À l`occasion de la sortie du livre « Rajeunir », le Dr - Aikido
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À l`occasion de la sortie du livre « Rajeunir », le Dr - Aikido
À l’occasion de la sortie du livre « Rajeunir », le Dr Philippe Taurand, médecin gériatre et chef de service à l’hôpital d’Hermont (Val-d’Oise), fait le point sur les dernières découvertes liées au rajeunissement et aux stratégies permettant de retrouver des capacités et fonctions perdues. Le rajeunissement est bel et bien à portée de main. Alternative Santé « Rajeunir », le titre de votre livre, semble porter une belle promesse. Mais parler de rajeunissement n’est-il pas exagéré ? Dr Philippe Taurand Nous disposons à présent d’une matière scientifique suffisante et en constante évolution pour pouvoir parler de réel rajeunissement physiologique, tissulaire et cérébral. Par exemple, les travaux du Dr Elizabeth Blackburn sur les télomères offrent des données remarquables et concrètes. D’ailleurs, le prestigieux prix Nobel de médecine lui a été décerné pour ses découvertes en 2009. A. S. Rappelez-nous ce que sont les télomères ? Dr Ph. T. Les télomères sont des extrémités présentes dans toutes nos cellules. Chaque cellule a une durée de vie limitée et doit se diviser pour renouveler l’organisme. À chaque division cellulaire, les télomères se réduisent jusqu’à ce que la cellule, n’ayant plus de réserve, ne puisse plus se diviser. C’est l’une des pistes actuelles les plus avancées pour expliquer et mesurer le vieillissement, et par extension envisager de le contrôler. La question fondamentale était de savoir si l’on pouvait agir sur ces télomères, en les rallongeant grâce à certaines substances ou comportements, et assurer une plus grande durée de vie de la cellule. Aujourd’hui émerge des moyens rendant possible ce rallongement. A. S. Lesquels ? Dr Ph. T. Des études très documentées montrent que l’activité physique régulière, des régimes alimentaires de type méditerranéen, pauvre en graisses et riche en certains nutriments d’origine végétale, les acides gras oméga 3, le resvératrol ou certains astragaloïdes ont un réel effet protecteur des télomères. Une bonne hygiène de vie que nous détaillons dans le livre permet même de rallonger les télomères et ainsi de rajeunir les cellules. Jusqu’à présent, il y avait peu de stratégies pour contrer l’avancée en âge. La majorité des publications portait sur le bien vieillir et sur l’adaptation aux handicaps qui apparaissent avec l’âge. Bref, une vision fataliste. À l’inverse, le rajeunissement se comprend comme la récupération des capacités perdues. Le maintien des capacités de l’être tel qu’il était ouvre la porte à une nouvelle stratégie, que j’ai détaillée dans mon livre, diamétralement opposée à celle qui préexistait auparavant. Il n’est plus seulement question de s’adapter, on peut agir pour remonter la flèche du temps. A. S. Quand on parle de rajeunissement, quels bénéfices concrets peut-on attendre ? Dr Ph. T. On parle d’agir sur son horloge biologique. Grâce à un modèle de vie sain, cela permet, à partir de 40 ans, de maintenir et plus tard de récupérer des capacités physiques et psychiques qui s’amenuisent. On peut les mesurer sur l’aptitude à l’effort physique, une moindre fatigabilité physique et psychique, une peau de meilleure qualité, des amplitudes articulaires qui augmentent, un rallongement des télomères et donc un rajeunissement physiologique, cellulaire et tissulaire. Il y a aussi toute la dimension liée au cerveau. A. S. Est-il possible de rajeunir son cerveau ? Dr Ph. T. L’un des enjeux majeurs de santé public pour les années qui viennent se porte sur les maladies neurodégénératives et en particulier Alzheimer. Le rajeunissement dans le cas de cette maladie consiste à contrer ses symptômes, et en premier lieu la perte des capacités cérébrales. Ces maladies sont très fréquentes. Après 85 ans, 22 % des personnes en sont atteintes. Vers 2050, on estime à deux millions le nombre de patients. J’ai abordé dans ce livre les stratégies qui permettent d’éviter que ces maladies n’apparaissent, de maintenir le plus longtemps possible les capacités cérébrales et lorsque les symptômes apparaissent, récupérer des capacités cérébrales perdues. Oui, il est possible de rajeunir son cerveau. A. S. Peut-on guérir de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives ? Dr Ph. T. Il n’y a pas de traitement curatif de cette maladie. Mais on s’aperçoit que lorsque l’on influence le mode vie, l’environnement de certains patients, lorsque l’on met en place des stimulations cognitives, on voit alors les patients récupérer des capacités qui semblaient perdues ou se mettre à utiliser des capacités cérébrales qui n’étaient pas encore exploitées. Ce qui montre que le cerveau a une grande plasticité et qu’il est capable de s’adapter à des situations telles que sa propre destruction. A. S. Vous avez des exemples ? Dr Ph. T. Les professionnels de santé qui s’occupent de ces patients le savent, lorsque l’on fait appel aux émotions, on arrive à faire resurgir des souvenirs qui semblaient perdus. Des chemins d’accès de la mémoire étaient bloqués, et il est possible d’aider le souvenir à revenir à la conscience par d’autres chemins. Tous les souvenirs ne sont pas perdus, ils sont juste enfouis. Les patients atteints sont capables d’ancrage dans le quotidien. À force de stimulation et d’accompagnement, on arrive à implanter de nouveaux souvenirs dans le cerveau de patients Alzheimer, comme les noms d’enfants ou de petits-enfants oubliés. Il n’y a pas deux patients identiques dans cette maladie. Certains sujets, en perdition et seuls, chez eux, regagneront des capacités perdues, reviendront littéralement à la vie lorsqu’ils seront placés en institution avec d’autres personnes, qui leur parlent tous les jours, avec lesquelles ils auront des activités et des échanges. D’autres patients renaîtront grâce à une prise en charge par la famille. Il faut regarder ce très beau film intitulé « Flore » où l’on voit une femme Alzheimer revenir à la vie en sortant d’une maison de retraite, dans laquelle l’accompagnement n’était pas adapté, grâce à la prise en charge par son fils, aimant et bienveillant, qui la ramène chez lui en Corse. Ce film est très juste et très touchant sur les possibilités de retour de capacités que l’on pensait définitivement perdues. Du point de vue cérébral, dans la maladie d’Alzheimer, on n’est pas dans un déclin lent, linéaire et inéluctable, comme on le présente trop souvent. A. S. Sans parler d’Alzheimer, quand doit-on s’inquiéter du vieillissement de son cerveau ? Dr Ph. T. Il y a une situation qui doit vous alerter, c’est lorsque tout votre entourage vient vous dire que vous oubliez trop de choses dans votre quotidien. En général, avant que les symptômes n’apparaissent vraiment, on ne se rend pas compte soi-même que l’on a des troubles de la mémoire. On banalise, on relativise, mais c’est déjà là. Il est raisonnable de s’inquiéter à tout âge si votre entourage vous signale des atteintes mnésiques. Les plaintes mnésiques sont souvent la marque d’un début de maladie d’Alzheimer, car on sait maintenant qu’il y a des atteintes cérébrales jusqu’à vingt ans avant l’apparition de symptômes lourds. Les oublis quotidiens ne sont donc pas à négliger. A. S. « La vieillesse, c’est dans la tête » dit-on. Y a-t-il vraiment des déterminants psychologiques ? Dr Ph. T. Il y a un sentiment fort qui nous anime dans notre vie. Le sentiment d’être jeune, de ne pas ressentir les atteintes de l’âge et d’avoir même le sentiment d’immortalité. Entre 40 et 60 ans, des rappels de notre âge et de notre mortalité commencent à se manifester. Au-delà, le vieillissement va s’installer plus ou moins lentement, à notre insu. Le début du vieillissement psychologique commence à se manifester par l’impression d’avoir des difficultés à se déplacer, d’être instable, ce qui va créer des replis, de l’enfermement et des cercles vicieux qui poussent à l’effondrement progressif. On va être amené par exemple à renoncer petit à petit à un certain nombre d’activités, de centres d’intérêt qui nous maintenaient en bonne santé, car notre corps et notre cerveau ont besoin d’être sollicités de façon régulière pour bien fonctionner. Le renoncement est une forme psychique du vieillissement. Il induit des décisions de changement de mode vie qui vont favoriser l’installation du vieillissement et va nous faire passer d’un vieillissement normal, banal, avec des sorties, des loisirs, des contacts, à un vieillissement plus difficile, qui va alors s’accompagner de handicaps. À partir de là, tout devient beaucoup plus compliqué. Vieillir psychologiquement est véritablement un facteur aggravant. Si l’on n’y prend pas garde, on finit par banaliser les refus de sollicitations, d’activité sociale, jusqu’à refuser de s’occuper de soi, de son hygiène ou de suivre son traitement médical. Mais rien n’est irrémédiable. Dans le cas du rajeunissement psychologique, il faut privilégier les activités, démarches et sollicitations qui apportent des émotions positives, de la joie, de l’échange, du plaisir, car alors, on va renouer avec le désir de vivre et restimuler ainsi nos fonctions en passe de s’éteindre, ou éteintes. Chez l’homme, on ne peut pas séparer le psychologique et le physiologique. Le docteur Philippe Taurand est médecin des hôpitaux, spécialisé en gériatrie. En 1990, il a créé l’une des premières unités de médecine gériatrique aiguë en France. Il dirige aujourd’hui le pôle de médecine de l’hôpital Simone Veil (Eaubonne, France) et coordonne différents groupes de réflexion éthique. Il est également coauteur avec notre collaborateur François Lehn de « Rajeunir », aux Éditions First, 230 p., 16,90 €, que nous chroniquerons dans notre prochain numéro. Attention : Les conseils prodigués dans cet article ne vous dispensent pas de consulter un médecin.