu’il conviendra d’identifier ensuite626.
1/ Un encadrement favorable à la naissance réussie des relations d’affaires
420. - « La négociation pourra apparaître comme poursuivant des impératifs contradictoires
puisqu'il s'agira, d'une part, d'établir un document traduisant clairement la volonté des
parties et que, d'autre part, l'équilibre contractuel résultera d'un compromis entre des intérêts
antagonistes »627.
Les partenaires présentent des intérêts divergents, n’ayant pas le même angle de vue, tout en
souhaitant trouver le point de conciliation traduisant leur intérêt commun.
421. - L’objectif principal conduisant à l’élaboration d’un accord de négociation dont l’objet
est la sélection des distributeurs, c’est-à-dire un accord de sélection, est la création de
dispositions protectrices à l’égard des deux partenaires. Il s’agit de s’assurer d’un certain
niveau de sécurité juridique afin d’influencer le développement des négociations. Comme il a
été discuté précédemment, des études ont démontré que le fait de réduire la liberté
précontractuelle des parties au profit de l’insertion de règles sanctionnant certains
comportements fautifs, est bénéfique.
L’abbé Lacordaire précisait qu’ « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi
qui libère ». L’objectif poursuivi par le législateur atteste de l’intérêt porté au principe de
626
627
V. Supra n° 441 et s.
X. BIRBES, L'objet de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 471.
protection du faible par les lois et de son extension, après le salarié, le locataire et le
consommateur, au professionnel, notamment avec l’article L. 442-6 du Code commerce. Un
recul mesuré de la liberté contractuelle des parties au profit de l’édification de dispositions
sécurisantes, sortes de gardes fous, est générateur de relations de confiance dans lesquelles
des obligations de loyauté, de bonne foi doivent être respectées.
Alors même que ces concepts sont véhiculés implicitement dans tout type de relation
contractuelle, le paysage du droit de la distribution et notamment dans le processus de
sélection appelle à une méfiance. En effet, les rapports inégalitaires préexistants dans la phase
de sélection remettent en cause l’automatisme de la référence à des notions de bonne foi,
loyauté. L’on perçoit alors tout l’intérêt qui réside dans l’édification d’un cadre propice au
développement de telles considérations tout en préservant la liberté indéniable à la réussite
des enjeux financiers.
422. - Le fait de s’engager dans une phase de négociation doit permettre la création de bases
solides à l’intervention d’un contrat-cadre de distribution. Toutefois, celle-ci est génératrice
de risques et de coûts. Le promoteur du réseau, tout comme le candidat distributeur, décident
conjointement d’entrer dans une période au cours de laquelle ils dévoileront des informations,
parfois secrètes constitutives de savoir-faire. Les enjeux induits par un échec des négociations
sont alors synonymes de pertes sèches en matière financière mais également de temps perdu.
En effet, « la négociation dans son résultat global implique des coûts en temps, en énergie, en
concessions qui diminuent l’utilité pour les parties intéressées ». Ainsi, les parties
déterminent, chacune de leur côté, « par intuition ou d’une manière implicite un coût
d’opportunité pour la négociation »628.
423. - L’émergence d’un encadrement contractuel octroie simultanément un régime de liberté
de choix tout en luttant efficacement contre l’installation d’une insécurité, caractérisée par des
comportements déloyaux.
628
C. DUPONT, La négociation : condition, théorie, application, 2ième éd. Dalloz, 1986, p.10.
2/ Les besoins issus des spécificités propres à la phase précontractuelle des contratscadre de distribution
424. - Les enjeux tendant à la réussite de l’issue des négociations et à la concrétisation des
conséquences du processus de sélection sont capitaux pour le candidat distributeur629. Le
distributeur sélectionné bénéficie des effets du contrat-cadre de distribution, qui est à l’origine
de sa relation avec le fournisseur, tout en conservant son indépendance juridique. Le futur
revendeur, par l’octroi d’une indépendance juridique, ne perçoit pas en priorité le degré de
latitude quant aux choix qu’il pourra effectuer et aux décisions dont il sera l’auteur ou le
coauteur. L’élément fondamental qui retient toute son attention est l’engagement quasi
systématique de sa responsabilité.
Ainsi, la volonté d’adhérer au sein de tel ou tel réseau de distribution est calculée avec
discernement. Le candidat effectue une recherche lui permettant de préjuger quant à la santé
financière du réseau de distribution et à l’aide d’analyses, celui-ci transige sur le fait de savoir
si son intégration sera profitable. Les effets induits par la conclusion d’un contrat-cadre de
distribution sont d’autant plus conséquents et cruciaux pour le futur revendeur que la
collaboration à laquelle il se destine l’engagera dans des relations de longue durée.
425. - Par ailleurs, les constats précédents sont en mesure de témoigner de l’importance pour
la tête de réseau de sélectionner le bon candidat. En l’absence d’un processus de sélection
mené à bien, les retombées d’une mauvaise gestion et d’un travail non conforme aux attentes
des consommateurs d’un distributeur portent préjudice à l’ensemble du réseau et nuisent à
l’enseigne commune, à tous les revendeurs630. La tête de réseau doit donc se réserver
d’effectuer un processus de sélection de manière accélérée. Le fournisseur prend le soin de
vérifier, point par point, l’adéquation entre les caractéristiques du candidat et la demande
émanant du réseau.
426. - Par conséquent, la phase de préparation pour la conclusion d’un contrat-cadre de
distribution ne peut répondre aux exigences, notamment d’investigation, sans le bénéfice d’un
délai raisonnable. Eu égard à toutes les précautions déployées par chacune des parties, la
période lors de laquelle est réalisée le besoin de sélection est relativement longue631.
Néanmoins, il convient de se réserver de conclusions empreintes de naïveté et convenir du fait
629
Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2ième éd., Litec, 2007, n° 548, p. 249.
V. Infra n° 22.
631
Enquête annuelle Banque Populaire / FFF / CSA 2006 : le parcours du candidat à l’entrée dans un réseau n’est
pas inférieur, en moyenne, à six mois, entre le premier contact et la signature du contrat.
630
que généralement le temps de la sélection, en lui-même, est court. Le fournisseur prépare un
contrat d’adhésion à l’appui de ses seules déterminations et le présente au candidat
distributeur632. Dans ce cas, ce dernier ne peut, finalement, qu’accepter ou refuser.
427. - Aussi, il est bon de rappeler que la distinction entre les deux temps du processus de
sélection, la conduite des négociations et la décision de sélection du promoteur du réseau, se
justifie là encore. Le temps de la négociation est relativement long tandis que la mise en
œuvre du pouvoir décisionnel de la tête de réseau tend à s’effectuer en un trait de temps.
La rencontre classique des volontés, par laquelle « les parties se contentent de penser à leur
double adhésion à un système contractuel que le législateur, du lieu et du moment, a, souvent,
élaboré par le jeu de constructions supplétives »633, ne peut s’ajuster aux impératifs des
contrats de distribution. « Ces contrats nécessitent une élaboration juridique beaucoup plus
longue que les contrats classiques, car ils sont beaucoup plus complexes. Ils impliquent une
montée par étapes progressives vers l’accord contractuel »634. Les caractéristiques varient
d’une relation à une autre puisque les paramètres dépendent de chaque courant d’affaires.
Nombres d’efforts sont consacrés à la prévision et la préparation de l’instrument de la
première relation contractuelle.
B/ L’intérêt du contrat, au regard de l’analyse économique : les conclusions tirées de la
théorie des jeux
428. - « Le non-juriste a surtout rappelé au juriste - qui l'oublie trop souvent - un point
essentiel à notre conception même du contrat : toute négociation part d'une compétition, d'un
conflit pour le résoudre par une coopération préférée à un brutal et simple rapport de
forces »635.
632
Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2ième éd., Litec, 2007, n°560, p.253.
J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat de distribution, éd. F. Lefebvre, 2001,
n°13, p.30.
634
J. CEDRAS, L’obligation de négocier, RTD com. 1985, p. 273, n°9.
635
J-M MOUSSERON, Rapport de synthèse du colloque « La négociation du contrat », le 19 mai 1998, organisé
par l'Université des sciences sociales de Toulouse (Toulouse I), centre de droit privé, in D., RTD com. 1998 p.
559.
633
429. - La théorie des jeux, ou plus exactement les théories des jeux puisqu’il existe plusieurs
variantes de celle-ci, est symbolisée par le dilemme du prisonnier. Il convient préalablement
de comprendre ce en quoi consiste la mise en œuvre de la théorie (1/) pour ensuite opérer des
constats en effectuant des parallèles avec le processus de sélection, la négociation en vue de la
sélection (2/).
1/ Les modalités de la théorie des jeux
430. - Il s’agit de deux prisonniers, séparés l’un de l’autre, auxquels l’on propose une série
d’alternatives concernant la peine de prison ou la liberté qui leur sera appliqué en fonction de
leurs agissement respectifs. La personne, organisatrice de la théorie, promet à chacun qu’en
cas d’aveu, s’il dénonce l’autre, il sera libéré et l’autre condamné à dix ans de prison, que s’ils
se dénoncent tous deux, ils écoperont de cinq ans et que si aucun ne se dénoncent, ils subiront
une peine de un an. Les deux personnes ont donc tout intérêt à coopérer afin de bénéficier,
tous deux, de la peine la plus faible. Le fait de coopérer est plus profitable que la noncoopération636. Cependant, les prisonniers ne peuvent s’entendre quant à une stratégie,
échangeant ainsi leur consentement sur la stratégie qu’ils adoptent.
2/ La réception de la théorie des jeux pour la négociation dans la sélection
431. - En transposant cette théorie à notre problématique contractuelle, l’on perçoit alors
l’opportunité de transiger quant à la création de règles afin de maximiser les intérêts des
parties. Les jeux coopératifs s’apparentent à la théorie économique de la négociation. Il est
nécessaire de maîtriser les deux outils d'analyse des situations de négociation : la rationalité
limitée et le pouvoir.
432. - « Les individus ne sont ni (seulement) une main (comme le sous-entendent Taylor et
l'école classique du management) ni (seulement) un cœur (comme le sous-entendent Mayo et
l'école des relations humaines), ils sont aussi et surtout un cerveau »637. Les individus sont
rationnels mais cette rationalité est limitée.
636
D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, 2008.
M. CROZIER, Le phénomène bureaucratique, Paris, Ed. du Seuil, 1963 in J. ROJOT, La gestion de la
négociation, D., RTD com. 1998 p. 447.
637
433. - Le négociateur est enfermé dans une version particulière du célèbre dilemme du
prisonnier. L’application de la théorie des jeux à la négociation conduit les parties à devoir
opérer un choix quant à leur stratégie. Celles-ci doivent osciller entre comportement
coopératif ou conflictuel. « Les stratégies conflictuelles constituent le processus grâce auquel
chaque partie essaie de maximiser sa propre part dans le contexte de paiements considérés
comme à somme fixe. (…) Les stratégies coopératives constituent le processus à travers
lequel chaque partie prend en compte les besoins de l'autre à côté des siens propres et tente
d'accroître la taille des gains communs »638.
L’élaboration d’un contrat de négociation, dont l’objet est l’encadrement du processus de
sélection se doit d’être générateur d’agissements coopératifs. Au lieu d’être distributif et de
percevoir le résultat des pourparlers de façon absolue, avec irrémédiablement un perdant et un
gagnant, l’intérêt de l’encadrement est de permettre une solution « intégrative », de « winwin ».
434. - La contractualisation des relations commerciales de distribution, dans leur phase de
préparation est parfois difficile du fait des spécificités tenant au caractère informel des
affaires. L’intérêt de recourir à un encadrement des dispositions situées dans la période des
négociations est d’apporter une sécurité aux parties. L’objectif soutenant un certain degré
d’interventionnisme permet d’aménager la législation des parties et confère aux notions de
bonne foi, de loyauté une force obligatoire puisqu’étant insérées dans le contrat de
négociation.
II/ L’objet du contrat : l’obligation de négocier transposée au processus de sélection
435. - L’appréhension de la particularité essentielle du contrat de négociation (A) doit
permettre d’envisager la possibilité d’adaptation à la sélection. L’insertion d’une obligation
d’entrer en discussion dans le processus de sélection semble juridiquement réalisable (B).
638
J. ROJOT, La gestion de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 447.
A/ Les caractéristiques du contrat de négociation : les modalités de l’obligation
essentielle de négocier
436. - Le contrat de négociation, peut être perçu comme « l'accord par lequel deux parties
s'engagent, l'une envers l'autre, non point à conclure mais à négocier un second contrat dont
elles ne précisent ni les clauses accessoires ni les clauses essentielles »639.
L’objectif soutenu par l’émergence d’un contrat préparatoire est de générer des obligations
juridiques de sorte à régir la conduite des négociations. L’intérêt de régir cette phase
informelle, influencée par le secret des affaires, réside dans le fait d’imposer aux partenaires
de s’assoir à la table des négociations pour entreprendre ou poursuivre les discussions. Il n’est
pas nécessaire qu’une telle obligation soit expressément stipulée, cela résulte naturellement de
la situation, de l’essence même du contrat de négociation640. L’obligation de nouer le dialogue
est une obligation de résultat ; le seul fait de ne pas participer à la négociation du contrat suffit
à entraîner la responsabilité contractuelle du négociateur coupable d’une telle abstention641.
437. - Par ailleurs, les négociateurs s’octroient une protection mutuelle par la manière dont les
pourparlers se dérouleront puisqu’ils s’imposent le respect de l’obligation de conduire les
discussions de bonne foi. Le second volet de l’exigence est une obligation de moyen. Bien
que la bonne foi soit reconnue par la jurisprudence, celle-ci la fonde davantage sur la morale,
tandis que la bonne foi telle qu’elle est visée à l’article 1134 alinéa 3 du Code civil présente
un fondement juridique textuel, contractuel solide. Cependant, bien que les intéressés soient
tenus d’agir du mieux que possible pour aboutir à l’accord définitif, ceux-ci ne sont nullement
contraint d’y parvenir642.
438. - En cas d’inexécution, le fondement contractuel est naturellement retenu, avec
notamment l’application de l’article 1147 du Code civil. Les juges n’hésitent pas à rappeler
que « les parties ont entendu, après divers contrats préalables, organiser contractuellement
leurs négociations, (…), il en résulte, contrairement à ce qu’à estimé le tribunal, des
obligations non pas de nature quasi délictuelle mais de nature contractuelle »643. En outre,
639
J.-M. MOUSSERON, La durée dans la formation des contrats, Mélanges JAUFFRET, p. 513 et s.
Cependant, une telle obligation gagnera à être expresse.
641
A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 568, p. 349.
642
Cass. soc., 19 déc. 1989, RTD civ. 1991. 330, obs. J. MESTRE.
643
CA Versailles, 21 sept. 1995, Société Poleval c/ Société Laboratoires Sandoz, RTD civ. 1996, p. 145, obs. J.
MESTRE, pourvoi rejeté par Cass. com., 7 avr. 1998, n° 95-20.361, JCP éd. E 1999, p. 579, note J. SCHMIDT.
640
« La rupture des pourparlers qui résultent du contrat de négociation, si elle est fautive,
constitue une défaillance contractuelle »644.
B/ La tentative de transposition de l’obligation de négocier au processus de sélection
439. - Les parties s’engagent à entrer dans une phase de pourparlers dont l’objet principal est
la sélection et doivent évoluer de bonne foi. L’imposition d’une obligation de négocier peut
poser quelques difficultés. L’initiateur d’un réseau de distribution ne peut, matériellement
parlant, être contraint d’entrer en pourparlers avec l’ensemble des candidats distributeurs. Une
adaptation est indispensable. La conclusion d’un contrat de négociation ne peut avoir lieu d’à
l’issue d’une première phase de sélection. Cela signifierait alors que le fournisseur, après
avoir écarté une première vague de candidats, ne conclut de contrat de négociation qu’avec
certains futurs revendeurs. L’objectivité et la non-discrimination inhérentes à la distribution
sélective ne permettent pas des tels agissements. Aussi, deux hypothèses sont à retenir ; soit le
promoteur du réseau conclut autant de contrat de négociation que de candidat distributeurs,
soit il n’en conclu qu’un seul avec le candidat qu’il souhaite retenir.
440. - Afin de pouvoir conclure quant à l’utilité de l’encadrement, il semble opportun de
poursuivre la tentative de transposition du contrat de négociation aux spécificités de la
sélection. L’instrument contractuel confère aux parties une grande liberté, une marge de
manœuvre considérable. Le contrat de négociation permet notamment de recouvrir en son sein
l’exclusivité
des
négociations,
la
confidentialité
des
informations
échangées,
l’accomplissement d’études préalables. L’engagement de la responsabilité en cas de
manquements aux clauses insérées dans le contrat vise à consacrer une primauté à la
confiance et à la transparence dans les relations. La contractualisation ne doit pas être perçue
ici comme un moyen de contraindre les parties au respect de tel ou tel modalité mais plutôt
comme une manière de créer un contrat « sur mesure »645, spécialement adapté aux besoins du
courant d’affaires en question.
644
645
CA Paris, 7 nov. 2002, RTD civ. 2003, p. 76, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 588, p. 358.
Paragraphe II/ L’identification des besoins de sélection nécessitant un
contrat de négociation
441. - « Construire un contrat consiste à répondre à toute une série - et mieux : tout un
système - de questions. La tâche première est, donc, de poser le maximum d’interrogations et,
à cette fin, d’analyser au mieux l’opération envisagée. Les rédacteurs de contrats devront
imaginer l’opération par laquelle ils se rapprochent en envisageant, outre le schéma optimal
de la relation souhaitée, tous les cas de figure qui peuvent se présenter en laissant, de temps
en temps, leur imagination, rose ou noire vagabonder. Revenant au tracé principal, ils
disciplineront leur réflexion en multipliant les constructions selon l’articulation binaire : « A
fait ceci – A ne fait pas ceci » et en envisageant ce qui devra se produire dans l’une puis dans
l’autre hypothèse : les constructeurs de contrats retrouvent, alors, la technique de
l’arborescence chère aux concepteurs de banques de données informatisées. Ce travail fait
essentiellement appel à l’analyse pour la formulation des problèmes et à l’expérience et/ou
l’imagination pour la conception des solutions »646.
442. - L’encadrement est contractuel, il s’agit de créer la loi des parties, selon leurs besoins et
souhaits. Aussi, celles-ci sont libres de choisir les dispositions générales du contrat de
négociation, tout comme les modalités de la négociation (II). La détermination des contours
aux besoins de sélection pour lesquels l’encadrement contractuel est nécessaire afin
d’apporter des précisions sur la construction du contrat de négociation (I). L’objectif n’est pas
de dresser une liste exhaustive des clauses impératives dans un contrat de négociation pas plus
que de proposer un contrat type au processus de sélection. Il s’agit seulement d’attirer
l’attention sur les clauses qui semblent incontournables dans la sélection et celles, plus
générales.
I/ Les caractéristiques essentielles des besoins de sélection justifiant le recours au contrat
de négociation
443. - Alors même qu’il est fait mention d’un besoin de sélection dans son aspect général,
global, la sélection présente presque autant de besoins que de réseau de distribution.
L’incertitude a pu consister en la difficulté d’identifier pour chaque besoin de sélection
l’encadrement le plus adéquat. Aussi, les besoins de sélection présentant des points communs,
646
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, 2ème éd. 2005, n° 295, p. 137.
cela permet leur regroupement autour de la nécessité de la confidentialité (A) et celle de
l’exclusivité au cours des négociations (B). Confidentialité et exclusivité apparaissent comme
étant les deux principales caractéristiques impulsant la nécessité d’un encadrement plus
élaboré, de nature contractuelle.
A/ L’enjeu de la confidentialité
444. - La clause de confidentialité, aussi appelée clause de secret, de discrétion permet de
contraindre les négociateurs à garder le secret sur le principe même de la négociation ou sur
les informations transmises à l’occasion de celles-ci647. Cette clause est admise par la Cour de
cassation qui considère que « la clause de confidentialité du code d’utilisation de la carte
Pastel (…) loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire
à la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d’utilisation du réseau
téléphonique aménagée par le service proposé »648.
445. - Les négociations pour la sélection génèrent en général la fourniture d’informations
sensibles. Le franchiseur divulgue au candidat distributeur franchisé ses méthodes, techniques
et procédés spécifiques de production et de commercialisation. Ces connaissances techniques
constituent le « savoir-faire », qui doit être secret et, donc, protégé par la confidentialité649. Le
caractère secret est entendu de manière souple, en ce sens que le savoir-faire « dans son
ensemble ou dans la configuration et l’assemblage précis de ses composantes n’est pas
généralement connu ou facilement accessible »650. Le caractère secret est également souligné
par la Cour de justice des Communautés européennes, en énonçant que la franchise « ouvre à
des commerçants dépourvus de l’expérience nécessaire l’accès à des méthodes qu’ils
n’auraient pu acquérir qu’après de longs efforts de recherche (…) »651.
L’intérêt d’une telle stipulation tend à protéger la « sphère secrète » inhérente à la vie des
affaires. La confidentialité permet de sécuriser la transmission d’informations, rendue
647
D. MAZEAUD, La genèse des contrats : un régime de liberté surveillée, Dr et patr. 1996, n° 40, p. 44 et s.,
spéc. p. 48.
648
Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, n° 94-17.369, RTD civ. 1997, p. 424, obs. J. MESTRE.
649
D. FERRIER, Droit de la distribution, 4e éd., Litec, n° 684, p. 305.
650
Règl. CE n° 2790-99, art. 1-f.
651
CJCE, 28 janv. 1986, arrêt Pronuptia, aff. n° 161/84, Rec. CJCE, p. 353, att. 15.
impérative en raison de la perspective du contrat ; elle est le pendant de l’obligation
d’information, « le complément vital » de la communication652.
446. - Le droit de la responsabilité n’apporte pas un encadrement suffisant apte à protéger la
confidentialité de certaines informations. Bien que la jurisprudence reconnaisse parfois la
confidentialité, celle-ci ne pose pas de règles précises. La partie lésée devra notamment établir
la délicate preuve du caractère confidentiel des informations. En l’absence de stipulations,
seule la responsabilité délictuelle peut être envisagée alors qu’en présence d’une clause de
confidentialité, responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle653 se chevauchent
conférant ainsi une efficacité maximale à l’obligation de confidentialité.
447. - Des auteurs considèrent que dans certains contrats, tels que le contrat de franchise,
l’obligation de confidentialité s’impose, même si celle-ci n’est pas stipulée au contrat, du fait
qu’elle soit « de la nature du contrat »654. En effet, l’on peut s’interroger sur la création
implicite d’une telle exigence par l’obligation de négocier de bonne foi, condition
fondamentale du contrat de négociation655. « En effet, comment être loyal envers son
cocontractant tout en divulguant une information confiée par ce dernier, alors que l’on ne
peut ignorer que ce comportement lui sera préjudiciable ? »656.
Il convient de se remémorer le contexte des relations d’affaires et ne pas se laisse bercer pas
des considérations illusoires, certes belles, moralement parlant, mais difficilement
envisageables dans le monde des affaires. Par ailleurs, indépendamment de toute étude
sociologique, comportementale sur la sincérité dans les négociations d’affaires, prévoir
expressément une obligation de confidentialité connotera l’importance de son respect auprès
de l’autre partie, le candidat distributeur. Cela présente un caractère à la fois informatif,
préventif et dissuasif.
448. - Il peut paraitre judicieux d’étendre la confidentialité, au delà des parties contractantes,
aux tiers susceptibles de se voir transmettre les informations précieuses. Il peut notamment
s’agir de préposés, de conseils extérieurs, telle qu’une société filiale, ou même de l’entourage
652
A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 694, p. 411.
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 2006, n° 156, p. 4 et n° 157, p.
4 : « La responsabilité délictuelle peut permettre de passer outre les imprécisions rédactionnelles d’une
obligation de confidentialité, notamment quant à la définition des informations concernées ; de prendre le relais
au terme de la durée contractuellement prévue ; voire de se substituer à cette dernière en cas d’illicéité de la
clause ».
654
Ph. LE TOURNEAU, Le franchisage, JCP CI 1980, II, n° 13362, n° 85.
655
V. Infra n° 435 et s.
656
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, op. cit., n° 156, p. 4.
653
du candidat distributeur, par le biais d’un engagement de porte fort657 ou par la conclusion
d’une obligation de confidentialité directement avec ces personnes658.
449. - L’objet de la confidentialité doit également être précisé ; soit en s’appliquant à
l’ensemble des informations écrites et verbales, qui seraient communiquées ou acquises, tant
lors de la négociation du contrat que lors de son exécution, ou seule à certaines informations
par le biais d’un recensement exhaustif ou d’un renvoi à des documents visés par les parties.
La première option présente le mérite de ne pas oublier certains éléments du champ
d’application de la clause de confidentialité, alors que ne réserver son application qu’aux
seuls documents précisés peut poser le risque d’oublis. Enfin, le recensement peut s’effectuer
par exception, sorte de « tout sauf »659.
450. - Certaines informations ne pourront être considérées comme confidentielles et ne
pourront alors faire l’objet de la protection. « Toute information transmisse par A à B, dont B
aurait déjà eu connaissance auparavant, ou qui serait dans le domaine public, ne sera pas
considérée comme une information confidentielle au sens du présent accord, sous réserve que
B puisse apporter la preuve de ce qu’il avance »660.
451. - La nature du comportement prohibé doit être précisée, à l’obligation de ne pas faire, ne
pas divulguer les informations couvertes par la clause, peut être ajoutée une obligation de
faire, entendue comme l’exigence de protéger les renseignements. Le contrat devra préciser
l’autorité de l’obligation, la qualification comme obligation de moyens sera mentionnée par
l’expression « faire son possible » par exemple, ou de résultat par l’exigence d’obtenir un
résultat non aléatoire que l’exécution ordinaire du contrat devra nécessairement atteindre. A la
limite, il y aura obligation de moyens de rechercher un résultat et obligation de résultat de
657
« Les parties soussignées s’engagent tant pour leur compte que pour celui de leurs salariés, préposés et
conseils, dont elles se portent fort… »
658
« Pour l’application de la présente clause, le Candidat distributeur s’engage à faire signer par ses salariés
un engagement de respecter la confidentialité des informations visées ci-dessus, en précisant formellement
« sous peine de poursuite pénale pour délit de divulgation de secret de fabrique ».
659
« Les parties s’engagent à considérer comme strictement confidentiels, l’ensemble des documents,
informations, résultats ou données, d’ordre technique, scientifique, commercial, financier ou autre qui leur ont
été et/ou qui leur seront communiqués dans le cadre des négociations actuellement en cours, ou dont elles
pourraient avoir connaissance au titre desdites négociations et à l’occasion de l’exécution du présent accord.
Sont notamment considérées comme confidentiels, les informations afférentes au savoir-faire de la Société
X,… ».
660
Ph. LE TOURNEAU, Franchisage, JCl Contrats Distribution, Fasc. 566, n° 33.
fournir les moyens661. Par ailleurs, il peut être opportun de conjuguer la clause de
confidentialité avec une obligation de non-exploitation des informations communiquées.
452. - La durée de la clause sera également déterminée, ou déterminable. Au sein du contrat
de négociation, la confidentialité s’éteindra au moment de l’extinction dudit contrat, ce qui
tend à poser problème. Cela remet en cause l’effectivité de l’obligation de confidentialité,
ayant vocation à jouer pendant les négociations mais aussi et surtout après celles-ci. Pour
pallier à cela, les parties devront prévoir expressément dans le contrat de négociation, une
obligation de confidentialité au-delà du terme du contrat de négociation.
« Le présent engagement de confidentialité est souscrit tant par le Candidat distributeur que
par ses salariés, préposés et conseils pour toute la durée des présentes, et pour une durée de
« X », après la cessation du présent contrat et ce pour quelque cause qu’elle intervienne, et
notamment l’échec des négociations, objet des présentes. »
453. - Une délicate question se pose, celle de la preuve de la violation de la clause de
confidentialité du fait de sa difficulté. Par principe, il appartient au détenteur originaire de
l’information de rapporter cette violation. Toutefois, les parties peuvent aménager
conventionnellement la charge de la preuve, en renversant celle-ci sur le débiteur de la
confidentialité. Une telle clause expresse imposera alors au débiteur de prouver l’exécution de
son obligation, en rapportant la notoriété ou le caractère public de l’information, ou encore
que la connaissance a été acquise de façon autonome ou par le biais d’un tiers662.
Le candidat distributeur peut violer son obligation de confidentialité en exploitant lesdites
informations pour sa propre activité. Dans ce cas là, le fournisseur pourra obtenir, en justice,
l’interdiction pour le débiteur de prolonger cette utilisation, sa cessation. La sanction peut être
assortie d’une astreinte. Le distributeur sera tenu au paiement d’une indemnité déterminée par
période tant qu’il n’aura pas cessé l’utilisation des documents ne lui appartenant pas, ou de
fabriquer et de diffuser le produit issu du savoir-faire confidentiel. Le promoteur du réseau
obtiendra également des dommages et intérêts en réparation du préjudice engendré par
l’utilisation des informations usurpées. La réparation porte davantage sur la perte subie que le
manque à gagner. L’évaluation du préjudice n’étant pas aisée, les parties plutôt que de confier
661
J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, éd. F. Lefebvre, 3e éd., 2005,
n° 692, p. 288 et s. : « Le licencié fera tout son possible pour assurer la confidentialité des informations
contractuelles et, à cette fin, sera, notamment, tenu de maintenir le prototype dans le laboratoire de X et d’en
refuser l’accès aux personnels non agrées par le concédant ».
662
V. CAURA, Secret et contrat, thèse sous la direction de Ch. JAMIN, Lille 2, 2001, n° 398 in A.
BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008.
cette tâche au juge, peuvent prévoir, sous forme de clause pénale, une indemnité forfaitaire.
Son efficacité peut être renforcée par le bénéfice d’un contrat de cautionnement au profit du
créancier, la tête de réseau. Le fait de stipuler une forte indemnisation permet d’attirer
l’attention du candidat distributeur sur l’importance du respect d’une telle obligation de
confidentialité. Alors même que le juge pourra réduire le montant de la clause pénale, le rôle
dissuasif est un élément décisif.
« Le Candidat franchisé reconnait que toute divulgation du savoir-faire mis au point par le
Franchiseur est susceptible d’entraîner pour ce dernier un grave préjudice. En conséquence,
toute violation de l’obligation de résultat que constitue la non-divulgation des informations
visées ci-dessus sera sanctionnée par le versement d’une indemnité dont le montant ne saurait
être inférieur à la somme de « X » euros, sans préjudice de toute autre action, civile ou
pénale, du Franchiseur »663.
454. - La mise en œuvre d’un processus de sélection tend à recruter les candidats franchisés
les plus aptes, afin de développer des synergies par la création d’un réseau de distribution. La
réalisation de la sélection ne saurait être nuisible au réseau et au savoir-faire acquis. Dès lors,
l’encadrement prévu par les seules négociations informelles est insuffisant, inadapté à
l’appréhension de l’enjeu de la confidentialité. Le recours au contrat de négociation est
recommandé de sorte à minimiser les risques, lors de la conduite des négociations mais
également après la survenue du processus de sélection, en cas d’échec des pourparlers.
B/ L’enjeu de l’exclusivité
455. - « La clause d’exclusivité est la clause en vertu de laquelle un opérateur, débiteur
d’exclusivité, est tenu de n’effectuer une prestation déterminée qu’auprès d’un autre
opérateur, créancier d’exclusivité »664.
456. - L’exclusivité peut être sanctionnée au titre des pratiques anticoncurrentielles, aussi il
conviendra aux parties de faire preuve de prudence, en vérifiant les positions des entreprises
sur le marché concerné pour que les seuils d’applicabilité du droit de la concurrence ne soient
pas atteints.
663
664
A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, op. cit., n° 705, p. 419.
J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, op. cit., n° 672, p. 280.
457. - La nécessité d’obtenir l’exclusivité de négociation du candidat distributeur permet à la
tête de réseau de s’assurer que celui-ci n’entreprendra pas d’autres négociations, en parallèle,
sans violer l’obligation contractuelle qui lui incombe. L’exclusivité peut être unilatérale ou
bilatérale ; il semble évident que le promoteur du réseau ne trouvera aucun intérêt à consentir
une obligation d’exclusivité, restreignant ainsi sa liberté contractuelle auprès d’autres
candidats distributeurs. Le processus de sélection pour la constitution nécessite la sélection de
plusieurs distributeurs. Les candidats distributeurs devront respecter une obligation
d’exclusivité tandis que le promoteur du réseau négociera en parallèle avec l’ensemble des
candidats.
L’intérêt d’une telle clause est de générer « une relation d’étroite dépendance » entre les
négociateurs665. L’obligation d’exclusivité peut s’interpréter comme une obligation de
négocier, avec toute chose, de manière exclusive. Aussi, l’exigence d’exclusivité tend à se
confondre avec l’obligation principale du contrat, obligation de négocier de résultat.
458. - Bien que le contrat de négociation emporte une obligation d’agir de bonne foi, il
semble préférable pour les parties de prévoir expressément une clause d’exclusivité. « A
s’engage à ne procéder, de quelque manière que ce soit, à aucune négociation quelle qu’elle
soit, avec toute personne autre que B, portant sur le contrat-cadre de « Nature » défini à
l’article « Numéro » des présentes. La présence stipulation développera ses effets pendant
toute l’exécution du contrat de négociation ».
459. - Afin de sécuriser davantage les négociations, les parties peuvent prévoir la sanction du
comportement prohibé, en fixant une indemnité à verser par le candidat distributeur au
promoteur du réseau. « En cas de violation de la présence clause d’exclusivité, et sans que B
n’ait à démontrer un quelconque préjudice, A paierai à B la somme de « Montant » euros ».
460. - L’exclusivité de négociation peut également être combinée avec l’exclusivité de
conclusion du contrat, étant l’enjeu de la négociation. L’exclusivité a donc vocation à jouer
pendant la conduite des négociations et/ou lors de leur finalisation 666. Le promoteur du réseau
nécessitant une protection plus élaborée des informations transmisses durant les négociations,
ou souhaitant bénéficier de l’exclusivité conférée par les candidats distributeurs à son égard,
aura tout intérêt à conclure un contrat de négociation, puisqu’il pourra également aménager
les dispositions générales de celui-ci selon sa volonté.
665
666
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, L.G.D.J, 1999, n° 42.
V. Supra n° 481 et s.
II/ La liberté des parties dans l’aménagement des dispositions générales du contrat de
négociation
461. - Le besoin de préserver la confidentialité de certaines informations, la nécessité du
promoteur du réseau d’obtenir l’exclusivité de négociation des candidats distributeurs sont des
éléments fondamentaux influençant la conclusion d’un contrat de négociation, pour la
réalisation du processus de sélection. Ceux-ci ne font pas échec aux dispositions générales,
que doivent aménager les parties et plus exactement la tête de réseau. Aussi, la liberté
contractuelle du promoteur du réseau est préservée puisque celui-ci précise les dispositions
gouvernant la naissance (A) et l’exécution du contrat de négociation (B).
A/ La détermination des dispositions propres à la naissance du contrat de négociation
462. - Pour davantage de clarté, les parties devront identifier le contrat par un titre. Il s’agit de
conférer au contrat un signe distinctif permettant de le retrouver aisément et rapidement dans
une collection d’accords, habiller le contrat au plan marketing du terme et le qualifier au plan
juridique667. L’intitulé du contrat ne constitue cependant qu’un premier indice, témoignant de
la volonté des parties, et ne saurait lier le juge668. En effet, la nature contractuelle du contrat
ne dépend pas du titre que les parties lui ont donné mais de sa capacité à faire naître des
obligations669.
463. - Au cours du processus de sélection, chacune des parties manifeste sa volonté de
s’engager et peut y renoncer. L’existence du consentement s’illustre par la possibilité pour le
revendeur d’apporter sa candidature à la sélection, de vouloir être choisi pour intégrer un
réseau de distribution. La volonté est à la fois un élément constitutif du consentement mais
aussi un équivalent à celui-ci, si l’on soutient l’idée selon laquelle : « Contracter, c’est
vouloir »670.
Le fournisseur effectue un choix, soit de porter sa sélection sur la personne du revendeur en
manifestant sa volonté de contracter ou bien de l’évincer du processus de sélection.
667
J.-M. et P. MOUSSERON, J. RANARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, F. Lefebvre, 3ième éd.,
2005, n° 108 et s.
668
L’article 12 du nouveau Code de procédure civile dispose que le juge : « (…) doit donner ou restituer leur
exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient
proposée ».
669
L’article 1101 du Code civil dispose : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
670
F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, n°87.
Dans la phase de négociation, une distinction s’opère entre la volonté interne et la volonté
déclarée. La première tend à une réflexion interne, intellectuelle de la personne afin qu’elle
transige quant aux décisions qu’elle souhaite prendre tandis que la seconde n’est que son
expression extérieure. Le consentement doit porter sur les éléments essentiels du contrat afin
d’être valable671. Cela semble signifier qu’un contrat est valable lorsque les points
fondamentaux ont été pris en considération bien que les éléments accessoires aient été ignorés
par ce dernier. Dans notre hypothèse, seule la volonté de négocier doit être régie par les
dispositions du contrat.
464. - Il conviendra, bien sûr, d’identifier les parties, que celle-ci aient la capacité et le
pouvoir requis pour contracter, ainsi que la langue du contrat, et de définir clairement les
obligations des parties.
465. - Le préambule s’apparente « à l’exposé des motifs de la pratique législative ou
diplomatique, voire à la motivation des décisions de justices (…). A la différence de celles-ci,
toutefois, il a la même autorité que les dispositions de contrat qu’il induit et explique »672.
L’importance de prévoir un préambule s’illustre dans le fait qu’il permet d’exposer le projet
des parties, une certaine « personnalisation » du contrat. Il convient de faire preuve de
vigilance dans la rédaction du préambule puisqu’il a la même force obligatoire, la même
autorité que les autres dispositions du contrat. Les principes généraux stipulés dans le
préambule doivent être suffisamment précis673, afin de générer des obligations juridiques,
pouvant être opposés par les tiers674.
671
Art. 1582 et 1583 du Code civil. Le contrat de vente est licite s’il porte sur la chose et le prix tandis que le
contrat de bail est licite s’il porte sur le local, la durée et le loyer.
672
J.-M. et P. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, 3ième éd., op. cit., n° 115,
p. 65.
673
Cass. com., 13 févr. 1996, n° 93-19.654, Bull. civ. IV, n° 50, Rev. Sociétés 1996, p. 781, note J.-J. DAIGRE :
les principes généraux contenu dans le préambule, rédigés de manière trop vague, pas suffisamment précises, ne
créent aucune obligation juridique.
674
Cass. 2e civ., 21 mai 1997, n° 95-17.743, Bull. civ. II, n° 158, D 1998, jur., p. 150, note B. FAGES : l’auteur
déduit du préambule d’un contrat de franchise, l’existence d’une obligation d’assistance et de conseil à la charge
du franchiseur, et admet que des tiers, les voisins du franchisé, puissent se prévaloir d’un manquement à cette
obligation sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
B/ La détermination des dispositions propres à l’exécution du contrat de négociation
466. - Les parties, dans un esprit d’organisation et de sécurité, doivent prévoir le droit
applicable au contrat (1/) et peuvent aménager la survenance et le traitement d’un éventuel
litige (2/).
1/ Le choix de la loi applicable
467. - « La précision du système juridique applicable est l’un des enjeux et des intérêts de la
conclusion d’un contrat de négociation, dès lors que cette négociation s’effectue entre des
partenaires étrangers et que le contrat de négociation est alors un contrat international »675.
468. - Les contrats internes sont moins concernés que les contrats internationaux par la
question. Dans un esprit de synthèse, il convient seulement de rappeler que les parties ne
peuvent déroger aux dispositions impératives ni aux règles contraignante du droit de la
concurrence, telles que celles propres à la sélection des distributeurs. Les parties ne peuvent
non plus procéder à « l’internationalisation artificielle » de leur contrat676.
469. - Les parties doivent soumettre le contrat à une loi, afin de bénéficier de plus de liberté.
En effet, le contrat ne tient sa force obligatoire que de la loi qui la lui confère. Les parties ne
peuvent pas tout prévenir, aussi organisées soient-elles, la loi, en tant que norme générale et
abstraire a vocation à s’appliquer même à des situations imprévisibles au moment où elle a été
édictée, et, par conséquent, à définir, en cas de différend, les obligations précises qui
incombent aux parties.
2/ La prévention d’un éventuel litige
470. - Les parties peuvent anticiper les difficultés liées aux éventuels litiges au moyen de
clauses de règlement amiable (a/) ou bien par le jeu d’une clause compromissoire (b/) ou
encore en déterminant la juridiction compétente (c/).
675
J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat, op. cit., n° 470, p. 282.
L’article 3 §3 de la Convention de Rome énonce : « Le choix des parties d’une loi étrangère… ne peut
lorsque tous les autres éléments sont localisés au moment du choix dans un seul pays porter atteinte aux
dispositions impératives auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat ».
676
a/ Les clauses de règlement amiable
471. - Une clause d’arrangement amiable impose aux parties d’essayer de régler leurs
différents à l’amiable, avant la saisine d’un juge ou d’un arbitre. Alors même qu’il s’agit
d’une obligation de moyens, la clause tend à contraindre les parties à se concilier, ou du
moins, plus exactement, à essayer de se concilier. Toutefois, l’obligation de ne pas saisir le
juge ou l’arbitre avant l’essai d’arrangement amiable est une obligation de résultat. La clause
devra être suffisamment précise en mentionnant les modalités de déclenchement de la
procédure amiable. Un délai peut être fixé pour débuter la négociation, et à l’issue duquel les
parties pourront saisir le juge ou l’arbitre en cas d’échec de la conciliation.
472. - Les parties peuvent prévoir l’intervention d’un tiers au contrat pour parvenir à trancher
le différend, en les conciliant. La clause d’expertise prévoit l’intervention d’un « sachant »
qui « établira une sorte d’ « état des lieux » sur les différends aspects du différend en train de
se constituer »677. En principe, les parties ne sont pas liées par les conclusions du tiers, à
moins que celles-ci prévoient une « expertise irrévocable »678.
473. - La principale question est de connaitre la réelle efficacité de telles clauses dans
l’hypothèse où l’une des parties agit en violation de celles-ci en saisissant la juridiction
étatique. En ce qui concerne les clauses de conciliation, la Haute juridiction a affirmé que
« les conventions contenaient une clause de conciliation par laquelle les parties s’étaient
engagées à soumettre leur différend à deux conciliateurs avant toute action contentieuse,
l’arrêt reteint, à bon droit, que l’action en justice introduite par la polyclinique sans
observation de la procédure prévue par cette clause est irrecevable »679.
Solution confirmée par l’une des chambres mixtes de la Cour de Cassation qui juge « licite, la
clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la
saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription,
constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent »680.
Il convient tout de même pour les parties d’être extrêmement méticuleuses, la seule mention
dans la clause prévoyant la consultation entre les parties, ne saurait suffire à faire échec à la
677
J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, F. Lefèvre, 3e éd., 2005, n°
1620.
678
Ibid.
679
Cass. 2e civ., 6 juill. 2000, n° 98-17.827, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 2, note L. LEVENEUR.
680
Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, JCP G 2003, I, n° 128, spéc. n° 17, obs. L. CADIET.
recevabilité d’une action en justice, au mépris de ladite clause681. La clause doit préciser que
toute action en justice est tenue pour irrecevable par les parties avant la procédure amiable. La
volonté des parties de conférer le caractère obligatoire à la tentative de conciliation doit être
clairement exprimée.
b/ Les clauses compromissoires
474. - Le recours à la clause compromissoire permet la désignation d’un ou plusieurs arbitres
au lieu et place du juge. « La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties
à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître
relativement à ce contrat »682. La clause compromissoire est en principe valide, « sous réserve
de dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les
contrats conclus à raison d’une activité professionnelle »683. La Cour de cassation ajoute que
« la clause compromissoire est valable, dans l’ordre international indépendamment de toute
commercialité au sens du droit interne français », celle-ci « est valable par le seul effet de la
volonté des parties »684.
475. - La clause compromissoire est accessoire au contrat de négociation, mais la
jurisprudence lui confère une certaine autonomie puisque celle-ci peut jouer, alors même que
le contrat est nul et inversement, la nullité de la clause n’entraîne pas celle du contrat685.
476. - De plus, les arbitres devront être désignés ou bien les parties pourront prévoir les
modalités de leur désignation, tout comme le lieu de l’arbitrage, la langue de la procédure.
c/ Les clauses attributives de compétence à une juridiction
477. - Les parties peuvent insérer dans le contrat une clause attributive de compétence, qui
désigne, par avance, le tribunal compétent en cas de litige de nature contractuel686. Cependant,
ces clauses sont en principe nulles en droit interne, à moins que les parties aient la qualité de
commerçant et qu’elles aient contracté en cette qualité.
681
Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 05-17.573.
Art. 1442 du nouveau Code de procédure civile.
683
Art. 2061 du Code civil.
684
Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, n° 91-16.828, Bull. civ. I, n° 372, p. 258.
685
A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, op.cit., n° 644, p. 388.
686
Cass. com., 9 avr. 1996, n° 94-14.649, Bull. civ. IV, n° 117, p. 99.
682
En effet, « toute clause qui directement ou indirectement déroge aux règles de compétence
territoriale est stipulée non écrite (…), à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes
ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très
apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée »687.
478. - Lorsque la clause a été stipulée seulement en faveur de l’une des parties, celle-ci peut y
renoncer. Toutefois, si la clause a été stipulée en faveur des deux parties, elles ne peuvent y
échapper, sauf accord mutuel688.
687
688
Art. 48 du nouveau Code de procédure civile.
A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, op. cit., n° 647, p. 390.
Conclusion sur la gestion des risques liés à la conduite des négociations dans
le processus de sélection
479. - La réalisation du processus de sélection ne s’effectue qu’à l’issue d’une première
période de négociation relativement longue, au cours de laquelle les parties se rencontrent et
envisagent les éléments fondamentaux pour l’avenir des relations. Les risques peuvent être
nombreux, or la réussite des négociations pour la sélection est essentielle, ce qui rend leur
encadrement utile. L’enjeu est d’appréhender un encadrement adapté à chaque type de besoin
de sélection.
Les besoins de sélection ne présentant que peu de risques, pas de savoir-faire protégeable par
exemple, sont satisfaits par le seul encadrement par le droit de la responsabilité civile. Le
promoteur du réseau ne recourt au contrat de négociation que lorsque cela lui permet
l’obtention de gains d’efficience. Lorsque ce dernier peut naturellement gérer les risques liés à
la mise en œuvre du processus de sélection, l’encadrement contractuel n’a pas lieu d’être. Le
droit de la responsabilité civile permet la condamnation des seuls abus dans la conduite des
négociations, en offrant toute latitude à la tête de réseau.
Le contrat de négociation présente une telle souplesse de mise en œuvre et d’adaptation en
fonction de la volonté des parties. La conciliation entre l’organisation de la négociation et la
liberté contractuelle octroyée aux parties le rend aisément transposable aux enjeux de la
sélection.
Néanmoins, le fait que cet outil contractuel puisse régir les négociations correspondant à
certains besoins de sélection, ne peut préjuger quant à l’efficience d’un tel encadrement à tous
les besoins de sélection. En présence de nécessités de confidentialité, d’exclusivité dans la
conduite des négociations, le recours au contrat de négociation est opportun. L’aménagement
conventionnel permet de sécuriser les échanges et de réduire les risques liés à la sélection ;
risques pouvant notamment consister en l’utilisation frauduleuse d’informations. La
modification des règles de preuve, la conclusion de clauses pénales permettant de prévoir
forfaitairement l’indemnisation consécutive à des inexécutions, la prévention de litiges visent
à faciliter le traitement des risques des négociations.
480. - L’objet du processus de sélection repose principalement sur le pouvoir décisionnel du
fournisseur, au moment de la finalisation des négociations. Il convient de s’interroger sur
l’opportunité d’un encadrement contractuel au moment du choix des distributeurs
sélectionnés. Comment l’encadrement de cette période peut-il être générateur de sécurité et
d’optimisation de la réussite du processus de sélection ?
Chapitre II
La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le
processus de sélection
481. - L’encadrement contractuel présente une réelle utilité pour régir la période consacrée à
la conduite des négociations, notamment en ce qu’il minimise les risques liés à la divulgation
d’informations confidentielles et en ce qu’il permet l’exclusivité des pourparlers. En l’absence
de telles nécessités, les négociations informelles semblent être satisfaisantes, au moyen de la
liberté contractuelle que l’encadrement par le droit de la responsabilité civile permet. Les
seuls risques sont appréhendés par la sanction des abus dans le déroulement des négociations.
L’objet des négociations ne tend que vers un seul objectif principal, la réussite du processus
de sélection pour l’intégration du candidat distributeur le plus apte au réseau. La décision
émane de l’initiateur du réseau, aussi à ce moment crucial, il est nécessaire de s’interroger sur
l’opportunité d’encadrer les dispositions accompagnant sa prise de décision.
482. - La faculté de recourir à l’encadrement contractuel est offerte au promoteur du réseau,
bénéficiant de la liberté d’aménager les dispositions propres à la mort du contrat de
négociation selon ses nécessités, notamment par une clause de dédit ou de résolution de plein
droit. L’aménagement de l’inexécution du contrat au moyen d’une clause pénale ou d’une
clause limitative de responsabilité peut être utile, au profit de l’initiateur de réseau.
483. - La réunion de plusieurs outils juridiques tend à anticiper les risques propres à chaque
moment de la sélection. La conclusion d’un contrat de négociation peut être complétée par
une promesse unilatérale ou synallagmatique de contracter, afin de répondre à certains besoins
de sélection. La promesse unilatérale peut être conditionnée à la réalisation d’une condition
suspensive, afin de garantir la volonté du candidat distributeur d’intégrer le réseau. En cas
d’inexécution de la promesse, le promoteur du réseau sera indemnisé au moyen de dommages
et intérêts. La promesse synallagmatique tend à figer le consentement des parties, tout en
subordonnant la validité de la clause à la réalisation de certaines formalités. La conclusion
d’une promesse synallagmatique n’est opportune qu’au dernier moment, lorsque le
fournisseur a opéré son choix quant au candidat distributeur. Un tel encadrement semble
avantageux dans la sélection pour la constitution d’un réseau de concession exclusive, du fait
que le fournisseur ne souhaite sélectionner qu’un seul candidat, pour commercialiser les
produits sur un territoire exclusif.
484. - Il s’agit de conférer aux parties un cadre permettant d’organiser le moment de la fin des
négociations, de la sélection, en identifiant les besoins pour mieux y répondre, en anticipant
les différends, afin de développer des synergies propices à un développement des relations
commerciales de distribution. Néanmoins, l’on ne saurait faire de cas spécifiques des
principes généraux ; l’encadrement contractuel lors de la réalisation, de la fin du processus de
sélection ne satisfait que certaines attentes. L’utilisation de clauses prévues dans le contrat de
négociation, dans les promesses de contracter, pour aménager l’organisation et la finalisation
des négociations s’applique dans la franchise commerciale et la concession exclusive
(Section 1). Il existe des limites à la possibilité et à la nécessité de recourir à un tel
encadrement juridique, notamment par les restrictions apportées à la liberté décisionnelle du
fournisseur dans la distribution sélective ou bien dans le cadre de contrats conclus à durée
déterminée. La liberté contractuelle du promoteur du réseau doit prévaloir, sans quoi
l’encadrement n’a pas lieu d’être envisagé (Section 2).
Section 1/ L’opportunité d’un encadrement contractuel de la fin des
négociations
485. - Le contrat de négociation permet de minimiser les risques au moment de la fin des
négociations, pour l’expression du pouvoir décisionnel de l’initiateur du réseau. La conclusion
d’un contrat de négociation permet aux parties de déterminer les dispositions propres à la fin
des négociations, notamment en termes de responsabilité en cas d’inexécution des obligations
du contrat (Paragraphe I). Néanmoins, certains processus de sélection amènent les
promoteurs de réseau à combiner plusieurs mécanismes juridiques, afin de répondre au mieux
à l’enjeu de la sélection, en maximisant les ressources, moyens et minimisant les risques
(Paragraphe II).
Paragraphe I/ L’encadrement de la sélection par les dispositions propres à
la mort du contrat de négociation
486. - Il convient de distinguer les dispositions propres à l’inexécution du contrat de
négociation (I), de celles concernant son extinction naturelle (II).
I/ L’aménagement de l’inexécution du contrat de négociation
487. - Lors de la première phase du processus de sélection, pendant le déroulement des
négociations, les parties peuvent aménager les modalités du contrat de négociation,
notamment par une clause de bonne foi afin d’apporter des exemples de comportements admis
et sanctionnés. Ces dernières sont libres d’organiser les délais autour du temps de la
négociation et peuvent prévoir la survenue de certaines formalités. Les exigences
d’information, de confidentialité, d’exclusivité de négociation ou bien de conclusion du
contrat-cadre de distribution, confortent les négociateurs dans un cadre sécurisant, générateur
d’une plus grande confiance.
A/ La gestion conventionnelle des risques induits par l’inexécution
488. - Le manquement aux dispositions du contrat engage la responsabilité contractuelle de
son auteur. Aussi, les parties peuvent croire légitimement en le respect, par l’autre partie, des
dispositions du contrat. Dans le cas contraire, l’engagement de la responsabilité permettra une
indemnisation. Les négociations sont régies par des éléments suffisamment précis.
489. - Les parties déterminent les conséquences liées à la violation des exigences que contient
le contrat. La stipulation d’une clause pénale, destinée à s’appliquer en cas d’inexécution, sera
judicieuse. La clause pénale permet une évaluation forfaitaire, par les parties, de
l’indemnisation à verser, en dommages et intérêts. Une sanction particulière correspondant à
la violation de telle ou telle obligation est également possible. Le fait de prévoir une sanction
particulièrement lourde, dès la conclusion du contrat, renseignera les parties sur le degré
d’importance de son respect. Cela permet aux parties de percevoir la volonté de leur
partenaire et ainsi d’avoir un consentement bien éclairé au moment de la conclusion du
contrat.
A l’inverse, le montant de la clause pénale peut être faible, ce qui tendra à se rapprocher d’une
clause limitative de responsabilité.
490. - Le promoteur du réseau a tout intérêt à prévoir de lourdes sanctions en cas de violation
par le candidat distributeur d’éléments essentiels à la protection du réseau, telle que la clause
de confidentialité. En cas d’appréciation par le juge, cela permettra de témoigner de
l’importance de la disposition dans le contrat et limitera la possibilité d’une interprétation
différente. Le fournisseur peut prévoir diverses sanctions, pour chacun des aspects
fondamentaux du contrat. En effet, l’opportunité de recourir à l’encadrement contractuel est
de prévoir les risques et ainsi de les réduire au maximum, c’est pourquoi conférer une
effectivité aux obligations du contrat par des sanctions adéquates est essentiel. Il semble
paradoxal de stipuler des clauses pour organiser, sécuriser le processus de sélection sans
aménager leur inexécution avec suffisamment d’intensité dans leurs sanctions.
B/ La limitation de la responsabilité au profit du promoteur de réseau
491. - En outre, des clauses limitatives de responsabilité, ou qui limitent la réparation de
l’inexécution peuvent être insérées. Le promoteur du réseau peut prévoir une limitation de sa
responsabilité en cas d’inexécution de ses obligations, au moyen d’une clause limitative, voire
exonératoire de responsabilité. Il s’agit, dans la première hypothèse, de limiter la
responsabilité du débiteur de l’obligation tandis que la seconde vise à supprimer totalement la
responsabilité de l’initiateur du réseau. Les clauses ne peuvent transiger quand à l’engagement
de la responsabilité délictuelle, sous peine d’être sanctionnées d’une nullité absolue du fait de
leur contrariété à l’ordre public689. Les clauses aménageant la responsabilité contractuelle
sont, au contraire, généralement considérées comme valables et opposables.
492. - Toutefois, l’effet d’une clause de responsabilité peut être mis en échec par la faute
lourde690 ou le dol691 dans l’exécution des obligations.
493. - Les parties peuvent également prévoir une clause de force majeure, afin de libérer la
partie de ses obligations, en présence d’un événement extérieur, imprévisible et irrésistible692.
L’événement constitutif d’une force majeure pour les parties peut être précisé en appréciant
conventionnellement le caractère extérieur, imprévisible et irrésistible et vise également à
anticiper les effets de la survenance de celui-ci. La rédaction de la clause doit être effectuée de
manière extrêmement consciencieuse, sans quoi les juges pourront interpréter strictement la
clause et même refuser d’en tenir compte. Les parties pourront alors prévoir une liste
d’événements ainsi que les effets de la force majeure ; la résiliation ou la résolution,
l’indemnisation ou l’exonération par exemple.
494. - Cependant, l’intérêt de telles clauses visant à amoindrir l’engagement de la
responsabilité en cas de manquement contractuel est moins perceptible, pour la sécurité des
négociations au sein du processus de sélection. La seule raison compréhensive est de prévoir
une limitation de la responsabilité de la tête du réseau du fait de son pouvoir, aux dépens du
candidat distributeur.
689
Cass. 2e civ., 17 fév. 1955, n° 55-02.818, Bull. Civ II, n° 100, D. 1956, jur., p. 17, note P. ESMEIN.
La faute est lourde lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle du contrat et entraine des
conséquences graves pour la victime.
691
Cass. 1re civ., 4 févr. 1969, n° 67-11.387, D. 1969, jur., p. 601, note J. MAZEAUD : « le débiteur commet une
faute dolosive lorsque, de propos délibéré, il se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus
n’est pas dicté par l’intention de nuire à son cocontractant ».
692
Art. 1148 du Code civil : « Il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure
ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui
était interdit ».
690
II/ L’aménagement de l’extinction du contrat de négociation
495. - Avant de s’interroger quant à l’intérêt, pour le promoteur du réseau, d’aménager
conventionnellement le terme des négociations, par les dispositions applicables lors de
l’extinction du contrat de négociation (B), les parties doivent s’être accordées sur la durée du
contrat, de sorte à prévoir, ou non, le moment de l’extinction des obligations (A).
A/ La question de la durée du contrat
496. - La question de la durée du contrat de négociation a une importance certaine puisque les
parties peuvent prévoir l’entrée en vigueur immédiate du contrat, dès sa signature, ou bien la
différer. L’intérêt des parties est de mesurer le risque et d’anticiper ses effets par
l’encadrement contractuel. En présence de certains besoins de sélection, la conclusion d’un
contrat de négociation est opportune pour organiser la conduite des négociations ; aussi, il
semble utile de prévoir la conclusion du contrat, dès le commencement des pourparlers. Le
contrat de négociation a pour rôle principal de prévoir les modalités de la négociation, à ce
titre, il doit intervenir avant qu’elles ne commencent. Toutefois, si les parties souhaitent
former un contrat de négociation, alors qu’elles sont dans une phase de discussion déjà
avancée, il peut être utile de prévoir une rétroactivité du contrat correspondant à la date réelle
à laquelle ont débuté les négociations. En effet, le promoteur du réseau, au moment de la
réflexion et de l’expression de sa décision de sélection, à la fin des négociations, peut vouloir
recourir à un encadrement contractuel ayant un effet rétroactif, de sorte à couvrir l’ensemble
de la phase de négociations.
497. - Il convient également de prévoir la date à laquelle le contrat de négociation va
s’éteindre, par l’aménagement de sa durée. Le contrat peut être à durée indéterminée, ce qui
offrira aux parties la possibilité de le dénoncer par le biais d’une clause de résiliation
unilatérale. La faculté de résiliation peut être octroyée à l’une ou aux deux parties, à n’importe
quel moment et peut s’effectuer sous une forme précise. Lorsque le contrat ne prévoit pas de
résiliation, celle-ci peut être demandée par chaque partie au contrat693, étant donné qu’une
clause contraire ne saurait l’interdire694. Néanmoins la résiliation ne doit pas être empreinte
d’abus, faute de quoi elle engendrera une condamnation à des dommages et intérêts 695, et doit
693
Cass. 1re civ., 11 juin 1996, RJDA 12/96 n° 1437.
Cass. com., 15 fév. 1994, RJDA 5/94 n° 542.
695
Cass. civ., 13 déc. 1994, RJDA 7/95 n° 813.
694
être précédée d’un préavis « raisonnable » conforme aux stipulations du contrat et aux usages
de la profession696 ou encore à la nature des relations contractuelles ayant existé entre les
parties697. Le contrat à durée indéterminé consacre la liberté contractuelle des parties, et
notamment du promoteur de réseau, mais n’est pas un gage d’une grande sécurité ; sécurité
préservée par la définition d’un terme extinctif.
498. - Les parties peuvent également retarder la prise d’effet du contrat par un terme
suspensif. La démarche tend à ne retarder que l’exécution du contrat de négociation, sans
affecter sa formation, ni la naissance de l’obligation. Cette option peut se révéler très
opportune dans le cas où les parties souhaitent conditionner l’exécution du contrat à la
survenue d’une condition suspensive. La cessation de l’activité commerciale du candidat
distributeur, l’obtention de crédits par le candidat franchisé, en sont des illustrations.
Une fois la question de la durée traitée, les parties peuvent avoir connaissance du moment de
l’extinction du contrat.
B/ L’aménagement conventionnel de l’extinction du contrat
499. - « En tant que système organisationnel de relations humaines, le contrat est, donc, un
système nécessairement clos qui connait naissance, vie et … mort »698.
Le contrat de négociation peut s’éteindre du fait de l’arrivée de son terme, par la satisfaction
de son objet principal, la conclusion du contrat-cadre de distribution, par l’échec de celui-ci
ou bien au moyen de clauses d’extinction.
1/ La clause résolutoire de plein droit
500. - La clause résolutoire est la convention par laquelle les parties décident que le contrat
sera résolu de plein droit, sans intervention du juge, en cas d’inexécution par l’une d’entre
elles de ses obligations. La clause doit organiser les modalités de sa mise en œuvre, la mise en
demeure adressée par le bénéficiaire de la clause à son cocontractant. La clause résolutoire
entraîne l’extinction du contrat, son anéantissement rétroactif.
696
Cass. com., 9 fév. 1976, Bull. civ. IV p. 38.
A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 662, p. 396.
698
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, op.cit., n° 1686, p. 615.
697
Les parties peuvent lier l’existence de leur contrat à un événement conditionnel et préférer un
effet résolutoire à un effet suspensif. Le contrat est censé n’avoir jamais existé et chacun des
cocontractants est replacé dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat de
négociation. Néanmoins, les parties peuvent sanctionner l’inexécution par une résiliation, un
anéantissement pour le futur.
2/ La clause de dédit
501. - Les clauses de dédit ne lient pas la résolution du contrat à son inexécution tandis que
les clauses résolutoires de plein droit attachent les deux. Les premières s’apparentent à un
droit de rétractation au profit de l’une des parties alors que les secondes ne prévoit que
l’hypothèse d’une violation contractuelle.
502. - La clause de dédit est une stipulation aux termes de laquelle l’une des parties ou les
deux se réservent la faculté de se départir du contrat dans un délai déterminé. La rétractation
conventionnelle s’exerce de manière discrétionnaire, elle peut être subordonnée au paiement
d’une indemnité pour davantage de sécurité mais ne doit pas être empreinte d’abus, de
mauvaise foi699.
503. - Insérer une clause de dédit au contrat de négociation est particulièrement avantageux
pour le promoteur du réseau puisque cela lui permet d’imposer au candidat distributeur la
possibilité de se retirer des relations contractuelles, voire même à titre gratuit, sans avoir à
payer une indemnité700.
Les parties doivent déterminer la personne qui bénéficie d’un tel droit de rétractation, dans le
cas où le dédit est unilatéral. Il parait évident que le dédit ne sera pas bilatéral, mais seulement
conclu au profit du promoteur de réseau, afin de préserver sa liberté contractuelle. Le délai
durant lequel la faculté de dédit peut être exercée doit être prévu, tout comme les modalités de
sa réalisation.
504. - Néanmoins, il convient que la clause soit rédigée de manière à octroyer une réelle
liberté à son bénéficiaire, afin que celui-ci puisse ne pas exécuter ses obligations, pour une
raison quelconque ; sans quoi, il s’agirait d’un moyen de contraindre à l’exécution du contrat
699
Cass. 3e civ., 15 févr. 2000, n° 98-17.860, RTD civ. 2000, p. 564, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
Cass. com., 30 oct. 2000, n° 98-11.224, Contrats, conc., consom. 2001, n° 21, note L. LEVENEUR : « rien
n’interdit qu’une partie s’engage envers une autre avec une faculté de dédit gratuite ».
700
et la clause tendrait à être requalifiée en une clause pénale. La clause pénale tend à
contraindre l’une des parties à respecter son engagement tandis que la clause de dédit octroie
au bénéfice de l’une ou des deux parties un droit de sortie, permettant l’inexécution des
engagements pris antérieurement.
« Le critère de distinction est la liberté : même si cette liberté a un prix, (…), le dédit autorise
à revenir sur la parole donnée, alors que la clause pénale oblige, au contraire, à la
respecter »701. Aussi, étant donné que le dédit ne peut s’analyser en une clause pénale, le juge
ne peut en diminuer ou en supprimer la somme convenue.
« La clause prévoyant une indemnité forfaitaire et définitive en cas de résiliation anticipée
d’un contrat de prestations de services ne s’analyse pas en une clause pénale ayant pour
objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son obligation mais en une faculté
de dédit permettant aux sociétés contractantes de soustraire à cette exécution et excluant le
pourvoir du juge de diminuer ou supprimer l’indemnité convenue »702.
505. - La clause de dédit est opportune pour l’initiateur du réseau, du fait que ce dernier ne
restreigne pas sa liberté contractuelle et son pouvoir de décision ; la clause est d’autant plus
avantageuse qu’elle peut ne pas accorder le même privilège au candidat distributeur,
garantissant ainsi la sécurité de la sélection. Aussi, la liberté du fournisseur est préservée
malgré l’encadrement contractuel, tout en étant générateur d’efficience, de part la
minimisation des risques induits par l’aménagement conventionnel des dispositions du
contrat.
506. - Dès lors, la clause pourra être rédigée comme suit : « Le fournisseur aura la faculté de
se dédire du présent contrat de négociation, pour quelque cause que ce soit, en adressant au
Candidat distributeur une lettre recommandée avec accusé de réception exprimant son
désistement, avant le « Date butoir ». La Fournisseur ne sera pas tenu de verser une
quelconque indemnité au Candidat distributeur ».
507. - L’encadrement contractuel des négociations, au sein du processus de sélection, vise à
prévoir les différents cas d’extinction du contrat possible, mais il convient de ne pas oublier
que la démarche première tend à la sélection d’un candidat distributeur, aussi, le résultat des
négociations peut tout à fait s’exprimer par la conclusion du contrat-cadre de distribution.
701
702
M.-L. IZORCHE, Contrats conditionnels et définitifs, RTD com., 1998, p. 521.
Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-11.448, Bull. Civ. IV, n° 255, D. Aff. 1997, p. 1460.
Dans le cas contraire, les parties peuvent, tout en ayant convenablement exécuté le contrat de
négociation, ne pas être parvenu à s’accorder quant à un projet commun.
508. - Le promoteur du réseau peut prévoir dans le contrat de négociation une clause de non
concurrence à la charge des candidats distributeurs, bien que ces derniers n’aient pas été
sélectionnés. Les cocontractants prévoient que l’un d’entre eux ne pourra pas exercer une
activité professionnelle en concurrence avec celle qui fait l’objet du contrat. Il ne s’agirait non
pas d’interdire aux candidats distributeurs de négocier avec d’autres partenaires, puisque cela
peut être prévu par une clause d’exclusivité durant les pourparlers, mais plutôt de les
contraindre à ne pas exercer une activité similaire, en concurrence avec celle qui est projetée,
discutée au moyen du contrat de négociation. L’initiateur du réseau tend à protéger son réseau
de distribution par ladite clause.
Cependant, l’on perçoit difficilement l’utilité et la validité d’une telle clause, notamment pour
justifier sa proportionnalité eu égard au but recherché. Par ailleurs, plus il y a de candidats en
concurrence, plus le niveau général qualitatif tend à augmenter. En effet, le fournisseur a tout
intérêt à recueillir un nombre élevé de candidature, élargissant ainsi ses possibilités de choix.
Paragraphe II/ L’encadrement de la sélection par la combinaison de
plusieurs outils juridiques
509. - La conclusion d’un contrat de négociation optimise le déroulement de certains
processus de sélection, durant la conduite des négociations mais également au moment de
l’expression de la décision du promoteur de réseau. L’encadrement contractuel répond à des
nécessités précises, telles que l’aménagement de l’inexécution des obligations, ou encore celle
de la mort du contrat, générant ainsi une réelle organisation et protection.
L’imprévision tend à être réduite au maximum par l’évaluation des risques de cette période et
leur anticipation au moyen de dispositions contractuelles. Toutefois, ne pourrions-nous pas,
pour répondre au mieux à la gestion des risques de la fin du processus de sélection, combiner
la conclusion du contrat de négociation avec d’autres mécanismes juridiques ?
510. - Après avoir prévu l’encadrement du contrat de négociation, la conclusion d’une
promesse unilatérale de contracter tend à sécuriser le consentement du candidat distributeur,
sans générer une certitude quant à la conclusion du contrat-cadre de distribution (I).
La promesse synallagmatique de contracter permet de figer le consentement des deux parties
mais ne saurait intervenir que lorsque le promoteur du réseau a effectué un choix définitif en
la personne du candidat avec lequel il contracte la promesse, sans quoi son inexécution serait
préjudicielle à la liberté contractuelle de la tête de réseau (II).
I/ La promesse unilatérale de contracter au bénéfice du promoteur du réseau
511. - Le promoteur du réseau peut faire consentir aux candidats revendeurs une promesse
unilatérale de contracter, en l’absence de conclusion d’un contrat de négociation703. Ce
dernier peut également prévoir un contrat de négociation puis ensuite, dans un second temps,
être le bénéficiaire de la promesse unilatérale de contracter du candidat distributeur.
L’ensemble des candidats distributeurs peuvent consentir une promesse unilatérale au profit
du promoteur du réseau, afin de garantir à ce dernier un pouvoir décisionnel maximal, puisque
sécurisé par l’encadrement contractuel. Il peut être utile de conclure un contrat de négociation
afin d’aménager la conduite des négociations ainsi que l’inexécution ou l’extinction du
contrat puis ensuite de prévoir une promesse unilatérale de sorte à figer le consentement des
candidats distributeurs.
Toutefois, il faut se réserver de confondre consentement à la promesse du consentement au
contrat-cadre de distribution704. La promesse unilatérale est un contrat autonome, qui permet
de sécuriser la prise de décision de l’initiateur du réseau, puisque cela lui offre l’assurance
d’être « préféré » par le candidat distributeur pour la conclusion du contrat-cadre, pour
l’intégration au réseau. En cas d’anéantissement de la promesse, le fournisseur bénéficiera
d’une indemnisation.
II/ La promesse synallagmatique de contracter
512. - Après avoir conclu un contrat de négociation, le promoteur du réseau de distribution
peut vouloir figer son consentement et celui d’un candidat distributeur. Dès lors, une
promesse synallagmatique de contracter est opportune en présence d’un besoin de sélection
porté uniquement sur une seule personne, pour la mise en œuvre d’un système de concession
703
704
V. Infra n° 485 et s.
V. Infra n° 279.
exclusive, par exemple. La tête de réseau ayant choisi un candidat distributeur pour
commercialiser ses produits sur un territoire exclusif peut vouloir attendre la survenue d’un
événement particulier avant de conclure le contrat-cadre de distribution.
513. - Il existe une difficulté à la conclusion d’une promesse synallagmatique de contracter
puisque celle-ci vaut contrat définitif, ce qui engendre le droit d’obtenir au profit d’une partie
l’exécution forcée de la promesse et donc la conclusion du contrat-cadre de distribution.
Une condition suspensive peut alors être prévue, telle que l’acceptation d’un crédit pour
financer les investissements à réaliser pour l’intégration au réseau ou la production
d’informations par le candidat et la vérification de certains éléments par le fournisseur.
Les parties peuvent également prévoir un terme suspensif, à l’issue duquel celles-ci devront
conclure le contrat définitif, sans quoi l’idée sera abandonnée. Les parties subordonnent la
validité de la promesse à l’accomplissement de certaines modalités, ce qui induit le fait que la
promesse ne vaudra contrat qu’en cas d’exécution des formalités prévues. La rédaction de la
promesse devra être suffisamment précise, pour prévoir l’ensemble des événements
caractérisant la ou les conditions suspensives.
514. - En parallèle de la conclusion du contrat de négociation qui sécurise le déroulement et
l’extinction des négociations, la promesse synallagmatique de contracter tend à apporter une
garantie supplémentaire, sans toutefois anéantir la liberté contractuelle des parties, au moyen
de conditions à réaliser « ad validitatem ».
L’obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts, l’une des parties ne pourra
pas être contrainte par l’autre à exécuter le contrat.
515. - La promesse synallagmatique n’est utile qu’au moment de la « toute fin » du processus
de sélection, une fois la première phase de négociation effectuée, puis la seconde période
consacrée à la prise en décision de l’initiateur du réseau réalisée. L’intérêt de composer un
encadrement contractuel du processus de sélection au moyen de différents outils juridiques est
de répondre aux nécessités de chaque temps de la sélection et ainsi d’optimiser la gestion des
risques.
Section 2/ Les limites à l’encadrement contractuel de la décision de
sélection
516. - Dans le second temps du processus de sélection, l’analyse de l’opportunité d’un
encadrement du choix du promoteur du réseau, ne peut s’effectuer en méconnaissance d’un
élément fondamental : la nécessité de préserver la liberté contractuelle de celui-ci
(Paragraphe I). Ce dernier ne souhaitera encadrer son processus de sélection qu’une fois
trouvé le juste équilibre entre la réduction des risques inhérents à son besoin de sélection et la
protection de son pouvoir décisionnel. La liberté contractuelle de la tête de réseau et la
possibilité d’un encadrement juridique de la sélection trouve ses limites en l’instauration d’un
système de distribution sélective et en la conclusion de contrats-cadre à durée déterminée
(Paragraphe II).
Paragraphe I/ La nécessité de ne pas restreindre artificiellement la liberté
décisionnelle du promoteur du réseau
517. - L’on ne se lasserait jamais de rappeler que l’encadrement contractuel, quel qu’il soit, ne
peut être érigé en tant que qualification générale du processus de sélection. L’aménagement
de la liberté contractuelle du promoteur de réseau ne peut s’effectuer qu’en présence de
nécessités plus grandes en la conclusion d’un contrat de négociation, par exemple.
518. - La gestion des risques de la fin des négociations conduit, en présence de certains
besoins de sélection, à recourir aux mécanismes contractuels du fait d’un niveau de risque
qu’il faut minimiser. D’autres processus de sélection sont satisfaits par un faible encadrement
tout au long des négociations, lors de la rencontre des candidats et lors du choix de l’initiateur
du réseau.
519. - En effet, il parait important de ne pas occulter que l’encadrement contractuel, alors
même qu’il préserve une certaine liberté aux parties, ne peut que restreindre la liberté
contractuelle du fournisseur. Aussi, le choix de recourir à un tel encadrement doit être justifié
par de réels motifs, tel qu’en témoignent les quelques illustrations données.
Par ailleurs, l’analyse de la prise en considération des différents besoins de sélection au
moyen de clauses insérées dans le contrat de négociation n’a pas la prétention d’en dresser
une liste exhaustive. A chaque processus de sélection correspond des risques que le promoteur
de réseau vise à prévenir. La mise en lumière effectuée sur certaines clauses, telles que la
confidentialité, l’exclusivité, l’aménagement de la responsabilité en cas d’inexécution en
autres, permet d’attirer l’attention des parties sur des éléments essentiels. Néanmoins, ces
illustrations ne sont suggérées qu’à titre purement exemplatif, indicatif et ne sauraient être
tirées du contexte auxquelles celles-ci ont pu faire référence.
520. - Au vu de ce qui précède, l’encadrement contractuel est particulièrement opportun pour
protéger un savoir-faire, pour aménager avec une condition suspensive, l’obtention de
financement permettant de réaliser les investissements nécessaires. La sélection dans la
franchise commerciale et dans la concession exclusive peut être concernée. Les exigences
propres à la sélection dans la distribution sélective présentent des limites à la possibilité de
l’encadrement contractuel.
Paragraphe II/ Les limites à un encadrement juridique aménageant la
sélection
521. - La possibilité de recourir à un encadrement contractuel des négociations, pour la mise
en œuvre d’un processus de sélection, sous entend l’exercice de la liberté décisionnelle du
fournisseur. L’initiateur du réseau doit avoir la capacité et le pouvoir de mettre en place un tel
encadrement, avant de juger de son opportunité.
Le système de distribution sélective connait des particularités et exigences telles que celles-ci
visent à générer une obligation de sélectionner l’ensemble des candidats distributeurs aptes,
restreignant ainsi considérablement la liberté de négociation et de décision de l’initiateur de la
sélection (I). La conclusion de contrats-cadre de distribution à durée déterminée n’est pas
conseillée, en raison des difficultés posées lorsque le fournisseur souhaite résilier ces dits
contrats (II).
I/ L’obligation de sélection dans la distribution sélective
522. - L’initiateur d’un réseau de distribution sélective établit préalablement des critères
objectifs et non discriminatoires afin de satisfaire son besoin de sélection705. Le fournisseur
doit respecter une obligation de contrôle dans l’établissement des critères de sélection et dans
leur mise en œuvre706. La réalisation du processus de sélection est alors encadrée, règlementée
par les seuls critères antérieurement définis. Lorsque les candidats distributeurs remplissent
les conditions de commercialisation fixées, le fournisseur est contraint de les sélectionner.
Aussi, le système de distribution sélective présente une atténuation à la liberté décisionnelle
du promoteur du réseau, du fait de l’obligation de sélection qui pèse sur lui. La conclusion
d’un contrat de négociation ne présente pas de réelle utilité puisque le fournisseur est
contraint de sélectionner tous les candidats aptes, qui correspondent aux conditions de
commercialisation établies.
II/ Le contrat-cadre de distribution à durée déterminée
523. - La sélection des candidats distributeurs ne s’effectue pas en un trait de temps et a
vocation à se renouveler, du fait de l’évolution des nécessités du réseau, en constantes
mutations. Le phénomène de sélection peut intervenir dans le but de constituer un réseau de
distribution mais également lors d’une réorganisation de celui-ci. Néanmoins, la conclusion
de contrat à durée déterminée constitue une limite à la pleine expression de la volonté du
promoteur du réseau.
524. - La réalisation du processus de sélection par la conclusion de contrats-cadre à durée
déterminée contraint le fournisseur à respecter l’échéance fixée. Toutefois, pour pallier à cela,
l’initiateur du réseau peut prévoir la seule conclusion de contrats à durée indéterminée, afin de
se réserver la liberté de rompre les relations contractuelles plus aisément. Il conviendra
néanmoins que le fournisseur respecte la législation concernant le préavis nécessaire, sans
quoi une rupture brutale ou abusive pourra lui être reprochée. De plus, dans un système de
distribution sélective, l’initiateur du réseau ne peut résilier les contrats des distributeurs
satisfaisant encore aux critères de commercialisation posés. A moins qu’il n’existe une
705
706
CA Versailles, 5 sept. 2002, n° 2000-01943.
R. BERTIN, Distribution automobile certes, mais distribution sélective avant tout, RD. 2005, p. 2226.
nécessité légitime et objective de réorganiser le réseau, la liberté décisionnelle du fournisseur
est réduite707.
525. - Le réseau de distribution sélective est, en conséquence, relativement contraignant tant
dans sa mise en œuvre que dans son fonctionnement, en ce sens qu’il ne permet pas une
pleine expression de l’unique volonté du fournisseur. La franchise commerciale, voire même
la concession exclusive, tendent à conférer à leur promoteur une liberté décisionnelle plus
étendue.
707
V. Infra n° 181.
Conclusion sur la gestion des risques liés à la finalisation des négociations
dans le processus de sélection
526. - La mise en œuvre d’un processus de sélection par le promoteur d’un réseau de
distribution est confrontée à des aléas, à des éléments difficilement prévisibles, des risques
qu’il convient de minimiser. L’encadrement de la conduite des négociations est utile en
présence de besoins de sélection qui présentent des nécessités précises, mais celui-ci ne
saurait être effectif sans anticiper les risques liés à la prise de décision du fournisseur, à la fin
des négociations.
Les dispositions propres à l’inexécution et à l’extinction du contrat de négociation, telles que
les clauses de dédit ou de résolution de plein droit, apportent un gage de sécurité à l’initiateur
du réseau. Ce dernier peut également réunir différents mécanismes contractuels, par la
conclusion d’un contrat de négociation pour régir leur déroulement, puis d’une promesse
unilatérale ou synallagmatique de contracter, avec des conditions suspensives, visant à figer
pour un instant le consentement d’une ou des parties. La combinaison de plusieurs outils
juridiques doit s’effectuer en fonction des nécessités propres à chaque processus de sélection,
ne s’agissant ici que d’analyses à titre d’exemples.
Il convient de noter que la constitution d’un système de distribution sélective, de part les
obligations de sélection induites, n’est pas propice à de tels encadrements, du fait du défaut de
liberté décisionnelle du fournisseur une fois les critères établis. La conclusion de contrats à
durée déterminée tend également à retreindre la liberté contractuelle du promoteur du réseau,
pour la mise en œuvre d’une seconde « vague » de sélection. L’encadrement juridique du
processus de sélection tend plutôt à répondre aux attentes formulées dans la franchise
commerciale et la concession exclusive.
CONCLUSION GENERALE
527. - Au terme de cette étude, il nous est permis de préciser le concept de sélection dans la
distribution, par les notions de besoin et de processus de sélection. Le besoin de sélection est
difficilement palpable, du fait de la diversité des éléments qui sont à l’origine de sa naissance.
Celui-ci ne peut être appréhendé de manière générale et s’empreigne des particularités propres
à chaque processus de sélection, en fonction du point d’équilibre rencontré entre la volonté du
fournisseur et les contraintes de la satisfaction juridique de son besoin de sélection. Alors
même que ses contours sont repérables, le besoin de sélection demeure en constante mutation,
n’étant pas figé dans le temps, il a vocation à se réitérer pour la constitution d’un réseau de
distribution, mais aussi sa réorganisation.
La réalisation du processus de sélection ne peut s’effectuer qu’au moyen de critères de
sélection et de leur application licites, en respectant des exigences légales, jurisprudentielles
correspondant à chaque système de distribution. Le pouvoir décisionnel du fournisseur se
trouve affecté par les exigences correspondant au modèle de commercialisation projeté ;
l’obligation de sélection, lui incombant dans la distribution sélective, le contraint à baser le
processus de sélection sur les critères préalablement établit alors que la concession exclusive,
et plus particulièrement la franchise commerciale, octroie au fournisseur une plus grande
liberté.
528. - Le processus de sélection conduit à l’éviction de certains opérateurs au profit des
distributeurs sélectionnés et génère, à ce titre, un contrôle par le droit de la concurrence.
L’intervention de dispositions contraignantes, justifiées au regard de la préservation des
enjeux concurrentiels, tend à encadrer le processus de sélection, notamment par l’émergence
de nouvelles exigences, particulières, en matière de distribution automobile. L’inadaptation de
l’esprit du droit de la concurrence, des pratiques anticoncurrentielles, à s’intéresser aux
aspects micro-économiques des relations de distribution atteste de l’incohérence d’un tel
encadrement juridique de la sélection. La sanction des pratiques restrictives de concurrence
est, textuellement, inapte à régir les dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de
distribution du fait de l’absence de relations commerciales établies.
529. - L’opportunité d’ériger un encadrement des négociations dans la sélection tend à
conférer aux parties les outils juridiques permettant d’anticiper, de minimiser les risques s’y
afférents. Les enjeux liés à la réussite du processus de sélection impulsent les synergies du
réseau. Le promoteur du réseau organise et sécurise son processus de sélection, en
aménageant contractuellement la conduite des négociations ainsi que le temps de leur
finalisation, au moment de l’expression son pouvoir décisionnel. Le fournisseur a tout intérêt
à envisager la création de dispositions lorsqu’il souhaite protéger son savoir-faire, en présence
de risques liés à son besoin de sélection.
530. - Le régime anglo-saxon n’apporte que des réponses à demi-mots octroyant un faible
encadrement, refusant, notamment, de conférer la force obligatoire aux « Agreements to
negociate », et privilégiant la liberté contractuelle quasi-absolue des parties, de pouvoir
réaliser de bonnes affaires. Seul le droit allemand confère un véritable régime de
responsabilité précontractuelle mais s’éloigne des enjeux informels des relations d’affaires.
L’encadrement juridique du processus de sélection doit résulter de la volonté des parties, du
fournisseur, avec la possibilité de ne pas s’en prévaloir si les risques de son besoin de
sélection ne le justifient pas. Aussi, le droit allemand vise à restreindre la liberté contractuelle
des négociateurs, pourtant essentielle à la naissance des relations de distribution. Les
« Principes pour un droit européen des contrats » ouvrent la voie vers la prise en
considération des négociations.
531. - Le droit français ne régit presque pas la période précontractuelle, le Code civil s’en
détournant clairement, et la tendance législative708 vise à s’en désengager, tel en témoigne la
suppression de la prohibition des pratiques discriminatoires, et la faculté offerte aux parties de
négocier librement leurs conditions de vente, conditions tarifaires. Les projets de réforme de
droit des contrats poursuivent une volonté de modernisation, pour rendre plus attractif le droit
français, notamment pour l’exportation, et s’intéressent davantage aux négociations.
Cependant, les parties semblent ne pas être encore à l’aube d’un droit émergeant des
négociations alors même que le processus semble enclenché. En effet, le projet de réforme de
la Chancellerie du droit des contrats opère une confusion maladroite en réunissant au sein
d’un Chapitre intitulé « Formation du contrat » les dispositions propres aux négociations.
532. - Le recours aux mécanismes juridiques préexistants, à la technique contractuelle permet
d’adapter aux nécessités de chaque besoin de sélection, en fonction des divers risques qu’il
présente, l’outil juridique efficace. Certains besoins de sélection sont satisfaits par le seul
708
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a modifié l’article L. 442-6 du Code de
commerce : la liberté de négocier les prix est consacrée ; l’article L. 441-6 du Code de commerce : les règles de
transparence précontractuelles sont assouplies.
encadrement du droit de la responsabilité civile, uniquement en cas d’abus dans le
déroulement des négociations, afin de laisser toute latitude aux enjeux informels.
L’opportunité d’encadrer juridiquement certains processus de sélection peut être l’expression
protectrice, dotée d’une force obligatoire, des attentes que ceux-ci véhiculent.
D’autres besoins de sélection, plus élaborés, doivent composer avec des nécessités
particulières, telles que la confidentialité, l’exclusivité. Le contrat de négociation offre aux
parties la possibilité d’aménager la conduite des négociations, en imposant des obligations au
candidat distributeur de non divulgation de savoir-faire par exemple, mais permet également
de régir la fin des négociations, avec les modalités d’extinction du contrat, et les
conséquences conventionnelles de son inexécution. Les promesses unilatérales et
synallagmatiques de contracter, avec une ou plusieurs conditions suspensives, sont utiles
lorsque le promoteur du réseau souhaite s’assurer de la volonté du candidat distributeur de
conclure le contrat-cadre de distribution, ou afin de figer le consentement des deux parties,
conditionné à la réalisation de l’objet de la condition, à la fin des négociations. La
combinaison de plusieurs mécanismes, contrat de négociation puis promesse synallagmatique
de contracter, peut être la réponse à certains besoins de sélection. Pour chaque besoin de
sélection déterminé, le fournisseur doit choisir le mécanisme juridique le plus apte à
minimiser les risques induits ; illustrations qui, sorties de leur contexte, ne sauraient être
efficientes.
533. - L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen définit le principe de
liberté. « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi, l’exercice
des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres
membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être
déterminées que par la loi ».
De la même manière, la liberté contractuelle absolue du promoteur du réseau ne saurait être
génératrice de retombées positives, celle-ci doit s’arrêter là où nait celle du candidat
distributeur. Néanmoins, le promoteur du réseau n’acceptera de limiter sa liberté qu’en
convoitant un intérêt plus grand, l’optimisation de la gestion de la sélection, du risque.
L’encadrement juridique du processus de sélection, qu’il soit limité aux négociations
informelles ou bien aménagé conventionnellement, selon les nécessités du fournisseur, est
donc possible et peut se révéler opportun.
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Cote : 01,2009.
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L'agrément est-il donné « intuitus personæ » ?, Cote : 08,2006.
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J.-P. VIENNOIS,
- J.-Cl. Fasc. 318, n° 16. Distribution sélective.
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V/ DECISIONS, NOTES DE JURISPRUDENCE ET COMMENTAIRES
1838
Cass. 30 mai et 11 juin 1838, DS., 1838, 1, p. 492 s.
1919
Cass. Civ, 3 févr. 1919, DP 1923, I, p. 126.
1955
Cass. 2e civ., 17 fév. 1955, n° 55-02.818, Bull. Civ II, n° 100, D. 1956, jur., p. 17, note
P. ESMEIN.
1956
Cass. civ., 14 déc. 1956 : Bull. civ. II, n° 694.
1957
Paris, 8 nov. 1957, D., 1958, p. 45 s.
1961
Cass. com., 6 nov. 1961 : D. 1962, p. 186.
1966
CJCE, 13 juill. 1966, Grunding-Consten, 56 et 58/64 73.
1967
Cass. Com., 22 févr. 1967, Bull. civ. III, n° 85.
1969
Cass. 1re civ., 4 févr. 1969, n° 67-11.387, D. 1969, jur., p. 601, note J. MAZEAUD.
1970
Cass. com., 21 oct. 1970, JCP 1971, éd. CI, 10131, note P. LEVEL.
Commission CE, 28 oct. 1970, Omega : JOCE n° L. 242, 5 nov.
1971
Cass. 1re, Civ., 26 mai 1971, D. 1971, p.501 s.
1972
Cass. Com. 20 mars 1972, JCP, 1973, II, 17543, note J. SCHMIDT ; RTD civ. 1972. 779,
obs. G. DURRY.
CJCE, 14 juill. 1972, Matières colorantes, aff. 48, 49 et 51 à 57/69, I.C.I et a c/ Comm. :
Rec. CJCE 1972, p. 619, B. GOLDMAN, obs. CLUNET 1973, p. 924.
Civ. 3e, 3 oct. 1972, Bull. civ. III, n° 491.
1974
Comm. CE, 13 déc. 1974, BMW : JOCE n° L. 29, 3 févr. 1975.
1976
Comm. CE, 21 déc. 1976, Junghans, JOCE, n° L.30, 2 févr. 1977, pt. 29.
Cass. Com, 9 févr. 1976, JCP 1977, II, p. 1859.
1977
Cass. Civ 1ière, 19 janvier 1977, D. 1977, 593, note J. SCHMIDT.
CJCE 25 oct. 1977, Metro c/ Commission, Rec. 1976, p. 1831.
Colmar, 6 déc. 1977, Cah. dr. E., 1978, n° 4, p. 12, note D. FERRIER.
1978
Cass. Com. 3 oct. 1978 ; Bull. Civ. IV, n°209, D. 1980, p. 55, note J. SHMIDT.
1980
Cass., 1re Civ., 3 janvier 1980, D. 1980, IR, p. 295.
CJCE, 11 déc. 1980, L’oréal : Rec. CJCE, 3775.
1981
Paris, 19 oct. 1981 : Gaz. Pal. 1982, 2, p. 240, note Ph. LE TOURNEAU.
1982
Cass. com., 14 juin 1982, n° 81-10.195, Gaz. Pal. 1983, 1, pan., p. 19, obs. J.
DUPICHOT.
1983
CA Aix-en-Provence, 13 janv. 1983, JCP éd. G 1984, II, no 20198, note F. GIVORD.
Cass. com., 19 oct. 1983, Bull. civ. IV, n° 269.
Arrêt AEG c/ Commission, 25 oct. 1983, aff. 107/82,
CA Angers, 1er déc. 1983, JurisData n° 043730.
1984
Cass. Com, 11 Janvier 1984, n° 82-13.259, Bull. Civ. IV, n° 16, p. 3 ; Quot. Jur. 14 juin
1984, p. 13.
Comm. CE, 18 avr. 1984, IBM : JOCE n° L. 118, 4 mai 1984, pt. 24.
Cass. Com, 11 mai 1984, n°82-15.925.
Cass. Civ 1ière, 13 juin 1984, no 83-13.113, Bull. Civ. I, n° 193.
1985
Cass. Com., 3 juill. 1985 : Bull. Civ. IV, n° 205.
Comm. CE, 10 juill. 1985, Grunding : JOCE n° L. 233, 30 août 1985, pt. 1.
Comm. CE, 16 déc. 1985, Villeroy et Boch : JOCE n° L. 376, 31 déc. 1985.
1986
CJCE, 28 janv. 1986, arrêt Pronuptia, aff. n° 161/84, Rec. CJCE, p. 353, att. 15.
Cass. Com, 25 février 1986, Arrêt Peugeot c/ Turco, JCP G 1988, II, 20995, 1re esp.,
note G. VIRASSAMY ; Bull. civ. 1986, IV, n° 33 ; RTD civ. 1987, p. 85, obs.
J. MESTRE.
Cass. Com. 10 juin 1986, Bull. IV, n° 123.
CJCE, 22 oct. 1986, Metro II, aff. 75/84, Rec. CJCE, 3021.
TGI Paris, 8 déc. 1986 : PIBD 1987, III, p. 183.
1987
Civ. 3e, 14 janv. 1987, D. 1988.80, note J. SCHMIDT.
Cass. Com, 10 février 1987, Arrêt Couturier c/ Peugeot, JCP G 1988, II, 20995, 2e esp.,
note G. VIRASSAMY ; Bull. civ. 1987, IV, n° 41.
CA Versailles, 18 févr. 1987, JurisData n° 1987-600814.
CA Paris, 5 Mars 1987, SARL MACSI Information c/ Sté APPLE.
Cass. crim., 11 mai 1987 : Rev Conc. consom., 1988-41, p. 25.
Cass. Crim., 11 mai 1987, Affaire Christine Laure, Rev Conc. consomm., 1988, n° 41, p.
25.
Comm. CEE, déc. n° 88/143, 22 déc. 1987, Rich Products/Jus-Rol : JOCE 15 Mars 1988.
1988
CJCE, 28 avr. 1988, Javico, Rec. CJCE 1983
1989
Cons. conc., déc. n° 89-D-16, 2 mai 1989, Sté Chaptal SA, BOCCRF 30 mai.
Cour de Paris, 18 mai 1989, D. 1990, p. 340, note CADIER, arrêt rendu à propos d’un
litige entre parfumeurs.
CA Rennes, 7 déc. 1989, Juris-Data n° 047667.
Cass. soc., 19 déc. 1989, RTD civ. 1991. 330, obs. J. MESTRE.
1990
Cons. conc., déc. n° 90-D-23, 3 juill. 1990, Sté JVC Vidéo France.
CA Paris, 1re ch., 12 juill. 1990, BOCCRF 20 juill.
1991
Comm. CE, 11 janv. 1991, Vichy : JOCE n° L. 75, 21 mars, confirmée par TPI, 27 févr.
1992.
TPICE, 27 févr. 1991, aff. T-19/91, Sté Vichy : Rec. TPICE 1991, p. 415.
Paris 13 mai 1991, RJDA 1991, n°911 ; RTD civ., 1992.394, obs. J. MESTRE.
CA Paris, 13 juin 1991, BOCCFR 5 juill.
Paris, 25 juin 1991, D. 1992, somm. p. 287, obs. D. FERRIER. – Cass. com., 7 févr.
1995, D. 1997, somm. p. 55, obs. D. FERRIER.
Paris, 25 sept. 1991, Marché de la chaussure de ski : BOCC 17 oct. 1991.
Cass. com., 22 oct. 1991 : D. 1992, somm. p. 393, obs. D. FERRIER.
Comm CE, déc. 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent Parfums, aff. IV/33.242, JOCE, 18
Janvier 1992, Europe 1992.
1992
Rennes, 29 avril 1992, Bull. Joly 1993, p. 463, note J.J. DAIGRE.
Reims, 10 juin 1992, RDJA 1992, n° 893 ; RTD. Civ. 1993.343, obs. J. MESTRE
Cass. com., 16 juin 1992, n° 90-20.665 : JurisData n° 1992-002669.
Comm. CE, 24 juill. 1992, Système de distribution sélective de Parfums Givenchy, aff.
IV/33.542 : JOCE, 19 Aout 1992 ; Europe 1992, comm. 387.
Cass. com., 27 oct. 1992 et Paris, 17 févr. 1993 : D. 1995, somm. p. 83, obs. D.
FERRIER.
Affaire Walford v. Miles, 1992, 2 AC 128.
1993
CA Paris, 21 janv. 1993, RD 1995, p. 73, obs. D. FERRIER.
Cass. com., 27 avr. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 159, p. 109.
Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17. 983, RJDA 1993, n° 922, Contrats, conc., consom.
1993, n° 213.
Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.456.
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199.
Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199.
Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, n° 91-16.828, Bull. civ. I, n° 372, p. 258.
1994
CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15, n° 7.
Cass. com., 15 fév. 1994, RJDA 5/94 n° 542.
Com. 22 février 1994, Bull. IV, n°79, RJDA 1994.765.
CA Lyon, 4 mars 1994, Juris-Data n° 043277
Paris, 20 mai 1994, D. 1995, somm., p. 70, obs. D. FERRIER.
Cass. com., 18 oct. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n° 310.
Comm. CE, déc. 12 déc. 1994, Fujitsu AMD Semiconductor, aff. IV/34.891 : JOCE, 30
Décembre 1994
Cass. civ., 13 déc. 1994, RJDA 7/95 n° 813.
1995
T com. Toulouse, 8 févr. 1995, cité par L. et J. VOGEL.
CA Paris, 15e ch., 15 mars 1995 : JurisData n° 1995-021061.
CA Versailles, 21 sept. 1995, Société Poleval c/ Société Laboratoires Sandoz, RTD civ.
1996, p. 145, obs. J. MESTRE, pourvoi rejeté par Cass. com., 7 avr. 1998, n° 95-20.361,
JCP éd. E 1999, p. 579, note J. SCHMIDT.
Cass. com., 28 nov. 1995, Bull. civ. IV, n° 276, p. 254.
1996
Comm. CE, déc. Bayer n° 96/478/CE, 10 janv. 1996, JOCE 9 août, n° L 201, p. 1.
CA Nîmes, 2ième ch. 25 janv. 1996, SA Automobiles Citroën c/ SA Alès Auto.
Cass., com. 30 janv. 1996, D. 1997, p. 232, note SERRA.
Cass. com., 13 févr. 1996, n° 93-19.654, Bull. civ. IV, n° 50, Rev. Sociétés 1996, p. 781,
note J.-J. DAIGRE.
Cass. com., 9 avr. 1996, n° 94-14.649, Bull. civ. IV, n° 117, p. 99.
Cass. 1re civ., 11 juin 1996, RJDA 12/96 n° 1437.
Cons. conc., 1ier oct. 1996, Produits cosmétiques, BOCC 1997, p. 42.
Cass. Civ 1ière, 5 novembre 1996, n° 94-20.817, Bull. Civ. I, n° 379, p. 265.
Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, n° 94-17.369, RTD civ. 1997, p. 424, obs. J. MESTRE.
Cons. Conc., 19 nov. 1996, déc. n° 96-D-72, Rolex.
TPICE, 12 déc. 1996, aff. T-88/92 et T-19/92, Yves Saint-Laurent Parfums et Givenchy :
Rec. CJCE 1996, II, p. 967 et 1857.
1997
Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n° 94-21.561.
CA Paris, 6 févr. 1997 : D. 1998, somm. p. 335, obs. D. FERRIER.
Cons. conc., déc. n° 97-D-31, 20 mai 1997, Distribution des produits d'entretien
professionnels.
Cass. civ., 21 mai 1997 : D. 1998, p. 150, note B. FAGES.
Cass. 2e civ., 21 mai 1997, n° 95-17.743, Bull. civ. II, n° 158, D 1998, jur., p. 150, note B.
FAGES.
Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-11.448, Bull. Civ. IV, n° 255, D. Aff. 1997, p. 1460.
Cass. com., 21 oct. 1997, Bull. civ. IV, n° 271 ; D. 1998, somm. p. 340, obs. D.
FERRIER.
CJCE, 4 nov. 1997, Dior : Rec. CJCE, I, 6034.
CA Versailles, 6 nov. 1997 : RTD civ. 1998, p. 370, obs. J. MESTRE.
Cass. com., 2 déc. 1997, Andreco, D. 1998, somm. p. 334, obs. D. FERRIER
CA Paris, 9 déc. 1997, Sté Rolex, JurisData n° 1997-023732.
1998
Cass. com., 10 févr. 1998, Bull. civ. IV, n° 252.
Cass. Com, 10 févr. 1998, no 95-21.906, Bull. civ. IV, no 71, p. 55, RTD civ. 1998,
p. 365, obs. J. MESTRE, JCP éd. E 1998, p. 894, note L. LEVENEUR.
Versailles, 5 mars 1998 : D. 1998, somm. P. 342, obs. D. FERRIER.
Com. 7 avr. 1998, D. 1999.J.514, note. P. CHAUVEL.
CJCE, 14 mai 1998, Carton et CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-49/92, Commission c/ ANIC
Partecipazioni : Rec. CJCE 1999, I, p. 4125, pt 130.
Civ. 1re, 15 déc. 1998, RTD civ. 1999. 623, obs. MESTRE.
1999
Cass. Civ 1ière, 6 janvier 1999, JCP 1998, II, 10066, note B. FAGES.
Versailles 1ier avril 1999, RJDA 1999.1285.
CA Versailles, 1er avril 1999, RJDA 1999, n° 1285.
T. com. Avignon, 25 juin 1999, RG n° 98/003658, SA Haladjan et Ministre de
l’Economie c/ Société Verachtert, RJDA 11/99, n° 1176.
Comm. CE, déc. 14 sept. 1999, GEAE/P & W, aff. IV/36.213/F2 : JOCE, 3 Mars 2000.
Cass. com., 19 oct. 1999, Prodim, Cah. dr. entr. 2000, n° 4, p. 19, obs. J.-L. RESPAUD.
2000
Cass. com. 25 janv. 2000, Contrats, conc., consom. 2000, n° 64, obs. M. MALAURIEVIGNAL.
Cass. 3e civ., 15 févr. 2000, n° 98-17.860, RTD civ. 2000, p. 564, obs. J. MESTRE et B.
FAGES.
TPICE, 15 mars 2000, aff. Jtes T-25/95 et a, Cimenteries-CBR c/ Commission, Rec.
CJCE 2000, II, p. 491, pt. 1852.
Cass. Com. 20 juin 2000, RJDA 2000, n° 1068.
Cass. 2e civ., 6 juill. 2000, n° 98-17.827, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 2, note
L. LEVENEUR.
CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, act. jurispr. p. 389, obs. E. CHEVRIER.
TPICE, 26 oct. 2000, aff. T-41/96, Bayer AG, Rec., CJCE, II, p. 3383, Contrats, conc.,
consom. 2001, comm. 28, obs. S. POILLOT-PERUZZETTO.
Cass. com., 30 oct. 2000, n° 98-11.224, Contrats, conc., consom. 2001, n° 21, note L.
LEVENEUR.
Cass. com., 21 nov. 2000, Verjo c/ Bonaudo, Cah. dr. entr. 2001, n° 4, p. 26, note J.L. RESPAUD ; Contrats, conc. consom. 2001, comm. 20, note L. LEVENEUR.
2001
Cons., conc., Décision n° 00-D-72 du 16 janv. 2001 relative à une saisine présentée par
la Société Time and Diamond.
Cons. Conc., 19 juill. 2001, déc. n°01-D-45, Ray Ban.
Cons. conc., déc. n° 01-D-42, 11 sept. 2001, André Barbot, Recueil Lamy, n° 863, obs. V.
SELINSKY.
2002
Cass. com., 9 mars 2002, RTD com. 2003, p. 75, obs. E. CLAUDEL.
Cass. 3e Civ., 27 mars 2002, n° 00-30.732, Bull. civ. III, n° 77, Cah. Dr. Entr. 2002, n° 5,
p. 20, obs. J.-L. RESPAUD.
Cons. conc., déc. n° 2002-D-26, 9 avr. 2002 relative à une saisine de la société Prieur
Sports dans le secteur de la distribution des équipements d'escrime.
CA Versailles, 12ème ch., 16 mai 2002, Sté Parasante c/ Sté Biotherm distribution et
compagnie, RD. 2003, p. 2433 et p. 2430, obs. D. FERRIER.
Cass. Com. 2 juill. 2002, RJDA 2003, n°52.
Paris, 3 juill. 2002, D. 2003, somm. 2429, obs. D. FERRIER.
Cass, soc., 10 juillet 2002, Bull. civ. V, n°293, 3 arrêts, JCP 2002.II.10162, note critique
PETIT, JCP, éd. E, 2002.1511, note D. CORRIGNAN-CARSIN, D. 2002.2491, note Y.
SERRA.
Comm. CE, déc. 8 oct. 2002, IFPI Simulcast, aff. COMP/C2/38.014, § 84 : JOCE, 30
Avril 2003.
Cons. Conc., 7 nov. 2002, déc. n°02-D-67, St Chapelle et Senavem c/ Sté Darty,
Caprofem et certains de leurs fournisseurs, BOCC 28 févr. 2003, p.165.
CA Paris, 7 nov. 2002, RTD civ. 2003, p. 76, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
2003
Cass. com., 21 janv. 2003, Sté Moto-Ouest c/ Sté MBK, Contrats, conc. consom. 2003,
comm. 68, note L. LEVENEUR.
CA Douai, 6 février 2003, Juris-data no 2003-246631.
Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, JCP G 2003, I, n° 128, spéc. n° 17, obs. L.
CADIET.
Cass. Com, 11 mars 2003, n° 97-14.366.
Com. Déc. 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOUE L 209, 19 août 2003, pt. 123.
Cass. 2e civ., 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, D. 2003, p. 2326,
note J.-P. CHAZAL, DEFRENOIS 2003, art. 37845, n° 121, obs. J.-L. AUBERT.
Cass. com., 1ier juill. 2003 : D. 2003, somm. p. 2427, obs. D. FERRIER.
CA Versailles, 25 sept. 2003, JCP 2004 éd. E., n° 384, obs. P. MOUSSERON.
TC Paris, 24 novembre 2003, Juris-data no 2003-235448.
Cass. Com. 26 nov. 2003, Bull. Civ. IV, n°186, RTD Civ. 2004, p. 80, obs. J. MESTRE et
B. FAGES.
Cons. conc., déc. n° 03-D-66, 23 déc. 2003, Pratiques mises en œuvre par la société
Renault et le groupement des Concessionnaires Renault (GCR) dans le secteur de la
distribution automobile.
2004
CJCE, 6 janv. 2004, aff. Jtes C-2/01 et C-3/01 P, Bundesverband der ArzneimittelImportere, Europe fév. 2004, comm. 84, obs. L. IDOT.
Cass. com., 4 févr. 2004, Sté Fina, Cah. dr. entr. 2004, n° 3, p. 29, obs. J.-L. RESPAUD.
Comm. CE, déc. 7 avr. 2004, § 132 ; Comm. CE, déc. 10 mars 2003, British Airways/SN
Brussels Airlines, aff. COMP/A.38.477/D2.
Cons. conc., Avis n° 04-A-14 du 23 juill. 2004 relatif à une saisine du Syndicat national
de l’équipement du bureau et de l’informatique.
Cass. com., 14 décembre 2004, pourvoi n° 02-10.157.
2005
Cass. com., 11 janv. 2005, Juris-Data n° 2005, 026564, pour des « jeans haut de
gamme ».
Aix en Provence, 3 mars 2005, Dr. Fam., 2005, n°11, p. 22.
Cass. 3e civ., 10 mai 2005, n° 03-19.238, RDC 2005, p. 1076, note F. COLLART
DUTILLEUL.
Cass. civ., 17 mai 2005, pourvoi no 04-12.176, Juris-data no 2003-222223, Contrats
conc. consom. 2005 comm. 169, M. MAULAURIE-VIGNAL.
Cons. Conc. Déc. 05-D-22, 18 mai 2005, Pratiques mises en œuvre par l’association
« Agriculture et Tourisme en Dordogne-Périgord ».
Cass. 1re civ., 24 mai 2005 : Bull. civ. 2005, I, n° 223 ; D. 2006, p. 1025, note
A. BENSAMOUN ; RTD civ. 2005, p. 588, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
Cass. com., 28 juin 2005, Garage Gremeau c/ DaimlerChnrysler, JurisData n° 2005029187. n° 982 : RJDA 3/06 n° 255.
Versailles, 24 nov. 2005, Lettre distrib. Déc. 2005, p. 2.
Cons. Conc., 5 déc. 2005, déc. n°05-D-66, point 250.
2006
Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 02-21.240 et n° 02-21.355, Juris-Data n° 2006-032278.
Décision n°06-D-03, Cons., conc., 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation.
Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04 bis, pt 451.
CA Versailles, 11 mai 2006, D. 2007, pan. p. 191, obs. D. FERRIER.
CA Paris 12 mai 2006 n° 04-9488, 25e ch. A, SARL IDEIS c/ SA Alsthom Transport.
Cass. com., 25 avril 2006, RDC 2006. 1033, obs. ROCHEFELD.
Cass. Civ. 3ième, 28 juin 2006, JCP 2006, II, 10130, note O. DESHAYES.
Cons. conc., déc. n° 06-D-24, 24 juill. 2006 relative à la distribution des montres
commercialisées par Festina France, Contrats, conc., consom.2006, comm. 18.
CJCE, 3e ch., 7 sept. 2006, VW-Audi Forhandlerforenigen c/ Skandinavick Motor, aff.
C-135/05, note E. CHEVRIER, Modalités de la réorganisation d’un réseau de
distribution automobile, RD 2006, p. 2393.
Cons. conc., déc. n° 06-D-28, 5 oct. 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, Contrats,
conc., consom.2006, comm. 122.
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, D. 2006. 2825, note VINEY. – Com., 6 mars 2007, D. 2007.
AJ. 1078, obs. CHEVRIER.
2007
CA Paris, 17 janv. 2007, n° 05/22999 – CA Paris, 10 janv. 2007, n° 05/24739 - CA Paris,
29 déc. 2006, n° 06/03791.
Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 05-17.573.
Cass. com., 6 févr. 2007, n° 03-20.463, D. 2007, p. 1317.
Cass. Com., 6 mars 2007, n° 05-17.011, SA Ferry c/ Sté Automobile Peugeot, JurisData
n° 2007-037802., E. CHEVRIER, Nécessité d’une réorganisation juridique ou
économique du réseau, Dalloz.
Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-13.991, SA Garage de Bretagne c/ SA Daimler Chrysler
France : JurisData n°2007-037801, D. 2007. AJ. 1011, obs. CHEVRIER.
Civ. 1re, 15 mai 2007, D. 2007. AJ. 1502.
Cass. com., 9 oct. 2007, n° 05-14.118, Revue Lamy Dr. Civ. n° 47,p. 6, Vers
l’indemnisation de la clause de non-concurrence ?, obs. D. MAINGUY et M. DEPINCE.
CA Paris, 16 oct. 2007, 1re ch., sect. H, n° RG: 2006/17900, Bijourama c/ Festina France.
Cass. com., 20 nov. 2007 : JurisData n° 2007-041591, Contrats, conc. consom. 2008,
comm. 6, note N. MATHEY, rupture de pourparlers au cours du préavis précédant la
rupture d'un contrat de distribution.
CA Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, Sté HBC c/ SA Cartier, JurisData n° 2007-352302.
Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n° 06-10.390.
2008
Cass., com., 29 janv. 2008, n° 06-17. 748 (n° 167 F-B+P), RD 2008, p. 476, obs.
CHEVRIER.
Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS D, Sté Ogic c/ SCI Foncière Costa et a.,
Juris-Data n° 2008-043404.
Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n° 06-18007761.
Cass. com., 2 déc. 2008, n° 07-18.775, F-D, SA Au sol d'or c/ SA Clause Tezier,
JurisData n° 2008-046118.
2009
Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297.
Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n° 08-13.194.
VI/ TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
A. LEGISLATION COMMUNAUTAIRE
Règl. CE n° 4087/88 du 30 nov. 1988, JOCE n° L 359, 28 déc. 1988.
Règl. CE n° 2790-99, JOCE n° L.336/21, 29 déc. 1999.
Communication Comm. CE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291
du 13 oct. 2000.
Rapport de la Commission européenne publié en 2000 (COM/2000/743).
Règl. CE n° 1400/2002, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81,
paragraphe 3, du Traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées
dans le secteur automobile, accompagné d’une « Brochure explicative » du 31 juill. 2002,
JOCE n° L. 203, 1ier août 2002, avec un complément du 12 nov. 2003, eur-lex.europaeu.
Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques.
B. LEGISLATION INTERNE
a. LOIS
Loi du 18 juillet 1937 modifiée par la loi du 6 mars 1957, modifiée en 1973 et codifiée
aux articles L. 751-1 à L.751-15 du Code du travail, Régime des VRP.
Loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989.
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, article 72-III codifié à l’article 1589-1 du Code
civil.
Loi NRE n° 2001-420 du 15 mai 2001.
Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 concernant la prescription en matière civile, issue d’une
proposition de loi de M. J-J HYEST, président de la commission des lois du Sénat.
Loi LME n° 2008-776 du 4 août 2008, Journal Officiel 5 Aout 2008 s.
b. DECRETS
Décret n°91-337 du 4 avril 1991 : nature des informations à délivrer, concernant le passé,
le présent et l’avenir « perspectives de développement du marché concerné ».
c. ORDONNANCES
Ordonnance n° 86-1273 du 1ier déc. 1986.
d. AUTRES
P. CATALA (dir.) Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription,
Rapport au garde des Sceaux du 22 sept. 2005.
VI/ AUTRES SOURCES
THOEING, Colloque du 22 mai 1991 organisé par l’Association Libre Justice sur « Les
enjeux économiques et culturels de la distribution sélective ».
Rapp. Me Max VOGUE, relatif à certaines stipulations d'un contrat de distribution
sélective à la demande du Ministre de l'économie, juin 2007.
Le Monde Diplomatique, « Discrimination positive », mai 2007, p. 12.
Rapport de la Banque mondiale Doing business ( www.doingbusiness.org).
Enquête annuelle Banque Populaire / FFF / CSA 2006 : le parcours du candidat à l’entrée
dans un réseau n’est pas inférieur, en moyenne, à six mois, entre le premier contact et la
signature du contrat.
J.-M MOUSSERON, Rapport de synthèse du colloque « La négociation du contrat », le
19 mai 1998, organisé par l'Université des sciences sociales de Toulouse (Toulouse I),
centre de droit privé, in D., RTD com. 1998 p. 559.
D. HOUTCIEFF, Rapport de présentation, in Blog « Faculté, Droit et Droit à la
faculté », 24 sept. 2008.
M. HOUELLEBECQ, La possibilité d’une île, éd. Fayard, 2005.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE .............................................................................................................................. 1
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 2
PREMIERE PARTIE L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION
PAR LA DETERMINATION DU BESOIN ....................................................................... 20
TITRE I La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction
juridique par le processus................................................................................................... 22
Chapitre I L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? ....................... 22
Section 1/ Les motifs de la sélection ......................................................................... 23
Paragraphe I/ L’analyse du besoin de sélection ....................................................... 23
I/ L’efficience économique et commerciale .................................................... 23
A/ La maximisation de la qualité et des profits ................................... 24
B/ Les avantages retirés par les consommateurs................................... 25
C/ But purement lucratif ....................................................................... 27
II/ Le contrôle et la protection opérés sur les produits par le réseau de
distribution ....................................................................................................... 27
A/ Un contrôle effectif de la commercialisation ................................... 27
B/ Le choix de la stratégie commerciale du fournisseur ...................... 28
C/ L’auto protection inhérente au réseau ............................................. 29
1/ La notion de réseau .............................................................. 29
2/ Les synergies du réseau : l’exemple de l’auto protection .... 32
a/ La protection opérée par le réseau contre les marchés
parallèles .................................................................. 32
 Protection
en
faveur
des
intérêts
du
fournisseur .................................................. 32
 Influences de la lutte contre le parasitisme
sur les droits de propriété industrielle :
l’histoire d’une dérive ............................... 33
b/ La consécration d’un droit à la protection de la
revente du fait de l’existence même du réseau ............. 34
Paragraphe II/ L’analyse du choix du système de distribution satisfaisant le besoin
de sélection ............................................................................................................. 35
I/ L’élément déterminant, l’ajustement entre indépendance juridique du
distributeur et contrôle du fournisseur .............................................................. 36
II/ Les processus de sélection, réponses aux divers besoins ............................. 37
A/ La vérification de l’indépendance juridique .................................... 37
1/ Les limites entre indépendance juridique et réelle liberté
décisionnelle ............................................................................. 38
2/ La nécessaire intervention modérée du fournisseur dans
l’activité du distributeur, enjeu inhérent au réseau .................. 38
B/ Les offres des différents processus de sélection pour la satisfaction
des besoins ........................................................................................... 39
1/ Le système de distribution sélective. ..................................... 39
2/ La concession exclusive ........................................................ 41
3/ La franchise commerciale .................................................... 42
Section 2/ L’influence du système de distribution a priori retenu sur la liberté
décisionnelle de l’initiateur de la sélection .............................................................. 45
Paragraphe I/ L’obligation de sélection .................................................................. 45
I/ Le système de distribution sélective.............................................................. 45
II/ Le système de distribution agrée.................................................................. 46
III/ Une obligation de sélection nuancée dans la concession exclusive ........... 47
Paragraphe II/ L’existence d’un devoir de sélection dans la franchise ................... 47
Paragraphe III/ La coexistence de deux systèmes de distribution .......................... 48
Conclusion sur l’existence de contours « flous » au besoin de sélection ?......................... 51
Chapitre II La satisfaction juridique du processus de sélection .................................... 52
Section 1/ La licéité de la mise en œuvre du processus de sélection ...................... 54
Paragraphe I/ La licéité des critères de sélection.................................................... 55
I/ Les critères quantitatifs ................................................................................. 56
A/ La sélection quantitative dans la distribution sélective ................... 56
B/ L’application de critères quantitatifs dans la concession exclusive . 60
II/ La nature des critères qualitatifs de sélection .............................................. 61
A/ Les critères subjectifs ....................................................................... 61
B/ Les critères objectifs ........................................................................ 62
Paragraphe II/ La licéité de l’application des critères, de façon effective ............. 64
I/ Les exigences propres à la distribution sélective .......................................... 64
II/ La présence de l’obligation d’objectivité et de non discrimination dans
la franchise commerciale ? ............................................................................... 65
Section 2/ La validité du contrôle de l’effectivité du processus de sélection ......... 68
Paragraphe I/ Droit et devoir de contrôle du fournisseur indispensables à
l’effectivité de la sélection ...................................................................................... 69
I/ La protection directe du réseau ..................................................................... 69
A/ Le contrôle des obligations à la charge des distributeurs
sélectionnés ........................................................................................... 69
1/ Les exigences licites / admises ............................................. 70
2/ Les obligations condamnées ................................................. 72
B/ Les moyens de la protection directe du réseau................................. 72
1/ L’engagement de la responsabilité du distributeur
sélectionné ................................................................................. 73
2/ L’engagement de la responsabilité du revendeur
hors réseau ................................................................................ 74
II/ La protection indirecte du réseau ................................................................. 75
Paragraphe II/ La licéité des moyens du contrôle du fournisseur ............................... 77
I/ Un droit de contrôle limité au respect des conditions de commercialisation
dans la distribution sélective ................................................................................... 77
II/ Un droit de contrôle plus souple dans la concession et plus élaboré dans la
franchise ........................................................................................................... 78
A/ Le contrôle de la gestion par l’assistance nécessaire, utile dans la
concession ............................................................................................. 78
B/ Le contrôle de la gestion par l’assistance obligatoire du franchiseur
............................................................................................................... 78
Conclusion sur la satisfaction juridique du processus de sélection ................................... 81
TITRE II Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement juridique
du processus de sélection .................................................................................................... 83
Chapitre I Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du
droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences ..................................... 84
Section 1/ Le contrôle de la mise en œuvre du processus de sélection à l’épreuve
du principe de la liberté de la concurrence .............................................................. 85
Paragraphe I/ La perception par le droit de la concurrence des systèmes de
distribution opérant un processus de sélection ...................................................... 85
I/ Les spécificités des différents systèmes de distribution. ............................... 85
A/ La franchise commerciale ................................................................ 86
B/ La concession exclusive ................................................................... 87
C/ La distribution sélective ................................................................... 88
II/ La conciliation entre le principe de la liberté de la concurrence et les
spécificités de chaque système de distribution ................................................ 89
Paragraphe II/ Le régime spécifique de la distribution automobile ....................... 91
I/ La distribution sélective en matière automobile ........................................... 92
II/ La distribution exclusive en matière automobile ......................................... 94
Section 2/ Le contrôle de la réorganisation du réseau à l’épreuve du principe de la
liberté de la concurrence ............................................................................................ 95
Paragraphe I/ La liberté de principe de l’initiateur du réseau de gestion et
réorganisation ........................................................................................................ 95
I/ Les modalités du droit à la réorganisation du réseau au bénéfice du
fournisseur ........................................................................................................ 95
A/ Un principe affirmé ......................................................................... 95
B/ Un principe justifié par de réels motifs ........................................... 96
II/ Réorganisation de réseau de distribution automobile : un cas particulier ... 97
Paragraphe II/ Les limites à la liberté de réorganisation du fournisseur : la
consécration du droit au renouvellement du contrat de distribution sélective ?.... 99
Conclusion sur l’analyse et le contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du
droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences .......................................... 101
Chapitre II L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ................................................... 102
Section 1/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de
distribution par les pratiques anticoncurrentielles ............................................... 103
Paragraphe I/ L’emploi de l’article L. 420-2 du Code de commerce ................. 103
I/ Les modalités de l’adaptation de l’article L. 420-2 du Code de commerce
pour régir les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution........... 103
II/ Les difficultés résultant de l’inadaptation du recours à l’article L. 420-2 du
Code de commerce ........................................................................................ 104
Paragraphe II/ L’utilisation du droit des ententes ................................................. 106
I/ Les moyens du contrôle des dispositions préalables au contrat-cadre de
distribution par le droit des ententes .............................................................. 106
II/ L’inaptitude du droit des ententes à régir les dispositions préalables au
contrat-cadre de distribution .......................................................................... 107
A/ Les raisons de l’échec. ................................................................... 108
1/ Les difficultés inhérentes aux notions d’ « accord » et de
« pratique concertée » ............................................................. 108
2/ L’affirmation de l’incompatibilité ..................................... 110
B/ Le champ d’application du contrôle opéré par le droit des ententes
circonscrit au processus de sélection, excluant celui de son encadrement
............................................................................................................. 112
Section 2/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de
distribution par les pratiques restrictives de concurrence ...................................... 114
Paragraphe I/ L’adaptation du contrôle des pratiques restrictives de concurrence
lors de l’exécution du « contrat préparatoire » de distribution ........................... 114
Paragraphe II/ L’impossibilité du recours aux pratiques restrictives de concurrence
lors de l’extinction du « contrat préparatoire » de distribution ........................... 115
Conclusion sur l’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ......................................................... 117
DEUXIEME PARTIE LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU
BESOIN DE SELECTION ................................................................................................. 119
TITRE I La recherche de qualifications aux processus de sélection ........................... 122
Chapitre I La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils
contractuels du droit français ..................................................................................... 123
Section 1/ L’encadrement de la négociation par le droit de la responsabilité civile
.................................................................................................................................... 124
Paragraphe I/ Caractéristiques de la préparation informelle de la
négociation .......................................................................................................... 124
I/ Le principe de liberté contractuelle. ............................................................ 124
II/ L’aménagement de la liberté contractuelle au moyen de gardes fou ......... 125
A/ Un devoir de négocier de bonne foi .............................................. 126
B/ L’engagement de la responsabilité du fait de la conduite inappropriée
des négociations ................................................................................. 127
1/ Les modalités du déroulement abusif des négociations ...... 128
2/ Le dommage précontractuel ............................................... 130
Paragraphe II/ La réception de l’encadrement par le processus de sélection ....... 132
Section 2/ L’inadaptation de l’encadrement au moyen de la formalisation de la
négociation : l’opportunité du recours à l’outil contractuel ................................. 134
Paragraphe I/ Les obstacles liés à la préparation formalisée de la négociation,
entendue au sens strict ........................................................................................ 134
I/ La difficulté probatoire des éléments décidés pendant les pourparlers ...... 134
II/ L’inadaptation de l’obligation précontractuelle à régir le déroulement des
négociations ................................................................................................... 135
Paragraphe II/ Les solutions apportées par l’outil contractuel ............................ 138
I/ Les outils contractuels a priori inadaptés ................................................... 139
A/ Les promesses de contrat .............................................................. 139
1/ La promesse synallagmatique ............................................. 139
2/ La promesse unilatérale ..................................................... 141
B/ Les accords de préférence .............................................................. 142
II/ Les outils contractuels a priori « sélectionnés » ....................................... 144
A/ L’« avant contrat » ou « la possibilité d’une île » ........................ 145
B/ Le contrat de négociation : une solution envisageable................... 146
Conclusions tirées de la recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales
et outils contractuels du droit français .............................................................................. 148
Chapitre II L’élargissement de la recherche aux frontières internationales ........... 150
Section 1/ Inspirations venues d’autres régimes juridiques ................................. 151
Paragraphe I/ Les apports des systèmes anglais et américains ............................ 151
I/ Liberté contractuelle absolue ..................................................................... 152
A/ La consécration du principe de liberté contractuelle absolue dans les
négociations. ....................................................................................... 152
1/ L’absence de réparation d’un dommage nié ...................... 153
2/ La consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi ? 153
B/ Le principe du « All or nothing » .................................................. 155
II/ L’engagement exceptionnel de la responsabilité précontractuelle ........... 156
A/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) ......................... 156
1/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) en droit
anglais .................................................................................... 157
2/ La Théorie de « l’Unjust Enrichment » (Restitution) en droit
américain ............................................................................... 158
B/ La Théorie du Promissory estopped (Reliance) ............................. 159
1/ La Promissory estopped (Reliance) en droit anglais ......... 159
2/ La Promissory estoppel (Reliance) en droit américain ..... 161
C/ Le Law of Tord (Misrepresentation) .............................................. 162
1/ « Fraudulent Misrepresentation » ...................................... 163
2/ « Negligent Misrepresentation » ......................................... 164
III/
Les
moyens
juridiques
anglo-saxons
au
service
des
relations
précontractuelles ............................................................................................. 165
A/ L’accord pour se mettre d’accord ? .............................................. 166
B/ Un contrat précontractuel ? ........................................................... 168
Paragraphe II/ Les apports du droit allemand ....................................................... 171
Section 2/ Un droit émergeant des négociations ? ................................................. 173
Paragraphe I/ Principes Unidroit et Principes pour un droit européen des contrats
.............................................................................................................................. 173
I/ Le devoir de minimiser le dommage ........................................................... 175
II/ Le refus d’une interprétation extensive du silence des parties .................. 176
Paragraphe II/ Les projets de réforme ................................................................. 177
I/ Avant-projet de réforme du droit des obligations ....................................... 178
II/ Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats ........................ 179
Conclusions tirées de l’élargissement de la recherche aux frontières internationales .. 183
TITRE II La gestion des risques de la négociation dans le processus de sélection .... 185
Chapitre I La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus
de sélection ....................................................................................................................... 187
Section 1/ L’opportunité d’un faible encadrement par le droit de la responsabilité
civile ..................................................................................................................................... 188
Paragraphe I/ La consécration de la liberté contractuelle par la gestion informelle
des négociations ............................................................................................................ 188
I/ L’expression de la liberté contractuelle du promoteur du réseau ................. 188
II/ Les contours du besoin de sélection nécessitant un faible
encadrement ............................................................................................................. 190
Paragraphe II/ L’insuffisance de l’encadrement par le droit de la responsabilité
civile .................................................................................................................... 191
I/ La nature du besoin de sélection, insatisfait par le faible encadrement de la
responsabilité civile ....................................................................................... 191
II/ La possibilité de recourir à la promesse unilatérale de vente .................... 191
Section 2/ L’opportunité d’un encadrement contractuel « à la carte » ............... 195
Paragraphe I/ Les synergies de l’organisation contractuelle des négociations pour
la sélection. ........................................................................................................... 195
I/ Les stimuli influençant l’édification d’un cadre contractuel au processus de
sélection .......................................................................................................... 196
A/ La nécessité d’organiser le déroulement des négociations ........... 196
1/ Un encadrement favorable à la naissance réussie des
relations d’affaires ................................................................. 196
2/ Les besoins issus des spécificités propres à la phase
précontractuelle des contrats-cadre de distribution .............. 198
B/ L’intérêt du contrat, au regard de l’analyse économique : les
conclusions tirées de la théorie des jeux ............................................ 199
1/ Les modalités de la théorie des jeux .................................. 200
2/ La réception de la théorie des jeux pour la négociation dans
la sélection ............................................................................. 200
II/ L’objet du contrat : l’obligation de négocier transposée au processus de
sélection ......................................................................................................... 201
A/ Les caractéristiques du contrat de négociation : les modalités de
l’obligation essentielle de négocier .................................................... 202
B/ La tentative de transposition de l’obligation de négocier au processus
de sélection ......................................................................................... 203
Paragraphe II/ L’identification des besoins de sélection nécessitant un contrat de
négociation .......................................................................................................... 204
I/ Les caractéristiques essentielles des besoins de sélection justifiant le recours
au contrat de négociation ............................................................................... 204
A/ L’enjeu de la confidentialité .......................................................... 205
B/ L’enjeu de l’exclusivité .................................................................. 209
II/ La liberté des parties dans l’aménagement des dispositions générales du
contrat de négociation ..................................................................................... 211
A/ La détermination des dispositions propres à la naissance du contrat
de négociation ..................................................................................... 211
B/ La détermination des dispositions propres à l’exécution du contrat de
négociation ......................................................................................... 213
1/ Le choix de la loi applicable ............................................... 213
2/ La prévention d’un éventuel litige ..................................... 213
a/ Les clauses de règlement amiable ........................... 214
b/ Les clauses compromissoires .................................. 215
c/ Les clauses attributives de compétence à une
juridiction ................................................................... 215
Conclusion sur la gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus
de sélection ............................................................................................................................ 217
Chapitre II La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le
processus de sélection .................................................................................................... 219
Section 1/ L’opportunité d’un encadrement contractuel de la fin des
négociations ........................................................................................................................ 221
Paragraphe I/ L’encadrement de la sélection par les dispositions propres à la mort
du contrat de négociation ............................................................................................. 221
I/ L’aménagement de l’inexécution du contrat de négociation ......................... 221
A/ La gestion conventionnelle des risques induits par l’inexécution
............................................................................................................ 222
B/ La limitation de la responsabilité au profit du promoteur de
réseau ................................................................................................. 222
II/ L’aménagement de l’extinction du contrat de négociation ........................ 224
A/ La question de la durée du contrat ................................................. 224
B/ L’aménagement conventionnel de l’extinction du contrat. ............ 225
1/ La clause résolutoire de plein droit .................................... 225
2/ La clause de dédit ............................................................... 226
Paragraphe II/ L’encadrement de la sélection par la combinaison de plusieurs outils
juridiques .............................................................................................................. 228
I/ La promesse unilatérale de contracter au bénéfice du promoteur
du réseau ............................................................................................. 229
II/ La promesse synallagmatique de contracter .................................. 230
Section 2/ Les limites à l’encadrement contractuel de la décision de sélection .. 231
Paragraphe I/ La nécessité de ne pas restreindre artificiellement la liberté
décisionnelle du promoteur du réseau ................................................................. 231
Paragraphe II/ Les limites à un encadrement juridique aménageant la sélection 233
I/ L’obligation de sélection dans la distribution sélective ................. 233
II/ Le contrat-cadre de distribution à durée déterminée ..................... 233
Conclusion sur la gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le
processus de sélection ........................................................................................................... 235
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 236
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 239