la selection des distributeurs - Centre de droit de la Consommation
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la selection des distributeurs - Centre de droit de la Consommation
UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE UMR 5815 « DYNAMIQUES DU DROIT » MASTER RECHERCHE DROIT DU MARCHE ANNEE UNIVERSITAIRE 2008-2009 LA SELECTION DES DISTRIBUTEURS PAR MARION MURCIA MEMOIRE REALISE SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-LOUIS RESPAUD MAITRE DE CONFERENCE A LA FACULTE DE DROIT D’AVIGNON Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE UMR 5815 « DYNAMIQUES DU DROIT » MASTER RECHERCHE DROIT DU MARCHE ANNEE UNIVERSITAIRE 2008-2009 LA SELECTION DES DISTRIBUTEURS PAR MARION MURCIA MEMOIRE REALISE SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-LOUIS RESPAUD MAITRE DE CONFERENCE A LA FACULTE DE DROIT D’AVIGNON Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention du Master II Recherche Droit du Marché « La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur » REMERCIEMENTS Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à : Monsieur Jean-Louis Respaud, Maître de conférences à la Faculté d’Avignon et Directeur de cette étude, pour avoir su me laisser la liberté nécessaire à l’accomplissement de ce mémoire, tout en ayant fait preuve d’autant de disponibilité et de gentillesse. Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du Master Recherche Droit du Marché, pour m’avoir permis de suivre ce parcours et pour ses riches enseignements. Monsieur Vincent Cadoret, Doctorant à la faculté de droit de Montpellier, pour son aide précieuse, sa patience, ses encouragements et son soutient. Et enfin, l’ensemble de la promotion 2008-2009 du Master Recherche Droit du Marché et ceux dont le nom n’apparait pas dans ces quelques lignes, qui m’ont aidés d’une manière ou d’une autre. SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................ 2 PREMIERE PARTIE L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION PAR LA DETERMINATION DU BESOIN ................................................................................ 20 TITRE I La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction juridique par le processus................................................................................................... 22 Chapitre I L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? ......................... 22 Chapitre II La satisfaction juridique du processus de sélection ................................... 52 TITRE II Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement juridique du processus de sélection .................................................................................................... 83 Chapitre I Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences .............................................. 84 Chapitre II L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ................................................... 102 DEUXIEME PARTIE LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU BESOIN DE SELECTION ................................................................................................. 119 TITRE I La recherche de qualifications aux processus de sélection ........................... 122 Chapitre I La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils contractuels du droit français ..................................................................................... 123 Chapitre II L’élargissement de la recherche aux frontières internationales .............. 150 TITRE II La gestion des risques de la négociation dans le processus de sélection ... 185 Chapitre I La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus de sélection ................................................................................................................ 187 Chapitre II La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le processus de sélection ............................................................................................... 219 CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 236 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 239 INTRODUCTION GENERALE 1. La sélection naturelle ou sélection darwinienne - « Si lente que puisse être la marche de la sélection, puisque l'homme ne peut, avec ses faibles moyens, faire beaucoup par sélection artificielle, je ne vois aucune limite à l'étendue des changements, à la beauté et à l'infinie complication des coadaptations entre tous les êtres organisés, tant les uns avec les autres, qu'avec les conditions physiques dans lesquelles ils se trouvent, qui peuvent, dans le cours des temps, être effectuées par la sélection naturelle, ou la survivance des plus aptes »1. La célébration du cent cinquantième anniversaire de la théorie de la sélection naturelle, et notamment du principe de sélection, parmi les trois principes directeurs, est propice à quelques parallèles. Pour Darwin, la sélection naturelle est le résultat de la « lutte pour l'existence ». Il ne saurait s’agir d’analyser l’évolution des espèces en fonction de leur environnement, seulement de percevoir que dans la nature, seuls les plus aptes, génétiquement parlant, survivent. Aussi, la sélection quantitative des distributeurs tend à la même constatation, dans les relations d’affaires, seuls les candidats les plus aptes à revendre les marchandises sont sélectionnés et intégrés au réseau de distribution. Une distinction essentielle est cependant à noter dans la sélection qualitative, seuls les revendeurs correspondant aux critères de sélection établis par le fournisseur sont retenus mais tous les candidats satisfaisant les conditions de commercialisation. Or, la lutte pour l’existence s’effectuant entre les espèces et au sein d’une même espèce, avec des êtres vivants ayant les mêmes capacités, la survie de certains se fait au détriment d’autres2. 1 DARWIN C., L'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l'existence dans la nature, Editions Reinwald, Paris, 1876. 2 Une histoire amusante imaginée par Richard DRAWKINS permet de comprendre un élément important de la théorie Darwienne. Deux brontosaures voient un T-Rex avancer dans leur direction et se mettent à courir aussi vite qu'ils le peuvent. Puis l'un des deux dit à l'autre, « pourquoi nous fatiguons-nous au juste ? Nous n'avons de toute façon pas la moindre chance d'arriver à courir plus vite qu'un T-Rex ! ». Et l'autre lui répond cyniquement, « je ne cherche pas à courir plus vite que le T-Rex. Je cherche juste à courir plus vite que toi ! ». 2. La sélection dans la distribution – Opération économique3, caractérisée comme étant l’un des trois stades de l’activité économique, la distribution est un acte intermédiaire situé en aval de celui de la production et en amont de la consommation. La distribution peut être définie de manière très générale comme « l’ensemble des opérations par lesquelles un bien, après le stade de sa production, ou une prestation de service après le stade de sa conception, est vendu ou fourni, à l’acquéreur ou à l’utilisateur final »4. Une opération de vente succède à la revente, l’intermédiation commerciale de marchands est nécessaire à la distribution des produits. Le commerce se réalise simplement par une succession, régulière ou irrégulière, d’achats pour revendre, liant le distributeur au fournisseur par un contrat de vente. Pendant une longue période de l’histoire de l’humanité, le groupe social a vécu en autarcie, chaque producteur consommant les produits qu’il créait. L’économie ne reposait pas sur la distinction entre les activités de production et de consommation et elle ne connaissait pas d’activité de distribution5. Pour que naisse véritablement la fonction de distribution, il a fallu la conjugaison de deux éléments ; l’irruption des moyens de transports, qui a permis à un producteur d’acheminer la marchandise vers le consommateur, et l’avènement de l’industrie, engendrant une production de masse que ne permettait pas l’artisanat6. La fonction de distribution s’est développée vers 1850 mais n’a pris de véritable ampleur qu’à la sortie de la seconde guerre mondiale, avec la restructuration économique générale7. L’augmentation du pouvoir d’achat, de niveau de vie des ménages, conjuguée à la multiplication des entreprises, a engendré de profonds bouleversements propices au développement de la distribution. La distribution s’organise par l’instauration de relations commerciales durables entre fournisseur et distributeur, qui comprennent les enjeux inhérents à leur partenariat, mettant fin au commerce traditionnel. Dès lors, le phénomène de sélection se déploie, les fournisseurs poursuivant l’intérêt de trouver les distributeurs correspondant à leurs conditions de commercialisation, à leurs souhaits. Des nouvelles formes de commercialisation apparaissent, 3 Jean-Baptiste SAY a étudié pour la première fois la distribution comme étant un stade de l’activité économique, Traité d’économie politique, simple exposé de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses, 1803 in D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008, n° 1, p. 1. 4 Lamy Droit économique, 2008, n° 3709. 5 D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008, n° 2, p. 1. 6 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, J. GHESTIN (dir.), Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D.J, 1999, n° 1, p. 1. 7 A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 2, p. 10. en ayant recours à la constitution de réseaux de distribution8. Le fournisseur, pour rendre effective la sélection de ses distributeurs, met en place un réseau permettant leur regroupement. 3. L’enjeu de la sélection, la constitution du réseau de distribution – La Grande crise industrielle de 1929 de surproduction en Europe conduit à l’émergence de nouvelles formes de contrats basées sur la coopération entre fournisseur et revendeurs. Des modes de commercialisation structurés apparaissent, tels que la concession commerciale dans le secteur automobile, les contrats d’agréation, d’assistance et de fourniture, les contrats de franchise, dans la parfumerie de luxe. Les rapports bipolaires entre vendeur et acheteur sont progressivement remplacés par des rapports pluri polaires où une entreprise traite identiquement avec de multiples contractants pour mettre en œuvre une politique de distribution9. Aujourd’hui, le réseau de distribution ne tend plus à produire mais plutôt à vendre, tout en créant un avantage concurrentiel à son promoteur ainsi qu’à ses membres, afin d’assurer une commercialisation optimale des produits, tout en instaurant une politique marketing uniforme, une stratégie de différenciation commune. « Le réseau de distribution est celui qui naît de la somme de volontés individuelles, unissant un fournisseur, l’intégrateur, à une pluralité de revendeurs, distributeurs intégrés, donnant naissance à des accords-cadres principaux liés à des contrats accessoires, constituant un groupe de contrats synallagmatiques, conclus à titre onéreux et dans l’intérêt commun de ses membres, en vue d’organiser la revente de produits et/ou la fourniture de services, sur un marché déterminé, à un consommateur final »10. La dimension collective11 du réseau met en lumière les relations d’interdépendance entre les contrats constitutifs du réseau. Tout l’enjeu de la sélection pour son initiateur est de bénéficier, par la constitution du réseau, d’un pouvoir, à la fois hiérarchique et finalisé12. 8 L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, thèse, L.G.D.J., 1995, n°6. V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 3, p. 8 et s. 10 Op. cit. n° 3, p. 8. 11 V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 5, p. 12 : Le terme « collectif » vient du latin collectivus et signifie « qui groupe, qui rassemble », et dérive du mot « collecter » (latin colligere : rassembler, recueillir), désignant un assujettissement à une contribution. 12 L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, n° 12, p. 14, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003. 9 Le réseau est perçu par certains auteurs comme étant un groupe de contrats, possédant la structure circulaire caractéristique des ensembles13, convoitant « un but commun à toutes les parties, connu et voulu par elles, qui assure la connexité de leurs conventions »14. Pour d’autres auteurs, le réseau est un ensemble de contrats dont le concédant serait le pivot, sans qu’il n’existe de lien juridique entre les concessionnaires15. Le réseau est un « faiseur de contrat », constitué de « liens opérationnels unissant des partenaires à des contrats distincts mais qui concourent tous à un même sort économique » 16. La reconnaissance de la personnaliste juridique du réseau ne semble pas nécessaire à l’appréhension de l’intérêt commun du fournisseur et des distributeurs, véhiculé par sa constitution. La réunion d’apports, l’affectio cooperandi, le respect d’obligations dans l’intérêt du réseau sont autant d’éléments témoignant des synergies développées par la création d’une telle institution17. La délimitation d’un besoin de sélection découlant ensuite sur la satisfaction juridique de celui-ci par la mise en œuvre du processus de sélection, tend à la constitution d’une organisation, le réseau de distribution. La sélection des candidats revendeurs, pour leur intégration au sein de l’entité, présente une importance cruciale du fait que les efforts de chaque distributeur bénéficient à l’ensemble des membres du réseau et inversement, la défaillance, les manquements d’un seul pénalisent tout le groupe. En droit de la distribution, le réseau traduit un « recentrage » des entreprises sur leurs compétences et leurs missions visant à la réalisation d’une coopération du fournisseur avec un ensemble de distributeurs, afin d’optimiser leurs fonctions18. L’un des moyens de parvenir à l’efficience du processus de sélection consiste en une stratégie de développement par rapprochement contractuel entre entreprises. Il existe une diversité de réseaux de distribution, externes ou internes à l’entreprise, qu’il convient de distinguer du circuit de distribution19. L’exclusion de la sélection pour certains réseaux simples de distribution - La démarche poursuivie par le fournisseur consiste à trouver une « offre de commercialisation » 13 B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, thèse, L.G.D.J, 1975, p. 213, n° 113. Op. cit., p. 36, n° 87. 15 J. LE CALVEZ, Les contrats d’exclusivité, thèse, Paris, 1979, p. 418 et s. 16 J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution contemporaine du droit des contrats, PUF., 1986, p. 167 et s. 17 L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, p. 1, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003. 18 Le « réseau » est doté d’une certaine souplesse, il repose sur « une formalisation non directive c’est-à-dire portant sur des résultats à atteindre et non sur le détail des moyens pour y parvenir », G. PACHE et C. PARAPONARIS, L’entreprise en réseau, PUF, 1993, p. 46. 19 Le circuit de distribution désigne le parcours d’un bien de la production à la consommation. 14 correspondant à un besoin déterminé de sélection. Par la création de réseaux simples de distribution, l’entreprise de production, d’importation ou de gros peut assurer elle-même la distribution de ses produits. L’entreprise peut opter pour un réseau de succursales, tendant à décentraliser géographiquement son activité de distribution ou une partie de celle-ci. « Pour avoir la qualité de succursale, un établissement doit, par rapport au siège central, être à michemin entre l’indépendance et l’assujettissement complet : indépendant, il constituerait une autre entreprise, bien que propriété de la même personne ; totalement assujetti, il ne réaliserait pas la décentralisation nécessaire et ne constituerait qu’un simple prolongement de la maison principale »20. Aussi, « l’intérêt de la formule tient essentiellement à la possibilité pour l’entreprise « mère » de développer son implantation en maîtrisant totalement l’activité des points de vente succursalistes grâce au pouvoir exercé sur les personnes à la tête de ceux-ci (…) »21. La stratégie commerciale s’illustre notamment par la volonté d’une uniformité tarifaire ; politique de prix imposé impossible dans les réseaux complexes de distribution, en présence d’un distributeur commerçant indépendant, sans le risque de la condamnation au titre de l’imposition des prix de revente minimum. Une autre alternative s’offre au fournisseur, le recrutement de salariés, « force de vente » de l’entreprise. La subordination juridique est l’élément essentiel, octroyant au fournisseur un contrôle poussé de la distribution de ses marchandises. Cependant, les voyageurs représentants placiers disposent d’une autonomie relative dans l’exercice de leur activité de représentation ; ayant pour mission de prospecter la clientèle dans un secteur géographique qui leur a été attribué. Ces derniers bénéficient d’un régime spécial 22, d’ordre public, avec une certaine indépendance dans les missions qui leurs sont confiées, mais demeurent soumis au pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur. Certains réseaux simples de distribution sont constitués par le recrutement de personnes subordonnées, uniquement dans le prolongement du fournisseur. Or, la sélection des distributeurs concerne le phénomène par lequel le fournisseur choisit des commerçants, juridiquement indépendants en fonction de leurs capacités à distribuer les produits. Le processus de sélection ne trouve à s’exprimer dans le phénomène de sélection d’un exécutant, 20 M. CABRILLAC, Unicité ou pluralité de la notion de succursale en droit privé, in Dix ans de conférences d’agréation : Etudes de droit commercial offertes à Joseph HAMEL, Dalloz, 1961, p. 120. 21 D. FERRIER, Droit de la distribution, op. cit., n° 81, p. 52. 22 Régime des VRP instauré par la loi du 18 juillet 1937 modifiée par la loi du 6 mars 1957, modifiée en 1973 et codifiée aux articles L. 751-1 à L. 751-15 du Code du travail. d’un autre soi-même. En effet, si l’on admet que la sélection s’applique dans les réseaux succursalistes, cela reviendrait à dire qu’il existe un processus de sélection lors du recrutement d’un salarié et il faudrait également convenir que la sélection s’inscrit non plus dans les relations d’affaires mais dans les relations de subordination. La sélection des distributeurs ne peut donc pas s’étendre au-delà du choix de candidats, commerçants indépendants, sans quoi les enjeux liés à la coordination, à la coopération entre deux entreprises ne seraient plus perceptibles. La difficulté d’identification et de gestion de la sélection résulte notamment d’une prise de risque, en conférant la responsabilité de la commercialisation des marchandises à des commerçants indépendants, disposant d’un pouvoir décisionnel, certes encadré mais existant. L’enjeu de la réussite du processus de sélection tend alors à n’intégrer dans le réseau de distribution que les revendeurs satisfaisant les critères de commercialisation. Pour cette raison, le choix est d’écarter ces modes de commercialisation du seul fait que le processus de sélection ne se détache pas de la personne du fournisseur. Les agents commerciaux, commissionnaires et courtiers sont également écartés du champ de l’étude ; les agents commerciaux étant des mandataires civils qui agissent au nom et pour le compte de leur mandant. Les commissionnaires et les courtiers sont considérés comme des intermédiaires occasionnels, cette caractéristique étant exclusive de la constitution d’un réseau de distribution, dont l’existence suppose l’instauration de relations commerciales de longue durée. Les commissionnaires sont des mandataires commerçants qui agissent pour le compte de leur mandant, mais en leur nom23. Les courtiers sont des commerçants indépendants mais leur fonction ne correspond pas à la revente de produits puisqu’ils sont chargés de mettre en rapport des personnes qui contracteront éventuellement entre elles par la suite. Le cadre de l’étude circonscrit aux réseaux de distributeurs indépendants - Le processus de sélection ne peut porter que sur le choix de distributeurs indépendants, commerçants24, exerçant leur activité en leur nom et à leur compte. Ceux-ci supportent, par conséquent, les risques de perte et bénéficient des profits engendrés par leur exploitation25. Les distributeurs sélectionnés sont libres dans l’exercice de leur activité économique, maîtres de leurs décisions, mais doivent se conforter à la politique commerciale du promoteur du réseau. La 23 C. com. Art. L. 132-1. Cass. com., 21 oct. 1970, JCP 1971, éd. CI, 10131, note P. LEVEL. 25 V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, op. cit., n° 23, p. 34. 24 liberté d’exploitation est alors encadrée, conditionnée au respect des obligations inhérentes à l’intégration et au bon fonctionnement du réseau. L’ajustement entre l’indépendance juridique des distributeurs et le contrôle de la bonne commercialisation des marchandises doit être trouvé, afin de générer des retombées positives par la constitution du réseau. En effet, les membres du réseau doivent conserver, au nom de la liberté du commerce et de l’industrie, leur liberté décisionnelle dans la gestion de leur activité économique. Cependant, l’existence même du réseau est conditionnée au respect, notamment des conditions de commercialisation, des indications concernant la promotion des produits de part ses membres. Aussi, il convient de trouver le juste équilibre propice au bon fonctionnement du réseau tout en octroyant aux distributeurs suffisamment de liberté ; leur subordination conduirait à la requalification de leurs contrats-cadre de distribution en contrats de travail. Le contrat de distribution sélective, le contrat de distribution agrée, le contrat de concession exclusive, la franchise commerciale illustrent autant de systèmes de distribution faisant l'objet d'une sélection des distributeurs. Les caractéristiques, mode de fonctionnement de chacun d'entre eux différent. Aussi, la validité du réseau, des critères de sélection et de leur application s'apprécie en fonction du système de distribution retenu. 4. L’appréhension de la sélection - Corrélations et enjeux entre besoin et processus de sélection - « C’est en effet la grandeur de l’esprit humain que de chercher à saisir le monde par un système conceptuel et efficace. Mais c’est aussi sa faiblesse que d’y croire exagérément (…). L’esprit doit tendre vers la synthèse qui contente non seulement un de nos besoins – tel que l’ordre et l’aménagement technique, mais tous nos besoins »26. Le besoin de sélection est situé en amont du phénomène et découle sur le processus de sélection, qui est l’expression concrète, la satisfaction juridique des nécessités formulées par le fournisseur concernant, principalement, la commercialisation des produits. Le besoin de sélection étant la cause, à l’origine de la survenance du processus de sélection, il est nécessaire d’appréhender ses particularités afin d’en délimiter les contours. Comprendre le besoin de sélection revient alors à cerner le fait générateur du processus. 26 A. DE SAINT-EXUPERY, « Aux américains », in Ecrits de guerre. 1939-1944, Gallimard. La diffusion de l’insaisissable sélection, l’environnement de la sélection - L’analyse de la sélection des distributeurs est confrontée à un étalement dans le temps, la sélection est tout d’abord envisagée, souhaitée, c’est le besoin de sélection, puis celui-ci est concrétisé par le processus de sélection, qui constitue la satisfaction juridique du besoin. La sélection tend à la constitution d’un réseau de distribution dans un premier temps mais les synergies développées par le réseau ne peuvent perdurer sans une réadaptation constante des nécessités de la commercialisation des produits, de la prise en considération des attentes des consommateurs. Aussi, le promoteur du réseau a vocation à renouveler son besoin de sélection et peut, lorsque les modifications à effectuer sont telles, réorganiser le réseau de distribution. Un nouveau besoin de sélection est identifié, auquel il conviendra de répondre juridiquement parlant par l’élaboration de nouveaux critères de sélection et par la mise en œuvre d’un nouveau processus. La sélection n’est jamais définitive, éteinte, une fois réalisée, puisque l’adéquation entre les nécessités formulées par le fournisseur et la création de tel ou tel réseau de distribution par le choix de candidats n’est que temporaire. Néanmoins, la sélection des distributeurs tend à la création de relations commerciales de longue durée, aussi l’actualisation de la sélection peut être satisfaite par les membres du réseau, du fait qu’ils correspondent encore aux nouvelles conditions de commercialisation. Juridiquement parlant, qu’est ce que le besoin de sélection ? La notion de sélection n’est reconnue que par le résultat auquel elle tend, la création d’un réseau de distribution, par la conclusion de contrats-cadre de distribution. En outre, il n’existe pas de définition juridique du besoin de sélection. Le processus de sélection est dévoilé par l’analyse et le contrôle de la licéité des critères de sélection, leur mise en œuvre mais le phénomène de sélection demeure encré dans la période informelle des négociations. Aussi, pour satisfaire quelqu’un ou quelque chose, il est indispensable de connaitre ses besoins, ses nécessités. Le fournisseur ne peut être satisfait par la réalisation d’un processus de sélection que s’il a préalablement déterminé le besoin de sélection propre à sa volonté et à ses produits. Identification du besoin de sélection - L’identification des nécessités liées à la commercialisation des produits est essentielle, la délimitation du besoin de sélection impulse le choix du système de distribution et envisage sa satisfaction juridique. Les contours du besoin de sélection ne sont pas aisément visibles, palpables, leur identification procède de la réunion de nombreux facteurs, diversifiés. Certains fournisseurs souhaitent mettre en place un système de distribution générateur d’une efficience économique et commerciale, afin de maximiser la qualité de la commercialisation, des services, mais également le niveau qualitatif des produits. Les consommateurs bénéficient des retombées positives de l’instauration d’un réseau organisé de distribution, du fait d’un élargissement de l’offre des produits, de professionnels aptes à les conseiller pour la revente et pour l’aprèsvente. D’autres initiateurs de la sélection sont davantage préoccupés par les synergies financières que permet de développer le processus de sélection par la création d’un réseau de distribution. Néanmoins, un élément fondamental impulsant la nécessité de sélectionner les distributeurs pour leur intégration au sein d’un réseau est la protection conférée par l’entité. L’organisation de la commercialisation en réseau permet de sécuriser la commercialisation des produits, par l’instauration d’une politique commerciale commune à l’ensemble de ses membres. Les distributeurs sélectionnés bénéficient d’une protection de la revente contre les marchés parallèles et d’une garantie quant à la possibilité de sanctionner les comportements parasitaires. L’enjeu véhiculé par le besoin de sélection et notamment par son objet réside dans la réponse à la question suivante : pourquoi choisir et surtout que choisir ?27 Certains auteurs opèrent une distinction entre la distribution sélective et les systèmes de distribution dits de « commerce organisé ». Aussi, la poursuite du raisonnement conduit à l’explication suivante, « en matière de distribution sélective, le fabricant sélectionne des commerçants indépendants sur des critères qualitatifs pour distribuer des produits de marque dans les conditions d’un environnement de prestige et/ou de technicité qui lui paraissent nécessaires à valoriser sa marque, alors qu’en matière de commerce organisé (concession, franchise, commerce associé, coopérative de commerçants détaillants), la sélection qualitative des commerçants indépendants dépend moins du produit ou du service distribué que de l’unité d’image identifiée que le réseau cherche à imposer au consommateur sous couvert de la référence à une unicité d’enseigne »28. Finalement, cela signifierait qu’il existe deux grandes catégories de besoins de sélection. Le premier correspondrait alors au besoin du fabriquant de s’assurer de l’obtention d’un certain niveau qualitatif de commercialisation du fait de la nature sophistiquée et des caractéristiques 27 Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999, n° 24, p. 9. G. AMEDEE-MANESME, Plaidoyer pour la reconnaissance du concept de distribution distinctive, Rev. jur. Com. 1995, n° 5, p. 173 et s. 28 des produits ou services, dans un esprit de valorisation. Le second besoin de sélectionner les revendeurs tendrait plutôt à la nécessité d’une commercialisation homogène, uniforme afin de créer des synergies issues de « l’effet de réseau »29. Le réseau est perçu en temps qu’outil stratégique de développement et non pas seulement comme le seul moyen apte à commercialiser les produits. Alors même que les marchandises pourraient être commercialisées sous d’autres modes, un besoin de sélection que nous pourrions ici requalifier de « besoin de réseau » est privilégié par son promoteur. Le mot, le concept « sélection » n’est pas aisément déterminable du fait qu’il renvoi à un nombre d’éléments important, extrêmement différents, variant d’un processus de sélection à un autre. La délimitation de ses contours nécessite une étude au cas par cas, afin d’essayer de rapprocher certains phénomènes de sélection entre eux par des aspects similaires. La sélection se concrétise par la création d’un réseau de distribution ; aussi, les liens entre le besoin de sélection et sa réalisation, sa satisfaction juridique par la constitution de tel ou tel système de distribution sont primordiaux. La perception des stimulis, éléments influençant le choix du fournisseur, en présence d’un besoin déterminé de sélection, d’un modèle de distribution est essentielle. Le besoin de sélection ne procède pas de l’unique volonté de son initiateur, d’autres facteurs entrent en considération et influencent le choix du mode de commercialisation retenu. La liberté décisionnelle du fournisseur est plus ou moins affectée par le système de distribution, ce qui peut tendre à la modification du besoin de sélection initialement déterminé. La distribution sélective confère une réelle sécurité dans la commercialisation des produits mais vise à restreindre considérablement la liberté contractuelle du promoteur de réseau. Ce dernier est lié par les critères de sélection qu’il a préalablement définis et ne saurait pouvoir s’en détacher. Le refus de sélectionner des candidats aptes constitue une violation des exigences d’objectivité et de non discrimination qui doivent gouverner la mise en œuvre d’un tel processus de sélection. La sélection dans la concession exclusive permet d’opérer un choix 29 Il est assez délicat de donner une définition de ce que certains auteurs appellent « l’effet de réseau ». Certains auteurs le considèrent comme un concept économique et d’autres, comme la manifestation d’un phénomène juridique. Pour MM. BOUT et CAS, l’effet de réseau résulte de l’utilisation collective par les membres du réseau de l’enseigne du fournisseur (R. BOUT et G. CAS., Droit économique, concurrence, distribution, consommation, éd. 2000 Lamy, n° 4370, 1554). M. LELOUP considère que l’effet de réseau est le résultat du « caractère pluri-polaire des organisations mises en place pour la couverture d’un marché » et implique l’existence d’une « pluralité organisée de liens semblables unissant la firme aux éléments de son réseau » (Le partage du marché par les réseaux de vente et les réseaux de distribution, in Dix ans de droit de l’entreprise, n° 13, p. 941). M. LE TOURNEAU estime que l’effet de réseau représente « les bienfaits multiplicateurs de l’entrée dans un réseau » (Concessions. Eléments communs. Les rapports individuels, J.-Cl. ContratsDistribution, Fasc. 1010, nov. 1996, n° 74). parmi les candidats distributeurs pour n’en sélectionner qu’un seul, le plus apte, afin qu’il revende seul les produits sur un territoire exclusif. Le concédant est tenu de faire preuve d’objectivité et de non discrimination mais, à la différence de la distribution sélective, il peut limiter quantitativement le nombre de revendeurs. La franchise commerciale est le modèle de distribution qui octroie la plus grande liberté à son initiateur, du fait qu’il puisse sélectionner les candidats aptes à réitérer un savoir-faire, une réussite commerciale en fonction de sa volonté. Satisfaction juridique du besoin de sélection - Le fournisseur doit composer entre les nécessités de la commercialisation de ses produits qu’il a identifiés et les contraintes pour la mise en œuvre de la sélection propres à chaque système de distribution. L’initiateur de la sélection présente un besoin de sélection, caractérisé par un entrelacement de divers composants, tels que la volonté de maximiser les profits, de sécuriser la revente des marchandises au moyen de l’instauration du réseau. La nécessité de sélection est perçue comme une demande à laquelle il convient de trouver l’ajustement d’une offre de distribution, de l’offre caractérisée par un système de distribution. L’étude se limitera à la satisfaction du besoin de sélection au moyen des systèmes de distribution, composés de commerçants indépendants, les plus utilisées ; la distribution sélective, avec la distribution agrée lorsque ce système présente des éléments importants, la concession exclusive et la franchise. Sélection et principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l’industrie Le principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l’industrie aurait pu justifier que le fournisseur choisisse discrétionnairement les conditions de commercialisation de ses produits et donc les critères de sélection de ses revendeurs 30. Néanmoins, alors même que le fournisseur est libre de déterminer les critères de sélection, celui-ci doit se conforter aux exigences légales et jurisprudentielles eu égard au système de distribution convoité. La concrétisation du besoin de sélection est rendue possible au moyen de sa satisfaction juridique, par la détermination de critères de sélection et leur application licite. Le respect des exigences correspondant à chaque système de distribution conduit à privilégier une sélection qualitative dans la distribution sélective, ne permettant la limitation quantitative que de manière ponctuelle, tandis qu’étant plus propice dans la concession exclusivité et la franchise commerciale. Le principe de liberté du commerce et de l’industrie tend dans le même temps à 30 D. FERRIER, Les appréciations de la distribution sélective en droit interne et communautaire, JCP E 1991, Cah. dr. entr. n° 1. sanctionner l’exclusion opérée aux dépens de certains candidats distributeurs et conduit à poser des interrogations au regard du respect des exigences concurrentielles. Sélection et enjeux concurrentiels - La sélection dans la distribution ne peut être satisfaite sans être confrontée aux exigences légales, jurisprudentielles, nationales et communautaires. L’éviction de certains opérateurs qu’induit la mise en œuvre de la sélection, à l’exception faite de la distribution sélective, progresse à contre courant des enjeux concurrentiels tels que la liberté de la concurrence. Le contrôle opéré par le droit de la concurrence doit être pris en considération par l’initiateur de la sélection, afin d’élaborer des critères non restrictifs de concurrence, pour que l’accord puisse bénéficier de l’exemption au titre de l’article 81, §3 du Traité CE31. La nature du besoin de sélection détermine les exigences propres à la réalisation du processus de sélection, au système de distribution qu’il souhaite mettre en place. 5. L’enjeu de la sélection, la conclusion du contrat-cadre de distribution – Un objectif commun à tous les besoins et processus de sélection - La rencontre entre un besoin de sélection défini et un système de distribution, constituant l’offre de sélection, tend à la satisfaction du processus de sélection, qui découle sur la conclusion entre le promoteur du réseau et un candidat distributeur du contrat-cadre de distribution. L’offre de sélection est caractérisée par la réponse au besoin ; aussi, l’offre de sélection ne saurait s’illustrer par les candidatures des revendeurs, n’étant finalement qu’un élément du phénomène de sélection. Au contraire, les candidats distributeurs présentent une volonté de faire l’objet de la sélection, un besoin de sélection, d’intégration au réseau. Dès lors, le fournisseur, seul, doit déterminer les nécessités de commercialisation de ses produits, puis envisager leur satisfaction en fonction des opportunités et contraintes propres à chaque système de distribution. Certains auteurs opèrent un classement des modes de distribution en fonction de leur objet32. La distinction est ramenée à deux catégories, présentant des sous-types, ainsi entre les contrats de spécialisation et les contrats de réitération. Le premier « réalise un accord de spécialisation entre deux intervenants qui n’ont pas la même activité »33, alors que l’objet du second est de permettre à un distributeur de réitérer une réussite grâce à une formule commerciale éprouvée. Néanmoins, cette distinction est contestée puisque le second critère semble commun à l’ensemble des systèmes. « La relation de distribution organisée emporte, 31 Règl. CE n° 2790/99, JOCE n° L.336/21, 29 déc. 1999. D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd. Litec, 2006, n°527, p. 231. 33 D. FERRIER, La distribution exclusive, Répertoire européen, Dalloz 1992, n° 4 in J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, n° 11, p. 19. 32 par nature, cette spécialisation »34. Par ailleurs, ni la franchise, ni la concession ne font l’objet d’une règlementation juridique spécifique. « Par conséquent, quelle que soit la qualification adoptée, le droit commun s’applique »35. La démarche consistant à ne privilégier que les distinctions existantes entre les divers modèles de distribution est inopportune étant donné que l’aspect contractuel permet un regroupement, une assimilation par le recours au contrat-cadre. Aussi, « la distinction entre les différentes formes de contrats-cadre de distribution ne semble pas déterminante en matière de droit des contrats »36. L’auteur conclu alors qu’ « en réalité, les distinctions, fondées ou artificielles, s’effacent devant les nombreux points communs que connaissent les différents contrats de distribution. Ces accords entretiennent une indiscutable communauté d’objectifs et de moyens. Tous mettent en œuvre la même opération, une succession d’achats pour revendre. (…) Les points communs sont fondamentaux, les éléments de distinctions sont souvent secondaires, parfois discutables »37. L’identification du contrat-cadre de distribution - Le processus de sélection est le centre de nombreux conflits d’ordre financier puisqu’il constitue une étape décisive à franchir avec succès par les revendeurs potentiels. L’enjeu est de taille, la sélection commande la possibilité offerte au distributeur de conclure un contrat-cadre avec le fournisseur et ainsi bénéficier du courant d’affaire du réseau. Le contrat est utile en présence de situations complexes puisqu’il permet de gérer de la meilleure manière qu’il soit les enjeux économiques. La structure contractuelle des relations de distribution se décompose en différents stades chronologiques, présentant d’abord un accord de base puis une succession de contrats d’application. Le contrat-cadre est perçu comme étant « un accord visant à définir les principales règles auxquelles seront soumis des accords à traiter rapidement dans le futur, contrats d’application ou contrats d’exécution auxquels de simples bons de commande ou ordres de service, lettres d’embauche… fourniront éventuellement leur support. Un contrat- 34 J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, note (65) dans n° 11, p. 19. 35 F.-L. SIMON, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009, n° 26, p. 17. 36 Thèse préc. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, n° 11, p. 20. 37 Ibid. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000. cadre organise par voie d’obligations de faire ou de ne pas faire les modalités de conclusions et le contenu de multiples contrats d’application à venir »38. Une particularité de ce que l’on pourrait appeler la « charpente des accords de distribution » réside dans l’altérité et la complémentarité préexistantes entre le contrat-cadre et ses contrats d’applications39. L’altérité est issue de l’indétermination des modalités futures, éléments essentiels des contrats d’application dans les dispositions du contrat-cadre. Néanmoins, la complémentarité permet de ne pas dénuer de portée la volonté génératrice de la relation d’affaire traduite par le contrat-cadre. Envisager l’utilité du contrat-cadre comme ne résultant que de la seule préparation ou prévision des contrats d’application serait réducteur bien qu’il faille avouer la nécessité d’intervention de ceux-ci pour la réalisation de l’objectif poursuivi par le contrat-cadre40. Le contrat-cadre de distribution présente « un double objet ; il organise, d’une part, la vente des produits du fournisseur au distributeur et leur revente par ce dernier aux consommateurs, d’autre part »41. La relation entre le fournisseur et le distributeur consiste en l’organisation de la commercialisation de marchandises, opération est qualifiée d’opération d’achat pour revente42. Les effets de la sélection dans l’exécution du contrat-cadre de distribution - La sélection procède de la naissance des relations d’affaires et développe ses effets jusqu’à l’exécution du contrat-cadre de distribution. Ne pourrions-nous pas envisager le fait que la réalisation d’un processus de sélection induit des conséquences telles qu’elles influent sur l’exécution du contrat-cadre de distribution ? Le processus de sélection participe à la vie du contrat du fait des enjeux qu’il suscite, des obligations qu’il soulève et des synergies qu’il génère. La vie et la mort du contrat-cadre de distribution sont considérablement influencées par les caractéristiques propres à chaque processus de sélection, issus de chaque type de besoin et pouvoir de sélection. Cela s’illustre par la création d’obligations à la charge des membres du réseau inhérentes à la sélection précédemment opérée. La circulation du contrat de distribution entraine t-elle d’une certaine 38 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, 2ème éd., F. Lefebvre, 1999. F. POLLAUD-DULIAN et A. RONZANO, Le contrat-cadre par-delà les paradoxes, RTD com. 1996, p. 179. 40 J. GHESTIN, La notion de contrat-cadre et les enjeux théoriques et pratiques qui s’y attachent, in Le contratcadre de distribution – Enjeux et perspectives, Paris 11-12 décembre 1996, JCP éd. E. 1997, Suppl. n° 3/4. 41 J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, n°16, p. 25. 42 D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996. 39 manière la circulation de la sélection ? Lorsque le promoteur du réseau accorde son consentement à la substitution de distributeur, alors un nouveau processus de sélection est automatiquement réalisé. L’originalité de celui-ci réside dans son fait générateur, la volonté du premier distributeur sélectionné. Toutefois, alors même que l’on peut envisager l’influence de la sélection sur l’exécution du contrat-cadre de distribution, l’intérêt est de cerner le phénomène informel de sélection. Le phénomène de sélection n’est reconnu, au sens juridique, qu’au moment de la conclusion du contrat-cadre de distribution, puisqu’étant, généralement, encré dans la période précontractuelle. 6. La gestion de la sélection - La négociation dans le processus de sélection - « La négociation est aussi un processus. Les parties ne sont pas impuissantes dans le cadre de la structure ainsi dessinée »43. En 1804, le Code civil ne régit pas la période précontractuelle, en ignorant totalement ou presque les pourparlers44. La période des négociations est considérée « comme juridiquement négligeable »45 par la doctrine du XIXe siècle. Le principe de l’autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle des parties justifie alors cette absence d’encadrement juridique des négociations, ne se préoccupant que du moment de la formation du contrat. La philosophie individualiste et le libéralisme économique conduisent à accueillir l’autonomie de la volonté en droit des contrats comme le fait de consacrer la seule volonté des parties génératrice de l’obligation contractuelle. Les parties sont libres de conclure ou d’y renoncer puisque « la volonté humaine est à elle-même sa propre loi, se crée sa propre obligation »46. Le Professeur Jean CARBONNIER poursuit, « le contrat est le principe de la vie juridique ; la volonté individuelle, le principe du contrat »47. Aussi, les parties peuvent choisir d’encadrer contractuellement leurs négociations, afin d’organiser la réalisation de formalités, et de sécuriser les données confidentielles transmises par exemple, ou bien, si le faible encadrement du droit de la responsabilité suffit à leurs nécessités de sélection, à gérer leurs risques, cellesci peuvent préférer ne pas conclure de contrat de négociation. 43 J. ROJOT, La gestion de la négociation, Dalloz, RTD com. 1998 p. 447. J. SCHMIDT, La sanction de la faute précontractuelle, RTD civ. 1974, spéc. n° 7, p. 50. 45 P. ROUBIER, Essai sur la responsabilité précontractuelle, thèse, Lyon, 1911, p. 137. 46 J. CARBONNIER, Droit civil : les Obligations, PUF 2ème éd. 1996, n° 24, p. 67. 47 Ibid. 44 Les enjeux des relations d’affaires tendent à se manifester dès la période des négociations. Les diverses figures contractuelles aptes à régir les dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution en sont des illustrations. Les parties peuvent présenter un besoin de créer des obligations pour garantir la survenue d’événements, de formalités, et ainsi, aménager les modalités d’indemnisation, en cas d’inexécution. Les régimes étrangers, tels que le droit allemand, mais aussi les « Principes pour un droit européen des contrats », l’avantprojet de réforme du droit français des obligations, le projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats, prennent davantage en considération les négociations, bien que la naissance d’un véritable régime, un droit des négociations ne soit pas encore à constater48. Les deux temps de la négociation pour la sélection – Le promoteur du réseau et le candidat distributeur entrent dans une première phase consacrée à la conduite des négociations, qui s’illustre par leur rencontre, des échanges d’informations, avant que ne survienne le second temps de la négociation dans le processus de sélection, l’expression du pouvoir décisionnel du fournisseur. Importance de la gestion de la sélection - « La franchise est une construction née d’un dialogue entre le monde des commerçants et celui des juristes, les praticiens ont imaginés des méthodes originales de distribution que les juristes ont analysées et appréciées, provoquant ainsi de nouvelles adaptations de la pratique au gré des besoins du commerce et de l’évolution des circuits de distribution »49. Les négociations dans la sélection sont empreintes de particularités, de prises de risques, notamment du fait de l’engagement significatif en terme de temps, d’argent et d’échanges d’informations, voire de savoir-faire que cela induit. La divulgation ou l’utilisation frauduleuse des informations transmisses durant les pourparlers constituent des risques dont les conséquences peuvent être d’une gravité extrême pour la santé du réseau de distribution. Dès lors, une fois identifié le besoin de sélection à satisfaire, l’essai de minimiser les risques au moyen d’outils juridiques, d’un encadrement semble être opportun. Par ailleurs, les négociations dans le processus de sélection ont vocation à perdurer un certain temps ; temps nécessaire à la réalisation d’analyses financières sur la pérennité du réseau par le candidat distributeur par exemple. En effet, les contrats de distribution « nécessitent une élaboration juridique beaucoup plus longue que les contrats classiques, car ils sont beaucoup plus 48 V. supra n° 367 et s. D. TRICOT, Avant-propos de Théorie et Pratique du droit de la Franchise, de F.-L. SIMON, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009. 49 complexes. Ils impliquent une montée par étapes progressives vers l’accord contractuel »50. La préparation des négociations par les parties peut alors se révéler utile, en présence de certains besoins de sélection, afin d’optimiser les efforts du fournisseur, parfois au détriment du pouvoir du candidat distributeur, mais dans l’intérêt de la réussite de son intégration au réseau. Le refus d’alimenter la thèse sur les contrats de dépendance51 - L’étude ne poursuit pas une démarche consistant à se positionner en faveur ou en défaveur du distributeur ou du fournisseur. Il ne s’agit nullement d’identifier le besoin de sélection et d’essayer de minimiser les risques liés à son processus pour protéger le distributeur ou le fournisseur, mais leur relation de négociation pour leur coopération, collaboration. L’absence d’a priori en faveur du distributeur ou du fournisseur permet de lutter contre les effets pervers qu’induirait le souci de satisfaire un rééquilibrage. 7. Intérêt de l’étude – L’étude de la sélection des distributeurs, des modalités de formation des contrats-cadre de distribution, des spécificités tendant à la création de réseaux de distribution, présente un intérêt tant théorique que pratique. L’appréhension du besoin de sélection puis de son processus par l’identification des motifs, des facteurs déclencheurs d’un tel phénomène permet de mettre l’accent sur une période informelle, pourtant décisive à l’avenir des relations commerciales de distribution. Il s’agit de comprendre les enjeux propres à la naissance des contrats d’affaires et les mécanismes gouvernant les réseaux de distributeurs indépendants. Aussi, il est primordial de prendre conscience de l’importance de la réussite du processus de sélection puisqu’elle conditionne le bon fonctionnement du réseau et la création de synergies, retombées positives pour nombres d’opérateurs, des distributeurs aux consommateurs. L’étude permet également la prévention, l’anticipation des dangers concrets, rencontrés par les fournisseurs, lorsque la mise en œuvre de leur processus de sélection est alors justifiée par les enjeux des relations d’affaires. Le recours à la technique contractuelle doit permettre de trouver le juste équilibre entre un interventionnisme contractuel, issu de la volonté des parties et la préservation de leur liberté contractuelle. L’étude invite alors à réfléchir à l’opportunité d’encadrer les négociations pour la sélection et à la nature, la fonction des mécanismes 50 J. CEDRAS, L’obligation de négocier, RTD com. 1985, p. 273, n° 9. G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance (essai sur les activités professionnelles exercées dans une dépendance économique), Bibl. Dr. Privé, T. 190, L.G.D.J., 1986, Préface J. GHESTIN ; F. DE BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, Préf. J. GINEY, L.G.D.J, Bibl. de l’Institut André Tunc, Tome 13, 2007. 51 juridiques aptes. La recherche d’encadrements efficients tend à dépasser les frontières du droit français et s’exporte à l’international. L’analyse au cas par cas des nécessités de chaque besoin de sélection dans le but de proposer aux parties l’encadrement juridique le plus adapté tend également à jauger de la flexibilité des principes du droit des contrats, ainsi que de leur capacité d’adaptation aux réalités économiques. Le faible encadrement émanant du droit de la responsabilité civile, du fait de la prédominance du principe de liberté contractuelle, ne sanctionnant les négociateurs que rarement, qu’en cas d’abus dans la conduite des négociations, peut répondre à des besoins de sélection présentant peu de risques. L’existence d’un savoir-faire, d’informations confidentielles divulguées durant les négociations, conduit le promoteur du réseau à prendre davantage de risques. La conclusion d’un contrat de négociation, avec l’aménagement des dispositions générales mais aussi particulières, concernant notamment la confidentialité, l’exclusivité, la gestion des différends, de l’inexécution du contrat, peut se révéler opportune. Les promesses unilatérales et synallagmatiques de contracter répondent à des nécessités spécifiques, induisant la volonté de figer le consentement d’une ou des parties. L’étude ne saurait transiger quant à une seule qualification, un unique encadrement juridique des négociations pour la sélection. La perception de la silhouette changeante du besoin de sélection vise à identifier les risques liés à la période précontractuelle et offre la possibilité de proposer à la pratique du droit des affaires, des solutions concrètes et utiles. Telle une grille d’analyse, l’étude s’efforce de répondre à chaque besoin de sélection par le ou les encadrements les plus aptes à anticiper, diminuer le niveau de risque. 8. Plan de l’étude - L’appréhension, l’identification du ou des besoins de sélection est une étape décisive puisqu’il s’agit de percevoir les contours d’un concept juridique « fantôme » afin d’en comprendre le fonctionnement, notamment au moyen de sa satisfaction juridique et de l’encadrement de ses processus (Partie I). La recherche de qualifications juridiques aux processus de sélection conduit à envisager la gestion des risques par l’essai d’un encadrement des négociations (Partie II). PREMIERE PARTIE L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION PAR LA DETERMINATION DU BESOIN 9. - Les prémisses de la constitution d’un réseau de distribution consistent en l’existence d’un besoin, pour le fournisseur, d’effectuer une sélection des revendeurs et en son identification. L’initiateur d’un réseau de distribution souhaite, pour obtenir une commercialisation optimale de ses marchandises, recourir à un processus de sélection. Nombre de facteurs entrent en jeu, conduisant le fournisseur à déterminer le système de distribution le plus adéquat au besoin de sélection qu’il présente. Aussi, la délimitation du besoin de sélection est essentielle afin d’envisager les enjeux juridiques dont ce phénomène est empreint. Alors même que les nécessités de la commercialisation des produits sont fondamentales, les caractéristiques propres à chaque système de distribution et notamment, la liberté décisionnelle que chaque modèle octroie au fournisseur, sont à prendre en considération. La sélection des distributeurs n’est opportune que si le point d’équilibre entre le besoin et l’offre de sélection, traduite par les divers modes de distribution, a été trouvé. L’identification du besoin de sélection doit permettre de rechercher le système de distribution apte à y répondre. 10. - Le besoin de sélection est le préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un processus de sélection, exprimant ainsi concrètement le pouvoir décisionnel du fournisseur à l’égard des candidats distributeurs. Néanmoins, le besoin de sélection pour être réalisé doit respecter les exigences légales, jurisprudentielles, correspondant au mode de commercialisation retenu. La satisfaction juridique du processus de sélection est l’élément clef, sans quoi le besoin ne peut être concrétisé. Le fournisseur, par l’impulsion d’un processus de sélection, peut générer une obligation de sélection à sa charge, dans la distribution sélective par exemple, ou un devoir implicite de choisir tel ou tel candidat revendeur. La mise en œuvre de la sélection est plus ou moins encadrée en fonction des spécificités de chaque système de distribution. L’initiateur de la sélection ne peut donc se contenter de déterminer son besoin de sélection et de le mettre en œuvre, sans se préoccuper des limites possibles à l’expression de sa liberté contractuelle. Dès lors, l’on perçoit que les nécessités de la sélection devront être conciliées avec les contraintes de chaque modèle de distribution. L’appréhension du phénomène de sélection semble difficile en raison de l’incertitude concernant l’existence d’un ou d’une multitude de besoins de sélection découlant sur l’expression concrète par le ou les processus. L’analyse de l’ensemble des motifs et des modalités concernant le besoin de sélection doit conduire à répondre à cette interrogation. Mais il ne s’agit que d’une phase préalable puisque le fournisseur doit composer entre le besoin de sélection de ses produits ou services et les impératifs de sa réalisation. 11. - Le processus de sélection choisit certains distributeurs et opère, simultanément, une exclusion des candidats non retenus. La réservation artificielle du marché peut être mise en balance avec les avantages conférés aux consommateurs, par le mécanisme du bilan économique favorable. Les enjeux concurrentiels encadrent le principe, ayant valeur constitutionnelle, de la liberté du commerce et de l’industrie, dont se prévaut le fournisseur, par le contrôle de la sélection des opérateurs et la création de réseaux de distribution. La distribution automobile est particulièrement concernée et notamment, pour le renouvellement du besoin de sélection lors de la réorganisation du réseau de distribution. Toutefois, il semble opportun de s’interroger sur le fait que le contrôle du droit de la concurrence puisse être générateur d’un encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution. L’essai est mis en échec par l’inadaptation des pratiques sanctionnées au regard du droit de la concurrence, à ériger une telle qualification. Le contrôle des enjeux concurrentiels est circonscrit à la seule élaboration des critères de sélection et à leur mise en œuvre. Les enjeux de la sélection traversent les frontières et, bien qu’étant, à chaque fois, un phénomène microéconomique, entre un promoteur de réseau et chaque distributeur, les conséquences engendrées sont d’une telle importante qu’il bénéficie d’un contrôle communautaire, parfois par des mécanismes macroéconomiques. L’analyse de la naissance de la sélection est cruciale afin de déterminer les modalités admises pour la satisfaction juridique du processus de sélection (Titre I). L’intervention des considérations concurrentielles s’apparente à un « Droit-Police », contraignant, ne permettant pas l’efficience de l’encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution. L’admission par le droit de la concurrence du phénomène de sélection, tendant à la constitution de réseau de distribution, est conditionnée au respect de conditions nouvelles ; permettant de conférer un avantage concurrentiel aux opérateurs sélectionnés (Titre II). TITRE I La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction juridique par le processus 12. - Le ou les besoins de sélection doivent être appréhendés, délimités afin d’en ériger les caractéristiques (Chapitre I), permettant ensuite le traitement de la satisfaction juridique des processus de sélection (Chapitre II). Chapitre I L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? 13. - Dans un souci de cohérence chronologique, il convient tout d’abord d’effectuer un descriptif des raisons qui conduisent les fournisseurs à mettre en place un processus de sélection. Cette étude constitue un préalable à l’analyse du phénomène de sélection des distributeurs et doit permettre l’émergence de distinctions entre les différents systèmes de distribution. La compréhension des besoins des fournisseurs conduit à l’obtention d’une vision d’ensemble quant au choix du type de commercialisation qui se révèle être adapté. La volonté de l’initiateur d’un réseau de distribution impulse la détermination du besoin de sélection. Les diverses raisons pour lesquelles le fournisseur souhaite recourir à un processus de sélection sont essentielles (Section 1). Aussi, cerner les motifs de la sélection vise à appréhender ses bases, sa naissance. Toutefois, le fournisseur peut adapter son besoin de sélection en fonction de la liberté décisionnelle que lui octroie tel ou tel système de distribution (Section 2). Le besoin de sélection émane du fournisseur mais celui-ci doit composer avec les contraintes propres à chaque mode de commercialisation, ce qui tend à l’obtention d’un compromis entre volonté et possibilité. Section 1/ Les motifs de la sélection 14. - La détermination du besoin ou des nécessités de la sélection (Paragraphe I) conduit à envisager les différents modèles de distribution aptes à y répondre. Le choix du mode de commercialisation, qui dépend de nombreux facteurs, doit permettre de se rapprocher au maximum du besoin identifié par le fournisseur (Paragraphe II). Paragraphe I/ L’analyse du besoin de sélection 15. - La nécessité d’effectuer une sélection des distributeurs pour la commercialisation des produits est souvent bien plus forte que les contraintes liées à la création d’un réseau de distribution. Les fournisseurs qui organisent la commercialisation de leurs produits en utilisant une phase de sélection des revendeurs, ne se plient au respect de certaines exigences que du seul fait des retombées positives qu’ils espèrent obtenir. Il ne s’agit que d’une illustration de la logique commerciale gouvernant le monde des affaires. En l’absence de motifs justifiant la mise en œuvre de la sélection, il parait certain que ces derniers ne se soumettraient pas à un encadrement pouvant être contraignant pour distribuer leurs marchandises. Il devient alors primordial de s'interroger quant aux motivations qui incitent les fournisseurs à fermer le réseau. Deux synergies développées par la sélection sont identifiables, la maximisation des ressources pour une commercialisation optimale (I) et la protection des produits par la constitution du réseau de distribution (II). I/ L’efficience économique et commerciale 16. - Le besoin de sélectionner la personne avec qui le fournisseur va entretenir des relations commerciales, le futur cocontractant s’entend comme le fait d’écarter les opérateurs n’ayant pas les aptitudes requises. « La distribution sélective correspond à l’accord par lequel un fournisseur, désireux de préserver la notoriété de ses produits s’engage à approvisionner un revendeur sélectionné en raison de son aptitude à distribuer ses produits »52. L’objectif principal est de choisir le meilleur cocontractant afin de réussir les projets économiques 52 Cass. Com, 9 févr. 1976, JCP 1977, II, p. 1859. entrepris. Le système de distribution sélective présente de nombreux avantages économiques et juridiques, notamment liés à la souplesse quant à la mise en place du réseau. Tel en témoigne notamment les conditions à remplir, pour que le réseau soit reconnu licite en application du droit de la concurrence, par le bénéfice d’une exemption53. Ce mode de commercialisation doit, en autres, pouvoir justifier de gains d’efficacité. Cela peut s’illustrer par une réduction des coûts à l’origine de la réalisation d’investissements qui conduisent à une amélioration des techniques employées, du savoir faire54. Une telle efficience économique55 peut profiter aux différents opérateurs, du fabriquant au consommateur, d’où l’intérêt de recourir à des systèmes de distribution organisés. Le contrôle de la sélection par l’encadrement du droit de la concurrence fera l’objet d’une analyse détaillée56. Le fournisseur requière, avant toute chose, une bonne commercialisation de ses produits afin de s’assurer de retombées économiques fructueuses (A). L’élévation du niveau qualitatif des produits proposés au public tend à conférer des avantages aux consommateurs (B) ; considération consumériste parfois délaissée au profit de la seule volonté de générer des profits (C). A/ La maximisation de la qualité et des profits 17. - L'accord de spécialisation offre au fournisseur une commercialisation optimale et uniforme de ses produits par des distributeurs sélectionnés. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une exclusivité de fourniture qui favorise l’écoulement des stocks. Le but est de créer une allocation optimale des ressources afin d'obtenir le meilleur résultat possible. Le fournisseur souhaite utiliser un processus de sélection de ses revendeurs lorsqu’il veut implanter ses produits sur un territoire avec la garantie d’un certain niveau qualitatif de commercialisation. En fonction du type de marchandises, l’industriel peut devoir adapter l’image des distributeurs à celle des produits, sans quoi la commercialisation ne peut être efficiente. 53 Règl. CE n° 2790-99, art. 81, §3, JOCE 29 déc. 1999. Comm. CEE, déc. n° 88/143, 22 déc. 1987, Rich Products/Jus-Rol : JOCE 15 Mars 1988. 55 Règl. CE n° 2790-99, considérant 6 : La Commission européenne apprécie favorablement les accords verticaux qui « peuvent améliorer l’efficience économique à l’intérieur d’une chaîne de production ou de distribution grâce à une meilleure coordination entre les entreprises participants (…), entraîner une diminution des coûts de transaction et de distribution des parties et assumer un niveau optimal de leurs investissements et de leurs ventes ». 56 V. Supra n° 142 et s. 54 Si l’on prend l’exemple de la distribution sélective, ce modèle organisé de commercialisation est « économiquement, une stratégie de différenciation qui cherche à créer une valeur pour le client » et « sociologiquement, une dimension poétique de l’acte de commerce » qui met l’accent sur la relation de vente. Cette stratégie de différenciation 57 débute par l’analyse de la demande des consommateurs afin de cibler leurs attentes et pour y répondre du mieux que possible en produisant des marchandises et en dispensant des services d’une qualité supérieure. B/ Les avantages retirés par les consommateurs 18. - La réponse aux besoins et envies des consommateurs est l’élément clef de la distribution. Le contrat de consommation, la relation avale existant entre le distributeur et le consommateur final, est intégrée dans la relation amont entre le fournisseur et le distributeur. Les industriels étudient le comportement du consommateur dans une démarche consistant à essayer de le satisfaire et de le séduire afin qu’il entre dans un processus d’achat. 19. - « La sélectivité n’exclut pas la proximité »58. La distribution sélective favorise le développement de magasins et offre un accès aux produits de luxe et de haute technicité pour les consommateurs. La création de systèmes de distribution utilisant des procédés de sélection des revendeurs permet de répondre à des demandes insatisfaites présentes sur le marché. Cela favorise le développement de nouveaux produits et services qu’une commercialisation « normale » ne pourrait engendrer et ainsi proposer aux consommateurs59. L’éventail des produits présents sur le marché s’élargit du fait de l’émergence de produits et services de qualité supérieure60, sans compter l’amélioration de la distribution obtenue par une meilleure organisation et évolution par les coûts. « Celui qui distribue sélectivement ne se veut plus industriel, mais une personne attentive et délicate qui choisit les meilleures choses, les fait apporter pour ses amis et leur transmet pour de l’argent, de telle manière que chacun de ses clients éprouve le sentiment d’être unique et 57 G.AMEDEE-MANESME, Plaidoyer pour la reconnaissance du concept de distribution sélective, Rev. Jurisp. Com., mai 1995 58 C. THOEING, Colloque du 22 mai 1991 organisé par l’Association Libre Justice sur « les enjeux économiques et culturels de la distribution sélective ». 59 Comm. CE, déc. 12 déc. 1994, Fujitsu AMD Semiconductor, aff. IV/34.891 : JOCE, 30 Décembre 1994 ; Comm. CE, déc. 14 sept. 1999, GEAE/P & W, aff. IV/36.213/F2 : JOCE, 3 Mars 2000 ; Comm. CE, déc. 8 oct. 2002, IFPI Simulcast, aff. COMP/C2/38.014, § 84 : JOCE, 30 Avril 2003. 60 Comm. CE, déc. 7 avr. 2004, § 132 ; Comm. CE, déc. 10 mars 2003, British Airways/SN Brussels Airlines, aff. COMP/A.38.477/D2. de profiter d’un service rare »61. Ces motifs sont souvent présentés par les fournisseurs, têtes de réseau, puisqu’ils apportent des éléments attestant du partage des intérêts avec les consommateurs. La création de réseaux de distribution n’est pas, selon eux, une simple illustration de comportement égoïstes. La sélectivité ne profite pas qu’aux seuls fournisseurs mais englobe d’autres raisons, effectuant un partage des gains avec les consommateurs. Le consommateur exerce une influence déterminante sur toute la chaine contractuelle de la distribution mais également quant à l’appréhension des comportements anticoncurrentiels. La condamnation d’une entente horizontale ou verticale ne pourra être prononcée si la pratique, au départ anticoncurrentielle, participe à une amélioration des produits et services proposés aux consommateurs finaux62. Le vif intérêt suscité par les fournisseurs à prouver que leurs systèmes de distribution sont profitables aux consommateurs finaux n’est vraisemblablement pas désintéressé. 20. - Toutefois, dans un objectif de réussite commerciale se trouve la volonté d'assurer au client final des prestations de qualité en lui dispensant des services spécifiques63. Cela semble être une composante de la stratégie globale de distribution visant à s’assurer de la satisfaction des clients. L’amélioration de l’image de marque du réseau tend à fidéliser les consommateurs64. On parle de technique de différenciation puisque le fournisseur cherche à se différencier de la distribution de masse. La réussite commerciale est poursuivie par l’intégration renforcée du distributeur à la politique commerciale de son fournisseur65. Certains auteurs dénomment cette pratique le « trade marketing »66. Cette spécialisation n’est utile que dans l’hypothèse où les clients préfèrent assumer des coûts supplémentaires en payant les produits plus chers, pour des raisons purement qualitatives. Le coût supplémentaire qu’entraine la création du réseau est présumé correspondre à une valeur ajoutée octroyée aux consommateurs. Raison avouée ou pas, efforts pour accroitre les ventes 61 J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. dr. Entr., Litec, 1999. Cons. Conc. Déc. 05-D-22, 18 mai 2005, Pratiques mises en œuvre par l’association « Agriculture et Tourisme en Dordogne-Périgord ». 63 Notamment services de conseils de professionnels qualifiés en la matière, services après vente. 64 Comm CE, déc. 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent Parfums, aff. IV/33.242, JOCE, 18 Janvier 1992, Europe 1992 : « les produits Yves Saint Laurent ne sont distribués que dans des conditions susceptibles d'en préserver l'image de haute qualité et la vocation d'exclusivité caractérisant leur nature de produits cosmétiques de luxe ». Comm. 103 ; Comm. CE, 24 juill. 1992, Système de distribution sélective de Parfums Givenchy, aff. IV/33.542 : JOCE, 19 Aout 1992 ; Europe 1992, comm. 387. 65 M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution, La Sem. Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Févr. 1998, p. 260. 66 Le « trade marketing » tend à associer fournisseur et distributeur en mettant en valeur la marque du fournisseur et l'enseigne du distributeur en créant des événements promotionnels et des animations (concours organisé par les clients du distributeur). 62 ou bien avantages sincères procurés aux consommateurs, ces derniers bénéficient de retombées positives du fait de la distribution en réseau. C/ But purement lucratif 21. - Bien que l'intérêt premier énoncé soit d'obtenir la meilleure commercialisation possible bénéficiant à l’ensemble des opérateurs, jusqu’au consommateur, un esprit critique ne peut se satisfaire de ces seuls éléments. Il faut envisager d'autres justifications concernant le besoin de sélection. Un fabriquant peut vouloir limiter quantitativement le nombre de distributeurs sélectionnés pour des raisons économiques, purement financières alors même que cela n'est pas justifié. Tant la jurisprudence que la loi sont venus encadrer ce type de distribution afin d’éviter ce genre de comportement opportuniste. La sélection opère inévitablement une éviction de certains distributeurs en réservant le marché des marchandises en question à un nombre limité de revendeurs. La réservation artificielle dans la distribution sélective, qui n’est pas justifiée par des motifs légitimes, objectifs est condamnée67. Néanmoins, la mise en œuvre d’une sélection quantitative dans la franchise ou la concession est beaucoup plus libre puisque celle-ci peut être inhérente eu égard au besoin de sélection68. II/ Le contrôle et la protection opérés sur les produits par le réseau de distribution 22. - La création d’un réseau licite de distribution octroie un contrôle de droit à son promoteur sur la revente de ses marchandises (A). La création du réseau pour la distribution des produits résulte de la stratégie commerciale du fournisseur (B), souhaitant bénéficier de l’auto protection inhérente à sa constitution (C). A/ Un contrôle effectif de la commercialisation 23. - Le besoin de sélection peut être envisagé sous un angle de protection, d’auto contrôle qu’opère le réseau sur la commercialisation des marchandises. Sélectionner les professionnels ayant les caractéristiques nécessaires tend à une homogénéisation, parfois partielle, du réseau et finalement à une revente des marchandises, conforme à celle préconisée et escomptée. Le 67 68 V. supra n° 82 et s. V. supra n° 89 et s. système de distribution sélective permet la garantie d’un contrôle effectif des produits, de la production ainsi que de la commercialisation69. « Les contrats d’intégration du secteur de la distribution reposent sur une stratégie de filiérisation »70. Cela permet à l’entreprise intégratrice de prolonger la maîtrise qu’elle exerce sur l’élaboration de son produit, ou de son service, jusqu’à sa distribution au public71. B/ Le choix de la stratégie commerciale du fournisseur 24. - Le système de distribution choisit fait partie intégrante de la stratégie commerciale de la marque. Au vu des éléments qui précèdent, il s’agit d’adapter le type de commercialisation aux produits pour que la distribution soit efficace. A côté de cette effectivité de commercialisation, le processus de sélection permet d’autres apports. Les grandes marques, notamment dans le domaine des parfums de luxe, souhaitent recourir au réseau de distribution sélective dans un but de protection. Cela leur permet de contrôler l’image de la marque et de s’assurer de l’uniformité des services qualitatifs rendus par les revendeurs. La créativité inhérente à la production des biens de luxe, leur mode de distribution mais également leur conditionnement sont pris en considération par le droit positif. Néanmoins, la sélection pour la constitution du réseau n’est efficace que si le comportement des distributeurs est en harmonie avec la stratégie globale72 de la marque ; sans quoi l’existence même du réseau est remise en cause. Une des spécificités de ce mode de distribution est l’absence d’exclusivité d’achat, les distributeurs ayant fait l’objet de la sélection de part une marque représentent également des produits concurrents. C’est là tout l’intérêt de la distribution sélective puisque le réseau utilise à son profit les retombées des investissements commerciaux des marques concurrentes, notamment en termes d’image, et ces dernières profitent de la même manière de la réputation et du pouvoir d’attraction des produits du réseau. 69 Y. CHIROUZE, La distribution, éd. Chotard, 1986, p. 145. La filiérisation, selon F. de BOÜARD, consiste en l’action de créer une filière productrice ou d’y associer un nouvel élément. 71 F. de BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, L.G.D.J., 2007, n° 20, p. 13. 72 J. VIGNY, La distribution, Structures et pratiques, Dalloz, 1994, p 111. 70 C/ L’auto protection inhérente au réseau 25. - Il convient d’analyser la notion de réseau (1/) afin d’envisager les effets qu’il induit ainsi que les synergies qu’il développe (2/), du seul fait de sa création. 1/ La notion de réseau 26. - La notion de réseau n’est pas définie en droit positif, alors même que le terme est employé par le législateur73. Le réseau est envisagé par l’analyse économique comme étant un « ensemble constitué d’entreprises liées par des relations d’échanges suffisamment fortes et stables pour créer un sous-marché contractuel au sein du marché »74. Mme AMIEL-COSME effectue une recherche étiologique du mot réseau, qui vient du mot latin « rete », diminutif de « reticulum », qui signifie réseau ou filet à petites mailles75. L’auteur tend à définir une véritable théorie de droit commun des réseaux de distribution. La notion de réseau a fait l’objet de différentes analyses doctrinales, poursuivant l’objectif de percevoir la ou les considérations juridiques du concept ainsi que les conséquences liées à sa composition. L’ensemble de la doctrine s’accorde à penser que le réseau est caractérisé par une pluralité de contrats, un enchevêtrement de rapports d’obligations, liens contractuels et efforts commerciaux, et qu’il « est constitué par un ensemble homogène de contrats-cadre, une gerbe de contrats identiques ou semblables »76. « Un dessein commun vivifie l’ensemble, créant entre les membres une interdépendance »77. Toutefois, certains auteurs s’attachent davantage à la notion de groupe de contrats, alors que d’autres privilégient la personnalisation du réseau, pendant que d’autres octroient une importance plus grande encore à sa dimension collective. 27. - L’étude du réseau, qui tend à mettre en exergue les effets produits et, notamment les avantages octroyés à son initiateur et à ses membres du fait de sa mise en œuvre, s’inscrit dans une démarche visant à apporter des éléments tangibles, palpables, soutenant ainsi l’intérêt de sa création. 73 Par exemple : C. com., art. L. 330-3 ; C. Consom., art. L. 122-6, 2° « réseau de vente » ; Règl. CE n° 2790-99 : JOCE 29 déc. 1999, n° L. 336, art. 6 et 8. 74 In D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd., Litec, 2006, n° 521, p. 229 - H. THORELLI, Networks : between markets and hierarchies : Strategie Managmenent Journal, vol. 7, t. 1, 1986, p. 37 et s. 75 L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, thèse L.G.D.J, 1995, préface Y. GUYON, n° 2, p. 4. 76 Ph. LE TOURNEAU, JurisClasseur Contrats - Distribution, Concession Exclusive. Distribution, circuits et réseaux de distribution. Fasc. 1010, Cote : 08,2006. 77 Ibid. 28. - Le réseau apparait comme étant un groupe de contrats, possédant la structure circulaire caractéristique des ensembles78, convoitant « un but commun à toutes les parties, connu et voulu par elles, qui assure la connexité de leurs conventions »79. Pour d’autres auteurs, le réseau est un ensemble de contrats dont le concédant serait le pivot, sans qu’il n’existe de lien juridique entre les concessionnaires80. Le réseau est un « faiseur de contrat », constitué de « liens opérationnels unissant des partenaires à des contrats distincts mais qui concourent tous à un même sort économique » 81. L’analyse personnaliste du réseau présente deux aspects. Le premier considère la personnification du réseau avec les seuls distributeurs tandis que la seconde envisage l’initiateur et les distributeurs. La personnification du réseau constitué des seuls distributeurs tend à conférer à ceux-ci un pouvoir plus grand vis-à-vis du fournisseur, par la création d’un groupement juridique et par leur participation dans la politique commerciale du réseau 82. L’objectif de la proposition de loi était de promouvoir un rééquilibrage des rapports, non de tirer les conséquences d’une réalité83. Une autre proposition de loi de M. TURCO poursuivait la même démarche84. La personnification du réseau comprenant l’initiateur analyse l’intérêt commun que l’entité véhicule. Les membres du réseau mettent en commun des apports, tout en témoignant tous d’un affectio cooperandi, une volonté intéressée de collaborer de bonne foi, en étant égaux, au développement d’une œuvre commune, se rapprochant d’un affectio societatis. Par ailleurs, chaque membre du réseau demeure indépendant, il n’y a donc pas de partage des gains et des pertes du réseau. Bien que le réseau puisse être perçu comme étant une personne morale, cette personnification n’apparait pas comme étant une nécessité85. La présence d’un intérêt commun n’exclut pas la possibilité que les distributeurs présentent des intérêts divergents. 78 B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, thèse, L.G.D.J, 1975, p. 213, n° 113. Op. cit., p. 36, n° 87. 80 J. LE CALVEZ, Les contrats d’exclusivité, thèse, Paris, 1979, p. 418 et s. 81 J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in « L’évolution contemporaine du droit des contrats », PUF., 1986, p. 167 et s. 82 Proposition de M. GLON et COUSTE, tendant à règlementer la situation juridique des franchisés et des concessionnaires, Ass. Nat., 1973/1974, n° 891 in M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, Traité des contrats, L.G.D. G, 1999, p. 464, n° 881. 83 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats Les contrats de la distribution, , L.G.D. G, 1999, p. 464, n° 881. 84 Proposition tendant à définir la situation de commerçant distributeur, Ass. Nat., 1973/1974, n° 979 et Proposition tendant à préciser le statut juridique du concessionnaire revendeur de produits de marque, Ass. Nat., 1976, n° 1904 in M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, Traité des contrats, L.G.D. G, 1999, p. 464, n° 881. 85 Th. Précitée, n° 368. 79 La dimension collective86 du réseau semble être l’analyse la plus adéquate, eu égard aux particularités du concept. Tout en se réservant de qualifier le réseau de personne morale, il convient de noter que ce dernier présente une dimension collective en ce qu’il témoigne de la réunion d’apports, de l’affectio cooperandi et du respect d’obligations dans l’intérêt du réseau. « L’entreprise en réseau »87 est devenue une réalité juridique au point que l’on pourrait se demander si elle ne parviendrait pas à se hisser au rand d’institution88. « L’image crée par le producteur doit ensuite se prolonger au stade de la distribution »89. Le fournisseur doit opérer un contrôle des conditions de la distribution. 29. - La création du réseau engendre, de manière accessoire, la survenue d’un certain nombre de droits, devoirs et obligations, à la fois pour le promoteur du réseau mais aussi pour ses membres. L’entité est un système juridique, une véritable organisation avec des normes, sorte de législation du réseau, auxquels ses membres doivent se référer et se conformer. Aussi, la politique, la loi d’un réseau licite s’impose de droit à ses membres et aux tiers puisque sa protection et son contrôle est légitime, inhérente à son existence. Néanmoins, la protection du réseau contre les tiers revendeurs revêt des particularités, qu’il conviendra d’envisager ultérieurement90. Le « réseau-institution » s’apparente à la théorie soutenue par le doyen Hauriou, qui le considère comme « une organisation sociale, crée par un pouvoir (…), et qui repose sur un équilibre de forces ou une séparation de pouvoirs. En assurant une expression ordonnée des intérêts adverses en présence, elle assure un état de paix sociale qui est la contrepartie de la contrainte qui pèse sur ses membres »91. Le réseau résulte de la somme des engagements, de la combinaison des contrats de distribution liant les membres au fournisseur. Chaque nouvel adhérent bénéficie et peut également souffrir des conséquences induites par la relation contractuelle que chaque distributeur entretient avec le promoteur du réseau. Le recours à cette organisation globale de distribution, dans laquelle les distributeurs ne sont pas juridiquement liés mais partagent un 86 V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse Montpellier, 2008, n° 5, p. 12 : Le terme « collectif » vient du latin collectivus et signifie « qui groupe, qui rassemble », et dérive du mot « collecter » (latin colligere : rassembler, recueillir), désignant un assujettisement à une contribution. 87 G. PACHE et Cl. PARAPONARIS, L’entreprise en réseau, PUF, 1993. 88 L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, p. 1, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003. 89 Ibid. 90 V. supra n° 111 et s. 91 Ibid. intérêt commun et des difficultés similaires, poursuit l’objectif de parvenir à une maximisation des avantages et crée des synergies grâce à la mise en commun d’efforts simultanés, dans une démarche identique. La création d’un réseau de distribution octroie à ses membres la possibilité d’obtenir des gains d’efficience, difficilement envisageables hors réseau. 2/ Les synergies du réseau : l’exemple de l’auto protection 30. - L’auto protection conférée au fournisseur par le réseau de distribution peut être appréhendée sous deux aspects ; la lutte contre les marchés parallèles et contre la contrefaçon (a/), notamment en présence de droits de propriété industrielle, ainsi que le droit de condamner la revente effectuée par les tiers, sous certaines conditions (b/). a/ La protection opérée par le réseau contre les marchés parallèles Protection en faveur des intérêts du fournisseur 31. - L’instauration d’un processus de sélection licite confère le droit de contrôler la commercialisation des marchandises, notamment par l’instauration d’un réseau de distribution sélective, et se révèle être un moyen de lutte efficace contre les marchés parallèles. La contrefaçon frappe directement les professionnels de produits de luxe et semble s’adapter au fil du temps à l’évolution des techniques. Le caractère distinctif et attractif de la marque est protégé par la sanction qu’opère le droit positif à l’encontre des pratiques parasitaires et contrefaçons. L’initiateur a donc tout intérêt à créer un réseau de distribution, par la réalisation du processus de sélection, car celui-ci lui assurera un certain niveau de protection. Influences de la lutte contre le parasitisme sur les droits de propriété industrielle : l’histoire d’une dérive 32. - Il parait opportun d’envisager les influences exercées par la lutte contre le parasitisme sur la protection des droits de propriété industrielle92. Dans la franchise, le fournisseur transmet un savoir-faire aux distributeurs qu’il a précédemment sélectionnés. Celui-ci détient des droits sur ce savoir-faire et doit le protéger efficacement, contre les tiers. Il existe deux moyens distincts93, l’action en contrefaçon qui tend à lutter contre les atteintes portées à un droit de propriété industrielle et l’action en concurrence déloyale, visant à condamner certains comportements critiquables dans l’activité commerciale. La jurisprudence a considérablement assoupli les conditions nécessaires à l’action en concurrence déloyale. Celle-ci peut être exercée sans que soit toujours établit, préalablement, un rapport direct et étroit de concurrence et la clientèle commune n’est plus systématiquement requise puisque la faute a pu être reconnue en son absence94. Le simple fait de se prévaloir de sa réputation, en dehors même de la recherche de la confusion dans l’esprit du public, suffit à caractériser un acte de concurrence déloyale. Avant d’être consacrée par la jurisprudence95, la notion de concurrence parasitaire, issue de régimes étrangers, a d’abord été introduite par Saint-GAL, l’ayant définie comme le fait « pour un tiers, de vivre en parasite dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a réalisés et de la réputation de son nom et de ses produits »96. L’idée de parasitisme s’est alors développée, appuyée par certains97, mais a pris une telle ampleur98 que celle-ci a engendré de vives critiques, dénonçant son application extensive ainsi que ses dérives99. 92 J. AZEMA, L’incidence des dérives du parasitisme sur le régime des droits de propriété industrielle (à propos de quelsques décisions récentes), in Etudes de droit privé, Mélanges offerts à Paul DIDIER, p. 1, Economica, 2008. 93 Distinction déjà opérée par ROUBIER, qui y consacrait un chapitre dans le tome 1 de son Traité de propriété industrielle. Sirey, 1952, p. 307 et s. 94 Cass., com. 30 janv. 1996, D. 1997, p. 232, note SERRA. 95 Cour de Paris, 18 mai 1989, D. 1990, p. 340, note CADIER, arrêt rendu à propos d’un litige entre parfumeurs. 96 « Concurrence parasitaire ou agissements parasitaires », RIPIA 1957, p. 19. 97 Par exemple : DESJEUX, Le droit de la responsabilité civile comme limite au principe de la liberté du commerce et de l’industrie (à propos de la sanction de la copie), JCP éd. E.,11, 14490 ou Ph. LE TOURNEAU, Du nouveau sur la protection et la protection des idées, Rev. Jurisp. Com. 1984, p. 65 et s. 98 La conception extensive du parasitisme tend à perturber le régime normal de protection des droits de propriété industrielle et présente un danger pour la liberté du commerce et de l’industrie. 99 Par exemple, M.A. FRISON-ROCHE et M. S PAYET, Droit de la concurrence, Coll. Précis Dalloz 2006, n° 507 et s. 33. - Néanmoins, certains arrêts ont cessés d’alimenter ces excès100, alors même qu’il semblerait que les dernières décisions jurisprudentielles101 perdurent dans une appréciation souple, voire très souple. Une formule reprise102, de manière automatique, par la 4iè Chambre, Section A, de la Cour d’Appel de Paris, constitue une réelle menace à l’égard des principes fondamentaux de la propriété industrielle, par l’action combinée d’une extension des monopoles d’exploitation et de leur périmètre103. La condamnation du parasitisme, rendu possible par l’instauration d’un réseau licite de distribution et au moyen de l’action en concurrence déloyale, tend dans la franchise à l’émergence de dérives. Le franchiseur est dans une position privilégiée puisqu’il peut bénéficier de ces dérives, issues de l’appréciation souple de l’action en concurrence déloyale, et d’une protection, de plus en plus large, de son monopole d’exploitation. La constitution du réseau, combinée avec l’existence de droits de propriété industrielle, semble octroyer au franchiseur des garanties solides pour l’avenir. b/ La consécration d’un droit à la protection de la revente du fait de l’existence même du réseau 34. - Lorsque le processus de sélection s’est valablement réalisé, celui-ci engendre la création d’un réseau de distribution licite. Dans l’étude des motifs étant à l’origine de l’impulsion de la volonté du fournisseur de recourir au processus de sélection, l’auto protection du réseau envers ses membres et contre les tiers est un élément décisif. Même en l’absence de droits de propriété intellectuelle, le fournisseur bénéficie d’un droit à la protection de la revente de ses marchandises et bien qu’il soit tenu de respecter les exigences légales en la matière, cela constitue un motif influençant le souhait de constituer un réseau de distribution. La licéité de la sélection pour la constitution du réseau ainsi que les moyens de s’assurer de l’effectivité de la sélection par la protection du réseau seront traités plus amplement104. 100 Notamment CA Paris, 18 oct. 2000, O. 2001, p. 850, note PASSA 1. Notamment CA Paris, 17 janv. 2007, n° 05/22999 – CA Paris, 10 janv. 2007, n° 05/24739 - CA Paris, 29 déc. 2006, n° 06/03791 102 « Le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ». 103 Op. Cit. p. 4. 104 V. supra n° 108 et s. 101 35. - L’apparition de plusieurs besoins de sélection, influencés par des éléments variables, tels que la nature des produits ou la volonté de maximiser la qualité par exemple, tend à confirmer l’idée selon laquelle il n’existe pas qu’un seul besoin de sélection. L’existence de besoins de sélection propres à chaque sélectionneur, chaque initiateur du réseau, constitue autant de demandes de sélection, auxquelles il faut trouver une offre. Cependant, les diverses offres de sélection sont restreintes par les particularités légales, eu égard aux systèmes de distribution existants. Dès lors, l’on peut opérer des regroupements concernant les besoins de sélection similaires afin de trouver les systèmes de distribution s’y afférant. 36. - Bien que la licéité quant à la mise en œuvre de tel ou tel mode de commercialisation et son aspect contraignant soient importants, il convient préalablement de trouver le point d’équilibre105 entre le besoin de sélection et la satisfaction juridique la plus adéquate. Paragraphe II/ L’analyse du choix du système de distribution satisfaisant le besoin de sélection 37. - Le producteur doit opérer un choix crucial quant au mode de distribution qu’il souhaite mettre en place en fonction de ses attentes envers les revendeurs. Avant même de s’interroger sur la constitution du réseau, le fabricant doit évaluer les aspects positifs qu’il peut espérer retirer de chaque système de distribution en les confrontant aux besoins de la commercialisation de ses produits ou services. 38. - L’enjeu véhiculé par le besoin de sélection et notamment par son objet réside dans la réponse à la question suivante : pourquoi choisir et surtout que choisir ?106 Certains auteurs opèrent une distinction entre la distribution sélective et les systèmes de distribution dits de « commerce organisé »107. L’étude du pouvoir décisionnel détenu par 105 A. JACQUEMIN, H. TULKENS et P. MERCIER, Fondements d’économie politique, 3è éd., De Boeck Université, p. 100, partie 1, analyse microéconomique, pt 5.5. : « A chaque point de la courbe d’offre correspond un point d’équilibre pour le producteur. » L’on peut effectuer un rapprochement entre la théorie économique des choix du consommateur et notre étude qui consiste à trouver un point d’équilibre entre le besoin de sélection et l’offre de sélection, qui se traduit par les différents modes de commercialisation, différents processus de sélection. La théorie des choix du consommateur soutient que « toute courbe de demande individuelle est un lieu de point d’équilibre du consommateur ». Par transposition, cela signifierait que toute courbe de besoin individuel de sélection trouve un point d’équilibre par l’offre des différents moyens de distribution. Ici, le fournisseur est perçu comme étant un consommateur, dont la demande est la réalisation de son besoin de sélection. 106 Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999, n° 24, p. 9. l’initiateur du réseau quant au type de commercialisation pourrait alors s’organiser en deux analyses distinctes. Il s’agirait de percevoir les avantages conférés par la mise en œuvre d’un système de distribution sélective et de les confronter à ceux qu’offre le commerce organisé. Toutefois, alors même qu’une telle distinction se justifie au regard des différences existant entre les systèmes de distribution, une étude comparative tend à mettre en lumière des synergies, similitudes et permet ainsi d’obtenir une vision plus globale, d’ensemble. En effet, il est opportun d’envisager les caractéristiques propres à chaque mode de commercialisation et de percevoir les divers besoins de sélections s’y afférents (II). Néanmoins, avant d’envisager le choix du système de distribution le plus efficient, un aspect essentiel doit être préalablement examiné ; le degré d’indépendance juridique octroyé par le fournisseur aux distributeurs combiné avec le contrôle que ce dernier souhaite effectuer sur l’activité de ses revendeurs (I). I/ L’élément déterminant, l’ajustement entre indépendance juridique du distributeur et contrôle du fournisseur 39. - Le choix du fournisseur quant à l’indépendance octroyée aux revendeurs influe sur la considération de nombreux éléments. Le degré d’indépendance des distributeurs au sein de chaque réseau est un élément déterminant puisqu’il conditionne notamment la responsabilité de chacune des parties, l’identité de la personne sur qui reposent les investissements. 40. - Ce dernier peut opter pour le contrôle total de la direction de son entreprise avec le recrutement de personnes salariées108 ou, à l’opposé, sélectionner des commerçants qui conserveront leur statut. Toutefois, il est décisif d’effectuer une distinction entre les notions d’indépendance des revendeurs et celle d’intégration à un réseau de distribution. Le fait d’être intégré ne préjuge aucunement quant à la liberté dont dispose le distributeur et quant à son degré. Un large panel de possibilités s’offre au fournisseur puisqu’il peut commercialiser ses marchandises avec des distributeurs intégrés à son réseau ou seulement regroupés ou encore isolés. L’intégration peut être plus ou moins effective. La création d’un réseau de franchise permet une forte intégration des distributeurs bien qu’ils demeurent indépendants, tandis que 107 108 V. infra n° 4. V. infra n° 3. L’étude est circonscrite au processus de sélection des distributeurs juridiquement indépendants. l’intégration est plus nuancée en ayant recours à de simples revendeurs agréés ou à des commerçants regroupés sous une enseigne commune. Il est primordial de noter que chaque régime de distribution n’est effectif qu’en fonction de l’adéquation qui existe entre les attentes du fournisseur et les caractéristiques propres au système de distribution choisi. 41. - Les conditions qui régissent les contrats sont variables selon le type de système de distribution envisagé. Des particularités tendant à la plus ou moins grande latitude laissée au profit du distributeur par son fournisseur peuvent se révéler être des aspects décisifs dans la qualification de tel ou tel système de distribution. Le choix de l’initiateur concernant le mode de distribution de ses marchandises peut être majoritairement influencé par les qualités propres et les besoins de ces dernières mais il s’agit ici de percevoir les attraits et atouts de chacun d’entre eux. II/ Les processus de sélection, réponses aux divers besoins 42. - L’indépendance juridique des distributeurs au sein d’un réseau doit répondre à tel ou tel besoin de sélection du promoteur du réseau, en fonction du système de distribution mis en œuvre. Néanmoins, l’indépendance juridique doit être effective (A) pour le choix de systèmes de distribution basés sur la sélection de commerçants (B). A/ La vérification de l’indépendance juridique 43. - Alors même que le distributeur sélectionné conserve son indépendance juridique et doit, à ce titre, avoir une réelle liberté décisionnelle sur son activité (1/), l’existence du réseau de distribution nécessite, pour son bon fonctionnement, une intervention modérée du fournisseur (2/). 1/ Les limites entre indépendance juridique et réelle liberté décisionnelle 44. - Bien que le distributeur intégré à un réseau soit un commerçant indépendant, la relation qu’il entretient avec son fournisseur a été qualifiée de relation de dépendance 109. Le distributeur en réseau est indépendant sur le plan juridique, ce dernier achète lui-même les marchandises pour ensuite les revendre pour son propre compte ; cependant, il demeure sous la dépendance économique de la tête de réseau. Par exemple, « la franchise a toute la richesse d’un contrat moderne : contrat-cadre de coopération commerciale dans la distribution, il a pour objet de mettre un concept attirant pour la clientèle à la disposition d’un franchisé qui, en dépit de son indépendance commerciale, se trouve en position de domination économique »110. Néanmoins, transiger quant à la situation de dépendance économique du distributeur envers le fournisseur n’est pas l’objet du propos, il ne s’agit pas d’alimenter ce débat111. 45. - La vérification du degré de réelle liberté dont bénéficie le distributeur intégré a fait l’objet de nombreuses positions de la loi ainsi que de la jurisprudence, assurant ainsi l’émergence de règles protectrices112. Il s’agit de contrôler concrètement si le distributeur est indépendant dans les choix qu’il opère ou bien si la relation peut être requalifiée en contrat de travail, avec l’application de l’ensemble des dispositions du droit social que cela sous-entend. Prenons l’exemple de la clause de non concurrence qui connu de profonds remaniements quant à la reconnaissance de sa licéité tant en droit du travail113 que dans les relations entre professionnels. 2/ La nécessaire intervention modérée du fournisseur dans l’activité du distributeur, enjeu inhérent au réseau 46. - Toutefois, il ne s’agit pas de manquer d’impartialité dans l’étude de la liberté des parties, au sein de la relation d’affaire. Le promoteur du réseau supporte un certain nombre d’obligation, d’assistance, de conseil, en fonction du système de distribution qu’il a mis en 109 G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance (Essai sur les activités professionnelles exercées dans une dépendance économique), Bibl. Droit Privé, t. 190, LGDJ, 1986. 110 D. TRICOT, Avant-propos de Théorie et Pratique du droit de la Franchise, de F.-L. Simon, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009. 111 V. infra n° 6. 112 E. PICARD, L’émergence des droits et libertés fondamentaux en France, AJDA 1998, n° spécial 6 ; obs. J. ROCHFELD, RTD civ. 2003.1. 113 Cass, soc., 10 juillet 2002, Bull. civ. V, n°293, 3 arrêts, JCP 2002.II.10162, note critique PETIT, JCP, éd. E, 2002.1511, note D. CORRIGNAN-CARSIN, D. 2002.2491, note Y. SERRA. œuvre. Aussi, il parait évident que l’homogénéité d’un réseau ne peut être obtenue en laissant une liberté absolue au distributeur. En acceptant la survenue du processus de sélection, à son bénéfice, celui-ci consent à la politique du réseau. Seuls les abus limitant considérablement la liberté d’un distributeur juridiquement indépendant sont prohibés. B/ Les offres des différents processus de sélection pour la satisfaction des besoins 47. - Une présentation des différents systèmes de distribution est nécessaire afin d’envisager leurs caractéristiques et notamment les réponses apportées aux besoins de sélection. Toutefois, il ne s’agit pas de percevoir la satisfaction juridique du besoin de sélection en aval114, mais seulement dans le processus décisionnel du fournisseur, en amont de la sélection. Aussi, la distribution sélective permet de ne sélectionner que les candidats, mais tous les candidats, correspondant aux critères établis par le fournisseur (1/) ; tandis que la concession vise à ne sélectionner que de revendeurs aptes de prospecter seuls, sur des territoires exclusifs (2/). La sélection dans la franchise dépend de la capacité des candidats à savoir réitérer un savoir-faire, une méthode commerciale préalablement mise au point par le franchiseur (3/). 1/ Le système de distribution sélective 48. - En matière de distribution sélective, le fournisseur ne sélectionne que les candidats aptes à répondre aux critères qu’il a préalablement définis. L’établissement des critères de commercialisation fait l’objet d’un contrôle strict quant à leur validité, puisqu’ils doivent être objectifs et non discriminatoires115. 49. - Les nécessités eu égard à la nature et aux propriétés des produits ou service sont un élément déterminant dans le recours à un système de distribution sélective. Celles-ci interviennent, d’abord, pour savoir si la sélection des distributeurs se justifie dans son principe et, ensuite, pour vérifier si les critères de sélection sont proportionnés aux caractéristiques des produits ou services considérés116. Le besoin de sélection, satisfait par la constitution d’un réseau de distribution sélective, s’illustre par des attentes liées à la nature intrinsèque des marchandises et par les exigences d’achat des consommateurs vis-à-vis de ces produits. En 114 V. supra n° 73 et s. V. supra n° 75 et s. 116 Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse Montpellier, n° 30, p. 11. 115 effet, la Commission européenne a reconnu que le consommateur avait le loisir de se détourner ou de sanctionner la politique de sélection du fabricant, lorsque celle-ci est inadaptée117. Le principe de nécessité, qui a longtemps gouverné la licéité d’un système de distribution sélective118, tout en faisant l’objet de critiques par la doctrine119, a finalement été supprimé avec l’entrée en vigueur du règlement communautaire n°2790-99120. Aussi, désormais, « l'exemption par catégorie s'applique à la distribution sélective quelle que soit la nature du produit concerné »121. Le fabricant de produits ordinaires peut donc recourir à un système de distribution sélective, en étant exempté, à la condition de ne pas dépasser une part de marché de 30 %. Dans l’hypothèse où le seuil serait dépassé, la Commission européenne précise qu'il convient de procéder à une analyse du contexte économique des restrictions de concurrence résultant des parts de marché détenues par le fournisseur. Toutefois, la Commission européenne apporte une précision litigieuse, au même point 186 de ses lignes directrices, en se réservant la possibilité de retirer le bénéfice de l'exemption, lorsque la nature du produit ne nécessite pas une distribution sélective122. Dès lors, l’on peut légitimement s’interroger quant à la réelle suppression de la condition concernant la nature du produit permettant l’exemption, en droit communautaire de la concurrence, même lorsque le seuil de 30 % de parts du marché n'est pas dépassé123. 50. - Une remarque, somme toute, très simple, s’impose. Le processus de sélection pour la distribution sélective tend à restreindre la liberté décisionnelle de l’initiateur en personne. En effet, le fournisseur souhaitant mettre en place un réseau de distribution sélective sera indéniablement lié par les critères de sélection qu’il aura préalablement établi et ne pourra s’en détacher. Aussi, celui-ci ne pourra refuser de sélectionner les candidats répondant aux normes, critères fixés en dépit d’un degré de subjectivité dans l’appréciation de la sélection. C’est pourquoi, certains auteurs tendent à déconseiller la distribution sélective aux 117 TPICE, 12 déc. 1996, aff. T-88/92 et T-19/92, Yves Saint-Laurent Parfums et Givenchy : Rec. CJCE 1996, II, p. 967 et 1857. 118 Il s’agissait d’une condition de validité au regard de l'ancien article 85, § 1er ou § 3 du Traité CE. 119 Notamment J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibli. Dr. E., Litec, 1999. 120 Art. 81 §3 du Traité CE ; Règl. n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 relatif aux restrictions verticales. 121 Pt. 186 des Lignes Directrices du 13 oct. 2000. 122 Ph. LE TROURNEAU et M. ZOÏA, JCl. Contrats – Distrib., Fasc. 1020, Concessions. Concession libre : la distribution sélective, Cote : 08,2006, 1ier mai 2006, n° 85 et s. 123 P. ARHEL, Les Lignes directrices sur les restrictions verticales, JCP E 2000, p. 1178. fournisseurs désireux de conserver une réelle marge de manœuvre, un véritable pouvoir décisionnel, au sein du processus de sélection. 2/ La concession exclusive 51. - La spécificité majeure du modèle de concession s’illustre par la réservation d’un territoire de façon exclusive ou quasi-exclusive au revendeur sélectionné. Le fait d’octroyer l’ensemble du courant d’affaires sur un territoire délimité à un unique distributeur entraine une réelle prise de risque pour le réseau tout entier. Seul ce concessionnaire représentera l’image de la marque sur le territoire considéré. Les erreurs commises, négligences ne pourront être contrebalancées par l’action d’un autre distributeur du même réseau du fait de l’exclusivité territoriale. Le besoin de sélection est conditionné à l’aptitude de gestion d’une seule personne sur une zone géographique délimitée. Le choix du concessionnaire doit répondre à la capacité de prospecter seul sur un territoire exclusif, en l’absence d’une concurrence directe de part les autres concessionnaires. L’octroi d’une exclusivité territoriale se justifie par la mise en œuvre de lourds investissements pour les produits. Le promoteur du réseau accepte un certain niveau de risque en accordant une exclusivité à chacun de ses distributeurs puisque, sans cette garantie, il est peu probable que ces derniers aient accepté de supporter de tels coûts. 52. - Au sein du processus de sélection, les caractéristiques du candidat distributeur sont essentielles, le fournisseur attache une réelle importance à sa personnalité, à son expérience, à son emplacement, à sa structure juridique… « La sélection est empreinte d’un fort intuitus personae, synonyme de subjectivité, puisqu’il s’agit de choisir, parmi des distributeurs qui peuvent être d’une compétence égale, celui à qui seul sera confiée la qualité de distributeur sur une zone de vente, précisément définie »124. L’influence déterminante de considérations subjectives pour la satisfaction du besoin de sélection préjuge de la liberté du fournisseur. L’initiateur du réseau bénéficie d’une grande latitude dans la mise en œuvre de ses méthodes de recrutements et dans l’exécution de la sélection. « Le contrat de concession commerciale, formule majeure parmi les contrats de distribution, est (d’ailleurs) considéré comme l’exemple topique du contrat-cadre »125. 124 Y. MARDENALOM, Etude comparative des réseaux de distribution, thèse, Montpellier, 1999. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, Thèse, Montpellier, 2000, n°7, p. 13. 125 53. - Le système de concession exclusive génère une pluralité de relations contractuelles similaires voire même identiques entre chaque distributeur et le promoteur du réseau. La naissance de toutes les relations individuelles ne doit pas occulter le fait que s'instaurent, en parallèle, des rapports collectifs entre les divers concessionnaires du même concédant. Les revendeurs conservent leur indépendance juridique et ne présentent aucune relation contractuelle les liant les uns des autres. L’indépendance juridique gouverne également la relation entre le concédant et chaque concessionnaire. Une réflexion rapide trancherait sur l’absence de tout lien entre les distributeurs puisque n’étant aucunement parties au même contrat et travaillant seuls, dans leur territoire exclusif respectif. Ce n’est pourtant, généralement, pas le cas. L'existence du réseau dans son aspect vertical, dont tous sont membres d'office, crée ipso facto des liens entre eux : une sorte d'interdépendance. Tous les concessionnaires sont comme les branches d'un même arbre126. L’interdépendance se développe tant dans la relation entre le concédant et tous les distributeurs qu’entre les concessionnaires entre eux. Les distributeurs poursuivent un intérêt identique de part la réussite de leur relation contractuelle avec le promoteur du réseau ; il s’agit d’un intérêt commun visant le bon fonctionnement du réseau. Par ailleurs, les distributeurs peuvent légitimement constituer des accords horizontaux, tels que des associations professionnelles. Les concessionnaires sont situés, de manière parallèle et additionnelle, dans la même situation et, à ce titre, présentent des nécessités et problèmes similaires. L’objectif tend à mutualiser leurs risques en unissant leurs efforts au moyen, par exemple de l’adhésion au sein de syndicats, sans que cela ne caractérise des actes de concurrence déloyale127. 3/ La franchise commerciale 54. - La franchise commerciale tend à la réitération d’une réussite fondée sur la transmission d’un savoir-faire du fournisseur envers ses distributeurs. Ce système de distribution garantit une uniformité des méthodes utilisées par l’ensemble des franchisés et, par conséquent, permet l’obtention de prestations conformes à la politique de la marque. Quelque soit le point de vente, les services dispensés aux consommateurs doivent répondre aux aspects du réseau, donnant l’apparence qu’il n’y ait qu’un seul et même franchisé. Ces derniers sont donc 126 Ph. LE TOURNEAU, JCl. Contrats – Distrib. Fasc. 1010. « Concession exclusive. Distribution, circuits et réseaux de distribution. » Cote : 08,2006. 1ier mai 2006. 127 TGI Paris, 8 déc. 1986 : PIBD 1987, III, p. 183. choisit, non pas principalement pour leurs qualités professionnelles comme dans la distribution sélective, mais pour leur aptitude à reproduire à l’identique un enseignement, une méthode de commercialisation. Le fournisseur doit donc réussir à évaluer la capacité de chaque revendeur à réitérer, presque cloner, des techniques commerciales. Il s’agit de l’élément primordial qui a fait la réussite de la franchise. La particularité du contrat de franchise réside dans le fait que le franchisé effectue les investissements, exerce lui-même l’activité commerciale et supporte seul les risques liés à celle-ci. L’initiateur du réseau, « ayant réussi dans une activité de distributeur, permet à des franchisés, moyennant rémunération, de réitérer les éléments de cette réussite »128. Le principal avantage pour le fournisseur est alors la facilité de mise en œuvre du réseau puisqu’il n’a pas à supporter les investissements, étant à la charge des distributeurs. L’initiateur du réseau perçoit, au contraire, une rémunération, souvent composé d’un droit d’entrée et de redevances forfaitaires, du fait de l’octroi du privilège, constitué par le savoir-faire, qu’il délivre aux distributeurs. 55. - La mise en œuvre d’un réseau de franchise est conditionnée à la réunion de certains éléments. La rémunération des revendeurs, pour être causée, doit nécessairement être la juste contrepartie de la communication des moyens de la réussite. Le promoteur du réseau doit donc posséder un droit de propriété exclusif quant au savoir-faire transmis. Le franchiseur supporte une obligation de contrôle et celui-ci prodigue une assistance au franchisé. L’assistance est une obligation de moyens. Néanmoins, seul le distributeur est juridiquement responsable, à moins que le franchiseur parvienne à relever des manquements précis du franchiseur. L’inefficacité ou l’insuffisance de l’assistance commerciale sont des éléments permettant au franchisé de désengager sa responsabilité, aux dépens de la tête de réseau. 56. - Le contrat de franchise est conclu intuitu personae129, en raison de la transmission d’un savoir-faire, mais peut être aussi parce que la sélection est une pièce maitresse de ce savoirfaire. Les difficultés résideront au moment de l’extinction des relations, notamment en ce qui concerne la propriété commerciale. La tête de réseau ne peut prétendre obtenir tous les droits sur cette dernière et se retrouve contraint d’accorder à l’ancien franchisé la clientèle qu’il a développé au plan local, par opposition à la clientèle nationale qui lui est attachée130. Par 128 Définition donnée par Le Robert, reprise par D. FERRIER, Droit de la distribution, 4iè éd., Litec, n° 672, p. 301. 129 V. supra n° 103 et s. 130 Cass. 3e Civ., 27 mars 2002, n° 00-30.732, Bull. civ. III, n° 77, Cah. Dr. Entr. 2002, n° 5, p. 20, obs. J.-L. RESPAUD – Cass. com., 9 oct. 2007, n° 05-14.118, Revue Lamy Dr. Civ. n° 47,p. 6, Vers l’indemnisation de la clause de non-concurrence ?, obs. D. MAINGUY et M. DEPINCE. ailleurs, le local ayant été obtenu par les efforts du distributeur, le fournisseur ne peut espérer le récupérer. Le franchiseur et le franchisé, malgré l’interdépendance économique qui peut régir leurs rapports, sont juridiquement indépendants. Le contrat de franchise est bien un contrat de collaboration131. 131 F.-L. SIMON, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, éd. Lextenso, thèse, Paris, 2009, n° 18, p. 11. Section 2/ L’influence du système de distribution a priori retenu sur la liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection 57. - Le processus de sélection opère un tri plus ou moins encadré et règlementé parmi les candidats revendeurs. L’objectif tend à obtenir la garantie d’une commercialisation des produits conforme aux attentes du fournisseur. La sélection consiste à choisir les futurs cocontractants sur la base de critères plus ou moins détaillés. L’étude est volontairement orientée vers la sélection légale, encadrée par un régime spécial. La démarche entreprise débute avec l’hypothèse selon laquelle il existerait, pour certains processus, une obligation de sélection (Paragraphe I) et pour d’autres modèles de commercialisation, il ne s’agirait qu’un devoir à la charge du fournisseur d’opérer une sélection (Paragraphe II). La coexistence de deux systèmes différents de distribution semble, dès lors compromise ; pourtant, certaines conditions strictes la rendent réalisable (Paragraphe III). Paragraphe I/ L’obligation de sélection 58. - La liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection est réduite à la seule détermination des critères dans la distribution sélective, lui imposant de sélectionner les personnes les satisfaisant, sans pouvoir opposer un refus ; exception faite des rares possibilités de limitations quantitatives admises132 (I). La distribution agrée, bien qu’étant beaucoup plus souple, tend à créer une obligation de sélection similaire (II). La concession exclusive semble générer une exigence de sélection, à laquelle le fournisseur peut apporter des nuances, notamment de nature quantitative (III). I/ Le système de distribution sélective 59. - L’élaboration de critères servant de base à la sélection des distributeurs pour la constitution d’un réseau licite conduit à encadrer et à restreindre la liberté de choix, de sélection du fournisseur. La tête de réseau élabore des critères qualitatifs, objectifs et non discriminatoires que doivent remplir les distributeurs souhaitant intégrer le réseau. Dès lors qu’un distributeur est apte à remplir les conditions posées par ces critères ainsi que les exigences du fournisseur, celui-ci est sélectionné. La satisfaction des critères déterminés 132 V. supra n° 82 et s. par le fournisseur confère une sélection de droit au futur revendeur. Le distributeur remplissant l’ensemble des exigences de commercialisation ne peut se voir opposer un refus d’intégration pour un autre motif. Le fournisseur est contraint par les critères de sélection et ne dispose d’aucune latitude dans le choix des revendeurs, exception faite de l’élaboration des règles du processus de sélection en lui même. La conception des critères de sélection est alors décisive du fait que le fournisseur ne pourra plus s’en détacher à moins qu’il effectue une modification des critères. 60. - Le fournisseur ayant conclu un contrat-cadre à durée déterminée avec un distributeur afin qu’il commercialise ses produits ne peut pas refuser son renouvellement lorsque ce dernier remplit les nouveaux critères de sélection133. La seule possibilité offerte au fournisseur est la conclusion de contrats à durée indéterminée lui permettant de rompre les relations à tout moment. II/ Le système de distribution agrée 61. - Un contrat d’agrégation est conclu entre un fournisseur qui consent des conditions de vente préférentielles aux seuls distributeurs aptes à remplir des exigences liées à la commercialisation des marchandises. Cela se traduit notamment par des conditions quant à la formation du personnel ou encore concernant l’équipement, l’agencement du local. De son côté, le fournisseur met à la disposition des distributeurs agrées un signe distinctif telle qu’une enseigne. Les revendeurs agrées sont facilement identifiables aux yeux des consommateurs, ce qui leur confère un avantage dans le processus de commercialisation. Une telle différence de traitement entre les distributeurs agrées et les revendeurs classiques est constitutive de discrimination. Celle-ci est admise lorsque les conditions commerciales octroyées aux distributeurs agrées sont contrebalancées par les avantages procurés au fournisseur. Le fait de recourir à un réseau de distribution agrée assure au fournisseur une commercialisation des produits de qualité. 62. - Une sélection s’opère dès lors que certains distributeurs correspondent aux critères érigés par le fournisseur. Il convient de s’interroger quant à l’existence d’une sélection de droit ? Le fournisseur dispose t-il d’une marge de manœuvre suffisante lui donnant la liberté de renoncer à la conclusion de contrats avec des distributeurs répondant aux critères érigés ? 133 V. supra n° 181 et s. Le refus de ne pas agréer un revendeur satisfaisant aux critères préalablement établis par le fournisseur serait constitutif d’une discrimination. Aussi, le fournisseur est lié par les exigences permettant la commercialisation des marchandises en qualité de revendeur agrée, avec des conditions de vente plus favorables. Une fois le processus de sélection engagé, le fournisseur crée à sa charge une obligation de sélectionner les candidats aptes. III/ Une obligation de sélection nuancée dans la concession exclusive 63. - L’initiateur du réseau est lié par le respect des critères de sélection qu’il a précédemment déterminé. Cependant, la sélection quantitative étant admise dans la concession exclusive, le fournisseur peut, une fois le nombre suffisant de concessionnaires choisit, mettre un terme à la sélection. Il convient que la sélection quantitative, justifiée par de réels motifs, soit licite. Aussi, le promoteur de la sélection est contraint par une obligation, résultant des normes qu’il a lui-même fixées, auxquelles il peut apporter des nuances, notamment par la sélection d’un nombre limité de candidats. L’obligation de sélection est réelle mais limitée dans le temps. Paragraphe II/ L’existence d’un devoir de sélection dans la franchise 64. - La sélection des futurs franchisés revêt une importance particulière du fait que le franchiseur met en jeu le réseau, le savoir-faire qu’il a crée et développé. La sélection dans la franchise n’est pas constitutive d’un droit pour chaque distributeur qui remplit les critères et correspond aux attentes du fournisseur comme c’est le cas dans la distribution sélective. Le franchiseur est créancier d’un devoir implicite de sélection, il se doit d’opérer une sélection réussie, il en va de l’intérêt de tout le réseau. En effet, la mauvaise gestion d’un seul distributeur pourra déstabiliser l’ensemble du réseau tout comme la négligence dans un point de vente peut conférer une mauvaise image auprès des consommateurs à l’enseigne. 65. - Le franchiseur réalise des investissements tendant à la création d’une marque, d’une enseigne, de méthodes de commercialisation, d’un savoir faire afin de délimiter les signes distinctifs d’un réseau de distribution. Le franchiseur met tous les investissements qu’il a fournit au service des distributeurs sélectionnés. Il existe une interdépendance entre le fournisseur et les revendeurs sélectionnés puisqu’ils ont choisi de travailler ensembles, dans un intérêt commun. Chacun d’entre eux participe au bon fonctionnement et au développement du réseau entendu comme étant générateur de profits. Le franchiseur est le titulaire légal de la marque, il possède un droit exclusif de propriété quant au nom apposé sur les produits qu’il souhaite commercialiser. 66. - Alors même que le franchiseur décide de la politique du réseau, des stratégies de commercialisation, il demeure dans l’obligation de confier aux distributeurs sélectionnés la gestion et la représentation de l’image de la marque auprès des consommateurs. La marque constitue un élément décisif dans le choix des consommateurs dans l’acte d’achat. Le fait de reconnaitre des produits ou services, de pouvoir les distinguer des concurrents en les apparentant à une même enseigne permet une fidélisation des consommateurs. La marque permet une identification facile des produits ou services du réseau, ce qui conduit à rassurer les consommateurs et à leur conférer une certaine confiance. Le franchiseur à pris le soin de développer ce précieux capital confiance de l’entreprise et le met à la disposition des revendeurs sélectionnés pour qu’ils bénéficient des avantages de commercialisation découlant de l’existence même du réseau. Le distributeur est l’intermédiaire dans le contrat de confiance qui est conclu entre le fabricant et le consommateur, d’où la gravité des conséquences liées au choix de cet intermédiaire. Paragraphe III/ La coexistence de deux systèmes de distribution 67. - En vertu des principes de liberté du commerce et de l’industrie134 et de la concurrence, une entreprise est libre de constituer un réseau d’accords de même nature et de faire coexister plusieurs réseaux135 d’accords de nature différente, pour la distribution de ses produits ou la mise à disposition de ses services136. 68. - La commercialisation peut, parfois, nécessiter le recours à plusieurs réseaux de distribution distincts. Le fabricant exprime alors un besoin de sélection composé de plusieurs processus, qui découlent ainsi sur plusieurs systèmes de distribution. Bien que chaque réseau soit indépendant, un réseau peut empiéter, participer au fonctionnement d’un autre. Les 134 D. FERRIER, La liberté du commerce et de l’industrie, in R. CABRILLAC, M.-A FRISON-ROCHE et T. REVET (sous la dir.), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 9e éd., 2003, n° 868, p. 667. 135 Règl. CE n° 4087/88 du 30 nov. 1988, concernant l’application de l’article 85 §3 du Traité à des catégories d’accords de franchise a reconnu cette pratique, JOCE n° L 359, 28 déc. 1988, p. 46 à 52, pt 12 : « (…) lorsqu’un réseau de franchise est combiné avec un autre système de distribution, les franchisés doivent être libres de s’approvisionner auprès des distributeurs agrées » ; art. 3, 1) et art. 4, a). 136 V. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, thèse Montpellier, 2008, n° 28, p. 40. différents réseaux peuvent s'enchevêtrer les uns les autres ou des distributeurs appartenant initialement à un réseau peuvent influer sur un autre. La « poly-distribution »137 consiste en la commercialisation des produits d'une société par la mise en œuvre, simultanément, de différents modes de distribution. Il peut notamment s’agir de la juxtaposition d’un réseau composé de succursales, d’un autre de détaillants ordinaires, d’un autre de distributeurs sélectionnés et de concessionnaires exclusifs, voire de franchisés. 69. - Toutefois, à l’image de certaines alliances impossibles, la coexistence de certains systèmes de distribution est en proie à des difficultés, inhérentes aux spécificités propres à chacun d’entre eux. Aussi, les membres d’un réseau de distribution sélective verront certainement d’un mauvais œil la création d’un réseau de distributeurs non agréés. En effet, les distributeurs initiaux ont fait l’objet d’un besoin puis d’un processus de sélection adéquat aux qualités intrinsèques des marchandises. La légitimité de l’existence même du réseau de distribution sélective peut être remise en cause. La possibilité de réserver la commercialisation des produits ou services aux seuls revendeurs sélectionnés est conditionnée à la réunion de conditions de validité. Les caractéristiques des marchandises doivent imposer le recours à une telle organisation. Or, la distribution parallèle par des distributeurs non agrées laisse à supposer un niveau qualitatif moindre. Le besoin de sélection peut être perçu comme étant infondé puisque le contrôle des revendeurs aptes n’est opéré que partiellement. La jurisprudence admet la juxtaposition de la distribution sélective et non agrée bien qu’il soit effectué un contrôle strict des conditions de validité138. Le fournisseur doit s’engager à ne pas avantager l'un des deux réseaux de distribution, sans quoi la discrimination est sanctionnée. Il doit également s’agir de deux zones géographiques distinctes139. Le promoteur du réseau ne doit pas revenir sur ses engagements antérieurs, il est tenu de les respecter140. Cependant, un concessionnaire peut mettre en place son propre réseau de distribution, un sous-réseau en quelque sorte, dérivé du premier. Celui-ci peut utiliser les services d'agents commerciaux, qui vont le représenter dans les différentes localités de son territoire. 137 Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003. Contrats, conc. consom. 2002, comm. 26, obs. M. MALAURIE-VIGNAL. 139 Cons. conc., déc. n° 97-D-31, 20 mai 1997, Distribution des produits d'entretien professionnels. 140 CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, act. jurispr. p. 389, obs. E. CHEVRIER. 138 70. - L’autorité de la concurrence, qui revêtait encore la qualification de conseil de la concurrence à ce moment là, consacre la liberté pour l’initiateur du réseau de constituer et d’organiser des réseaux de distribution. Cela « constitue un principe de base sous réserve que les modes de distribution mis en œuvre n’aient pas pour objet ou pour effet d’affecter le fonctionnement du marché »141. En outre, la coexistence de deux systèmes de distribution « n’est pas, en soi, anticoncurrentiel puisque cela permet aux consommateurs de bénéficier d’une offre plus abondante et plus diversifiée »142. 141 Cons. conc., Avis n° 04-A-14 du 23 juill. 2004 relatif à une saisine du Syndicat national de l’équipement du bureau et de l’informatique. 142 Cons., conc., Décision n° 00-D-72 du 16 janv. 2001 relative à une saisine présentée par la Société Time and Diamond. Conclusion sur l’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? 71. – La sélection ne peut être appréhendée de manière générale, il existe une multitude de besoins de sélection, alors même que certains d’entre eux présentent des similitudes. Le processus de sélection procède de l’expression de la volonté du promoteur d’un réseau de distribution d’obtenir des gains d’efficience, dont la nature et les caractéristiques peuvent varier. De pures considérations financières traduites par une meilleure satisfaction des enjeux économiques, un vif intérêt à opérer un contrôle de la revente des marchandises, une nécessité de réserver la distribution de produits de luxe, techniques, à des professionnels de qualité, sont les éléments préalables, influençant l’organisation de la commercialisation par un réseau de distribution. La considération des principaux motifs ayant conduit le fournisseur à opter pour un modèle spécifique de distribution est primordiale. Le choix du système de distribution résulte de la mise en balance des diverses corrélations entre les besoins exprimés par la commercialisation des produits ou services en question et leur satisfaction par tel ou tel système de distribution. La franchise commerciale offre une marge de manœuvre plus importante à son promoteur, en générant seulement un devoir implicite de sélection. D’autres réseaux, tels que la distribution sélective, voire même la concession exclusive sous certains aspects, sont régis par une législation plus contraignante. Le respect des critères de sélection préétablis conduit à restreindre le pouvoir décisionnel de la tête de réseau, du fait de l’« obligation de sélection » induite ; exigence moindre dans la concession exclusive du fait de la sélection quantitative. Le degré de liberté octroyé au fournisseur par les dispositions applicables à chaque système de distribution tend à délimiter l’encadrement du besoin de sélection. 72. - Toutefois, il convient de différencier le besoin du processus de sélection. Le processus de sélection est l’expression concrète de la nécessité de sélectionner, l’illustration de sa satisfaction. Ainsi, pour répondre au besoin de sélection, l’analyse de la satisfaction juridique de son processus est nécessaire. L’analyse de l’élaboration des critères de sélection, leur mise en œuvre mais également le contrôle de l’effectivité de la sélection sont alors indispensables à la concrétisation des nécessités de la distribution des produits. Chapitre II La satisfaction juridique du processus de sélection ___________________________________________________________________________ 73. - Au XVIIème siècle, les mots « obligation » et « nécessité » étaient synonymes143. Cette remarque sémantique, certes historique, mais somme toute éloignée de notre étude, prend une importance certaine si on la transpose à la réflexion portant sur les moyens de parvenir à la satisfaction juridique du besoin de sélection. Le fournisseur, ayant fort probablement, par simple logique, emprunté la même démarche chronologique que notre recherche, a d’abord défini les nécessités correspondant à la distribution de ses marchandises. Une fois cette première étape réalisée, celui-ci s’est interrogé quant à la manière lui permettant de satisfaire au mieux et au plus près son besoin de sélection à l’égard des candidats revendeurs. Le fournisseur s’est alors trouvé lié par la traduction de son unique volonté, la mise en place d’un processus de sélection, conforme à ses seules attentes. La nécessité de sélectionner s’est alors métamorphosée en une sorte d’obligation, notamment pour la constitution d’un réseau de distribution sélective 144. Dans la franchise commerciale, le franchiseur présente un devoir de sélection145, dicté implicitement par son propre souhait. Cependant, l’hypothèse selon laquelle il existerait un devoir de sélection n’est que le résultat de la volonté du fournisseur puisque ce dernier demeure libre de recourir à la sélection ou d’y renoncer. Seules des considérations tendant à la bonne commercialisation des marchandises peuvent s’apparenter en une sorte de devoir de sélection des revendeurs, faute de quoi la commercialisation ne sera que médiocre. Il ne s’agirait alors non pas, au moment de l’impulsion du processus146, d’une obligation de sélection, à 143 Dictionnaire Robert. Remarque de J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, p. 31, note n° 131. 144 V. Infra n° 58 et s. L’obligation de sélectionner résulte du respect des exigences d’objectivité et de non discrimination dans l’application des critères. Une fois établis les critères de sélection, le fournisseur doit s’y conformer et ne peut refuser d’intégrer au réseau les candidats satisfaisants les conditions de commercialisation. Le système de distribution sélective, voire même la concession exclusive, tendent à restreindre la liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection. 145 V. Infra n° 64 et s. 146 Il convient de distinguer le moment consacré au choix par le fournisseur de mettre en place un processus de sélection et le moment où celui-ci a établis les critères, au cours de l’exécution du processus de sélection. Dans le premier temps, avant la naissance de la sélection, le fournisseur est libre d’opérer une sélection ou d’y renoncer ; il présente une obligation implicite de sélection mais seulement pour obtenir une commercialisation efficiente des produits. Lorsque le processus de sélection est né, du fait de l’établissement des critères, le fournisseur doit sélectionner, dans la distribution sélective, tous les candidats aptes, faute de quoi le refus de sélection sera entaché de discrimination, de faute. proprement parler, mais plutôt d’une exigence d’utiliser le processus de sélection dans le but de satisfaire la volonté du fournisseur et ainsi la distribution adéquate. « La liberté contractuelle est peut-être alors aux frontières de la volonté qui l'affranchit et de la nécessité qui la contraint »147. L’initiateur du réseau est tenu de remplir un certain nombre d’exigences, conditions nécessaires à la réalisation du processus de sélection. Celui-ci, pour répondre à la nécessité de sélection de ses produits ou services, est obligé de faire preuve de souplesse, en se conformant aux contraintes juridiques, extérieures. 74. - Le besoin de sélection fait l’objet d’un double contrôle, a priori lors de sa traduction juridique, par l’établissement de critères et par leur application licite, en fonction du système de distribution désiré, et a posteriori, une fois le processus de sélection effectué, par le contrôle du respect des effets qu’induit la sélection. L’initiateur du réseau doit tout d’abord s’assurer de la possibilité de satisfaire le besoin de sélection qu’il a délimité en fonction des contraintes juridiques posées (Section 1). Néanmoins, le promoteur du réseau ne peut, une fois le processus de sélection réalisé, se garder d’opérer un contrôle de son effectivité, sans quoi l’existence même du réseau serait remise en question (Section 2). 147 Ibid. J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, p. 31. Section 1/ La licéité de la mise en œuvre du processus de sélection 75. - « Consentir, c'est effectivement exprimer sa volonté, mais sa volonté d'accepter un sacrifice afin de rencontrer le consentement de l'autre partie »148. Dans le processus visant la mise en œuvre de la sélection par le recours aux mécanismes contractuels, le fournisseur tend à faire prévaloir sa volonté mais doit, pour obtenir une sélection licite et ainsi la création du réseau de distribution qu’il désire, accepter le sacrifice traduit par les exigences concurrentielles en la matière. Le compromis entre l’unique volonté de l’initiateur du réseau et son renoncement absolu, sa non satisfaction du fait des contraintes juridiques, constitue le point d’équilibre entre le besoin de sélection et son offre. 76. - « La nécessité n'est ainsi pas étrangère à la conclusion des contrats 149 : je peux avoir envie ou besoin de posséder une chose, ce n'est pas pour autant que je vais m'en saisir. J'en payerais le prix, c'est à dire, je consentirais au sacrifice nécessaire à la satisfaction de ma volonté. Nécessité et volonté sont donc liées »150. Le fournisseur étant parvenu à déterminer un besoin de sélection, notamment basé sur des raisons propres au souhait de réussir la commercialisation de ses produits ou services, présente une nécessité à satisfaire. 77. - La concrétisation du besoin de sélection est confrontée au respect de contraintes légales et jurisprudentielle afin que la « fermeture »151 du réseau de distribution, provoquée par le processus de sélection, soit reconnue licite. La définition des critères de sélection (Paragraphe I) ainsi que les modalités de leur mise en œuvre effective (Paragraphe II) font l’objet de contrôles, eu égard au système de distribution choisi et aux justifications apportées par l’initiateur de la sélection, en fonction des nécessités de la commercialisation. Il parait incohérent d’opérer une distinction entre les conditions posées par le droit français et le communautaire de la concurrence ; c’est pourquoi, la validité de la sélection requière une étude d’ensemble de la licéité de la sélection, se référant à toutes les sources. 148 M.-A. FRISON-ROCHE in J.-L. RESPAUD, L’obligation de contracter dans le contrat-cadre de distribution, thèse, Montpellier, 2000, p. 31. 149 Cela est plus particulièrement le cas en droit commercial car les contrats sont la transcription juridique des échanges économiques généralement dictés par la satisfaction des besoins. 150 B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, op. cit., n° 22. Ces auteurs relèvent que certains contractant « pressés par le besoin, sont obligés de vouloir ». 151 D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ème éd., Litec, 2008, p. 262, n° 594. Paragraphe I/ La licéité des critères de sélection 78. - Deux théories s’opposent catégoriquement, divisant la doctrine, quant à l’appréciation de la latitude octroyée aux fournisseurs dans l’établissement des critères engendrant la création licite d’un réseau de distribution. La première acception, étroite, considère que seuls des critères spécifiques et inhérents aux produits peuvent légitimer le recours à un système de distribution sélective. Aussi, la seule défense de la marque ne doit pas justifier le recours à la distribution sélective. La seconde théorie privilégie une vision plus large, souple, et soutient que le critère déterminant à retenir, pouvant varier, doit être le prestige ou la renommée de la marque ou encore la qualité de la marque, sur le fondement du principe de liberté des entreprises. 79. - Le principe de la liberté de l’industrie aurait pu légitimer le droit, pour le fournisseur, de choisir librement, de manière discrétionnaire à la fois les conditions de commercialisation de ses marchandises mais également les critères de sélection de ses revendeurs152. L’initiateur du réseau dispose d’une marge de manœuvre plus ou moins étendue concernant son degré de liberté dans l’établissement et la réalisation du processus de sélection. Le fournisseur, après avoir préalablement définit le besoin de sélection qui correspond à la commercialisation de ses produits ou services, doit se conformer aux exigences en fonction du système de distribution choisi. 80. - Le besoin de sélection s’exprime par le recours à des critères quantitatifs dans certains cas, lorsque le fournisseur souhaite limiter le nombre de revendeurs (I). Le processus de sélection se traduit également par des critères qualitatifs, se référant à des normes en termes de qualité de commercialisation (II). Toutefois, certains besoins de sélection nécessitent l’utilisation des deux types de critères, de manière combinée. Pour la mise en œuvre d’un réseau licite, il convient de vérifier la validité de la sélection, en fonction des critères établis par le fournisseur et selon l’application qui en est faite. 152 D. FERRIER, Les appréciations de la distribution sélective en droit interne et communautaire, JCP E 1991, Cah. dr. entr. n° 1. I/ Les critères quantitatifs 81. - Dans un esprit de clarté, distinguer distribution sélective (A) et concession exclusive (B) pour le choix de critères quantitatifs semble opportun. A/ La sélection quantitative dans la distribution sélective 82. - « Les critères de sélection, surtout s'ils sont assortis d'une sélection quantitative, conduisent en réalité à une quasi-exclusivité territoriale de fait »153. Etablir des critères de sélection constitue une barrière à l'entrée dans le réseau et permet ainsi de limiter quantitativement le nombre de revendeurs. La possibilité de sélectionner certains distributeurs en constituant un réseau fermé et ainsi d'en évincer d'autres est soumise à l'appréciation de la validité des critères de sélection. Par ailleurs, une fois ces critères validés par le juge national et par les autorités de la concurrence, faut-il encore qu'ils soient « appliqués de manière non discriminatoire »154 pour la constitution d’un réseau de distribution sélective. 83. - Dans la distribution sélective, l’article 1-d du règlement 2790-99 exige que le fournisseur définisse préalablement les critères de sélection, en explicitant leur contenu155. En l’absence d’autres exigences, il semble que le fournisseur bénéfice d’une grande liberté dans le choix des critères de sélection156. Toutefois, la Commission européenne, au moyen des lignes directrices157, est venue apporter des précisions quant à la licéité des critères de sélection préétablis par le fournisseur, encadrant sa liberté de sélection. De plus, la jurisprudence nationale et communautaire tend à privilégier la liberté du commerce octroyant ainsi le droit pour chaque distributeur d’acheter pour revendre tout produit commercialisable. Or, le processus de sélection semble promouvoir une démarche à contre courant. En effet, le phénomène de sélection écarte certains opérateurs au profit d’autres revendeurs, seuls autorisés à commercialiser les marchandises du fournisseur, au sein d’un réseau de distribution. 153 M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Février 1998, p. 260. 154 CJCE 25 oct. 1977, Metro c/ Commission, Rec. 1976, p. 1831. 155 Versailles, 5 mars 1998 : D. 1998, somm. p. 342, obs. D. FERRIER : la seule évocation de « critères de distributeur idéal » est considérée comme insuffisante. 156 J.-P. VIENNOIS, Distribution sélective : JCl. Fasc. 318, n° 16. 157 Lignes Directrices du 13 oct. 2000, notamment pts. 184 et 185. Les critères de sélection peuvent être considérés comme étant restrictifs de concurrence lorsqu’ils excèdent les nécessités d’une commercialisation adéquate des marchandises en cause. Les contrats de distribution « simples », résultant d’un processus de sélection basé uniquement sur des critères nécessaires à la bonne commercialisation, sont licites tandis que les contrats de distribution « complexes » sont condamnables158 du fait qu’ils émanent de critères de sélection non indispensables159. Néanmoins, les critères condamnables ne sont pas toujours condamnés, ils peuvent tomber sous le coup de l’exemption en application de l’article 81 §3 du Traité CE ou de l’article L.420-4 du Code de commerce. Pour bénéficier de l’exemption, le fournisseur doit notamment justifier que « la politique de distribution concernée exige les restrictions de concurrence en cause »160 et que les critères de sélection « ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire »161 dans la mise en œuvre de cette politique. 84. - La commission européenne valide le fait de limiter le nombre de distributeurs lorsque celui-ci « ne peut dépasser un plafond qui dépend du nombre d'habitants de la zone considérée »162. La commission européenne tolérait, au départ, une sélection des distributeurs par le critère du potentiel de chalandise163. En effet, une limitation du nombre de distributeurs des montres Omega était nécessaire afin que ces derniers puissent obtenir un chiffre d'affaire satisfaisant. En l'absence de cette sélection quantitative, les distributeurs se seraient porté mutuellement préjudice, « ce qui aboutirait finalement à une détérioration plutôt qu’à une amélioration des services »164. Dans un second temps, la Commission Européenne est revenue sur la validité du critère quantitatif dans la distribution sélective en estimant que « chaque distributeur sélectionnable devait être sélectionné ». Le numerus clausus ne peut être appliqué dans ce système de distribution. Il semble que seuls les critères qualitatifs soient admis dans le processus de sélection pour le réseau de distribution sélective. Aussi, « les propriétés des produits en cause 158 CJCE, 22 oct. 1986, Metro II : Rec. CJCE, 3021. Distinction opérée par C. BABUSIAUX, Le nouveau droit des relations contractuelles : Rev. conc. Consom. 1987-40, p. 5. 160 Comm. CE, 10 juill. 1985, Grunding : JOCE n° L. 233, 30 août 1985, pt. 1. ; Cass. Com., 3 juill. 1985 : Bull. Civ. IV, n° 205. 161 CJCE, 11 déc. 1980, L’oréal : Rec. CJCE, 3775. 162 Lignes directrices de la Commission Européenne du 13 oct. 2000, pts. 185 et 187. 163 Commission CE, 28 oct. 1970, Omega : JOCE n° L. 242, 5 nov. 164 Op. cit. pt. 7. 159 nécessitent un système de distribution sélective en ce sens qu’un tel système constitue une exigence légitime, eu égard à la nature des produits concernés, et notamment à leur haute qualité ou technicité, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage »165. 85. - La satisfaction juridique du processus de sélection est ainsi encadrée et ne peut être la traduction de l’unique volonté du fournisseur. Il convient néanmoins d’envisager les moyens détournés utilisés par des promoteurs de réseau « malins » pour contourner, à l’aide de justifications, certaines contraintes propres au déploiement de la sélection. Tel a notamment été le cas du fournisseur ayant subordonné la sélection à la qualité de « pharmacien d’officine » pour la commercialisation de cosmétiques. Ce processus de sélection est condamnable puisqu’il vise volontairement à restreindre de manière artificielle le nombre de revendeurs potentiels, en application de la règlementation limitant le nombre de pharmacies166. 86. - Le principe général dans la distribution sélective selon lequel le fournisseur ne peut fixer un numerus clausus de ses distributeurs167 subit des atténuations. La sélection quantitative des distributeurs peut être justifiée par la faible production du fabricant ou la spécialité très marquée du produit, l'insuffisance des possibilités locales économiques ou bien encore par une clientèle trop étroite qui ne permet pas d'assurer un service de qualité, faute de rendement suffisant pour les distributeurs168. La limitation quantitative de la sélection pour la mise en œuvre d’un système de distribution sélective n’est pas condamnable automatiquement puisqu’il appartient au promoteur du réseau d’expliciter les raisons de l’utilisation des critères quantitatifs. Dans l’affaire Cartier, la Cour d’appel réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris, en retenant que « la limitation quantitative n'est pas illicite en soi, mais rappelle que tout critère de sélection (quantitatif ou qualitatif) doit être fondé sur des critères définis, objectivement fixés et appliqués sans discrimination à l'égard de tous les revendeurs potentiels »169. En l'espèce, la société Cartier a été condamnée sur le fondement de la discrimination. La société a refusé de sélectionner un candidat distributeur en invoquant une limitation quantitative, eu égard au 165 TPICE 16 déc. 1996, Yves Saint Laurent. Comm. CE, 11 janv. 1991, Vichy : JOCE n° L. 75, 21 mars, confirmée par TPI, 27 févr. 1992. 167 TPICE, 27 févr. 1991, aff. T-19/91, Sté Vichy : Rec. TPICE 1991, p. 415. 168 M. MALAURIE-VIGNAL, La distribution sélective quantitative à l’épreuve, Contrats. Conc. Consom. n°11, Nov. 2005, comm. 191. 169 CA Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, Sté HBC c/ SA Cartier, JurisData n° 2007-352302. 166 potentiel de chalandise saturé du 8iè arrondissement de Paris et aux capacités de production des montres. Le candidat a été mis sur liste d’attente mais un autre candidat plus récent a été sélectionné. La cour d'appel reproche à la société Cartier de ne pas avoir définit de façon objective les zones de chalandise, les critères d'appréciation du taux maximum de densité des distributeurs, et les méthodes adoptées pour respecter l'antériorité des demandes. 87. - Il est certain que la justification économique autorisant un numerus clausus doit être précise170. La clause subordonnant l'agrément « aux possibilités locales de vente » sans autre précision est alors insuffisante171. 88. - Toutefois, la Cour de cassation172 précise que les juges n’ont pas « à juger de l'opportunité du choix de ce critère » lorsque les critères sont objectifs, alors même qu’ils conduisent à des découpages différents en fonction des spécificités locales. La jurisprudence n’impose pas au promoteur du réseau de recourir à un appel officiel pour la réalisation du processus de sélection. Il semblerait que la jurisprudence interne opère un contrôle plus rigoureux de l’application des critères quantitatifs. Cet arrêt condamne le principe jurisprudentiel selon lequel le fournisseur peut utiliser une liste d’attente mais n’y est pas tenu dans la priorité de la sélection173. Certains auteurs174 soutiennent la position de la jurisprudence alors que d’autres s’en éloignent. Notamment, Maître Max VOGUE175 considère qu’il est nécessaire d’établir un régime spécial, applicable aux critères quantitatifs puisque la nature de ces critères est différente176. Aussi, « un critère de sélection des membres d'un réseau sélectif quantitatif peut tout à fait reposer sur le principe de l'intuitu personae sans pour autant contrevenir au règlement (CE) 170 M. MALAURIE-VIGNAL, La limitation quantitative n’est pas illicite en soi, Contrats. Conc. Consom. n°3, Mars 2008, comm. 70. 171 CA Paris, 9 déc. 1997, Sté Rolex, JurisData n° 1997-023732. 172 Cass. com., 28 juin 2005, JurisData n° 2005-029187. 173 CA Versailles, 18 févr. 1987, JurisData n° 1987-600814. 174 Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de concession, Litec coll. affaires et finances 2003, n° 96. 175 Rapp. Me Max VOGUE, relatif à certaines stipulations d'un contrat de distribution sélective à la demande du Ministre de l'économie, juin 2007. 176 Les critères quantitatifs « sont définis à partir d'éléments d'ordre économique que le fournisseur n'a généralement pas les moyens de maîtriser au même titre que les critères qualitatifs de sélection. En outre, à la différence des critères qualitatifs, les critères quantitatifs de sélection ne peuvent être fixés de manière uniforme pour l'ensemble d'un marché national, mais doivent être déterminés en fonction des caractéristiques propres aux zones géographiques d'implantation de chaque distributeur. De plus, ils doivent évoluer dans le temps en fonction de l'évolution d'éléments indépendants de la volonté du fournisseur comme la position de la concurrence ou le pouvoir d'achat des consommateurs. Il s'ensuit que ces critères, par définition différenciés et variables dans l'espace et dans le temps, ne peuvent être toujours identiques dans l'ensemble des contrats du réseau et doivent pouvoir évoluer à l'intérieur même de chaque contrat ». n° 1400/2002. Il n'est dès lors pas dans l'esprit dudit règlement d'exiger qu'ils explicitent leurs critères quantitatifs leur permettant de fixer directement le nombre de leurs distributeurs ». B/ L’application de critères quantitatifs dans la concession exclusive 89. - La concession exclusive tolère la mise en œuvre de critères qualitatifs mais aussi quantitatifs du fait qu'il y ait une attribution à chaque distributeur d'une exclusivité territoriale. Aussi, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation177, peut valider une limitation numéraire des distributeurs, lorsque la méthode de sélection quantitative des distributeurs est expliquée et justifiée au moyen de diverses pièces, que celle-ci est suffisamment objective et précise, et appliquée de façon uniforme. 90. - Néanmoins, le critère quantitatif ne peut pas être utilisé comme motif de refus à l’encontre d’un candidat concessionnaire lorsque l’ensemble du réseau n’a pas été constitué. « Tant que la place n‘est pas prise par un opérateur qui est effectivement en conformité avec le cahier des charges, elle est libre »178. Cependant, bien que Maitre J. VOGEL plaide en faveur d’un « contrôle du juge (qui) doit être effectif et (doit) résulter de la vérification des critères qualitatifs et de la manière dont ils ont été appliqués »179, la Cour de cassation180 précise que les juges n’ont pas « à juger de l'opportunité du choix de ce critère ». 177 Cass. Com., 6 mars 2007, E. CHEVRIER, Nécessité d’une réorganisation juridique ou économique du réseau, Dalloz. 178 Cass. Com., 28 juin 2005, Maitre R. BERTIN, avocat du garage GREMEAU, contre DAIMLER CHRYSLER. 179 Cass. Com., 28 juin 2005, Maitre J. VOGEL, avocat de DAIMLER CHRYSLER, contre le Garage GREMEAU. 180 Cass. com., 28 juin 2005, JurisData n° 2005-029187. II/ La nature des critères qualitatifs de sélection 91. - La réalisation d’un processus de sélection pour la mise en œuvre d’un système de distribution sélective est particulièrement requise pour les produits de luxe181 du fait de leur notoriété182, de leur qualité183 entrainant un certain niveau tarifaire. Il peut notamment s’agir de « chocolats rares, foulards de grande renommée, articles de voyage d’élite, orfèvrerie fine, montres réputées », de produits de « haute qualité des vêtements de luxe »184, des cosmétiques et produits d’hygiène corporelle. La pertinence du recours à la distribution sélective est facilement reconnue pour les produits techniques, complexes, fragiles185, qui nécessitent une plus grande attention des distributeurs. 92. - L’étude des critères subjectifs (A) et objectifs (B) tend à privilégier la sélection pour la constitution d’un réseau de distribution sélective, puisque l’utilisation de critères qualitatifs est emblématique de ce modèle, sans toutefois occulter leur recours dans la concession exclusive186 ou la franchise187, de façon moins marquée. A/ Les critères subjectifs 93. - La compétence du distributeur s’évalue par la qualité des conseils qu’il prodigue dans la vente et les services de l’après-vente188. La compétence professionnelle et commerciale doit garantir « la vente des produits dans de bonnes conditions »189 et, pour cela, être en adéquation avec la nature et la marque du produit. L’enjeu d’optimiser la sélection doit tendre à l’efficience du réseau pour ne choisir que les revendeurs répondant aux critères préétablis. 181 Comm. CE, 16 déc. 1985, Villeroy et Boch : JOCE n° L. 376, 31 déc. 1985 pour les produits d’art de la table. – TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851 pour la parfumerie. – Cass. com., 11 janv. 2005 : Juris-Data n° 2005, 026564, pour des « jeans haut de gamme ». 182 CJCE, 11 déc. 1980, L’Oréal, Rec. CJCE, 3775. 183 Comm. CE, 16 déc. 1985, Villeroy et Boch : JOCE n° L. 376, 31 déc. 1985 pour les produits d’art de la table. 184 Cass. Crim., 11 mai 1987, Affaire Christine Laure, Rev Conc. consomm., 1988, n° 41, p. 25. 185 Comm. CE, 10 juill. 1985, Grunding : JOCE n° L. 233, 30 août 1985 pour du matériel de reproduction sonore.- Comm. CE, 18 avr. 1984, IBM : JOCE n° L. 118, 4 mai 1984, pt. 24 pour des ordinateurs. 186 La concession exclusive crée une exclusivité de fourniture au profit des distributeurs sélectionnés à partir de critères qui sont qualitatifs et quantitatifs. Toutefois, la particularité de ce modèle réside dans l’attribution d’un territoire de façon exclusive. 187 La franchise commerciale, qui peut être assimilée à la distribution sélective, présente la transmission d’un savoir-faire et d’une assistance tandis que la distribution sélective tend à la seule reconnaissance d’une aptitude à la commercialisation. 188 Cass. com., 22 oct. 1991 : D. 1992, somm. p. 393, obs. D. FERRIER. 189 Comm. CE, 13 déc. 1974, BMW : JOCE n° L. 29, 3 févr. 1975. La compétence technique peut être différenciée de la compétence commerciale puisque les aptitudes requises varient selon la nature et les caractéristiques des produits à commercialiser. 94. - Les critères de compétence ont été considérés comme non restrictifs de concurrence lorsqu’il n’existe aucune règlementation déterminant l’accès à la profession de vendeur des produits concernés par la distribution sélective, étant donné que ces critères sont indispensables à une commercialisation bien adaptée des produits. Les produits de haute technicité190 requièrent des compétences professionnelles indispensables. Le distributeur doit connaitre parfaitement le fonctionnement du matériel et savoir prodiguer des conseils efficaces aux consommateurs. Cette obligation pour le professionnel de donner des conseils pertinents au consommateur profane a été reconnue licite par la jurisprudence191. 95. - Le distributeur de produits techniques, tels que des ordinateurs, doit également assurer le service de garantie, de maintenance pour l’après-vente. Les produits dits de « dermo pharmacie », produits cosmétiques, peuvent avoir des effets indésirables, voire même dangereux en cas de mauvaise utilisation. Le recours à des systèmes de distribution organisés a été consacré192. La commercialisation de produits de luxe sous-entend une aptitude commerciale des distributeurs liée à la renommée de la marque. B/ Les critères objectifs 96. - La nature et l’installation du point de vente présentent une réelle importance mais celleci doit être justifiée eu égard à la nature des produits en cause. L’affaire du « litologue agrée »193 dans laquelle un fabricant de lits soutenait que la vente de ses produits était impossible, dans un environnement bruyant du fait de téléviseurs placés à côté. La Cour d’appel a validé cette clause tout en considérant que pour que le gène cesse, une simple cloison suffisait tandis qu’une insonorisation totale n’était pas nécessaire. Il convient de se réserver des abus et dérives en la matière. 97. - Le critère de l’indépendance du point de vente implique une différenciation des stands d’un centre commercial des autres activités du centre. 190 Paris, 25 sept. 1991, Marché de la chaussure de ski : BOCC 17 oct. 1991. CA Paris, 5 Mars 1987, SARL MACSI Information c/ Sté APPLE. 192 Cons. Conc., 9 juin 1987 ; CA Paris, 28 janv. 1988. 193 CA Paris, 16 janv. 1989 in D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e éd., Litec, 2008. 191 L’installation du point de vente requière des modalités spécifiques à respecter afin de faire l’objet de la sélection et pouvoir ainsi intégrer le réseau. Ces critères tendant au point de vente sont en concordance avec la nature du produit afin que la commercialisation soit optimale. Le standing du point de vente est le critère déterminant concernant la vente de produits de luxe, aussi le distributeur possédant un point de vente ne répondant pas à ce critère de « standing » se verra évincé de la sélection194. Parmi les exigences, il sera notamment question de la surface du local avec l’obligation de détenir un nombre minimal de mètre carrés, la surface et l’agencement des vitrines, « l’aspect général et la qualité de la façade », l’aménagement intérieur. L’environnement du local avec les facteurs de l’emplacement et de l’enseigne sont primordiaux mais il conviendra au fournisseur « d’appliquer le critère de l’enseigne d’une manière particulièrement prudente lorsqu’il ne fait aucun doute que le détaillant a fait les investissements nécessaires pour satisfaire à toutes les exigences concernant les conditions matérielles de vente et a accepté les obligations de stockage, de chiffre minimal d’achats annuels, de coopération publicitaire (…) »195. « Dans un tel cas, il appartient aux juridictions (…) de vérifier que le critère de l’enseigne n’est pas utilisé à la seule fin d’exclure du réseau un point de vente apte à vendre les produits concernés, sans qu’il n’existe de risque réel d’atteinte à l’image de ces derniers »196. 98. - Alors même que certains domaines de prédilection, tels que les biens de consommation durable, de haute qualité ou technicité, ont vocation à recourir à la commercialisation par le biais de la distribution sélective, ce système de distribution ne présente pas de domaine réservé. Il suffit que tout produit appartenant à tout secteur d’activité nécessite la mise en place d’un tel système fondé sur des critères qualitatifs, objectifs et appliqués de manière non discriminatoire. Cette grande souplesse de pouvoir recourir à la distribution sélective doit être nuancée par le réel contrôle existant dans l’évaluation des critères et dans leur application permettant la réservation du marché à certains distributeurs. 194 Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint-Laurent, JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992. – Cass. crim., 11 mai 1987 : Rev Conc. consom., 1988-41, p. 25 pour un point de vente Leclerc refusé car ayant été jugé dégradant pour la vente pour la marque des vêtements. 195 Op. cit. pt. 155. 196 Op. cit. pt. 155. Paragraphe II/ La licéité de l’application des critères, de façon effective 99. - Le processus de sélection dans la distribution sélective est encadré par l’exigence de non-discrimination et d’application des critères de manière objective (I), contrainte retrouvée dans la concession exclusive tandis que la franchise bénéficie d’un encadrement plus souple, octroyant une plus grande liberté au fournisseur (II). I/ Les exigences propres à la distribution sélective 100. - En application de l’exigence de cohérence, une fois les critères de sélection élaborés, le fournisseur doit mettre en œuvre les critères qualitatifs comme quantitatifs de manière non discriminatoire197, sans quoi il démontre que la règle qu’il a unilatéralement dictée n’est pas fondée. « Les critères ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet d’exclure par nature une ou des formes déterminées de commerce qui seraient aptes à cette distribution »198. Aussi, la grande distribution ne peut être exclue, par la conclusion que ce mode de commercialisation est incompatible, tels qu’ont pu le faire les juges du fond ; lorsque les critères sont satisfaits, il convient de sélectionner la grande surface199. 101. - Pour éviter qu’un réseau de distribution sélective n'entrave l'accès au marché pour une catégorie de distributeurs, le droit communautaire et le droit français veillent à ce que cette forme de distribution ne constitue pas une restriction injustifiée de concurrence, en exigeant que les critères de sélection choisis soient précis et mis en œuvre sans discrimination200. Cependant, la décision du Conseil de la concurrence du 26 novembre 2003201, qui se réfère à une communication de la Commission Européenne du 22 décembre 2001 relative aux accords d'importance mineure, ne sanctionne pas les pratiques discriminatoires, employées dans le domaine de la distribution sélective, par le fournisseur lors de la sélection de ses distributeurs. L’application discriminatoire n’est pas automatiquement sanctionnée, les instances 197 CJCE, 25 oct. 1977, Metro : Rec. CJCE, 1875. TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, p. 1967. 199 Cass. com., 21 oct. 1997 : D. 1998, somm. p. 340, obs. D. FERRIER : La Cour de cassation a jugé « erronée » la constatation par les juges du fond que « la commercialisation des produits de luxe selon les techniques de la grande distribution fait perdre à ces produits leur renommée et le caractère luxueux que veut leur conférer le fabricant ». 200 CA Versailles, 12ème ch., 16 mai 2002, Sté Parasante c/ Sté Biotherm distribution et compagnie, RD. 2003, p. 2433 et p. 2430, obs. D. FERRIER : « Le promoteur d'une distribution sélective doit fournir tous les demandeurs de ses produits, qui satisfont ses critères ». 201 La Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 octobre 1997, avait sanctionné la discrimination : Bull. civ. IV, n°271 ; D. 1998, Somm. p. 340, obs. D. FERRIER. 198 compétentes en la matière doivent, pour se prononcer sur l'existence et la réparation du préjudice concurrentiel, évaluer la part de marché détenue par le fournisseur. En présence d’un accord d’importance mineure, la discrimination n’est alors pas condamnée, en l’absence d’effet sensible sur le libre jeu de la concurrence202. Cette solution est contestée203 du fait qu’elle remet en cause la sécurité juridique des principes en la matière. 102. - Le processus de sélection est circonscrit à des contraintes, tendant à la création des critères aptes à le réaliser, mais également quant à leur mise en œuvre. Il semble utile d’appréhender les effets induits par de telles exigences sur la sélection et, par ricochet, sur la structure contractuelle. II/ La présence de l’obligation d’objectivité et de non discrimination dans la franchise commerciale ? 103. - « Le législateur contemporain multiplie à l’envie les interdictions de discrimination et, ce faisant, neutralise le jeu de l’intuitus personae lors de la formation du contrat »204. Une hypothèse de parallèle se dresse. Il semble intéressant de s’interroger sur la conciliation entre le respect des modalités d’exercice de la sélection dans la franchise et la concession et la considération de la personne du distributeur. 104. - Une jurisprudence bien établie ne reconnaît pas au concédant un pouvoir discrétionnaire dans le choix de ses concessionnaires ; des critères précis et non discriminatoires devant être mis en application dès le stade de la sélection205. 105. - Néanmoins, le contrat de franchise a été jugé par la Cour de cassation206 conclu en considération de la personne du franchiseur. Il en résulte, par exemple, qu’en cas d'absorption 202 La société Biotherm ne détient que 2 à 3 % de parts du marché des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle vendus par toutes les formes de distribution. 203 M.-A. SABIRAU-PEREZ, Distribution sélective et préjudice concurrentiel, Réflexions à propos de la décision du Conseil de la Concurrence du 26 novembre 2003, Biotherm, RD. 2004, p. 1441 : « Le droit de la concurrence, gagnant en autonomie, donne une définition restrictive du préjudice concurrentiel qui ne nous paraît pas satisfaisante ». 204 J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, 3ième éd., Francis Lefebvre, 2005, n° 1190, p. 459. 205 Cass. com. 25 janv. 2000, Contrats, conc., consom. 2000, n° 64, obs. M. Malaurie-Vignal. 206 Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n° 06-18007761 : « Le tiers au contrat de franchise, ne peut, contrairement au franchisé, se prévaloir du caractère intuitu personae de celui-ci et soutenir que ce contrat, par l'effet de l'apport qui a emporté changement de franchiseur, a nécessairement pris fin ».- Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n° 08-13.194 : « le contrat de franchise avait été conclu intuitu personae ». du franchiseur par une société tierce, même si celle-ci appartient au même groupe, le contrat de franchise n'est pas transmis de plein droit et nécessite l'accord du franchisé. Lorsque le processus de sélection est influencé par des considérations, pour la totalité, difficilement identifiables et propres à la personne du candidat, cela revient à faire primer la subjectivité. La sélection dans la franchise est dotée d’une importante subjectivité en présence d’un choix basé, pour le principal, sur l’ensemble des qualités personnelles que possède le candidat. La réunion de ces éléments présente une synergie non immédiatement accessible pour le sélectionneur dans l’état actuel des candidats distributeurs. La transposition d’un phénomène de sélection influencé majoritairement par les qualités propres à la personne équivaut à une discrimination. Il s’agit d’une discrimination, bien qu’elle puisse être qualifiée de « positive »207, puisque celle-ci tend à favoriser un candidat revendeur en fonction des différences propres à son identité. Toutefois, certains candidats compétents, aptes, sont exclus injustement de la sélection. La tendance législative tend à plus de liberté contractuelle et, surtout, plus de liberté précontractuelle. La suppression du principe de non discrimination au sein de l’article L. 446-2 du Code de commerce en témoigne. « Les nouvelles dispositions de la loi sur la modernisation de l'économie208 abrogeant le principe de non-discrimination faciliteront la négociation commerciale du prix des insertions publicitaires dès lors que les supports éditeront des tarifs différenciés par type de clientèle »209. 106. - Il convient d’envisager alors la reconnaissance, dans la franchise, de l’absence d’une obligation de non discrimination. En effet, seuls les critères préalablement définis dans la distribution sélective et la concession doivent être appliqués de manière objective et non discriminatoire. L’initiateur d’un réseau de distribution sélective est lié par le respect des critères qu’il a antérieurement défini. La sélection dans la concession doit être objective et non discriminatoire, de la même manière. 207 Le Monde Diplomatique, « Discrimination positive », mai 2007, p. 12 : « L’expression « discrimination positive » a fait son apparition dans le vocabulaire politique français il y a une vingtaine d’années. Mais sa véritable vogue date des années 2000. (…)M. (Le Président de la République) Nicolas Sarkozy a été le premier homme politique à s’en réclamer... ». 208 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, Journal Officiel 5 Aout 2008 s. 209 JCl. Comm., Fasc. 4450, Non-discrimination, n° 18 : « Discriminations positives et négatives », Cote : 01,2009. Toutefois, dans la franchise, bien que le fournisseur dispose d’une plus grande liberté dans la mise en œuvre de la sélection, cela ne saurait automatiquement signifier que la sélection n’est empreinte que de discrimination et de subjectivité. « L'intuitus personae a incontestablement deux rôles, l'un destiné à assurer la cause du contrat (comme dans les donations), l'autre à assurer son exécution comme remède au risque inhérent à tout contrat, et constitue en ce sens un instrument du dessein contractuel »210. La finalité contractuelle de l’intuitus personae est néanmoins bien objective. La réalisation d’un besoin de sélection par le choix d’un candidat basé essentiellement sur les caractéristiques propres à sa personne, non transposables à d’autres distributeurs pour l’ensemble, montre l’importance d’éléments subjectifs. Néanmoins, une partie de la doctrine a observé, dans les années 70, un certain déclin de l’intuitu personae dans les contrats211. Mme CONTAMINE-RAYNAUD apporte une justification à ce phénomène, « le déclin de l’intuitu personae dans les contrats provient du déclin plus général de la liberté contractuelle »212. 107. - Une fois le besoin de sélection déterminé et réalisé par la mise en œuvre d’un processus licite, le phénomène de sélection, bien qu’effectué, n’est pas terminé. Le processus de sélection, pour être effectif, dépend du respect de conditions, normes au sein même du réseau de distribution. Pour cela, le thème du travail de recherche ne peut écarter la licéité du contrôle de la sélection, du réseau. 210 JCl. Contrats – Distrib., Fasc. 1020, Concessions, Distribution des produits de luxe, n° 21 : L'agrément est-il donné « intuitus personæ » ?, Cote : 08,2006. 211 AZOULAI, Elimination de l’intuitu personae dans le contrat, in Etudes et Documents de Droit privé, la tendance à la stabilité du rapport contractuel, p.1. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitu personae dans les contrats, thèse, Paris, 1974. 212 M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitu personae dans les contrats, Thèse, Paris, 1974, n° 2, p. 3. Section 2/ La validité du contrôle de l’effectivité du processus de sélection 108. - « L’organisation du réseau permet un réel contrôle interne du respect des normes du réseau et de l’intérêt du réseau »213. Le fournisseur étant parvenu à satisfaire le besoin de sélection, inhérent à la bonne commercialisation de ses produits ou services, doit s’assurer qu’il ne sera pas porté atteinte aux intérêts et enjeux véhiculés par la sélection. La concrétisation de la sélection n’est autre que la création d’une institution organisée, le réseau de distribution. Sélection et réseau sont alors liés, ils poursuivent, à deux étapes différentes, celle de la projection puis celle de la réalisation, le même résultat, obtenir la distribution la plus efficiente des marchandises. 109. - Le réseau de distribution serait générateur d’obligations qui n’existeraient pas sans lui ?214 Cette conception semble occulter le fait que seul le contrat de distribution crée les obligations, le réseau n’est que le cadre commun permettant de lier les différentes relations contractuelles, autour d’intérêts communs. L’obligation d’assistance, de reconversion, résulterait du contrat lui-même, « indépendamment de l’appartenance d’un contractant à un réseau quelconque »215. 110. - Toutefois, au vu des constations précédentes, l’on ne saurait occulter les synergies que développe le recours au réseau de distribution. La théorie contractuelle pourrait composer avec la théorie institutionnelle, en admettant le compromis du contrat créateur d’obligations et de l’organisation en réseau impliquant la nécessité du respect desdites obligations. Il convient, dès lors, de comprendre que la sélection doit être protégée par son initiateur, au moyen de celle du réseau pour la sécurité des contrats qu’il rassemble (Paragraphe I). Le contrôle du réseau n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen utilisé pour garantir l’efficience des contrats de distribution et, par conséquent, des effets de la sélection. Les modalités de la protection du réseau, notamment par le contrôle du fournisseur du respect de l’exclusion de certains opérateurs du fait de la survenue de la sélection, sont encadrées par des exigences légales (Paragraphe II). 213 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D. G, 1999, n° 889, p. 470. 214 Selon la formule utilisée par D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, in L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, n° 19, p. 23, in Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003. 215 Ibid. Paragraphe I/ Droit et devoir de contrôle du fournisseur indispensables à l’effectivité de la sélection 111. - La tête de réseau a besoin de sécuriser les investissements réalisés pour mettre en place et développer son réseau de distribution. Le fournisseur ne peut remettre en cause l’ensemble des efforts qu’il a déployés en offrant la possibilité à n’importe quel revendeur de commercialiser ses produits. Tout l’intérêt de réussir la phase de sélection des revendeurs réside dans le fait que, tel un château de cartes, la faille d’un seul distributeur peut conduire à déstabiliser, voire anéantir, tout le travail des autres. L’initiateur, pour garantir l’efficience de la sélection, peut recourir à la protection directe du réseau en imposant le respect de la politique de celui-ci à ses membres et, sous certaines conditions, aux tiers (I) ou bien à la protection indirecte, qui s’exprime par des moyens plus subtils (II). I/ La protection directe du réseau 112. - La santé du réseau repose alors sur le comportement de chaque membre. Les distributeurs doivent respecter des exigences liées au réseau afin que celui-ci soit solide (A). Le fournisseur doit réussir à constituer un réseau homogène de distributeurs étant dotés du même esprit marketing qu’il souhaite véhiculer. Néanmoins, le promoteur du réseau dispose de moyens pour protéger le réseau, notamment par l’engagement de la responsabilité des distributeurs sélectionnés ou des tiers revendeurs (B). A/ Le contrôle des obligations à la charge des distributeurs sélectionnés 113. - Le promoteur du réseau peut contraindre les distributeurs au respect de certaines obligations du fait de leur licéité (1/) mais ne dispose pas d’un pouvoir absolu, certaines exigences étant excessives et donc condamnées par le droit de la concurrence (2/). 1/ Les exigences licites, admises 114. - Le caractère collectif du réseau implique le respect par chacun de ses membres de l’intérêt du réseau216, de ses usages217, et plus largement le respect des stipulations contractuelles l’ayant organisé de manière cohérente avec pour but final la conquête de la clientèle218. La liberté commerciale des distributeurs est limitée dans l’intérêt du fournisseur mais également dans l’intérêt de l’ensemble du réseau. 115. - Dans la distribution sélective, le distributeur peut être tenu d’acquérir un assortiment de produits, tout nouveau produit mis sur le marché par le fournisseur, afin d’élargir les possibilités de choix du consommateur final219. Il peut être également tenu de réaliser un chiffre annuel minimum d’achat220, dans la mesure où celui-ci est raisonnable, pour rentabiliser les coûts de promotion et de commercialisation. Un montant excessif induirait une élimination des distributeurs sélectionnables ou une impossibilité d’approvisionnement des distributeurs sélectionnés auprès d’autres fournisseur. Aussi, le montant annuel minimum des achats des produits parfumant et cosmétiques par un distributeur ne devait pas excéder 40 % du chiffre moyen des achats réalisés au cours de l’année précédente dans l’ensemble des points de vente situés sur le territoire du pays concerné221. Dans la concession exclusive, le concessionnaire, peut être tenu d’acquérir une certaine quantité de produits déterminés au moyen d’une clause de quota ou de minimas. Cette exigence peut être analysée comme une obligation de moyens pour atteindre un objectif ou bien caractériser une obligation de résultat, dont l’échec induit une inexécution contractuelle222. Il convient toutefois que l’objectif soit réalisable et nullement en proie à des discriminations. Le franchisé doit appliquer les normes résultant de la communication du savoir-faire, afin d’assurer l’uniformité indispensable à la mise en œuvre de la franchise223. L’obligation d’approvisionnement peut s’illustrer par l’acquisition d’un stock minimum ; en outre, le franchisé pourra être tenu de ne vendre ou n’utiliser pour l’exécution des prestations que des 216 Colmar, 6 déc. 1977, Cah. dr. E., 1978, n° 4, p. 12, note D. FERRIER. Paris, 20 mai 1994, D. 1995, somm., p. 70, obs. D. FERRIER. 218 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des Contrats, Les contrats de la distribution, J. GHESTIN (dir.), LGDJ, 1999, n° 927, p. 479. 219 TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, p. 1967. 220 Comm. CE, 18 avr. 1984, IBM, prec., pt. 8. 221 TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851. 222 Paris, 19 oct. 1981 : Gaz. Pal. 1982, 2, p. 240, note Ph. LE TOURNEAU. 223 Lignes directrices, pt. 42 et 43. 217 produits fournis ou référencés par le franchiseur. Lorsque l’engagement « est nécessaire au maintient de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé »224, celui-ci bénéficie de l’exemption et peut avoir une durée excédant cinq ans, sans toutefois excéder celle du contrat de franchise lui-même. Toutefois, l’obligation essentielle du franchisé réside dans le paiement du prix de la franchise ; le droit d’entrée, en contrepartie de la communication du savoir-faire, ainsi que les redevances, contreparties de la mise à disposition de la marque et de l’assistance apportée par le franchiseur. 116. - Le distributeur, membre d’un réseau de distribution sélective, doit commercialiser les produits selon les normes qualitatives préalablement fixées par le promoteur du réseau, telles que la présentation des produits dans un environnement valorisant. Toutefois, le fournisseur peut exiger que d’autres marques notoires soient présentes dans le point de vente 225 mais il ne peut imposer leur identité226. Ce dernier peut être tenu d’un montant minimum de revente à réaliser uniquement si cette obligation n’est pas génératrice d’une élimination des concurrents. Le règlement n° 2790-99 exclue « toute obligation directe ou indirecte imposée aux membres d’un système de distribution sélective de ne pas vendre des marques de fournisseur concurrents déterminés »227. 117. - Les distributeurs sélectionnés doivent également participer à la protection du réseau. L’ensemble des membres du réseau est tenu de ne pas revendre à des distributeurs non sélectionnés. Ainsi, « Cartier s’engage à n’approvisionner en produits de sa marque, à l’intérieur de la Communauté, que des distributeurs agrées. En contrepartie, ces derniers s’engagent à ne vendre ces produits à l’intérieur de la Communauté qu’aux consommateurs finals, ou encore à d’autres distributeurs agrées qui y sont établis »228. En application de cette obligation, les distributeurs doivent vérifier la qualité de tout acheteur professionnel et conserver les factures en vue d’un éventuel contrôle par le fournisseur. L’interdiction des ventes dites « hors réseau » est considérée par le règlement 2790-99229 comme inhérente à la distribution sélective230 : « Tout système de distribution fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement, à peine de n’avoir aucun sens, l’obligation pour les distributeurs faisant partie du réseau de n’approvisionner que des 224 Lignes directrices, pt. 200. TPICE, 12 déc. 1996, Leclerc : Rec. CJCE, II, 1851, prec. 226 Cons. conc., 1ier oct. 1996, Produits cosmétiques, BOCC 1997, p. 42. 227 Règl. n° 2790-99, art. 5-c. 228 CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15, n° 7. 229 Art. 1, Règl. CE n° 2790-99 : JOCE n° L. 336/21, 29 déc. 1999. 230 D. FERRIER, Droit de la distribution, 4iè éd., Litec, 2006, p. 271, n° 612. 225 revendeurs agrées… »231. Il convient nécessairement que les critères de sélection soient considérés comme étant non restrictifs de concurrence, pour échapper à l’application des articles 81 §1 du Traité CE et L. 420-1 du Code de commerce et qu’ils soient exemptés232, au titre des articles 81 §3233 et L. 420-4 du Code de commerce. 118. - En outre, le distributeur ne doit pas porter atteinte à l’image de marque du réseau. L’image de marque du réseau est désormais une valeur dont la nécessaire protection est prise en compte234. 2/ Les obligations condamnées 119. - Certaines obligations excèdent les besoins inhérents à la bonne commercialisation des marchandises et sont condamnées. Il peut notamment s’agir de limitations de revente235, qui constituent une restriction de concurrence236, du respect de prix imposés237. En effet, dans un réseau de distribution sélective, le distributeur doit être libre de « prospecter la clientèle, dans n’importe quel Etat membre de la Communauté économique européenne », étant donné qu’il n’y a pas d’exclusivité territoriale à son profit238. B/ Les moyens de la protection directe du réseau 120. - Le fournisseur, tout comme les membres du réseau, peut engager la responsabilité de l’un des distributeurs, en cas d’inexécution contractuelle (1/) mais également la responsabilité du tiers revendeur, à la condition de satisfaire quelques exigences probatoires (2/). 231 CJCE, 25 oct. 1977, Metro : Rec. CJCE, 1875, pt. 27. Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992. 233 Art. 4b, Règl. CE n° 2790-99 : JOCE n° L. 336/21, 29 déc. 1999. 234 Cass. com., 28 nov. 1995, Bull. civ. IV, n° 276, p. 254. 235 CJCE, 28 avr. 1988, Javico, Rec. CJCE 1983 : « constitue une restriction de concurrence (…), l’interdiction faite à un distributeur établi dans un Etat-membre qui serait chargé de commercialiser les produits dans un territoire situé hors de l’Union européenne de vendre directement ou de réexporter ces produits dans l’Union européenne en raison de l’existence d’un réseau de distribution sélective ». 236 Ces restrictions de concurrence tombent sous le coup de l’article 81, § 1 du traité CE. 237 Règl . n° 2790-99, considérant 10 : « certaines restrictions verticales ayant des effets anticoncurrentiels graves comme l’imposition d’un prix de vente minimum ou fixe (…) doivent être exclues du bénéfice de l’exemption (…), quelle que soit la part de marché des entreprises concernées ». 238 Comm. CE, 21 déc. 1976, Junghans, JOCE, n° L.30, 2 févr. 1977, pt. 29. 232 1/ L’engagement de la responsabilité du distributeur sélectionné 121. - Chaque distributeur est lié au promoteur du réseau par le contrat-cadre de distribution et doit respecter les obligations licites qu’il regroupe. Il s’agit notamment de l’obligation de ne pas revendre à des distributeurs hors réseau et de respecter les conditions de commercialisation relatives aux produits. Ces exigences sont indispensables au bon fonctionnement du réseau et à la création de synergies. En effet, le comportement opportuniste d’un distributeur induit des effets négatifs qui sont répercutés sur l’ensemble des autres membres. Néanmoins, certains distributeurs sélectionnés violent l’obligation négative de ne pas revendre hors réseau et engagent, à ce titre, leur responsabilité contractuelle. L’initiateur du réseau doit assurer la police du réseau, ce qui engendre à sa charge une obligation d’engager la responsabilité contractuelle du distributeur sélectionné. 122. - Il a été admis qu’un distributeur sélectionné puisse agir en concurrence déloyale contre un autre distributeur sélectionné qui ne respectait pas les obligations tenant à la distribution sélective239. Aussi, alors même que le second distributeur sélectionné n’est que tiers à la relation contractuelle, l’inexécution contractuelle lui cause un préjudice délictuel, lui ouvrant un droit à l’invoquer240. Les membres du réseau peuvent donc se prévaloir du fait que le manquement contractuel qui cause à un tiers un dommage est constitutif d’une faute délictuelle241. 123. - Dans la concession exclusive, lorsque le contrat relève du règlement CE n° 2790-99, le concédant ne peut interdire au concessionnaire de revendre les produits à un revendeur hors réseau. Mais s’il relève uniquement des règles de concurrence d’origine interne, l’article L.442-6-I-6°, du Code de commerce sanctionne le fait « de participer à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution (…) exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ». Le concessionnaire bénéficie d’une exclusivité territoriale, ce qui le protège contre les reventes actives, celles réalisées par les autres distributeurs avec l’utilisation de promotions, 239 Cass. com., 1ier juill. 2003 : D. 2003, somm. p. 2427, obs. D. FERRIER. Civ. 1re, 15 déc. 1998, RTD civ. 1999. 623, obs. MESTRE : « Les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage ». 241 Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, D. 2006. 2825, note VINEY. – Com., 6 mars 2007, D. 2007. AJ. 1078, obs. CHEVRIER. – Civ. 1re, 15 mai 2007, D. 2007. AJ. 1502 : « Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». 240 ou à partir d’un établissement dans le territoire réservé242. Le concessionnaire pourra mettre en jeu la responsabilité délictuelle du distributeur et voire même la responsabilité contractuelle du concédant qui n’aurait pas fait respecter cette obligation243. Les ventes passives244 des autres concessionnaires sur le territoire exclusif de l’un d’entre eux sont admises. 2/ L’engagement de la responsabilité du revendeur hors réseau 124. - L’initiateur du réseau et ses membres craignent les revendeurs parallèles, puisque ces derniers souhaitent profiter des synergies qu’engendre le réseau, sans toutefois supporter les investissements et subir les contraintes. 125. - Le principe est le droit du revendeur non sélectionné d’acheter librement et revendre les produits. En effet, le simple fait « d’acquérir les produits et de les commercialiser en dehors du réseau ne constitue en lui-même aucune faute »245. Néanmoins, ce dernier ne doit pas se procurer les produits dans des conditions illicites ou frauduleuses. Bien que le caractère frauduleux ne soit pas présumé, il pourra être déduit de la provenance des produits. La preuve de l’origine régulière devra être rapportée par le distributeur pour ses approvisionnements, tel n’étant pas le cas pour les approvisionnements en amont du sien. Le revendeur hors réseau ne peut revendre les produits portant la mention indiquant qu’ils ne peuvent être vendus que par des distributeurs sélectionnés, ou supprimer cette mention, sans quoi ces agissements sont de nature à tromper délibérément les consommateurs. Celui-ci pourra revendre ces produits en précisant qu’il n’est pas membre du réseau, afin de dissiper toute confusion dans l’esprit du public. Il en est de même pour la garantie contractuelle. Aussi, dans le cas où la licéité du réseau a été établie et que la preuve de la licéité de l’approvisionnement n’a pas été apportée par le revendeur, sa responsabilité civile pourra être engagée sur le fondement de la concurrence déloyale. Le distributeur sélectionné, ayant fourni le revendeur hors réseau, est coupable de tierce complicité et peut voir engager sa responsabilité contractuelle par le promoteur du réseau du fait de l’inexécution contractuelle 242 Règl. n° 2790-99, art. 4-b. Cass. com., 19 oct. 1983 : Bull. civ. IV, n° 269. – Cass. Com., 22 févr. 1967, Bull. civ. III, n° 85. 244 Le concessionnaire ne doit pas être protégé contre les ventes opérées à la demande d’un client situé dans son territoire ou tout au moins sans qu’ils l’aient eux-mêmes sollicité. 245 Cass. com., 27 oct. 1992 et Paris, 17 févr. 1993 : D. 1995, somm. p. 83, obs. D. FERRIER. 243 qu’il a commise. L’atteinte à l’image engendrée par la revente dévalorisante des produits est également condamnable246. 126. - En conséquence, le contrat de distribution ne créé pas d’obligation à l’égard des revendeurs hors réseau mais constitue un fait juridique qui leur est opposable et rend condamnable la commercialisation des produits par un distributeur qui n’est pas sélectionné ou tout au moins pas sélectionnable247. Certains auteurs248 sont même allés au-delà de ce raisonnement en consacrant la personnalité juridique du réseau, ayant pour effet de rendre opposable aux distributeurs non sélectionnés les dispositions contractuelles émanant de celuici. II/ La protection indirecte du réseau 127. - Le fournisseur, afin d’assurer l’efficience du processus de sélection préalablement mis en œuvre par la protection du réseau, peut recourir à des moyens quelque peu détournés, ingénieux, sans que ceux-ci ne soient illicites. La société Cartier illustre parfaitement ce propos en gênant la commercialisation des revendeurs hors réseau, de sorte à protéger ses distributeurs sélectionnés contre une concurrence déséquilibrée. En effet, les distributeurs hors réseau ne supportent pas les investissements étant à la charge des candidats sélectionnés, ce qui crée une inégalité de concurrence. Les distributeurs du réseau ne se battent pas à armes égales, du fait des frais inhérents au fonctionnement du réseau. 128. - Le promoteur du réseau, pour se prémunir contre les importations parallèles, insère dans les contrats-cadre de distribution de ses revendeurs des clauses d'effet équivalent 249. Le réseau de distribution Cartier a refusé d’octroyer aux consommateurs finals sa garantie lorsque l’achat résultait du travail d’un distributeur hors réseau. 246 CJCE, 4 nov. 1997, Dior : Rec. CJCE, I, 6034. Le revendeur non agréé ne peut utiliser la marque des produits qu’il commercialise hors réseau « dans un voisinage qui risquerait d’amoindrir gravement l’image que le titulaire a réussi à créer de sa marque ». 247 D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Litec, 2008, n° 625, p. 280. 248 L. AMIEL-COSME, Op.cit., p. 352. 249 J.-Cl Conc., Consomm., Fasc. n° 225, Atteintes à la production et à l’organisation commerciale de l’entreprise concurrente, Cote : 02 2005, 15 oct 2004, comm. M. MALAURIE-VIGNAL. La Cour de Justice des Communautés Européennes250, suivie par la Cour de cassation251, a reconnu licite la clause visant à limiter la garantie contractuelle du fabricant aux produits contractuels acquis auprès des distributeurs agréés. « Un engagement contractuel de limiter la garantie aux commerçants du réseau et de la refuser aux marchandises écoulées par les tiers aboutit au même résultat et produit le même effet que les clauses contractuelles, la limitation de garantie est un moyen pour le fabricant d’empêcher que les tiers au réseau ne se livrent au commerce des produits couvert par le système »252. Etant donné que « sont licites les clauses contractuelles par lesquelles le fabricant s’oblige à ne vendre que par l’intermédiaire de distributeurs agrées et par lesquelles ces commerçants s’engagent à ne revendre qu’à d’autres commerçants agrées ou à des consommateurs »253, il n’y a pas lieu d’effectuer une distinction entre des clauses dont la démarche est identique. L’objectif que poursuit la clause limitative de garantie se confond avec celui de clauses jugées licites, aussi la disposition a bénéficié de l’exemption de l’article 81 §3 du Traité CE254. 129. - Le revendeur hors réseau est confronté à l’obligation d’informer ses clients du fait qu’ils ne pourront bénéficier de la garantie, au titre de la marque Cartier. 130. - Le réseau de distribution crée indéniablement une exclusion d’une forme de concurrence par la réservation du marché de distribution de produits ou de prestations de service aux seuls distributeurs choisis par le fournisseur sur le fondement de critères licites. Au départ, en l’absence de règlementation applicable, la jurisprudence ne consacrait pas la reconnaissance de l’effectivité de la protection du réseau par la condamnation des réseaux de distribution parallèles. Les arrêts de la chambre commerciale du 23 février 1993 et du 18 octobre 1994 ainsi que la loi du 1ier juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales viennent apporter une réponse concrète à l’identification du réseau de distribution sélective en sanctionnant la violation de ce dernier à l’aide d’une réelle protection. 131. - Un moyen efficace est de prévenir la revente parallèle, en amont, est de réserver légalement la revente des produits aux seuls distributeurs sélectionnés. Le second moyen pour 250 CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15. Cass. com., 18 oct. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n° 310. 252 CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, n° 32, p. 15. 253 Op. cit. , n° 33. 254 Ancien art. 85 du Traité CE. 251 protéger le réseau est de lutter contre les comportements irréguliers255. Une fois la constitution du réseau effectuée conformément à la législation en vigueur, les contraintes posées par la loi et la jurisprudence, dans le contrôle de la mise en œuvre de la sélection, se métamorphosent en outil de protection. Le réseau, par son existence même, est générateur d’un droit de protection, de contrôle et de sanction. Paragraphe II/ La licéité des moyens du contrôle du fournisseur 132. - La distribution sélective pose des exigences strictes à respecter, telles que le respect de l’indépendance juridique du distributeur, ce qui ne laisse au fournisseur qu’une faible latitude dans son contrôle, limitée aux critères de commercialisation (I). La concession exclusive et la franchise permettent une plus grande intervention de l’initiateur du réseau, notamment par la gestion nécessaire dans la concession et indispensable dans la franchise (II). I/ Un droit de contrôle limité au respect des conditions de commercialisation dans la distribution sélective 133. - « Les obligations acceptées en matière de contrôle, tant qu’elles ne dépassent pas le but recherché, ne sauraient constituer par elles mêmes une restriction de concurrence mais forment l’accessoire de l’obligation principale dont elle tend à assurer l’application »256 et dont « elles partagent la destinée juridique »257. L’exercice du contrôle ne doit pas être abusif et ne peut constituer une raison légitime à l’immixtion du fournisseur dans l’activité des distributeurs, tout comme leur soumission à des contraintes excessives. Le promoteur du réseau ne peut, à ce titre, demander des informations trop détaillées, tel que le chiffre d’affaire réalisé, les factures correspondant à la revente, que « s’il dispose d’indices concrets quant à la participation du distributeur à la revente de produits contractuels hors du réseau de distribution »258. Le fait de limiter les moyens du contrôle du fournisseur semble aller dans le 255 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D.J, 1999, p.743, n° 1351. 256 CJCE, 25 oct. 1977, Metro I, pt. 27, aff. 26/76 : Rec. CJCE. 1875. 257 Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, pt. 7 : JOCE n° L. 12, 18 janv. 1992. 258 Comm. CE, 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent, préc. sens contraire au besoin de surveillance des rétrocessions, qui est pourtant un devoir à la charge de l’initiateur du réseau259. II/ Un droit de contrôle plus souple dans la concession et plus élaboré dans la franchise 134. - La marge de manœuvre offerte au fournisseur pour son contrôle dans la concession exclusive demeure circonscrite aux normes de commercialisation accompagnées d’une assistance utile (A). Le réseau de franchise repose sur la transmission d’un savoir-faire, lequel induit une obligation d’assistance, sans toutefois porter atteinte à la qualité de commerçant indépendant du franchisé (B). A/ Le contrôle de la gestion par l’assistance nécessaire, utile dans la concession 135. - Le concédant intervient dans l’activité du concessionnaire en lui apportant une assistance matérielle, technique et commerciale. Cela s’illustre notamment par une formation dispensée au distributeur et à son personnel, une participation aux opérations publicitaires et promotionnelles. Toutefois, le concédant peut engager sa responsabilité lorsqu’il exerce sur l’activité du concessionnaire un contrôle excessif, qui traduit une immixtion, ou bien, au contraire, lorsque l’assistance est insuffisante. Aussi, le fournisseur qui ne résilie pas le contrat, sanction prévue en cas de défaillance du concessionnaire, se verra reprocher son inertie dès lors qu’il connaissait260 ou qu’il ne pouvait ignorer261 cette défaillance et devra réparer le préjudice que le maintien du contrat aura causé. Le promoteur du réseau doit donc trouver le juste équilibre dans l’assistance qu’il confère au concessionnaire. B/ Le contrôle de la gestion par l’assistance obligatoire du franchiseur 136. - Bien que le franchisé, exploitant en son nom une entreprise, assume les charges de tout entrepreneur262, le franchiseur doit satisfaire à l’obligation d’assistance et de conseil lui incombant, au profit de l’activité du distributeur. Le franchiseur doit contrôler la mise en 259 D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Litec, 2008, n° 617, p. 275. Cass. civ., 14 déc. 1956 : Bull. civ. II, n° 694. 261 Cass. com., 6 nov. 1961 : D. 1962, p. 186. 262 CA Douai, 6 février 2003 : Juris-data no 2003-246631. 260 œuvre du savoir-faire qu’il a transmis au franchisé. Il s’agit d’une obligation de contrôle qui contraint le fournisseur à intervenir lorsque le franchisé rencontre des difficultés dans la mise en œuvre de la franchise263, sous peine d’engager sa responsabilité264, à condition toutefois d’être informé de ces difficultés ou d’être sollicité pour les traiter. L’obligation de contrôle engendre une obligation d’assistance à la charge du promoteur du réseau. 137. - L’obligation d’assistance peut revêtir une multitude de visages, du fait que son contrôle ne puisse être effectué sans prendre en compte une analyse casuistique, eu égard aux particularités de chaque relation d’affaires. Le fournisseur ayant proposé de dispenser une formation au distributeur tout en l’accompagnant d'un logiciel spécifique de gestion et d’un étalement de la dette, malgré le refus de ces propositions par le franchisé, a valablement rempli son exigence d’assistance265. Il en est de même pour l’initiateur du réseau qui a conféré une aide très active au cours de la première année et une aide moins soutenue mais régulière les années suivantes. Le franchisé ne saurait donc se prévaloir d'une exception d'inexécution en présence de la démonstration, par les autres membres du réseau, d’une assistance efficace. La réussite de l’activité des autres distributeurs du réseau ainsi que leurs témoignages sont des éléments de faits qui participent activement à reconnaitre la satisfaction de l’obligation du fournisseur. De plus, le franchiseur ne méconnaît pas son obligation de conseil en n'alertant pas le franchisé sur le fait qu'il n'a pas progressé rapidement vers une situation bénéficiaire et en ne le conseillant pas d'arrêter l'activité de l'entreprise266. Par suite, ne donne pas de base légale à sa décision, la Cour d'appel qui, pour engager la responsabilité du franchiseur, constate qu'il a manqué à son obligation de conseil sans préciser quelles stipulations lui imposaient cette obligation267. En outre, l’obligation d’assistance et de conseil n’est pas en proie à une interprétation rigide de la jurisprudence, qui lui octroie un certain degré de souplesse et d’originalité, puisqu’elle peut être variable, en intensité, et quant aux modalités de sa mise en œuvre. 138. - L’intervention du franchiseur dans l’activité du distributeur est justifiée par la particularité du réseau de franchise, à savoir la nécessité d’opérer une sorte de service après 263 Cass. civ., 17 mai 2005, Contrats conc. consom. 2005 comm. 169, H. MAULAURIE-VIGNAL. Cass. civ., 21 mai 1997 : D. 1998, p. 150, note B. FAGES. 265 TC Paris, 24 novembre 2003 : Juris-data no 2003-235448. 266 Cass. com., 17 mai 2005, pourvoi no 04-12.176 : Juris-data no 2003-222223. 267 D. MAINGUY, Le contrat de franchise, panorama de jurisprudence (2003-2005), LPA, 08 mars 2006 n° 48, p. 3. 264 vente du savoir-faire, dans l’intérêt de tous. La communication du savoir-faire emporte des obligations à la charge du franchisé, telle que la confidentialité ; toutefois ces exigences ne sauraient le priver de son indépendance commerciale268. Lorsque le franchisé est privé de réelle autonomie décisionnelle dans la conduite de son activité, qui tend à le placer dans un état de subordination à l’égard du franchiseur, le contrat devra être requalifié en contrat de travail. Il convient, dès lors, pour le promoteur du réseau de remplir les obligations de contrôle et d’assistance qui lui incombent, en faisant preuve de modération permettant au franchisé de conserver son statut de commerçant indépendant. 268 Paris, 3 juill. 2002, D. 2003, somm. 2429, obs. D. FERRIER. Conclusion sur la satisfaction juridique du processus de sélection 139. - L’expression du pouvoir décisionnel du fournisseur est confrontée, pour la licéité du processus de sélection, aux contraintes législatives et jurisprudentielles en la matière ainsi qu’aux exigences de la Commission européenne, pour bénéficier de l’exemption au titre de l’article 81, § 3 du traité CE269. La mise en œuvre d’un processus de sélection nécessite la détermination de critères de sélection licites, non restrictifs de concurrence puisque n’excédant pas les besoins d’une bonne commercialisation, et préétablis dans la distribution sélective. Leur mise en œuvre est soumise aux particularités de chaque système de distribution. La distribution sélective est essentiellement gouvernée par une sélection qualitative des revendeurs, alors même que la limitation quantitative est admise dans des cas plus rares, lorsqu’elle est justifiée par de réels motifs. La concession exclusive et la franchise commerciale sont basées sur une sélection à la fois qualitative et quantitative. L’exigence de non-discrimination et d’objectivité semble n’exister que dans les deux premiers systèmes, le franchiseur, concluant des contrats intuitus personae, bénéficie de plus de liberté dans son processus de sélection. 140. - Toutefois, une fois la sélection réalisée, encore faut-il, pour déployer les synergies du réseau, identifiées par le besoin de sélection, s’assurer de son effectivité, par le développement de moyens permettant sa protection. La protection directe, obligation incombant au promoteur, faculté pour les autres membres du réseau malgré l’absence de relation contractuelle qui les lie, permet d’engager la responsabilité contractuelle d’un distributeur sélectionné en cas de manquement à ses obligations. La responsabilité délictuelle des tiers revendeurs peut également être engagée en réunissant certaines conditions précises. La protection indirecte s’illustre par l’utilisation de subtilités, telle que le fait pour le fabricant Cartier de n’assurer la garantie des produits qu’aux seules marchandises commercialisées par les distributeurs membres du réseau. La protection de la sélection, du réseau, résulte de la juste adéquation entre d’un côté, le droit, devoir de contrôle, de sanction du promoteur quant aux obligations des membres et aux 269 Op. Cit., Règl. CE n° 2790-99. agissements parasitaires des tiers et d’autre part, le respect de l’indépendance juridique des distributeurs et de la liberté des revendeurs hors réseau d’exercer une activité économique. 141. - Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie aurait pu légitimer le droit, pour le fournisseur, de choisir librement, les conditions de commercialisation de ses marchandises et les critères de sélection de ses revendeurs. Les enjeux concurrentiels tendent à contrôler le processus de sélection, en ce sens qu’il évince des opérateurs de la possibilité d’exercer une activité économique. Aussi, il est nécessaire d’appréhender les modalités par lesquelles le droit de la concurrence opère un contrôle de la sélection, des systèmes de distribution et peut conduire à ériger un encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution. TITRE II Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement juridique du processus de sélection 142. - Le souhait du fournisseur de choisir ses partenaires commerciaux ainsi que le circuit de distribution de ses produits génère traditionnellement une méfiance du droit français et du droit communautaire de la concurrence, du fait de l’éviction de certains opérateurs que cela opère, au profit des distributeurs sélectionnés. Il ne saurait s’agir de débuter une nouvelle étude de la satisfaction juridique du processus de sélection, et notamment du contrôle des critères de sélection par le droit de la concurrence270. Au contraire, au vu des éléments qui précèdent, il convient, par l’analyse des effets de la sélection sur la concurrence, d’appréhender les modalités de ce contrôle, générant ainsi de nouvelles exigences pour la mise en œuvre du processus de sélection (Chapitre I). L’objet de l’étude consiste à déterminer les outils mis en œuvre par le droit de la concurrence pour délimiter le processus de sélection. Le contrôle effectué par le droit de la concurrence, au moyen des différentes pratiques et agissements condamnés, conduit à envisager un encadrement de la sélection, dans sa phase précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution (Chapitre II). 270 Le contrôle de la nature des critères de sélection ainsi que leur mise en œuvre ayant déjà été traité dans le chapitre précédant. Chapitre I Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences 143. - L’édification d’un encadrement du processus de sélection ne peut être satisfaite avec les seules dispositions légales et jurisprudentielles nationales. L’analyse de l’expression du besoin de sélection, c’est-à-dire de son processus juridique, au regard du droit de la concurrence est inhérent au développement de ses effets. Chaque système de distribution, reposant sur une sélection des candidats, conduit à une organisation artificielle de l’entrée sur le marché des produits ou services en question. Le recours au processus de sélection, que l’on pourrait également nommer processus d’éviction, tend à une modification du libre jeu de la concurrence. Il est alors nécessaire d’envisager une possible conciliation entre l’émergence des divers systèmes de distribution, basés sur un besoin de sélection satisfait, et les exigences concurrentielles. L’examen du processus de sélection doit permettre la perception des atteintes portées à la concurrence et ainsi déterminer les possibilités d’admission de celui-ci. La démarche s’inscrit dans une logique de contrôle pour cerner les litiges, difficultés posées par la sélection. Il convient, ensuite, d’envisager les moyens mis en œuvre par le droit de la concurrence pour tolérer les effets induits par la satisfaction du besoin de sélection. 144. - Le besoin de sélection s’exprime à différents moments, alors même qu’il procède généralement de la volonté de mettre en œuvre un réseau de distribution (Section 1), celui-ci peut être renouvelé, remanié et donne alors lieu à la réorganisation du réseau de distribution (Section 2). Il semble opportun de percevoir l’existence de différences entre le processus de sélection pour la première intégration et celui qui est réalisé, notamment pour le renouvellement du contrat-cadre de distribution ou pour le changement de l’organisation du réseau, au regard des exigences propres à chaque temps de la sélection. Section 1/ Le contrôle de la mise en œuvre du processus de sélection à l’épreuve du principe de la liberté de la concurrence 145. - L’examen de la sélection, d’un point de vue concurrentiel, ne peut écarter la perception et l’analyse des modèles qui véhiculent et concrétisent ce besoin (Paragraphe I), particulièrement dans le domaine spécifique, qu’est la distribution automobile (Paragraphe II). Paragraphe I/ La perception par le droit de la concurrence des systèmes de distribution opérant un processus de sélection 146. - La définition des systèmes de distribution concrétisant le processus de sélection de certains opérateurs est modifiée selon les intérêts poursuivis par la référence, législation étant à son origine. La méthode théologique est bien souvent retenue et influence considérablement les analyses. En effet, la législation nationale érige des règles, critères en fonction des attentes, nécessités liées au développement de l’économie, par exemple. Le droit de la concurrence délimite des objectifs et, à partir de ceux-ci, sanctionne les comportements nocifs. En fonction du point de vue à partir duquel l’analyse se place, la délimitation du processus de sélection, à travers sa concrétisation par les systèmes de distribution, varie (I). Les spécificités, les effets de la commercialisation au moyen de la sélection doivent être conciliés avec les enjeux concurrentiels (II). I/ Les spécificités des différents systèmes de distribution 147. - Il semble alors opportun d’envisager la définition des différents systèmes de distribution, la franchise commerciale (A), la concession exclusive (B) et la distribution sélective (C), satisfaisant les besoins de sélection, telle que celle-ci est posée par le droit de la concurrence. A/ La franchise commerciale 148. - En droit interne, la franchise n’a pas fait l’objet d’une intervention législative spécifique. Néanmoins, il est souvent fait référence à celle-ci, notamment en ce qui concerne l’obligation précontractuelle d’information271. Tel n’a pourtant pas été le cas dans le paysage communautaire, accordant à ce modèle organisé de distribution, une importance considérable. 149. - Le règlement communautaire n°4087/88272 avait d’abord exempté l’ « accord par lequel une entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d’une compensation financière directe ou indirecte, le droit d’exploiter un ensemble de droits de propriété industrielle ou intellectuelle concernant des marques, noms commerciaux, enseignes, dessins et modèles, droits d’auteurs, savoir-faire ou brevet, destinés à être exploités pour la revente de produits ou la prestation de services à des utilisateurs finals »273. Ces dispositions, très favorables à la franchise274, ont disparu avec l’édification du règlement n° 2790/99. La Commission européenne a opéré un revirement quant à sa manière de procéder. En dénonçant « l’effet camisole » de ce règlement avec d’autres, la Commission européenne a renoncé à une application rigide et systématique pour davantage de souplesse. Désormais, la franchise commerciale est traitée plus succinctement275. Les lignes directrices276 définissent le contenu des accords de franchise comme « comportant une licence de droits de propriété intellectuelle relatifs à des marques ou à des signes distinctifs ou à un savoir-faire pour l’utilisation et la distribution de biens et de services. » Elles envisagent une description des obligations de chacune des parties. « Le franchiseur fournit normalement au franchisé, pendant la période d’application de l’accord, une assistance commerciale ou technique. La licence et cette assistance font partie intégrante de la méthode commerciale franchisée. Le franchiseur perçoit en règle générale du franchisé une redevance pour 271 Art. L. 330-3 du Code de commerce. Art. 1ier de la loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989 : « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». 272 Règl. n°4087/88 du 30 nov. 1988 de la Commission des Communautés européennes : JOCE n° L. 359, 28 déc. 1988. 273 Règl. n°4087/88, art. 1. 274 D. FERRIER, Droit de la distribution, 4ième éd., Litec, 2006, n°676, p. 302. 275 L’analyse de la franchise est réduite à cinq paragraphes des Lignes Directrices de la Commission européenne du 13 oct. 2000. 276 Pt 199 des lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000. l’utilisation de la méthode commerciale en question. La franchise peut permettre au franchiseur de mettre en place, moyennant des investissements limités, un réseau uniforme pour la distribution de ses produits »277. 150. - Malgré cela, l’élément essentiel de la définition réside dans la condamnation par la Commission Européenne des effets néfastes de la franchise. « Outre la concession de la méthode commerciale, les accords de franchise contiennent généralement une combinaison de restrictions verticales portant sur les produits distribués, en particulier la distribution sélective et/ou l’exclusivité de marque et/ou la distribution exclusive ou des formes adoucies de ces restrictions »278. B/ La concession exclusive 151. - Dénommée « distribution exclusive » par le droit communautaire de la concurrence, ce système de distribution est perçu comme étant l’opération par laquelle « le fournisseur accepte de ne vendre sa production qu’à un seul distributeur en vue de la revente sur un territoire déterminé »279. Le « concessionnaire met son entreprise de distribution au service d’un commerçant ou industriel appelé concédant pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance du concédant, la distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé »280. Il en a été déduit la spécificité principale de l’objet du contrat de concession exclusive. Cette dernière réside dans la réciprocité de l’engagement des parties qui génère un lien très fort. Il s’agit d’un côté, de l’exclusivité de fourniture supportée par le concédant et des exclusivités d’approvisionnement et de revente à la charge du concessionnaire. Toutefois, certains auteurs contestent ce postulat en présence d’un processus de sélection principalement ou purement quantitatif281. En effet, le phénomène de sélection reposant sur des considérations numéraires n’est créateur que d’une exclusivité de fourniture à la charge de l’initiateur du réseau. 277 Ibid. Ibid. 279 Pt 61 des lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000. 280 C. CHAMPAUD, La concession commerciale : RTD com. 1963, p. 451, n° 24. 281 J. AZEMA, Le droit français de la concurrence, PUF, 1989, n°266. 278 152. - L’exclusivité territoriale consentie est de nature à fausser le jeu normal de la concurrence et peut être condamnable282 au titre de l’entente283. Néanmoins, celle-ci peut être exemptée284 en application du bilan économique favorable285 et fait l’objet d’une appréciation favorable par le droit de la concurrence. L’accord présentant un bilan économique positif ne bénéficie de l’exemption286 que si la part de marché du concédant n’excède pas 30 %. De plus, le règlement n° 772/2004 du 27 avril 2004 de la Commission Européenne condamne les ventes actives dans le cadre de la concession exclusive tout en accordant la possibilité d’une concurrence passive. C/ La distribution sélective 153. - La distribution sélective est un « système de distribution où un fournisseur conclut des accords (verticaux) avec un nombre limité de distributeurs choisis dans la même zone géographique ». La Commission européenne opère un contrôle quant aux conséquences d’un tel modèle de commercialisation sur la concurrence. « Les accords de distribution sélective restreignent le nombre des distributeurs agréés et interdisent les ventes aux distributeurs non agréés, les seuls acheteurs possibles des distributeurs agréés étant alors les autres distributeurs désignés et les consommateurs finaux ». Celle-ci conclu sur un risque de restriction de la concurrence intramarque, entre les différents distributeurs sélectionnés. Il y a également un risque tendant à « faciliter la collusion entre fournisseurs ou acheteurs et à exclure une ou plusieurs catégories de distributeurs, en particulier en cas d'effets cumulatifs de réseaux parallèles de distribution sélective sur un marché ». 282 Le contrôle opéré par le droit de la concurrence sur les dispositions préalables à la conclusion du contratcadre de distribution fera l’objet d’une analyse. Celle-ci a, notamment, vocation à remettre en cause la caractérisation de pratiques anticoncurrentielles au stade du contrat préparatoire. 283 Art. 81, §1 du traité CE ; Art. L. 420-1 du Code de commerce. L’exclusivité territoriale empêche les autres distributeurs d’accéder au marché des produits, limite les débouchés pour ces produits et répartit les marchés pour les concessionnaires. 284 Art. 81, §3 du traité CE ; Art. L. 420-4 du Code de commerce. Pour bénéficier du bilan économique favorable, l’accord doit « contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique… », en réservant « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte… », sans imposer aux entreprises intéressées « des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs… », sans donner à ces entreprises « la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause d’éliminer la concurrence » sur le marché. Le bilan économique favorable est obtenu par la mise en balance des éléments positifs, apport économique et apport consumériste ou plus largement utilitaire, et des éléments négatifs, atteinte aux capacités concurrentielles du partenaire et atteinte à la concurrence sur le marché. 285 La sélection quantitative doit participer au développement du progrès technique, en générant des gains d’efficience tout en apportant au consommateur un avantage économique. La réservation territoriale ne doit pas être absolue, le « verrouillage » absolu du marché empêche l’exemption. Le territoire exclusif doit être proportionné à la zone de chalandise nécessaire et suffisante pour amortir les investissements du distributeur et lui permettre une exploitation rentable. La sélection quantitative ne doit pas conduire à éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits ou du marché concerné. 286 Art. 4-b du Règlement n° 2790/99 de la Commission Européenne. Le système de distribution sélective restreint le nombre d’opérateurs sur le marché puisqu’il implique l’éviction de certains distributeurs au profit d’autres revendeurs par l’effet de la sélection. Certains auteurs287 précisent que le nombre réduit de distributeurs a pour conséquence d’amoindrir l’étendue du choix des consommateurs dans le processus d’achat et notamment d’affecter négativement la concurrence sur les prix entre les distributeurs d’un même réseau, d’une même marque. La concurrence par les prix étant la forme de concurrence par excellence, la mise en œuvre de la sélection pour la création du réseau de distribution sélective pose problème en lui-même. 154. - La distribution sélective empêche le jeu normal de la concurrence entre les distributeurs sélectionnés et a été analysée comme une entente288 entre le fournisseur et les distributeurs sélectionnés. On incrimine ce système de commercialisation d’être l’objet d’une restriction de la concurrence intrabrand, intra marque et interbrand, inter marque. La Commission Européenne289 évoque également l’affectation du système de distribution sélective sur la liberté des revendeurs par le fait qu’ils doivent répondre à des obligations strictes tendant aux stocks, au chiffre d’affaire à réaliser. La Commission Européenne justifie la nécessité d’opérer un contrôle de la distribution sélective étant donné l’atteinte à l’intégration du marché commun que celle-ci pourrait engendrer par l’affectation du commerce entre Etatsmembres. Le contrôle des critères de sélection, de leur mise en œuvre, ainsi que des effets de la sélection, permet de rendre licite la constitution d’un réseau de distribution sélective. II/ La conciliation entre le principe de la liberté de la concurrence et les spécificités de chaque système de distribution 155. - Le Commission européenne, pose un principe général de liberté tout en prévoyant des exceptions à celui-ci pour le contrôle des restrictions verticales. « La politique de concurrence mise en œuvre à l’égard des restrictions verticales depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 2790-99 fait que la liberté d’organisation du mode de distribution de ses produits par un fabricant constitue un principe de base, sous réserve que 287 J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibliothèque de droit de l’Entreprise, Litec, 1999. Art. 81, §1 du traité CE ; L ; 420-1 du Code de commerce. 289 Aff. Grunding/Consten, Décision Yves Saint-Laurent Parfums du 16 décembre 1991. 288 le mode de distribution n’ait pas pour objet ou pour effet d’affecter le fonctionnement du marché »290. L’initiateur du réseau dispose d’une liberté décisionnelle quant à l’organisation de la distribution de ses marchandises à condition que ses effets induits n’affectent pas sensiblement le marché communautaire. On en déduit alors qu’en l’absence d’effets nocifs portant atteinte à la libre concurrence, le fournisseur est libre de recourir au système de distribution qu’il souhaite. Une limite peut être apportée puisque le principe de liberté de la tête de réseau, dans l’hypothèse où les effets sur la concurrence sont acceptables, doit être concilié avec les exigences légales de chaque système de distribution. L’analyse de la réalisation du processus de sélection à l’épreuve des enjeux concurrentiels ne saurait se substituer aux contraintes légales. L’examen par le droit de la concurrence s’effectue de manière cumulative, en l’additionnant à l’encadrement législatif et jurisprudentiel préexistant. 156. - Les effets de la sélection sont perceptibles au titre de l’analyse économique291, notamment par la réservation artificielle des produits en question 292, contrebalancée par le développement de produits et services de qualité, bénéficiant aux consommateurs293. Aussi, certains auteurs294 affirment que la distribution sélective est un système très concurrentiel du fait que celui-ci repose sur une interdépendance entre les concurrents lié au courant d’affaires véhiculé par la commercialisation de nombreux produits de prestige dans un même espace de vente295. 157. - Néanmoins, il est primordial de distinguer le contrôle des systèmes de distribution basés sur une sélection des distributeurs et le processus de sélection en lui-même. L’objectif poursuivi par notre étude est de percevoir l’examen effectué par les enjeux du droit de la 290 Communication Comm. CE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291 du 13 oct. 2000, point 51. 291 D. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, L.G.D.J, 2004, n°495, p. 247. 292 La théorie économique soutient l’importance de la clarté des informations sur les données du marché quant à influencer son bon fonctionnement. La quête de transparence, notamment dans les relations commerciales, développe essentiellement ses effets au stade final, aux yeux des consommateurs, en matière de prix et de qualité des produits. 293 La démarche poursuivie par le promoteur du réseau tend au développement de nouveaux marchés dans certains cas ou du moins, dans d’autres, à diversifier des marchés préexistants. La possibilité offerte aux fournisseurs de recourir à un réseau de distribution ayant fait l’objet de sélection pour le choix de ses opérateurs permet une garantie quant aux investissements effectués. Il parait alors évident de percevoir un effet d’accroissement des investissements induit par la protection et l’autocontrôle que confère le réseau et, par déduction, la sélection à son promoteur. 294 J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. Dr. E, Litec, 1999. 295 Le fabricant à la tête d’un réseau de distribution sélective ne peut pas se permettre de vouloir évincer la concurrence comme le font la franchise et la concession avec des accords d’exclusivité car cela reviendrait à renoncer à l’octroi d’effets positifs profitant aux ventes de ses propres marchandises. concurrence sur la mise en œuvre du processus de sélection. Il parait alors inutile de s’attarder sur les pratiques étrangères au besoin de sélection. L’essai d’un contrôle par le droit de la concurrence des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution sera traitée ensuite296. Paragraphe II/ Le régime spécifique de la distribution automobile 158. - Les accords de distribution sont régis par des règles communes, telles que le règlement général de la Commission européenne n° 2790/99 du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, § 3, du Traité CE à des catégories d'accords verticaux, qui occupe une place importante au titre de l'ordre public économique et dont le respect conditionne la validité des contrats297. Néanmoins, ce règlement n'est pas applicable aux accords de distribution du secteur automobile, du fait de leurs spécificités298, puisqu’ils relèvent pour l'essentiel du règlement spécifique de la Commission européenne n° 1400/2002299, du 31 juillet 2002300. Le règlement 1400/2002 a étendu le champ d’application de l’exemption par catégorie. En application de son article 2 §1, celle-ci bénéficie aux accords verticaux conclus entre deux ou plusieurs entreprises dont chacune agit, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et qui ont pour objet l’achat, la vente ou la revente de véhicules automobiles neufs, de pièces de rechange ou de services de réparations et d’entretien. 159. - L’initiateur d’un réseau de distribution automobile souhaitant bénéficier de l’exemption catégorielle doit obligatoirement choisir entre un système de distribution sélective et un système de concession exclusive basé sur une obligation de fourniture exclusive, contrairement au précèdent règlement qui permettait de combiner les deux. Aussi, le besoin de 296 V. Supra n° 186 et s. J.-P. VIENNOIS, JCl. Com. Fasc. 319, Contrats de distribution automobile, Cote : 04,2007, 1ier févr. 2007. 298 Rapport de la Commission européenne publié en 2000 (COM/2000/743) dans lequel celle-ci a rappelé la spécificité de la distribution automobile, qui présente des caractéristiques à la fois de distribution sélective et de distribution exclusive. 299 Règl. CE n° 1400/2002, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du Traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, accompagné d’une « Brochure explicative » du 31 juill. 2002, JOCE n° L. 203, 1ier août 2002, avec un complément du 12 nov. 2003, eur-lex.europa-eu. 300 Le règlement n° 1400/2002, entré en vigueur le 1ier octobre 2002, est applicable jusqu’au 31 mai 2010, date qui coïncide avec l’expiration du règlement général 2790/99. Il succède au règlement n° 1475/95 de la Commission du 28 juin 1995, qui a expiré le 30 septembre 2002 et qui avait lui-même pris la suite du règlement n° 123/85 du 12 décembre 1984, expiré le 30 juin 1995. 297 sélection dans le secteur automobile ne peut être satisfait que par la mise en œuvre d’un système de distribution sélective (I) ou un système de distribution exclusive (II). Pour bénéficier de l’exemption, le fournisseur ne peut plus imposer à un concessionnaire exclusif des critères sélectifs tout en lui réservant le bénéfice d’une exclusivité territoriale301. I/ La distribution sélective en matière automobile 160. - Le règlement n° 1400/2002 a défini la distribution sélective comme « un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou des réparateurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs ou réparateurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agrées ou à des réparateurs indépendants, sans préjudice de la faculté de vendre des pièces de rechange à des réparateurs indépendants ou de l’obligation de fournir aux opérateurs indépendants l’ensemble des informations techniques, des systèmes de diagnostic, des outils et de la formation nécessaires pour la réparation et l’entretien des véhicules automobiles ou pour la mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement »302. 161. - Les contrats de distribution sélective portant sur des véhicules automobiles neufs, des pièces de rechange, ou des services de réparation et d’entretien des véhicules relèvent de ce règlement303, quelle que soit la part de marché du fournisseur lorsque la sélection est qualitative et à condition que sa part de marché n’excède pas 40 % lorsque la sélection est également quantitative304. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 6 mars 2007305, rappelle les conditions d’application, notamment en termes de seuils de part de marché, pour bénéficier de l’exemption au titre du règlement n° 1400/2002. En l’espèce, la société Peugeot distribuait ses véhicules au moyen d’un système de distribution exclusive, en détenant une part de marché de 33 %. Cette dernière ne pouvait donc plus 301 Mémento, Concurrence-consommation, F. Lefèbre, 2007-2008, n° 1484, p. 444 et s. Règl. n° 1400/2002, art. 1, § 1, f. 303 Règl. n° 1400/2002, art. 2-1. 304 Règl. n° 1400/2002, art. 3-1. 305 Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-17.011, SA Ferry c/ Sté Automobile Peugeot : JurisData n° 2007-037802. 302 tomber sous le coup de l’exemption catégorielle et a, à bon droit, sous peine de s'exposer à des sanctions, procédé à la résiliation des contrats de concession en vigueur306. 162. - La distribution sélective qualitative est appréciée favorablement par la Commission européenne ; elle ne tombe, en général, pas dans le champ d’application de l’article 81 §1 ou bénéficie d’une exemption. La distribution quantitative n’est pas perçue avec une telle souplesse étant donné que le processus de sélection vise à limiter le nombre de distributeurs et réparateurs. 163. - Néanmoins, en présence d’un besoin de sélection satisfait par un système de distribution sélective quantitative, le fournisseur doit préalablement appliquer les critères qualitatifs avant de limiter quantitativement le nombre de candidats distributeurs. La mise en œuvre licite des critères quantitatifs fait l’objet d’un contrôle par le juge307 puisque que celleci doit être objective et non discriminatoire. 164. - Par ailleurs, le règlement prévoit que le contrat doit contenir certaines stipulations. Celles-ci doivent notamment octroyer la possibilité au distributeur ou réparateur de céder librement les droits qu’il tient du contrat à un autre membre du réseau 308 et aménager les obligations d’achat de revente en cas de conflit309. 165. - Le règlement n° 1400/2002 définit les restrictions caractérisées ou exclues, reprenant celles du règlement n° 2790-99 tout en les complétant par de nouvelles. L’énumération ne contient que les clauses dites « noires » ou interdites, correspondant aux restrictions caractérisées qui ne peuvent, quelle que soit la part de marché des entreprises concernées, figurer dans un accord, sous peine de priver cet accord, dans son ensemble du bénéfice de l’exemption par catégorie. 166. - L’obligation de non-concurrence pendant la durée du contrat en matière de vente constitue une restriction exclue310, ayant pour effet d’invalider la clause sans remettre en question l’ensemble de l’accord. Les clauses de localisations sont interdites du fait que chaque distributeur doit être libre d’exercer son activité à partir de la ou des installations de son 306 B. BOULOC, Vente. Concession exclusive. Distribution automobile. Résiliation. Conséquence du règlement CE 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002, RTD com. 2007 p. 825. 307 Cass. com., 28 juin 2005, Garage Gremeau c/ DaimlerChnrysler, n° 982 : RJDA 3/06 n° 255. 308 Règl. n° 1400/2002, art. 3-3. 309 Règl. n° 1400/2002, art. 3-6. 310 Règl. n° 1400/2002, art. 5-a et c. choix, n’importe où sur le territoire communautaire311. Néanmoins, les distributeurs peuvent être tenus de ne pas commercialiser les produits dans un territoire réservé exclusivement à un concessionnaire, à condition de démontrer que l’engagement présente des avantages qui l’emportent sur les effets restrictifs de concurrence induits312. II/ La distribution exclusive en matière automobile 167. - Le règlement n° 1400/2002 définit la fourniture exclusive comme « toute obligation directe ou indirecte contraignant le fournisseur à ne vendre les biens ou services contractuels qu’à un acheteur dans le Marché commun en vue d’un usage déterminé ou de la revente »313. 168. - La satisfaction juridique du besoin de sélection par la mise en œuvre d’un réseau de distribution exclusive tend à une restriction admise des ventes actives sur un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive et a pour conséquence l’interdiction des accords contenant une restriction de clientèle ; ce qui autorise les ventes hors réseaux, effectuées par le distributeur à une grande surface ou à un vendeur « toutes marques ». Pour les accords contenant des obligations de fourniture exclusive, le seuil de 30 %, limite à la possibilité de bénéficier de l’exemption, est calculé à partir de la part de marché détenue par l’acheteur. Cependant, les accords d’importance mineure ne sauraient concernés puisque, en principe, ceux-ci ne tombent pas sous le coup de l’article 81 § 1 lorsque les parts de marché sont inférieures ou égales à 15 %. 169. - La définition par le droit de la concurrence des divers moyens de commercialisation qui répondent à un besoin de sélection est nécessaire mais ne saurait être suffisante en l’absence d’une analyse de la réorganisation du réseau. Le secteur automobile est particulièrement concerné du fait des dispositions particulières et des interrogations suscitées par l’entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002. 311 Règl. n° 1400/2002, art. 4-1-d. D. FERRIER, Droit de la distribution, 5ième éd., Littec, 2008, n° 616, p. 273 et s. 313 Règl. n° 1400/2002, art. 1-1-e. 312 Section 2/ Le contrôle de la réorganisation du réseau à l’épreuve du principe de la liberté de la concurrence 170. - Le besoin de sélection, dépendant de nombres de paramètres, n’est pas, une fois établit et satisfait, éteint. La nécessité de sélectionner des distributeurs, bien qu’ayant été concrétisée par l’instauration d’un réseau licite, continue sans cesse d’évoluer. Aussi, la sélection doit être renouvelée afin que les synergies émanant de celle-ci perdurent. Le fournisseur exprime alors librement son nouveau besoin de sélection qui tend, lorsque les modifications sont d’une telle importance, à la réorganisation du réseau (Paragraphe I). Le système de distribution mis en place conditionne le degré de liberté de réorganiser le réseau. La réalisation du second processus de sélection dépend de la latitude variable dont bénéficie le promoteur du réseau, en fonction des exigences légales propres à chaque mode de commercialisation (Paragraphe II). Paragraphe I/ La liberté de principe de l’initiateur du réseau de gestion et réorganisation 171. - Le fournisseur est libre de modifier l’organisation de son réseau de distribution (I), mais doit se réserver de générer des abus, en présentant de véritables nécessités, de réels motifs. La réalisation du second processus de sélection par la réorganisation dans distribution automobile est, quant à elle, empreinte de spécificités (II). I/ Les modalités du droit à la réorganisation du réseau au bénéfice du fournisseur 172. - Le principe du droit, pour le promoteur du réseau de modifier son organisation (A), doit être appuyé de motifs légitimes, vérifiés par les juges, seulement en cas de contentieux (B). A/ Un principe affirmé 173. - Le promoteur d’un réseau de distribution sélective a la liberté, sous réserve de l'abus, de modifier l'organisation de son réseau de distribution, sans engendrer, de droit, pour les distributeurs le bénéfice du maintien de leur situation314. La Cour de cassation315 consacre incidemment la latitude offerte à l’initiateur du réseau d’en réorganiser le fonctionnement, puisqu’en l’espèce, celui-ci a agi à bon droit, en informant ses distributeurs de la rupture de leur contrat et en leur soumettant une proposition de nouvelle organisation commerciale. Bien qu’aucun accord n’ait été conclu, la Cour de cassation rejette la demande d’indemnisation du distributeur, fondée sur l’article L. 442-6 du Code de commerce. En l’absence d’abus dans l’exercice du droit de réorganisation316, « le choix d'un mode de distribution relève de la libre appréciation du fournisseur, sous réserve que le refus opposé à un revendeur ne constitue pas, en raison des circonstances dans lesquelles il intervient, une pratique contraire aux règles de la concurrence [et] qu'ainsi, un fournisseur demeure libre de modifier l'organisation de son réseau de distribution sans que ses clients bénéficient d'un droit acquis au maintien de leur situation »317. B/ Un principe justifié par de réels motifs 174. - Le promoteur du réseau présente un besoin financier, une nécessité économique qui le conduit à envisager la modification de l’organisation du réseau de distribution. Lorsque le mode de distribution initialement choisi est alors devenu inadapté ou inefficient à la bonne commercialisation des produits, du fait d’une évolution des besoins et enjeux, cela constitue un juste motif de résiliation d'un contrat de distribution318. 175. - Le fournisseur ne doit pas réorganiser son réseau sans raison légitimement fondée, de manière abusive. Les juges n’effectuent pas un contrôle systématique des motifs de la réorganisation et de leur pertinence mais vérifient, lorsqu’une contestation leur est soumise, l’absence d’abus. En effet, bien qu’il n'appartienne pas aux juges de porter un jugement de valeur sur la pertinence du choix économique opéré par le concédant 319, les juridictions nationales effectuent une analyse casuistique afin de vérifier concrètement si les changements 314 N. MATHEY, La Cour de cassation rappelle la liberté de réorganisation du réseau, Contrats, conc. Consomm, n° 2, Février 2009, comm. 42. 315 Cass. com., 2 déc. 2008, n° 07-18.775, F-D, SA Au sol d'or c/ SA Clause Tezier : JurisData n° 2008-046118. 316 Cass. com., 16 juin 1992, n° 90-20.665 : JurisData n° 1992-002669. 317 Cons. conc., déc. n° 2002-D-26, 9 avr. 2002 relative à une saisine de la société Prieur Sports dans le secteur de la distribution des équipements d'escrime. 318 CA Paris, 6 févr. 1997 : D. 1998, somm. p. 335, obs. D. FERRIER ; CA Versailles, 6 nov. 1997 : RTD civ. 1998, p. 370, obs. J. MESTRE. 319 Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-13.991, SA Garage de Bretagne c/ SA Daimler Chrysler France : JurisData n° 2007-037801, D. 2007. AJ. 1011, obs. CHEVRIER. sont d’une telle importance qu’ils constituent une véritable réorganisation du réseau. Par ailleurs, le distributeur ayant rapporté une preuve d’abus, doit la soumettre au contrôle des juges, qui vérifient si celle-ci est fondée. Par exemple, le fournisseur ne doit pas avoir tenté d'obtenir des avantages indus par une forme de chantage, ce qui pourrait constituer un abus de position dominante. Un arrêt320 ne concernant pas un contrat de distribution, mais un contrat conclu entre une clinique et des médecins anesthésistes, qui s’inscrit, comme les contrats de distribution, dans le domaine plus large des contrats d’affaires, des contrats de longue durée, se prononce sur la question de l’exigence de motivation d’une décision de résiliation321. La Cour décide que « si la partie qui met fin à un contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n’a pas à justifier d’un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l’examen des circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus l’exercice du droit de rompre ». Alors même que l’exigence d’un préavis n’est pas rapportée, le contrôle des circonstances de la rupture par les juges conduit à s’interroger quant à l’opportunité d’une motivation de la rupture pour les contrats de longue durée322. II/ Réorganisation de réseau de distribution automobile : un cas particulier 176. - La réorganisation d’un réseau de distribution automobile est régie par des dispositions spécifiques. Le règlement n° 1400/2002 de la Commission européenne est générateur de plus d’exigences. Au vu de ce qui précède, la réforme du droit communautaire de la concurrence de la distribution automobile donne lieu à un abondant contentieux en imposant au promoteur du réseau d’effectuer un choix entre distribution exclusive et distribution sélective. Le besoin traduit par une réorganisation sur le plan géographique et matériel du réseau doit être fondé sur des circonstances objectives. En effet, le contrat doit préciser l’obligation du fournisseur, en cas de résiliation, de donner par écrit les « raisons objectives et transparentes »323. 177. - Dans le cadre de la distribution de véhicules neufs, la durée du contrat doit être au moins égale à cinq ans324 avec un préavis de rupture d’au moins six mois, ou alors le contrat doit être à durée indéterminée avec un préavis de rupture d’au moins deux ans pouvant être 320 Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 02-21.240 et n° 02-21.355 : Juris-Data n° 2006-032278. D. MAINGUY, Chronique Droit de la distribution, n° 5, La motivation d’une décision de résiliation d’un contrat, JCP La semaine juridique, éd. E et A n° 11, 15 mars 2007, n° 1384, p. 24. 322 Ibid. 323 Règl. n° 1400/2002, art. 3-4. 324 Règl. n° 1400/2002, art. 3-5-a. 321 réduit à un an en cas de réorganisation affectant le réseau ou d’indemnisation « appropriée »325. Toutefois, les juges refusent d’appliquer ce dispositif si n’est pas établie l’atteinte à la concurrence au plan européen résultant du contrat en cause et appelant l’application du règlement communautaire326. 178. - En ce qui concerne la durée admise pour le remaniement du modèle de distribution, une réorganisation du réseau peut prendre du temps. « Le fournisseur n'a aucune obligation de procéder à la résiliation de l'ensemble des contrats dès le début du processus de réorganisation »327. La durée du processus de réorganisation n’a aucune influence sur la durée du préavis de résiliation. Celui-ci peut être réduit à une année, même si la réorganisation s'est poursuivie pendant plus de deux ans en l'espèce. Les concessionnaires ne peuvent se prévaloir d’un préjudice émanant du retardement de la résiliation de leur contrat. Reprocher au concédant d'avoir agit sans brusquerie et d'avoir retardé aussi longtemps que possible la résiliation est inconcevable. Toutefois, il convient de vérifier qu’au moment où la résiliation « différée » survient, elle puisse être rattachée au processus de réorganisation global. Il ne s’agit, finalement, que d’une question casuistique. « Dès lors qu'il s'agit d'un processus qui se poursuit sans solution de continuité et qui n'est pas achevé », le fournisseur est libre quant à la durée pour réorganiser son réseau. 179. - La réorganisation d'un réseau peut être justifiée par des motifs économiques ou juridiques. Aussi, lorsqu’un motif juridique nécessite une réorganisation du réseau, ce seul élément suffit à légitimer la modification. Le motif doit exister, il est nécessaire mais suffisant ; le juge n'a pas à s'immiscer dans le choix, d’un point de vue juridique328. Par ailleurs, il convient de caractériser la présence d’une réorganisation du réseau ou d'une partie substantielle de celui-ci afin de percevoir les hypothèses dans lesquelles le promoteur du réseau agit de manière légitime. Le règlement prévoit que le contrat doit contenir des informations aménageant, en cas de litige, la motivation de la résiliation par la possibilité pour chaque partie de recourir à un expert ou à un « arbitre »329. 325 Règl. n° 1400/2002, art. 3-5-b. Paris, 25 juin 1991, D. 1992, somm. p. 287, obs. D. FERRIER. – Cass. com., 7 févr. 1995, D. 1997, somm. p.55, obs. D. FERRIER. 327 E. CHEVRIER, Quelle durée pour la réorganisation du réseau ?, RD. 2007 p. 1010, sous Com. 6 mars 2007. 328 Versailles, 24 nov. 2005, Lettre distrib. Déc. 2005, p. 2. 329 Règl. n° 1400/2002, art. 3-6. 326 La réorganisation du réseau de distribution du fournisseur330 n’est pas indispensable, ni même nécessaire du fait de la seule entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002, du 31 juillet 2002331. Toutefois, sa survenue peut engendrer la nécessité d’opérer des modifications au sein du réseau de distribution. Tout l’enjeu est de déterminer si les changements réalisés se relèvent être une simple adaptation des contrats des distributeurs au nouveau règlement ou bien s’il s’agit d’une réorganisation du réseau. « La modification du mode de distribution et la suppression de la concession de territoires exclusifs sont, en elles-mêmes, révélatrices du caractère substantiel de la modification intervenue, peu important qu'elle porte directement sur les accords même de distribution qui régissent le réseau »332. 180. - Le pouvoir décisionnel dont bénéficie le promoteur doit être mis en balance avec le respect de contraintes découlant du fonctionnement effectif du réseau. Bien que le principe général demeure la liberté du fournisseur de gérer et réorganiser son réseau de distribution en fonction de ses souhaits et attentes, celui-ci ne peut agir au mépris d’exigences légales et jurisprudentielles. Paragraphe II/ Les limites à la liberté de réorganisation du fournisseur : la consécration du droit au renouvellement du contrat de distribution sélective ? 181. - Le système de distribution sélective prévoit un droit au renouvellement du contrat à durée déterminée à l’arrivée du terme mais uniquement dans le cas où les critères de sélection ne font pas l’objet d’une modification et si le distributeur remplit toujours ces critères333. Le renouvellement du contrat étant nullement de droit, il n’est pas systématique et dépend de la réussite d’une nouvelle épreuve de sélection du distributeur en fonction de l’évolution des critères et des compétences requises nécessaires à l’intégration. 182. - « Le fournisseur peut librement réorganiser la distribution de ses produits mais ne doit pas évincer intempestivement ou abusivement ses anciens distributeurs »334. 330 Au sens de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement 1475/95. CJCE, 3e ch., 7 sept. 2006, VW-Audi Forhandlerforenigen c/ Skandinavick Motor, aff. C-135/05, note E. CHEVRIER, Modalités de la réorganisation d’un réseau de distribution automobile, RD 2006, p. 2393. 332 Cass., com., 29 janv. 2008, n° 06-17. 748 (n° 167 F-B+P), RD 2008, p. 476, obs. CHEVRIER. 333 Par exemple, Trib. com., 15 mai 1987. 334 CA Paris, 21 janv. 1993, RD 1995, p. 73, obs. D. FERRIER. 331 Le fournisseur n’est soumis à aucune exigence concernant la continuité de conditions de commercialisation inchangées, il demeure libre de ses choix quant aux remaniements de la stratégie commerciale de ses produits sur le fondement de la liberté du commerce et de l’industrie. Il doit seulement informer ses revendeurs des nouvelles conditions de vente dans un délai de préavis raisonnable pour pouvoir opérer une nouvelle sélection fondée sur de nouveaux critères. Toutefois, en présence du non-renouvellement discuté d'un contrat de distribution sélective, il a été jugé que l'ex-distributeur pouvait obtenir la poursuite des livraisons de son ex-partenaire335. Les distributeurs ayant été sélectionnés mais ne satisfaisant plus aux nouveaux critères se verront évincés du réseau du fait de la seconde sélection. 183. - Cependant, lorsque les nouvelles exigences qualitatives de sélection sont remplies par des distributeurs faisant déjà partie du réseau, le fournisseur ne peut décider de son propre chef de mettre fin aux relations commerciales. Si tel est pourtant le cas, le fournisseur pourra être condamné pour refus de vente à l’encontre des distributeurs éliminés, à moins qu’il ne justifie d’une réorganisation quant au système de distribution passant de la distribution sélective à la concession, qui est basée sur une sélection quantitative. 335 Cass. com., 27 avr. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 159, p. 109. Conclusion sur l’analyse et le contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences 184. - Les enjeux concurrentiels influent sur la liberté décisionnelle de l’initiateur d’un réseau de distribution, le contraignant, pour satisfaire son besoin de sélection, au respect des exigences qu’ils induisent. L’impulsion de la sélection pour la création du réseau, tout comme son renouvellement lors de la réorganisation du réseau, sont gouvernés par la conciliation entre la volonté du fournisseur et sa concrétisation contrôlée, licite. Les lignes directrices de la Commission Européenne posent un principe général de liberté, à condition que les effets de la sélection, des systèmes de distribution n’affectent pas sensiblement le fonctionnement du marché et ne constituent pas des restrictions caractérisées. Le fournisseur est libre de constituer, gérer et réorganiser son réseau tout en bénéficiant de l’exemption de l’article 81, §3 du règlement n° 2790/1999 de la Commission européenne, lorsque les exigences concurrentielles sont préservées, en l’absence d’abus. La distribution automobile est régie par le règlement 1400/2002 qui impose le choix entre distribution sélective et exclusive, en soumettant l’exemption à des seuils de part de marché en cas de sélection quantitative. La distribution sélective présente une limite au principe de liberté de réorganisation du réseau du fait qu’elle consacre un droit au renouvellement du contrat-cadre de distribution à durée déterminée, lorsque le distributeur satisfait toujours les critères de sélection, bien qu’ils aient pu évoluer. 185. - L’examen opéré par le droit de la concurrence peut-il être générateur d’un encadrement des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution ? L’essai tend à envisager l’aptitude du droit de la concurrence à satisfaire à l’exigence de sécurité, de gestion des risques, au stade des négociations. Chapitre II L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence 186. - Le processus concurrentiel contraint les entreprises soucieuses de maximiser leurs profits à adopter des stratégies conformes à l’intérêt général, c’est-à-dire à employer de la façon la plus efficace possible les ressources qu’elles mobilisent et à assurer la satisfaction des demandes des consommateurs au moindre coût336. Toutefois, des acteurs économiques agissent au mépris de l’intérêt général en ayant recours à des pratiques nuisibles, désormais identifiées par le droit de la concurrence. Aussi, les autorités des pays occidentaux ont mis en place un droit de la concurrence en partant de l’idée que le marché a besoin d’être régulé pour être plus efficient, pour éviter que certains de ses acteurs ne captent à leur profit, et au détriment des autres intervenants, une part trop grande de la richesse produite337. 187. - L’objet de l’étude tend à analyser les comportements sanctionnés par le droit de la concurrence, en ce sens que l’interdiction générée est productrice d’un encadrement. Il convient de limiter l’essai d’encadrement à la période réservée à la sélection des distributeurs, avant la conclusion du contrat-cadre de distribution. Les seules règles de police du droit de la concurrence, applicables à l’accord précédant la conclusion du contrat-cadre, seront donc traitées dans le but d’en ériger un cadre contraignant. La démarche consistant à contrôler les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution au regard des exigences concurrentielles s’inscrit nécessairement dans l’étude des pratiques anticoncurrentielles (Section 1) puis des pratiques restrictives de concurrence (Section 2). Toutefois, le « Droit-police » peine à satisfaire les exigences d’encadrement et de sécurité dans la période consacrée aux négociations338. 336 C. CHAMPAUD, JCl Concurrence – Consommation, Fasc. 30, Caractères du droit de la concurrence. A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 83, p. 65. 338 Op. cit. 4ième de couverture. 337 Section 1/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par les pratiques anticoncurrentielles 188. - Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour finalité de contrôler les comportements macroéconomiques, engendrant de lourdes conséquences sur les marchés du fait, notamment de leur taille importante. Le commerce ou la concurrence intracommunautaire doivent être affectés et un seuil de sensibilité doit être franchit pour que le droit communautaire de la concurrence trouver à s’appliquer. Seules les pratiques présentant une certaine influence sur le marché en cause ne font l’objet de l’attention des contrôles ; les accords d’importance mineure ne restreignant pas suffisamment la concurrence, au sens de l’article 81 du Traité CE. 189. - La phase préalable à la conclusion du contrat-cadre de distribution concerne les négociations d’un premier accord entre un fournisseur et un distributeur et nullement des comportements de grande échelle. L’on perçoit dès lors que la démarche poursuivie par l’abus de dépendance économique (Paragraphe I) et par le droit des ententes (Paragraphe II) semble inadaptée à notre étude. Paragraphe I/ L’emploi de l’article L. 420-2 du Code de commerce 190. - L’étude de la période réservée à l’accord préalable de sélection conduit à envisager les possibilités d’un contrôle offert par l’abus de dépendance économique (I) ; tentative rapidement mise en échec par des incohérences, inefficiences (II). I/ Les modalités de l’adaptation de l’article L. 420-2 du Code de commerce pour régir les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution 191. - « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en vente liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en vente liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442-6 ou en accords de gamme »339. II/ Les difficultés résultant de l’inadaptation du recours à l’article L. 420-2 du Code de commerce 192. - Il convient de répondre aux deux conditions posées par le présent article, l’existence d’une situation de dépendance économique à l’égard d’un fournisseur ou d’un distributeur et l’exploitation abusive de celle-ci, au moyen de pratiques anticoncurrentielles ayant entrainées l’affectation du fonctionnement ou la structure de la concurrence. 193. - A priori, la caractérisation d’un abus de dépendance économique semble impensable au stade du contrat préparatoire. Il n’existe aucune relation commerciale entre le fournisseur et le candidat distributeurs puisqu’ils sont dans une phase de négociations et ne sont pas liés par le contrat-cadre de distribution. L’ancien Conseil de la concurrence a apporté des précisions quant à l’appréciation de la notion, précisions confirmées par la Cour d’appel de Paris340 puis par la Cour de Cassation341. Il faut tenir compte « de l’importance de la part du fournisseur dans le chiffre d’affaires du revendeur, de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de la part de marché du fournisseur, de l’impossibilité pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents » et « ces critères doivent être simultanément présents pour entrainer cette qualification »342. De plus, malgré la suppression de la preuve de l’absence de solution 339 Art. L.420-2 du Code de commerce. Notamment, CA Paris, 1re ch., 12 juill. 1990, BOCCRF 20 juill. et CA Paris, 13 juin 1991, BOCCFR 5 juill. 341 Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17. 983, RJDA 1993, n° 922, Contrats, conc., consom. 1993, n° 213. 342 Cons. conc., déc. n° 89-D-16, 2 mai 1989, Sté Chaptal SA, BOCCRF 30 mai et Cons. conc., déc. n° 90-D-23, 3 juill. 1990, Sté JVC Vidéo France. 340 équivalente par la loi du 15 mai 2001343, la jurisprudence344 maintient une telle appréciation, basée sur les critères énoncés. 194. - Alors même que le contrat de franchise est qualifié par certains auteurs de relation de dépendance, l’article L. 420-2, alinéa 2 n’est pas applicable345. Les conditions ne peuvent être remplies lors d’une négociation du fait que la jurisprudence refuse de caractériser une telle pratique dans le contrat, objet même de cette négociation. L’abus de dépendance économique ne semble pas non plus juridiquement constitué une fois la sélection réalisée puisque la personne qui s’est délibérément placée dans cette situation ne saurait pouvoir s’en prévaloir346. 195. - Par ailleurs, s’il on transpose ce raisonnement à la distribution sélective, le candidat distributeur fait l’objet de la sélection du fait de son aptitude à satisfaire aux critères établis par le fournisseur. Aussi, « estimer qu’il se trouve dans un état de dépendance au seul motif qu’une fois agréé, il lui serait plus facile de lutter contre la concurrence, ou inversement qu’il est dans une position plus difficile en n’obtenant pas le produit, caractéristique de la dépendance et justifiant l’application du texte, reviendrait à supprimer toute liberté de choix pour le fabricant et par là-même à condamner la distribution sélective »347. L’abus n’est pas non plus caractérisé, tout comme le fait de nuire à la concurrence. Un seul distributeur abusé ne permet pas un tel effet, « à supposer que l’abus se traduise par une diminution de la concurrence intra marque, il peut en résulter l’augmentation ou la préservation de la valeur concurrentielle de la marque et donc globalement une amélioration de la concurrence »348. L’utilisation de l’abus de dépendance économique pour contrôler les dispositions précédant la survenue du contrat-cadre n’est pas adaptée. 343 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001. Notamment, Cass. com., 9 mars 2002, RTD com. 2003, p. 75, obs. E. CLAUDEL. 345 V. par exemple, CA Versailles, 11 mai 2006, D. 2007, pan. p. 191, obs. D. FERRIER : le fait que le franchiseur impose au franchisé des normes de commercialisation ne conduit pas à la création d’une dépendance économique. 346 Cons. conc., déc. n° 01-D-42, 11 sept. 2001, André Barbot, Recueil Lamy, n° 863, obs. V. SELINSKY. 347 J.-P VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. Dr. E, Litec, 1999, n° 78, p. 103. 348 Op. Cit. n° 78, p. 103. 344 Paragraphe II/ L’utilisation du droit des ententes 196. - Les modalités du contrôle par le droit des ententes doit être appréhendé au stade des dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution (I) alors même que certaines conditions d’application se révèlent être incompatibles avec cette période (II). I/ Les moyens du contrôle des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par le droit des ententes 197. - « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (…) »349. Selon l’article L. 420-1 du Code de commerce, « sont prohibées (…), lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions (…) ». 198. - Le Conseil de la concurrence peut sanctionner une entente à partir du moment où deux entités se sont entendues, sont parvenues à un échange, même implicite, des volontés. Ainsi, un simple accord de volonté entre deux entreprises, est suffisant, quelle que soit sa forme. Une entente est prohibée même lorsqu’elle n’a pas d’effet anticoncurrentiel, à condition qu’elle puisse avoir des effets restrictifs de concurrence. Les fournisseurs peuvent s’entendre avec les distributeurs, générant alors une entente verticale, tout comme peuvent le faire les distributeurs entre eux dans une démarche horizontale afin de se réserver artificiellement le marché des produits ou services en question, en limitant l’accès aux concurrents. Il peut s’agir de stratégies communes d’éviction développées par des concurrents afin d’entraver la création des grandes surfaces et des coopératives d’installateurs350. Par ailleurs, plusieurs décisions du Conseil de la concurrence 349 Art. 81, § 1 du Traité CE. Décision n°06-D-03, Cons., conc., 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation. Le Conseil de la concurrence a sanctionné près de 80 entreprises ou organisations professionnelles pour un montant cumul de 26,1 millions d’euros. Les 350 ont permis de révéler l’existence d’ententes quant à la fixation de prix de revente aux consommateurs, notamment entre distributeur et fournisseurs351. L’entente sur les prix se manifeste de diverses manières ; la mise en place de prix indicatifs, la négociation de remises conditionnées au respect des prix fixés par le promoteur du réseau. Le Conseil de la concurrence, dans une décision relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe, indique qu’ « il résulte de cette jurisprudence constante que les clauses des contrats de distribution sélective liant fabricants et distributeurs ou les interventions des fabricants dans la distribution lorsqu’elles visent à limiter la liberté commerciale des distributeurs, par des pratiques de prix imposés ou toute pratique aboutissant au même résultat, sont contraires aux articles 81 du Traité et L. 420-1 du Code de commerce »352. Les clauses relatives à la publicité des marques de luxe peuvent également faire l’objet de sanction, lorsqu’elles sont utilisées pour dissuader les distributeurs de faire porter leurs campagnes publicitaires sur les prix353. 199. - Cependant, la démonstration quant à l’existence d’une coordination de comportements tarifaires issue d’une entente prohibée est d’autant plus difficile puisque le libre jeu de la concurrence peut conduire à un tel résultat. L’alignement simultané des tarifs par l’ensemble des concurrents ou une partie de ceux-ci peut résulter d’une réaction identique des distributeurs face à la concurrence dans le secteur d’activité354. L’application du contrôle du droit des ententes à la phase précontractuelle semble en proie à des difficultés. II/ L’inaptitude du droit des ententes à régir les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution 200. - Certaines particularités propres à la période des négociations, dans l’accord préparatoire, sont incompatibles avec l’application du droit des ententes (A), restreignant son champ d’étude à la seule phase de sélection des distributeurs, qui permet son contrôle (B). entreprises, au cours de réunions, avaient décidé d’user de pratiques de boycott et de menaces de déréférencement envers les fournisseurs, fabricants approvisionnant les grandes surfaces concurrentes. 351 Cons. Conc., 7 nov. 2002, déc. n°02-D-67, St Chapelle et Senavem c/ Sté Darty, Caprofem et certains de leurs fournisseurs, BOCC 28 févr. 2003, p.165. 352 Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04 bis, pt 451. 353 Cons. Conc., 19 nov. 1996, déc. n° 96-D-72, Rolex. Cons. Conc., 19 juill. 2001, déc. n°01-D-45, Ray Ban. 354 Cons. Conc., 5 déc. 2005, déc. n°05-D-66, point 250 - Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04, point 454. A/ Les raisons de l’échec 201. - La nécessité d’une « coordination des volontés »355 semble relever davantage du vocable du contrat que de celui de la négociation. Il faut distinguer d’une part l’analyse des notions d’ « accord » et de « pratique concertée » qui démontrent l’inaptitude du droit de la concurrence à appréhender la phase préalable à la conclusion du contrat (1/) et la perception du « concours de volontés », proche de celle l’approche civiliste, retenue par la jurisprudence, tendant à confirmer cette inadaptation356 (2/). 1/ Les difficultés inhérentes aux notions d’ « accord » et de « pratique concertée » 202. - Pour qu’un engagement soit qualifié d’accord au sens de l’article 81, § 1, il n’est pas nécessaire qu’il constitue un contrat « obligatoire et valide selon le droit national »357. Si tout contrat résulte d’un accord de volontés, tout accord de volontés n’est pas un contrat 358. L’idée générale vise à l’adhésion par les parties à un objet commun, emportant les comportements de chacune des entreprises sur le marché. « Il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée »359. 203. - Transposé à la relation de distribution, cela signifie que le candidat distributeur accepte les conditions du fournisseur, en manifestant sa volonté de se comporter sur le marché en fonction des exigences de ce dernier. La manifestation de volonté expresse, la déclaration de volonté du revendeur au cours des négociations, pour l’établissement d’un projet commun, le contrat-cadre, est plausible. Néanmoins, la démonstration de la manifestation de volonté tacite dans le contrat préparatoire suppose que l’entreprise du candidat distributeur, de part son comportement, traduise son adhésion au projet commun. Il faut que le distributeur figure dans le marché et soit en relation commerciale avec le fournisseur. Ce n’est autre que les caractéristiques qui décrivent un distributeur sélectionné, ayant fait l’objet de l’intégration au 355 La Commission de la concurrence a précisé que « toutes les ententes supposent un concours de volontés, quelle que soit la forme de cet accord et même s’il ne se formalise pas réellement (…) ; la démonstration ou la conviction qu’il y a ou qu’il y a eu un concours de volontés des personnes physiques ou morales juridiquement et économiquement distinctes est une condition absolue de toute incrimination ». 356 Op. Cit. n° 102, p. 77 et s. 357 Com. Déc. 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOUE L 209, 19 août 2003, pt. 123 : un contrat nul au regard du droit civil constitue un accord au sens de l’article 81, § 1, du traité CE. Aussi, en l’espèce l’argument invoqué de la nullité de droit du contrat pour violence est rejeté puisque la validité du contrat n’est pas requise à la caractérisation d’un accord, pour la Commission européenne. 358 J.-P. LEVY et A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz, 1re éd., 2002, spéc. p. 647. 359 CJCE, 14 mai 1998, Carton et CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-49/92, Commission c/ ANIC Partecipazioni : Rec. CJCE 1999, I, p. 4125, pt 130. sein du réseau par la conclusion du contrat-cadre de distribution. La démonstration ne peut être établie dans le contrat préparatoire de distribution du fait de l’absence de relations commerciales entamées. La notion de pratique concertée, concept autonome360, permet d’appréhender les concours de volontés, sans qu’ils ne soient axés autour d’un plan commun. La concordance de volontés résulte d’un échange d’informations361 afin de s’entendre sur comportement futur de chaque entreprise, dans un esprit de coopération mutuelle. Les négociateurs, bien qu’échangeant des informations, délibérément ou par le respect de l’obligation posée par la loi Doubin, ne sauraient caractériser par leurs agissements une pratique concertée. Il convient de rappeler que l’objet du droit des ententes est de sanctionner des concurrents et non pas des futurs partenaires. Alors même que la Cour de Justice a posé un principe visant à ne pas opérer de distinctions entre les accords362, principe critiqué par certains auteurs363, la jurisprudence communautaire364 et nationale365 semble ne sanctionner que les échanges d’informations entre concurrents. 360 CJCE, 14 juill. 1972, Matières colorantes, aff. 48, 49 et 51 à 57/69, I.C.I et a c/ Comm. : Rec. CJCE 1972, p. 619, B. GOLDMAN, obs. sous les arrêts 14 juill. 1972 : Clunet 1973, p. 924. « Si l’article 85 (actuel art. 81) distingue la notion de « pratique concertée » de celle d’ « accord entre entreprises » ou de « décisions d’association d’entreprises », c’est dans le dessein d’appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence ; (…) par sa nature même, la pratique concertée ne réunit donc pas tous les éléments d’un accord mais peut notamment résulter d’une coordination qui s’extériorise par le comportement des participants (…). » 361 Dans son rapport pour 1988, le Conseil distinguait trois catégories de pratiques d’entente anticoncurrentielle : « la détermination ou la mise en œuvre de stratégies communes à plusieurs opérateurs par voie d’entente explicite ou tacite, qui viole la condition d’autonomie des décisions », ce qui recouvre la notion d’ « accord » ; « l’échange d’information sur les stratégies que chacun des opérateurs est susceptible de mettre en œuvre, qui viole la condition d’incertitude », ce qui vise les « pratiques concertées » ; enfin « les pratiques d’exclusion qui limitent ou interdisent l’entrée sur le marché considéré ». 362 CJCE, 13 juill. 1966, Grunding-Consten, 56 et 58/64 73 : « l’article 85, se référant de façon générale à tous les accords qui faussent la concurrence à l’intérieur du marché commun, n’établit aucune distinction entre ces accords, selon qu’ils sont passés entre des opérateurs concurrents au même stade ou entre opérateurs non concurrents situés à des stades différents ». 363 Notamment, J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, op. cit., n° 138, p. 169. Cet auteur trouve cette acceptation discutable puisque « si toute limitation de l’autonomie du comportement des concurrents est une affectation anormale de leur activité, il est tout à fait normal que dans ses relations avec ses fournisseurs, qui ne sont pas ses concurrents, un distributeur consente des restrictions à son autonomie et à sa liberté. Si bien qu’en l’absence d’autre élément, retenir la limitation de l’autonomie des parties comme le critère d’une entente entre un producteur et un distributeur n’aurait pas de sens ». 364 Notamment, TPICE, 15 mars 2000, aff. Jtes T-25/95 et a., Cimenteries-CBR c/ Commission : Rec. CJCE 2000, II, p. 491, pt. 1852 : « toute prise de contact directe ou indirecte de nature à dévoiler à un concurrent le comportement que l’on a décidé, ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché, lorsqu’une telle prise de contact a pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché ». – Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 103 : « La notion de pratique concertée, ou, en droit national, de coalitions, concertations, collusions, s’applique dans le domaine des échanges d’informations entre concurrents. En matière d’entente verticale, un échange d’informations entre Présumer de l’existence de pratiques concertées dans la période précédant la conclusion du contrat-cadre parait inapproprié puisque cela vise à condamner le candidat distributeur pour l’avenir, alors même qu’il n’est pas encore un opérateur économique sur le marché. 204. - L’entente n’est pas caractérisée pour les pratiques issues d’une volonté unilatérale du fournisseur. Le contrôle par le droit des ententes ne peut alors effectuer un contrôle des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution qu’au moyen de la démonstration d’une position dominante de l’entreprise concernée366. 2/ L’affirmation de l’incompatibilité 205. - La Commission interprétait largement la jurisprudence communautaire en matière de réseau de distribution et concluait que l’ensemble des mesures prises par un fournisseur, au sein du réseau, même celles unilatérales, étaient encrées dans des relations contractuelles, caractérisant un « accord de volonté » et étant ainsi condamnables au titre d’une entente. 206. - Toutefois, la jurisprudence la plus récente revient sur cette conception, en imposant la preuve de l’acquiescement du distributeur367. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes368 refuse ce changement, pourtant accepté par la Cour de justice des Communautés européennes369. Néanmoins, l’analyse combinée des deux solutions370 conduit à penser que la mesure ne peut désormais revêtir la qualification d’entente que si les deux partenaires ont exprimé leur volonté commune d’adopter et de suivre la ligne de opérateurs situés à des niveaux différents de la chaîne économique n’est pas en soi nuisible à la concurrence, dans certaines configurations de marchés, il a pour effet de porter atteinte à la concurrence ». 365 Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 103 : « La notion de pratique concertée, ou, en droit national, de coalitions, concertations, collusions, s’applique dans le domaine des échanges d’informations entre concurrents. En matière d’entente verticale, un échange d’informations entre opérateurs situés à des niveaux différents de la chaîne économique n’est pas en soi nuisible à la concurrence, dans certaines configurations de marchés, il a pour effet de porter atteinte à la concurrence ». 366 Art. 82 du Traité CE ; Art. L.420-2 du Code de commerce. 367 Comm. CE, déc. Bayer n° 96/478/CE, 10 janv. 1996, JOCE 9 août, n° L 201, p. 1. En l’espèce, les grossistes avaient poursuivi leurs relations commerciales avec Bayer, caractérisant ainsi leur acquiescement. L’interdiction d’exporter constituait un accord entre les parties, ayant pour objet et pour effet de restreindre la concurrence et qui affectait de manière sensible le commerce entre Etats membres. 368 TPICE, 26 oct. 2000, aff. T-41/96, Bayer AG, Rec., CJCE, II, p. 3383, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 28, obs. S. POILLOT-PERUZZETTO : « La Commission méconnait ladite notion de concordance de volontés en estimant que la poursuite des relations commerciales avec le fabricant lorsque celui-ci adopte une nouvelle politique, qu’il met en pratique unilatéralement, équivaut à un acquiescement des grossistes à celle-ci, alors que leur comportement de facto est clairement contraire à ladite pratique ». 369 CJCE, 6 janv. 2004, aff. Jtes C-2/01 et C-3/01 P, Bundesverband der Arzneimittel-Importere, Europe fév. 2004, comm. 84, obs. L. IDOT. 370 Op. cit. n° 127, p. 95. conduite dictée par ladite mesure, peu important que les relations commerciales soient de nature contractuelle ou bien simplement « établies »371. « Par analogie avec l’analyse contractuelle »372, la qualification d’entente suppose alors la réunion d’une offre et d’une acceptation, c’est-à-dire une invitation373 du fournisseur à laquelle le distributeur adhère. Il convient, dès lors de démontrer l’existence des deux éléments. L’invitation ne pose pas de difficulté puisqu’il suffit que le fournisseur ait invité le distributeur à suivre une démarche commerciale, un projet commun. Toutefois, l’existence d’une acceptation est moins aisée374. Le droit des ententes se révèle être inadapté à l’encadrement des dispositions précontractuelles étant donné que l’accord de volonté est constitué au moment de la conclusion du contrat de distribution. Le droit de la concurrence intervient en aval de la négociation, or notre étude tend à conférer un contrôle en amont de la relation contractuelle. Le second moyen de parvenir à une acceptation suppose l’acquiescement, pour l’adhésion, en connaissance de cause à l’entente, sans ambiguïté possible. Au vu des éléments précédents, en l’absence de relation commerciale, il ne peut y avoir une acceptation tacite. 207. - En matière de sélection des distributeurs, l’arrêt AEG illustre cette analyse en refusant le caractère unilatéral du refus d’agrément : « dans le cadre de l’admission d’un distributeur, politique poursuivie par (le fabricant) exigeant, entre autres, l’exclusion du réseau de distributeurs ayant les qualités pour y être admis, mais n’étant pas disposé à adhérer à cette politique »375. Aussi, dans les relations de distribution, « la simple connaissance d’une pratique, même suivie d’un comportement d’alignement, ne suffit pas »376. 371 Position également partagée par le Conseil de la concurrence. Cons. conc., déc. n° 03-D-66, 23 déc. 2003, Pratiques mises en œuvre par la société Renault et le groupement des Concessionnaires Renault (GCR) dans le secteur de la distribution automobile. 372 E. CLAUDEL, Entente et concours de volonté. De la dénaturation à l’harmonie, RD. 2004, p. 1970. 373 La Cour de justice a estimé, dans l’arrêt Bayer, du 6 janvier 2004, que le refus d’approvisionnement n’était pas constitutif d’une entente, du fait du défaut d’une invitation claire aux grossistes. 374 Le Conseil de la concurrence, dans son rapport annuel de 2006, divise en deux catégories les accords de volontés des articles L. 420-2 du Code de commerce et 81 du traité CE : « soit les accords de volontés sont matérialisés dans une relation contractuelle : les preuves de ces accords résultent généralement, directement, de la signature d’un contrat ; soit les accords de volontés sont tacites : il faut alors démontrer la volonté de chaque participant à l’entente de commettre une pratique anticoncurrentielle ; les preuves, indirectes, de nature variée, sont généralement tirées du comportement des entreprises ». 375 Arrêt AEG c/ Commission, 25 oct. 1983, aff. 107/82, 376 Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques, p. 110. B/ Le champ d’application du contrôle opéré par le droit des ententes circonscrit au processus de sélection, excluant celui de son encadrement 208. - La sélection des distributeurs est encrée dans la période réservée aux négociations et bien que son contrôle par le droit de la concurrence s’effectue une fois le processus réalisé, il semble opportun de percevoir l’influence des enjeux concurrentiels sur le contrôle de la sélection. 209. - L’étude de la satisfaction du besoin de sélection par la mise en œuvre d’un processus licite a été réalisée, en combinant les exigences relevant de la législation française mais aussi communautaire en vigueur. Opérer une distinction entre d’une part les critères issus du contrôle par le droit de la concurrence et d’autre part les exigences nationales n’aurait pas été opportun. Aussi, l’analyse de critères de sélection ainsi que leur mise en œuvre ayant été effectuée377, il convient seulement d’envisager le principe de la non-exclusion d’une forme de distribution. Pour échapper à l’interdiction posée par l’article 81, §1 du traité CE, la Cour de justice précise qu’il faut que subsistent des « canaux de distribution différents »378. Toutefois, les nouveaux modes de commercialisation tels que le commerce électronique sont générateurs de limites. Le principe de non-discrimination trouve à s’appliquer ; l’initiateur du réseau ne peut pas interdire le recours par ses distributeurs à Internet. Cependant, celui-ci peut, par des moyens détournés, justifier d’une telle exception. Par exemple, le fournisseur peut justifier de l’incompatibilité objective d’Internet du fait des spécificités du réseau, en démontrant que ce mode de commercialisation n’offre pas aux consommateurs un service approprié eu égard à la nature des produits distribués379. Le promoteur du réseau pourra également exclure un distributeur n’ayant pas un point de vente physique, « exclusivement Internet »380. La commercialisation en magasin semble être l’élément principal auquel l’on peut ajouter Internet, en tant que mode de commercialisation accessoire. 377 V. Infra n° 73 et s. CJCE, 22 oct. 1986, aff. 75/84, Metro II, Rec. CJCE, p. 3021 : « une restriction ou une élimination de la concurrence peut (…) se produire lorsque l’existence d’un certain nombre de tels systèmes ne laisse aucune place à d’autres formes de distribution axées sur une politique concurrentielle de nature différente, ou aboutit à une rigidité dans la structure des prix qui n’est pas contrebalancée par d’autres facteurs de concurrence entre produits d’une même marque et par l’existence d’une concurrence effective entre marques différentes ». 379 Lignes directrices de la Commission du 13 octobre 2000 sur les restrictions verticales, pt. 51 : « L’interdiction catégorique de vendre sur Internet (…) n’est admissible que si elle est objectivement justifiée ». 380 Cons. conc., déc. n° 06-D-24, 24 juill. 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France, Contrats, conc., consom.2006, comm. 18 ; Cons. conc., déc. n° 06-D-28, 5 oct. 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, Contrats, conc., consom.2006, comm. 122. 378 Le seuil de part de marché maximal est de 30 % pour pouvoir bénéficier de l’exemption, lorsque le fournisseur exclut les revendeurs ne disposant pas d’un point de vente physique. La Cour d’appel de Paris, confirme la décision du Conseil, en précisant que Festina « est fondée à exiger (…) que la vente sur Internet n’intervienne, dans l’intérêt des consommateurs, qu’en complément d’un point de vente physique »381. 381 CA Paris, 16 oct. 2007, 1re ch., sect. H, n° RG: 2006/17900, Bijourama c/ Festina France. Section 2/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par les pratiques restrictives de concurrence 210. - L’utilisation des pratiques restrictives de concurrence au cours du déroulement du contrat préparatoire de distribution (Paragraphe I) semble possible bien que discutable tandis que le contrôle au moment de l’extinction des relations doit être écarté (Paragraphe II). Paragraphe I/ L’adaptation du contrôle des pratiques restrictives de concurrence lors de l’exécution du « contrat préparatoire » de distribution 211. - L’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce est circonscrite à la situation dans laquelle l’une des parties est le « partenaire commercial » de l’autre. Toute la question est de déterminer si, dans l’exécution du contrat préparatoire de distribution, une partie est le partenaire commercial de l’autre. Il est nécessaire de délimiter les contours de la notion, le partenaire est « la personne qui participe avec d’autres à des négociations pour la défense de ses intérêts »382. Certains auteurs soutiennent le fait que le partenaire commercial ne saurait être strictement définit comme le cocontractant383. La relation ne doit pas être nécessairement de nature contractuelle384. 212. - Cependant, l’expression « partenaire commercial » impose, pour l’utilisation de l’article L. 442-6 du Code de commerce, que le partenaire présente une activité économique ; il doit s’agir d’un partenaire économique. Aussi, le fournisseur et le distributeur doivent être en relations d’affaires et non pas seulement envisager leur survenue. La Cour d’appel de Nîmes385 a rejeté son application386 au refus, par un constructeur automobile, d’agréer un ancien concessionnaire dont le contrat avait été résilié. En l’absence de relation commerciale entre les parties, l’exigence requise tendant à un « partenaire économique » n’est pas remplie. 382 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 2004, p. 649. D. FERRIER, Conditions générales de vente et discrimination, LPA, 5 janv. 1998, n° 2. 384 T. com. Avignon, 25 juin 1999, RG n° 98/003658, SA Haladjan et ministre de l’Economie c/ Société Verachtert, RJDA 11/99, n° 1176. 385 CA Nîmes, 2ième ch. 25 janv. 1996, SA Automobiles Citroën c/ SA Alès Auto. 386 Art. 36 de l’Ordonnance n° 86-1273 du 1ier déc. 1986. 383 Le législateur a pris le soin d’élargir le champ d’application de certaines dispositions de l’article387 puisque le terme « partenaire commercial » est parfois remplacé par « tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services ». Dès lors, l’on comprend que le législateur a délibérément limité les possibilités de recours388, rendant ainsi difficile voire même impossible son utilisation au cours de la période préalable à la conclusion du contrat-cadre de distribution. Paragraphe II/ L’impossibilité du recours aux pratiques restrictives de concurrence lors de l’extinction du « contrat préparatoire » de distribution 213. - La rupture des relations entachée de brutalité ou de faute est sanctionné per se par l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce389. Cette disposition, rédigée de manière large et accueillie favorablement par les tribunaux, a pris une telle ampleur qu’elle constitue désormais « la règle prévalant dans le droit qui devient commun, des contrats de distribution, des contrats, voire des relations d’affaires, formule plus évocatrice que celles de relations commerciales établies »390. L’article peut être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé391, lorsque l’existence d’une relation commerciale est établie. 214. - Il convient de déterminer la notion de « relation commerciale établie » pour envisager les possibilités d’appréhension des dispositions propres à l’extinction du contrat préparatoire de distribution. L’élément perturbateur est l’exigence d’une « relation commerciale », qui, de plus est, doit être « établie ». La relation doit d’une part exister mais celle-ci doit également s’étendre sur une période de temps non négligeable, ayant vocation à perdurer, manifestant « une certaine stabilité ». Des relations commerciales n’ayant duré que quelques mois n’est pas suffisant pour remplir la condition d’application de l’article392. 387 Art. L. 442-6 du Code de commerce. Op. cit. n° 172, p. 122. 389 Art. L. 442-6 du Code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice subi, le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels ». 390 D. MAINGUY, Chronique du Droit de la distribution, JCP E 2005, p. 1324, spéc. p. 1325. 391 Cass. com., 6 févr. 2007, n° 03-20.463, D. 2007, p. 1317. 392 Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n° 06-10.390. 388 Les négociations n’ont pas vocation à perdurer, bien que certaines puissent être difficiles et à ce titre, longues393, l’issue est en proie à une instabilité, l’obtention d’un résultat positif, la conclusion du contrat ou bien l’échec des pourparlers. L’essai d’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce est entaché de nombreuses difficultés, privant notre essai d’une issue heureuse. 393 Les longues négociations n’ayant pas été concrétisées par un accord doivent être écartées. Par exemple, Cass. com., 25 avril 2006, RDC 2006. 1033, obs. ROCHEFELD. Conclusion sur l’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par le droit de la concurrence 215. - Le droit de la concurrence opère un contrôle de la licéité de la mise en œuvre du processus de sélection mais ses sanctions se révèlent inadaptées à un réel encadrement des dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution. L’encadrement par les pratiques anticoncurrentielles de la relation fournisseur distributeur, avant la conclusion du contrat-cadre de distribution, est inopportun du fait de la finalité même poursuivie, les effets macroéconomiques. Les subtilités des comportements microéconomiques de distribution ne peuvent être perçues et, de ce fait, appréhendées au moyen d’un tel encadrement. Les pratiques restrictives de concurrence semblent plus adaptées mais sont confrontées à l’absence de relations commerciales établies, puisque le fournisseur et le distributeur ne sont encore qu’en cours de négociation, condition qui fait défaut à leur application. 216. - Le droit de la concurrence, tout comme son homologue civiliste, consacre le principe de liberté contractuelle en vertu duquel nul ne peut être contraint de contracter avec un tiers. Pour certains auteurs, les contrats de distribution peuvent être générateurs d’un conflit entre le droit civil et les considérations concurrentielles. « L'un, au nom de la liberté contractuelle, est attaché à la liberté du contractant ; l'autre, au nom de la liberté de la concurrence et de l'égalité des chances, peut obliger un fournisseur à contracter avec quelqu'un qu'il ne désire pas »394. Néanmoins, la loi du 1er juillet 1996 ayant abrogé le refus de vente, a permis l’émergence d’un nouveau souffle privilégiant le respect de la liberté décisionnelle de sélection. La tendance législative vise à se « désengager de la protection individuelle des concurrents »395, telle en témoigne la loi de modernisation de l’économie396 ayant abrogé l’article L. 442-6, I-I° du Code de commerce, afin d’impulser aux parties plus de liberté dans les négociations. La suppression de la sanction civile des pratiques discriminatoires non justifiées par des 394 M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution, La Sem. Juridique Entreprise et Affaires n° 7, 12 Février 1998, p. 260. 395 J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Bibl. dr. E, Litec, 1999, n° 82, p. 106 : en 1986, l’objectif de la réforme était déjà de « réduire l’intervention administrative dans les mécanismes de marché » pour le « rapprochement entre le raisonnement économique et la pratique institutionnelle ». 396 Loi n° 2008-776, 4 août 2008, art. 93, I. contreparties réelles397 permet aux distributeurs de négocier plus librement les conditions générales de vente ainsi que les conditions tarifaires. 217. - Le « Droit-police » de la concurrence n’étant pas apte à encadrer les négociations dans le processus de sélection, le recours au « Droit-instrument », à la technique contractuelle semble nécessaire. Ayant délimité les contours du processus de sélection par l’appréhension et la satisfaction juridique de son besoin, il convient de s’interroger sur la possibilité d’ériger une ou plusieurs qualifications juridiques du phénomène. L’analyse des divers outils juridiques permettant l’encadrement du processus de sélection est utile ; un tel encadrement juridique du processus de sélection est-il réalisable ? Qu’en est-il de son opportunité au regard des attentes formulées par les différents initiateurs de la sélection ? 397 D. FERRIER et D. FERRE, La réforme des pratiques commerciales, Dalloz, 2008, p. 2234. DEUXIEME PARTIE LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU BESOIN DE SELECTION 218. - Le droit français des obligations a fait l’objet de vives critiques en revêtant notamment la qualification d’un droit peu efficace, à ranger bien loin de la première place dans classement des droits des pays du monde398. Bien que la méthode de cette analyse ayant conduit à de telles observations ait été remise en cause399, les conclusions alarmantes conjuguées à la volonté d’exportation appellent à de nécessaires remaniements voire même à une réforme du droit français des obligations. Un problème essentiel repose sur la conception générale du contrat consacrée par le Code civil. Ce dernier n’envisage que les dispositions applicables au modèle de la vente, contrat à exécution rapide voire instantanée, tandis que l’évolution des besoins du droit des contrats tend vers les contrats de longue durée. Les contrats d’affaires nécessitent l’application d’un droit pratique, économique et non plus d’une conception morale du droit. Loin d’être catégorique, la prise en compte de l’évolution des nécessités de la vie des affaires conduit naturellement à envisager une conciliation entre la réservation des bases, fondements de notre système juridique et la réception adaptée des enjeux économiques actuels. La volonté et l’opportunité de rendre plus attractive la législation française afin de dynamiser son exportation est emprise d’une difficile tâche, ayant impulsé des travaux de recherche. 219. - La prise en considération des dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution ne peut écarter celle, plus générale, des négociations. Il est nécessaire d’assimiler négociation et processus de sélection pour ensuite distinguer les subtilités des négociations en 398 Rapport de la Banque mondiale Doing business ( www.doingbusiness.org). A titre d’exemple, en 2008, le classement des pays sur la « Facilité de faire des affaires », la France arrive en 31è position. 399 M. HARAVON, « Le rapport Doing Business de la Banque mondiale : mythes et réalités d'un rapport sans nuance », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 41, 13 Oct. 2005, 1478. V. aussi, Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française : Après Henri Capitant, l'Association a eu, comme présidents successifs, le bâtonnier Jacques Charpentier, le professeur Robert Le Balle, le doyen Roger Houin, le professeur Philippe Malinvaud et, aujourd’hui, le professeur Michel Grimaldi. ; M. GRIMALDI et D. MAZEAUD, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports doing business de la banque mondiale, Société de Législation comparée. 2006. vue de la sélection. Le phénomène de sélection connait en effet deux temps distincts, celui de la rencontre entre le promoteur du réseau et le candidat distributeur, permettant la mise en œuvre d’une phase de discussion, négociation sur les aptitudes du candidat et puis le moment de l’expression de la volonté de l’initiateur du réseau, la sélection des distributeurs retenus400. La spécificité majeure de la négociation au sein du processus de sélection est son objet. La négociation ne porte pas sur les conditions du contrat-cadre de distribution, du fait qu’elles soient fixées unilatéralement par la tête de réseau, mais sur la personne, sur le candidat distributeur. 220. - L’objet de l’étude vise à conférer au processus de sélection un encadrement juridique, une qualification, génératrice d’organisation et de sécurité au profit des parties401. Néanmoins, il existe une multitude de besoins de sélection402, eu égard aux particularités de chaque système de distribution mais également aux nécessités propres à chaque réseau de distribution. Transiger de manière générale quant à un seul encadrement juridique transposable à l’ensemble des besoins de sélection, aussi variés soient-ils, est impensable. L’initiateur du réseau de distribution doit avoir un intérêt en la conclusion d’un contrat, sans quoi celui-ci refusera de restreindre la liberté contractuelle dont il bénéficie en application du traitement informel des négociations403. Les diverses nécessités de sélection comportent des éléments communs, tels que l’intérêt de préserver la confidentialité du savoir-faire pendant la période précontractuelle, ce qui permet de satisfaire ces processus de sélection, en sécurisant contractuellement les informations transmisses, par exemple. 221. - Il convient, dès lors, d’analyser les caractéristiques des négociations et de déterminer les moyens juridiques et outils contractuels aptes à régir cette phase décisive pour l’avenir des relations. L’identification des mécanismes pouvant régir les négociations tend à envisager des solutions concrètes à l’encadrement du processus de sélection. L’évolution de la prise en compte des négociations vise également à percevoir les tendances législatives, jurisprudentielles. L’étude des dispositions étrangères, ainsi que des projets de réforme, gouvernant les négociations, permet d’envisager les alternatives au choix des outils contractuels retenus. Celle-ci vise à ne pas conclure trop rapidement, sans avoir perçu l’ensemble des possibilités d’encadrement des négociations et de la sélection (Titre I). 400 V. Supra n° 481 et s. V. Supra n° 417 et s. 402 V. Infra n° 71. 403 V. Supra n° 399 et s. 401 Une fois l’analyse des divers moyens d’encadrer les négociations effectuée, l’adaptation de ces mécanismes aux processus de sélection est nécessaire afin de déterminer l’opportunité de chaque outil juridique en fonction de chaque besoin de sélection. Le contrat de négociation parait être opportun dans certaines circonstances, afin de répondre aux attentes formulées par certains phénomènes de sélection. Néanmoins, il faut se détacher d’une analyse trop vague, se contentant d’envisager la sélection au sein du grand ensemble des négociations, et essayer d’identifier pour les spécificités de chaque besoin de sélection, l’encadrement le plus opportun. Les mécanismes juridiques, les outils contractuels doivent être au service des particularités de chaque processus de sélection. La finalité poursuivie par l’ensemble de ce travail de recherche est de trouver des réponses concrètes permettant l’encadrement adéquat de chaque besoin de sélection, afin proposer aux parties une satisfaction opportune, en fonction des particularités de la sélection. Dans une démarche méthodologique, chaque besoin de sélection tend à être satisfait, contractuellement parlant, par tel ou tel outil juridique. Toutefois, certains besoins de sélection sont plus simples, ne nécessitant pas l’aménagement contractuel de certaines dispositions, et amènent à privilégier la seule préparation informelle des négociations. Ainsi, l’objectif est de conférer une grille de lecture à l’initiateur de la sélection, qui trouvera, en fonction des nécessités propres à son processus, l’encadrement contractuel utile. (Titre II). TITRE I La recherche de qualifications aux processus de sélection 222. - Le droit français ne consacre que deux dispositions légales404 à la période précontractuelle de la négociation, alors que des pays voisins405, tels que l’Allemagne, se sont penchés sur la question depuis longtemps. L’évolution de la prise en compte de la période précontractuelle dans le paysage étranger fera l’objet d’une analyse, par la suite, pour essayer de transposer leurs apports au droit français et plus particulièrement aux dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution. 223. - Notre recherche consiste à envisager des hypothèses issues de la jurisprudence, de la doctrine ainsi que des projets de réforme, des principes internationaux et européens de droit des contrats permettant l’encadrement de la phase précontractuelle. Ces analyses nous amèneront à essayer d’appliquer ces dispositions au modèle de la phase précontractuelle ayant pour objet la sélection des opérateurs, préalable nécessaire à la conclusion de contrats-cadre de distribution (Chapitre II). Toutefois, avant d’élargir le champ de l’étude, il est utile de rechercher s’il n’existe pas des solutions à la qualification du processus de sélection, par l’encadrement juridique des négociations, dans l’état actuel du droit français (Chapitre I). 404 Art. 1589 du Code civil. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, article 72-III codifié à l’article 1589-1 du Code civil. 405 Principes pour un droit européen des contrats ; Convention de Vienne du 11 avril 1980. Chapitre I La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils contractuels du droit français 224. - L’article 1108 du Code Civil n’apporte aucun élément concernant les négociations pour la formation du contrat et n’envisage pas l’étude du moment auquel elle se produit. Le principe fondamental de la liberté contractuelle prévaut et semble être à la fois un justificatif à l’absence de dispositions légales applicables à la phase précontractuelle et un obstacle à l’apparition de celles-ci. 225. - La démarche tend à appréhender les dispositions applicables aux négociations pour la conclusion du contrat-cadre de distribution. Les dispositions du Code civil sont inadaptées à l’évolution des caractéristiques des contrats. Aussi, l’essai d’encadrement de la négociation par le droit de la responsabilité civile se révèle être insuffisant à régir certains besoins de sélection, du fait d’un faible encadrement, alors que celui-ci peut être opportun en présence d’autres enjeux inhérents à certains processus de sélection. Seules les règles jurisprudentielles et les éléments explicatifs développés par la doctrine nous apportent des éléments de réponse afin de percevoir les contours des négociations et essayer d’appréhender le moment de la formation du contrat (Section 1). La négociation formalisée, entendue au sens strict, est confrontée à des difficultés rendant inopportun le contrôle de la sélection. L’utilisation de l’outil contractuel est alors nécessaire pour organiser certains besoins de sélection, à condition de sélectionner le ou les outils adaptés (Section 2). Section 1/ L’encadrement de la négociation par le droit de la responsabilité civile 226. - L’encadrement par le droit de la responsabilité civile est rapidement confronté à des limites du fait des spécificités de la préparation informelle de la négociation (Paragraphe I), tout comme l’essai d’adaptation au processus de sélection. La préparation informelle octroie une extrême souplesse aux parties, au bénéfice de la liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection (Paragraphe II). Paragraphe I/ Caractéristiques de la préparation informelle de la négociation 227. - Le principe de liberté contractuelle des parties prédomine (I) ; les quelques nuances qui lui sont apporté n’octroient qu’une faible latitude à l’essai d’un encadrement juridique par le droit de la responsabilité civile (II). I/ Le principe de liberté contractuelle 228. - Le droit des obligations se limite à ne considérer que l’existence de la formation du consentement avec la rencontre des volontés, par le biais de la reconnaissance de l’acceptation par une partie de l’offre proposée par une autre. 229. - La doctrine et la jurisprudence ont effectué des études portant sur cette phase précontractuelle et se sont appuyées, dans un premier temps, sur la distinction existante entre deux périodes, le mariage et les fiançailles. Il s’agit d’illustrer les enjeux de la négociation par l’analyse des fiançailles, préalable usuel et possible du mariage et d’en tirer les conséquences. Des interrogations se sont posées concernant la qualification des fiançailles afin de savoir si ces dernières sont constitutives d’un contrat ou bien si elles ne font l’objet que d’un simple fait juridique. La Cour de cassation a retenu la seconde conception consacrant le principe de la liberté matrimoniale406. Les fiançailles s’analysent comme une promesse réciproque de mariage et ne sont dotées d’aucune valeur obligatoire, leur rupture est libre. Elles se forment 406 Cass. 30 mai et 11 juin 1838, DS., 1838, 1, p. 492 s. sans condition, ne créent pas d’obligation et leur preuve peut être faite par tous les moyens 407. Ainsi, leur rupture ne peut être constitutive d’une faute qui aurait pour effet d’engager la responsabilité de son auteur. Toutefois, la personne ayant été victime d’une rupture abusive408 ou brutale409 des fiançailles peut obtenir réparation du préjudice subi par l’obtention de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle410. En essayant de transposer ces éléments à la phase précontractuelle, la jurisprudence en a déduit que la négociation est une période préalable à conclusion du contrat. Cette période a pour effet de préparer, d’organiser les dispositions contractuelles mais ne présente pas de caractère obligatoire du fait qu’elle soit par nature facultative. Dans la phase de négociation, les parties demeurent libres de conclure ou bien d’y renoncer, conséquence directe du principe de liberté contractuelle qui doit prévaloir. On ne peut donc pas reprocher à une partie de ne pas s’être engagée contractuellement à l’issue des pourparlers car ce n’est pas une faute. La Cour de cassation a reconnu l’absence de faute bien que la situation cause un dommage à l’autre partie du fait de la perte des profits, du gain manqué, qu’il aurait pu obtenir suite à la conclusion du contrat411. La liberté contractuelle est un droit mais la partie ne doit pas en user de manière incorrecte et encore moins dans le seul but de nuire à autrui412. II/ L’aménagement de la liberté contractuelle au moyen de gardes fou 230. - L’intervention de l’insaisissable « bonne foi » peine à influencer le principe fondamental de liberté contractuelle (A). L’engagement de la responsabilité au cours des négociations tend à sécuriser les relations, alors même qu’il demeure limité à des circonstances précises et des conditions strictes (B). 407 Cass. 1re, Civ., 26 mai 1971, D. 1971, p.501 s. Exemple de rupture abusive des fiançailles : Cass., 1re Civ., 3 janvier 1980, D. 1980, IR, p. 295. 409 Exemple de rupture brutale des fiançailles: Paris, 8 nov. 1957, D., 1958, p. 45 s. ; Aix en Provence, 3 mars 2005, Dr. Fam., 2005, n°11, p. 22. 410 Art. 1382 du Code civil. La victime doit réunir les trois conditions d’application, à savoir, l’existence d’une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi. 411 Cass. Com. 10 juin 1986, Bull. IV, n° 123. 412 J. SCHMIDT, La sanction de la faute précontractuelle, RTD. civ. 1974, p. 46 s. 408 A/ Un devoir de négocier de bonne foi 231. - Bien que la période de négociation soit encrée dans la phase précontractuelle, qui n’est presque pas régie par la loi, des règles de conduite gouvernant le déroulement de cette période sont applicables. Il incombe aux parties de respecter un devoir de négociation de bonne foi et de loyauté413, sans quoi celles-ci commettent une faute qui peut engager leur responsabilité. L’appréciation de cette notion de bonne foi et de loyauté dans la négociation a fait l’objet de décisions jurisprudentielles qui ont permis d’en délimiter les contours. Il faut entendre par là, le devoir pour les parties de s’informer et se renseigner en recherchant l’ensemble des éléments nécessaires afin de négocier en connaissance de cause. Ces dernières ne doivent pas se comporter de manière désinvolte414, ni avec légèreté415. Cependant, l’exclusivité de la négociation n’est pas requise, ce qui rend possible l’existence de négociations parallèles à condition de ne pas commettre de faute416. La bonne foi dans les négociations s’illustre par la volonté des parties, avec deux libertés contractuelles qui se font face, de trouver un compromis, de sorte à générer un intérêt commun. 232. - La faute est engendrée par le fait de laisser croire de manière légitime ou de faire croire à l’autre partie de part son comportement qu’il s’agit d’une négociation présentant un caractère d’exclusivité. Lorsque l’exclusivité de la négociation est requise du fait de l’impossibilité de laisser courir des pourparlers simultanés, l’information de l’autre partie et le respect de la confidentialité nécessaire doivent prévaloir417. 233. - Néanmoins, il est important de préciser que « le code civil s'inscrit dans la tradition humaniste, morale du droit français classique, parfaitement belle, honorable et légitime, mais assez peu dans cette dimension économique, disons pragmatique ou pratique si le mot économique effraie, qui, répétons-le encore et encore, n'a pas vocation à supplanter la précédente, mais à ajouter une grille d'analyse, soit pour conforter, soit pour critiquer mais en tout cas pour offrir des réflexions autres, sinon alternatives »418. 413 Y. NEVEU, Le devoir de loyauté pendant la période précontractuelle, Gaz. Pal. 2000. Doctr. 2112 et s. Paris 13 mai 1991, RJDA 1991, n°911 ; RTD civ., 1992.394, obs. J. MESTRE. 415 Versailles 1ier avril 1999, RJDA 1999.1285 ; Com. 22 février 1994, Bull. IV, n°79, RJDA 1994.765. 416 Cass. Com. 2 juill. 2002, RJDA 2003, n°52. 417 Comp. PECL, art. 2302 ; Cass. Com. 3 oct. 1978 ; Bull. Civ. IV, n°209, D. 1980, p. 55, note J. SHMIDT. 418 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, RD. 2009, p. 308. 414 Le concept de bonne foi semble étranger aux contrats d’affaires, ou du moins, rencontre quelques difficultés d’intégration parmi les enjeux économiques. Aussi, il convient de se réserver d’appréhender les négociations d’affaires sous l’angle de considérations morales omniprésentes, mais plutôt de n’y recourir qu’en cas d’abus. En effet, la bonne foi tend à n’intervenir uniquement lorsque les juges ont épuisé d’autres fondements juridiques, tels que les vices du consentement419. Les juges se réfèrent à l’intégrité du consentement au moment de la finalité des négociations, la bonne foi n’a vocation à jouer que de manière occasionnelle pour régir la conduite des pourparlers. B/ L’engagement de la responsabilité du fait de la conduite inappropriée des négociations 234. - Il convient de rappeler la brève évolution du régime de la responsabilité qui s’applique à la rupture de la négociation. Au XIXème siècle, Ihéring a proposé un régime de responsabilité contractuelle du fait de la rupture fautive des négociations. Cette responsabilité est fondée sur une culpa ion contrahendo, une faute commise en contractant. Le droit allemand reconnait le régime de responsabilité contractuelle applicable en matière de rupture fautive des pourparlers. En droit français, la responsabilité précontractuelle n’a fait l’objet que de quelques analyses doctrinales420 pendant longtemps, ce qui rend difficile son étude. 235. - Cependant, un important arrêt de la Cour de cassation421 permet une évolution considérable en consacrant pour la première fois, sous le visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, le régime de la responsabilité précontractuelle. Ainsi, en cas d'échec des négociations « la responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés du code civil peut être retenue en l'absence d'intention de nuire ». La même année, une cour d'appel retient à bon droit que « des négociations aussi laborieuses ne pouvaient être rompues par un simple coup de téléphone » 422. 419 Article 1116 du Code civil. R. SALEILLES, La responsabilité précontractuelle, RTD civ. 1907.697 ; P. ROUBIER, Essai sur la responsabilité précontractuelle, thèse Lyon, 1911 ; A. COHERIER, Des obligations naissant des pourparlers préalables à la formation des contrats, thèse Paris, 1939. 421 Civ. 3e, 3 oct. 1972, Bull. civ. III, n° 491. 422 Cass. Com. 20 mars 1972, JCP, 1973, II, 17543, note J. SCHMIDT ; RTD civ. 1972. 779, obs. G. DURRY. 420 La jurisprudence adopte une position contraire à celle défendue par Ihéring. Celle-ci caractérise l’application de la responsabilité délictuelle par la faute commise dans la période précontractuelle, donc en l’absence de contrat liant les parties. 236. - Les négociateurs peuvent donc voir engager leur responsabilité en cas de conduite abusive des pourparlers (1/), ce qui peut donner lieu à réparation au titre du dommage précontractuel, mais uniquement dans certaines configurations (2/). L’engagement de la responsabilité des négociateurs, tout comme l’indemnisation précontractuelle, demeure limités, étant circonscrits à des conditions strictes. 1/ Les modalités du déroulement abusif des négociations 237. - La responsabilité de la personne peut être engagée lorsqu’elle rompt la négociation alors qu’elle avait laissé espérer à son partenaire la conclusion immédiate ou prochaine du contrat423. Les parties ne peuvent mettre fin aux pourparlers sans explication, au moment où ceux-ci étaient sur le point d’aboutir. Il s’agit d’une faute qui porte atteinte aux devoirs de bonne foi et de loyauté dans le déroulement de la négociation. « C’est la déception de la personne à qui nous avons fait une promesse qui produit l’obligation de l’accomplir. (…) Mais la déception occasionnée par la rupture d’une promesse dépend de deux causes : non seulement de la solennité et de l’assurance avec laquelle la promesse est faite, mais également de l’importance de la chose promise. (…) Nous observons que les hommes sensés mesurent l’obligation où l’on est d’accomplir une promesse à la déception que sa rupture occasionnerait »424. 238. - Le principe demeure la liberté des parties de pouvoir mettre un terme aux négociations mais uniquement lorsque celles-ci ont fait preuve de bonne foi et de loyauté. La Cour de cassation a réaffirmé ce principe et ces nuances, lorsqu’une faute est commise, tout en apportant des éléments explicatifs au régime de responsabilité applicable à la négociation. La victime peut agir sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, qui peut être parfois assortie de sanctions pénales dans le cas de la publicité trompeuse et d’autres sanctions civiles, lorsque les fautes dans la négociation traduisent l’existence d’un dol. 423 Cass. Civ 1ière, 19 janvier 1977, D. 1977, 593, note J. SCHMIDT. A. SMITH, Leçons sur la jurisprudence, traduction, préface et notes de H. COMMETTI, D. 2009, p. 129 « Vendredi 21 janvier 1763 ». 424 239. - Il a été jugé que la création d’une situation d’incertitude prolongée par l’une des partie à l’encontre de l’autre, afin de l’amener volontairement à considérer qu’il existe encore une chance de conclure le contrat alors que ce n’est plus envisageable depuis longtemps, est une faute, constitutive d’une rupture abusive. Il ne faut pas confondre cette situation où le partenaire possède les motifs légitimes de croire que la conclusion est sur le point d’opérer avec le simple avancement des pourparlers qui n’est que le déroulement logique des négociations425 ou bien avec la simple croyance infondée d’une partie. En effet, il n’est nullement question d’entacher les négociations d’un caractère obligatoire qui rendrait effective la sanction de toute rupture des pourparlers, aussi normale soit telle. Le caractère brutal, inattendu, soudain de la rupture peut être constaté dans des cas similaires, il est également condamnable426. 240. - Toutefois, un arrêt du 9 janvier 2007427 émet quelques réticences. Il importe peu de savoir si le motif à l’origine de la rupture des négociations était fondé ou non, dès lors que le motif invoqué était extérieur aux deux négociateurs, mais résultait d’une énonciation d’une tierce personne428. La rédaction des décisions jurisprudentielles429 sur la question engendre quelques interrogations. Si la Cour met en exergue le caractère brutal et non justifié de la rupture, elle le couple systématiquement avec l’avancement des pourparlers. 241. - L’interprétation traditionnelle vise à considérer que la rupture des négociations est un droit susceptible d’abus430, alors que l’on peut envisager qu’il ne s’agit non pas de la sanction de la rupture fautive ou brutale des négociations mais plutôt la condamnation du déroulement de celles-ci. La conduite des négociations serait alors empreinte de mauvaise foi ou de déloyauté, ce qui ouvrirait droit, à la victime des agissements de l’autre partie, à indemnisation. Dès lors, la seule rupture des pourparlers ne constituerait pas le fait générateur de la condamnation, puisqu’étant un droit reconnu à chacun des négociateurs. En l’absence de la 425 Cass. Com. 20 juin 2000, RJDA 2000, n° 1068. Cass. Civ 1ière, 6 janvier 1999, JCP 1998, II, 10066, note B. FAGES. 427 Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297. 428 Les deux parties négociaient une forme de joint venture dans la perspective de la passation d’un contrat d’entreprise. Les pourparlers entre les deux entrepreneurs avaient été rompus en raison d’une énonciation du maître d’œuvre, extérieur aux négociations, et dont la Cour refuse de contrôler la pertinence. 426 429 Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.456 ; Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n° 94-21.561 ; Cass. com., 14 décembre 2004, pourvoi n° 02-10.157 430 Ph. Le Tourneau, La rupture des négociations, Op. Cit. reconnaissance d’un droit discrétionnaire de chaque partie de pouvoir quitter la table des négociations, cela revient à consacrer une obligation de s’entendre sur les termes du contratcadre de distribution. Une telle exigence porterait indéniablement atteinte à la liberté contractuelle des parties et ne saurait être acceptée. Ainsi, la rupture des pourparlers ne serait pas fautif, seul le fait de faire naître et d’entretenir la confiance de son partenaire sur des éléments infondés, visant à l’induire en erreur sur ses réelles intentions serait fautif. Or, en déplaçant la faute sur la conduite des négociations et non plus sur leur rupture, il devient inutile de se référer à la théorie de l’abus de droit dans la mesure où le principe de la généralité de la faute suffit à engager la responsabilité de son auteur. 2/ Le dommage précontractuel 242. - Une fois l’engagement de la responsabilité de l’auteur établi, il faut évaluer le dommage précontractuel431 afin de réparer le préjudice subi. La doctrine a opéré une distinction, entre le dommage résultant de la perte subie et celui du gain manqué, qui n’est pas sans poser des contraintes quant à leur évaluation432. Les décisions de jurisprudence ont fait l’objet de divergences, étant très hétérogènes, concernant la réparation du dommage. La jurisprudence a admis, au départ, l’existence d’un préjudice lié à la perte d’une chance de conclure un contrat avec un tiers à cause du temps perdu avec le partenaire ayant été à l’initiative de la rupture fautive. Le dommage de la personne qui a refusé la conclusion d’un contrat avec un tiers, attendu qu’elle avait les motifs légitimes d’envisager la conclusion du contrat, est réparable433. 243. - Puisqu’il s’agit de différentes composantes du dommage, il s’est posé la question de la réparation cumulative de ceux-ci au nom du respect du principe de réparation intégrale. Ce 431 O. DESHAYES, Le dommage précontractuel, RTD com. 2004, p. 187. La distinction provient selon O. DESHAYES de l’influence de l’article 1149 du Code civil : « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ». 433 CA Lyon, 4 mars 1994, Juris-Data n° 043277 ; CA Angers, 1er déc. 1983, JurisData n° 043730 ; CA Rennes, 7 déc. 1989, Juris-Data n° 047667 ; Com. 7 avr. 1998, D. 1999.J.514, note. P. CHAUVEL ; Com. 18 juin 2002, n° 99-16488. 432 cumul de réparation était admis par une partie de la doctrine434 avant que la jurisprudence ne vienne refuser l’indemnisation du préjudice lié au gain manqué. L'application cumulative des deux conceptions, en présence d'un même comportement, conduit en effet à des résultats incohérents. 244. - L’élément ayant été le centre de nombreuses discutions est la considération du gain manqué par la personne n’ayant pas pu conclure le contrat. L’arrêt Manoukian435, qui vient de faire son entrée dans les grands arrêts de la jurisprudence civile436, s’est prononcé pour la première fois de façon aussi décisive sur les chefs de préjudice à prendre en compte en cas de rupture fautive des pourparlers. « Cet arrêt prend de sérieuses distances avec la jurisprudence dominante » et a érigé une véritable ligne de démarcation des plus appuyées entre la perte subie, réparée, et le gain manqué, non causé437. 245. - Le principe de liberté contractuelle prime sur la réparation du dommage. Cela permet d’en déduire que la réparation du gain manqué, de la perte de chance de conclure un contrat, ne saurait être satisfaite sans porter atteinte à ce principe. La Cour de cassation refuse d’accueillir de façon positive le fait de réparer le dommage consécutif du refus d’une des parties de ne pas conclure un contrat : « les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat »438. La Cour de Cassation maintient une position sévère, refusant de consacrer le droit à réparation de la perte d’une chance et en limitant l’indemnisation du préjudice réparable en cas de « rupture fautive »439. Dans un récent arrêt, celle-ci prononce la cassation d’un arrêt dans lequel les juges du fond avaient accordé des dommages-intérêts pour réparer le préjudice généré par le gain manqué. Les juges avaient souligné le caractère indiscutable de ce 434 CA Versailles, 1er avril 1999, RJDA 1999, n° 1285 ; CA Versailles, 25 sept. 2003, JCP 2004 éd. E., n° 384, obs. P. MOUSSERON. A. LAUDE, La reconnaissance par le juge de l'existence d'un contrat, thèse, éd. PUAM 1992, préf. J. MESTRE, n° 836, p. 514 : « le négociateur qui a légitimement pu croire à une issue constructive des pourparlers et qui se voit refuser la conclusion du contrat peut prétendre obtenir des dédommagements non seulement pour les frais engagés durant les négociations mais également pour le préjudice « global » résultant de la non-conclusion du contrat objet des différentes transactions ». 435 Cass. Com. 26 nov. 2003, Bull. Civ. IV, n°186, RTD Civ. 2004, p. 80, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 436 H. CAPITANT, F. TERRE et Y. LEQUETTE, t. 2, Dalloz, 12e éd., 2008, n° 142GACIV1220080001. 437 J. MESTRE et B. FAGES, Un grand arrêt relatif aux pourparlers, RTD Civ. 2004 p. 80. 438 Cass. Civ. 3ième, 28 juin 2006, JCP 2006, II, 10130, note O. DESHAYES. Comp. Reim, 10 juin 1992, RDJA 1992, n° 893 ; RTD. Civ. 1993.343, obs. J. MESTRE - Rennes, 29 avril 1992, Bull. Joly 1993, p. 463, note J.J. DAIGRE. 439 V. Infra n° 241: il s’agirait plutôt d’indemnisation en cas de conduite fautive des négociations, étant entachées de déloyauté. préjudice et le fait qu'ils disposaient d'éléments suffisants pour l'évaluer. « La faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d'un préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat »440. 246. - La jurisprudence n’autorise que la réparation de l’intérêt négatif, celui que l’entreprise aurait évité si les pourparlers n'avaient pas été entrepris, à l'exclusion de son intérêt positif, celui qu'elle aurait retiré de la conclusion du contrat si les pourparlers avaient abouti. « La Cour de cassation exige ni plus ni moins que soit laissée sans réparation une perte de chance qui, dans la vie des affaires, correspond bien souvent à un préjudice économique réel, que la victime est tout à fait capable de chiffrer sur des bases objectives »441. La Cour de Cassation confirme donc l’engagement de la responsabilité de l’auteur d’une rupture liée au déroulement fautif des pourparlers tout en consacrant l’absence de réparation du dommage lorsqu’il résulte de la perte d’une chance de conclure. Le cas contraire semblerait revenir à consacrer une obligation de conclure. 247. - Bien que les décisions jurisprudentielles accompagnées des études doctrinales aient permis d’apporter des éléments de réponse à l’appréhension de ce régime de responsabilité, il demeure de multiples interrogations et zones d’ombre qui restent encore à explorer442. Paragraphe II/ La réception de l’encadrement par le processus de sélection 248. - Au vu des éléments qui précèdent, la rupture conséquente à la conduite abusive des pourparlers fait l’objet de dispositions permettant d’engager la responsabilité de son auteur. En posant l’hypothèse selon laquelle la phase de sélection peut être assimilée à des négociations, à une période de pourparlers, n’ayant pas un régime précontractuel autre, cela revient à considérer que le déroulement abusif, la rupture abusive ou brutale du processus de sélection engendre un droit à réparation du préjudice subi au profit du distributeur lésé. Cependant, la réparation du gain manqué du fait de la rupture des négociations due à une conduite fautive de celles-ci, de la perte d’une chance d’être sélectionné, et ainsi d’avoir la 440 Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297. B. FAGES, Limitation du préjudice réparable en cas de rupture fautive des pourparlers : sévérité maintenue de la jurisprudence, RTD civ. 2009 p. 113. 442 D. MAZEAUD, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, Mélanges J. GHESTION, éd. LGDJ, 2001. 637 et s. 441 possibilité de conclure un contrat de distribution, ne peut faire l’objet d’une réparation, du moins si l’on se contente de transposer les dispositions de la jurisprudence en matière de rupture fautive des négociations. 249. - L’engagement de la responsabilité de l’initiateur du réseau de distribution sélective, pour son refus de sélectionner un candidat distributeur, en respectant l’application objective et non discriminatoire des critères établis, reviendrait à porter atteinte au principe de liberté contractuelle443. 250. - Néanmoins, la perte d’une chance de récolter les fruits de l’activité économique du fait du refus de la sélection doit être distinguée des pertes financières résultant des frais engagés pendant les pourparlers. Les pertes financières subies, les sommes engagés sont constitutives d’un préjudice économique, qui lui est réparable. 251. - Il faut ajouter que le fournisseur peut engager sa responsabilité également à l'occasion des pourparlers engagés dans le cadre d'une réorganisation du réseau444. 252. - En conséquence, l’encadrement des négociations par le droit de la responsabilité civile s’avère être d’une telle souplesse que l’on peut légitimement s’interroger sur l’existence d’un cadre sécurisant. La réponse semble être négative, au profit de la liberté contractuelle des parties. Celle-ci ne voient engager leur responsabilité que de manière très occasionnelle, et ne sont tenues d’indemniser leur partenaire, victime, dans des cas encore plus rares. L’initiateur du réseau de distribution, en l’absence d’un besoin de confidentialité, d’exclusivité, a tout intérêt à bénéficier de ce seul encadrement, du fait que celui-ci lui permette de conserver toute sa liberté décisionnelle. Toutefois, un franchiseur présentant un savoir-faire développé, aura plus intérêt à recourir à un encadrement plus étoffé, de nature contractuelle, l’assurant de préserver son réseau de distribution445. 443 Op. Cit. J. MESTRE et B. FAGES, « Un grand arrêt relatif aux pourparlers », RTD civ. 2004 p. 80. Cass. com., 20 nov. 2007 : JurisData n° 2007-041591 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 6, note N. MATHEY, rupture de pourparlers au cours du préavis précédant la rupture d'un contrat de distribution. 445 V. supra n° 406 et s. 444 Section 2/ L’inadaptation de l’encadrement au moyen de la formalisation de la négociation : l’opportunité du recours à l’outil contractuel 253. - La formalisation de la négociation, perçue au sens strict du terme, pour son encadrement juridique, conduit à l’émergence de difficultés, rendant inefficient son utilisation et sa transposition au processus de sélection (Paragraphe I). La nécessité de recourir à l’instrument contractuel suppose d’opérer un choix quant à l’outil semblant être adapté au déroulement des négociations, dans la sélection (Paragraphe II). L’identification du contrat de négociation ne s’inscrit que dans une phase préalable, qu’il conviendra de compléter par une étude poussée, tendant à vérifier son aptitude à régir certains besoins de sélection446. Paragraphe I/ Les obstacles liés à la préparation formalisée de la négociation, entendue au sens strict 254. - Les décisions prises au cours des négociations sont encrées dans une période informelle, rendant difficile leur preuve (I). L’obligation d’information précontractuelle est inadaptée à régir la conduite du processus de sélection, n’étant opportune et effectivement condamnable qu’en cas de conclusion du contrat-cadre de distribution (II). I/ La difficulté probatoire des éléments décidés pendant les pourparlers 255. - En règle générale, la phase de négociation ne confère pas aux documents et autres décisions le caractère contractuel puisqu’il ne s’agit que de simples faits. L’exception est faite de certains cas de figure spécifiques tels que les promesses synallagmatiques ou unilatérales de contrat et pactes de préférence447. 256. - La preuve de ces simples faits est libre même si la conclusion du contrat final est intervenue. Toutefois, l’engagement des parties n’a aucune incidence sur les moyens d’apporter la preuve de des éléments échangés, à la seule condition que les négociations se 446 447 V. Supra n° 395 et s ; n° 443 et s. V. Supra n° 269 et s. soient opérées entre professionnels448. Or, dans le cadre de la sélection, l’entreprise intégratrice tend à sélectionner une entreprise dont l’objet est la distribution, revente de marchandises. Il s’agit de deux commerçants indépendants, l’article L. 110-3 du Code de commerce leur est applicable. 257. - Néanmoins, dans un contexte de liberté contractuelle, les parties ont tout intérêt à « gérer la preuve par le contrat »449. La convention de preuve peut être opportune en fonction de besoins de sélection spécifiques. II/ L’inadaptation de l’obligation précontractuelle à régir le déroulement des négociations 258. - Le bon déroulement des pourparlers, conditionne la conclusion du contrat, bien que les négociations ne puissent, à elles même, être suffisantes pour engager les parties. La phase de négociation peut permettre l’interprétation du contrat final de part les éléments résultant des débats et des accords450. 259. - Les vices entachant la validité du consentement des parties au moment de la conclusion du contrat se situent dans la phase précontractuelle. Il peut notamment s’agir de la constatation du défaut de conformité de certains documents tels qu’une étude de marché ayant un effet déterminant quant à l’engagement d’une des parties451. 260. - La violation des obligations précontractuelles à la charge des professionnels constitue un vice dans la formation du contrat du fait que le consentement n’ait pu, faute d’éléments décisifs, être valablement éclairé. L’obligation d’information précontractuelle est circonscrite à des relations spécifiques et ne saurait être applicable dans toutes les phases préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution. La jurisprudence a été pendant longtemps réticente à consacrer une obligation d’information entre deux professionnels, privilégiant la liberté de négociation. La Cour de cassation consacrait un devoir de s’informer et allait même jusqu’à reconnaitre une obligation de se 448 Art. L. 110-3 du Code de commerce. D. MAINGUY, La preuve du contrat, Lamy Droit du contrat, 1999. 450 Cass. Com, 11 mai 1984, n°82-15.925 : le système informatique proposé correspondait « aux besoins contractuellement déterminés par l'avant-projet, le bon de commande … ». 451 Cass. Com, 11 Janvier 1984, n° 82-13.259, Bull. Civ. IV, n° 16, p. 3 ; Quot. Jur. 14 juin 1984, p. 13. 449 méfier à la charge du professionnel, qu’elle qualifiait d’averti452. La doctrine critiquait cette jurisprudence453, refusant notamment d’accepter le fait pour le concessionnaire de devoir vérifier l’exactitude des informations communiquées par le concédant. Une intervention législative est venue opérer un changement radical par rapport à la position jurisprudentielle. 261. - L’obligation d’information précontractuelle est une émanation du législateur454 qui impose au professionnel de délivrer des éléments de renseignement lorsque celui-ci souhaite mettre à la disposition de son futur cocontractant un nom commercial, une marque ou une enseigne en contrepartie d'une exclusivité ou quasi-exclusivité. Le fournisseur doit fournir à son futur distributeur exclusif ou quasi exclusif un document qui comporte l’ensemble des éléments nécessaires455 permettant de s'engager en connaissance de cause. Il doit s’agir d’informations sincères, objectives, remises au futur cocontractant et non pas seulement à sa disposition, illustrant concrètement le projet du contrat. Le distributeur doit disposer d’une durée minimale de vingt jours avant la formation du contrat afin d’évaluer l’opportunité de conclure ou d’y renoncer456. En cas de prorogation, l’obligation d’information n’est pas à réitérer457 tandis qu’en présence d’un renouvellement du contrat, la situation et les caractéristiques économiques ayant probablement évolué, celle-ci doit être à nouveau réalisée. 262. - Il convient de mettre l’accent sur le caractère obligatoire des documents bien que situés dans la période consacrée aux pourparlers. En effet, sous la loi Doubin, le manquement à cette obligation d’information est sanctionné sur le plan pénal par une peine d’amende relative aux contraventions de cinquième classe ainsi que par une sanction civile. Des interrogations se sont posées quant à la sanction civile applicable, la nullité relative, absolue ou bien la caducité. La majorité des décisions jurisprudentielles prononcent la nullité de la convention458 et optent pour un caractère relatif de la nullité en fonction du vice du consentement. 452 Cass. Com, 25 février 1986, Arrêt Peugeot c/ Turco, JCP G 1988, II, 20995, 1re esp., note G. VIRASSAMY ; Bull. civ. 1986, IV, n° 33 ; RTD civ. 1987, p. 85, obs. J. MESTRE - Cass. Com, 10 février 1987, Arrêt Couturier c/ Peugeot, JCP G 1988, II, 20995, 2e esp., note G. VIRASSAMY ; Bull. civ. 1987, IV, n° 41 : « qu'au moment de décider s'il avait ou non intérêt à rester dans le réseau, il appartenait à la société Couturier, dont a été retenue la qualité de professionnel du marché de l'automobile, de s'informer, en l'état de l'évolution de la conjoncture, et de s'entourer de tous éclaircissements lui permettant de mesurer les risques et de former raisonnablement son opinion ». 453 Notamment Obs. J. MESTRE et G. VIRASSAMY (infra 1). 454 Loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989. 455 Décret n°91-337 du 4 avril 1991 : nature des informations à délivrer, concernant le passé, le présent et l’avenir « perspectives de développement du marché concerné ». 456 Article L. 330-3 du Code de commerce. 457 L’obligation d’information doit être effectuée une seule fois puisqu’il s’agit du même contrat. 458 Sauf quelques exceptions de résiliation du contrat : par exemple, T com. Toulouse, 8 févr. 1995, cité par L. et J. VOGEL. 263. - La jurisprudence présente désormais une position établie459 concernant la sanction d’un défaut de l’obligation d’information. La seule méconnaissance des éléments d’information ne saurait suffire à obtenir l’annulation du contrat. Il convient d’apprécier concrètement le lien qui existe entre le défaut de renseignement et le fait que le consentement ait été vicié au moment de la conclusion de la convention. Lorsque la personne est en mesure de connaitre l’ensemble des informations manquantes, quand bien même ce soit en opérant des recherches complémentaires, le vice du consentement ne peut être retenu460. Ainsi, le fournisseur à la charge de prouver que le consentement du distributeur a été éclairé. Cependant, les juges contrôlent attentivement la situation et peuvent en déduire si ce dernier était en mesure d’avoir un consentement éclairé au vu des éléments dont il disposait. La jurisprudence confère un caractère automatique à la nullité du contrat lorsqu’il est établi que le vice du consentement est lié au défaut de l’obligation d’information du fournisseur461. 264. - Le processus de sélection présente des obligations à respecter dans une démarche de protection du consentement du distributeur par le législateur. Ces dispositions législatives tendent à contrebalancer, ce que certains auteurs nomment la situation de faiblesse, de dépendance462 dans laquelle est placé le distributeur par l’engagement d’exclusivité qui le lie au fournisseur. Le fait de permettre au distributeur de s’identifier à une enseigne, en utilisant des signes distinctifs renforce l’effet de réseau463. 265. - La liberté contractuelle souffre d’atténuations au profit de l’insertion de dispositions tendant à une protection. Certains auteurs voient un paradoxe à l’émergence de telles orientations dans les négociations de contrats d’affaires puisqu’il s’agit de relations entre professionnels. Toutefois, les juges ont eu une lecture intelligente du texte en prenant en 459 Cass. Com, 10 févr. 1998, no 95-21.906, Bull. civ. IV, no 71, p. 55, RTD civ. 1998, p. 365, obs. J. MESTRE, JCP éd. E 1998, p. 894, note L. LEVENEUR ; Cass. Com, 5 décembre 2000, n° 97-21.631 ; Cass. Com, 11 mars 2003, n° 97-14.366. 460 Cass. Com, 7 juillet 2004, n° 02-15.950 : « la méconnaissance par une partie des dispositions de l'article L. 330-3 du Commerce ( … ) ne peut entraîner la nullité de la convention qu'autant qu'elle a eu pour effet de vicier le consentement » ; « qu’à la date à laquelle elle a signé le contrat pour l’exploitation de la station en cause, la société Hubert avait exploité depuis plus de six années des stations-services Esso dans des environnements fort différents et avait été à même d’apprécier les chances et les risques d’une telle exploitation ». 461 Cass. com., 2 déc. 1997, Andreco, D. 1998, somm. p. 334, obs. D. FERRIER - Cass. com., 19 oct. 1999, Prodim, Cah. dr. entr. 2000, n° 4, p. 19, obs. J.-L. RESPAUD - Cass. com., 21 nov. 2000, Verjo c/ Bonaudo, Cah. dr. entr. 2001, n° 4, p. 26, note J.-L. RESPAUD ; Contrats, conc. consom. 2001, comm. 20, note L. LEVENEUR - Cass. com., 21 janv. 2003, Sté Moto-Ouest c/ Sté MBK, Contrats, conc. consom. 2003, comm. 68, note L. LEVENEUR - Cass. com., 4 févr. 2004, Sté Fina, Cah. dr. entr. 2004, n° 3, p. 29, obs. J.L. RESPAUD. 462 V. Infra n° 6. 463 V. Infra n° 4 ; D. FERRIER, Op. Cit., «C’est l’effet sectaire ». compte la qualification de professionnel du distributeur tout en considérant l’existence d’informations déterminantes du consentement et d’autres, qui ne sont qu’accessoires. 266. - L’obligation précontractuelle d’information n’a néanmoins aucune incidence sur le déroulement des négociations puisque ce dispositif tend à s’appliquer vingt jours au moins avant la conclusion du contrat. En cas d’échec des négociations, le contrat n’étant pas conclu, le fournisseur ne peut être pas tenu par une obligation « fantôme ». Il n’y a pas de contratcadre de distribution, il n’y a pas d’obligation d’information et par conséquent, pas de possibilité de sanctionner son manquement. En effet, alors même que des négociations sont survenues, il devient impossible de dire quand l’obligation d’information aurait du être fournie. De ce fait, on ne peut pas sanctionner un fournisseur pour défaut d'information précontractuelle si les négociations n'ont pas abouti à la conclusion du contrat. L'exigence d’information se rattache à la conclusion du contrat, et non pas à la négociation en elle-même. L’obligation d’information est alors inadaptée à l’encadrement des négociations, celui du processus de sélection. Paragraphe II/ Les solutions apportées par l’outil contractuel 267. - Une sélection des instruments contractuels est nécessaire afin d’écarter les outils inadaptés (I) et ne conserver que ceux qui semblent464 satisfaire à l’objectif poursuivi (II). En effet, certaines conventions ont trait à la conclusion du contrat définitif alors que d’autres sont uniquement relatives à sa négociation. L’objet de cette recherche n’est pas de transiger quant à la conclusion du contrat de distribution mais d’organiser, par l’intermédiaire de la sélection, les négociations s’y afférents. 464 L’emploi du verbe « sembler » trouve toute son importance puisqu’il s’agit de choisir l’outil contractuel qui correspond a priori à la qualification du processus de sélection. Cependant, l’essai de transposition aux caractéristiques des contrats d’affaire est essentiel. La seule vérification a posteriori de l’efficacité de cet outil contractuel permettra de conclure. I/ Les outils contractuels a priori inadaptés 268. - Ceux que certains auteurs ont eu l’occasion de qualifier de « presque contrats »465, de « simples instruments de secrétariat »466, bien qu’il s’agisse avant tout chose de contrats467, tels que les lettres d’intention et les engagements d’honneur sont délibérément écartés de l’étude. L’essai d’élaborer une qualification du processus de sélection, de conférer un encadrement juridique à chaque besoin de sélection, ne concerne, dans un premier temps, que les promesses de contrats (A) et les accords de préférence (B). A/ Les promesses de contrat 269. - Les promesses de contracter visent à fixer la volonté d’une ou des parties de conclure le contrat définitif et ne servent nullement à réguler le déroulement des négociations. Bien que le contrat de promesse ait un caractère provisoire et préparatoire, n’étant qu’une étape et non pas une fin en soi, celui-ci ne satisfait que le moment de la fin des négociations, la promesse de donner son consentement au contrat-cadre de distribution. Pour davantage de clarté, la situation dans laquelle les deux parties sont engagées par la promesse, donc synallagmatique (2/), est distinguée de l’hypothèse d’une promesse unilatérale (2/). 1/ La promesse synallagmatique 270. - Un type de contrat préparatoire peut comporter une obligation de contracter bien qu’il s’agisse d’une période consacrée aux pourparlers. Le cas des promesses de contrat est souvent utilisé dans le but d’éviter que l’issue des négociations souffre d’imprécisions en présence de situations juridiques ou techniques complexes. Le recours à cet outil juridique qui revêt un caractère obligatoire dans une phase de préparation confère aux parties une sécurité quant à la survenance de la conclusion du contrat définitif. 465 P. MALAURIE, L. AYNES et P. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois 2005, 2 e éd., n° 439, p. 203. 466 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, Francis Lefebvre 2e éd. 1999, n° 83, p. 5. 467 C. LARROUMET, Droit civil, t. 3, Les Obligations, le contrat, Économica 2005, 5e éd., n° 288, p. 257 et 258 « À la différence de l'offre de contrat, l'avant-contrat est lui-même un contrat. Seulement il s'agit d'un contrat préparatoire du contrat définitif qui n'est pas encore conclu (...)...les volontés des contractants s'étant rencontrées sur ce qui fait l'objet du contrat préparatoire, celui-ci les lie comme n'importe quel contrat ». 271. - Toutefois, la distinction entre le contrat de promesse synallagmatique et la conclusion du contrat-cadre de distribution n’est pas aisée. « La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des parties sur la chose et le prix »468. Le Code civil assimile la promesse synallagmatique de vente au contrat définitif. 272. - La formation du contrat-cadre de distribution n’est pas subordonnée, à peine de nullité absolue, à la production du document d’information précontractuel469. Le contrat principal est alors consensuel470 et la promesse synallagmatique de contrat-cadre de distribution vaut contrat471. Le consentement des parties étant intervenu, cela suffit à la formation du contrat. Aussi, l’exécution forcée en nature du contrat définitif peut être ordonnée puisque l’inexécution de la promesse est traitée comme celle du contrat-cadre de distribution. 273. - Sauf stipulation dans la promesse d’une condition suspensive ou d’un terme, la promesse emporte le transfert de la propriété et des risques à l’acheteur dès sa conclusion472. En conséquence, un distributeur pourrait, théoriquement, demander l’exécution forcée du contrat-cadre afin d’être intégré dans le réseau. Toutefois, cette affirmation semble douteuse étant donné que le promoteur du réseau et le distributeur, pour le bon fonctionnement du réseau, doivent entretenir des relations cordiales. Dès lors, l’on pense plutôt à la condamnation à des dommages et intérêts du fait de la rupture de la promesse473. 274. - La question de l’absence d’autonomie de la promesse synallagmatique de contrat est centrale. La Cour de cassation a rappelé que « la règle selon laquelle le promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère supplétif »474. Les parties peuvent décider de reporter la formation du contrat définitif en subordonnant la promesse « ad validitatem » à l’intervention 468 Article 1589 du Code civil. Cass. com., 10 févr. 1998, Bull. civ. IV, n° 252 : Pour que l’annulation du contrat soit prononcée, il convient que le créancier de l’obligation d’information apporte la preuve que leur omission a eu un impact sur son consentement. Le défaut de l’obligation d’information ne suffit plus au prononcé de la nullité. La formalité s’apparente à une règle de fond, le contrat est donc bien consensuel. 470 Les contrats de distribution sélective, de concession exclusive et de franchise, se forment par la simple rencontre des volontés. Ils sont donc consensuels. 471 La promesse synallagmatique d’un contrat solennel ne « vaut » jamais contrat définitif. 472 Civ. 3e, 14 janv. 1987, D. 1988.80, note J. SCHMIDT : les promesses synallagmatiques de vente peuvent être exécutées comme des ventes. L’acquéreur peut être condamné à payer le prix et le vendeur à livrer les biens. 473 CA Paris, 15e ch., 15 mars 1995 : JurisData n° 1995-021061 : La lettre d’un distributeur indiquant sans conditions ni réserves qu’un projet d’implantation d’une grande surface à son enseigne a été affecté au candidat franchisé, et accepté par ce dernier, constitue une promesse synallagmatique de franchise dont la rupture par le franchiseur engage sa responsabilité envers le franchisé. Celui-ci a droit à la réparation du préjudice subi consistant en la perte de l’espoir de réaliser des bénéfices. 474 Cass. 3e civ., 10 mai 2005, n° 03-19.238, RDC 2005, p. 1076, note F. COLLART DUTILLEUL. 469 d’un élément, à l’accomplissement d’une formalité. Ainsi, la promesse ne vaudra pas contrat sans la réalisation de la condition prévue par les parties. En cas d’inexécution de la promesse par l’une des parties, cette dernière ne peut pas se voir contrainte à exécuter ledit contrat, l’inexécution d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts. 275. - Dans le cas où la formalité n’est pas une condition de formation du contrat, celle-ci affecte seulement les effets du contrat475, non pas son existence ; la promesse vaut alors contrat. 276. - Le processus de sélection ne se réalise effectivement pas en un trait de temps du fait de l’importance du choix et des effets que cela engendre. « La négociation ne se cristallise pas en un instant, elle se construit par étapes successives, afin de préparer au mieux la longue relation qui doit naître d’un tel contrat-cadre »476. La promesse synallagmatique n’apporte aucun élément de réponse permettant l’organisation du déploiement des négociations et donc de la mise en œuvre du processus de sélection. Cependant, celle-ci peut être utile à certains besoins de sélection, au moment de la finalisation des négociations477. Le promoteur du réseau et le distributeur trouvent un intérêt à conclure une telle promesse, de sorte à figer leur consentement, tout en le subordonnant à la réalisation d’une condition, par exemple. 2/ La promesse unilatérale 277. - Il convient de distinguer l’acceptation de la promesse issue du contrat préparatoire et la levée de l’option478. Seul le promettant s’engage envers le cocontractant à conclure le contratcadre de distribution. Le bénéficiaire de l’option peut accepter ou non, dans un certain délai, de conclure la convention définitive, dont les éléments essentiels sont prédéfinis. Bien que le contrat préparatoire présente un caractère contractuel du fait de l’engagement d’une des parties, seule la conclusion du contrat de vente emporte transfert de propriété. 278. - Le promettant s’engage à « maintenir l’offre figée par la promesse »479. Toutefois, la jurisprudence autorise ce dernier à rétracter son engagement avant la levée de l’option par le bénéficiaire, sans craindre que celui-ci puisse obtenir une exécution forcée de l’obligation480. 475 Il peut s’agir d’un terme suspensif ou d’une condition suspensive. A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 449, p. 288 et s. 477 V. Supra n° 512. 478 Tout comme la distinction entre le contrat-cadre et les contrats d’applications. 479 J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat, Op. Cit., n° 556, p. 340. 476 279. - Le Professeur Daniel MAINGUY distingue le consentement à la promesse, dont l’objet est de maintenir son offre de contracter, du consentement au contrat définitif. Aussi, la rétractation « excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir »481. Il convient d’en conclure que « ces volontés de vendre n’avaient pu se rencontrer, que le consentement à la vente était impossible, ce qui semble nier le fait que le promettant ait déjà donné son consentement à la vente »482. Le contrat de promesse est un « contrat ordinaire et autonome des autres contrats et notamment du contrat préparé. Les consentements nécessaires à la formation de ces deux contrats sont donc bien séparés »483. Le contrat préparatoire est autonome du contrat préparé. 280. - L’intérêt de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale peut être anéanti par le promettant. La promesse unilatérale semble en proie à une insécurité et une imprévisibilité, tendant à remette en question sa réelle utilité. L’efficacité de ces instruments est sujette à caution du fait de son imprévisibilité. Toutefois, au moment de la conduite des négociations, faire consentir de telles promesses unilatérales aux candidats distributeurs, permet à l’initiateur du réseau de s’assurer du maintient de leur candidature. Ou du moins, puisque le promettant pourra renoncer à sa promesse, le promoteur du réseau pourra obtenir réparation, être dédommagé ; chose impossible en application des négociations informelles, du fait du principe de liberté contractuelle des parties. B/ Les accords de préférence 281. - Le pacte de préférence tend à l’organisation de la formation d’un contrat final puisqu’il offre à un partenaire le bénéfice d’être sélectionné afin de pouvoir conclure ladite convention. Ce contrat préparatoire est générateur d’une obligation de préférence à l’égard du bénéficiaire du pacte mais ne tranche pas quant à l’issue du contrat définitif. Celui-ci ne prévoit pas la conclusion du contrat qui est laissée à l’appréciation du promettant, ni le contenu de la convention qui peut ne pas être arrêté, mais lui impose une obligation négative de ne pas conclure avec un autre partenaire, avant de l’avoir fait avec le bénéficiaire. Il s’agit d’une 480 Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199. D. MAINGUY, L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ. 2004, p. 1. 482 Ibid. 483 Ibid. 481 sorte de droit de préemption d'origine conventionnelle dont la violation est sanctionnée par l’engagement de la responsabilité du promettant et la réparation par des dommages et intérêts. Le débiteur du pacte de préférence propose la conclusion d’un contrat par priorité à une personne déterminée qui est libre de consentir ou pas. Il ne s’agit nullement de consentir au futur contrat de façon irrévocable. « Le pacte de préférence assure au bénéficiaire la primeur d’une offre éventuelle, alors que la promesse unilatérale de contracter assure au bénéficiaire l’exclusivité d’une offre actuelle »484. Le pacte de préférence est un instrument autonome, générateur d’une obligation de préférer. Les parties demeurent libres dans le déroulement des négociations. 282. - L’accord de préférence présente un intérêt dans l’hypothèse où le candidat distributeur consent une obligation de préférer l’intégration au réseau de l’initiateur de la sélection, étant donné que cela sécurise le choix du promoteur du réseau. Celui-ci pourra faire consentir autant de promesses que de candidats « pré-sélectionnés » et bénéficiera d’un pouvoir décisionnel plus appuyé encore. 283. - Toutefois, s’il s’agit d’un réseau de distribution sélective, les exigences d’objectivité et de non-discrimination sont violées par l’obligation de préférence. La validité de cet outil contractuel est alors discutable, notamment au regard du droit de la concurrence. 284. - Un autre problème est sous-jacent, celui de la détermination de la nature de l’obligation. « Il s’agit, sans doute, d’une obligation de faire, réserver la priorité de l’offre à son destinataire qui contient, comme une ombre, une exigence de ne pas faire, celle de ne pas offrir la conclusion du contrat envisagé à des tiers »485. Dès lors, « cette exigence contractuelle corollaire peut-elle être propulsée au rang d’obligation contractuelle de ne pas faire ? »486. Le Professeur D. MAINGUY conclu « si obligation de ne pas faire il y a, elle n’est donc sans doute que l’obligation de ne pas offrir le contrat préparé à la vente à un autre que le bénéficiaire avant qu’une offre lui ait été utilement destinée, c’est-à-dire qu’elle est bien l’ombre portée, en négatif, de l’obligation de faire »487. L’obligation est double pour le promettant ; proposer au bénéficiaire une offre et, en parallèle, se réserver de la proposer à un tiers tant que le bénéficiaire ne s’est prononcé. 484 D. MAINGUY, La violation du pacte de préférence, Droit et patrimoine, 2006. Ibid. 486 Ibid. 487 Ibid. 485 285. - Le pacte de préférence n’apporte pas une réelle sécurité aux négociations puisque l’obligation de préférence n’engendre que peu de conséquences. S’il on considère qu’il s’agit d’une véritable offre, le bénéficiaire n’a d’autre choix que d’accepter ou de refuser le contrat proposé et établit unilatéralement. Dans l’hypothèse où il ne s’agirait pas d’une véritable offre, alors le pacte ne commande que d’entreprendre les négociations. La volonté d’ériger un véritable encadrement au processus de sélection semble encore insatisfaite. 286. - Il convient néanmoins d’apporter une nuance à cette affirmation. La conclusion d’un accord de préférence peut se révéler opportune dans certains cas, notamment pour s’assurer que le candidat distributeur n’intégrera pas un autre réseau de distribution. Le fournisseur, grâce à l’accord de préférence, sécurise sa relation avec le candidat distributeur, puisque celui-ci est contraint de préférer conclure le contrat-cadre de distribution avec le fournisseur, sans quoi il devra indemniser la tête de réseau. II/ Les outils contractuels a priori « sélectionnés » 287. - La figure contractuelle qui semble permettre une appréhension des dispositions préalables à la survenance de la sélection, à la conclusion du contrat-cadre de distribution, est le contrat préparatoire. L’appellation « avant contrat » n’est pas retenue, puisqu’étant en proie à des critiques (A) ; le contrat de négociation parait être l’outil contractuel se rapprochant le plus des besoins inhérents à l’organisation élaborée des négociations (B). A/ L’« avant contrat » ou « la possibilité d’une île »488 288. - Le contrat préparant la survenance d’un second contrat, contrat-cadre de distribution, n’est tout de même plus une zone de non-droit489. Ce premier contrat, d’un point de vue purement chronologique, est tantôt traité d’avant-contrat et tantôt vivement critiqué pour cette appellation que certains lui ont conférée. 289. - Le refus de nommer ce contrat d’avant-contrat réside très exactement dans le fait qu’il ne s’agit que d’un cadre contractuel comme un autre, sans éléments ni en plus ni en moins. Le 488 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, RD. 2009, p. 308. - M. HOUELLEBECQ, La possibilité d’une île, éd. Fayard, 2005. 489 J. CARBONNIER, Droit Civil : les Obligations, PUF 22ième éd. 2000. Professeur D. MAINGUY conclu que « la notion d' « avant-contrat » est une horreur ». L’auteur poursuit par une explication qui lutte contre ces préjugés et qui s’efforce d’éclaircir notre esprit, « il existe des « contrats préparatoires » sans doute, mais pas des « avantcontrats », et surtout pas avec ce « - » entre « avant » et « contrats » qui laisse entendre que les contrats préparatoires seraient une catégorie déclassée de contrats : ils sont des contrats, de la période de l'avant contrat, de la négociation du contrat »490. Néanmoins, reprenant ses termes, il ne s’agit là que de « broutilles ». Il convient d’envisager les moyens disponibles qui permettent un encadrement de la négociation avec, notamment, l’implication d’un contrat préparatoire. 290. - L’ « avant contrat » est perçu par certains auteurs comme désignant « soit de véritables contrats tels qu’une promesse pure et simple de contrat ou un contrat préliminaire à la vente d’immeuble à construire, soit plus généralement et plus vaguement toute espèce d’accord préliminaire passé lors des pourparlers, de façon informelle en vue de la conclusion ultérieure d’une convention en général plus formaliste »491. Cette définition fait l’objet de critiques par une partie de la doctrine qui trouve regrettable d’effectuer une telle confusion entre la période réservée à l’avant contrat et les contrats préparatoires492. 291. - Dans un objectif d’organisation de la phase précontractuelle, les parties peuvent être amenées à préparer la conclusion du contrat final par un contrat dit « préparatoire ». Certains documents sont à tord qualifiés de documents contractuels alors qu’ils ne traduisent en rien un échange valable des consentements des parties. 292. - La rencontre des volontés réalisée dans la seule phase de préparation amenant à la formation du contrat ne peut constituer à elle seule la conclusion du contrat définitif. Il convient de préciser que l’organisation de la formation du contrat par une convention préparatoire ne dispense absolument pas la signature du contrat principal ; elle seule atteste de l’engagement des parties493. 293. - Il semble préférable de ne pas utiliser le terme « d’avant contrat » étant donné qu’il s’agit ni plus ni moins de contrats, comme les autres. 490 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, Rec. D. 2009, p. 308. 491 G. CORNU, Vocabulaire juridique (Assoc. H. CAPITANT), PUF, coll. « Quadrige ». 492 J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001. 493 CA Paris 12 mai 2006 n° 04-9488, 25e ch. A, SARL IDEIS c/ SA Alsthom Transport. B/ Le contrat de négociation : une solution envisageable 294. - L’objet de la recherche est centré sur la période précontractuelle, consacrée aux négociations, et plus particulièrement à la sélection. Aussi, un modèle contractuel parait octroyer la liberté contractuelle nécessaire aux parties tout en sécurisant les informations échangées494, par exemple. 295. - Il parait opportun pour les partenaires de conclure un contrat de négociation afin de s’assurer de la participation de l’autre partie à la table des négociations. Dans le contrat de négociation, les parties créent à leur charge une double obligation ; celle d’entrer en discussion, l’obligation est de résultat et celle de négocier de bonne foi, l’obligation est de moyens495. Le refus de l’une des parties de ne pas participer aux pourparlers est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle. 296. - Néanmoins, dans le cadre du processus de sélection, ces éléments ne sont pas fondamentaux aux yeux du promoteur du réseau. En effet, pourquoi prévoir contractuellement l’obligation de négocier et ce, de bonne foi, puisque celui-ci entrera forcement en négociation avec les candidats distributeurs afin de mettre en œuvre son processus de sélection ? Les candidats revendeurs ont tout intérêt également à rencontrer l’initiateur du réseau afin de pouvoir être intégrés et donc de négocier. L’obligation de négocier n’est pas causée du fait que celle-ci n’a pas d’effet sur la sélection. La réponse est ailleurs ; le contrat de négociation offre la liberté aux parties, ou plus justement au promoteur du réseau, d’aménager les dispositions quant à la conduite des négociations, en insérant des clauses utiles. 297. - Ce cas de figure est fréquent entre professionnels lorsqu’ils envisagent de conclure un contrat d’affaire. Dans l’accord de négociation sont insérées des clauses de confidentialité, d’exclusivité ou encore un calendrier permettant d’organiser le déroulement des pourparlers. Il s’agit d’un réel engagement des parties de négocier les conditions du contrat définitif et non pas d’un simple accord de principe. 298. - Tout l’enjeu de ce processus est d’envisager un ensemble d’éléments dans la période des négociations, désormais contractuelle, afin de décider quant au choix d’un partenaire pour la conclusion du contrat final. 494 V. Supra n° 444 : Les parties peuvent aménager leurs obligations, découlant des clauses et autres dispositions insérées dans le contrat de négociation. Il peut notamment s’agir d’une clause de confidentialité. 495 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, Droit Civil, 9e éd., Précis Dalloz, 2005, n° 474, p. 477 et s. 299. - L’insertion de clauses offre la possibilité d’aménager les conditions de l’accord de négociation. Il parait notamment intéressant de faire figurer dans l’accord de négociation le droit pour chacune des parties de pouvoir rompre l’accord ad nutum sans avoir à verser d’indemnités496. Cela permet d’informer les partenaires de l’incertitude quant à la conclusion du contrat définitif et évite ainsi de créer des croyances légitimes contraires. Toutefois, il existe un plus grand intérêt à prévoir des clauses en fonction des souhaits de l’initiateur du réseau, afin de réduire la possibilité d’appréciation du juge quant à l’importance ou non de certains manquements. Le contrat de négociation par la liberté qu’il consent aux parties, permet une adaptation casuistique de l’encadrement de la sélection. 496 Cass. Civ 1ière, 5 novembre 1996, n° 94-20.817, Bull. Civ. I, n° 379, p. 265. Conclusions tirées de la recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils contractuels du droit français 300. - La qualification du processus de sélection s’effectue au moyen de l’essai d’un encadrement juridique des négociations. Le premier temps de la recherche tend à déterminer, sélectionner les instruments juridiques permettant de satisfaire le but recherché ; à savoir l’organisation et la sécurisation des négociations. La liberté contractuelle des parties prédomine, n’octroyant qu’une efficacité limitée à l’encadrement par le droit de la responsabilité civile. L’obligation précontractuelle d’information est inadaptée à régir le déroulement des négociations et ne tend à s’appliquer qu’en cas de conclusion du contratcadre de distribution. 301. - L’outil contractuel parait plus apte à régir le processus de sélection ; la préparation formalisée de la négociation, entendue au sens strict, n’étant pas suffisante. La liberté contractuelle s’engouffre dans le régime de la promesse unilatérale, ce qui participe à l’imprévisibilité de l’instrument. Cependant, la promesse unilatérale peut s’avérer utile au promoteur du réseau afin de s’assurer des candidatures des distributeurs postulants. Recourir à la promesse synallagmatique n’est opportun qu’à la fin des négociations, pour formaliser le résultat de la sélection et non pas son déroulement. Les accords de préférence ne sont pas aptes à ériger un véritable encadrement ; leur opportunité n’est dévoilée que pour asseoir la liberté décisionnelle de l’initiateur du réseau, par la préférence qui lui est consentie par les candidats revendeurs. Aussi, au stade de l’étude des seuls mécanismes nationaux, le contrat de négociation est un encadrement possible, pouvant être opportun lorsque le fournisseur présente un besoin de sélection qui nécessite de sécuriser son savoir-faire par exemple497. La liberté contractuelle des parties et notamment du fournisseur est préservée tout en permettant l’aménagement de dispositions, telles que la clause de confidentialité. Les parties peuvent, par la rédaction du contrat, indiquer les exigences auxquelles le fournisseur accorde plus d’importance, au détriment de celles jugées secondaires ; limitant ainsi à la possibilité de leur interprétation par le juge. 497 V. Supra n° 443 et s. 302. - Toutefois, avant d’appréhender l’opportunité de chaque outil en fonction des différents besoins de sélection et les enjeux de la sélection, il semble nécessaire de vérifier s’il n’existe pas d’autres solutions, mécanismes juridiques alternatifs émanant des projets de réforme et des régimes étrangers. Dans l’affirmative, cela vise à proposer plusieurs réponses à la qualification du processus de sélection. Si tel n’est pas le cas, le déploiement de la recherche aux frontières internationales confortera la position adoptée. Chapitre II L’élargissement de la recherche aux frontières internationales 303. - L’encadrement juridique, ou plus justement les encadrements juridiques possibles au processus de sélection, dans la période des négociations, ne peuvent se limiter aux seuls mécanismes juridiques contenus dans le droit français. L’élargissement de la recherche est nécessaire à l’aboutissement du travail. La même méthode est reprise, celle-ci est seulement exportée à l’étranger et doit composer avec les enjeux internationaux. L’intérêt est double ; il s’agit d’appréhender les spécificités juridiques des négociations, à l’échelle mondiale, afin d’envisager des alternatives aux outils contractuels a priori retenus. En parallèle, l’objectif est d’opérer une première vérification permettant de s’assurer de l’opportunité des choix effectués, avant une analyse détaillée, concrète de l’utilité de chaque mécanisme à régir tel ou tel besoin de sélection. 304. - L’étude se consacre aux régimes étrangers (Section 1) afin d’effectuer une sorte d’état de la situation, des lieux des dispositions étrangères. Etant donné que le droit français fait l’objet de plusieurs projets de réforme, tels que l’avant projet de réforme du droit des obligations ou le projet de la Chancellerie, il parait opportun de s’interroger sur les modalités de prise en considération des négociations pour notamment envisager si le droit français est à l’aube d’accueillir l’émergence d’un droit des négociations (Section 2). Question qui reste, pour l’essentiel, sans réponse ou qui trouve de seules réponses à demi-mots. Les dispositions portant sur les négociations dans les « Principes Unidroit » et les « Principes pour un droit européen des contrats », permettent de percevoir l’influence de la liberté contractuelle des parties, prédominante à celle d’un encadrement de la période précontractuelle. L’analyse au moyen d’inspirations étrangères et de l’actualité législative, traitant de la période consacrée aux négociations, a le mérite de conférer un nouveau regard sur la manière de traiter la question mais n’apporte pas de solution novatrice aux qualifications opportunes du processus de sélection. Section 1/ Inspirations venues d’autres régimes juridiques 305. - Le déroulement de notre étude conduit à confronter les régimes anglo-saxon et romanogermanique en ce qu’ils sont applicables à la phase précontractuelle de négociation. Il s’agit d’effectuer une analyse des différences quant aux dispositions régissant la négociation en droit anglais et américain puis en droit allemand par rapport au droit français. Ni le temps, ni la difficulté de la tache ne permettent d’opérer une étude globale, comparative de ces systèmes, qui, par ailleurs, a déjà été brillamment accomplie498. Dans une démarche plus sélective, l’intérêt repose sur le fait de comprendre comment sont organisés les régimes étrangers en ce qui concerne la prise en compte, l’encadrement de période consacrée aux négociations. Aussi, le but est de regrouper des éléments régissant les contrats internationaux pour contribuer aux recherches visant à encadrer la phase précontractuelle de sélection. Il semble opportun d’influencer la qualification de la sélection des aspects favorablement développés ailleurs. Paragraphe I/ Les apports des systèmes anglais et américains 306. - La « Common Law » est un droit coutumier, qui présente un réel caractère pratique. Celui-ci offre une grande flexibilité dans l’interprétation, avantage certain dans les relations d’affaires puisque les besoins évoluent considérablement vite499. Cependant, son influence jurisprudentielle a pour effet de rejeter l’ensemble des dispositions générales, du fait qu’elle soit génératrice de règles de droit. Cela a pour conséquence de créer une insécurité juridique500. La liberté contractuelle est consacrée sans concession (I) ; l’engagement de la responsabilité des négociateurs n’est qu’exceptionnelle, les moyens sont utilisés comme des prototypes (II). Toutefois, certains mécanismes juridiques permettent une organisation des négociations, qui demeure presque embryonnaire (III). 498 R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. A ce titre, le Code civil est inefficace à répondre aux besoins et enjeux des relations d’affaires (rapport Doing Business de la banque mondiale). 500 S. ZECEVIC, Le contrat de common law forces et faiblesses, JCP N, 2004, n° 38, p. 1388 et s. 499 I/ Liberté contractuelle absolue 307. - Le droit anglo-saxon possède une nature commerciale qui se traduit sous divers aspects. Ce régime présente le contrat comme étant un échange, une promesse en échange d’une contrepartie. Il considère à ce titre que la phase précontractuelle ne doit pas être enfermée dans des dispositions qui seraient réductrices. Aussi, le principe de liberté contractuelle prédomine (A), tout comme celui du « All or nothing » (B). A/ La consécration du principe de liberté contractuelle absolue dans les négociations 308. - La négociation est perçue comme une période de risque501 selon laquelle « la partie qui entre en négociation en l’espérance d’un gain qui peut résulter de l’accord final, supportera les risques de toutes les pertes qui peuvent provenir de la rupture des négociations »502. Le droit anglo-saxon consacre un principe de liberté contractuelle total, absolu et refuse de reconnaitre l’existence de règles modelant le moment et la qualité de la rupture des pourparlers. 309. - Le principe de liberté contractuelle contient en son sein deux nuances qui lui donnent toute sa substance. Le premier aspect, le « freedom of contract », accorde aux parties une liberté totale quant à l’expression de leur volonté au moment de la formation du contrat. Dans la phase de négociation, les partenaires ont toute latitude dans la détermination des conditions du contrat. La violation de ce premier volet du principe est sanctionnée par le biais de différents mécanismes tels que la fraude, la violence ou encore d’autres comportements déloyaux lors des pourparlers. Le second point traite de l’aspect négatif de la liberté contractuelle appelé « freedom from contrat ». 310. - A l’instar des dispositions du principe, les négociateurs peuvent se retirer de la table des négociations à tout instant tant que le contrat définitif n’est pas valablement formé. Il parait alors logique de comprendre que ce fondement a opéré un blocage au développement de la mise en cause de la responsabilité des négociateurs. Dès lors, l’on peut légitimement 501 Conclusions de l’avocat général M.L.A. GEELHOED de la CJCE présentées devant la Cour le 31 janvier 2002 dans l’affaire Fonderie Officine Meccaniche Tacconi SpA c/ Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik GmbH, Aff. C-334/00 in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 502 E. A. FARNSWORTH, Farnsworth on Contracts, Volume I, ed. Little, Brown ad Company, 1990, p. 313, paragraphe 3.26 a., « A party that enters negotiations in the hope of the gain that will result from ultimate agreement bears the risk of whatever loss results if the other party off the negotiations » in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. s’interroger quant à l’absence de réparation du dommage, alors nié (1/), et quant à la consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi (2/). 1/ L’absence de réparation d’un dommage nié 311. - La sanction consécutive à une rupture injustifiée, abusive ou brutale ne peut être envisagée puisqu’elle porte atteinte au principe de l’autonomie de la volonté des parties. Il n’est donc nullement question d’imposer aux partenaires négociant des relations d’affaires une quelconque réparation du dommage lié à une rupture fautive503. Cependant, certaines nuances pourront être apportées. 2/ La consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi ? 312. - Les obligations de bonne foi et d’information existant en droit français ne peuvent être accueillies de manière positive tant par la jurisprudence504 que par la doctrine anglosaxonne505. Le droit anglais affirme plus particulièrement son opposition à une atténuation du principe de « freedom from contract » en refusant toute notion de bonne foi que ce soit dans la phase précontractuelle mais également dans la période post-contractuelle. Seul le contrat est apte à régir les engagements pris par les partenaires. Le droit anglais refuse catégoriquement la prise en compte d’autres éléments ayant cette fonction d’encadrement, de garde fou concernant les comportements existants en dehors du champ d’application des dispositions contractuelles. 313. - L’absence de devoirs à la charge des négociateurs s’assurant du bon déroulement des pourparlers trouve son explication dans la liberté qui est laissée aux parties afin qu’elles puissent négocier de « bonnes affaires »506. Le rejet des obligations de bonne foi, de loyauté ainsi que de l’existence d’un régime de responsabilité du fait de comportements fautifs durant 503 G. SAMUEL, Réalisme et efficacité du droit anglais des contrats, in La nouvelle crise du contrat, Colloque organisé le 14 mai 2001 par le centre René-DEMOGUE de l’Université Lille II, Ch. JAMIN et D. MAZEAUD, Dalloz, 2003, p. 69. 504 Affaire Smith v. Hughes, 1871, LR 6 QB 597 In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 505 Affaire Walford v. Miles, 1992, 2 AC 128, dans laquelle Lord ACKNER de la Chambre des lords refuse toute obligation de négocier de bonne foi. 506 « Négocier, c’est chercher à faire de bonnes affaires sur le dos des autres », Formation du contrat et responsabilité précontractuelle, Colloque du CCI, ICC, Publishing 1990. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. les négociations est un mal nécessaire. Il faut permettre aux partenaires toute fantaisie de sorte qu’ils n’hésitent pas à entrer en pourparlers. 314. - Pourtant, le principe de liberté absolue conduit à des comportements opportunistes, privilégiant la mauvaise foi au détriment de toute idée d’honnêteté. Le principal effet de l’absence de règles a conduit les parties à des méfiances du fait des pertes probables lors de pourparlers infructueux. Cela tend à conforter notre recherche d’un encadrement juridique des négociations, de la sélection génératrice d’un accroissement des relations d’affaires. 315. - Aux Etats-Unis, la caractéristique de regrouper en un seul pays autant de droit que d’états complexifie la tache507. Bien que le droit américain reconnaisse une obligation de bonne foi dans les relations contractuelles508, cela n’est pas le cas dans la phase précontractuelle. La philosophie de la Common Law tend vers un individualisme des parties ne se souciant que de la satisfaction des intérêts personnels. Cet individualisme ajouté à la théorie du risque, préexistante en droit américain, les partenaires se voient supporter la charge liée à tout type de rupture des négociations. Les tribunaux refusent d’accepter un engagement de la responsabilité d’une personne du simple fait de sa rupture fautive. Ils y voient la construction artificielle d’une barrière contraignant les partenaires, les empêchant de prendre l’initiative de la rupture des pourparlers. 316. - Il convient de nuancer, voire même se réserver de l’erreur qui consiste en la divergence caricaturale entre le droit français, générateur de considérations morales et le régime anglosaxon, prônant le traditionnel adage « Business is business ». Ne pourrions-nous pas considérer que les deux régimes convoitent finalement les mêmes objectifs, permettre aux parties de négocier librement ? En effet, alors même que la jurisprudence française reconnait l’obligation de négocier de bonne foi comme le devoir d’avoir un comportement loyal509, les juges français ne recourent à ce concept que lorsque d’autres fondements juridiques font défaut. 317. - La question centrale, lors des négociations, au moment de leur finalisation, relève du consentement. L’offre et l’acceptation, d’information précontractuelle et même la fraude précontractuelle sont envisagées sous l’angle de l’expression du consentement et de son 507 L’Uniforme Commercial Code est un Code fédéral applicable, entre autres, au droit des contrats de vente de marchandises et aux instruments négociables. 508 Restatement of Contracts Second, 1981 ; la section 1-203 du Uniforme Commercial Code consacrait déjà la même obligation par des termes équivalents. 509 Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n° 90. intégrité. Les promesses de contrat sont analysées comme des contrats en tant que tels et tout manquement à ces promesses se lit traditionnellement comme l’inexécution du contrat de promesse et non pas comme la mauvaise foi dans la conclusion ou l’absence de conclusion du contrat projeté. Dès lors, la notion de bonne foi demeure secondaire, les juges disposant de l’article 1116 du Code civil510, leur permettant de résoudre les questions liées aux vices du consentement. Le concept de bonne foi n’est réellement opportun qu’au stade, plus reculé, du déroulement des négociations. La conduite abusive des pourparlers, dans le but d’induire son partenaire en erreur par exemple, est condamnable511. L’extension de l’article 1134 al. 3 du Code civil512 afin d’introduire la bonne foi dans la période précontractuelle semble ne se justifier qu’en l’absence d’autres fondements. B/ Le principe du « All or nothing » 318. - Un des grands principes du droit des contrats anglo-saxons, appelé « All or nothing », impose la réunion de l’ensemble des éléments essentiels du contrat afin de celui-ci acquière le caractère contractuel et bénéficie d’une réelle autorité. Les accords effectués pendant la phase précontractuelle des négociations ne peuvent revêtir la valeur contractuelle que s’ils respectent l’ensemble des dispositions propres à la formation des contrats. Ce principe oblige les parties à réunir les conditions de « consideration » et de certitude, bien qu’il s’agisse d’accords précontractuels. Les accords précontractuels n’ayant aucune force obligatoire bien que bénéficiant d’un certain caractère contraignant ne sont pas pris en compte. Il n’y a pas d’interprétation intermédiaire, plus nuancée, l’accord doit remplir l’ensemble des conditions propres à la qualification de contrat, dans le cas contraire, le droit anglo-saxon refuse de reconnaitre la force de ce type d’accords. Cela ne va pas sans engendrer de grandes difficultés dans l’organisation des négociations puisque les accords partiels et ceux qui créent une obligation de négociation n’ont aucune valeur juridique. Ces mesures législatives sont justifiées par des raisons économiques avec, notamment la libre concurrence et la liberté de négocier qui prévalent. 510 qui recouvre le dol par commission, c’est-à-dire la fraude anglo-saxonne, mais aussi les réticences dolosives, c’est-à-dire une forme de fraude par omission. 511 512 V. Infra n° 230 et s. « (Les conventions) sont exécutées de bonne foi ». 319. - La liberté contractuelle de la « Common Law » a eu des répercutions positives sur tous les domaines du droit et lui a permis de construire sa réputation. Cependant, le droit anglosaxon se trouve dépassé par les avancées du régime romano-germanique concernant la phase précontractuelle et plus particulièrement sur le plan des échanges internationaux513. Le fait de prévoir une totale liberté contractuelle durant les pourparlers pour ensuite n’octroyer de valeur contractuelle que de manière très stricte aux seuls contrats répondant à un ensemble de dispositions spécifiques génère une situation loin de satisfaire les intérêts des négociateurs. Le commerce international et la quête de protection de sa force concurrentielle, l’ont donc incité à une évolution en faveur de l’adoption de règles inspirées du régime opposé. II/ L’engagement exceptionnel de la responsabilité précontractuelle 320. - Tant le droit anglais que son homologue américain ont tenté de consacrer l’engagement de la responsabilité précontractuelle des parties et ce, au moyen de différents mécanismes. Par la démonstration de la mise en œuvre des divers moyens propres à engager la responsabilité des partenaires durant les pourparlers, il s’agit de s’assurer des véritables intentions légales, jurisprudentielles et doctrinales sur la question. La théorie de l’Unjust Enrichment (A), du Promissory estopped (B) et de la Misrepresentation (C) attestent de l’existence de mécanismes juridiques inefficients à régir les négociations. A/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) 321. - Pour davantage de clarté, il est nécessaire de distinguer l’Unjust Enrichment en droit anglais (A) et en droit américain (B). 513 R. MONZER, Les effets de la mondialisation sur la responsabilité précontractuelle. Régime juridiques romano-germaniques et anglo-saxons, RIDC, 2007, n° 3, p. 523 et s. ; H. MUIR-WATT, Les pourparlers : de la confiance trompée à la relation de confiance, in Les concepts contractuels français, Dalloz, 2003, p. 53 et s., spéc. p. 55. 1/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) en droit anglais 322. - La Chambre des Lords a rejeté l’application de la théorie fictive des contrats implicites pour confirmer la théorie de l’enrichissement injuste514 appelée « Restitution » en droit anglais. Il s’agit d’une limite au principe de liberté contractuelle absolu des parties. Les négociations doivent dépasser la phase du risque, un certain avancement des pourparlers est exigé. Les tribunaux ayant toute liberté dans la détermination casuistique du dépassement de la phase du risque, l’effectivité de l’engagement de la responsabilité dans la période précontractuelle semble être amoindrie515. Les notions d’injustice et d’enrichissement présentent des problèmes conceptuels. La jurisprudence anglaise considère que l’injustice est établie notamment, lorsqu’une partie s’est enrichie du fait d’une erreur quant à l’existence du contrat ou bien lorsque il y a exécution d’un contrat considéré comme existant alors que cela n’est pas le cas. 323. - Pour obtenir une indemnisation du préjudice subi sur le fondement de l’erreur516, il appartient au partenaire de prouver la réunion des deux éléments. Il faut à la fois que la phase du risque ait été dépassée et que la partie ait une croyance légitime quant à l’existence d’un contrat alors qu’il n’est pas formé. 324. - Toutefois, l’indemnisation peut avoir lieu en l’absence d’erreur. Le droit anglais a développé deux autres formes d’enrichissement injuste, « l’acceptation libre »517 et « l’échec de la contrepartie »518. En application de la « libre acceptation », le fait de ne pas refuser un bénéfice normalement rémunéré est entendu comme une acceptation implicite de celui-ci. La personne ayant bénéficié de la rémunération, bien que non perçue, à l’obligation de la rembourser. 514 Affaire Lipkin Gorman v. Karpnale Ltd, 1991, 2 AC 548, 578 ; Arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale v. Islington LBC, 1996, AC 669. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 515 Affaire Regalian Propreties Plcv. London Docklands Development Corp, 1995, 1 WLR 212 : bien que les négociations étaient bien avancées et que les travaux avaient débutés, le tribunal a estimé que les parties n’avaient pas dépassé la phase du risque. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 516 Affaire Kleinwort Benson Ltd v. Lincoln City Council, 1999, 2 AC 349. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 517 « Free Acceptance ». 518 « Failure of Consideration ». 325. - Par ailleurs, « l’échec de la contrepartie » est constaté lorsque le demandeur, après avoir exécuté son obligation, ne reçoit pas la contrepartie prétendue. Il a le droit d’obtenir une compensation sur le fondement de l’enrichissement injuste. Il parait notable de préciser que ces deux éléments ne sont nullement le résultat de décisions jurisprudentielles et sont controversées. Le droit anglais commence à ériger des dispositions tendant à une harmonisation de la prise en considération de la phase précontractuelle avec le régime romano-germanique. Il s’agit d’une réelle évolution puisqu’elle porte atteinte à un grand principe du droit anglais, celui de la liberté contractuelle absolue. 326. - Néanmoins, l’engagement de la responsabilité des partenaires dans la période des négociations n’est pas systématique et souffre de lourdes contraintes quant à sa mise en œuvre. La preuve du phénomène d’enrichissement appauvrissement simultané d’un partenaire à la charge de l’autre est difficile à rapporter. Le concept de « bénéfice incontestable » semble être plus satisfaisant. L’enrichissement est constaté dès lors qu’une partie reçoit « un gain financier immédiat, (ou bien) épargne certaines dépenses nécessaires, grâce aux prestations de l’autre partenaire »519. Il faut reconnaitre que l’analyse, basée sur le comportement adopté par une personne raisonnable, est empreinte de pragmatisme. Nonobstant cela, le défaut d’aboutissement du fondement d’enrichissement injuste à l’engagement de la responsabilité des parties en dehors de tout champ contractuel ne fait, somme toute, que déplacer le problème. 2/ La Théorie de « l’Unjust Enrichment » (Restitution) en droit américain 327. - Il convient d’écarter l’aspect de la théorie en ce qu’elle permet d’indemniser des personnes victimes de détournement d’idées ou utilisation frauduleuse de celles-ci. Les éléments propres à régir la période des négociations requièrent notre attention. 328. - La doctrine a développé deux conditions à remplir, la démonstration de l’existence d’un bénéfice qui doit résulter d’une injustice. Alors même que la preuve de ces éléments est difficile à apporter, le droit américain520 à souhaité alourdir le principe de deux autres contraintes. Il faut établir l’existence d’un caractère abusif, déraisonnable dans le comportement d’une des parties et la perte de l’autre partie. Les dépenses doivent être le fruit 519 520 Golf and Jones. Article 6(2) du Restatement (Second) of Restitution. de circonstances anormales et en aucun cas du risque usuel, que les négociateurs ont l’habitude de supporter. La notion de comportement abusif laisse entendre que la responsabilité précontractuelle ne peut être engagée qu’en présence d’une faute. 329. - Le recours au principe d’enrichissement injuste est privé de réelle utilité du fait des obstacles érigés tant par la doctrine que par la jurisprudence. L’indemnisation du dommage n’est retenue que lorsque la perte d’une partie est consécutive à la demande formulée par l’autre partenaire d’effectuer le service en question521. L’initiative des dépenses ne doit pas provenir de l’unique volonté de celui qui les a engagées. Malgré l’établissement de l’ensemble de ces conditions, la jurisprudence américaine peut écarter l’application de la théorie de l’enrichissement injuste et utiliser un autre fondement, la théorie du contrat tacite déduit des faits522. Une lecture plus large lui donnerait une forte utilité et permettrait de révéler toute sa substance. La responsabilité précontractuelle ne peut être satisfaite par une telle application de ce fondement. Il est donc nécessaire d’envisager d’autres moyens, théories, pour admettre une mise en cause de la responsabilité plus accessible. B/ La Théorie du « Promissory estopped » (Reliance) 330. - L’analyse distingue la « Promissory estoppel » en droit anglais (1/) et américain (2/). 1/ La Promissory estopped (Reliance) en droit anglais 331. - « Un homme, par ses mots ou comportements, a conduit l’autre à croire en un état particulier des affaires, il ne peut plus y revenir quand il sera injuste ou inéquitable (à lui) de le faire »523. Il existe plusieurs formes d’estoppel, la « Promissory estoppel » s’applique à la phase de négociation. L’objectif est de protéger des négociateurs victimes d’absence de contreparties à 521 Affaire Hill v. Waxberg, 237 F.2d 936 (9 th Cir. 1956). In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 522 Contract implied-in-fact. 523 Décisions du Lord Denning dans l’affaire Central London Property Trust Ltd v. High House Ltd, 1947, 1 KB 130. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. des promesses fictives non tenues. Les tribunaux524 et la doctrine anglaise ont accueilli favorablement la création d’un effet juridique aux promesses effectuées durant les pourparlers. Ils lui ont même donné une portée générale en affirmant que la « promissory estoppel » n’est pas encadrée à la seule indemnisation des pertes525. 332. - Le demandeur doit apporter la preuve du renoncement du promettant de son propre droit à son profit526. Il s’agit d’établir que la promesse effectuée est claire et non équivoque. Le fondement ne peut en aucun cas reposer sur une mauvaise interprétation d’une partie de la parole de son partenaire. La confiance qui réside dans l’esprit du demandeur doit être légitime. Il appartient au tribunal de prendre en considération l’existence d’un préjudice afin d’évaluer les conséquences de la promesse sur la situation du demandeur. La personne ayant été lésée doit démontrer qu’en l’absence d’intervention judiciaire, elle est contrainte de rester dans une situation inéquitable. 333. - Toutefois, une relation contractuelle préexistante doit être constatée. Cette exigence constitue un obstacle quasiment insurmontable pour les partenaires puisqu’ils évoluent encore, généralement, dans la phase des pourparlers. Une nuance a été apportée en acceptant l’existence de relations légales afin d’actionner l’estoppel527. Des décisions jurisprudentielles ont affirmé que « la négociation peut former une relation suffisante pour l’application de la doctrine »528. Il ne s’agit que d’un courant jurisprudentiel et bien que n’étant pas majoritaire, il confère au droit anglais un fondement à l’engagement de la responsabilité au cours des négociations. Le refus d’appliquer la condition de la préexistante des relations contractuelles ou légales permet de donner aux pourparlers une certaine valeur. 334. - L’efficacité de la « Promissory estoppel » se trouve réduite puisque cette théorie ne peut constituer une cause d’action. Or, dans la phase précontractuelle, les parties ne sont liées 524 Principe affirmé par le jude Lord Bowen dans l’affaire Birminghan & District Land Company v. London & North Western Rail Co, 1888, 40 ChD 268, CA. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 525 Lord Cairns dans l’affaire Huges v. Metropolitan, 1877, 2 App Cas 439. 526 Affaire Wooldhouse AC Coca Ltd v. Nigerian Produce Marketing Co Ltd, 1972, AC 741, HL : Lord Denning a rejeté les demandes des acheteurs en appel puisque « pour appliquer la doctrine de l’estoppel, l’affirmation doit être claire et non équivoque ». 527 Juge Donaldson dans l’affaire Durham Fancy Ltd v. Michael Jackson (Fancy Goods) Ltd, 168, 2 QB 839, 847 : « la préexistence des relations contractuelles entre les parties (…) ne parait pas être nécessaire, à condition de la préexistence d’une relation légale qui peut dans certaines situations engendrer des pénalités et des responsabilités ». 528 Juge Webster dans l’affaire Pacol Ltd v. Trade Lines Ltd, 1982, 2 Lloyd’s Rep 456 : « Elle s’applique aux relations entre négociateurs selon lequel l’un d’eux avait l’intention de donner à cette négociation un effet légal, ce qui était connu par la deuxième partie (…) » ; Lord Templeman dans l’affaire Attoney General pf Hong Kong v. Humphreys Estate (Queen’s Garden) Ltd, 1987, 1 AC 114 at 127. par aucune obligation mais également par aucun droit. Il parait alors difficile d’envisager l’utilisation d’un tel fondement en l’absence de possibilité d’engager une action en justice. Le seul moyen est de créer une illusion de contrat, ce qui est très certainement voué à l’échec. Le principe manque de flexibilité et pourrait être appliqué de manière plus souple par les tribunaux. 2/ La Promissory estoppel (Reliance) en droit américain 335. - Le droit américain fait de ce principe l’un des principaux fondements de la responsabilité précontractuelle. « Un négociateur ne peut sans punition rompre une promesse faite durant la négociation si l’autre partie s’y est fiée »529. Le Restatement Second of Contract530 consacre la « Promissory estoppel » en élargissant les contours de la théorie, du fait que son champ d’application ne soit pas circoncit par des relations contractuelles ou légales. De plus, le principe peut être utilisé comme la cause unique d’une action. La jurisprudence531 a développé l’exigence d’une promesse claire et non équivoque, accompagnée d’une confiance raisonnable au maintien de ladite promesse. Il est nécessaire d’observer la survenance d’un préjudice résultant de cette confiance. Le raisonnement développé par la jurisprudence semble promouvoir l’application du principe à toute sorte de promesse, exception faite de celles revêtant la qualification d’illusoires. Ainsi, le fait qu’une promesse ne soit pas définie ou alors qu’elle soit incomplète n’est pas de nature à empêcher le recours à la théorie532. Il s’agit de conférer un moyen d’exécution aux promesses qui ne pourront pas être satisfaites contractuellement533. 529 E. Allan Farnsworth, Precontractual Liability and preliminary agreements : Fair dealing and Failed Negociations. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 530 Article 90 (1) du Restatement Second of Contract : « Une promesse où le promettant peut raisonnablement envisager qu’elle induira une action ou une abstention d’agir de la part du bénéficiaire ou d’un tiers et qui induit en une telle action ou abstention d’agir, est valable si une injustice peut être uniquement évitée en la faisant exécuter ». 531 Affaire Cyberchron Corp v. Calldata Systems development, Inc , United States Court of Appeals, Second Circuit, 47 F. 3d 39, 1995. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 532 Affaire Neiss v. Ehlers, 135 Or. App. 218, 899 P. 2d 700 (1995): « le meilleur raisonnement supporte la conclusion que la Promissory estoppel peut s’appliquer, dans les circonstances appropriées, sur les promesses indéfinies et incomplètes, y inclus les accords de contracter ». 533 La Cour d’appel dans l’affaire Neiss v. Ehler ne trouve aucune raison pour que « l’imprécision de la promesse empêche l’application du Promissory estoppel ». 336. - La « Promissory estoppel » conduit à engager la responsabilité précontractuelle des personnes qui sont à l’initiative d’injustices, notamment par de véritables promesses non tenues. L’estoppel n’est qu’une concrétisation, un achèvement de la théorie anglo-saxonne de l’« equity ». L’injustice ne peut se manifester que lorsqu’une personne a perçu des éléments d’information l’amenant à croire en un aboutissement particulier des pourparlers. Alors même que l’existence d’une croyance certaine en une promesse claire et non équivoque est déterminée, l’estoppel ne peut être actionné qu’aux fins d’indemnisation d’un préjudice réel. Les juges ont la liberté d’octroyer seulement une indemnisation du préjudice subi par le bénéficiaire de la promesse ou d’ordonner l’exécution de cette dernière. La partie qui fonde son action sur la « Promissory estoppel » ne peut obtenir réparation du gain manqué. Il est donc nécessaire que l’injustice cause un préjudice certain et ne soit pas seulement générateur de la perte de sommes escomptées. 337. - Bien que l’estoppel présente une certaine valeur dans son application, les règles gouvernant l’indemnisation du préjudice sur ce fondement demeurent circonscrites au seul rétablissement d’une situation équitable, juste. L’évaluation de l’indemnisation est un aspect décisif dans le choix du fondement dont les demandeurs se prévalent afin d’intenter leur action. L’application restrictive conduit à détourner ses encenseurs. 338. - Les conclusions d’une étude américaine effectuée auprès des tribunaux de Californie et New York contestent la validité du « Promissory estoppel » comme fondement de réparation. Les décisions jurisprudentielles sont rares et incertaines, le principe semble n’avoir qu’une autorité doctrinale. Il est certain que la théorie manque à s’exprimer. C/ Le Law of Tord (Misrepresentation) 339. - La communication de fausses informations durant la période précontractuelle engage la responsabilité délictuelle de son auteur. On parle de « Fraudulent Misrepresentation » (1/) lorsque le caractère intentionnel est avéré. Dans l’hypothèse où la communication d’éléments erronés n’est qu’accidentelle, les mécanismes gouvernant la « Negligent Mispresentation » (2/) trouvent à s’appliquer. 1/ « Fraudulent Misrepresentation » 340. - « Une fausse et non équivoque affirmation de fait adressée à la partie induite en erreur afin qu’elle contracte »534. Il faut une fausse affirmation d’une certaine clarté, une simple communication orale suffit, l’écrit n’est pas nécessaire. Le partenaire lésé ne peut avoir obtenu le renseignement incorrect par sa propre initiative. La justification de sous entendus échangés à son égard l’ayant amené à chercher et trouver de faux éléments ne peut permettre un engagement de la responsabilité délictuelle de son partenaire. Il convient que l’information échangée soit fausse, claire et non équivoque. 341. - Sous certains aspects, le « Fraudulent Mispresentation » pourrait être confondu avec la « Promissory estoppel ». En effet, dans les deux cas, il s’agit de lutter contre les dires d’un négociateur ayant entrainés des conséquences néfastes à l’encontre l’autre partie par la création d’une croyance illégitime en la concrétisation de ses paroles. La confusion est évitée par la différence qui existe quant à la qualification des propos mensongers. Le principe de l’estoppel nécessite la preuve d’une promesse tandis que le mécanisme de responsabilité délictuelle repose sur des faits. Le discernement entre la promesse et un ensemble de faits n’est pas toujours facile, elle est subtile. Il faut comprendre que la promesse représente un stade plus avancé que l’allégation de simples faits. Une fois la distinction effectuée entre une promesse et des faits, il faut encore vérifier qu’il ne s’agisse pas de l’affirmation d’une opinion. 342. - L’aspect du « Fraudulent Mispresentation » qui est au cœur du débat porte sur l’importance des informations communiquées dans la décision du partenaire de contracter. Le fait qu’une partie ait été influencée à la suite d’éléments faux mais non décisifs dans l’intention de contracter ne serait alors pas suffisant. La seule manière d’échapper à l’engagement de sa responsabilité est de démontrer le contraire. La charge de la preuve pèse donc sur l’auteur des propos mensongers afin de se dégager de la Mispresentation535. Le « Fraudulent Mispresentation » doit être « un encouragement (…) activement présent dans l’esprit du demandeur lorsqu’il s’est engagé ». 534 E. Mckendrick, Contract Law, Text, Cases, and Materials, op. cit, p. 630. Affaire Museprime Properties Ltd v. Adhill Properties Ltd, 1991, 61 P&CR 111, 124. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 535 343. - L’homogénéisation des dispositions précontractuelles mondiales poursuit l’objectif de garantir aux parties une réelle sécurité juridique. Sa réussite repose sur une transformation modérée des législations et ne saurait supporter des bouleversements brutaux. Une généralisation immédiate du fondement délictuel visant à condamner tout agissement dénué de bonne foi dans les pourparlers semble alors utopique ; il est voué à l’échec. 2/ « Negligent Misrepresentation » 344. - Cet aspect du principe vise à condamner la délivrance de fausses informations, sans qu’il ne soit fait mention aux circonstances l’ayant orchestrée. Cependant, le droit américain refuse de consacrer un tel engagement de la responsabilité délictuelle en ce qu’il est applicable à la période précontractuelle. Ce fondement est contraire à la règle d’ « Economic Loss » qui doit prévaloir. 345. - L’ « Economic Loss » prohibe la seule réparation du dommage économique obtenu par engagement de la responsabilité délictuelle. L’indemnisation du dommage économique n’est rendue possible que si celle-ci est octroyée concomitamment à la réparation des dommages corporels, physiques. Les conséquences de l’indemnisation résultant de rapports, d’informations erronées seraient néfastes tant pour l’entreprise que pour les investisseurs. La condamnation sur le fondement délictuel de la communication de ces rapports inciteraient les parties à ne plus y recourir536. L’esprit américain ne perçoit que l’émergence d’incidents du marché aux dépends des demandeurs537. Le droit anglais se distingue de son homologue américain en faisant preuve d’une certaine flexibilité dans l’interprétation de la règle d’ « Economic Loss ». L’indemnisation, pendant les pourparlers, du préjudice économique est soumise à la démonstration de l’existence d’une relation spéciale538 entre les parties. L’exigence d’un cadre contractuel est tombée en désuétude. La seule constatation d’un certain avancement des pourparlers traduisant une relation établie entre les parties suffit à contourner la précédente condition d’application. 536 Affaire Ultramares Corp v. Touche, 255 NY Rep 170, 179, 1931 ; 174 NE Rep 441, 444, 1931. B. Feldthusen, Negligent Mispresentation : indeterminate language about indeterminate lass, 1984, 13, 3, Anglo-Am LR 57, 58. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 538 « Special relationchip ». 537 346. - La jurisprudence anglaise a confirmé l’interprétation a contrario effectuée par la doctrine. La Chambre des Lords539 a consacré la validité du « Negligent Misstatement » au moyen de plusieurs éléments indispensables à sa mise en œuvre. La description des faits poursuit l’objectif d’écarter d’éventuelles déclarations d’intention ou d’opinion et évite ainsi leur confusion. Il faut apporter la preuve de l’existence d’une obligation de diligence. La jurisprudence l’a définie comme étant un soin, des précautions raisonnables, qui s’illustrent soit par un comportement ou par des omissions envers les autres, afin de ne pas leur causer de dommages540. Dans l’hypothèse visant l’indemnisation des pertes financières, il convient de témoigner d’une relation spéciale entre les parties. Les tribunaux doivent prendre en considération les éléments de prévisibilité, de proximité et de raisonnabilité. 347. - L’ultime condition tient à une restriction artificielle de l’application du fondement. Il s’agit de l’exigence selon laquelle le fondement peut être uniquement invoqué dans les relations entre professionnels541. Alors même que la jurisprudence542 a élargi son champ d’application aux relations d’affaires, aucune disposition n’empêche la mise en œuvre du fondement délictuel entre particuliers si les conditions précédemment citée sont remplies. 348. - Il est nécessaire d’envisager les moyens par lesquels le régime anglo-saxon a aménagé ses dispositions contractuelles afin qu’elles soient applicables aux pourparlers. III/ Les moyens juridiques anglo-saxons au service des relations précontractuelles 349. - La Common Law refuse de consacrer une qualité contraignante, une autorité, aux accords préparatoires. L’incontournable principe du « All or nothing » exige la réunion et la détermination de tous les éléments essentiels du contrat. Le fondement n’octroie de légitimité qu’aux seules conventions qui remplissent un ensemble de conditions. Un simple raisonnement à contrario suffit à comprendre l’absence de valeur dont souffrent les accords précontractuels, au regard de l’absolu « All or nothing ». 539 Affaire Hedley Byrne v. Heller and Partners, 1964, AC 465. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 540 Affaire Donoghnue v. Stevenson, 1932, AC 562. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 541 Affaire Mutual Life and Citizens Assurance Co v. Evatt, 1971, AC 793. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 542 Décision de la Cour d’appel dans l’affaire Chaudhry v. Prabhakar, 1989, 1 WLR 29. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. Il existe tout de même deux grandes catégories d’outils permettant d’encadrer le déroulement des négociations. Une distinction s’opère entre les accords partiels dits « Agreement to agree » (A) et les contrats de négociations, « Contract to negociate » (B). A/ L’accord pour se mettre d’accord ? 350. - L’ « Agreement to agree » se présente comme étant le stade intermédiaire, relativement avancé d’une relation précontractuelle, mais pas suffisant afin de revêtir la qualification de contrat. Le défaut de réunion de l’ensemble des exigences propres au contrat ne permet d’octroyer à la relation que l’appellation d’accord partiel. La spécificité réside dans le fait que les parties ont convenu de déterminer ultérieurement, dans un accord définitif, les éléments manquants du contrat. Les partenaires se réservent la liberté de décider, ensuite, des caractéristiques concernant un ou plusieurs composants essentiels du contrat définitif543. 351. - Contrairement au concept anglais qui le considère comme « un contrat pour conclure (un autre) contrat »544, la jurisprudence américaine adopte une position souple. La Cour d’appel de Californie545 lui confère une valeur morale en interprétant l’existence d’une promesse d’entente. Le droit américain se distingue de son équivalent anglais par l’utilité qu’il entend délivrer à ce dernier. Il résulte des deux évaluations certaines influences quant à la portée juridique conférée au régime de l’ « Agreement to agree ». 352. - Les deux conceptions se rejoignent sur un point essentiel du fait de la prééminence du principe du « All or nothing » gouvernant le paysage contractuel anglo-saxon. L’accord partiel pour les uns, la promesse d’entente pour les autres, ne peut bénéficier d’un quelconque degré de valeur juridique contractuelle. Néanmoins, le refus de reconnaitre une réelle valeur juridique à l’ « Agreement to agree » est basé sur des justifications distinctes. Le droit anglais ne fait qu’appliquer le principe général de droit des contrats et trouve un appui confortable dans les décisions jurisprudentielles. L’accord partiel ne peut être reconnu valable en 543 Affaire Mazolli v. Carapelli, 1975, 1 Lloyd’s Rep, 229 : le fait de réserver la possibilité de « déterminer par les parties » plus tard le lieu de livraison, le port de déchargement, en l’espèce, suffit à obtenir la qualification d’ « Agreement to agree ». Affaire May and Bucher v. R, 1934, 3 KB, 17 : le prix, la date de paiement et le mode de livraison seront « déterminés plus tard ». 544 « A contract to enter into a contract, when there is a fundamental term yet to be agreed » dans l’affaire Courtney & Fairbairn Ltd v. Tolaini Brothers (Hotels) Ltd. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 545 Affaire Kevin A. Copeland v. Baskin Robbins USA, Court of Appeal of California, Second Appelate District, Division Seven, 19 March, 2002. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. l’absence de l’exigence de « certitude ». Alors même qu’il rassemble dans son contenu des éléments primordiaux au contrat, celui-ci souffre d’un défaut de finalisation. La force obligatoire ne peut être le résultat que d’un contrat valablement formé. Une partie de la doctrine considère que certains accords préparatoires, lorsqu’ils répondent à des conditions précises, détiennent une valeur juridique. Il existe des types d’accords dans lesquels les formalités nécessitent, pour leur réalisation, la conclusion d’un second contrat. C’est notamment le cas pour les contrats de vente portant sur un bien immobilier où le recours à un contrat formel, ultérieur, est capital. Ainsi, dans l’hypothèse où l’accord est complet, il ne s’agit plus que d’un contrat comme tant d’autres. Malgré les efforts de certains juges, les décisions soutenant l’autorité juridique octroyée aux accords partiels complets demeurent isolées et ne sauraient, pour l’instant, suffire à créer une controverse permettant un renversement de la position actuelle. La jurisprudence américaine546 a retenu un examen casuistique en accordant une importance certaine aux intérêts à défendre au profit des parties. Les partenaires sont placés dans une situation contraire au principe de liberté qui prédomine dans la phase précontractuelle. En effet, la conclusion du premier accord crée une obligation de résultat pour chacune des parties, par laquelle celles-ci doivent s’entendre sur les éléments essentiels du contrat définitif. Ainsi, dans l’hypothèse où les négociateurs ne parviennent pas à trouver un compromis, ils demeurent liés. Finalement, la jurisprudence américaine entend défendre la possibilité offerte aux parties de pouvoir « refuser d’accepter n’importe quelle proposition de l’autre »547. Ce raisonnement à été étendu à l’ensemble des promesses d’entente. Le refus aurait pu être appliqué aux seuls accords précontractuels générateurs d’obligation de résultat. Les accords partiels sont « un fait nécessaire à la vie économique » et « maintiennent une flexibilité » dans la détermination future des éléments du contrat. Il existe alors une présomption d’absence d’acceptation de l’accord partiel. Le fait que l’accord ne crée aucune valeur contraignante conserve la liberté des parties de poursuivre les pourparlers mais présente la terrible conséquence de les placer dans une insécurité juridique. 546 Affaire Kenvin A. Copeland v. Baskin Robbins USA, Court of Appeal of California, Second Appelate District, Division Seven, 19 March, 2002. Prec. Cit. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 547 Affaire Avalon Products, Inc v. Lentini, 1950, 98 Cal. App. 2d 177, 180 (219 P. 2d 485). In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 353. - Décider d’assimiler tout type de mécanisme juridique à l’accord partiel complet permet de légitimer le refus de toute autorité. Des parties mal intentionnées peuvent envisager l’opportunité de violer les engagements pris du fait de la possibilité de faire requalifier l’accord en « Agreement to agree ». La mise en place d’un accord partiel complet peut avoir une influence quant à l’édification artificielle d’une exigence de respecter ces éléments par l’autre partenaire. Effectivement, l’autre partie, moins renseignée, peut ne pas voir en certains mécanismes se dessiner le régime de l’ « Agreement to agree ». Celle-ci se contraint ellemême au respect de dispositions avec une croyance légitime en la valeur juridique de l’accord, revêtant par exemple l’aspect d’une lettre d’intention. Il ne s’agit que d’une modalité permettant aux tribunaux de ne pas concéder de valeur contractuelle aux accords précontractuels incomplets. B/ Un contrat précontractuel ? 354. - Le régime romano-germanique entend conférer une large portée au contrat de négociation. Il présente la spécificité d’ériger entre les parties une obligation de négocier, de préserver un déroulement correct, suffisant, des pourparlers. L’ « Agreement to negociate » ne porte pas atteinte au principe de liberté contractuelle pour la simple raison que les négociateurs conservent pleinement leur droit de refuser de conclure l’accord définitif. 355. - Selon les droits allemand et français, la relation est soumise aux dispositions contractuelles alors même qu’elle est encrée dans la phase précontractuelle. La théorie soutenue confère à ce contrat une réelle autorité. Fidèle au respect de ses principes fondamentaux, le droit anglo-saxon n’a pas accueilli de manière aussi favorable le « Contract to negociate ». Une première décision548 reconnait la validité du contrat dès lors qu’il est apte à remplir les conditions usuelles nécessaires à la licéité des contrats. Un second arrêt549 effectue un rejet catégorique de toute valeur contractuelle applicable à l’« Agreement to negociate ». Les juges réalisent une déduction identique au raisonnement soutenu concernant l’accord précontractuel partiel, en se fondant sur le principe du « All or nothing ». La référence à l’accord précontractuel tente d’effectuer une assimilation rapide au 548 Affaire Hillas and Co Ltd v. Arcos Ltd, 1932, 147 LT 503, 514. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. 549 Affaire Courtney & Fairbairn Ltd v. Tolaini Brothers (Hotels) Ltd, 1975, 1 WLR 297. In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. contrat de négociation. Une telle comparaison ne peut être valable puisque l’accord précontractuel partiel n’est pas un contrat de négociation ; ce sont deux mécanismes distincts. 356. - En effet, la différence cruciale entre l’ « Agreement to negociate » et l’ « Agreement to agree » est la liberté réservée de conclure un contrat définitif ou de s’y refuser. Dans le premier, les parties s’obligent mutuellement à débuter, ou prolonger des négociations tout en réservant la liberté contractuelle de s’entendre ou non. L’ « Agreement to agree » oblige les partenaires à déterminer ultérieurement les dispositions défaillantes. Les conséquences des négociations, leur résultat, constituent justement le caractère contraignant de l’accord. 357. - La décision est critiquable quant au fondement même utilisé pour refuser la reconnaissance d’une autorité au contrat de négociation. « C’est le défaut de fiabilité et la déficience technique, du régime juridique anglais, qui obligent les tribunaux à exclure les effets contractuels contraignants du contrat de négociation, et non pas son manque de « certitude » puisqu’il est un contrat complet et autonome ». 358. - Les réelles raisons à l’initiative du refus de consacrer une autorité à l’ « Agreement to negociate » ont été déterminées par Chambre des Lords. L’affaire Walford v. Miles550 est considérée comme étant l’une des plus importantes décisions concernant la négociation au Royaume-Uni. En l’espèce, les partenaires ont déterminé le prix de vente de l’entreprise ainsi qu’une obligation d’exclusivité. Le défendeur rompt brutalement les pourparlers et conclu un contrat de vente au profit d’une tierce personne avec laquelle il a maintenu des négociations. Walford assigne Miles pour la violation de son engagement d’exclusivité afin d’obtenir une indemnisation du préjudice qu’il a subi. Il se fonde également sur le principe de la « Mispresentation » du fait des fausses informations qu’il lui a communiqué. La Cour de première instance octroie une indemnisation au demandeur en application de la théorie de la « Mispresentation ». Toutefois, la décision d’appel affirme qu’un contrat d’exclusivité ne peut être le résultat de l’unique création d’une obligation négative de ne pas négocier avec des tiers. L’engagement d’exclusivité engendre nécessairement une obligation positive de négocier avec l’autre partie. Cela va même plus loin puisqu’il ne s’aurait s’agir de contraindre la poursuite des pourparlers sans garantir l’existence de bonne foi dans la relation. L’obligation de négocier, empreinte de mauvaise foi, ne suffit pas à empêcher la survenance de négociations parallèles, parasitaires. 550 Affaire Walford v. Miles, (1992) 2 AC 128. L’efficacité réside dans la réunion des deux aspects de l’exigence. La Chambre des Lords a opéré la distinction entre l’accord d’exclusivité et le contrat de négociation. L’accord d’exclusivité, « lock-out agreement » ne peut renfermer une obligation de négociation. La validité de l’accord d’exclusivité réside dans la détermination de la durée de l’engagement, qui doit être expressément stipulée, et dans la réunion des éléments de « Consideration ». Le fait de contraindre les partenaires à négocier sort du cadre propre à l’engagement exclusif définit par la Chambre des Lords. En effet, l’obligation de négocier inscrite dans un contrat d’exclusivité produit une requalification de ce dernier en un « Contract to negociate ». 359. - L’application absolue du principe de liberté contractuelle ne supporte aucun autre concept. Malgré l’évolution des besoins juridiques, notamment dans la phase précontractuelle, la Common Law refuse toute appréciation plus modéré du fondement. L’attendu de principe, en consacrant l’irrecevabilité du contrat de négociation, tranche définitivement plusieurs interrogations. Les difficultés qui résident dans l’évaluation des dommages présentent des freins à la reconnaissance des accords de négociation. L’indemnisation est problématique du fait qu’elle ne repose que sur des éléments incertains et imprévisibles. Le régime anglo-saxon écarte l’application du droit moral tout en laissant la relation des parties évoluer sans garde fou. Une démarche casuistique nécessite un recul et des critères transposables à un panel de situations, dont les tribunaux ne disposent pas. Le réel problème provient de la capacité à accepter l’intervention de mécanismes juridiques nouveaux. Le droit anglais n’est pas apte techniquement à constater l’utilité du contrat de négociation. « Un système qui n’a jamais accepté la notion de bonne foi lors de la négociation, et qui est actuellement hostile à ce concept, peut se sentir incapable à remplir les lacunes dans un contrat par le biais de ce principe »551. La préservation des principes fondateurs peut coexister avec l’émergence de nouveaux outils, il suffit de prévoir des concepts organisant leur validité. 360. - La remarque attestant d’un échec du régime anglo-saxon à déterminer un cadre juridique sécurisant est inéluctable. Le fait d’ériger des dispositions afin de créer une police comportementale dans la période consacrée aux négociations a pour conséquence d’influencer de façon significative leur survenance. La Common Law entend conférer aux partenaires un degré maximal de liberté de sorte à préserver leurs intérêts. Mettre en place de nouveaux 551 N. COHEN In R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, 2008. instruments juridiques permet d’offrir la possibilité aux parties d’y recourir ou non. L’édification d’accord n’a pour seul objet que de préserver les droits des négociateurs, évitant ainsi qu’ils soient lésés. L’accent est volontairement mis sur les points litigieux afin d’observer les différences essentielles qui existent entre les législations. Paragraphe II/ Les apports du droit allemand 361. - Le système romano-germanique regroupe notamment le droit français et le droit allemand dont les aspects principaux sont leur émanation de part un processus de codification, à côté duquel la doctrine a apporté sa contribution. L’étude du droit allemand se veut plus synthétique. Ce régime, empreint de droits législatifs, en opposition avec la « Common Law », se caractérise par des principes généraux. 362. - Le droit romano-germanique définit le contrat comme l’expression d’un accord de volonté des parties ayant échangé leur consentement à la suite d’une période de pourparlers. Il met l’accent sur la relation existant entre les partenaires. La phase précontractuelle a fait l’objet de nombreuses évolutions visant à l’instauration de règles protectrices pour les négociateurs. Toutefois, ce régime présente une certaine souplesse en privilégiant la volonté des parties puisqu’il admet la valeur contractuelle conférée à des accords précontractuels. La bonne foi est considérée tant en droit français qu’allemand comme étant un principe général du droit des contrats. En toute hypothèse, le droit allemand utilise les règles de la responsabilité contractuelle sur le fondement de la « culpa in contrahendo ». « La décision prise par les négociateurs d’entrer en pourparlers est un acte de volonté aussi important que celui requis pour la formation du contrat, elle dissimule une acceptation de formation d’un contrat organisant la relation entre ces parties, voulant le contrat, les négociateurs ont voulu ces préliminaires »552. Il s’agit d’un contrat tacite, engendrant l’obligation pour les parties de loyauté et diligence durant le processus de négociation 553. Le 552 M. GENINET, Théorie générale des avants contrats en droit privé, thèse, Paris II, 1985, p. 213 in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse, Montpellier, 2008, n° 199, p. 121. 553 La réforme du droit allemand, entrée en vigueur le 1 ier janvier 2002 a apporté des précisions. Selon le nouvel article 311 alinéa 2, un rapport contractuel générateur d’obligations accessoires peut naître avant la conclusion du contrat. Art. 241 : durant le temps de l’engagement des pourparlers, des mesures préparatoires à la conclusion du contrat et enfin des rapports d’affaires similaires, les parties doivent protéger réciproquement leurs droits, biens et intérêts de l’autre. régime de responsabilité précontractuelle peut s’entendre aux tiers qui peuvent influencer les négociations. 363. - Certains auteurs ont réalisé des études économiques554 afin de comprendre les éléments ayant pour effet de favoriser ou non le développement des pourparlers. La sécurité juridique conférée aux parties semble avoir des conséquences positives. Les partenaires n’hésitent pas à rentrer dans des négociations en raison de l’absence de risques financiers quant à des pertes injustifiées555. 364. - En ce qui concerne la libre révocabilité de l’offre consacrée tant en droit français qu’au niveau européen et international, le droit allemand adopte une position opposée. Le Code civil allemand précise que « celui qui propose à autrui de conclure un contrat est lié par l'offre, à moins qu'il n'ait exclu ce lien obligatoire »556. Toutefois, certains auteurs ne voient pas une véritable contradiction entre les deux systèmes puisqu’il ne s’agit pas d’une disposition d’ordre public, les parties pouvant en disposer autrement557. 365. - Le droit allemand va encore plus loin en considérant, pour les contrats commerciaux, que le silence gardé à la réception d'une lettre de confirmation, vaut acceptation de ses termes, y compris des conditions générales qui ont pu y être annexées. 366. - Le droit allemand confère une réelle importance à l’encadrement juridique des négociations. Toutefois, l’encadrement du processus de sélection ne peut être efficiente et inciter les négociateurs à y recourir uniquement si celui-ci ne nuit pas, sans raison, à leur liberté contractuelle. Le promoteur du réseau ne choisira pas délibérément de restreindre sa liberté décisionnelle, s’il n’y trouve pas un intérêt. Le besoin de confidentialité en est un exemple concret, toutefois, l’encadrement juridique repose sur la conciliation entre la juste dose d’interventionnisme contractuel et de liberté contractuelle des parties. Or, le droit allemand, sans même que les parties aient exprimé leur volonté de conclure un contrat de négociation par exemple, tend à limiter leur liberté du seul fait du régime de responsabilité contractuelle applicable aux négociations qualifiées d’informelles, en droit français. 554 Etude effectuée par W.P.J. Wils in R. MONZER, La négociation des contrats internationaux, thèse Montpellier, L.G.D.J., 2008. 555 M. FONTAINE, Un régime harmonisé de la formation des contrats. Réexamen critique, in Le processus de formation du contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à l’harmonisation du droit européen, sous la direction de M. FONTAINE, Bruylant, LGDJ, 2002, p. 851 et s. 556 Paragraphe 145 du BGB. 557 J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 3 e éd., 1993, no 304. Section 2/ Un droit émergeant des négociations ? 367. - Les principes Unidroit et les principes pour un droit européen des contrats n’apportent pas de réponse satisfaisante à l’encadrement juridique des négociations (Paragraphe I), tout comme les projets de réforme qui demeurent chétifs à régler cette question (Paragraphe II). Paragraphe I/ Principes Unidroit et Principes pour un droit européen des contrats 368. - L’institut international pour l’unification du droit privé dit « Unidroit » poursuit l’objectif d’une unification des règles matérielles en matière de commerce international. Il s’agit d’une initiative privée de codification, perçue comme étant une alternative aux conventions internationales ou lois-types558. Bien que ces dispositions ne bénéficient d’aucun caractère obligatoire, celles-ci présentent une véritable autorité, notamment auprès de l’arbitrage international. Ces règles régissent l’ensemble des dispositions des contrats de commerce international, de leur création à leur extinction. 369. - Les « Principes pour un droit européen des contrats » s’apparentent aux règles des Principes d’Unidroit puisqu’ils défendent les mêmes objectifs tout en limitant leur champ d’application à l’Europe. Au départ, en 1974, il s’agit d’une initiative du Pr. Ole Lando et d’universitaires de différents pays membres559 qui a été reprise par le Parlement Européen afin d’ériger un Code européen des obligations. 370. - La convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ne contient aucune disposition concernant la période précontractuelle, la phase de négociation. Cependant, les principes Unidroit consacrent une obligation de négocier de bonne foi et un principe de confidentialité560 à la charge des parties. Ces principes sont repris à l’échelle européenne561, de façon semblable aux principes Unidroit. 558 Publication en 1994 des « Principes relatifs aux contrats du commerce international », complétés en 2004. JCP 1995, III, 67399. C. LARROUMET, La valeur des principes d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international, JCP 1997, I, 4011 ; D. MAZEAUD, A propos du droit virtuel des contrats : réflexions sur les principes d’Unidroit et de la commission Lando, Mélanges M. CABRILLAC, Dalloz-Litec, 1999, p. 205. 559 Principles of european Contract Law, publiés en trois temps, en 1995, 1998 et 2002. 560 Art. 2.1.15 et 2.1.16 des Principes Unidroit. 561 Art. 2:301 et 2:302 des Principes pour un droit européen des contrats. 371. - Le Code civil ne présentant aucune disposition à portée générale sur bonne foi contractuelle, ces principes opèrent un apport considérable en la matière. « Chaque partie est tenue d'agir conformément aux exigences de bonne foi »562. Il en est fait des applications dans les contrats d’affaires de part l’émergence des obligations de discrétion, de réserve et de coopération entre les parties. L’exigence de collaboration est retenue par les principes européens563. Ainsi, le fait de prendre l’initiative des pourparlers sans avoir une intention sérieuse de contracter engage la responsabilité civile de son auteur564. Cette pratique tendant à une invitation de l’autre partie à entrer en négociation est condamnable à cause des effets pervers qu’elle induit. L’auteur porte atteinte au principe de confidentialité en cherchant à obtenir la révélation d’informations de la part de son partenaire. Cela peut également conduire à le dissuader de négocier avec autrui puisqu’il entretient une croyance légitime quant à la conclusion d’un contrat avec l’auteur de la manœuvre565. Cette pratique est entachée d’une mauvaise foi dans la période précontractuelle. 372. - Par ailleurs, tout comme en droit français, la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, les principes Unidroit et les principes pour un droit européen des contrats, considèrent que l’offre est librement révocable. En effet, « une offre étant insuffisante pour lier par elle-même celui qui l'a faite, elle peut, en général, être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée valablement »566. 373. - Deux éléments retiennent notre attention, d’une part l’existence d’un devoir de minimiser son propre dommage pour obtenir réparation (I), qui témoigne d’une démarche à contre courant de celle empruntée par cette étude. En effet, la qualification du processus de sélection par l’encadrement des négociations entend conférer davantage d’organisation et de sécurité au profit des parties. Or, l’exigence de minimiser le dommage tend à encore plus de souplesse pour moins de réparation. Néanmoins, les textes ne vont pas jusqu’à interpréter le silence des parties et adoptent une position semblable à celle du droit français (II). 562 Art. 1 :201 des Principes pour un droit européen des contrats. Art. 1 :202 des Principes pour un droit européen des contrats : « chaque partie doit à l'autre une collaboration qui permette au contrat de produire son plein effet ». 564 Art. 2.15, 3 des Principes Unidroit et article 2:301,3 des Principes pour un droit européen des contrats. 565 Il s’agit de pourparlers de barrage. 566 Cass. Civ, 3 févr. 1919, DP 1923, I, p. 126 ; Cass. Civ 1ière, 13 juin 1984, no 83-13.113, Bull. Civ. I, no 193 ; CA Aix-en-Provence, 13 janv. 1983, JCP éd. G 1984, II, no 20198, note F. GIVORD. 563 I/ Le devoir de minimiser le dommage 374. - Lorsque les pourparlers souffrent d’une rupture fautive, la responsabilité de l’auteur de la rupture est engagée. Cependant, l’évaluation du dommage est régie par des dispositions spécifiques, qui ne peuvent être traduites en droit français. Il s’agit du devoir de minimiser son propre dommage. Ce devoir est à la charge de la victime dans un objectif de limiter le seuil de responsabilité de la personne fautive. Selon la Convention de Vienne, « la partie qui invoque la contravention du contrat doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué, résultant de la contravention » et « si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée »567. Les principes Unidroit et les principes pour un droit européen des contrats soutiennent le même raisonnement : « le débiteur n’est point tenu du préjudice souffert par le créancier pour autant que ce dernier aurait pu réduire son préjudice par des mesures raisonnables »568 et « le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l‘atténuer par des moyens raisonnables »569. Il en est de même pour le droit anglais570. 375. - La jurisprudence française adopte une position claire et établie en refusant de reconnaitre l’existence d’un tel devoir : « la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable »571. Il est vrai qu’il parait difficile d’envisager une intégration en droit français, tant du point de vue de la doctrine que de la jurisprudence qui agit avec tact, en raison de la généralité des termes utilisés. 376. - Dans le processus de sélection, prenons l’hypothèse selon laquelle les parties ont débuté les pourparlers mais que leur conduite s’est effectuée de manière abusive. La partie a l’initiative de l’abus voit sa responsabilité civile engagée, celle-ci doit réparer le préjudice causé du fait de la « rupture fautive »572. Au vu des constations précédentes, la jurisprudence française refuse d’admettre la réparation du gain manqué tandis qu’elle reconnait l’indemnisation de la perte subie et, plus généralement, du préjudice économique. Lorsque la 567 Art. 77 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980. Art. 9 :505 des Principes pour un droit européen des contrats. 569 Art. 7.4.8 des Principes Unidroit. 570 R. DAVID, Les contrats en droit anglais, LGDJ 1985, p. 377. 571 Cass. 2e civ., 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, D. 2003, p. 2326, note J.-P. CHAZAL, DEFRENOIS 2003, art. 37845, n° 121, obs. J.-L. AUBERT. 572 V. infra n° 230 et s. Il s’agirait plutôt du déroulement fautif des négociations, entachées d’une intention d’induire l’autre partie en erreur par exemple. 568 nature du dommage considéré ouvre droit à réparation, celle-ci est opérée pour le préjudice réel, tout le préjudice mais rien que le préjudice, ni plus ni moins, en application des règles de droit commun en matière de responsabilité civile. Il s’agit de la réparation intégrale qui s’illustre, par exemple, par le remboursement de l’ensemble des frais engagés par le distributeur pendant les négociations. La tentative de transposition du devoir de minimiser son propre dommage dans le phénomène de sélection reviendrait à imposer au distributeur un auto contrôle quant aux frais qu’il engage, alors même que certaines situations l’obligent à effectuer des investissements573. Des dérives sont à craindre, le fournisseur pourrait limiter le dommage réparable en démontrant que le distributeur n’a pas pris toutes les mesures raisonnable afin de réduire ses pertes. II/ Le refus d’une interprétation extensive du silence des parties 377. - En droit français, le silence d’une des parties ne saurait, à lui seul, témoigner de l’acceptation de l’offre présentée par son partenaire. Le silence ne peut engager les parties car, dans le cas contraire, il serait la source d’une véritable insécurité juridique. Les principes Unidroit ne font pas preuve d’une grande originalité sur ce point du fait qu’ils posent le principe d’absence de valeur du silence, « Constitue une acceptation toute déclaration ou autre comportement du destinataire indiquant qu'il acquiesce à l'offre. Le silence ou l'inaction ne peuvent à eux seuls valoir acceptation »574. La Convention de Vienne consacre le même principe575. Toutefois, par le passé, la jurisprudence française a reconnu que, dans le cadre de certains contrats commerciaux, le silence pouvait valoir acceptation. Il s’agissait uniquement de relations entre professionnels, de contrats d’affaires. La Cour de cassation a néanmoins posé le principe selon lequel le silence ne peut valoir à lui seul acceptation, tout en continuant à soutenir des atténuations de celui-ci. Le silence suffit à engager une partie lorsque les circonstances permettent de donner au silence la signification d'une acceptation 576. L’appréciation casuistique doit permettre d’éviter les abus. Les principes Unidroit et la 573 Par exemple, le futur franchisé effectue nombre de démarches afin de trouver un local, dans le but d’être sélectionné et de faire partie du réseau. 574 Art. 2-6 des Principes Unidroit. 575 Art. 18, paragraphe 1 de la Convention de Vienne de 1980. 576 Cass. 1re civ., 24 mai 2005 : Bull. civ. 2005, I, n° 223 ; D. 2006, p. 1025, note A. BENSAMOUN ; RTD civ. 2005, p. 588, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Convention de Vienne se distinguent par une interprétation stricte du principe et optent pour une acceptation expresse de l’offre, refusant de consacrer le rôle du silence. Par ailleurs, les Principes Unidroit posent le principe d’interprétation en privilégiant la commune intention des parties. Lorsqu’il est impossible de déceler cette commune intention, « le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable, de même qualité placée dans la même situation »577. Dans une démarche d’interprétation utile du contrat tendant à sa cohérence, ces principes font l’objet d’un succès important auprès des juges étatiques mais aussi des arbitres578. 378. - La phase précontractuelle de sélection n’étant que très peu régie, il semble favorable de soumettre le processus de sélection à des telles dispositions. Une interprétation utile de l’accord en respectant l’intention commune des parties lui offre une plus grande portée. Toutefois, ces précisions n’apportent pas de réponses à l’encadrement juridique des négociations. Paragraphe II/ Les projets de réforme 379. - Il semble opportun d’envisager la prise en considération des négociations dans l’avantprojet de réforme du droit des obligations (I) ainsi que dans le projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats (II). Les dispositions des projets de réforme témoignent-elles de l’émergence d’un droit des négociations ? Ces projets de réforme sont-ils à droit constant, ce qui reviendrait à figer une interprétation de la jurisprudence par lesdits projets ? « Bien entendu, ni le projet, ni ses zélateurs, et c'était également le cas du projet Catala, n'affirment que le projet codifie à « norme constante », c'est-à-dire en reprenant les dispositions anciennes qui demeurent efficaces et les normes jurisprudentielles faisant l'objet d'un consensus »579. 380. - Toutefois, l’élément essentiel consiste à appréhender les modalités par lesquelles les projets de réformes régissent la période précontractuelle afin de comprendre s’il s’agit d’une 577 Art. 4-1 et art. 4-4 et s. des Principes Unidroit. P. DEUMIER, L'utilisation par la pratique des codifications d'origine doctrinale : D. 2008, doctr. p. 494. 579 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, RD. 2009, p. 308. 578 réelle évolution ou bien seulement d’un avancement modéré dans la prise en considération des négociations, confondu dans « la formation du contrat »580. I/ Avant-projet de réforme du droit des obligations 381. - L’avant-projet de réforme du droit des obligations581 n’effectue pas une rupture brutale, un profond revirement de l’ensemble de la matière, mais tend plutôt à des modifications dans un but de modernisation, afin de le rendre plus attractif. L’objectif poursuivi s’illustre sur certains points par un ajustement des dispositions nationales avec les principes européens tout en conservant des spécificités françaises. L’avant-projet suit notamment les préconisations européennes concernant les dommages et intérêts punitifs, l’évaluation du dommage en créant une obligation de minimiser le dommage. La possibilité pour le juge de supprimer certaines clauses engendrant un déséquilibre significatif au détriment d'une des parties lorsqu'elles n'ont pas été négociées est également reprise. Il maintient toutefois la notion de cause582. 382. - L’avant-projet de réforme du droit des obligations opère la même distinction que le Code civil583 entre contrat et convention en précisant que « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à accomplir une prestation ». Pour qu’un contrat soit reconnu valable en application des dispositions de l’avant-projet de réforme du droit des obligations, quatre conditions sont essentielles : « le consentement des parties contractantes, leur capacité de contracter, un contenu certain et la licéité du contrat »584. 383. - Les analyses précédentes ont permis de montrer que le droit de la responsabilité civile n’apporte qu’un faible encadrement des négociations, pouvant être opportun pour la mise en œuvre de certains besoins de sélection585. Néanmoins, la grande liberté contractuelle octroyée aux parties peut se révéler insuffisante en présence de besoins de sélection spécifiques. 580 V. Supra n° 386. Le projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats insère les dispositions relatives aux négociations au sein d’un chapitre III intitulé « Formation du contrat », articles 19 à 35. Regroupement contestable. 581 P. CATALA (dir.) Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, Rapport au garde des Sceaux du 22 sept. 2005. 582 L. AYNES, A. BENABENT et D. MAZEAUD, Projet de réforme du droit des contrats : éclosion ou enlisement : D. 2008, p. 1421. 583 Art. 1101 du Code civil. 584 Art. 49 de l'avant-projet de réforme du droit des obligations. 585 V. Supra n° 403. L’intérêt de recourir à l’outil contractuel permet d’aménager le déroulement du processus de sélection. Le régime du droit de la responsabilité civile étant en partie repris, l’avant-projet de réforme ne consacre pas de solution alternative pour la qualification du processus de sélection. II/ Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats 384. - Le bicentenaire du Code civil a été l’occasion d’engager une série de travaux de recherche tendant à une profonde rénovation d’une partie du droit privé. Le droit de la famille et le droit des sûretés ont ouvert la marche, avant de poursuivre la démarche de modernisation avec le droit des obligations et de la prescription, datant pour l’essentiel du Code civil de 1804. Celle-ci a été concrétisée par l’adoption de la loi du 17 juin 2008586 portant sur la réforme de la prescription en matière civile587. Le second temps de la réforme concerne le droit des contrats et devra être concilié avec un autre texte sur le régime des obligations en général. La réforme tend à être finalisée par l’élaboration d’un projet consacré à la responsabilité. Le projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie, bien qu’inspiré d’autres travaux588 et notamment de l’ « Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription », présente de réelles divergences. Celui-ci vise à « contribuer au renforcement de la compétitivité et de l’attractivité de notre droit » et à « permettre au citoyen de trouver à la lecture du Code Civil les règles relatives à une étape donnée du processus contractuel ». 385. - Deux des conditions essentielles à la validité d’une convention sont affectées par des modifications. L’objet du contrat semble toutefois demeurer, alors même qu’il fait place à la condition de contenu589. La cause est substituée au concept d’intérêt au contrat, dont l’objet est la traduction de l’interdépendance des obligations des parties. Les raisons de ce remplacement sont incertaines, l’influence des droits anglais et allemand ne connaissant pas la 586 Loi n° 2008-561. Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 concernant la prescription en matière civile, issue d’une proposition de loi de M. J-J HYEST, président de la commission des lois du Sénat. 588 Le projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie s’est inspiré de travaux académiques, des analyses des acteurs économiques et judiciaires et des travaux menés par le Professeur F. TERRE qui a constitué un groupe de travail sous l’égide de l’Académie des Sciences morales et politiques. Le projet de réforme reprend également les principes fondateurs de la tradition civiliste, les projets d’harmonisation du droit européen et international des contrats (les principes de droit européen des contrats, les travaux du réseau de chercheurs sur le Cadre Commun de Référence, les principes UNIDROIT, le Code Gandolfi) et du droit comparé. 589 Art. 81. 587 cause peut en constituer une. Certains auteurs590 ne voient pas d’un mauvais œil sa disparition pendant que d’autres tentent de défendre son utilité. « Lorsque l’on veut bien éviter de l’obscurcir, la cause est une notion dont les contours peuvent aujourd’hui être bien cernés et l’objectif d’une réforme du Code civil sur ce point pourrait être d’exprimer dans les textes la distinction finalement très simple à laquelle la jurisprudence est parvenue entre cause objective et subjective selon qu’il s’agit de contrôler l’existence de la cause ou sa licéité »591. La question ainsi posée est de savoir si l’intérêt au contrat est objectif ou bien subjectif. 386. - Néanmoins, il prévaut, pour notre étude, de se concentrer sur les modifications opérées par le projet de réforme concernant la période précontractuelle. Les dispositions portant sur la négociation, l'offre et l'acceptation, la date et le lieu de formation du contrat et les « avantcontrats » sont réunis au sein d’un chapitre III intitulé « la formation du contrat »592. L’on peut s’interroger sur la cohérence d’un tel regroupement pour la simple raison que les négociations précèdent le temps de la formation du contrat, du fait de la finalisation desdites négociations. Il s’agit de deux moments distincts, à moins que l’on considère d’une part la conduite des négociations et d’autre part, la réussite des négociations que l’on assimilerait alors à la formation du contrat. Distinction qui n’est opportune qu’en présence de spécificités et notamment pour la gestion des risques du phénomène de sélection. Toujours est-il que le déroulement des négociations ne saurait être confondu avec le moment propre à la formation du contrat puisque l’objet même des pourparlers est de transiger quant à la possibilité future de conclure un contrat. 387. - Le principe de liberté contractuelle est consacré, les négociations sont libres et seules les circonstances de leur rupture peuvent être source de responsabilité délictuelle593. Des précisions sont effectuées concernant l'obligation de confidentialité et l'accord de principe par lesquels les parties organisent leur future négociation594. Les délais de rétractation et de 590 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, RD. 2009, p. 308 : « Comme tout le monde, j'ai été surpris tant par la disparition de la cause dans le projet que par l'érection de « l'intérêt au contrat ». Sur la disparition de la cause, j'ai déjà dit ce que j'en pensais, je crains ne pas beaucoup la pleurer. » 591 L. LEVENEUR, Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats : à améliorer, Contrats, conc. Consom. Nov. 2008, n° 11, p. 1. 592 Art. 19 à 35 du projet de réforme. 593 Art. 20 du projet de réforme : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. La conduite ou la rupture fautive de ces négociations oblige son auteur à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. La faute est notamment constituée lorsque l’une des parties a entamé ou a poursuivi des négociations sans intention de parvenir à un accord. Les dommages et intérêts ne peuvent avoir pour objet de compenser la perte des bénéfices attendus du contrat non conclu ». réflexion ont été prévus. Les effets induits par la rétractation d’une offre sont sanctionnées indifféremment, selon que l’offre ait été faite à personne déterminée ou non, par la responsabilité délictuelle de l’auteur de la rétractation595. « Il n’est pas en effet apparu opportun de forcer à la formation d'un contrat en cas de révocation illégitime d’une offre faite, de même en cas d'incapacité ou de décès de son auteur »596. Par ailleurs, les « avant-contrats », dont font partie la promesse unilatérale de contrat et le pacte de préférence, sont insérés dans cette partie du code civil597. L’article 35 du projet précise que le contrat conclu avec un tiers de mauvaise foi en violation d'un pacte de préférence est nul. En outre, le projet de réforme octroie aux considérations morales une importance certaine, une promotion de l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil, puisque la bonne foi doit gouverner les agissements de chacune des parties598. Certains auteurs y voient « un moyen commode de nourrir les procès les plus long en invoquant un prétendu manquement de son cocontractant à ce principe »599. 388. - Les projets de réforme ont fait couler beaucoup d’encre, notamment au moyen de lettres entre auteurs600. Certains auteurs émettent des objections, « le projet donne l'impression générale d'avoir réalisé un grand écart, faisant du copier-coller tantôt de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, tantôt des Principes du droit européen des contrats » et que « le cocktail (qui) en ressort (n'est) guère cohérent »601 tandis que d’autres considèrent le projet cohérent puisqu’ « à l'instar des Principes du droit européen du contrat et de l'avant594 Art. 21 du projet de réforme : « Indépendamment de toute rupture, celui qui utilise sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité délictuelle. » Art. 22 du projet de réforme : « L’accord de principe par lequel les parties se sont engagées à négocier ultérieurement un contrat dont les éléments restent à déterminer est soumis aux dispositions du présent soustitre ». 595 Art. 26 du projet de réforme : « La rétractation de l’offre, en violation de l’obligation de maintien prévue à l’article 25, n’engage que la responsabilité délictuelle de son auteur sans l’obliger à compenser la perte des bénéfices attendus du contrat ». 596 D. HOUTCIEFF, Rapport de présentation, in Blog « Faculté, Droit et Droit à la faculté », 24 sept. 2008. 597 Art. 33 à 35 du projet de réforme. 598 Art. 18 du projet de réforme. 599 L. LEVENEUR, Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats : à améliorer, Contrats, conc. Consom. Op. Cit. nov. 2008, n° 11, p. 1. 600 R. CABRILLAC, Le projet de réforme du droit des contrats. Premières impressions, JCP 2008. I. 190. – D. MAZEAUD, Réforme du droit des contrats : haro, en Hérault, sur le projet !, RD. 2008. p. 2675. : « Mon cher Rémy, Je t'écris une lettre que tu liras sûrement car tu en as le temps... (…) Mais, les yeux dans les yeux, Mon Cher Rémy, les universitaires que nous sommes sont-ils, en l'occurrence, les mieux placés pour donner des leçons de transparence et de pluralisme ?» Le ton est donné. 601 R. CABRILLAC, Le projet de réforme du droit des contrats. Premières impressions, JCP 2008. I. 190. projet « Catala », on intègre, comme l'avait d'ailleurs déjà fait la Cour de cassation, dans notre modèle contractuel l'impératif d'efficacité économique du droit et on ouvre donc, plus ou moins largement, notre tradition civiliste aux leçons de l'analyse économique du droit »602. Le projet de réforme tend à trouver un « équilibre assez harmonieux, réalisé entre les impératifs de liberté, de sécurité et de justice contractuelles »603. 389. - Alors même que ces mêmes projets témoignent d’ « une exigence d'« intelligibilité et d'attractivité » du droit des contrats, mais encore d'efficacité de notre droit des contrats, dans un contexte de mondialisation et de concurrence des droits »604, l’encadrement juridique des négociations ne fait pas l’objet d’une attention particulière. Les questions liées à la formation du contrat apparaissent de façon plus affirmée, mais cela ne consacre pas pour autant un véritable régime des négociations. La liberté contractuelle est privilégiée, la recherche d’une plus grande attention de la volonté des parties semble délaisser la possibilité d’un interventionnisme contractuel modéré, calculé. 390. - L’élément, dont on peut être sûrs, est le fait que « la jurisprudence continuera son travail de construction, code civil nouveau ou pas », étant donné que « la Cour de cassation est une autorité décisionnelle créatrice de règles, la jurisprudence est une source objective de droit, qu'on l'admire ou qu'on le regrette, de sorte que notre système est mi-légal mi prétorien, ce dont on pourrait alors tirer quelques conclusions en termes d'organisation et de prévisibilité »605. 391. - La question de l’intérêt au contrat tend habilement à traiter du débat sur le contrôle des clauses des contrats d'affaires, tels que la clause de confidentialité, d’exclusivité. Ces conventions, plus ou moins autonomes, répondent elles-mêmes à des intérêts particuliers qui justifient leur présence, leur contrôle, leur interprétation. Les différentes clauses permettent de mettre en lumière les intérêts distincts des parties et leur offre la possibilité d’aménager leur contrat selon leurs souhaits. Transposé au processus de sélection, ne pourrions-nous pas percevoir l’opportunité de recourir à de telles clauses, afin d’aménager le déroulement des négociations pour la sélection, au gré de la volonté du promoteur du réseau ? 602 D. MAZEAUD, Réforme du droit des contrats : haro, en Hérault, sur le projet !, RD. 2008. p. 2675. Ibid. 604 D. MAINGUY, Défense, critique et illustration de certains points du projet de réforme du droit des contrats, RD. 2009, p. 308. 605 Ibid. 603 Conclusions tirées de l’élargissement de la recherche aux frontières internationales 392. - Les inspirations textuelles ne sont pas génératrices de l’encadrement des négociations escompté. Le principe de liberté contractuelle absolue demeure bien encré. Dans le régime anglo-saxon, la Chambre des Lords reste fidèle à ses fondements et ne permet aucun changement dans sa vision traditionnelle des dispositions propres à régir la période des négociations. En effet, elle n’entend nullement faire droit à une obligation de négocier dont la conséquence générerait un élément contraignant à la charge des partenaires. Simultanément, la Chambre des Lords soutient la théorie de liberté absolue des négociateurs. Celle-ci défend le respect de la possibilité, durant les négociations, de rechercher uniquement son propre intérêt et l’acceptation implicite des risques financiers induits par leur rupture. Néanmoins, les précédentes observations démontrent une volonté d’unification avec les dispositions du régime romano-germanique. Nonobstant ces efforts, les pratiques jurisprudentielles et doctrinales révèlent les réelles lacunes dont souffre l’efficience des règles applicables à la période précontractuelle. Le cœur de l’obstacle est de savoir s’il n’est question que d’une période utile à une réelle application des théories ou bien si le régime est déterminé à conserver ce blocage. Dans ce dernier cas de figure, il ne s’agirait alors que d’une homogénéisation artificielle des dispositions mondiales. Alors même que certains aspects étrangers, tel que l’« Agreement to negociate » paraissent intéressants, ceux-ci manquent d’effectivité dans leur mise en œuvre et de force obligatoire. 393. - Le droit allemand apporte des réponses concrètes à l’encadrement juridique des négociations mais semble octroyer une importance trop grande à l’interventionnisme, aux dépens de la liberté contractuelle des parties. Aussi, il parait inadapté à l’encadrement des dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution, de contrats d’affaires. 394. - Les principes Unidroit, tout comme leurs homologues européens606, tendent à conforter la liberté contractuelle des parties, en prévoyant notamment un devoir de minimiser son propre dommage607. A ce titre, tant les dispositions législatives que jurisprudentielles 606 607 Les Principes pour un droit européen des contrats. V. Infra n° 374. françaises différent, octroyant aux négociateurs une liberté contractuelle plus modérée608. Les projets de réforme n’apportent pas de solutions nouvelles permettant l’encadrement juridique du processus de sélection. Alors même que le projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats fait mention des négociations dans son chapitre III, consacré à la formation du contrat, l’incohérence de ce regroupement participe, en autres, à l’absence de reconnaissance d’un droit émergeant des négociations. Toutefois, le projet de réforme consacre le « nouvel essor des particules élémentaires des contrats, nouvel essor de leur contrôle et, donc, de leur importance »609. La gestion des risques dans les négociations pour la sélection peut s’effectuer au moyen des diverses clauses, de confidentialité, d’exclusivité, conférant aux parties la liberté de recourir à l’encadrement souhaité, correspondant aux caractéristiques du besoin de sélection en question. 608 609 V. Infra n° 230 et s. Ibid. TITRE II La gestion des risques de la négociation dans le processus de sélection 395. - Avant toute chose, il convient de préciser que la gestion des risques de la sélection par un encadrement de la négociation ne vise, en aucun cas, à créer de toute pièce un contrat « Canada-Dry »610 qui se révèle ne pas en avoir la qualité en vérité, mais seulement y ressembler de loin, au sens juridique du terme. Tous les contrats n’ont donc pas la même force et ne peuvent être placés au même niveau. Les protocoles d’accords et autres accords de principe n’ont alors pas lieu de figurer dans l’analyse. 396. - L’encadrement juridique des négociations est rendu possible au moyen d’un panel de mécanismes qui offre aux parties, mais surtout à l’initiateur de la sélection, un large choix quant au degré d’interventionnisme contractuel souhaité. Le promoteur du réseau dispose de divers outils juridiques, lui permettant d’aménager le déroulement des négociations et les modalités d’exercice de son pouvoir décisionnel de sélection. Pour rendre effectif l’utilité d’un encadrement de la sélection, l’identification des caractéristiques de chaque type de besoin de sélection est primordiale. En effet, il parait incohérent de conférer au processus de sélection une qualification générale, applicable à tous les besoins de sélection, aussi différents soient-ils611. La prise en considération des risques liés à chaque besoin de sélection conduit à trouver les encadrements opportuns. La démarche vise à présenter une grille d’analyse des outils juridiques, mécanismes aptes à régir chaque besoin de sélection. Le véritable intérêt est de conférer une réelle utilité des propositions d’encadrement, dans les relations d’affaire. L’objectif soutenu tend à l’obtention d’une réelle efficacité auprès des négociateurs. Aussi, trouver une qualification « possible » ne saurait suffire612, il convient que celle-ci trouve une place légitime, par les avantages que celle-ci induit, au sein même des négociations de distribution. 610 D. MAINGUY, Droit des obligations, fascicule de cours, 2007-2008. V. Infra n° 13 et s. Chapitre I. Les contours « flous » au besoin de sélection. 612 V. Infra n° 219 et s. 611 Envisager les négociations dans le processus de sélection de façon globale ne peut être satisfaisant. Les particularités des dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution influent considérablement sur la nature des négociations. Bien qu’il s’agisse du régime précontractuel des négociations, les négociations pour la sélection ne porteront non pas sur le contrat projeté, mais sur l’identité de la personne choisie pour conclure ledit contrat. Les candidats distributeurs ne pourront que, très rarement et avec une marge de manœuvre restreinte, transiger sur les dispositions du contrat-cadre de distribution. Le franchisé pourra « négocier » les investissements à réaliser mais de manière réellement accessoire. Lorsque le candidat franchisé ne dispose pas d’une assise financière suffisamment confortable pour lui permettre de réaliser les investissements nécessaires à l’intégration dans le réseau, le franchiseur détournera son choix de cette personne. 397. - Dès lors, le processus de sélection s’articule autour de deux moments principaux, la rencontre avec les candidats distributeurs « présélectionnés »613 avec lesquels le promoteur du réseau entrera en négociation, pour obtenir davantage d’informations sur les aptitudes des candidats, afin de débuter sa sélection. Le second temps relève du seul pouvoir de sélection de l’initiateur du réseau, qui exprime sa volonté de sélectionner les candidats. Tout naturellement, la gestion des risques liés à la sélection doit s’appliquer à identifier l’opportunité des différentes modalités de l’encadrement correspondant à chaque type de besoin de sélection lors de la conduite des négociations (Chapitre I), puis au moment décisif du choix du promoteur du réseau des distributeurs sélectionnés, la finalité première des négociations (Chapitre II). 613 Le promoteur du réseau effectue une phase de présélection afin de ne rencontrer que les candidats a priori retenus pour intégrer le réseau de distribution. Débuter une période de négociation avec l’ensemble des postulants est matériellement inconcevable dans la franchise commerciale ou la concession exclusive. Le système de distribution sélective est exclu de ce raisonnement, notamment par le fait que cela reviendrait à violer l’obligation d’objectivité et de non-discrimination, à la charge de la tête de réseau. Aussi, la sélection pour la constitution d’un réseau de distribution sélective semble constituer une limite à la possibilité d’aménager contractuellement la sélection. Chapitre I La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus de sélection 398. - Le droit de la responsabilité civile confère au principe de liberté contractuelle des parties une importance telle que l’encadrement des négociations informelles est quasiinexistant. L’encadrement se borne à ne sanctionner que l’abus dans la conduite des négociations, par l’engagement de la responsabilité de la partie ayant délibérément induit en erreur son partenaire quant à ses réelles intentions614. Néanmoins, dans le contexte des relations d’affaires, la possibilité de négocier de manière informelle présente des avantages, notamment par la grande latitude octroyée aux parties. Le promoteur du réseau présentant un besoin de sélection ne nécessitant pas une grande protection, sans savoir-faire par exemple, peut trouver satisfaisant ce faible encadrement (Section 1). D’autres besoins de sélection nécessitent une plus grande sécurité, ce qui conduira l’initiateur de la sélection à se détourner du régime des négociations informelles pour un encadrement contractuel, plus élaboré. La recherche de qualification pour chaque processus de sélection a permis de retenir le contrat de négociation ; outil contractuel, a priori, conforme aux attentes d’un encadrement organisé, sécurisant sans toutefois être oppressant et réducteur de liberté aux dépends des parties. L’étude ne peut se contenter de seules intuitions et doit identifier, pour chaque type de besoin de sélection, l’encadrement juridique adapté. Les caractéristiques du contrat de négociation permettent d’identifier les besoins de sélection nécessitant cet encadrement contractuel (Section 2). 614 V. Infra n° 234 et s. Section 1/ L’opportunité d’un faible encadrement par le droit de la responsabilité civile 399. - La gestion informelle des négociations est une aubaine pour certains promoteurs de réseau afin de mettre en œuvre leur besoin de sélection, sans être contraints par le respect de dispositions contractuelles, réductrices de leur liberté (Paragraphe I). La détermination des besoins de sélection satisfaits par le seul encadrement du droit de la responsabilité civile tend également à percevoir ses limites ; certains besoins de sélection nécessitent un encadrement contractuel, plus élaboré (Paragraphe II). Les particularités propres à chaque type de besoin de sélection mettent en lumière les enjeux des processus de sélection ; enjeux qu’il convient de relever au moyen des différents degrés d’encadrement proposés. Paragraphe I/ La consécration de la liberté contractuelle par la gestion informelle des négociations 400. - L’initiateur d’un réseau de distribution est confronté, pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un processus de sélection, au respect d’exigences légales et jurisprudentielles 615. La défense des enjeux concurrentiels conduit à opérer un contrôle de la sélection, du fait notamment de l’éviction de certains opérateurs qu’elle induit 616. Aussi, le promoteur du réseau, s’il ne présente aucun intérêt en un encadrement contractuel de son besoin de sélection, refusera de réduire son pouvoir de négociation (I). L’identification des besoins de sélection, pour lesquels le fournisseur ne manifeste pas d’intérêt à organiser contractuellement la négociation, est alors possible (II). I/ L’expression de la liberté contractuelle du promoteur du réseau 401. - Le législateur, rapidement suivi par la jurisprudence, refuse d’admettre un interventionnisme permettant de régir les dispositions encrées dans la période informelle, précontractuelle. Les décisions jurisprudentielles demeurent rares et discrètes concernant la 615 616 V. Infra n° 57 et s. V. Infra n° 142 et s. question. Les modifications législatives617 tendent, au contraire, à assouplir la gestion des négociations. Octroyer une plus grande liberté aux parties, au nom d’une volonté de faciliter les relations commerciales, connote une tendance générale à ne pas intervenir, au laisser-faire comme l’imaginait Adam Smith en défendant le libéralisme économique. Le pouvoir de chacune des parties au sein des pourparlers semble être une question centrale au sein du processus de sélection. En effet, en l’absence d’un équilibre des pouvoirs, seul le négociateur le plus fort aura la capacité décisionnelle. Le pouvoir permet de mobiliser des ressources vers les objectifs à atteindre. L’environnement de la négociation est à la fois créateur de contraintes et de ressources. De manière générale, « dans une relation de négociation le pouvoir de a sur b est la capacité que manifeste a, dans sa négociation avec b, d'obtenir les termes d'un échange qui lui soit favorable »618. Certains auteurs affirment que les contrats de distribution sont des contrats de dépendance dans lesquels le distributeur est la partie la plus faible619. Selon cette conception, l’absence d’un véritable pouvoir de négociation est à constater, au profit de la liberté décisionnelle du fournisseur. Il convient de nuancer cette conception par l’élément principal qui caractérise la sélection, les négociations ne portent pas sur les dispositions du contrat-cadre de distribution prévu, mais sur la personne du candidat. Dans le processus de sélection, le fournisseur prend seul la décision finale, sélectionner le candidat ou y renoncer. 402. - Aussi, le promoteur du réseau peut, du fait de l’encadrement minime du droit de la responsabilité, bénéficier une liberté dans la conduite des négociations. La loyauté et la bonne foi doivent gouverner la conduite des négociations, afin d’opérer un faible contrôle de cellesci620. Dans une démarche méthodologique, la détermination des besoins de sélection, correspondant aux seules négociations informelles, est utile. 617 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a modifié l’article L. 442-6 du Code de commerce : la liberté de négocier les prix est consacrée ; l’article L. 441-6 du Code de commerce : les règles de transparence précontractuelles sont assouplies. 618 N. A. CHAMBERLAIN, and J. W. KUHN, Collective Bargaining, 2nd ed., McGraw Hill, New York, 1965 in J. ROJOT, La gestion de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 447. 619 F. de BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, L.G.D.J, 2007. 620 V. Infra n° 230 et s. II/ Les contours du besoin de sélection nécessitant un faible encadrement 403. - Les contours de chaque besoin de sélection sont difficilement perceptibles du fait que chaque réseau de distribution présente des nécessités divergentes. Chaque promoteur de réseau de distribution présente un besoin de sélection unique, reposant sur la réunion d’un nombre important d’éléments. Toutefois, les besoins de sélection peuvent être regroupés autour de spécificités communes. Il peut notamment s’agir la nécessité d’opérer un contrôle de la commercialisation des produits, ou bien d’obtenir une efficience économique et commerciale. 404. - En l’absence d’un savoir-faire, induisant la nécessité de protéger des informations confidentielles, ou alors d’un besoin d’obtenir l’exclusivité des candidats distributeurs, le fournisseur ne trouvera pas d’intérêt à un encadrement contractuel. La gestion informelle des négociations est opportune pour régir des besoins de sélection peu élaborés, qui présentent un niveau de risque lors des négociations relativement faible. A titre d’exemple, le franchiseur ayant développé un savoir-faire logistique, ne présente qu’un besoin moindre de prévoir une clause de confidentialité pendant les pourparlers puisque seuls les distributeurs sélectionnés peuvent accéder au savoir-faire par l’appartenance au réseau de distribution. 405. - Le choix de l’encadrement résulte de la mise en balance des risques induits par la sélection et de la volonté du fournisseur de conserver la plus grande latitude, liberté dans la réalisation de son pouvoir décisionnel. Le seul encadrement par le droit de la responsabilité civile connote un niveau de risque moindre, insuffisant à justifier une réduction de la liberté du promoteur de réseau. Dans le cas contraire, le niveau de risque étant important, la tête du réseau privilégiera un encadrement contractuel, en conciliant les impératifs de protection, des informations confidentielles par exemple, et la nécessité de conserver sa liberté décisionnelle. Paragraphe II/ L’insuffisance de l’encadrement par le droit de la responsabilité civile 406. - Le droit de la responsabilité civile présente un encadrement inadapté à certains besoins de sélection, présentant une nécessité de protection, de sécurité (I). Un moyen alternatif au contrat de négociation est la conclusion d’une promesse unilatérale de contracter par les candidats distributeurs (II). I/ La nature du besoin de sélection, insatisfait par le faible encadrement de la responsabilité civile 407. - La longueur et la complexité des négociations sont souvent proportionnelles à l’importance du contrat projeté. Pour faciliter le déroulement des négociations, au sein du processus de sélection, l’initiateur du réseau peut aménager contractuellement les risques identifiables, en fonction de la nature du besoin de sélection en cause. 408. - Au vu des constatations précédentes, les besoins de sélection ne présentant pas de risque d’atteinte à des informations confidentielles, à un savoir-faire logistique, ou ne nécessitant pas une exclusivité de part les candidats distributeurs, sont satisfait pas le faible encadrement des négociations informelles. Dès lors, l’on peut en déduire, a contrario, que l’exigence de confidentialité et d’exclusivité semblent être les deux éléments essentiels, incitant les promoteurs de réseau à organiser contractuellement les modalités de la conduite des négociations. Avant d’envisager l’opportunité de l’encadrement du contrat de négociation, adapté aux nécessités de certains besoins de sélection, le fournisseur peut choisir de faire consentir aux candidats distributeurs une promesse unilatérale, afin de garantir leur consentement quant à la conclusion du contratcadre de distribution. II/ La possibilité de recourir à la promesse unilatérale de vente 409. - La promesse unilatérale de contracter est la convention par laquelle un individu, le promettant s’engage envers un autre qui l’accepte, le bénéficiaire, pour conclure un contrat dont les conditions sont dès à présent déterminées, si celui-ci le lui demande dans un certain délai. Le bénéficiaire de la promesse, l’initiateur du réseau, prend acte de l’engagement du promettant, le candidat distributeur, mais ne promet pas de conclure le contrat définitif621. Le fournisseur du réseau conserve sa liberté décisionnelle de sélectionner le candidat revendeur ou bien de renoncer à conclure un contrat-cadre de distribution avec celui-ci. Le fournisseur peut alors tranquillement étudier l’opportunité de sélectionner ce candidat distributeur à telle ou telle condition. Le promettant s’engage dès la conclusion de la promesse tandis que le bénéficiaire ne s’engage à conclure le contrat qu’au moment de la levée de l’option. Jusqu’à la levée de l’option, le fournisseur est bénéficiaire d’un droit personnel, un droit potestatif qui lui confère le pouvoir de conclure le contrat définitif. 410. - Le promoteur du réseau, en faisant conclure à chacun des candidats distributeurs une promesse unilatérale de contracter, sécurise la conduite des négociations. Celui-ci anticipe le risque lié à la renonciation par un candidat revendeur de faire l’objet de la sélection par la tête au réseau, au profit par exemple d’un autre réseau de distribution. En effet, il est possible que le candidat distributeur « postule » pour intégrer simultanément dans plusieurs réseaux de distribution, afin de multiplier ses chances d’être sélectionné. Dans l’hypothèse où le candidat est sélectionné par les deux fournisseurs, celui-ci renoncera à conclure l’un des deux contratscadre de distribution. L’initiateur de la sélection ayant divulgué des informations précieuses au candidat distributeur observera l’atteinte ainsi portée à son réseau, à son savoir-faire commercial, par le distributeur nouvellement intégré à un réseau concurrent. Aussi, la conclusion par les candidats distributeurs de promesses unilatérales de contracter permet de minimiser les risques. La promesse unilatérale de contracter peut être soumise à la réalisation d’une condition suspensive, l’obtention d’un crédit par exemple par le candidat distributeur, afin de pouvoir effectuer les investissements nécessaires à l’intégration dans le réseau. 411. - Cependant, la promesse unilatérale de contracter peut être empreinte d’insécurité 622. La jurisprudence autorise le promettant à rétracter son engagement avant la levée de l’option par le bénéficiaire, sans craindre que celui-ci puisse obtenir une exécution forcée de l’obligation623. Au vu des analyses précédentes, l’acceptation de la promesse n’emporte pas le 621 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 9e éd., Précis Dalloz, n° 191 et s., p. 193 et s. 622 V. Infra n° 277 et s. 623 Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199. consentement du promettant à la conclusion du contrat définitif. Le candidat distributeur ayant consenti une promesse unilatérale de contracter bénéficie d’une faculté de rétractation. 412. - Néanmoins, alors même que le candidat distributeur peut anéantir la promesse unilatérale de contracter qu’il a consentie, le promoteur du réseau obtiendra réparation du préjudice causé, tandis que la seule responsabilité civile ne permet pas l’engagement de la responsabilité de la partie qui refuse de conclure le contrat définitif. Les négociations informelles ne sanctionnent pas l’échec des négociations, le fait pour le candidat distributeur de quitter la table des négociations. La conclusion d’une promesse unilatérale par chacun des candidats distributeurs tend à sécuriser le processus de sélection. Bien que le promettant dispose d’un droit de rétractation, la Cour de Cassation a récemment jugé que l’article 1142 du Code civil ne s’impose qu’à défaut de stipulation contraire624. L’efficacité de la promesse relève désormais des parties, libres d’imposer son exécution en nature. C’est parce qu’elles n’auront pas pris cette précaution que ce texte conservera son empire. Cependant, la solution n’a que peu d’intérêt ; l’exécution forcée autorisée judiciairement ou conventionnellement est confrontée aux particularités inhérentes aux relations d’affaires, de distribution. L’exécution d’un tel accord va faire naître une relation durable, propice à de nombreux échanges, à l’instauration de relations commerciales de confiance. Le contrat-cadre implique une collaboration entre les parties, collaboration évidement inexistante en cas de « forçage » du contrat. Si le franchisé par exemple, promettant, rétracte sa promesse, le forcer à intégrer le réseau témoignerait de conditions de travail infructueuses. Les enjeux propres à la sélection pour la constitution d’un réseau de distribution tendent à amoindrir le sens de cette solution, l’exécution forcée étant inefficiente. 413. - Les parties peuvent aménager contractuellement les conséquences du non-respect de son obligation par le promettant par la stipulation d’une clause de dédit. Dans cette hypothèse, le promettant, candidat distributeur, se voit consacrer contractuellement un droit de ne pas conclure le contrat-cadre de distribution et le bénéficiaire, la tête de réseau a, de son côté, la 624 Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS D, Sté Ogic c/ SCI Foncière Costa et a., Juris-Data n° 2008043404. garantie de percevoir la somme prévue dans la promesse, le dédit n’étant pas révisable. La faculté de dédit ne fait pas perdre à la promesse son caractère unilatéral625. 414. - Le contrat de négociation assure davantage de prévisibilité aux parties, octroyant ainsi à la tête de réseau la possibilité d’aménager les modalités de la négociation ; l’encadrement contractuel les risques liés à la conduite des pourparlers étant générateur de sécurité. 625 Cass. com., 14 juin 1982, n° 81-10.195, Gaz. Pal. 1983, 1, pan., p. 19, obs. J. DUPICHOT. Section 2/ L’opportunité d’un encadrement contractuel « à la carte » 415. - Le contrat de négociation présente des particularités qu’il convient d’adapter au processus de sélection afin de vérifier si la sélection peut être appréhendée par cet outil contractuel. Alors même que la création d’une structure contractuelle pour l’organisation des négociations génère des obligations à la charge des parties, celles-ci disposent d’une grande liberté contractuelle, dans la détermination des dispositions du contrat de négociation. Ce contrat « à la carte » est propice au déploiement du processus de sélection puisque les parties peuvent aménager les aspects contraignants, selon leurs souhaits. 416. - La perception de l’opportunité d’encadrer contractuellement les négociations lors du processus de sélection est fondamentale. Cette première étape tend à identifier les besoins issus de la sélection et ainsi préjuger de la nécessité de recourir au contrat de négociation (Paragraphe I). Aussi, les attentes propres aux pourparlers dans la distribution doivent pouvoir être satisfaites par les caractéristiques de cet encadrement. Les contours des besoins de sélection dont l’encadrement contractuel est opportun sont alors identifiables (Paragraphe II). Cela permet de conférer une grille d’analyse aux promoteurs de réseau afin que ceux-ci déterminent en fonction des particularités du besoin de sélection qu’ils présentent, l’encadrement préconisé. Paragraphe I/ Les synergies de l’organisation contractuelle des négociations pour la sélection 417. - Les éléments influençant le recours à l’encadrement contractuel sont multiples, ceux-ci proviennent des particularités de la conduite des négociations pour la sélection mais également de l’analyse économique des enjeux en cause (I). Les négociations pour la sélection portent majoritairement sur les candidats distributeurs ; le principal intérêt du contrat de négociation étant de prévoir des clauses pour sécuriser notamment les informations confidentielles et non pas de transiger sur le contenu du contrat-cadre de distribution. Néanmoins, l’étude ne peut écarter l’aspect premier du contrat, les modalités de la négociation. L’obligation de négocier de bonne foi, particularité essentielle du contrat de négociation, est transposable au développement de la sélection (II). I/ Les stimuli influençant l’édification d’un cadre contractuel au processus de sélection 418. - L’organisation des négociations dans la sélection se justifie par les synergies que l’encadrement crée, du fait de la réponse à des nécessités concrètes (A) ; synergies confortées par l’analyse économique (B). A/ La nécessité d’organiser le déroulement des négociations 419. - Les éléments induisant la réussite des négociations (1/), conjugués aux besoins propres aux dispositions précédant la conclusion du contrat-cadre de distribution, aux négociations d’affaires (2/) attestent de l’opportunité de mettre en place un contrat de négociation, en présence de certains besoins de sélection particuliers, qu’il conviendra d’identifier ensuite626. 1/ Un encadrement favorable à la naissance réussie des relations d’affaires 420. - « La négociation pourra apparaître comme poursuivant des impératifs contradictoires puisqu'il s'agira, d'une part, d'établir un document traduisant clairement la volonté des parties et que, d'autre part, l'équilibre contractuel résultera d'un compromis entre des intérêts antagonistes »627. Les partenaires présentent des intérêts divergents, n’ayant pas le même angle de vue, tout en souhaitant trouver le point de conciliation traduisant leur intérêt commun. 421. - L’objectif principal conduisant à l’élaboration d’un accord de négociation dont l’objet est la sélection des distributeurs, c’est-à-dire un accord de sélection, est la création de dispositions protectrices à l’égard des deux partenaires. Il s’agit de s’assurer d’un certain niveau de sécurité juridique afin d’influencer le développement des négociations. Comme il a été discuté précédemment, des études ont démontré que le fait de réduire la liberté précontractuelle des parties au profit de l’insertion de règles sanctionnant certains comportements fautifs, est bénéfique. L’abbé Lacordaire précisait qu’ « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». L’objectif poursuivi par le législateur atteste de l’intérêt porté au principe de 626 627 V. Supra n° 441 et s. X. BIRBES, L'objet de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 471. protection du faible par les lois et de son extension, après le salarié, le locataire et le consommateur, au professionnel, notamment avec l’article L. 442-6 du Code commerce. Un recul mesuré de la liberté contractuelle des parties au profit de l’édification de dispositions sécurisantes, sortes de gardes fous, est générateur de relations de confiance dans lesquelles des obligations de loyauté, de bonne foi doivent être respectées. Alors même que ces concepts sont véhiculés implicitement dans tout type de relation contractuelle, le paysage du droit de la distribution et notamment dans le processus de sélection appelle à une méfiance. En effet, les rapports inégalitaires préexistants dans la phase de sélection remettent en cause l’automatisme de la référence à des notions de bonne foi, loyauté. L’on perçoit alors tout l’intérêt qui réside dans l’édification d’un cadre propice au développement de telles considérations tout en préservant la liberté indéniable à la réussite des enjeux financiers. 422. - Le fait de s’engager dans une phase de négociation doit permettre la création de bases solides à l’intervention d’un contrat-cadre de distribution. Toutefois, celle-ci est génératrice de risques et de coûts. Le promoteur du réseau, tout comme le candidat distributeur, décident conjointement d’entrer dans une période au cours de laquelle ils dévoileront des informations, parfois secrètes constitutives de savoir-faire. Les enjeux induits par un échec des négociations sont alors synonymes de pertes sèches en matière financière mais également de temps perdu. En effet, « la négociation dans son résultat global implique des coûts en temps, en énergie, en concessions qui diminuent l’utilité pour les parties intéressées ». Ainsi, les parties déterminent, chacune de leur côté, « par intuition ou d’une manière implicite un coût d’opportunité pour la négociation »628. 423. - L’émergence d’un encadrement contractuel octroie simultanément un régime de liberté de choix tout en luttant efficacement contre l’installation d’une insécurité, caractérisée par des comportements déloyaux. 628 C. DUPONT, La négociation : condition, théorie, application, 2ième éd. Dalloz, 1986, p.10. 2/ Les besoins issus des spécificités propres à la phase précontractuelle des contratscadre de distribution 424. - Les enjeux tendant à la réussite de l’issue des négociations et à la concrétisation des conséquences du processus de sélection sont capitaux pour le candidat distributeur629. Le distributeur sélectionné bénéficie des effets du contrat-cadre de distribution, qui est à l’origine de sa relation avec le fournisseur, tout en conservant son indépendance juridique. Le futur revendeur, par l’octroi d’une indépendance juridique, ne perçoit pas en priorité le degré de latitude quant aux choix qu’il pourra effectuer et aux décisions dont il sera l’auteur ou le coauteur. L’élément fondamental qui retient toute son attention est l’engagement quasi systématique de sa responsabilité. Ainsi, la volonté d’adhérer au sein de tel ou tel réseau de distribution est calculée avec discernement. Le candidat effectue une recherche lui permettant de préjuger quant à la santé financière du réseau de distribution et à l’aide d’analyses, celui-ci transige sur le fait de savoir si son intégration sera profitable. Les effets induits par la conclusion d’un contrat-cadre de distribution sont d’autant plus conséquents et cruciaux pour le futur revendeur que la collaboration à laquelle il se destine l’engagera dans des relations de longue durée. 425. - Par ailleurs, les constats précédents sont en mesure de témoigner de l’importance pour la tête de réseau de sélectionner le bon candidat. En l’absence d’un processus de sélection mené à bien, les retombées d’une mauvaise gestion et d’un travail non conforme aux attentes des consommateurs d’un distributeur portent préjudice à l’ensemble du réseau et nuisent à l’enseigne commune, à tous les revendeurs630. La tête de réseau doit donc se réserver d’effectuer un processus de sélection de manière accélérée. Le fournisseur prend le soin de vérifier, point par point, l’adéquation entre les caractéristiques du candidat et la demande émanant du réseau. 426. - Par conséquent, la phase de préparation pour la conclusion d’un contrat-cadre de distribution ne peut répondre aux exigences, notamment d’investigation, sans le bénéfice d’un délai raisonnable. Eu égard à toutes les précautions déployées par chacune des parties, la période lors de laquelle est réalisée le besoin de sélection est relativement longue631. Néanmoins, il convient de se réserver de conclusions empreintes de naïveté et convenir du fait 629 Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2ième éd., Litec, 2007, n° 548, p. 249. V. Infra n° 22. 631 Enquête annuelle Banque Populaire / FFF / CSA 2006 : le parcours du candidat à l’entrée dans un réseau n’est pas inférieur, en moyenne, à six mois, entre le premier contact et la signature du contrat. 630 que généralement le temps de la sélection, en lui-même, est court. Le fournisseur prépare un contrat d’adhésion à l’appui de ses seules déterminations et le présente au candidat distributeur632. Dans ce cas, ce dernier ne peut, finalement, qu’accepter ou refuser. 427. - Aussi, il est bon de rappeler que la distinction entre les deux temps du processus de sélection, la conduite des négociations et la décision de sélection du promoteur du réseau, se justifie là encore. Le temps de la négociation est relativement long tandis que la mise en œuvre du pouvoir décisionnel de la tête de réseau tend à s’effectuer en un trait de temps. La rencontre classique des volontés, par laquelle « les parties se contentent de penser à leur double adhésion à un système contractuel que le législateur, du lieu et du moment, a, souvent, élaboré par le jeu de constructions supplétives »633, ne peut s’ajuster aux impératifs des contrats de distribution. « Ces contrats nécessitent une élaboration juridique beaucoup plus longue que les contrats classiques, car ils sont beaucoup plus complexes. Ils impliquent une montée par étapes progressives vers l’accord contractuel »634. Les caractéristiques varient d’une relation à une autre puisque les paramètres dépendent de chaque courant d’affaires. Nombres d’efforts sont consacrés à la prévision et la préparation de l’instrument de la première relation contractuelle. B/ L’intérêt du contrat, au regard de l’analyse économique : les conclusions tirées de la théorie des jeux 428. - « Le non-juriste a surtout rappelé au juriste - qui l'oublie trop souvent - un point essentiel à notre conception même du contrat : toute négociation part d'une compétition, d'un conflit pour le résoudre par une coopération préférée à un brutal et simple rapport de forces »635. 632 Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2ième éd., Litec, 2007, n°560, p.253. J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat de distribution, éd. F. Lefebvre, 2001, n°13, p.30. 634 J. CEDRAS, L’obligation de négocier, RTD com. 1985, p. 273, n°9. 635 J-M MOUSSERON, Rapport de synthèse du colloque « La négociation du contrat », le 19 mai 1998, organisé par l'Université des sciences sociales de Toulouse (Toulouse I), centre de droit privé, in D., RTD com. 1998 p. 559. 633 429. - La théorie des jeux, ou plus exactement les théories des jeux puisqu’il existe plusieurs variantes de celle-ci, est symbolisée par le dilemme du prisonnier. Il convient préalablement de comprendre ce en quoi consiste la mise en œuvre de la théorie (1/) pour ensuite opérer des constats en effectuant des parallèles avec le processus de sélection, la négociation en vue de la sélection (2/). 1/ Les modalités de la théorie des jeux 430. - Il s’agit de deux prisonniers, séparés l’un de l’autre, auxquels l’on propose une série d’alternatives concernant la peine de prison ou la liberté qui leur sera appliqué en fonction de leurs agissement respectifs. La personne, organisatrice de la théorie, promet à chacun qu’en cas d’aveu, s’il dénonce l’autre, il sera libéré et l’autre condamné à dix ans de prison, que s’ils se dénoncent tous deux, ils écoperont de cinq ans et que si aucun ne se dénoncent, ils subiront une peine de un an. Les deux personnes ont donc tout intérêt à coopérer afin de bénéficier, tous deux, de la peine la plus faible. Le fait de coopérer est plus profitable que la noncoopération636. Cependant, les prisonniers ne peuvent s’entendre quant à une stratégie, échangeant ainsi leur consentement sur la stratégie qu’ils adoptent. 2/ La réception de la théorie des jeux pour la négociation dans la sélection 431. - En transposant cette théorie à notre problématique contractuelle, l’on perçoit alors l’opportunité de transiger quant à la création de règles afin de maximiser les intérêts des parties. Les jeux coopératifs s’apparentent à la théorie économique de la négociation. Il est nécessaire de maîtriser les deux outils d'analyse des situations de négociation : la rationalité limitée et le pouvoir. 432. - « Les individus ne sont ni (seulement) une main (comme le sous-entendent Taylor et l'école classique du management) ni (seulement) un cœur (comme le sous-entendent Mayo et l'école des relations humaines), ils sont aussi et surtout un cerveau »637. Les individus sont rationnels mais cette rationalité est limitée. 636 D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, 2008. M. CROZIER, Le phénomène bureaucratique, Paris, Ed. du Seuil, 1963 in J. ROJOT, La gestion de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 447. 637 433. - Le négociateur est enfermé dans une version particulière du célèbre dilemme du prisonnier. L’application de la théorie des jeux à la négociation conduit les parties à devoir opérer un choix quant à leur stratégie. Celles-ci doivent osciller entre comportement coopératif ou conflictuel. « Les stratégies conflictuelles constituent le processus grâce auquel chaque partie essaie de maximiser sa propre part dans le contexte de paiements considérés comme à somme fixe. (…) Les stratégies coopératives constituent le processus à travers lequel chaque partie prend en compte les besoins de l'autre à côté des siens propres et tente d'accroître la taille des gains communs »638. L’élaboration d’un contrat de négociation, dont l’objet est l’encadrement du processus de sélection se doit d’être générateur d’agissements coopératifs. Au lieu d’être distributif et de percevoir le résultat des pourparlers de façon absolue, avec irrémédiablement un perdant et un gagnant, l’intérêt de l’encadrement est de permettre une solution « intégrative », de « winwin ». 434. - La contractualisation des relations commerciales de distribution, dans leur phase de préparation est parfois difficile du fait des spécificités tenant au caractère informel des affaires. L’intérêt de recourir à un encadrement des dispositions situées dans la période des négociations est d’apporter une sécurité aux parties. L’objectif soutenant un certain degré d’interventionnisme permet d’aménager la législation des parties et confère aux notions de bonne foi, de loyauté une force obligatoire puisqu’étant insérées dans le contrat de négociation. II/ L’objet du contrat : l’obligation de négocier transposée au processus de sélection 435. - L’appréhension de la particularité essentielle du contrat de négociation (A) doit permettre d’envisager la possibilité d’adaptation à la sélection. L’insertion d’une obligation d’entrer en discussion dans le processus de sélection semble juridiquement réalisable (B). 638 J. ROJOT, La gestion de la négociation, D., RTD com. 1998 p. 447. A/ Les caractéristiques du contrat de négociation : les modalités de l’obligation essentielle de négocier 436. - Le contrat de négociation, peut être perçu comme « l'accord par lequel deux parties s'engagent, l'une envers l'autre, non point à conclure mais à négocier un second contrat dont elles ne précisent ni les clauses accessoires ni les clauses essentielles »639. L’objectif soutenu par l’émergence d’un contrat préparatoire est de générer des obligations juridiques de sorte à régir la conduite des négociations. L’intérêt de régir cette phase informelle, influencée par le secret des affaires, réside dans le fait d’imposer aux partenaires de s’assoir à la table des négociations pour entreprendre ou poursuivre les discussions. Il n’est pas nécessaire qu’une telle obligation soit expressément stipulée, cela résulte naturellement de la situation, de l’essence même du contrat de négociation640. L’obligation de nouer le dialogue est une obligation de résultat ; le seul fait de ne pas participer à la négociation du contrat suffit à entraîner la responsabilité contractuelle du négociateur coupable d’une telle abstention641. 437. - Par ailleurs, les négociateurs s’octroient une protection mutuelle par la manière dont les pourparlers se dérouleront puisqu’ils s’imposent le respect de l’obligation de conduire les discussions de bonne foi. Le second volet de l’exigence est une obligation de moyen. Bien que la bonne foi soit reconnue par la jurisprudence, celle-ci la fonde davantage sur la morale, tandis que la bonne foi telle qu’elle est visée à l’article 1134 alinéa 3 du Code civil présente un fondement juridique textuel, contractuel solide. Cependant, bien que les intéressés soient tenus d’agir du mieux que possible pour aboutir à l’accord définitif, ceux-ci ne sont nullement contraint d’y parvenir642. 438. - En cas d’inexécution, le fondement contractuel est naturellement retenu, avec notamment l’application de l’article 1147 du Code civil. Les juges n’hésitent pas à rappeler que « les parties ont entendu, après divers contrats préalables, organiser contractuellement leurs négociations, (…), il en résulte, contrairement à ce qu’à estimé le tribunal, des obligations non pas de nature quasi délictuelle mais de nature contractuelle »643. En outre, 639 J.-M. MOUSSERON, La durée dans la formation des contrats, Mélanges JAUFFRET, p. 513 et s. Cependant, une telle obligation gagnera à être expresse. 641 A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 568, p. 349. 642 Cass. soc., 19 déc. 1989, RTD civ. 1991. 330, obs. J. MESTRE. 643 CA Versailles, 21 sept. 1995, Société Poleval c/ Société Laboratoires Sandoz, RTD civ. 1996, p. 145, obs. J. MESTRE, pourvoi rejeté par Cass. com., 7 avr. 1998, n° 95-20.361, JCP éd. E 1999, p. 579, note J. SCHMIDT. 640 « La rupture des pourparlers qui résultent du contrat de négociation, si elle est fautive, constitue une défaillance contractuelle »644. B/ La tentative de transposition de l’obligation de négocier au processus de sélection 439. - Les parties s’engagent à entrer dans une phase de pourparlers dont l’objet principal est la sélection et doivent évoluer de bonne foi. L’imposition d’une obligation de négocier peut poser quelques difficultés. L’initiateur d’un réseau de distribution ne peut, matériellement parlant, être contraint d’entrer en pourparlers avec l’ensemble des candidats distributeurs. Une adaptation est indispensable. La conclusion d’un contrat de négociation ne peut avoir lieu d’à l’issue d’une première phase de sélection. Cela signifierait alors que le fournisseur, après avoir écarté une première vague de candidats, ne conclut de contrat de négociation qu’avec certains futurs revendeurs. L’objectivité et la non-discrimination inhérentes à la distribution sélective ne permettent pas des tels agissements. Aussi, deux hypothèses sont à retenir ; soit le promoteur du réseau conclut autant de contrat de négociation que de candidat distributeurs, soit il n’en conclu qu’un seul avec le candidat qu’il souhaite retenir. 440. - Afin de pouvoir conclure quant à l’utilité de l’encadrement, il semble opportun de poursuivre la tentative de transposition du contrat de négociation aux spécificités de la sélection. L’instrument contractuel confère aux parties une grande liberté, une marge de manœuvre considérable. Le contrat de négociation permet notamment de recouvrir en son sein l’exclusivité des négociations, la confidentialité des informations échangées, l’accomplissement d’études préalables. L’engagement de la responsabilité en cas de manquements aux clauses insérées dans le contrat vise à consacrer une primauté à la confiance et à la transparence dans les relations. La contractualisation ne doit pas être perçue ici comme un moyen de contraindre les parties au respect de tel ou tel modalité mais plutôt comme une manière de créer un contrat « sur mesure »645, spécialement adapté aux besoins du courant d’affaires en question. 644 645 CA Paris, 7 nov. 2002, RTD civ. 2003, p. 76, obs. J. MESTRE et B. FAGES. A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 588, p. 358. Paragraphe II/ L’identification des besoins de sélection nécessitant un contrat de négociation 441. - « Construire un contrat consiste à répondre à toute une série - et mieux : tout un système - de questions. La tâche première est, donc, de poser le maximum d’interrogations et, à cette fin, d’analyser au mieux l’opération envisagée. Les rédacteurs de contrats devront imaginer l’opération par laquelle ils se rapprochent en envisageant, outre le schéma optimal de la relation souhaitée, tous les cas de figure qui peuvent se présenter en laissant, de temps en temps, leur imagination, rose ou noire vagabonder. Revenant au tracé principal, ils disciplineront leur réflexion en multipliant les constructions selon l’articulation binaire : « A fait ceci – A ne fait pas ceci » et en envisageant ce qui devra se produire dans l’une puis dans l’autre hypothèse : les constructeurs de contrats retrouvent, alors, la technique de l’arborescence chère aux concepteurs de banques de données informatisées. Ce travail fait essentiellement appel à l’analyse pour la formulation des problèmes et à l’expérience et/ou l’imagination pour la conception des solutions »646. 442. - L’encadrement est contractuel, il s’agit de créer la loi des parties, selon leurs besoins et souhaits. Aussi, celles-ci sont libres de choisir les dispositions générales du contrat de négociation, tout comme les modalités de la négociation (II). La détermination des contours aux besoins de sélection pour lesquels l’encadrement contractuel est nécessaire afin d’apporter des précisions sur la construction du contrat de négociation (I). L’objectif n’est pas de dresser une liste exhaustive des clauses impératives dans un contrat de négociation pas plus que de proposer un contrat type au processus de sélection. Il s’agit seulement d’attirer l’attention sur les clauses qui semblent incontournables dans la sélection et celles, plus générales. I/ Les caractéristiques essentielles des besoins de sélection justifiant le recours au contrat de négociation 443. - Alors même qu’il est fait mention d’un besoin de sélection dans son aspect général, global, la sélection présente presque autant de besoins que de réseau de distribution. L’incertitude a pu consister en la difficulté d’identifier pour chaque besoin de sélection l’encadrement le plus adéquat. Aussi, les besoins de sélection présentant des points communs, 646 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, 2ème éd. 2005, n° 295, p. 137. cela permet leur regroupement autour de la nécessité de la confidentialité (A) et celle de l’exclusivité au cours des négociations (B). Confidentialité et exclusivité apparaissent comme étant les deux principales caractéristiques impulsant la nécessité d’un encadrement plus élaboré, de nature contractuelle. A/ L’enjeu de la confidentialité 444. - La clause de confidentialité, aussi appelée clause de secret, de discrétion permet de contraindre les négociateurs à garder le secret sur le principe même de la négociation ou sur les informations transmises à l’occasion de celles-ci647. Cette clause est admise par la Cour de cassation qui considère que « la clause de confidentialité du code d’utilisation de la carte Pastel (…) loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire à la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d’utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé »648. 445. - Les négociations pour la sélection génèrent en général la fourniture d’informations sensibles. Le franchiseur divulgue au candidat distributeur franchisé ses méthodes, techniques et procédés spécifiques de production et de commercialisation. Ces connaissances techniques constituent le « savoir-faire », qui doit être secret et, donc, protégé par la confidentialité649. Le caractère secret est entendu de manière souple, en ce sens que le savoir-faire « dans son ensemble ou dans la configuration et l’assemblage précis de ses composantes n’est pas généralement connu ou facilement accessible »650. Le caractère secret est également souligné par la Cour de justice des Communautés européennes, en énonçant que la franchise « ouvre à des commerçants dépourvus de l’expérience nécessaire l’accès à des méthodes qu’ils n’auraient pu acquérir qu’après de longs efforts de recherche (…) »651. L’intérêt d’une telle stipulation tend à protéger la « sphère secrète » inhérente à la vie des affaires. La confidentialité permet de sécuriser la transmission d’informations, rendue 647 D. MAZEAUD, La genèse des contrats : un régime de liberté surveillée, Dr et patr. 1996, n° 40, p. 44 et s., spéc. p. 48. 648 Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, n° 94-17.369, RTD civ. 1997, p. 424, obs. J. MESTRE. 649 D. FERRIER, Droit de la distribution, 4e éd., Litec, n° 684, p. 305. 650 Règl. CE n° 2790-99, art. 1-f. 651 CJCE, 28 janv. 1986, arrêt Pronuptia, aff. n° 161/84, Rec. CJCE, p. 353, att. 15. impérative en raison de la perspective du contrat ; elle est le pendant de l’obligation d’information, « le complément vital » de la communication652. 446. - Le droit de la responsabilité n’apporte pas un encadrement suffisant apte à protéger la confidentialité de certaines informations. Bien que la jurisprudence reconnaisse parfois la confidentialité, celle-ci ne pose pas de règles précises. La partie lésée devra notamment établir la délicate preuve du caractère confidentiel des informations. En l’absence de stipulations, seule la responsabilité délictuelle peut être envisagée alors qu’en présence d’une clause de confidentialité, responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle653 se chevauchent conférant ainsi une efficacité maximale à l’obligation de confidentialité. 447. - Des auteurs considèrent que dans certains contrats, tels que le contrat de franchise, l’obligation de confidentialité s’impose, même si celle-ci n’est pas stipulée au contrat, du fait qu’elle soit « de la nature du contrat »654. En effet, l’on peut s’interroger sur la création implicite d’une telle exigence par l’obligation de négocier de bonne foi, condition fondamentale du contrat de négociation655. « En effet, comment être loyal envers son cocontractant tout en divulguant une information confiée par ce dernier, alors que l’on ne peut ignorer que ce comportement lui sera préjudiciable ? »656. Il convient de se remémorer le contexte des relations d’affaires et ne pas se laisse bercer pas des considérations illusoires, certes belles, moralement parlant, mais difficilement envisageables dans le monde des affaires. Par ailleurs, indépendamment de toute étude sociologique, comportementale sur la sincérité dans les négociations d’affaires, prévoir expressément une obligation de confidentialité connotera l’importance de son respect auprès de l’autre partie, le candidat distributeur. Cela présente un caractère à la fois informatif, préventif et dissuasif. 448. - Il peut paraitre judicieux d’étendre la confidentialité, au delà des parties contractantes, aux tiers susceptibles de se voir transmettre les informations précieuses. Il peut notamment s’agir de préposés, de conseils extérieurs, telle qu’une société filiale, ou même de l’entourage 652 A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 694, p. 411. A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 2006, n° 156, p. 4 et n° 157, p. 4 : « La responsabilité délictuelle peut permettre de passer outre les imprécisions rédactionnelles d’une obligation de confidentialité, notamment quant à la définition des informations concernées ; de prendre le relais au terme de la durée contractuellement prévue ; voire de se substituer à cette dernière en cas d’illicéité de la clause ». 654 Ph. LE TOURNEAU, Le franchisage, JCP CI 1980, II, n° 13362, n° 85. 655 V. Infra n° 435 et s. 656 A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, op. cit., n° 156, p. 4. 653 du candidat distributeur, par le biais d’un engagement de porte fort657 ou par la conclusion d’une obligation de confidentialité directement avec ces personnes658. 449. - L’objet de la confidentialité doit également être précisé ; soit en s’appliquant à l’ensemble des informations écrites et verbales, qui seraient communiquées ou acquises, tant lors de la négociation du contrat que lors de son exécution, ou seule à certaines informations par le biais d’un recensement exhaustif ou d’un renvoi à des documents visés par les parties. La première option présente le mérite de ne pas oublier certains éléments du champ d’application de la clause de confidentialité, alors que ne réserver son application qu’aux seuls documents précisés peut poser le risque d’oublis. Enfin, le recensement peut s’effectuer par exception, sorte de « tout sauf »659. 450. - Certaines informations ne pourront être considérées comme confidentielles et ne pourront alors faire l’objet de la protection. « Toute information transmisse par A à B, dont B aurait déjà eu connaissance auparavant, ou qui serait dans le domaine public, ne sera pas considérée comme une information confidentielle au sens du présent accord, sous réserve que B puisse apporter la preuve de ce qu’il avance »660. 451. - La nature du comportement prohibé doit être précisée, à l’obligation de ne pas faire, ne pas divulguer les informations couvertes par la clause, peut être ajoutée une obligation de faire, entendue comme l’exigence de protéger les renseignements. Le contrat devra préciser l’autorité de l’obligation, la qualification comme obligation de moyens sera mentionnée par l’expression « faire son possible » par exemple, ou de résultat par l’exigence d’obtenir un résultat non aléatoire que l’exécution ordinaire du contrat devra nécessairement atteindre. A la limite, il y aura obligation de moyens de rechercher un résultat et obligation de résultat de 657 « Les parties soussignées s’engagent tant pour leur compte que pour celui de leurs salariés, préposés et conseils, dont elles se portent fort… » 658 « Pour l’application de la présente clause, le Candidat distributeur s’engage à faire signer par ses salariés un engagement de respecter la confidentialité des informations visées ci-dessus, en précisant formellement « sous peine de poursuite pénale pour délit de divulgation de secret de fabrique ». 659 « Les parties s’engagent à considérer comme strictement confidentiels, l’ensemble des documents, informations, résultats ou données, d’ordre technique, scientifique, commercial, financier ou autre qui leur ont été et/ou qui leur seront communiqués dans le cadre des négociations actuellement en cours, ou dont elles pourraient avoir connaissance au titre desdites négociations et à l’occasion de l’exécution du présent accord. Sont notamment considérées comme confidentiels, les informations afférentes au savoir-faire de la Société X,… ». 660 Ph. LE TOURNEAU, Franchisage, JCl Contrats Distribution, Fasc. 566, n° 33. fournir les moyens661. Par ailleurs, il peut être opportun de conjuguer la clause de confidentialité avec une obligation de non-exploitation des informations communiquées. 452. - La durée de la clause sera également déterminée, ou déterminable. Au sein du contrat de négociation, la confidentialité s’éteindra au moment de l’extinction dudit contrat, ce qui tend à poser problème. Cela remet en cause l’effectivité de l’obligation de confidentialité, ayant vocation à jouer pendant les négociations mais aussi et surtout après celles-ci. Pour pallier à cela, les parties devront prévoir expressément dans le contrat de négociation, une obligation de confidentialité au-delà du terme du contrat de négociation. « Le présent engagement de confidentialité est souscrit tant par le Candidat distributeur que par ses salariés, préposés et conseils pour toute la durée des présentes, et pour une durée de « X », après la cessation du présent contrat et ce pour quelque cause qu’elle intervienne, et notamment l’échec des négociations, objet des présentes. » 453. - Une délicate question se pose, celle de la preuve de la violation de la clause de confidentialité du fait de sa difficulté. Par principe, il appartient au détenteur originaire de l’information de rapporter cette violation. Toutefois, les parties peuvent aménager conventionnellement la charge de la preuve, en renversant celle-ci sur le débiteur de la confidentialité. Une telle clause expresse imposera alors au débiteur de prouver l’exécution de son obligation, en rapportant la notoriété ou le caractère public de l’information, ou encore que la connaissance a été acquise de façon autonome ou par le biais d’un tiers662. Le candidat distributeur peut violer son obligation de confidentialité en exploitant lesdites informations pour sa propre activité. Dans ce cas là, le fournisseur pourra obtenir, en justice, l’interdiction pour le débiteur de prolonger cette utilisation, sa cessation. La sanction peut être assortie d’une astreinte. Le distributeur sera tenu au paiement d’une indemnité déterminée par période tant qu’il n’aura pas cessé l’utilisation des documents ne lui appartenant pas, ou de fabriquer et de diffuser le produit issu du savoir-faire confidentiel. Le promoteur du réseau obtiendra également des dommages et intérêts en réparation du préjudice engendré par l’utilisation des informations usurpées. La réparation porte davantage sur la perte subie que le manque à gagner. L’évaluation du préjudice n’étant pas aisée, les parties plutôt que de confier 661 J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, éd. F. Lefebvre, 3e éd., 2005, n° 692, p. 288 et s. : « Le licencié fera tout son possible pour assurer la confidentialité des informations contractuelles et, à cette fin, sera, notamment, tenu de maintenir le prototype dans le laboratoire de X et d’en refuser l’accès aux personnels non agrées par le concédant ». 662 V. CAURA, Secret et contrat, thèse sous la direction de Ch. JAMIN, Lille 2, 2001, n° 398 in A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008. cette tâche au juge, peuvent prévoir, sous forme de clause pénale, une indemnité forfaitaire. Son efficacité peut être renforcée par le bénéfice d’un contrat de cautionnement au profit du créancier, la tête de réseau. Le fait de stipuler une forte indemnisation permet d’attirer l’attention du candidat distributeur sur l’importance du respect d’une telle obligation de confidentialité. Alors même que le juge pourra réduire le montant de la clause pénale, le rôle dissuasif est un élément décisif. « Le Candidat franchisé reconnait que toute divulgation du savoir-faire mis au point par le Franchiseur est susceptible d’entraîner pour ce dernier un grave préjudice. En conséquence, toute violation de l’obligation de résultat que constitue la non-divulgation des informations visées ci-dessus sera sanctionnée par le versement d’une indemnité dont le montant ne saurait être inférieur à la somme de « X » euros, sans préjudice de toute autre action, civile ou pénale, du Franchiseur »663. 454. - La mise en œuvre d’un processus de sélection tend à recruter les candidats franchisés les plus aptes, afin de développer des synergies par la création d’un réseau de distribution. La réalisation de la sélection ne saurait être nuisible au réseau et au savoir-faire acquis. Dès lors, l’encadrement prévu par les seules négociations informelles est insuffisant, inadapté à l’appréhension de l’enjeu de la confidentialité. Le recours au contrat de négociation est recommandé de sorte à minimiser les risques, lors de la conduite des négociations mais également après la survenue du processus de sélection, en cas d’échec des pourparlers. B/ L’enjeu de l’exclusivité 455. - « La clause d’exclusivité est la clause en vertu de laquelle un opérateur, débiteur d’exclusivité, est tenu de n’effectuer une prestation déterminée qu’auprès d’un autre opérateur, créancier d’exclusivité »664. 456. - L’exclusivité peut être sanctionnée au titre des pratiques anticoncurrentielles, aussi il conviendra aux parties de faire preuve de prudence, en vérifiant les positions des entreprises sur le marché concerné pour que les seuils d’applicabilité du droit de la concurrence ne soient pas atteints. 663 664 A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, op. cit., n° 705, p. 419. J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, op. cit., n° 672, p. 280. 457. - La nécessité d’obtenir l’exclusivité de négociation du candidat distributeur permet à la tête de réseau de s’assurer que celui-ci n’entreprendra pas d’autres négociations, en parallèle, sans violer l’obligation contractuelle qui lui incombe. L’exclusivité peut être unilatérale ou bilatérale ; il semble évident que le promoteur du réseau ne trouvera aucun intérêt à consentir une obligation d’exclusivité, restreignant ainsi sa liberté contractuelle auprès d’autres candidats distributeurs. Le processus de sélection pour la constitution nécessite la sélection de plusieurs distributeurs. Les candidats distributeurs devront respecter une obligation d’exclusivité tandis que le promoteur du réseau négociera en parallèle avec l’ensemble des candidats. L’intérêt d’une telle clause est de générer « une relation d’étroite dépendance » entre les négociateurs665. L’obligation d’exclusivité peut s’interpréter comme une obligation de négocier, avec toute chose, de manière exclusive. Aussi, l’exigence d’exclusivité tend à se confondre avec l’obligation principale du contrat, obligation de négocier de résultat. 458. - Bien que le contrat de négociation emporte une obligation d’agir de bonne foi, il semble préférable pour les parties de prévoir expressément une clause d’exclusivité. « A s’engage à ne procéder, de quelque manière que ce soit, à aucune négociation quelle qu’elle soit, avec toute personne autre que B, portant sur le contrat-cadre de « Nature » défini à l’article « Numéro » des présentes. La présence stipulation développera ses effets pendant toute l’exécution du contrat de négociation ». 459. - Afin de sécuriser davantage les négociations, les parties peuvent prévoir la sanction du comportement prohibé, en fixant une indemnité à verser par le candidat distributeur au promoteur du réseau. « En cas de violation de la présence clause d’exclusivité, et sans que B n’ait à démontrer un quelconque préjudice, A paierai à B la somme de « Montant » euros ». 460. - L’exclusivité de négociation peut également être combinée avec l’exclusivité de conclusion du contrat, étant l’enjeu de la négociation. L’exclusivité a donc vocation à jouer pendant la conduite des négociations et/ou lors de leur finalisation 666. Le promoteur du réseau nécessitant une protection plus élaborée des informations transmisses durant les négociations, ou souhaitant bénéficier de l’exclusivité conférée par les candidats distributeurs à son égard, aura tout intérêt à conclure un contrat de négociation, puisqu’il pourra également aménager les dispositions générales de celui-ci selon sa volonté. 665 666 M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, L.G.D.J, 1999, n° 42. V. Supra n° 481 et s. II/ La liberté des parties dans l’aménagement des dispositions générales du contrat de négociation 461. - Le besoin de préserver la confidentialité de certaines informations, la nécessité du promoteur du réseau d’obtenir l’exclusivité de négociation des candidats distributeurs sont des éléments fondamentaux influençant la conclusion d’un contrat de négociation, pour la réalisation du processus de sélection. Ceux-ci ne font pas échec aux dispositions générales, que doivent aménager les parties et plus exactement la tête de réseau. Aussi, la liberté contractuelle du promoteur du réseau est préservée puisque celui-ci précise les dispositions gouvernant la naissance (A) et l’exécution du contrat de négociation (B). A/ La détermination des dispositions propres à la naissance du contrat de négociation 462. - Pour davantage de clarté, les parties devront identifier le contrat par un titre. Il s’agit de conférer au contrat un signe distinctif permettant de le retrouver aisément et rapidement dans une collection d’accords, habiller le contrat au plan marketing du terme et le qualifier au plan juridique667. L’intitulé du contrat ne constitue cependant qu’un premier indice, témoignant de la volonté des parties, et ne saurait lier le juge668. En effet, la nature contractuelle du contrat ne dépend pas du titre que les parties lui ont donné mais de sa capacité à faire naître des obligations669. 463. - Au cours du processus de sélection, chacune des parties manifeste sa volonté de s’engager et peut y renoncer. L’existence du consentement s’illustre par la possibilité pour le revendeur d’apporter sa candidature à la sélection, de vouloir être choisi pour intégrer un réseau de distribution. La volonté est à la fois un élément constitutif du consentement mais aussi un équivalent à celui-ci, si l’on soutient l’idée selon laquelle : « Contracter, c’est vouloir »670. Le fournisseur effectue un choix, soit de porter sa sélection sur la personne du revendeur en manifestant sa volonté de contracter ou bien de l’évincer du processus de sélection. 667 J.-M. et P. MOUSSERON, J. RANARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, F. Lefebvre, 3ième éd., 2005, n° 108 et s. 668 L’article 12 du nouveau Code de procédure civile dispose que le juge : « (…) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». 669 L’article 1101 du Code civil dispose : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». 670 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, n°87. Dans la phase de négociation, une distinction s’opère entre la volonté interne et la volonté déclarée. La première tend à une réflexion interne, intellectuelle de la personne afin qu’elle transige quant aux décisions qu’elle souhaite prendre tandis que la seconde n’est que son expression extérieure. Le consentement doit porter sur les éléments essentiels du contrat afin d’être valable671. Cela semble signifier qu’un contrat est valable lorsque les points fondamentaux ont été pris en considération bien que les éléments accessoires aient été ignorés par ce dernier. Dans notre hypothèse, seule la volonté de négocier doit être régie par les dispositions du contrat. 464. - Il conviendra, bien sûr, d’identifier les parties, que celle-ci aient la capacité et le pouvoir requis pour contracter, ainsi que la langue du contrat, et de définir clairement les obligations des parties. 465. - Le préambule s’apparente « à l’exposé des motifs de la pratique législative ou diplomatique, voire à la motivation des décisions de justices (…). A la différence de celles-ci, toutefois, il a la même autorité que les dispositions de contrat qu’il induit et explique »672. L’importance de prévoir un préambule s’illustre dans le fait qu’il permet d’exposer le projet des parties, une certaine « personnalisation » du contrat. Il convient de faire preuve de vigilance dans la rédaction du préambule puisqu’il a la même force obligatoire, la même autorité que les autres dispositions du contrat. Les principes généraux stipulés dans le préambule doivent être suffisamment précis673, afin de générer des obligations juridiques, pouvant être opposés par les tiers674. 671 Art. 1582 et 1583 du Code civil. Le contrat de vente est licite s’il porte sur la chose et le prix tandis que le contrat de bail est licite s’il porte sur le local, la durée et le loyer. 672 J.-M. et P. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, 3ième éd., op. cit., n° 115, p. 65. 673 Cass. com., 13 févr. 1996, n° 93-19.654, Bull. civ. IV, n° 50, Rev. Sociétés 1996, p. 781, note J.-J. DAIGRE : les principes généraux contenu dans le préambule, rédigés de manière trop vague, pas suffisamment précises, ne créent aucune obligation juridique. 674 Cass. 2e civ., 21 mai 1997, n° 95-17.743, Bull. civ. II, n° 158, D 1998, jur., p. 150, note B. FAGES : l’auteur déduit du préambule d’un contrat de franchise, l’existence d’une obligation d’assistance et de conseil à la charge du franchiseur, et admet que des tiers, les voisins du franchisé, puissent se prévaloir d’un manquement à cette obligation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. B/ La détermination des dispositions propres à l’exécution du contrat de négociation 466. - Les parties, dans un esprit d’organisation et de sécurité, doivent prévoir le droit applicable au contrat (1/) et peuvent aménager la survenance et le traitement d’un éventuel litige (2/). 1/ Le choix de la loi applicable 467. - « La précision du système juridique applicable est l’un des enjeux et des intérêts de la conclusion d’un contrat de négociation, dès lors que cette négociation s’effectue entre des partenaires étrangers et que le contrat de négociation est alors un contrat international »675. 468. - Les contrats internes sont moins concernés que les contrats internationaux par la question. Dans un esprit de synthèse, il convient seulement de rappeler que les parties ne peuvent déroger aux dispositions impératives ni aux règles contraignante du droit de la concurrence, telles que celles propres à la sélection des distributeurs. Les parties ne peuvent non plus procéder à « l’internationalisation artificielle » de leur contrat676. 469. - Les parties doivent soumettre le contrat à une loi, afin de bénéficier de plus de liberté. En effet, le contrat ne tient sa force obligatoire que de la loi qui la lui confère. Les parties ne peuvent pas tout prévenir, aussi organisées soient-elles, la loi, en tant que norme générale et abstraire a vocation à s’appliquer même à des situations imprévisibles au moment où elle a été édictée, et, par conséquent, à définir, en cas de différend, les obligations précises qui incombent aux parties. 2/ La prévention d’un éventuel litige 470. - Les parties peuvent anticiper les difficultés liées aux éventuels litiges au moyen de clauses de règlement amiable (a/) ou bien par le jeu d’une clause compromissoire (b/) ou encore en déterminant la juridiction compétente (c/). 675 J.-M. MOUSSERON, M. GUIBAL et D. MAINGUY, L’avant-contrat, op. cit., n° 470, p. 282. L’article 3 §3 de la Convention de Rome énonce : « Le choix des parties d’une loi étrangère… ne peut lorsque tous les autres éléments sont localisés au moment du choix dans un seul pays porter atteinte aux dispositions impératives auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat ». 676 a/ Les clauses de règlement amiable 471. - Une clause d’arrangement amiable impose aux parties d’essayer de régler leurs différents à l’amiable, avant la saisine d’un juge ou d’un arbitre. Alors même qu’il s’agit d’une obligation de moyens, la clause tend à contraindre les parties à se concilier, ou du moins, plus exactement, à essayer de se concilier. Toutefois, l’obligation de ne pas saisir le juge ou l’arbitre avant l’essai d’arrangement amiable est une obligation de résultat. La clause devra être suffisamment précise en mentionnant les modalités de déclenchement de la procédure amiable. Un délai peut être fixé pour débuter la négociation, et à l’issue duquel les parties pourront saisir le juge ou l’arbitre en cas d’échec de la conciliation. 472. - Les parties peuvent prévoir l’intervention d’un tiers au contrat pour parvenir à trancher le différend, en les conciliant. La clause d’expertise prévoit l’intervention d’un « sachant » qui « établira une sorte d’ « état des lieux » sur les différends aspects du différend en train de se constituer »677. En principe, les parties ne sont pas liées par les conclusions du tiers, à moins que celles-ci prévoient une « expertise irrévocable »678. 473. - La principale question est de connaitre la réelle efficacité de telles clauses dans l’hypothèse où l’une des parties agit en violation de celles-ci en saisissant la juridiction étatique. En ce qui concerne les clauses de conciliation, la Haute juridiction a affirmé que « les conventions contenaient une clause de conciliation par laquelle les parties s’étaient engagées à soumettre leur différend à deux conciliateurs avant toute action contentieuse, l’arrêt reteint, à bon droit, que l’action en justice introduite par la polyclinique sans observation de la procédure prévue par cette clause est irrecevable »679. Solution confirmée par l’une des chambres mixtes de la Cour de Cassation qui juge « licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent »680. Il convient tout de même pour les parties d’être extrêmement méticuleuses, la seule mention dans la clause prévoyant la consultation entre les parties, ne saurait suffire à faire échec à la 677 J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, F. Lefèvre, 3e éd., 2005, n° 1620. 678 Ibid. 679 Cass. 2e civ., 6 juill. 2000, n° 98-17.827, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 2, note L. LEVENEUR. 680 Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, JCP G 2003, I, n° 128, spéc. n° 17, obs. L. CADIET. recevabilité d’une action en justice, au mépris de ladite clause681. La clause doit préciser que toute action en justice est tenue pour irrecevable par les parties avant la procédure amiable. La volonté des parties de conférer le caractère obligatoire à la tentative de conciliation doit être clairement exprimée. b/ Les clauses compromissoires 474. - Le recours à la clause compromissoire permet la désignation d’un ou plusieurs arbitres au lieu et place du juge. « La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat »682. La clause compromissoire est en principe valide, « sous réserve de dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle »683. La Cour de cassation ajoute que « la clause compromissoire est valable, dans l’ordre international indépendamment de toute commercialité au sens du droit interne français », celle-ci « est valable par le seul effet de la volonté des parties »684. 475. - La clause compromissoire est accessoire au contrat de négociation, mais la jurisprudence lui confère une certaine autonomie puisque celle-ci peut jouer, alors même que le contrat est nul et inversement, la nullité de la clause n’entraîne pas celle du contrat685. 476. - De plus, les arbitres devront être désignés ou bien les parties pourront prévoir les modalités de leur désignation, tout comme le lieu de l’arbitrage, la langue de la procédure. c/ Les clauses attributives de compétence à une juridiction 477. - Les parties peuvent insérer dans le contrat une clause attributive de compétence, qui désigne, par avance, le tribunal compétent en cas de litige de nature contractuel686. Cependant, ces clauses sont en principe nulles en droit interne, à moins que les parties aient la qualité de commerçant et qu’elles aient contracté en cette qualité. 681 Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 05-17.573. Art. 1442 du nouveau Code de procédure civile. 683 Art. 2061 du Code civil. 684 Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, n° 91-16.828, Bull. civ. I, n° 372, p. 258. 685 A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, op.cit., n° 644, p. 388. 686 Cass. com., 9 avr. 1996, n° 94-14.649, Bull. civ. IV, n° 117, p. 99. 682 En effet, « toute clause qui directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriale est stipulée non écrite (…), à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée »687. 478. - Lorsque la clause a été stipulée seulement en faveur de l’une des parties, celle-ci peut y renoncer. Toutefois, si la clause a été stipulée en faveur des deux parties, elles ne peuvent y échapper, sauf accord mutuel688. 687 688 Art. 48 du nouveau Code de procédure civile. A. BARBASON, L’avant contrat de distribution, op. cit., n° 647, p. 390. Conclusion sur la gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus de sélection 479. - La réalisation du processus de sélection ne s’effectue qu’à l’issue d’une première période de négociation relativement longue, au cours de laquelle les parties se rencontrent et envisagent les éléments fondamentaux pour l’avenir des relations. Les risques peuvent être nombreux, or la réussite des négociations pour la sélection est essentielle, ce qui rend leur encadrement utile. L’enjeu est d’appréhender un encadrement adapté à chaque type de besoin de sélection. Les besoins de sélection ne présentant que peu de risques, pas de savoir-faire protégeable par exemple, sont satisfaits par le seul encadrement par le droit de la responsabilité civile. Le promoteur du réseau ne recourt au contrat de négociation que lorsque cela lui permet l’obtention de gains d’efficience. Lorsque ce dernier peut naturellement gérer les risques liés à la mise en œuvre du processus de sélection, l’encadrement contractuel n’a pas lieu d’être. Le droit de la responsabilité civile permet la condamnation des seuls abus dans la conduite des négociations, en offrant toute latitude à la tête de réseau. Le contrat de négociation présente une telle souplesse de mise en œuvre et d’adaptation en fonction de la volonté des parties. La conciliation entre l’organisation de la négociation et la liberté contractuelle octroyée aux parties le rend aisément transposable aux enjeux de la sélection. Néanmoins, le fait que cet outil contractuel puisse régir les négociations correspondant à certains besoins de sélection, ne peut préjuger quant à l’efficience d’un tel encadrement à tous les besoins de sélection. En présence de nécessités de confidentialité, d’exclusivité dans la conduite des négociations, le recours au contrat de négociation est opportun. L’aménagement conventionnel permet de sécuriser les échanges et de réduire les risques liés à la sélection ; risques pouvant notamment consister en l’utilisation frauduleuse d’informations. La modification des règles de preuve, la conclusion de clauses pénales permettant de prévoir forfaitairement l’indemnisation consécutive à des inexécutions, la prévention de litiges visent à faciliter le traitement des risques des négociations. 480. - L’objet du processus de sélection repose principalement sur le pouvoir décisionnel du fournisseur, au moment de la finalisation des négociations. Il convient de s’interroger sur l’opportunité d’un encadrement contractuel au moment du choix des distributeurs sélectionnés. Comment l’encadrement de cette période peut-il être générateur de sécurité et d’optimisation de la réussite du processus de sélection ? Chapitre II La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le processus de sélection 481. - L’encadrement contractuel présente une réelle utilité pour régir la période consacrée à la conduite des négociations, notamment en ce qu’il minimise les risques liés à la divulgation d’informations confidentielles et en ce qu’il permet l’exclusivité des pourparlers. En l’absence de telles nécessités, les négociations informelles semblent être satisfaisantes, au moyen de la liberté contractuelle que l’encadrement par le droit de la responsabilité civile permet. Les seuls risques sont appréhendés par la sanction des abus dans le déroulement des négociations. L’objet des négociations ne tend que vers un seul objectif principal, la réussite du processus de sélection pour l’intégration du candidat distributeur le plus apte au réseau. La décision émane de l’initiateur du réseau, aussi à ce moment crucial, il est nécessaire de s’interroger sur l’opportunité d’encadrer les dispositions accompagnant sa prise de décision. 482. - La faculté de recourir à l’encadrement contractuel est offerte au promoteur du réseau, bénéficiant de la liberté d’aménager les dispositions propres à la mort du contrat de négociation selon ses nécessités, notamment par une clause de dédit ou de résolution de plein droit. L’aménagement de l’inexécution du contrat au moyen d’une clause pénale ou d’une clause limitative de responsabilité peut être utile, au profit de l’initiateur de réseau. 483. - La réunion de plusieurs outils juridiques tend à anticiper les risques propres à chaque moment de la sélection. La conclusion d’un contrat de négociation peut être complétée par une promesse unilatérale ou synallagmatique de contracter, afin de répondre à certains besoins de sélection. La promesse unilatérale peut être conditionnée à la réalisation d’une condition suspensive, afin de garantir la volonté du candidat distributeur d’intégrer le réseau. En cas d’inexécution de la promesse, le promoteur du réseau sera indemnisé au moyen de dommages et intérêts. La promesse synallagmatique tend à figer le consentement des parties, tout en subordonnant la validité de la clause à la réalisation de certaines formalités. La conclusion d’une promesse synallagmatique n’est opportune qu’au dernier moment, lorsque le fournisseur a opéré son choix quant au candidat distributeur. Un tel encadrement semble avantageux dans la sélection pour la constitution d’un réseau de concession exclusive, du fait que le fournisseur ne souhaite sélectionner qu’un seul candidat, pour commercialiser les produits sur un territoire exclusif. 484. - Il s’agit de conférer aux parties un cadre permettant d’organiser le moment de la fin des négociations, de la sélection, en identifiant les besoins pour mieux y répondre, en anticipant les différends, afin de développer des synergies propices à un développement des relations commerciales de distribution. Néanmoins, l’on ne saurait faire de cas spécifiques des principes généraux ; l’encadrement contractuel lors de la réalisation, de la fin du processus de sélection ne satisfait que certaines attentes. L’utilisation de clauses prévues dans le contrat de négociation, dans les promesses de contracter, pour aménager l’organisation et la finalisation des négociations s’applique dans la franchise commerciale et la concession exclusive (Section 1). Il existe des limites à la possibilité et à la nécessité de recourir à un tel encadrement juridique, notamment par les restrictions apportées à la liberté décisionnelle du fournisseur dans la distribution sélective ou bien dans le cadre de contrats conclus à durée déterminée. La liberté contractuelle du promoteur du réseau doit prévaloir, sans quoi l’encadrement n’a pas lieu d’être envisagé (Section 2). Section 1/ L’opportunité d’un encadrement contractuel de la fin des négociations 485. - Le contrat de négociation permet de minimiser les risques au moment de la fin des négociations, pour l’expression du pouvoir décisionnel de l’initiateur du réseau. La conclusion d’un contrat de négociation permet aux parties de déterminer les dispositions propres à la fin des négociations, notamment en termes de responsabilité en cas d’inexécution des obligations du contrat (Paragraphe I). Néanmoins, certains processus de sélection amènent les promoteurs de réseau à combiner plusieurs mécanismes juridiques, afin de répondre au mieux à l’enjeu de la sélection, en maximisant les ressources, moyens et minimisant les risques (Paragraphe II). Paragraphe I/ L’encadrement de la sélection par les dispositions propres à la mort du contrat de négociation 486. - Il convient de distinguer les dispositions propres à l’inexécution du contrat de négociation (I), de celles concernant son extinction naturelle (II). I/ L’aménagement de l’inexécution du contrat de négociation 487. - Lors de la première phase du processus de sélection, pendant le déroulement des négociations, les parties peuvent aménager les modalités du contrat de négociation, notamment par une clause de bonne foi afin d’apporter des exemples de comportements admis et sanctionnés. Ces dernières sont libres d’organiser les délais autour du temps de la négociation et peuvent prévoir la survenue de certaines formalités. Les exigences d’information, de confidentialité, d’exclusivité de négociation ou bien de conclusion du contrat-cadre de distribution, confortent les négociateurs dans un cadre sécurisant, générateur d’une plus grande confiance. A/ La gestion conventionnelle des risques induits par l’inexécution 488. - Le manquement aux dispositions du contrat engage la responsabilité contractuelle de son auteur. Aussi, les parties peuvent croire légitimement en le respect, par l’autre partie, des dispositions du contrat. Dans le cas contraire, l’engagement de la responsabilité permettra une indemnisation. Les négociations sont régies par des éléments suffisamment précis. 489. - Les parties déterminent les conséquences liées à la violation des exigences que contient le contrat. La stipulation d’une clause pénale, destinée à s’appliquer en cas d’inexécution, sera judicieuse. La clause pénale permet une évaluation forfaitaire, par les parties, de l’indemnisation à verser, en dommages et intérêts. Une sanction particulière correspondant à la violation de telle ou telle obligation est également possible. Le fait de prévoir une sanction particulièrement lourde, dès la conclusion du contrat, renseignera les parties sur le degré d’importance de son respect. Cela permet aux parties de percevoir la volonté de leur partenaire et ainsi d’avoir un consentement bien éclairé au moment de la conclusion du contrat. A l’inverse, le montant de la clause pénale peut être faible, ce qui tendra à se rapprocher d’une clause limitative de responsabilité. 490. - Le promoteur du réseau a tout intérêt à prévoir de lourdes sanctions en cas de violation par le candidat distributeur d’éléments essentiels à la protection du réseau, telle que la clause de confidentialité. En cas d’appréciation par le juge, cela permettra de témoigner de l’importance de la disposition dans le contrat et limitera la possibilité d’une interprétation différente. Le fournisseur peut prévoir diverses sanctions, pour chacun des aspects fondamentaux du contrat. En effet, l’opportunité de recourir à l’encadrement contractuel est de prévoir les risques et ainsi de les réduire au maximum, c’est pourquoi conférer une effectivité aux obligations du contrat par des sanctions adéquates est essentiel. Il semble paradoxal de stipuler des clauses pour organiser, sécuriser le processus de sélection sans aménager leur inexécution avec suffisamment d’intensité dans leurs sanctions. B/ La limitation de la responsabilité au profit du promoteur de réseau 491. - En outre, des clauses limitatives de responsabilité, ou qui limitent la réparation de l’inexécution peuvent être insérées. Le promoteur du réseau peut prévoir une limitation de sa responsabilité en cas d’inexécution de ses obligations, au moyen d’une clause limitative, voire exonératoire de responsabilité. Il s’agit, dans la première hypothèse, de limiter la responsabilité du débiteur de l’obligation tandis que la seconde vise à supprimer totalement la responsabilité de l’initiateur du réseau. Les clauses ne peuvent transiger quand à l’engagement de la responsabilité délictuelle, sous peine d’être sanctionnées d’une nullité absolue du fait de leur contrariété à l’ordre public689. Les clauses aménageant la responsabilité contractuelle sont, au contraire, généralement considérées comme valables et opposables. 492. - Toutefois, l’effet d’une clause de responsabilité peut être mis en échec par la faute lourde690 ou le dol691 dans l’exécution des obligations. 493. - Les parties peuvent également prévoir une clause de force majeure, afin de libérer la partie de ses obligations, en présence d’un événement extérieur, imprévisible et irrésistible692. L’événement constitutif d’une force majeure pour les parties peut être précisé en appréciant conventionnellement le caractère extérieur, imprévisible et irrésistible et vise également à anticiper les effets de la survenance de celui-ci. La rédaction de la clause doit être effectuée de manière extrêmement consciencieuse, sans quoi les juges pourront interpréter strictement la clause et même refuser d’en tenir compte. Les parties pourront alors prévoir une liste d’événements ainsi que les effets de la force majeure ; la résiliation ou la résolution, l’indemnisation ou l’exonération par exemple. 494. - Cependant, l’intérêt de telles clauses visant à amoindrir l’engagement de la responsabilité en cas de manquement contractuel est moins perceptible, pour la sécurité des négociations au sein du processus de sélection. La seule raison compréhensive est de prévoir une limitation de la responsabilité de la tête du réseau du fait de son pouvoir, aux dépens du candidat distributeur. 689 Cass. 2e civ., 17 fév. 1955, n° 55-02.818, Bull. Civ II, n° 100, D. 1956, jur., p. 17, note P. ESMEIN. La faute est lourde lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle du contrat et entraine des conséquences graves pour la victime. 691 Cass. 1re civ., 4 févr. 1969, n° 67-11.387, D. 1969, jur., p. 601, note J. MAZEAUD : « le débiteur commet une faute dolosive lorsque, de propos délibéré, il se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n’est pas dicté par l’intention de nuire à son cocontractant ». 692 Art. 1148 du Code civil : « Il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ». 690 II/ L’aménagement de l’extinction du contrat de négociation 495. - Avant de s’interroger quant à l’intérêt, pour le promoteur du réseau, d’aménager conventionnellement le terme des négociations, par les dispositions applicables lors de l’extinction du contrat de négociation (B), les parties doivent s’être accordées sur la durée du contrat, de sorte à prévoir, ou non, le moment de l’extinction des obligations (A). A/ La question de la durée du contrat 496. - La question de la durée du contrat de négociation a une importance certaine puisque les parties peuvent prévoir l’entrée en vigueur immédiate du contrat, dès sa signature, ou bien la différer. L’intérêt des parties est de mesurer le risque et d’anticiper ses effets par l’encadrement contractuel. En présence de certains besoins de sélection, la conclusion d’un contrat de négociation est opportune pour organiser la conduite des négociations ; aussi, il semble utile de prévoir la conclusion du contrat, dès le commencement des pourparlers. Le contrat de négociation a pour rôle principal de prévoir les modalités de la négociation, à ce titre, il doit intervenir avant qu’elles ne commencent. Toutefois, si les parties souhaitent former un contrat de négociation, alors qu’elles sont dans une phase de discussion déjà avancée, il peut être utile de prévoir une rétroactivité du contrat correspondant à la date réelle à laquelle ont débuté les négociations. En effet, le promoteur du réseau, au moment de la réflexion et de l’expression de sa décision de sélection, à la fin des négociations, peut vouloir recourir à un encadrement contractuel ayant un effet rétroactif, de sorte à couvrir l’ensemble de la phase de négociations. 497. - Il convient également de prévoir la date à laquelle le contrat de négociation va s’éteindre, par l’aménagement de sa durée. Le contrat peut être à durée indéterminée, ce qui offrira aux parties la possibilité de le dénoncer par le biais d’une clause de résiliation unilatérale. La faculté de résiliation peut être octroyée à l’une ou aux deux parties, à n’importe quel moment et peut s’effectuer sous une forme précise. Lorsque le contrat ne prévoit pas de résiliation, celle-ci peut être demandée par chaque partie au contrat693, étant donné qu’une clause contraire ne saurait l’interdire694. Néanmoins la résiliation ne doit pas être empreinte d’abus, faute de quoi elle engendrera une condamnation à des dommages et intérêts 695, et doit 693 Cass. 1re civ., 11 juin 1996, RJDA 12/96 n° 1437. Cass. com., 15 fév. 1994, RJDA 5/94 n° 542. 695 Cass. civ., 13 déc. 1994, RJDA 7/95 n° 813. 694 être précédée d’un préavis « raisonnable » conforme aux stipulations du contrat et aux usages de la profession696 ou encore à la nature des relations contractuelles ayant existé entre les parties697. Le contrat à durée indéterminé consacre la liberté contractuelle des parties, et notamment du promoteur de réseau, mais n’est pas un gage d’une grande sécurité ; sécurité préservée par la définition d’un terme extinctif. 498. - Les parties peuvent également retarder la prise d’effet du contrat par un terme suspensif. La démarche tend à ne retarder que l’exécution du contrat de négociation, sans affecter sa formation, ni la naissance de l’obligation. Cette option peut se révéler très opportune dans le cas où les parties souhaitent conditionner l’exécution du contrat à la survenue d’une condition suspensive. La cessation de l’activité commerciale du candidat distributeur, l’obtention de crédits par le candidat franchisé, en sont des illustrations. Une fois la question de la durée traitée, les parties peuvent avoir connaissance du moment de l’extinction du contrat. B/ L’aménagement conventionnel de l’extinction du contrat 499. - « En tant que système organisationnel de relations humaines, le contrat est, donc, un système nécessairement clos qui connait naissance, vie et … mort »698. Le contrat de négociation peut s’éteindre du fait de l’arrivée de son terme, par la satisfaction de son objet principal, la conclusion du contrat-cadre de distribution, par l’échec de celui-ci ou bien au moyen de clauses d’extinction. 1/ La clause résolutoire de plein droit 500. - La clause résolutoire est la convention par laquelle les parties décident que le contrat sera résolu de plein droit, sans intervention du juge, en cas d’inexécution par l’une d’entre elles de ses obligations. La clause doit organiser les modalités de sa mise en œuvre, la mise en demeure adressée par le bénéficiaire de la clause à son cocontractant. La clause résolutoire entraîne l’extinction du contrat, son anéantissement rétroactif. 696 Cass. com., 9 fév. 1976, Bull. civ. IV p. 38. A. BARBASON, L’avant-contrat de distribution, thèse, Montpellier, 2008, n° 662, p. 396. 698 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, op.cit., n° 1686, p. 615. 697 Les parties peuvent lier l’existence de leur contrat à un événement conditionnel et préférer un effet résolutoire à un effet suspensif. Le contrat est censé n’avoir jamais existé et chacun des cocontractants est replacé dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat de négociation. Néanmoins, les parties peuvent sanctionner l’inexécution par une résiliation, un anéantissement pour le futur. 2/ La clause de dédit 501. - Les clauses de dédit ne lient pas la résolution du contrat à son inexécution tandis que les clauses résolutoires de plein droit attachent les deux. Les premières s’apparentent à un droit de rétractation au profit de l’une des parties alors que les secondes ne prévoit que l’hypothèse d’une violation contractuelle. 502. - La clause de dédit est une stipulation aux termes de laquelle l’une des parties ou les deux se réservent la faculté de se départir du contrat dans un délai déterminé. La rétractation conventionnelle s’exerce de manière discrétionnaire, elle peut être subordonnée au paiement d’une indemnité pour davantage de sécurité mais ne doit pas être empreinte d’abus, de mauvaise foi699. 503. - Insérer une clause de dédit au contrat de négociation est particulièrement avantageux pour le promoteur du réseau puisque cela lui permet d’imposer au candidat distributeur la possibilité de se retirer des relations contractuelles, voire même à titre gratuit, sans avoir à payer une indemnité700. Les parties doivent déterminer la personne qui bénéficie d’un tel droit de rétractation, dans le cas où le dédit est unilatéral. Il parait évident que le dédit ne sera pas bilatéral, mais seulement conclu au profit du promoteur de réseau, afin de préserver sa liberté contractuelle. Le délai durant lequel la faculté de dédit peut être exercée doit être prévu, tout comme les modalités de sa réalisation. 504. - Néanmoins, il convient que la clause soit rédigée de manière à octroyer une réelle liberté à son bénéficiaire, afin que celui-ci puisse ne pas exécuter ses obligations, pour une raison quelconque ; sans quoi, il s’agirait d’un moyen de contraindre à l’exécution du contrat 699 Cass. 3e civ., 15 févr. 2000, n° 98-17.860, RTD civ. 2000, p. 564, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Cass. com., 30 oct. 2000, n° 98-11.224, Contrats, conc., consom. 2001, n° 21, note L. LEVENEUR : « rien n’interdit qu’une partie s’engage envers une autre avec une faculté de dédit gratuite ». 700 et la clause tendrait à être requalifiée en une clause pénale. La clause pénale tend à contraindre l’une des parties à respecter son engagement tandis que la clause de dédit octroie au bénéfice de l’une ou des deux parties un droit de sortie, permettant l’inexécution des engagements pris antérieurement. « Le critère de distinction est la liberté : même si cette liberté a un prix, (…), le dédit autorise à revenir sur la parole donnée, alors que la clause pénale oblige, au contraire, à la respecter »701. Aussi, étant donné que le dédit ne peut s’analyser en une clause pénale, le juge ne peut en diminuer ou en supprimer la somme convenue. « La clause prévoyant une indemnité forfaitaire et définitive en cas de résiliation anticipée d’un contrat de prestations de services ne s’analyse pas en une clause pénale ayant pour objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son obligation mais en une faculté de dédit permettant aux sociétés contractantes de soustraire à cette exécution et excluant le pourvoir du juge de diminuer ou supprimer l’indemnité convenue »702. 505. - La clause de dédit est opportune pour l’initiateur du réseau, du fait que ce dernier ne restreigne pas sa liberté contractuelle et son pouvoir de décision ; la clause est d’autant plus avantageuse qu’elle peut ne pas accorder le même privilège au candidat distributeur, garantissant ainsi la sécurité de la sélection. Aussi, la liberté du fournisseur est préservée malgré l’encadrement contractuel, tout en étant générateur d’efficience, de part la minimisation des risques induits par l’aménagement conventionnel des dispositions du contrat. 506. - Dès lors, la clause pourra être rédigée comme suit : « Le fournisseur aura la faculté de se dédire du présent contrat de négociation, pour quelque cause que ce soit, en adressant au Candidat distributeur une lettre recommandée avec accusé de réception exprimant son désistement, avant le « Date butoir ». La Fournisseur ne sera pas tenu de verser une quelconque indemnité au Candidat distributeur ». 507. - L’encadrement contractuel des négociations, au sein du processus de sélection, vise à prévoir les différents cas d’extinction du contrat possible, mais il convient de ne pas oublier que la démarche première tend à la sélection d’un candidat distributeur, aussi, le résultat des négociations peut tout à fait s’exprimer par la conclusion du contrat-cadre de distribution. 701 702 M.-L. IZORCHE, Contrats conditionnels et définitifs, RTD com., 1998, p. 521. Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-11.448, Bull. Civ. IV, n° 255, D. Aff. 1997, p. 1460. Dans le cas contraire, les parties peuvent, tout en ayant convenablement exécuté le contrat de négociation, ne pas être parvenu à s’accorder quant à un projet commun. 508. - Le promoteur du réseau peut prévoir dans le contrat de négociation une clause de non concurrence à la charge des candidats distributeurs, bien que ces derniers n’aient pas été sélectionnés. Les cocontractants prévoient que l’un d’entre eux ne pourra pas exercer une activité professionnelle en concurrence avec celle qui fait l’objet du contrat. Il ne s’agirait non pas d’interdire aux candidats distributeurs de négocier avec d’autres partenaires, puisque cela peut être prévu par une clause d’exclusivité durant les pourparlers, mais plutôt de les contraindre à ne pas exercer une activité similaire, en concurrence avec celle qui est projetée, discutée au moyen du contrat de négociation. L’initiateur du réseau tend à protéger son réseau de distribution par ladite clause. Cependant, l’on perçoit difficilement l’utilité et la validité d’une telle clause, notamment pour justifier sa proportionnalité eu égard au but recherché. Par ailleurs, plus il y a de candidats en concurrence, plus le niveau général qualitatif tend à augmenter. En effet, le fournisseur a tout intérêt à recueillir un nombre élevé de candidature, élargissant ainsi ses possibilités de choix. Paragraphe II/ L’encadrement de la sélection par la combinaison de plusieurs outils juridiques 509. - La conclusion d’un contrat de négociation optimise le déroulement de certains processus de sélection, durant la conduite des négociations mais également au moment de l’expression de la décision du promoteur de réseau. L’encadrement contractuel répond à des nécessités précises, telles que l’aménagement de l’inexécution des obligations, ou encore celle de la mort du contrat, générant ainsi une réelle organisation et protection. L’imprévision tend à être réduite au maximum par l’évaluation des risques de cette période et leur anticipation au moyen de dispositions contractuelles. Toutefois, ne pourrions-nous pas, pour répondre au mieux à la gestion des risques de la fin du processus de sélection, combiner la conclusion du contrat de négociation avec d’autres mécanismes juridiques ? 510. - Après avoir prévu l’encadrement du contrat de négociation, la conclusion d’une promesse unilatérale de contracter tend à sécuriser le consentement du candidat distributeur, sans générer une certitude quant à la conclusion du contrat-cadre de distribution (I). La promesse synallagmatique de contracter permet de figer le consentement des deux parties mais ne saurait intervenir que lorsque le promoteur du réseau a effectué un choix définitif en la personne du candidat avec lequel il contracte la promesse, sans quoi son inexécution serait préjudicielle à la liberté contractuelle de la tête de réseau (II). I/ La promesse unilatérale de contracter au bénéfice du promoteur du réseau 511. - Le promoteur du réseau peut faire consentir aux candidats revendeurs une promesse unilatérale de contracter, en l’absence de conclusion d’un contrat de négociation703. Ce dernier peut également prévoir un contrat de négociation puis ensuite, dans un second temps, être le bénéficiaire de la promesse unilatérale de contracter du candidat distributeur. L’ensemble des candidats distributeurs peuvent consentir une promesse unilatérale au profit du promoteur du réseau, afin de garantir à ce dernier un pouvoir décisionnel maximal, puisque sécurisé par l’encadrement contractuel. Il peut être utile de conclure un contrat de négociation afin d’aménager la conduite des négociations ainsi que l’inexécution ou l’extinction du contrat puis ensuite de prévoir une promesse unilatérale de sorte à figer le consentement des candidats distributeurs. Toutefois, il faut se réserver de confondre consentement à la promesse du consentement au contrat-cadre de distribution704. La promesse unilatérale est un contrat autonome, qui permet de sécuriser la prise de décision de l’initiateur du réseau, puisque cela lui offre l’assurance d’être « préféré » par le candidat distributeur pour la conclusion du contrat-cadre, pour l’intégration au réseau. En cas d’anéantissement de la promesse, le fournisseur bénéficiera d’une indemnisation. II/ La promesse synallagmatique de contracter 512. - Après avoir conclu un contrat de négociation, le promoteur du réseau de distribution peut vouloir figer son consentement et celui d’un candidat distributeur. Dès lors, une promesse synallagmatique de contracter est opportune en présence d’un besoin de sélection porté uniquement sur une seule personne, pour la mise en œuvre d’un système de concession 703 704 V. Infra n° 485 et s. V. Infra n° 279. exclusive, par exemple. La tête de réseau ayant choisi un candidat distributeur pour commercialiser ses produits sur un territoire exclusif peut vouloir attendre la survenue d’un événement particulier avant de conclure le contrat-cadre de distribution. 513. - Il existe une difficulté à la conclusion d’une promesse synallagmatique de contracter puisque celle-ci vaut contrat définitif, ce qui engendre le droit d’obtenir au profit d’une partie l’exécution forcée de la promesse et donc la conclusion du contrat-cadre de distribution. Une condition suspensive peut alors être prévue, telle que l’acceptation d’un crédit pour financer les investissements à réaliser pour l’intégration au réseau ou la production d’informations par le candidat et la vérification de certains éléments par le fournisseur. Les parties peuvent également prévoir un terme suspensif, à l’issue duquel celles-ci devront conclure le contrat définitif, sans quoi l’idée sera abandonnée. Les parties subordonnent la validité de la promesse à l’accomplissement de certaines modalités, ce qui induit le fait que la promesse ne vaudra contrat qu’en cas d’exécution des formalités prévues. La rédaction de la promesse devra être suffisamment précise, pour prévoir l’ensemble des événements caractérisant la ou les conditions suspensives. 514. - En parallèle de la conclusion du contrat de négociation qui sécurise le déroulement et l’extinction des négociations, la promesse synallagmatique de contracter tend à apporter une garantie supplémentaire, sans toutefois anéantir la liberté contractuelle des parties, au moyen de conditions à réaliser « ad validitatem ». L’obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts, l’une des parties ne pourra pas être contrainte par l’autre à exécuter le contrat. 515. - La promesse synallagmatique n’est utile qu’au moment de la « toute fin » du processus de sélection, une fois la première phase de négociation effectuée, puis la seconde période consacrée à la prise en décision de l’initiateur du réseau réalisée. L’intérêt de composer un encadrement contractuel du processus de sélection au moyen de différents outils juridiques est de répondre aux nécessités de chaque temps de la sélection et ainsi d’optimiser la gestion des risques. Section 2/ Les limites à l’encadrement contractuel de la décision de sélection 516. - Dans le second temps du processus de sélection, l’analyse de l’opportunité d’un encadrement du choix du promoteur du réseau, ne peut s’effectuer en méconnaissance d’un élément fondamental : la nécessité de préserver la liberté contractuelle de celui-ci (Paragraphe I). Ce dernier ne souhaitera encadrer son processus de sélection qu’une fois trouvé le juste équilibre entre la réduction des risques inhérents à son besoin de sélection et la protection de son pouvoir décisionnel. La liberté contractuelle de la tête de réseau et la possibilité d’un encadrement juridique de la sélection trouve ses limites en l’instauration d’un système de distribution sélective et en la conclusion de contrats-cadre à durée déterminée (Paragraphe II). Paragraphe I/ La nécessité de ne pas restreindre artificiellement la liberté décisionnelle du promoteur du réseau 517. - L’on ne se lasserait jamais de rappeler que l’encadrement contractuel, quel qu’il soit, ne peut être érigé en tant que qualification générale du processus de sélection. L’aménagement de la liberté contractuelle du promoteur de réseau ne peut s’effectuer qu’en présence de nécessités plus grandes en la conclusion d’un contrat de négociation, par exemple. 518. - La gestion des risques de la fin des négociations conduit, en présence de certains besoins de sélection, à recourir aux mécanismes contractuels du fait d’un niveau de risque qu’il faut minimiser. D’autres processus de sélection sont satisfaits par un faible encadrement tout au long des négociations, lors de la rencontre des candidats et lors du choix de l’initiateur du réseau. 519. - En effet, il parait important de ne pas occulter que l’encadrement contractuel, alors même qu’il préserve une certaine liberté aux parties, ne peut que restreindre la liberté contractuelle du fournisseur. Aussi, le choix de recourir à un tel encadrement doit être justifié par de réels motifs, tel qu’en témoignent les quelques illustrations données. Par ailleurs, l’analyse de la prise en considération des différents besoins de sélection au moyen de clauses insérées dans le contrat de négociation n’a pas la prétention d’en dresser une liste exhaustive. A chaque processus de sélection correspond des risques que le promoteur de réseau vise à prévenir. La mise en lumière effectuée sur certaines clauses, telles que la confidentialité, l’exclusivité, l’aménagement de la responsabilité en cas d’inexécution en autres, permet d’attirer l’attention des parties sur des éléments essentiels. Néanmoins, ces illustrations ne sont suggérées qu’à titre purement exemplatif, indicatif et ne sauraient être tirées du contexte auxquelles celles-ci ont pu faire référence. 520. - Au vu de ce qui précède, l’encadrement contractuel est particulièrement opportun pour protéger un savoir-faire, pour aménager avec une condition suspensive, l’obtention de financement permettant de réaliser les investissements nécessaires. La sélection dans la franchise commerciale et dans la concession exclusive peut être concernée. Les exigences propres à la sélection dans la distribution sélective présentent des limites à la possibilité de l’encadrement contractuel. Paragraphe II/ Les limites à un encadrement juridique aménageant la sélection 521. - La possibilité de recourir à un encadrement contractuel des négociations, pour la mise en œuvre d’un processus de sélection, sous entend l’exercice de la liberté décisionnelle du fournisseur. L’initiateur du réseau doit avoir la capacité et le pouvoir de mettre en place un tel encadrement, avant de juger de son opportunité. Le système de distribution sélective connait des particularités et exigences telles que celles-ci visent à générer une obligation de sélectionner l’ensemble des candidats distributeurs aptes, restreignant ainsi considérablement la liberté de négociation et de décision de l’initiateur de la sélection (I). La conclusion de contrats-cadre de distribution à durée déterminée n’est pas conseillée, en raison des difficultés posées lorsque le fournisseur souhaite résilier ces dits contrats (II). I/ L’obligation de sélection dans la distribution sélective 522. - L’initiateur d’un réseau de distribution sélective établit préalablement des critères objectifs et non discriminatoires afin de satisfaire son besoin de sélection705. Le fournisseur doit respecter une obligation de contrôle dans l’établissement des critères de sélection et dans leur mise en œuvre706. La réalisation du processus de sélection est alors encadrée, règlementée par les seuls critères antérieurement définis. Lorsque les candidats distributeurs remplissent les conditions de commercialisation fixées, le fournisseur est contraint de les sélectionner. Aussi, le système de distribution sélective présente une atténuation à la liberté décisionnelle du promoteur du réseau, du fait de l’obligation de sélection qui pèse sur lui. La conclusion d’un contrat de négociation ne présente pas de réelle utilité puisque le fournisseur est contraint de sélectionner tous les candidats aptes, qui correspondent aux conditions de commercialisation établies. II/ Le contrat-cadre de distribution à durée déterminée 523. - La sélection des candidats distributeurs ne s’effectue pas en un trait de temps et a vocation à se renouveler, du fait de l’évolution des nécessités du réseau, en constantes mutations. Le phénomène de sélection peut intervenir dans le but de constituer un réseau de distribution mais également lors d’une réorganisation de celui-ci. Néanmoins, la conclusion de contrat à durée déterminée constitue une limite à la pleine expression de la volonté du promoteur du réseau. 524. - La réalisation du processus de sélection par la conclusion de contrats-cadre à durée déterminée contraint le fournisseur à respecter l’échéance fixée. Toutefois, pour pallier à cela, l’initiateur du réseau peut prévoir la seule conclusion de contrats à durée indéterminée, afin de se réserver la liberté de rompre les relations contractuelles plus aisément. Il conviendra néanmoins que le fournisseur respecte la législation concernant le préavis nécessaire, sans quoi une rupture brutale ou abusive pourra lui être reprochée. De plus, dans un système de distribution sélective, l’initiateur du réseau ne peut résilier les contrats des distributeurs satisfaisant encore aux critères de commercialisation posés. A moins qu’il n’existe une 705 706 CA Versailles, 5 sept. 2002, n° 2000-01943. R. BERTIN, Distribution automobile certes, mais distribution sélective avant tout, RD. 2005, p. 2226. nécessité légitime et objective de réorganiser le réseau, la liberté décisionnelle du fournisseur est réduite707. 525. - Le réseau de distribution sélective est, en conséquence, relativement contraignant tant dans sa mise en œuvre que dans son fonctionnement, en ce sens qu’il ne permet pas une pleine expression de l’unique volonté du fournisseur. La franchise commerciale, voire même la concession exclusive, tendent à conférer à leur promoteur une liberté décisionnelle plus étendue. 707 V. Infra n° 181. Conclusion sur la gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le processus de sélection 526. - La mise en œuvre d’un processus de sélection par le promoteur d’un réseau de distribution est confrontée à des aléas, à des éléments difficilement prévisibles, des risques qu’il convient de minimiser. L’encadrement de la conduite des négociations est utile en présence de besoins de sélection qui présentent des nécessités précises, mais celui-ci ne saurait être effectif sans anticiper les risques liés à la prise de décision du fournisseur, à la fin des négociations. Les dispositions propres à l’inexécution et à l’extinction du contrat de négociation, telles que les clauses de dédit ou de résolution de plein droit, apportent un gage de sécurité à l’initiateur du réseau. Ce dernier peut également réunir différents mécanismes contractuels, par la conclusion d’un contrat de négociation pour régir leur déroulement, puis d’une promesse unilatérale ou synallagmatique de contracter, avec des conditions suspensives, visant à figer pour un instant le consentement d’une ou des parties. La combinaison de plusieurs outils juridiques doit s’effectuer en fonction des nécessités propres à chaque processus de sélection, ne s’agissant ici que d’analyses à titre d’exemples. Il convient de noter que la constitution d’un système de distribution sélective, de part les obligations de sélection induites, n’est pas propice à de tels encadrements, du fait du défaut de liberté décisionnelle du fournisseur une fois les critères établis. La conclusion de contrats à durée déterminée tend également à retreindre la liberté contractuelle du promoteur du réseau, pour la mise en œuvre d’une seconde « vague » de sélection. L’encadrement juridique du processus de sélection tend plutôt à répondre aux attentes formulées dans la franchise commerciale et la concession exclusive. CONCLUSION GENERALE 527. - Au terme de cette étude, il nous est permis de préciser le concept de sélection dans la distribution, par les notions de besoin et de processus de sélection. Le besoin de sélection est difficilement palpable, du fait de la diversité des éléments qui sont à l’origine de sa naissance. Celui-ci ne peut être appréhendé de manière générale et s’empreigne des particularités propres à chaque processus de sélection, en fonction du point d’équilibre rencontré entre la volonté du fournisseur et les contraintes de la satisfaction juridique de son besoin de sélection. Alors même que ses contours sont repérables, le besoin de sélection demeure en constante mutation, n’étant pas figé dans le temps, il a vocation à se réitérer pour la constitution d’un réseau de distribution, mais aussi sa réorganisation. La réalisation du processus de sélection ne peut s’effectuer qu’au moyen de critères de sélection et de leur application licites, en respectant des exigences légales, jurisprudentielles correspondant à chaque système de distribution. Le pouvoir décisionnel du fournisseur se trouve affecté par les exigences correspondant au modèle de commercialisation projeté ; l’obligation de sélection, lui incombant dans la distribution sélective, le contraint à baser le processus de sélection sur les critères préalablement établit alors que la concession exclusive, et plus particulièrement la franchise commerciale, octroie au fournisseur une plus grande liberté. 528. - Le processus de sélection conduit à l’éviction de certains opérateurs au profit des distributeurs sélectionnés et génère, à ce titre, un contrôle par le droit de la concurrence. L’intervention de dispositions contraignantes, justifiées au regard de la préservation des enjeux concurrentiels, tend à encadrer le processus de sélection, notamment par l’émergence de nouvelles exigences, particulières, en matière de distribution automobile. L’inadaptation de l’esprit du droit de la concurrence, des pratiques anticoncurrentielles, à s’intéresser aux aspects micro-économiques des relations de distribution atteste de l’incohérence d’un tel encadrement juridique de la sélection. La sanction des pratiques restrictives de concurrence est, textuellement, inapte à régir les dispositions préalables à la conclusion du contrat-cadre de distribution du fait de l’absence de relations commerciales établies. 529. - L’opportunité d’ériger un encadrement des négociations dans la sélection tend à conférer aux parties les outils juridiques permettant d’anticiper, de minimiser les risques s’y afférents. Les enjeux liés à la réussite du processus de sélection impulsent les synergies du réseau. Le promoteur du réseau organise et sécurise son processus de sélection, en aménageant contractuellement la conduite des négociations ainsi que le temps de leur finalisation, au moment de l’expression son pouvoir décisionnel. Le fournisseur a tout intérêt à envisager la création de dispositions lorsqu’il souhaite protéger son savoir-faire, en présence de risques liés à son besoin de sélection. 530. - Le régime anglo-saxon n’apporte que des réponses à demi-mots octroyant un faible encadrement, refusant, notamment, de conférer la force obligatoire aux « Agreements to negociate », et privilégiant la liberté contractuelle quasi-absolue des parties, de pouvoir réaliser de bonnes affaires. Seul le droit allemand confère un véritable régime de responsabilité précontractuelle mais s’éloigne des enjeux informels des relations d’affaires. L’encadrement juridique du processus de sélection doit résulter de la volonté des parties, du fournisseur, avec la possibilité de ne pas s’en prévaloir si les risques de son besoin de sélection ne le justifient pas. Aussi, le droit allemand vise à restreindre la liberté contractuelle des négociateurs, pourtant essentielle à la naissance des relations de distribution. Les « Principes pour un droit européen des contrats » ouvrent la voie vers la prise en considération des négociations. 531. - Le droit français ne régit presque pas la période précontractuelle, le Code civil s’en détournant clairement, et la tendance législative708 vise à s’en désengager, tel en témoigne la suppression de la prohibition des pratiques discriminatoires, et la faculté offerte aux parties de négocier librement leurs conditions de vente, conditions tarifaires. Les projets de réforme de droit des contrats poursuivent une volonté de modernisation, pour rendre plus attractif le droit français, notamment pour l’exportation, et s’intéressent davantage aux négociations. Cependant, les parties semblent ne pas être encore à l’aube d’un droit émergeant des négociations alors même que le processus semble enclenché. En effet, le projet de réforme de la Chancellerie du droit des contrats opère une confusion maladroite en réunissant au sein d’un Chapitre intitulé « Formation du contrat » les dispositions propres aux négociations. 532. - Le recours aux mécanismes juridiques préexistants, à la technique contractuelle permet d’adapter aux nécessités de chaque besoin de sélection, en fonction des divers risques qu’il présente, l’outil juridique efficace. Certains besoins de sélection sont satisfaits par le seul 708 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a modifié l’article L. 442-6 du Code de commerce : la liberté de négocier les prix est consacrée ; l’article L. 441-6 du Code de commerce : les règles de transparence précontractuelles sont assouplies. encadrement du droit de la responsabilité civile, uniquement en cas d’abus dans le déroulement des négociations, afin de laisser toute latitude aux enjeux informels. L’opportunité d’encadrer juridiquement certains processus de sélection peut être l’expression protectrice, dotée d’une force obligatoire, des attentes que ceux-ci véhiculent. D’autres besoins de sélection, plus élaborés, doivent composer avec des nécessités particulières, telles que la confidentialité, l’exclusivité. Le contrat de négociation offre aux parties la possibilité d’aménager la conduite des négociations, en imposant des obligations au candidat distributeur de non divulgation de savoir-faire par exemple, mais permet également de régir la fin des négociations, avec les modalités d’extinction du contrat, et les conséquences conventionnelles de son inexécution. Les promesses unilatérales et synallagmatiques de contracter, avec une ou plusieurs conditions suspensives, sont utiles lorsque le promoteur du réseau souhaite s’assurer de la volonté du candidat distributeur de conclure le contrat-cadre de distribution, ou afin de figer le consentement des deux parties, conditionné à la réalisation de l’objet de la condition, à la fin des négociations. La combinaison de plusieurs mécanismes, contrat de négociation puis promesse synallagmatique de contracter, peut être la réponse à certains besoins de sélection. Pour chaque besoin de sélection déterminé, le fournisseur doit choisir le mécanisme juridique le plus apte à minimiser les risques induits ; illustrations qui, sorties de leur contexte, ne sauraient être efficientes. 533. - L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen définit le principe de liberté. « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». De la même manière, la liberté contractuelle absolue du promoteur du réseau ne saurait être génératrice de retombées positives, celle-ci doit s’arrêter là où nait celle du candidat distributeur. Néanmoins, le promoteur du réseau n’acceptera de limiter sa liberté qu’en convoitant un intérêt plus grand, l’optimisation de la gestion de la sélection, du risque. L’encadrement juridique du processus de sélection, qu’il soit limité aux négociations informelles ou bien aménagé conventionnellement, selon les nécessités du fournisseur, est donc possible et peut se révéler opportun. BIBLIOGRAPHIE I / DICTIONNAIRES, ENCYCLOPEDIES A. DICTIONNAIRES Vocabulaire juridique, sous la dir. de G. CORNU, Travaux de l’Association H.CAPITANT. Dictionnaire de Droit du marché, concurrence, distribution, consommation, 2008, Ellipse, sous la dir. de D. MAINGUY. B. ENCYCLOPEDIES Dalloz. - Répertoire de droit civil. - Répertoire de droit commercial. JurisClasseur. -Civil Code. -Commercial. -Concurrence-Consommation. -Contrats-Distribution. Memento, Concurrence-consommation, F. Lefèbvre. II / OUVRAGES GENERAUX B M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, J. GHESTIN (dir.), Traité des contrats, Les contrats de la distribution, L.G.D.J, 1999. D. BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, L.G.D.J, 2004. C J. 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Miles, 1992, 2 AC 128. 1993 CA Paris, 21 janv. 1993, RD 1995, p. 73, obs. D. FERRIER. Cass. com., 27 avr. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 159, p. 109. Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17. 983, RJDA 1993, n° 922, Contrats, conc., consom. 1993, n° 213. Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.456. Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199. Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199. Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, n° 91-16.828, Bull. civ. I, n° 372, p. 258. 1994 CJCE, 13 janv. 1994, Metro c/ Cartier : Rec. CJCE 1994, I, p. 15, n° 7. Cass. com., 15 fév. 1994, RJDA 5/94 n° 542. Com. 22 février 1994, Bull. IV, n°79, RJDA 1994.765. CA Lyon, 4 mars 1994, Juris-Data n° 043277 Paris, 20 mai 1994, D. 1995, somm., p. 70, obs. D. FERRIER. Cass. com., 18 oct. 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n° 310. Comm. CE, déc. 12 déc. 1994, Fujitsu AMD Semiconductor, aff. IV/34.891 : JOCE, 30 Décembre 1994 Cass. civ., 13 déc. 1994, RJDA 7/95 n° 813. 1995 T com. Toulouse, 8 févr. 1995, cité par L. et J. VOGEL. CA Paris, 15e ch., 15 mars 1995 : JurisData n° 1995-021061. CA Versailles, 21 sept. 1995, Société Poleval c/ Société Laboratoires Sandoz, RTD civ. 1996, p. 145, obs. J. MESTRE, pourvoi rejeté par Cass. com., 7 avr. 1998, n° 95-20.361, JCP éd. E 1999, p. 579, note J. SCHMIDT. Cass. com., 28 nov. 1995, Bull. civ. IV, n° 276, p. 254. 1996 Comm. CE, déc. Bayer n° 96/478/CE, 10 janv. 1996, JOCE 9 août, n° L 201, p. 1. CA Nîmes, 2ième ch. 25 janv. 1996, SA Automobiles Citroën c/ SA Alès Auto. Cass., com. 30 janv. 1996, D. 1997, p. 232, note SERRA. Cass. com., 13 févr. 1996, n° 93-19.654, Bull. civ. IV, n° 50, Rev. Sociétés 1996, p. 781, note J.-J. DAIGRE. Cass. com., 9 avr. 1996, n° 94-14.649, Bull. civ. IV, n° 117, p. 99. Cass. 1re civ., 11 juin 1996, RJDA 12/96 n° 1437. Cons. conc., 1ier oct. 1996, Produits cosmétiques, BOCC 1997, p. 42. Cass. Civ 1ière, 5 novembre 1996, n° 94-20.817, Bull. Civ. I, n° 379, p. 265. Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, n° 94-17.369, RTD civ. 1997, p. 424, obs. J. MESTRE. Cons. Conc., 19 nov. 1996, déc. n° 96-D-72, Rolex. TPICE, 12 déc. 1996, aff. T-88/92 et T-19/92, Yves Saint-Laurent Parfums et Givenchy : Rec. CJCE 1996, II, p. 967 et 1857. 1997 Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n° 94-21.561. CA Paris, 6 févr. 1997 : D. 1998, somm. p. 335, obs. D. FERRIER. Cons. conc., déc. n° 97-D-31, 20 mai 1997, Distribution des produits d'entretien professionnels. Cass. civ., 21 mai 1997 : D. 1998, p. 150, note B. FAGES. Cass. 2e civ., 21 mai 1997, n° 95-17.743, Bull. civ. II, n° 158, D 1998, jur., p. 150, note B. FAGES. Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-11.448, Bull. Civ. IV, n° 255, D. Aff. 1997, p. 1460. Cass. com., 21 oct. 1997, Bull. civ. IV, n° 271 ; D. 1998, somm. p. 340, obs. D. FERRIER. CJCE, 4 nov. 1997, Dior : Rec. CJCE, I, 6034. CA Versailles, 6 nov. 1997 : RTD civ. 1998, p. 370, obs. J. MESTRE. Cass. com., 2 déc. 1997, Andreco, D. 1998, somm. p. 334, obs. D. FERRIER CA Paris, 9 déc. 1997, Sté Rolex, JurisData n° 1997-023732. 1998 Cass. com., 10 févr. 1998, Bull. civ. IV, n° 252. Cass. Com, 10 févr. 1998, no 95-21.906, Bull. civ. IV, no 71, p. 55, RTD civ. 1998, p. 365, obs. J. MESTRE, JCP éd. E 1998, p. 894, note L. LEVENEUR. Versailles, 5 mars 1998 : D. 1998, somm. P. 342, obs. D. FERRIER. Com. 7 avr. 1998, D. 1999.J.514, note. P. CHAUVEL. CJCE, 14 mai 1998, Carton et CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-49/92, Commission c/ ANIC Partecipazioni : Rec. CJCE 1999, I, p. 4125, pt 130. Civ. 1re, 15 déc. 1998, RTD civ. 1999. 623, obs. MESTRE. 1999 Cass. Civ 1ière, 6 janvier 1999, JCP 1998, II, 10066, note B. FAGES. Versailles 1ier avril 1999, RJDA 1999.1285. CA Versailles, 1er avril 1999, RJDA 1999, n° 1285. T. com. Avignon, 25 juin 1999, RG n° 98/003658, SA Haladjan et Ministre de l’Economie c/ Société Verachtert, RJDA 11/99, n° 1176. Comm. CE, déc. 14 sept. 1999, GEAE/P & W, aff. IV/36.213/F2 : JOCE, 3 Mars 2000. Cass. com., 19 oct. 1999, Prodim, Cah. dr. entr. 2000, n° 4, p. 19, obs. J.-L. RESPAUD. 2000 Cass. com. 25 janv. 2000, Contrats, conc., consom. 2000, n° 64, obs. M. MALAURIEVIGNAL. Cass. 3e civ., 15 févr. 2000, n° 98-17.860, RTD civ. 2000, p. 564, obs. J. MESTRE et B. FAGES. TPICE, 15 mars 2000, aff. Jtes T-25/95 et a, Cimenteries-CBR c/ Commission, Rec. CJCE 2000, II, p. 491, pt. 1852. Cass. Com. 20 juin 2000, RJDA 2000, n° 1068. Cass. 2e civ., 6 juill. 2000, n° 98-17.827, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 2, note L. LEVENEUR. CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, act. jurispr. p. 389, obs. E. CHEVRIER. TPICE, 26 oct. 2000, aff. T-41/96, Bayer AG, Rec., CJCE, II, p. 3383, Contrats, conc., consom. 2001, comm. 28, obs. S. POILLOT-PERUZZETTO. Cass. com., 30 oct. 2000, n° 98-11.224, Contrats, conc., consom. 2001, n° 21, note L. LEVENEUR. Cass. com., 21 nov. 2000, Verjo c/ Bonaudo, Cah. dr. entr. 2001, n° 4, p. 26, note J.L. RESPAUD ; Contrats, conc. consom. 2001, comm. 20, note L. LEVENEUR. 2001 Cons., conc., Décision n° 00-D-72 du 16 janv. 2001 relative à une saisine présentée par la Société Time and Diamond. Cons. Conc., 19 juill. 2001, déc. n°01-D-45, Ray Ban. Cons. conc., déc. n° 01-D-42, 11 sept. 2001, André Barbot, Recueil Lamy, n° 863, obs. V. SELINSKY. 2002 Cass. com., 9 mars 2002, RTD com. 2003, p. 75, obs. E. CLAUDEL. Cass. 3e Civ., 27 mars 2002, n° 00-30.732, Bull. civ. III, n° 77, Cah. Dr. Entr. 2002, n° 5, p. 20, obs. J.-L. RESPAUD. Cons. conc., déc. n° 2002-D-26, 9 avr. 2002 relative à une saisine de la société Prieur Sports dans le secteur de la distribution des équipements d'escrime. CA Versailles, 12ème ch., 16 mai 2002, Sté Parasante c/ Sté Biotherm distribution et compagnie, RD. 2003, p. 2433 et p. 2430, obs. D. FERRIER. Cass. Com. 2 juill. 2002, RJDA 2003, n°52. Paris, 3 juill. 2002, D. 2003, somm. 2429, obs. D. FERRIER. Cass, soc., 10 juillet 2002, Bull. civ. V, n°293, 3 arrêts, JCP 2002.II.10162, note critique PETIT, JCP, éd. E, 2002.1511, note D. CORRIGNAN-CARSIN, D. 2002.2491, note Y. SERRA. Comm. CE, déc. 8 oct. 2002, IFPI Simulcast, aff. COMP/C2/38.014, § 84 : JOCE, 30 Avril 2003. Cons. Conc., 7 nov. 2002, déc. n°02-D-67, St Chapelle et Senavem c/ Sté Darty, Caprofem et certains de leurs fournisseurs, BOCC 28 févr. 2003, p.165. CA Paris, 7 nov. 2002, RTD civ. 2003, p. 76, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 2003 Cass. com., 21 janv. 2003, Sté Moto-Ouest c/ Sté MBK, Contrats, conc. consom. 2003, comm. 68, note L. LEVENEUR. CA Douai, 6 février 2003, Juris-data no 2003-246631. Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, JCP G 2003, I, n° 128, spéc. n° 17, obs. L. CADIET. Cass. Com, 11 mars 2003, n° 97-14.366. Com. Déc. 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOUE L 209, 19 août 2003, pt. 123. Cass. 2e civ., 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, D. 2003, p. 2326, note J.-P. CHAZAL, DEFRENOIS 2003, art. 37845, n° 121, obs. J.-L. AUBERT. Cass. com., 1ier juill. 2003 : D. 2003, somm. p. 2427, obs. D. FERRIER. CA Versailles, 25 sept. 2003, JCP 2004 éd. E., n° 384, obs. P. MOUSSERON. TC Paris, 24 novembre 2003, Juris-data no 2003-235448. Cass. Com. 26 nov. 2003, Bull. Civ. IV, n°186, RTD Civ. 2004, p. 80, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Cons. conc., déc. n° 03-D-66, 23 déc. 2003, Pratiques mises en œuvre par la société Renault et le groupement des Concessionnaires Renault (GCR) dans le secteur de la distribution automobile. 2004 CJCE, 6 janv. 2004, aff. Jtes C-2/01 et C-3/01 P, Bundesverband der ArzneimittelImportere, Europe fév. 2004, comm. 84, obs. L. IDOT. Cass. com., 4 févr. 2004, Sté Fina, Cah. dr. entr. 2004, n° 3, p. 29, obs. J.-L. RESPAUD. Comm. CE, déc. 7 avr. 2004, § 132 ; Comm. CE, déc. 10 mars 2003, British Airways/SN Brussels Airlines, aff. COMP/A.38.477/D2. Cons. conc., Avis n° 04-A-14 du 23 juill. 2004 relatif à une saisine du Syndicat national de l’équipement du bureau et de l’informatique. Cass. com., 14 décembre 2004, pourvoi n° 02-10.157. 2005 Cass. com., 11 janv. 2005, Juris-Data n° 2005, 026564, pour des « jeans haut de gamme ». Aix en Provence, 3 mars 2005, Dr. Fam., 2005, n°11, p. 22. Cass. 3e civ., 10 mai 2005, n° 03-19.238, RDC 2005, p. 1076, note F. COLLART DUTILLEUL. Cass. civ., 17 mai 2005, pourvoi no 04-12.176, Juris-data no 2003-222223, Contrats conc. consom. 2005 comm. 169, M. MAULAURIE-VIGNAL. Cons. Conc. Déc. 05-D-22, 18 mai 2005, Pratiques mises en œuvre par l’association « Agriculture et Tourisme en Dordogne-Périgord ». Cass. 1re civ., 24 mai 2005 : Bull. civ. 2005, I, n° 223 ; D. 2006, p. 1025, note A. BENSAMOUN ; RTD civ. 2005, p. 588, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Cass. com., 28 juin 2005, Garage Gremeau c/ DaimlerChnrysler, JurisData n° 2005029187. n° 982 : RJDA 3/06 n° 255. Versailles, 24 nov. 2005, Lettre distrib. Déc. 2005, p. 2. Cons. Conc., 5 déc. 2005, déc. n°05-D-66, point 250. 2006 Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 02-21.240 et n° 02-21.355, Juris-Data n° 2006-032278. Décision n°06-D-03, Cons., conc., 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation. Cons. Conc., 13 mars 2006, déc. n°06-D-04 bis, pt 451. CA Versailles, 11 mai 2006, D. 2007, pan. p. 191, obs. D. FERRIER. CA Paris 12 mai 2006 n° 04-9488, 25e ch. A, SARL IDEIS c/ SA Alsthom Transport. Cass. com., 25 avril 2006, RDC 2006. 1033, obs. ROCHEFELD. Cass. Civ. 3ième, 28 juin 2006, JCP 2006, II, 10130, note O. DESHAYES. Cons. conc., déc. n° 06-D-24, 24 juill. 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France, Contrats, conc., consom.2006, comm. 18. CJCE, 3e ch., 7 sept. 2006, VW-Audi Forhandlerforenigen c/ Skandinavick Motor, aff. C-135/05, note E. CHEVRIER, Modalités de la réorganisation d’un réseau de distribution automobile, RD 2006, p. 2393. Cons. conc., déc. n° 06-D-28, 5 oct. 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, Contrats, conc., consom.2006, comm. 122. Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, D. 2006. 2825, note VINEY. – Com., 6 mars 2007, D. 2007. AJ. 1078, obs. CHEVRIER. 2007 CA Paris, 17 janv. 2007, n° 05/22999 – CA Paris, 10 janv. 2007, n° 05/24739 - CA Paris, 29 déc. 2006, n° 06/03791. Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 05-17.573. Cass. com., 6 févr. 2007, n° 03-20.463, D. 2007, p. 1317. Cass. Com., 6 mars 2007, n° 05-17.011, SA Ferry c/ Sté Automobile Peugeot, JurisData n° 2007-037802., E. CHEVRIER, Nécessité d’une réorganisation juridique ou économique du réseau, Dalloz. Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-13.991, SA Garage de Bretagne c/ SA Daimler Chrysler France : JurisData n°2007-037801, D. 2007. AJ. 1011, obs. CHEVRIER. Civ. 1re, 15 mai 2007, D. 2007. AJ. 1502. Cass. com., 9 oct. 2007, n° 05-14.118, Revue Lamy Dr. Civ. n° 47,p. 6, Vers l’indemnisation de la clause de non-concurrence ?, obs. D. MAINGUY et M. DEPINCE. CA Paris, 16 oct. 2007, 1re ch., sect. H, n° RG: 2006/17900, Bijourama c/ Festina France. Cass. com., 20 nov. 2007 : JurisData n° 2007-041591, Contrats, conc. consom. 2008, comm. 6, note N. MATHEY, rupture de pourparlers au cours du préavis précédant la rupture d'un contrat de distribution. CA Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, Sté HBC c/ SA Cartier, JurisData n° 2007-352302. Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n° 06-10.390. 2008 Cass., com., 29 janv. 2008, n° 06-17. 748 (n° 167 F-B+P), RD 2008, p. 476, obs. CHEVRIER. Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721, FS D, Sté Ogic c/ SCI Foncière Costa et a., Juris-Data n° 2008-043404. Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n° 06-18007761. Cass. com., 2 déc. 2008, n° 07-18.775, F-D, SA Au sol d'or c/ SA Clause Tezier, JurisData n° 2008-046118. 2009 Cass. Civ. 3e, 7 janv. 2009, n° 07-20.783, à paraître au Bulletin ; D. 2009.297. Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n° 08-13.194. VI/ TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES A. LEGISLATION COMMUNAUTAIRE Règl. CE n° 4087/88 du 30 nov. 1988, JOCE n° L 359, 28 déc. 1988. Règl. CE n° 2790-99, JOCE n° L.336/21, 29 déc. 1999. Communication Comm. CE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 291 du 13 oct. 2000. Rapport de la Commission européenne publié en 2000 (COM/2000/743). Règl. CE n° 1400/2002, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du Traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, accompagné d’une « Brochure explicative » du 31 juill. 2002, JOCE n° L. 203, 1ier août 2002, avec un complément du 12 nov. 2003, eur-lex.europaeu. Rapp. Cons. conc. 2006, Les études thématiques. B. LEGISLATION INTERNE a. LOIS Loi du 18 juillet 1937 modifiée par la loi du 6 mars 1957, modifiée en 1973 et codifiée aux articles L. 751-1 à L.751-15 du Code du travail, Régime des VRP. Loi DOUBIN n° 89-1008 du 31 décembre 1989. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, article 72-III codifié à l’article 1589-1 du Code civil. Loi NRE n° 2001-420 du 15 mai 2001. Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 concernant la prescription en matière civile, issue d’une proposition de loi de M. J-J HYEST, président de la commission des lois du Sénat. Loi LME n° 2008-776 du 4 août 2008, Journal Officiel 5 Aout 2008 s. b. DECRETS Décret n°91-337 du 4 avril 1991 : nature des informations à délivrer, concernant le passé, le présent et l’avenir « perspectives de développement du marché concerné ». c. ORDONNANCES Ordonnance n° 86-1273 du 1ier déc. 1986. d. AUTRES P. CATALA (dir.) Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, Rapport au garde des Sceaux du 22 sept. 2005. VI/ AUTRES SOURCES THOEING, Colloque du 22 mai 1991 organisé par l’Association Libre Justice sur « Les enjeux économiques et culturels de la distribution sélective ». Rapp. Me Max VOGUE, relatif à certaines stipulations d'un contrat de distribution sélective à la demande du Ministre de l'économie, juin 2007. Le Monde Diplomatique, « Discrimination positive », mai 2007, p. 12. Rapport de la Banque mondiale Doing business ( www.doingbusiness.org). Enquête annuelle Banque Populaire / FFF / CSA 2006 : le parcours du candidat à l’entrée dans un réseau n’est pas inférieur, en moyenne, à six mois, entre le premier contact et la signature du contrat. J.-M MOUSSERON, Rapport de synthèse du colloque « La négociation du contrat », le 19 mai 1998, organisé par l'Université des sciences sociales de Toulouse (Toulouse I), centre de droit privé, in D., RTD com. 1998 p. 559. D. HOUTCIEFF, Rapport de présentation, in Blog « Faculté, Droit et Droit à la faculté », 24 sept. 2008. M. HOUELLEBECQ, La possibilité d’une île, éd. Fayard, 2005. TABLE DES MATIERES SOMMAIRE .............................................................................................................................. 1 INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 2 PREMIERE PARTIE L’ENCADREMENT DU PROCESSUS DE SELECTION PAR LA DETERMINATION DU BESOIN ....................................................................... 20 TITRE I La délimitation du besoin de sélection à l’origine de sa traduction juridique par le processus................................................................................................... 22 Chapitre I L’existence de contours « flous » au besoin de sélection ? ....................... 22 Section 1/ Les motifs de la sélection ......................................................................... 23 Paragraphe I/ L’analyse du besoin de sélection ....................................................... 23 I/ L’efficience économique et commerciale .................................................... 23 A/ La maximisation de la qualité et des profits ................................... 24 B/ Les avantages retirés par les consommateurs................................... 25 C/ But purement lucratif ....................................................................... 27 II/ Le contrôle et la protection opérés sur les produits par le réseau de distribution ....................................................................................................... 27 A/ Un contrôle effectif de la commercialisation ................................... 27 B/ Le choix de la stratégie commerciale du fournisseur ...................... 28 C/ L’auto protection inhérente au réseau ............................................. 29 1/ La notion de réseau .............................................................. 29 2/ Les synergies du réseau : l’exemple de l’auto protection .... 32 a/ La protection opérée par le réseau contre les marchés parallèles .................................................................. 32 Protection en faveur des intérêts du fournisseur .................................................. 32 Influences de la lutte contre le parasitisme sur les droits de propriété industrielle : l’histoire d’une dérive ............................... 33 b/ La consécration d’un droit à la protection de la revente du fait de l’existence même du réseau ............. 34 Paragraphe II/ L’analyse du choix du système de distribution satisfaisant le besoin de sélection ............................................................................................................. 35 I/ L’élément déterminant, l’ajustement entre indépendance juridique du distributeur et contrôle du fournisseur .............................................................. 36 II/ Les processus de sélection, réponses aux divers besoins ............................. 37 A/ La vérification de l’indépendance juridique .................................... 37 1/ Les limites entre indépendance juridique et réelle liberté décisionnelle ............................................................................. 38 2/ La nécessaire intervention modérée du fournisseur dans l’activité du distributeur, enjeu inhérent au réseau .................. 38 B/ Les offres des différents processus de sélection pour la satisfaction des besoins ........................................................................................... 39 1/ Le système de distribution sélective. ..................................... 39 2/ La concession exclusive ........................................................ 41 3/ La franchise commerciale .................................................... 42 Section 2/ L’influence du système de distribution a priori retenu sur la liberté décisionnelle de l’initiateur de la sélection .............................................................. 45 Paragraphe I/ L’obligation de sélection .................................................................. 45 I/ Le système de distribution sélective.............................................................. 45 II/ Le système de distribution agrée.................................................................. 46 III/ Une obligation de sélection nuancée dans la concession exclusive ........... 47 Paragraphe II/ L’existence d’un devoir de sélection dans la franchise ................... 47 Paragraphe III/ La coexistence de deux systèmes de distribution .......................... 48 Conclusion sur l’existence de contours « flous » au besoin de sélection ?......................... 51 Chapitre II La satisfaction juridique du processus de sélection .................................... 52 Section 1/ La licéité de la mise en œuvre du processus de sélection ...................... 54 Paragraphe I/ La licéité des critères de sélection.................................................... 55 I/ Les critères quantitatifs ................................................................................. 56 A/ La sélection quantitative dans la distribution sélective ................... 56 B/ L’application de critères quantitatifs dans la concession exclusive . 60 II/ La nature des critères qualitatifs de sélection .............................................. 61 A/ Les critères subjectifs ....................................................................... 61 B/ Les critères objectifs ........................................................................ 62 Paragraphe II/ La licéité de l’application des critères, de façon effective ............. 64 I/ Les exigences propres à la distribution sélective .......................................... 64 II/ La présence de l’obligation d’objectivité et de non discrimination dans la franchise commerciale ? ............................................................................... 65 Section 2/ La validité du contrôle de l’effectivité du processus de sélection ......... 68 Paragraphe I/ Droit et devoir de contrôle du fournisseur indispensables à l’effectivité de la sélection ...................................................................................... 69 I/ La protection directe du réseau ..................................................................... 69 A/ Le contrôle des obligations à la charge des distributeurs sélectionnés ........................................................................................... 69 1/ Les exigences licites / admises ............................................. 70 2/ Les obligations condamnées ................................................. 72 B/ Les moyens de la protection directe du réseau................................. 72 1/ L’engagement de la responsabilité du distributeur sélectionné ................................................................................. 73 2/ L’engagement de la responsabilité du revendeur hors réseau ................................................................................ 74 II/ La protection indirecte du réseau ................................................................. 75 Paragraphe II/ La licéité des moyens du contrôle du fournisseur ............................... 77 I/ Un droit de contrôle limité au respect des conditions de commercialisation dans la distribution sélective ................................................................................... 77 II/ Un droit de contrôle plus souple dans la concession et plus élaboré dans la franchise ........................................................................................................... 78 A/ Le contrôle de la gestion par l’assistance nécessaire, utile dans la concession ............................................................................................. 78 B/ Le contrôle de la gestion par l’assistance obligatoire du franchiseur ............................................................................................................... 78 Conclusion sur la satisfaction juridique du processus de sélection ................................... 81 TITRE II Le contrôle du droit de la concurrence tendant à un encadrement juridique du processus de sélection .................................................................................................... 83 Chapitre I Analyse et contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences ..................................... 84 Section 1/ Le contrôle de la mise en œuvre du processus de sélection à l’épreuve du principe de la liberté de la concurrence .............................................................. 85 Paragraphe I/ La perception par le droit de la concurrence des systèmes de distribution opérant un processus de sélection ...................................................... 85 I/ Les spécificités des différents systèmes de distribution. ............................... 85 A/ La franchise commerciale ................................................................ 86 B/ La concession exclusive ................................................................... 87 C/ La distribution sélective ................................................................... 88 II/ La conciliation entre le principe de la liberté de la concurrence et les spécificités de chaque système de distribution ................................................ 89 Paragraphe II/ Le régime spécifique de la distribution automobile ....................... 91 I/ La distribution sélective en matière automobile ........................................... 92 II/ La distribution exclusive en matière automobile ......................................... 94 Section 2/ Le contrôle de la réorganisation du réseau à l’épreuve du principe de la liberté de la concurrence ............................................................................................ 95 Paragraphe I/ La liberté de principe de l’initiateur du réseau de gestion et réorganisation ........................................................................................................ 95 I/ Les modalités du droit à la réorganisation du réseau au bénéfice du fournisseur ........................................................................................................ 95 A/ Un principe affirmé ......................................................................... 95 B/ Un principe justifié par de réels motifs ........................................... 96 II/ Réorganisation de réseau de distribution automobile : un cas particulier ... 97 Paragraphe II/ Les limites à la liberté de réorganisation du fournisseur : la consécration du droit au renouvellement du contrat de distribution sélective ?.... 99 Conclusion sur l’analyse et le contrôle juridique du processus de sélection à l’épreuve du droit de la concurrence : l’apparition de nouvelles exigences .......................................... 101 Chapitre II L’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ................................................... 102 Section 1/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par les pratiques anticoncurrentielles ............................................... 103 Paragraphe I/ L’emploi de l’article L. 420-2 du Code de commerce ................. 103 I/ Les modalités de l’adaptation de l’article L. 420-2 du Code de commerce pour régir les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution........... 103 II/ Les difficultés résultant de l’inadaptation du recours à l’article L. 420-2 du Code de commerce ........................................................................................ 104 Paragraphe II/ L’utilisation du droit des ententes ................................................. 106 I/ Les moyens du contrôle des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par le droit des ententes .............................................................. 106 II/ L’inaptitude du droit des ententes à régir les dispositions préalables au contrat-cadre de distribution .......................................................................... 107 A/ Les raisons de l’échec. ................................................................... 108 1/ Les difficultés inhérentes aux notions d’ « accord » et de « pratique concertée » ............................................................. 108 2/ L’affirmation de l’incompatibilité ..................................... 110 B/ Le champ d’application du contrôle opéré par le droit des ententes circonscrit au processus de sélection, excluant celui de son encadrement ............................................................................................................. 112 Section 2/ L’essai d’encadrement des dispositions préalables au contrat-cadre de distribution par les pratiques restrictives de concurrence ...................................... 114 Paragraphe I/ L’adaptation du contrôle des pratiques restrictives de concurrence lors de l’exécution du « contrat préparatoire » de distribution ........................... 114 Paragraphe II/ L’impossibilité du recours aux pratiques restrictives de concurrence lors de l’extinction du « contrat préparatoire » de distribution ........................... 115 Conclusion sur l’essai d’encadrement juridique des dispositions préalables au contratcadre de distribution par le droit de la concurrence ......................................................... 117 DEUXIEME PARTIE LA QUALIFICATION DU PROCESSUS RESULTANT DU BESOIN DE SELECTION ................................................................................................. 119 TITRE I La recherche de qualifications aux processus de sélection ........................... 122 Chapitre I La recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils contractuels du droit français ..................................................................................... 123 Section 1/ L’encadrement de la négociation par le droit de la responsabilité civile .................................................................................................................................... 124 Paragraphe I/ Caractéristiques de la préparation informelle de la négociation .......................................................................................................... 124 I/ Le principe de liberté contractuelle. ............................................................ 124 II/ L’aménagement de la liberté contractuelle au moyen de gardes fou ......... 125 A/ Un devoir de négocier de bonne foi .............................................. 126 B/ L’engagement de la responsabilité du fait de la conduite inappropriée des négociations ................................................................................. 127 1/ Les modalités du déroulement abusif des négociations ...... 128 2/ Le dommage précontractuel ............................................... 130 Paragraphe II/ La réception de l’encadrement par le processus de sélection ....... 132 Section 2/ L’inadaptation de l’encadrement au moyen de la formalisation de la négociation : l’opportunité du recours à l’outil contractuel ................................. 134 Paragraphe I/ Les obstacles liés à la préparation formalisée de la négociation, entendue au sens strict ........................................................................................ 134 I/ La difficulté probatoire des éléments décidés pendant les pourparlers ...... 134 II/ L’inadaptation de l’obligation précontractuelle à régir le déroulement des négociations ................................................................................................... 135 Paragraphe II/ Les solutions apportées par l’outil contractuel ............................ 138 I/ Les outils contractuels a priori inadaptés ................................................... 139 A/ Les promesses de contrat .............................................................. 139 1/ La promesse synallagmatique ............................................. 139 2/ La promesse unilatérale ..................................................... 141 B/ Les accords de préférence .............................................................. 142 II/ Les outils contractuels a priori « sélectionnés » ....................................... 144 A/ L’« avant contrat » ou « la possibilité d’une île » ........................ 145 B/ Le contrat de négociation : une solution envisageable................... 146 Conclusions tirées de la recherche circonscrite aux particularités juridiques nationales et outils contractuels du droit français .............................................................................. 148 Chapitre II L’élargissement de la recherche aux frontières internationales ........... 150 Section 1/ Inspirations venues d’autres régimes juridiques ................................. 151 Paragraphe I/ Les apports des systèmes anglais et américains ............................ 151 I/ Liberté contractuelle absolue ..................................................................... 152 A/ La consécration du principe de liberté contractuelle absolue dans les négociations. ....................................................................................... 152 1/ L’absence de réparation d’un dommage nié ...................... 153 2/ La consécration d’un droit de négocier de mauvaise foi ? 153 B/ Le principe du « All or nothing » .................................................. 155 II/ L’engagement exceptionnel de la responsabilité précontractuelle ........... 156 A/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) ......................... 156 1/ La Théorie de l’Unjust Enrichment (Restitution) en droit anglais .................................................................................... 157 2/ La Théorie de « l’Unjust Enrichment » (Restitution) en droit américain ............................................................................... 158 B/ La Théorie du Promissory estopped (Reliance) ............................. 159 1/ La Promissory estopped (Reliance) en droit anglais ......... 159 2/ La Promissory estoppel (Reliance) en droit américain ..... 161 C/ Le Law of Tord (Misrepresentation) .............................................. 162 1/ « Fraudulent Misrepresentation » ...................................... 163 2/ « Negligent Misrepresentation » ......................................... 164 III/ Les moyens juridiques anglo-saxons au service des relations précontractuelles ............................................................................................. 165 A/ L’accord pour se mettre d’accord ? .............................................. 166 B/ Un contrat précontractuel ? ........................................................... 168 Paragraphe II/ Les apports du droit allemand ....................................................... 171 Section 2/ Un droit émergeant des négociations ? ................................................. 173 Paragraphe I/ Principes Unidroit et Principes pour un droit européen des contrats .............................................................................................................................. 173 I/ Le devoir de minimiser le dommage ........................................................... 175 II/ Le refus d’une interprétation extensive du silence des parties .................. 176 Paragraphe II/ Les projets de réforme ................................................................. 177 I/ Avant-projet de réforme du droit des obligations ....................................... 178 II/ Projet de la Chancellerie de réforme du droit des contrats ........................ 179 Conclusions tirées de l’élargissement de la recherche aux frontières internationales .. 183 TITRE II La gestion des risques de la négociation dans le processus de sélection .... 185 Chapitre I La gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus de sélection ....................................................................................................................... 187 Section 1/ L’opportunité d’un faible encadrement par le droit de la responsabilité civile ..................................................................................................................................... 188 Paragraphe I/ La consécration de la liberté contractuelle par la gestion informelle des négociations ............................................................................................................ 188 I/ L’expression de la liberté contractuelle du promoteur du réseau ................. 188 II/ Les contours du besoin de sélection nécessitant un faible encadrement ............................................................................................................. 190 Paragraphe II/ L’insuffisance de l’encadrement par le droit de la responsabilité civile .................................................................................................................... 191 I/ La nature du besoin de sélection, insatisfait par le faible encadrement de la responsabilité civile ....................................................................................... 191 II/ La possibilité de recourir à la promesse unilatérale de vente .................... 191 Section 2/ L’opportunité d’un encadrement contractuel « à la carte » ............... 195 Paragraphe I/ Les synergies de l’organisation contractuelle des négociations pour la sélection. ........................................................................................................... 195 I/ Les stimuli influençant l’édification d’un cadre contractuel au processus de sélection .......................................................................................................... 196 A/ La nécessité d’organiser le déroulement des négociations ........... 196 1/ Un encadrement favorable à la naissance réussie des relations d’affaires ................................................................. 196 2/ Les besoins issus des spécificités propres à la phase précontractuelle des contrats-cadre de distribution .............. 198 B/ L’intérêt du contrat, au regard de l’analyse économique : les conclusions tirées de la théorie des jeux ............................................ 199 1/ Les modalités de la théorie des jeux .................................. 200 2/ La réception de la théorie des jeux pour la négociation dans la sélection ............................................................................. 200 II/ L’objet du contrat : l’obligation de négocier transposée au processus de sélection ......................................................................................................... 201 A/ Les caractéristiques du contrat de négociation : les modalités de l’obligation essentielle de négocier .................................................... 202 B/ La tentative de transposition de l’obligation de négocier au processus de sélection ......................................................................................... 203 Paragraphe II/ L’identification des besoins de sélection nécessitant un contrat de négociation .......................................................................................................... 204 I/ Les caractéristiques essentielles des besoins de sélection justifiant le recours au contrat de négociation ............................................................................... 204 A/ L’enjeu de la confidentialité .......................................................... 205 B/ L’enjeu de l’exclusivité .................................................................. 209 II/ La liberté des parties dans l’aménagement des dispositions générales du contrat de négociation ..................................................................................... 211 A/ La détermination des dispositions propres à la naissance du contrat de négociation ..................................................................................... 211 B/ La détermination des dispositions propres à l’exécution du contrat de négociation ......................................................................................... 213 1/ Le choix de la loi applicable ............................................... 213 2/ La prévention d’un éventuel litige ..................................... 213 a/ Les clauses de règlement amiable ........................... 214 b/ Les clauses compromissoires .................................. 215 c/ Les clauses attributives de compétence à une juridiction ................................................................... 215 Conclusion sur la gestion des risques liés à la conduite des négociations dans le processus de sélection ............................................................................................................................ 217 Chapitre II La gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le processus de sélection .................................................................................................... 219 Section 1/ L’opportunité d’un encadrement contractuel de la fin des négociations ........................................................................................................................ 221 Paragraphe I/ L’encadrement de la sélection par les dispositions propres à la mort du contrat de négociation ............................................................................................. 221 I/ L’aménagement de l’inexécution du contrat de négociation ......................... 221 A/ La gestion conventionnelle des risques induits par l’inexécution ............................................................................................................ 222 B/ La limitation de la responsabilité au profit du promoteur de réseau ................................................................................................. 222 II/ L’aménagement de l’extinction du contrat de négociation ........................ 224 A/ La question de la durée du contrat ................................................. 224 B/ L’aménagement conventionnel de l’extinction du contrat. ............ 225 1/ La clause résolutoire de plein droit .................................... 225 2/ La clause de dédit ............................................................... 226 Paragraphe II/ L’encadrement de la sélection par la combinaison de plusieurs outils juridiques .............................................................................................................. 228 I/ La promesse unilatérale de contracter au bénéfice du promoteur du réseau ............................................................................................. 229 II/ La promesse synallagmatique de contracter .................................. 230 Section 2/ Les limites à l’encadrement contractuel de la décision de sélection .. 231 Paragraphe I/ La nécessité de ne pas restreindre artificiellement la liberté décisionnelle du promoteur du réseau ................................................................. 231 Paragraphe II/ Les limites à un encadrement juridique aménageant la sélection 233 I/ L’obligation de sélection dans la distribution sélective ................. 233 II/ Le contrat-cadre de distribution à durée déterminée ..................... 233 Conclusion sur la gestion des risques liés à la finalisation des négociations dans le processus de sélection ........................................................................................................... 235 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 236 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 239