Alfred Binet et le laboratoire de Psychologie de la Sorbonne

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Alfred Binet et le laboratoire de Psychologie de la Sorbonne
L’Année psychologique
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Alfred Binet et le laboratoire de Psychologie de la
Sorbonne
Serge Nicolas, Doriane Gras et Juan Segui
L’Année psychologique / Volume 111 / Issue 02 / June 2011, pp 291 - 325
DOI: 10.4074/S000350331100203X, Published online: 22 July 2011
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Serge Nicolas, Doriane Gras et Juan Segui (2011). Alfred Binet et le laboratoire de
Psychologie de la Sorbonne. L’Année psychologique, 111, pp 291-325 doi:10.4074/
S000350331100203X
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Alfred Binet et le laboratoire de Psychologie de
la Sorbonne
Serge Nicolas* , Doriane Gras* et Juan Segui
Université Paris Descartes, Institut de psychologie, Laboratoire de Psychologie et
Neuropsychologie Cognitives FRE CNRS 3292
RÉSUMÉ
Cet article est destiné à présenter l’histoire du laboratoire de psychologie
de la Sorbonne fondé par le physiologiste Henry Beaunis (1830-1921) et
à évaluer l’apport d’Alfred Binet (1857-1911) au rayonnement de cette
structure de recherche. La reconstitution de cette histoire grâce à des
documents peu connus ou inédits nous a amenée à réfléchir sur l’héritage
laissé par Binet dont le laboratoire a été confié après sa mort à Henri Piéron
(1881-1964) puis à Paul Fraisse (1911-1996). L’article se termine en posant
la question de l’héritage du laboratoire de psychologie de la Sorbonne dirigé
par Binet.
Alfred Binet and the laboratory of psychology at the Sorbonne
ABSTRACT
This paper is intended to present the history of the laboratory of psychology at the
Sorbonne established by the physiologist Henry Beaunis (1830-1921) and to estimate the
contribution of Alfred Binet (1857-1911) at the brilliance of this structure of research. The
reconstruction of this history thanks to little known or unpublished documents brought
to us to think about the inheritance left by Binet whose laboratory was entrusted after his
death to Henri Piéron (1881-1964) then to Paul Fraisse (1911-1996). The article ends by
asking the question of the inheritance of the laboratory of psychology at the Sorbonne
directed by Binet.
*Correspondance : Université Paris Descartes, Institut de psychologie, Laboratoire de Psychologie et
Neuropsychologie Cognitives FRE CNRS 3292, 71 avenue Édouard Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt Cedex,
France. E-mail : [email protected]
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Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
Dans le numéro précédent de cette revue (cf. Nicolas & Ferrand, 2011),
nous avons montré l’étendue de l’œuvre de Binet en nous centrant sur
l’apport du psychologue français à la psychologie cognitive. Ce nouvel
article est destiné à présenter l’histoire du laboratoire de psychologie de
la Sorbonne fondé par le physiologiste Henry Beaunis (1830-1921) et
à évaluer l’apport d’Alfred Binet (1857-1911) au rayonnement de cette
structure de recherche en France et à travers le monde. Si nous possédons
quelques écrits concernant les circonstances de la création et l’histoire du
développement du laboratoire de Psychologie de la Sorbonne (cf. Carroy
& Schmidgen, 2006 ; Fraisse, 1989 ; de Montmollin, 1954 ; Oléron, 1966),
il s’avère que certaines des informations contenues dans ces articles sont
souvent très incomplètes voire erronées. Ce sont plus particulièrement,
d’une part, l’accès aux Mémoires1 de Henry Beaunis, d’autre part, la
consultation des archives du laboratoire de psychologie physiologique de
la Sorbonne déposées aux Archives Nationales, et enfin, la consultation
de certains écrits peu connus et de la correspondance d’Alfred Binet
à la Bibliothèque Nationale, qui permettent aujourd’hui d’apporter un
éclairage nouveau sur les conditions de la création et du développement
du laboratoire de psychologie de la Sorbonne. La reconstitution de cette
histoire nous amènera à réfléchir sur l’héritage laissé par Binet dont le
laboratoire a été confié après sa mort à Henri Piéron (1881-1964) puis
à Paul Fraisse (1911-1996), et plus spécifiquement à nous interroger sur
la structure de recherche en France qui pourrait se prévaloir aujourd’hui
d’être l’héritière du laboratoire de psychologie de la Sorbonne.
HENRY BEAUNIS : LE VÉRITABLE FONDATEUR
DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE
LA SORBONNE (1889)
La nomination officielle de Théodule Ribot (1839-1916) à la Chaire de
« Psychologie expérimentale et comparée » au Collège de France le 18
février 1888 a été le premier acte officiel dans la reconnaissance de la
nouvelle psychologie en France (Nicolas, 2005a ; Nicolas & Charvillat,
1 Le professeur Bernard Andrieu a retrouvé à la Bibliothèque Universitaire de Nancy l’ensemble des 6 volumes
(872 pages) constituant les Mémoires inédits de Beaunis. Il y a une quinzaine d’années, l’un de nous (S. N.) a eu
l’opportunité d’en consulter des extraits photocopiés mais n’avait pas cherché à les localiser, occupé par d’autres
travaux importants. Plus récemment, Marcel Turbiaux (2002) a publié in extenso la partie consultée. Bernard
Andrieu (2009) a récemment publié dans un ouvrage le sommaire et des extraits de ces mémoires qui ont porté
sur la période nancéenne 1872-1894. Nous formons le vœu que l’ensemble des Mémoires inédits de Beaunis soit
bientôt accessible à un large public.
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2001). Cependant aucun laboratoire n’avait été annexé à cette chaire et
Ribot était un théoricien de la psychologie et non pas un expérimentaliste
de formation. Si officiellement la France n’avait pas encore à l’époque
un laboratoire de psychologie, elle possédait cependant des hommes qui,
par leurs efforts, s’occupaient assidûment de psychologie expérimentale
et physiologique. La Société de Psychologie Physiologique, créée en 1885
sous les auspices de Jean-Martin Charcot (1825-1893), rassemblait déjà
de nombreux personnages intéressés par la reconnaissance institutionnelle
d’une nouvelle psychologie dégagée des questions métaphysiques. Parmi
eux, se trouvait le professeur de physiologie Henry Beaunis (1830-1921)
(Nicolas, 1995), membre fondateur du fameux groupe de l’ « École de
Nancy » (Nicolas, 2004), comme on l’appelait alors. Dès 1876, ce dernier
avait souligné dans un ouvrage sur la physiologie humaine (Beaunis, 1876),
et ce pour la première fois en France, l’importance de la psychologie
scientifique :
« L’auteur n’a pas cru non plus que la physiologie dût
laisser de côté, pour l’abandonner aux philosophes, la partie
psychologique de la physiologie cérébrale ; pour lui, en effet,
à l’exemple de l’école anglaise, la psychologie trouve dans la
physiologie sa base la plus sûre et la plus solide ; aussi n’a-t-il pas
craint de traiter, en s’appuyant sur les données physiologiques,
les questions des sensations, des idées, du langage, de la
conscience, de la volonté, etc., et si les limites de ce livre lui ont
interdit de s’étendre sur ces sujets, il espère en avoir assez dit
pour en préciser nettement les points essentiels. » (p. VII).
Ce médecin de formation (Nicolas & Ferrand, 2002) n’avait pas depuis cette
date abandonné l’idée de participer au développement de la psychologie
scientifique. Intéressé à cette époque par la question de l’hypnose et de la
suggestion, mais aussi brillant psycho-physiologiste, il avait aussi constaté,
comme il l’écrit dans ses Mémoires (Turbiaux, 2002), que la France était très
en retard dans le domaine de la psychologie physiologique en comparaison
de pays comme l’Allemagne ou les États-Unis. Il écrit ainsi :
« Si j’avais le malheur de parler à quelques-uns de mes
camarades d’un laboratoire de psychologie, je constatais chez un
certain nombre d’entre eux un véritable ahurissement comme si
deux mots, psychologie et laboratoire, hurlaient d’être accouplés.
J’étais honteux pour mon pays de le voir ainsi en retard sur les
autres ». (Beaunis, Mémoires, p. 487).
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Après avoir mûrement réfléchi à ce sujet, il se décida à en parler à Ribot
en lui demandant s’il croyait que Louis Liard (1846-1917), alors directeur
de l’Enseignement supérieur et défenseur avec l’administrateur du Collège
de France Ernest Renan (1823-1892) de la psychologie scientifique, serait
hostile à la création d’un laboratoire de psychologie physiologique, et s’il
voulait se charger de l’interroger sur ce point. Ribot adopta tout de suite
son idée et lui promit d’en parler à Liard dès qu’il en trouverait l’occasion.
La réponse de Ribot lui parvint le 21 juin 1888 avec une réponse
favorable de Liard. Voici en substance un extrait de la lettre de Ribot
adressée à Beaunis :
« Il a accueilli le projet de laboratoire de la manière la plus
favorable, et m’a déclaré “que cela lui allait beaucoup”. Il serait
certainement flatté que, lui, Directeur, le premier laboratoire de
psychologie a été fondé. Mais “il n’a pas le sou”. Il croit, comme
moi, qu’il faut le placer dans l’École des Hautes Études. . . Je
vous engage à aller le voir quand vous serez à Paris (tous les
jeudis de 2 heures à 4 heures). Il a besoin de causer avec
vous de beaucoup de détails que je n’ai pu qu’effleurer. Mon
impression finale, c’est que cela se fera, mais il faut un peu de
patience. . . P.-S. : J’oubliai de vous dire qu’il est très favorable,
non seulement au projet, mais à vous. » (Beaunis, Mémoires,
p. 488).
Dans la démarche de Beaunis auprès de Ribot il y avait non seulement un
intérêt scientifique et patriotique mais aussi une arrière-pensée personnelle
qu’il n’a pas cachée. En effet, il espérait bien un peu que, si le laboratoire
se fondait, il aurait quelque chance d’en être nommé directeur. À son
premier voyage à Paris, il alla trouver Liard, lui expliquant les raisons à
l’appui de cette création. Liard, favorable au projet mais ne s’engageant pas
formellement, lui demanda de lui apporter un mémoire succinct et un devis
approximatif qui fut rédigé en quelques jours. L’espoir vint quand Ribot lui
écrit ces quelques lignes le 8 juillet 1888 :
« Je suis très heureux d’apprendre que cette affaire marche sur
des roulettes. Je crois que le mieux est de commencer le plus
tôt possible et, puisque le laboratoire dépendra directement du
ministère, tout sera très simple. » (Beaunis, Mémoires, p. 489).
Cette création suscitait néanmoins des résistances, comme cela avait été le
cas avec la chaire de Ribot au Collège de France, et il fallut garder l’affaire
secrète le plus longtemps possible. Mais, malgré les précautions, la nouvelle
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se répandit. Il restait aussi la question épineuse du local ; le 6 août 1888,
Liard écrivait à Beaunis :
« Je ne sais pas encore où nous placerons le nouveau laboratoire.
Mais il n’y a aucun inconvénient à ce que vous réunissiez tous
les renseignements sur l’outillage. » (Beaunis, Mémoires, p. 489).
Muni de cette autorisation, il écrivit immédiatement à Wilhelm Wundt
(1832-1920) à Leipzig en lui demandant de le mettre en rapport avec ses
fournisseurs habituels pour les instruments (Nicolas, 2005b). La réponse
datée du 30 août lui donna très aimablement tous les renseignements
demandés. L’acte officiel annonçant la création effective du laboratoire
de Psychologie physiologique et qui nommait Henry Beaunis Directeur
fut signé le 29 janvier 1889 (cf. Turbiaux, 2002, p. 289). Cette direction
n’était pas usurpée dans la mesure où il était un digne représentant de la
psychologie physiologique française et le promoteur de l’idée de la création
d’un tel type de laboratoire qui fut rattaché à l’École Pratique des Hautes
Études (EPHE) dans la section des Sciences naturelles. Le nom même du
laboratoire de Beaunis (psychologie physiologique) n’était pas sans rappeler
le titre du fameux traité de Wundt (1874) traduit en français en 1886 (cf.
Carroy & Schmidgen, 2006). C’est seulement le 14 février 1889 qu’une lettre
de Liard lui dit de contacter Henri-Paul Nénot (1853-1934), l’architecte
de la Sorbonne, afin de s’entendre avec lui sur le choix de l’implantation
du laboratoire dans les locaux de la Nouvelle Sorbonne en construction.
Il y avait cependant une petite difficulté. Dans le plan des bâtiments de la
Nouvelle Sorbonne, il n’y avait rien de prévu pour un laboratoire. C’est
en visitant les locaux avec l’architecte adjoint que Beaunis choisit trois
salles placées au troisième étage à l’angle de la rue St.-Jacques et de la rue
des Écoles. Seulement ces trois salles étaient, sur le plan, destinées à un
bibliothécaire. Beaunis insista de son mieux pour les obtenir. L’architecte
consentit à en faire la proposition à Liard qui accepta sur le champ. Au
début le laboratoire fut installé provisoirement dans deux salles de la
nouvelle Sorbonne. Un an après (1890), il fut enfin transféré au troisième
étage du bâtiment (Oléron, 1966).
ALFRED BINET : DIRECTEUR ADJOINT DU
LABORATOIRE DE LA SORBONNE (1892-1894)
On sait peu de chose sur le laboratoire et son fonctionnement à ses débuts,
si ce n’est que Beaunis ne touche aucun traitement ou indemnité pour s’en
occuper. Par une lettre (cf. Turbiaux, 2002) adressée le 18 février 1889 au
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Doyen de l’université de Nancy, on apprend néanmoins par Beaunis que
le laboratoire de psychologie physiologique ne fonctionnait que pendant le
semestre d’hiver et était fermé pendant l’été. Comme Beaunis professait encore la physiologie à l’Université de Nancy (jusqu’en 1893), il eut au début
peu de loisirs pour s’en occuper. D’ailleurs les crédits de fonctionnement
alloués étaient très modestes : 500 francs durant les premières années,
mais augmentèrent sensiblement par la suite (800 F en 1893 ; 1 400 F en
1898) (Vaschide, 1898). Beaunis était seul au départ, sans même un aide de
laboratoire et c’était une des concierges de la Sorbonne qui, provisoirement,
y faisait le ménage. C’est pour pouvoir s’occuper pleinement de
l’installation du laboratoire et réfléchir à son développement que Beaunis
sollicita durant l’année universitaire 1891-1892 un congé (cf. Turbiaux,
2002, p. 290). Peu à peu tout s’organisa grâce à l’appui de nouveaux
collaborateurs qui vont développer des thèmes de recherches spécifiques.
Premières descriptions du laboratoire (1892)
Alfred Binet (1857-1911), (pour une biographie : Andrieu, 2010 ; Wolf,
1973) qui venait de quitter Charcot et la Salpêtrière, et Jean Philippe
(1862-1931), licencié ès lettres et professeur au Collège Arago, furent
les premiers à intégrer bénévolement le laboratoire en 1891 comme
préparateurs. C’est lors d’une rencontre fortuite avec Beaunis que Binet
demanda à venir travailler au laboratoire (cf. Nicolas, 1995) ; autorisation
que ce dernier lui accorda immédiatement, trop heureux de trouver un
collaborateur de cette valeur pour un laboratoire à ses débuts et dont la
création avait éveillé des défiances et des hostilités plus ou moins déclarées
qui n’étaient pas encore éteintes (Beaunis, Mémoires, p. 495). Bien qu’ils se
soient trouvés dans des camps opposés sur les questions d’hypnotisme et
de suggestion quelques années plus tôt, les deux hommes se respectaient
mutuellement. D’ailleurs Binet fut rapidement nommé (1892) Directeur
adjoint du laboratoire (sans traitement), à l’âge de 35 ans. La vie du
laboratoire, de même que le renom qu’il s’était si vite acquis à l’étranger, fut
rapidement liée à la présence de Binet. Dès son arrivée (1891), il s’applique
au développement de nouveaux thèmes de recherches et à la mise en place
de travaux pratiques pour montrer aux élèves le maniement des principaux
appareils, et pour leur donner quelques notions d’anatomie sur les centres
nerveux. C’est à cette époque qu’il recrute pour la recherche son premier
étudiant : Victor Henri (1872-1940). La même année (30 septembre 1892)
Charles Henry (1859-1926), nommé Maître de Conférences à l’École
Pratique des Hautes Études (EPHE) (avec un traitement de 1 500 francs),
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intègre le laboratoire au grand dam de Binet. C’est dans un article du
quotidien Le Temps daté du 26 octobre 1892 (p. 2) qu’on trouve la toute
première description du laboratoire de la Sorbonne :
« Le laboratoire de psychologie est installé tout en haut de
l’escalier qui part de la galerie des sciences dans la partie de
la Sorbonne située à l’angle de la rue des Écoles et de la rue
Saint-Jacques.
Les quatre pièces qui le composent sont chacune réservée à une
destination spéciale :
1◦ Une grande salle où se réunissent les élèves pour les
démonstrations et les expériences à faire en commun : une
grande table, au milieu de la pièce, supporte les instruments
destinés aux expériences en cours ; aux murs, un tableau noir
pour les démonstrations et des schémas de différents processus
cérébraux.
2◦ Le cabinet du directeur, où sont réunis, soigneusement
disposés derrière des vitrines, les appareils enregistreurs avec
leurs tambours : des pneumographes, des esthésiomètres,
un chronoscope de Hipp, l’appareil à phonation de l’abbé
Rousselot, l’appareil à chute de Cattell, des dynamographes, etc.,
etc., en un mot, une notable partie de l’appareil obligatoire d’un
laboratoire de psycho-physiologie. On voit autour de cette salle :
quelques tracés de travaux faits au laboratoire par les directeurs
et les élèves ; une série de courbes qui schématisent les degrés de
l’inconscience dans l’appréciation de l’intervalle qui sépare deux
actions très rapprochées ; des reproductions des mouvements de
manège obtenus sur des insectes par des altérations du système
nerveux ; enfin, une remarquable série de planches coloriées
par des sujets doués d’audition colorée, et sur lesquels une série
d’observations a été faite au laboratoire en juillet et en décembre
1891.
3◦ Une autre pièce est spécialement réservée aux études macroscopiques et microscopiques sur le système nerveux de l’homme
et des animaux ; cette pièce contient aussi une remarquable série
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de photographies de criminels offertes, l’une par le professeur
Lombroso, l’autre par le service anthropométrique de Paris.
4◦ La quatrième pièce est réservée au maître de conférences, qui
s’y livre à des recherches personnelles. (. . .) »
Pour Binet, les laboratoires sont utiles à la psychologie parce qu’ils
fournissent à cette science des moyens perfectionnés d’observation (Binet,
1893a). C’est dans un document peu connu (Binet, 1892a), daté du second
semestre de l’année 1892, que Binet présente l’utilité du laboratoire pour la
psychologie et la direction des recherches qui y sont entreprises.
« [368] Ce laboratoire, le seul qui existe en France, est destiné à servir
de centre de réunion, régulièrement organisé, pour toutes les recherches de
psychologie expérimentale ; il représente le côté pratique de la psychologie,
de même que l’enseignement de M. Ribot, au Collège de France en
représente le côté théorique ; il fournit aux travailleurs trois choses
principales : 1◦ à ceux qui ne savent pas, qui sont encore des elèves – et nous
sommes tous des élèves pour un grand nombre de faits, – il enseigne la
technique ; des conférences pratiques ont eu lieu l’année dernière (1891)
pour montrer aux élèves le maniement des principaux appareils, et pour
leur donner quelques notions d’anatomie sur les centres nerveux ; je
compte reprendre ces conférences et leur donner plus de développement
cette année ; 2◦ les personnes qui désirent faire des études originales
trouvent au laboratoire les instruments nécessaires qui, dans la mesure
de nos ressources, sont mis à leur disposition ; 3◦ enfin, par sa position
même, le laboratoire est particulièrement destiné à former des archives
où seront réunis les différents documents psychologiques fournis par la
méthode des questionnaires ou autrement. Il est à peine besoin d’ajouter
que ces ressources sont mises à la disposition de tous les travailleurs
sérieux. Notre laboratoire n’est inféodé à aucune école ; il est ouvert à
toutes les individualités, avec cette réserve toutefois que son titre et son
but excluent les spéculations de métaphysique ou de mathématiques, qui
ne sauraient être à leur place sur un terrain de l’expérience. Mais les
métaphysiciens eux-mêmes peuvent avoir quelque intérêt à fréquenter un
centre de travail où ils pourront se familiariser avec les appareils compliqués
de la psychologie physiologique, qu’il est toujours utile de connaître avant
de les juger.
Dans notre pensée, le laboratoire de psychologie de la Sorbonne est
d’abord destiné à permettre des études sur la sensation et sur le mouvement,
et sur les formes élémentaires de la vie psychique, qui nous semblent avoir
été jusqu’ici le but principal des recherches pour les laboratoires étrangers.
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Cette branche d’études n’a point été négligée jusqu’ici, et pour ne parler
que des travaux déjà publiés qui s’y rattachent, nous mentionnerons ceux
de M. Delabarre (1892) : (l’Influence de l’attention sur les mouvements
respiratoires) – de M. Jacques Passy (1892) : (la Perception des Odeurs,
contrôlés et confirmés dernièrement par M. Féré, le médecin bien connu de
Bicêtre) – de M. Binet (1892b) : (l’Appréciation de la durée dans les temps
de réaction, etc.).
Nous comptons en outre favoriser des études plus générales, portant sur
des fonctions psychologiques plus complexes ; dans cet ordre d’idées nous
signalerons des recherches déjà publiées sur l’audition colorée (Beaunis &
Binet, 1892 ; Binet et Philippe, 1892), et des observations et expériences
sur le calculateur Jacques Inaudi (Binet et Henneguy, 1892) et d’autres
calculateurs de profession ; également des recherches en voie d’exécution
sur la mémoire visuelle des peintres (Binet & Beaunis, 1892).
Nous espérons également consacrer cette année des études aux [369]
procédés mentaux des joueurs d’échecs, qui opèrent les yeux fermés, et un
de nos élèves [Victor Henri] a entrepris des études sur la psychologie de
la peau chez les aveugles – tout cet ensemble formera une contribution
instructive à la question de la psychologie professionnelle ; – nous
ne négligerons pas non plus de favoriser les recherches de psychologie
pathologique, bien qu’elles ne puissent être faites au laboratoire même ;
mais le laboratoire peut fournir aux élèves les instruments de précision
et des indications pour les recherches ; c’est ainsi que trois élèves du
laboratoire peuvent en ce moment, grâce à la bienveillance de M. Charcot,
prendre à la Salpêtrière des temps de réaction sur les hystériques (Philippe &
Henri, 1893), et nous prévoyons que ces études, que nous avons indiquées,
éclaireront quelques points encore obscurs de la théorie de la double
conscience. Nous comptons également diriger quelques élèves vers les
cliniques mentales et même les cliniques internes de nos hôpitaux, où nous
espérons que les médecins et chefs de service leur feront un bon accueil.
Il serait trop long de parcourir ici, même rapidement, le domaine
que nous avons l’intention d’explorer. Disons seulement que nous ne
négligerons point la psychologie criminelle, très vague encore et très mal
définie, mais relativement à laquelle nous pensons pouvoir examiner deux
ou trois questions précises. La psychologie comparée, entendue non comme
un recueil d’anecdotes, mais sous la forme d’expériences régulières, a
déjà fait l’objet de quelques-unes de nos publications (Binet, 1892c :
Mouvements de manège chez les insectes. Le centre nerveux du vol chez
les coléoptères, etc.).
La question la plus importante pour nous est celle de la psychologie des
enfants, dans ses rapports avec la pédagogie. C’est là, à notre avis la question
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d’avenir pour la psychologie. M. Philippe, le préparateur du laboratoire,
amasse en ce moment les matériaux d’une étude sur la psychologie de
l’enfant à l’école ; et nous ayons commencé, d’autre part, des expériences
sur la mémoire, qui ont principalement une portée pédagogique.
Comme on peut en juger par ce rapide aperçu, le laboratoire ne se
renferme pas dans un étroit local, il tend à se répandre au dehors, à
rayonner, en allant chercher partout où ils se trouvent, les sujets d’étude
intéressants, et aucun d’entre nous ne se laisse arrêter par les difficultés
de toutes sortes que suscite toute recherche nouvelle, soutenus que nous
sommes par la conviction que nous travaillons à une œuvre utile. »
Les principaux thèmes de recherche du laboratoire
(1892) et création du Bulletin des Travaux du
laboratoire de psychologie physiologique des Hautes
Études
À cette époque, l’activité du laboratoire était déjà importante comme en
témoigne la lecture du recueil des Travaux du laboratoire de psychologie
physiologique des Hautes Études (À la Sorbonne) pour l’année 1892. Ce
recueil, publié au début de l’année 1893 (Beaunis & Binet, 1893) est un
résumé des recherches effectuées au sein du laboratoire de la Sorbonne pour
l’année 1892. Beaunis (1893) nous fournit aussi dès les premières pages de
cette publication une description du laboratoire à cette époque en termes
de personnels, de locaux, d’outillages, de bibliothèque et de collections.
Plusieurs thèmes de recherches dominent : L’audition colorée (Beaunis,
Binet & Philippe), la psychologie des calculateurs mentaux (Binet,
Henneguy & Philippe), la psychologie des joueurs d’échecs (Binet), les
questionnaires (Beaunis), la psychologie comparée (Binet), la psychologie
musicale (Courtier) et la mesure des temps de réaction (Philippe & Henri).
Ribot lui-même participa à faire la publicité des recherches du laboratoire
en faisant éditer périodiquement durant l’année 1892 les comptes rendus
des travaux du laboratoire dans la Revue Philosophique de la France et de
l’Étranger, quelques mois avant que ceux-ci ne soient réunis dans le recueil
de Beaunis et Binet (1893).
Le laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne était, en
accord avec ce qui se faisait à l’étranger à la même époque, tout d’abord
destiné à permettre des études expérimentales sur la sensation et sur le
mouvement, ainsi que sur les formes élémentaires de la vie psychique (cf.
Binet, 1892a). Pour Binet (1893), on peut sans doute faire de la bonne
psychologie sans laboratoire, et avec le seul secours d’une main, de papier
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
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et d’un crayon ; pour observer, on se sert simplement de ses yeux et de
ses oreilles ; on constate des différences de qualité, on ne peut guère, dans
la plupart des cas prendre des mesures. C’est là l’utilité des laboratoires ;
ils sont munis d’un ensemble d’appareils de précision, chronomètres,
appareils enregistreurs, chambres noires, etc., qui permettent de mesurer
les phénomènes psychologiques élémentaires. Si cette branche d’études n’a
pas été négligée par Binet et ses élèves (Binet, 1892a ; Delabarre, 1892 ;
Passy, 1892), son objectif était de favoriser des études portant sur des
fonctions psychologiques plus complexes. C’est dans cet ordre d’idées que
seront réalisées en 1892 des recherches sur l’audition colorée (Beaunis &
Binet, 1992 ; Binet & Philippe, 1892), et des observations et expériences
sur le calculateur Jacques Inaudi (Binet et Henneguy, 1892) et d’autres
calculateurs de profession. L’importance de ces deux orientations d’étude
est attestée par la publication en 1892 dans la Revue des Deux Mondes
d’articles de synthèse sur ces sujets (Binet, 1892d, 1892e). Mais au-delà
de l’étude de ces fonctions complexes (imagination, calcul, etc.) de l’esprit,
Binet est aussi intéressé plus spécifiquement par la question de la mémoire.
Comme ses maîtres Ribot et Charcot, et contrairement aux métaphysiciens
de son temps, il pense que la mémoire n’est pas une faculté une et
indivisible, un mode d’activité simple de l’esprit ; c’est en fait quelque
chose de complexe et de multiple : elle se compose d’un certain nombre de
mémoires partielles (visuelle, auditivo-verbale, motrice) qui peuvent être
excitées ou abolies isolément. D’ailleurs en octobre 1892, Binet explique
parfaitement le lien qui rattache les unes aux autres les études successives
qu’il mène à l’époque et qui leur donne leur unité. « Nous cherchons, à
propos des problèmes les plus divers, à exposer et à faire bien comprendre
la théorie moderne des images mentales et des types de mémoire » (Binet,
1892e, p. 601).
Les nouveaux thèmes de recherche du laboratoire
(1893) : la psychologie descriptive et le développement
des enquêtes
Lorsque dans le numéro de janvier 1894, Binet (1894a) résume pour la
Revue Philosophique de la France et de l’Étranger les dernières recherches
effectuées au sein du laboratoire pendant l’année 1893, il souligne que
quelques-uns de ces travaux viennent de paraître dans le second volume des
bulletins ou recueil des Travaux du laboratoire de psychologie physiologique
de la Sorbonne (pour les travaux réalisés en 1893) (Beaunis & Binet, 1894) ;
d’autres, en plus grand nombre, n’y sont pas insérés, faute de place, et ont
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Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
paru ailleurs (Revue des Deux Mondes, Revue Philosophique de la France et
de l’Étranger, Revue Scientifique, Archives de Physiologie, Revue Générale des
Sciences, Le Temps, etc.), d’autres enfin restent inédits, ou ne sont pas encore
achevés. L’activité au sein du laboratoire durant cette année 1893 continue
à être très importante ; ceci est d’autant plus étonnant que Binet est en train
de préparer une thèse de doctorat en sciences naturelles dans le laboratoire
de son beau-père Edouard-Gérard Balbiani (1823-1899) au Collège de
France. Mais il est important de noter que le personnel du laboratoire est
en augmentation. Alors que Jean Philippe, jusqu’alors préparateur, devient
chef de travaux (traitement de 500 francs, arrêté du 4 août 1893 avec effet au
1er novembre suivant), Jules Courtier, qui était en congé régulier et illimité
par arrêté du 12 août 1892, est officiellement recruté en tant que chef de
travaux adjoint (traitement de 400 francs, arrêté du 4 août 1893 avec effet
au 1er novembre suivant).
Cette année-là, Binet et ses collaborateurs terminent leurs études
entreprises l’année précédente sur la question de l’audition colorée ainsi
que leurs travaux sur les calculateurs prodiges (Charcot & Binet, 1893 ;
Binet & Henri, 1893 ; Binet, 1894bc) et s’engagent dans des recherches sur
le mouvement chez les sujets normaux et pathologiques (Binet & Courtier,
1893) ainsi que sur la psychologie des auteurs dramatiques (Binet & Passy,
1894). Binet s’est lui plus spécifiquement intéressé à l’étude du caractère des
enfants, à la mémoire chez les joueurs d’échecs et à l’imagination créatrice
chez les auteurs dramatiques. Il s’agit là essentiellement de psychologie
descriptive utilisant la méthode des questionnaires. Pour Binet (1893a), les
recherches de psychologie purement descriptive se passent à peu près de
tout appareil. Comme le mot l’indique, on appelle psychologie descriptive
toute étude de psychologie qui se contente de noter les phénomènes,
sans chercher à les soumettre à la mesure et au nombre. Malgré les
apparences, la psychologie descriptive n’est pas une psychologie de l’à
peu près ; le caractère simple et même, si l’on veut, un peu rudimentaire
de sa méthode ne lui enlève pas tout intérêt. Chaque méthode doit être
appropriée à l’objet qu’on cherche à étudier, et il peut être regrettable, dans
telle condition, de ne pas employer une méthode perfectionnée, comme il
peut être absolument ridicule de l’employer dans d’autres circonstances.
Pour Binet, la légitimité de la psychologie descriptive tient à ce qu’elle
porte sur des phénomènes spontanés, qu’il faut recueillir dans la forme
naturelle où ils se présentent, et qui périraient s’ils étaient soumis aux
violences de l’expérimentation. « Qu’on étudie, par exemple, les méthodes
de travail des auteurs dramatiques et des compositeurs de musique, ou
la mémoire des joueurs d’échecs qui jouent sans voir, il est clair que ces
études ne peuvent se faire que par l’observation. La psychologie descriptive
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
303
est donc, avant tout, la psychologie des interrogations, des questionnaires
et des enquêtes. » (Binet, 1893a, p. 441). La psychologie descriptive n’a
pour méthode que l’interrogation, la causerie, ou la question écrite. « Le
critérium de la vérité pour la psychologie descriptive, – nous l’avons
dit et nous le répétons, – c’est la concordance des observations ; en
dehors de cette règle, il n’y a qu’illusion et chimère. » (Binet, 1893a,
p. 445). Ainsi, pour Binet le laboratoire n’est pas seulement un atelier
où l’on expérimente, au moyen d’outils perfectionnés, sur les états de
conscience. « Un laboratoire est aussi – ou plutôt devrait être aussi – un
centre de travail régulièrement organisé, où se trouveraient classés tous les
documents psychologiques, quelle qu’en fût la provenance. » (Binet, 1894e,
pp. 133-134). La méthode des enquêtes par questionnaire, inaugurée
par Francis Galton (1822-1911) sur les images mentales (Galton, 1880)
puis utilisée par les grands psychologues de l’époque comme l’Américain
William James (1842-1910) sur les hallucinations (James, 1889, 1890), les
Suisses Théodore Flournoy (1854-1920) et Édouard Claparède (1873-1940)
sur l’audition colorée (Flournoy, 1893 ; Flournoy & Claparède, 1892),
le Français Théodule Ribot (1839-1916) sur les idées générales (Ribot,
1891) et les variétés de concepts (Ribot, 1892), a été appliquée de manière
systématique par Binet au cours de l’année universitaire 1892-1893 (ex.
Binet, 1893b, 1894d).
Le laboratoire en 1894 : l’étude de la mémoire chez les
enfants et la création de l’Année Psychologique
Dans le premier chapitre de son ouvrage d’introduction à la psychologie
expérimentale, Binet (1894e) présente le laboratoire au début de l’année
1894 en s’appuyant strictement sur la description donnée l’année précédente par Beaunis (1893) et en ajoutant certains compléments que nous
indiquerons plus loin. Le personnel du laboratoire comprend officiellement
H. Beaunis (Directeur), A. Binet (Directeur adjoint), J. Philippe (Chef des
travaux), J. Courtier (Chef-adjoint des travaux) et C. Henry (Maître de
conférences). Le laboratoire comprend quatre pièces dont chacune a sa
destination spéciale :
1◦ Une grande salle pour les démonstrations à faire en commun ;
2◦ Le cabinet des directeurs, où sont renfermés, dans des vitrines, les
appareils et les instruments les plus délicats ; cette salle sert aussi de salle
d’expérience pour des recherches spéciales ;
3◦ Une pièce qui contient la bibliothèque et une armoire vitrée pour
la verrerie et les réactifs. Cette salle est utilisée pour les recherches
macroscopiques et microscopiques sur le système nerveux ;
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
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Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
4◦ Une quatrième pièce est réservée exclusivement au maître de
conférences. Un petit cabinet annexe peut être transformé en cabinet noir
pour des expériences sur les sensations visuelles.
Un cabinet semblable donne sur le corridor qui commande toutes les
pièces du laboratoire. Enfin une dernière pièce, pourvue d’un fourneau,
d’une hotte, etc., sert à la fois de débarras, de réserve pour le combustible
et peut être utilisée pour des expériences de chimie.
L’outillage instrumental comprend :
1◦ Les principaux appareils enregistreurs usités en physiologie, cylindre
enregistreur avec chariot auto-moteur, tambours à levier, myographe,
cardiographe, sphygmographe, pneumographe, dynamographe, etc., et
quelques appareils nouveaux, tels que l’appareil pour l’inscription des
mouvements de la parole de l’abbé Rousselot, la planchette pour l’étude
des mouvements inconscients, etc.
2◦ Les appareils d’électricité, diverses espèces de piles, appareil à chariot
de Dubois Reymond, excitateurs, commutateurs, interrupteurs, signal de
Deprez, chronographe de Marey, diapason de 100 vibrations, lampe à
incandescence, téléphone, contacts électromagnétiques, etc.
3◦ Les appareils de psychométrie, chronoscope de Hipp, chronomètre de
d’Arsonval, chronoscope d’Ewald, appareil à pendule de Wundt, appareil
à chute de Cattell, appareil rotatif de Wundt pour la mesure des durées,
appareil de Wundt pour les recherches complexes, etc.
4◦ Les appareils pour l’étude des sensations, esthésiomètres simple et
double, explorateur de Rinne pour la température, boîte de poids pour
l’exploration de la sensibilité à la pression, etc. enfin les divers appareils
pour l’étude des sensations visuelles, périmètre de Badal, optomètre du
même auteur, boîte de verres pour l’exploration de la vision, appareil rotatif
pour les couleurs et le contraste, un audiomètre, etc.
5◦ Un certain nombre d’appareils spéciaux ne rentrant dans aucune
des catégories précédentes, instruments d’anthropométrie, dynamomètres,
rapporteur pour la mesure et la mémoire des angles, thermomètres, gong
chinois, boussole, etc.
6◦ Une balance de précision et un grand nombre d’instruments et
d’ustensiles de chimie, boîte à réactifs, étuve, alcoomètre, densimètre,
verrerie, etc.
7◦ Pendant l’année 1894, le laboratoire s’est surtout enrichi d’appareils
pour l’étude de la mémoire, collections de bobines de laine des Gobelins,
tableaux de laines, tableaux de couleurs peints à l’huile, répertoire
chromatique de Lacouture, séries de lignes pour la mémoire des longueurs,
figures servant à l’étude des illusions visuelles, etc.
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
305
La bibliothèque contient les collections des Philosophische Studien de
Wundt, de l’American Journal of Psychology, du Zeitschrift für Psychologie des
Sinnesorgane, des Beitr`àge fur Experimentellen Psychologie de Münsterberg,
les principaux ouvrages de Th. Fechner, Wundt, Buccola, Galton, Sergi,
Duchenne, Delbœuf, etc., et un certain nombre de brochures et de thèses
de psychologie physiologique.
Les collections du laboratoire comprennent des séries de tracés de
phénomènes physio-psychologiques étudiés au laboratoire, des graphiques
de temps de réaction, des planches coloriées provenant de sujets doués
d’audition colorée, des photographies de criminels offertes par le professeur
Lombroso et par le service anthropométrique de Paris, des figures
schématiques des processus cérébraux, des coupes histologiques des centres
nerveux des invertébrés. Durant l’année 1894, le laboratoire s’est enrichi de
collections d’autographes, de travaux exécutés par des aveugles, de tableaux
représentant des spécimens d’écriture tracés avec la plume électrique,
de photographies en série prises par Georges Demeny (1850-1917) et
décomposant les mouvements de la prestidigitation, d’une collection de
photographies de psychologues français et étrangers, de tracés représentant
le mouvement de manège chez les insectes, etc.
En 1894, le laboratoire est en plein essor et Binet fait même construire de
nouveaux instruments pour réaliser des expériences. Comme Beaunis le dit
dans ses Mémoires, Binet prenait maintenant dans le laboratoire une place
importante (Andrieu, 2009). Ayant constaté que le recueil des Travaux du
Laboratoire de Psychologie Physiologique coûtait cher et ne se vendait guère,
Binet résolut de demander le 19 février 1894 à Beaunis de mettre en œuvre
une publication nouvelle : L’Année Psychologique (Fraisse & Segui, 1994 ;
Nicolas, Segui & Ferrand, 2000a, 2000b) dont le premier volume vit le jour
en 1895 (pour les travaux réalisés en 1894). Il soulignera d’ailleurs que
« pendant l’année 1894-1895, le principal événement de notre laboratoire a
été la publication du premier volume de notre Année psychologique » (Binet,
1895b). Cette nouvelle revue avait pour but de présenter un tableau fidèle
du mouvement psychologique contemporain dans tous les pays et une série
de mémoires originaux sortant du laboratoire. Parmi ceux-ci, les premiers
articles de Binet publiés dans le premier volume de L’Année Psychologique
(Travaux pour l’année 1894) portent sur la mémoire verbale ; ils sont le
produit d’une collaboration étroite avec son élève Victor Henri (1872-1940)
et sont en continuité avec les recherches précédentes des mêmes auteurs
sur ce thème (voir Nicolas & Ferrand, 2011 pour une présentation). L’autre
grand thème de recherche de Binet à cette époque a porté sur la question des
illusions visuelles (Binet, 1894f) avec notamment les recherches réalisées sur
l’illusion de Müller-Lyer chez les enfants (Binet, 1895a).
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
306
Serge Nicolas
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ALFRED BINET : DIRECTEUR DU LABORATOIRE DE
LA SORBONNE (1895-1911)
Admis à la retraite en 1893, Henry Beaunis quitte définitivement Nancy
et s’installe à Paris. Il peut enfin se consacrer pleinement aux recherches
du laboratoire sans se préoccuper des cours et des examens auxquels il ne
pouvait échapper les années précédentes. Mais son activité de recherche
ne devait pas durer car en 1894 il fut atteint d’une grippe infectieuse très
grave qui l’obligea à quitter Paris et à venir s’installer dans le Midi de
la France (Nicolas, 1995 ; Turbiaux, 2002). Le 8 novembre 1894 Henry
Beaunis écrit au directeur de l’enseignement supérieur Louis Liard pour
lui demander d’être relevé de ses fonctions de directeur du laboratoire de
psychologie physiologique. Voici la lettre en question (cf. Turbiaux, 2002,
p. 295) :
Monsieur le directeur,
Lorsque j’ai été vous voir à mon passage à Paris, je vous ai
entretenu de mes intentions au sujet du laboratoire. Je viens
aujourd’hui vous prier de me relever de mes fonctions de
directeur du laboratoire à partir du 1er janvier 1895.
Ma santé, quoique sensiblement améliorée, me force à passer
la plus grande partie de l’année dans le Midi, et, en réalité,
depuis longtemps déjà, je ne suis que nominalement Directeur
du laboratoire. Il y a là une situation qui ne peut évidemment
se prolonger. Grâce à l’activité et au zèle de mon Directeur
adjoint, Monsieur Binet et de ses collaborateurs, MM. Philippe
et Courtier, le laboratoire n’a en rien souffert de mon absence et
il a prouvé sa vitalité par des travaux de valeur.
J’ai la conviction que mon départ ne le fera péricliter en rien
et qu’il restera en bonnes mains. Je vous demanderai seulement
de rester attaché à titre honoraire au Laboratoire de façon à y
conserver le droit d’y travailler à mes passages à Paris.
En terminant, me sera-t-il permis de vous proposer, si la chose
est possible, pour les palmes d’officier d’Académie, Messieurs
Binet et Philippe. Ils toucheraient dans cette situation une petite
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
307
récompense de leur travail et d’un dévouement qui ne s’est
jamais démenti depuis qu’ils appartiennent au laboratoire.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’assurance de mes
sentiments dévoués.
Dr Beaunis
Directeur du laboratoire de psychologie physiologique
Villa Joséphine, Route d’Antibes, Cannes
L’arrêté officiel entérinant la demande de Beaunis fut promulgué par le
ministre de l’Instruction publique le 17 novembre 1894 (cf. Turbiaux, 2002,
p. 290). Alfred Binet devenait ainsi officiellement le nouveau directeur du
laboratoire en 1895.
Le laboratoire en 1895-1896 : le programme de
psychologie individuelle
Le jeune Victor Henri avait été un proche collaborateur de Binet depuis
1892. Mais comme l’Université de la Sorbonne ne donnait pas de diplôme
de doctorat en psychologie, il dut s’expatrier en Allemagne pour obtenir
une reconnaissance officielle tout en continuant à travailler avec Binet.
Spécialiste de l’étude de la mémoire (Binet & Henri, 1894a, 1894b, 1895a,
1895b ; Henri, 1901 ; Henri & Henri, 1897) et de la localisation des
sensations tactiles, c’est sur ce dernier thème qu’il va poursuivre des travaux
expérimentaux dans les laboratoires allemands. D’octobre 1894 à mars
1896, Victor Henri est accueilli au laboratoire de psychologie à Leipzig et fut
un des seuls français à aller se former sous la direction de Wilhelm Wundt
(Nicolas, 1994). C’est dans ce cadre prestigieux qu’il poursuit ses travaux et
qu’il rédige en décembre 1895 (Henri, 1896b) pour L’Année psychologique
une revue générale sur la localisation des sensations tactiles. Le séjour
de Victor Henri chez Wundt se justifiait dans la mesure où l’éminent
psychologue allemand dirigeait à l’époque des recherches sur ce thème
par l’entremise de son élève américain Guy Allen Tawney (1870-1947). Les
résultats obtenus par Henri seront publiés dans le second tome de L’Année
Psychologique (Henri, 1896a) et dans le onzième tome des Philosophische
Studien (Henri et Tawney, 1895). En avril 1896, Victor Henri décide de
rejoindre à l’université de Göttingen Georg Elias Müller (1850-1934). Le
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
308
Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
départ de Leipzig se justifiait de la part de Victor Henri par le sentiment
que le laboratoire de Wundt était déjà une institution en perte de vitesse (cf.
Henri, 1895). C’est dans ce cadre que Victor Henri entreprit de nouvelles
recherches sur la localisation des sensations tactiles (Henri, 1897a, 1897b)
et présenta sa thèse en psychologie expérimentale (5 juin 1897) (Henri,
1897c). L’ensemble de ses travaux sur la localisation des sensations tactiles
paraîtra un an plus tard dans un ouvrage (Henri, 1898) dédicacé à Binet et
intitulé Ueber die Raumwahrnehmungen des Tastsinnes (Sur la perception de
l’espace par le toucher). Après son séjour à Göttingen, Victor Henri revient
à Paris où il est nommé secrétaire de rédaction de L’Année Psychologique
(1897-1901) et où il effectue de nouvelles expériences en collaboration
avec Alfred Binet pour la réalisation de son programme de psychologie
individuelle.
En 1895-1896, Binet va en effet fonder officiellement une psychologie
expérimentale des fonctions supérieures de l’esprit, en vue d’une différenciation des individus. C’est l’étude des différences entre les individus qui
a conduit Binet à développer avec son élève Victor Henri la psychologie
individuelle (Binet & Henri, 1896), première étape vers l’élaboration des
tests d’intelligence. Binet avait voulu s’élever au-dessus de la psychologie
traditionnelle de son époque en promouvant les travaux sur l’intelligence
et le caractère. Il s’agissait pour lui d’une des plus importantes applications
de la science nouvelle, un des moyens de la propager, de la développer
et de lui apporter de nombreux adeptes. C’était dans l’idée de Binet le
seul moyen de créer la science de l’homme, intellectuel et moral, qui
devait être le fondement de toutes les sciences naturelles. Il pensait que
les tests mentaux inventés à l’époque ne devaient pas consister dans des
expériences sur les éléments simples de l’esprit, mais dans des expériences
sur les éléments complexes. C’est en effet par les processus supérieurs, par
la manière de se souvenir, d’imaginer, de juger, de raisonner, bien plutôt
que par les sensations que les individus normaux diffèrent entre eux et se
caractérisent. Dans leur article fondateur de 1896, Binet et Henri proposent
un programme d’expériences conforme aux idées ainsi évoquées ; on ne
trouve dans ce programme aucun test sur les sensations perceptives, mais en
revanche on y trouve des tests sur la mémoire, l’attention, l’imagination, la
finesse d’esprit, les sentiments, la suggestibilité, etc. Comme les différences
individuelles sont plus fortes pour les processus supérieurs que pour les
processus élémentaires, il faut surtout porter son attention sur les processus
supérieurs (si on veut étudier les différences psychologiques entre deux
individus) et ne considérer qu’en seconde ligne les processus élémentaires.
Le développement de ce programme nécessitait la présence à ses côtés de
collaborateurs de premier ordre.
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
309
Si Binet avait dès son arrivée au laboratoire recruté des élèves, dont
Victor Henri, il avait bien conscience des insuffisances de l’enseignement
supérieur français à l’époque. Le laboratoire était intégré à l’EPHE
(École Pratique des Hautes Études), une structure créée en 1868 par
Victor Duruy (1811-1894) pour pallier aux insuffisances du système
universitaire. L’EPHE dépendait directement du ministère de l’Instruction
publique et était considérée comme une véritable structure de recherche
explicitement mise en place pour élever l’enseignement supérieur français
au niveau de celui de l’Allemagne. Cependant, L’EPHE ne délivrait pas
de diplômes, mais de simples certificats. C’est la raison pour laquelle
le nombre des élèves y fut toujours très restreint. Comme Vaschide
(1898, pp. 255-256) l’a souligné, « les examens et l’intérêt d’un titre
sont malheureusement liés au développement de toute institution, car
ceux qui aiment la science pour elle-même sont rares, et même ceux-là
ont besoin d’un témoignage officiel de leurs capacités scientifiques ».
Voici la lettre écrite à ce sujet par Alfred Binet à Gaston Paris
(1839-1903), président de la quatrième section de l’EPHE, le 3 octobre
1895 (Bibliothèque Nationale, département des manuscrits, NAF 24432,
fol. 125-129).
Monsieur le Professeur,
Je me permets de vous écrire pour attirer votre attention sur une
question qui, je sais, vous paraît importante, celle de certificats
ou diplômes pouvant être accordés par l’École des Hautes
Études. Je reçois souvent à mon laboratoire des étrangers,
notamment des Américains, qui ont fait de la psychologie
dans leur pays et viennent chercher en Europe un complément
d’instruction. Vous savez, sans doute, qu’en ce moment, en
Amérique, le nombre de laboratoires de psychologie augmente
rapidement et dépasse 30. Les étudiants américains ne sont
cependant pas satisfaits des diplômes accordés là-bas, et ils
viennent demander aux laboratoires de la vieille Europe un
titre qui a toujours plus de prestige que les leurs. Longtemps
ils se sont dirigés vers l’Allemagne, particulièrement vers le
laboratoire de Wundt, à Leipzig, et s’ils s’arrêtent à Paris, ça
a été tout simplement pour visiter l’opéra et les Musées. Mais
depuis un an ou deux, nous recevons quelques-uns d’entre eux
à notre laboratoire des Hautes Études, ils désirent travailler
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
310
Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
chez nous. Jusqu’ici j’ai dû les éclairer sur l’état des choses
actuel, leur avouer que notre École ne confère aucun titre, aucun
diplôme ; aussi, en hommes pratiques, se sont-ils retirés au bout
de peu de temps, et ils sont allés grossir le nombre des élèves de
laboratoires allemands.
J’ai toujours pensé que nous étions coupables de ne pas
lutter contre un état de choses qui assure une prépondérance
écrasante aux idées allemandes, en psychologie. C’est pour cette
raison que je fais appel à votre concours pour défendre les
intérêts de la science française.
Permettez-moi de terminer ma lettre par le souvenir personnel
d’un service que vous avez bien voulu me rendre il y a
une vingtaine d’années, en me recommandant, par la prière
de Madame Lubanska, à M. Léopold Delisle, pour que je
fusse admis à travailler dans la Salle des Imprimés. Votre
recommandation m’a été singulièrement utile ; car ce sont
mes travaux à la Bibliothèque Nationale qui ont décidé ma
vocation.
Veuillez agréer, Monsieur le professeur, l’hommage de ma haute
considération.
Alfred Binet
Directeur du Laboratoire de psychologie des Hautes-Études.
À cette époque le laboratoire était toujours ouvert d’octobre à juillet
et attirait quelques élèves dont le nombre diminuait au fil des années.
En dehors des élèves français plus ou moins réguliers parmi lesquels
se trouvaient des étudiants en lettres, en médecine et en droit comme
Marcel Sembat (1862-1922), il y avait aussi, comme l’indique le registre
des inscriptions de l’EPHE, des savants et étudiants étrangers tels Edmund
B. Delabarre (1863-1945) et Raymond Weeks (1863-1954). Alors que
la plupart sont venus seulement pour se rendre compte de la manière
dont on travaillait ou des méthodes employées à Paris quelques-uns
sont restés plus longtemps, tel est le cas d’un étudiant roumain du
nom de Nicolae (Nicolas) Vaschide qui deviendra le second collaborateur
de Binet.
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
311
Le laboratoire en 1896-1897 : donner une base
physiologique à la psychologie individuelle
L’enseignement de la psychologie expérimentale de laboratoire était donc
en France dans un état assez lamentable. Binet ne pouvait d’ailleurs
participer à la formation des étudiants que par des exercices pratiques
au sein de son laboratoire car aucun cours obligatoire ni examen n’était
proposé par les universités françaises. Paradoxalement, c’est de l’étranger
que lui est venue une proposition d’intervention dans le cadre universitaire.
En effet, Binet fut invité en 1895 par un ancien camarade de lycée, alors
ministre roumain de l’enseignement public, Take Ionescu (1858-1922),
à donner une série de conférences en psychologie expérimentale (avril juin) à l’Université de Bucarest (cf. Bejat, Alexandru & Anatol, 1966). C’est
dans le cadre de ses cours qu’il attira un jeune étudiant roumain à son
laboratoire, Nicolae Vaschide (1874-1907), qui vint étudier à Paris dès
octobre 1895 (cf. Huteau, 2008) après avoir visité plusieurs universités dont
celle de Leipzig où professait Wundt.
À cette époque (1895-1896), Binet, qui venait de soutenir une thèse en
sciences naturelles (24 décembre 1894), commençait à s’intéresser de près
aux concomitants physiologiques de l’activité mentale. Il s’était engagé avec
son chef de travaux adjoint, Jules Courtier, ancien professeur de rhétorique
et de philosophie au collège d’Epernay, dans tout une série d’études sur
les effets physiologiques du travail intellectuel (pour un résumé de ces
travaux : Binet & Henri, 1898) et sur l’influence de la vie émotionnelle
sur le cœur, la respiration et la circulation (Binet & Courtier, 1897). Le
mérite de toutes ces recherches réalisées au sein du laboratoire sur des
sujets volontaires ne consiste pas à avoir montré que la fatigue est d’autant
plus forte que le travail est plus intense et plus prolongé, ce qui est une
évidence, mais à avoir indiqué des méthodes pratiques qui révèlent cette
fatigue, alors même qu’elle n’est pas consciemment perçue. Il faut non
seulement connaître tous les signes physiques et mentaux de la fatigue
intellectuelle, il faut aussi savoir à quel moment chacun d’eux se manifeste
et quelle est sa valeur (cf. Binet & Henri, 1898). Après avoir été formé à
la recherche au cours de l’année 1896, Vaschide collabora avec Binet pour
développer son programme : donner une base physiologique et anatomique
à la psychologie individuelle (cf. Binet & Vaschide, 1898a). En continuité
des recherches précédentes, l’étudiant roumain va d’abord travailler
sur l’influence de divers facteurs (travail physique, travail intellectuel,
émotion) sur la pression sanguine et le pouls (Binet & Vaschide, 1897 ;
1898b).
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
312
Serge Nicolas
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L’objectif des nombreux travaux entrepris avec Vaschide en 1897
était un peu différent : étudier séparément certains aspects de la force
physique (ex. la force au dynamomètre, les temps de réaction, etc.) afin
de sélectionner ou construire des tests appropriés et ensuite rechercher
les corrélations qui peuvent exister entre les diverses qualités physiques
d’un individu (par exemple entre sa force de pression au dynamomètre
et sa capacité vitale, ou sa rapidité à la course), et les corrélations qui
peuvent exister entre les qualités physiques et les qualités intellectuelles.
Mais la mise en application d’un tel programme de recherche nécessitait
d’expérimenter sur un nombre important de sujets. Binet explique ainsi son
problème :
« La psychologie expérimentale exige qu’un certain nombre
de personnes aient la bonne volonté de servir de sujets aux
expériences ; sans sujets, ou avec des sujets trop peu nombreux,
on ne peut pas travailler. . . Pour la psychologie, il faut
distinguer deux espèces de laboratoires. Les laboratoires comme
ceux de Wundt à Leipzig, de Baldwin, de Titchener, de Stanley
Hall en Amérique, de Biervliet en Belgique, sont fréquentés
par un grand nombre d’élèves assidus qui se préparent à des
examens de licence et de doctorat, et qui sont toujours prêts
à se soumettre à l’expérimentation, même la plus prolongée
et la plus fastidieuse, parce que leur docilité a pour sanction
pratique une bonne note aux examens. Il y a des laboratoires où
les élèves restent six mois de suite en observation avant qu’on
leur permette le moindre travail personnel. Au contraire, les
laboratoires qui ne délivrent aucune espèce de diplôme sont
désertés par les étudiants ; et les directeurs officiels de ces
laboratoires se trouvent à peu de chose près dans les mêmes
conditions qu’un psychologue indépendant et sans attaches
universitaires : ils doivent chercher en dehors du laboratoire
leurs matériaux d’étude. » (Binet & Vaschide, 1898a).
Forcé de quitter le laboratoire pour développer son programme, Binet
va rechercher une nouvelle population à étudier. Après avoir tenté des
essais sur des bénévoles, il dut se résoudre à prendre comme sujets
d’expérience les enfants des écoles. Cette solution a été choisie pour
des raisons essentiellement pratiques liées à la facilité d’accès aux écoles
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
313
de l’enseignement primaire mais il faut avouer que Binet était depuis
longtemps aussi intéressé par la psychologie de l’enfant. Les expériences
ont été réalisées durant le printemps 1897 (février à juin) sur 40 enfants
d’une école primaire de Paris âgés de 12 à 13 ans et sur de jeunes
élèves-maîtres de l’École normale de Versailles. Les principaux résultats
ont montré que l’épreuve du dynamomètre était un bon indicateur de
la force musculaire et que la relation entre l’ordre intellectuel et l’ordre
physique est de nature complexe. Si ce ne sont pas les élèves les plus
vigoureux qui ont la meilleure mémoire des chiffres, prise ici comme
exemple de développement intellectuel, les auteurs ne pensent pas qu’il
n’y ait aucune relation entre le développement physique et le développement intellectuel. Mais ces conclusions seront critiquées à cause de la
présence d’erreurs numériques dans les publications de Binet et Vaschide
(cf. Franz, 1898).
Le sommeil du Laboratoire : 1897-1911
L’année universitaire 1897-1898 marque une date importante qui a
certainement eue pour conséquence de pousser Binet à effectuer des
recherches hors du laboratoire de la Sorbonne. En effet, c’est à cette
époque que Charles Henry (1859-1926), maître de Conférences à l’EPHE
depuis 1892 et intégré dans l’équipe de Binet, obtint une dissociation du
laboratoire de la Sorbonne et la création pour lui d’un laboratoire distinct
de physiologie des sensations dont Jules Courtier devint le chef des travaux
(puis en 1911 le Directeur adjoint). Il garda une partie du laboratoire dirigé
par Binet, l’entrée restant commune. Binet et Philippe demeurèrent donc
seuls, comme fonctionnaires du laboratoire de psychologie physiologique,
et cela jusqu’à la mort de Binet. Philippe n’avait pas participé très
activement au grand mouvement de recherches initial. N’ayant qu’un
traitement très modeste, il dut prendre un poste de professeur et se
contenta bientôt de venir au laboratoire dans l’après-midi du jeudi où se
concentrait la vie de toute la semaine (Piéron, 1939). De plus, Binet se
sépare l’année suivante (1898) de Vaschide pour des raisons personnelles
et scientifiques (cf. Huteau, 2008) et Henri qui était revenu d’Allemagne
avec un doctorat de psychologie ne trouvait pas de poste dans la recherche
et avait décidé de rejoindre le laboratoire de physiologie d’Albert Dastre
(1844-1917) à la Sorbonne pour préparer une nouvelle thèse. En 1898,
Binet n’a plus de collaborateurs de valeur intéressés par poursuivre ses
recherches dans le champ de la psychologie individuelle. Les publications
ultérieures de L’Année Psychologique vont refléter le changement progressif
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
314
Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
de l’activité de Binet qui, de plus en plus, se préoccupera exclusivement de
la psychologie de l’enfant. Le laboratoire à cette date ne restait ouvert que le
jeudi après-midi. Henri Piéron (1939) a raconté l’histoire de son premier
contact (1899) avec Binet qui se défiait des gens qui n’étaient pas des
passionnés. Pour ce faire, il imposait aux nouveaux élèves des expériences
ingrates destinées à leur apprentissage mais aussi à juger leurs capacités à
la recherche et leur motivation pour des travaux dans le domaine de la
psychologie.
« Dans la grande salle où l’on attendait d’être reçu par Binet,
Jean Larguier des Bancels [1876-1961] faisait à ce moment
des recherches ergographiques, avec le norvégien Aars, sur une
immense table noire qui est toujours à la même place depuis
50 ans et qui constituait un héritage du vieux mobilier de la
salle d’examen. L’accueil de Binet était froid et réservé. Ses
propos n’étaient pas très encourageants, et on peut même dire
qu’ils étaient destinés à décourager tous ceux qui n’avaient
pas une foi assez ardente pour surmonter les obstacles dressés
sur leur route. Binet se défiait des amateurs, des curieux,
qui abandonnaient vite, après avoir fait perdre du temps,
des expériences en somme ingrates. Je me montrai assez
décidé pour être admis aux jeudis de la Sorbonne et je fus
mis à l’épreuve des temps de réaction, en commun avec un
philosophe attiré aussi par la science et qui devait faire sa
carrière à l’Institut Pasteur, Georges Abt [1874-1961]. » (Piéron,
1939, p. 191)
Binet consacrera de plus en plus son activité de recherche au développement
de la psychologie de l’enfant. Beaunis regretta amèrement par la suite
que Binet se soit de plus en plus éloigné du laboratoire de la Sorbonne
et des méthodes qui avaient déterminé sa création. Les deux hommes
entretinrent néanmoins des relations amicales comme en témoigne la
communication internationale sur la première version de l’échelle métrique
de l’intelligence (Binet et Simon, 1905) présentée par Beaunis le 28 avril
1905 au cinquième Congrès International de Psychologie tenu à Rome.
Quelques mois plus tard, Binet va officialiser sa présence dans les écoles en
créant en octobre 1905 un laboratoire de pédagogie expérimentale à l’École
de la rue Grange-aux-belles (Binet, Simon & Vaney, 1906).
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
315
HENRI PIÉRON (1881-1964) : LE TROISIÈME
DIRECTEUR DU LABORATOIRE
La mort d’Alfred Binet survenue en 1911 faillit bien conduire à la
disparition du laboratoire de Psychologie physiologique de la Sorbonne.
Ses adversaires étaient toujours là et la lenteur mise par le ministre à
donner un successeur à Binet favorisait leur critique. Les uns demandaient
sa suppression, tandis que les autres, plus dangereux et plus habiles,
demandaient sa transformation, ce qui équivalait en somme à une
suppression déguisée. Liard n’était plus directeur de l’Enseignement
supérieur, il ne pouvait plus défendre efficacement sa création. Dans
ses Mémoires, Beaunis raconte qu’il fut prévenu à temps du danger
par le chef des travaux du laboratoire, Jean Philippe, et fit tout son
possible pour sauver l’œuvre à laquelle il tenait tant. Il écrivit à Liard,
alors Vice-recteur de l’Académie de Paris, au nouveau directeur de
l’Enseignement supérieur, Charles Bayet (1849-1918), à quelques membres
de la commission du budget et à quelques personnalités scientifiques
qu’il savait favorables au projet. C’est Henri Piéron (1881-1964) qui fut
choisi pour diriger l’ancien laboratoire de Binet. Piéron avait travaillé
quelque temps (1899-1900) sous la direction de Binet en tant que chercheur
néophyte, mais attiré par Nicolas Vaschide, il avait préféré le nouveau
laboratoire de psychologie expérimentale créé par Édouard Toulouse
(1865-1947) (pour une biographie : Huteau, 2002) à l’hôpital de Villejuif.
Piéron fut nommé préparateur en 1901, chef de travaux appointés en
1907 et maître de Conférences à l’EPHE, ce qui lui permit d’organiser un
enseignement de psychologie scientifique.
Le laboratoire fut maintenu avec son titre (laboratoire de Psychologie
physiologique) avec, comme directeur Henri Piéron, et comme Directeur
adjoint, Jean Philippe. L’orientation que Piéron avait imprimé au
laboratoire satisfaisait pleinement Henry Beaunis comme en atteste le texte
de ses Mémoires. Cependant, la bataille pour la succession fut rude. Voici
comment s’exprime Piéron à ce sujet :
« C’est en octobre 1911 que l’on apprit la mort, très prématurée,
de Binet, atteint d’une tumeur cérébrale, à l’âge de 54 ans. À ses
obsèques, son cousin, Eugène Gley [1857-1930], professeur au
Collège de France, qui m’avait donné maintes preuves d’estime
et de sympathie, voulut bien me dire que j’étais à son avis
le successeur désigné du maître disparu. Mais, pour ma part,
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
316
Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
j’envisageais seulement, d’accord avec Ed. Toulouse, la fusion
du Laboratoire de la Sorbonne avec celui de Villejuif, dont, étant
alors maître de Conférences, je serais devenu Directeur adjoint.
Mais d’autres projets s’étaient fait jour et diverses candidatures
avaient été posées. Pierre Janet [1859-1947], rappelant que le
Laboratoire était destiné à appuyer la chaire du Collège de
France, pensait en prendre la direction, mais son orientation
parut trop exclusivement pathologique à Liard qui, devenu
Recteur, continuait à s’intéresser au laboratoire de la Sorbonne
qu’il avait créé et qu’il tenait à voir maintenu dans la direction
physiologique initiale. Pour une raison analogue, Liard était
hostile au projet de fusion avec le laboratoire de Villejuif, et il
me fit dire que je devais poser ma candidature, à côté de celles
de J. Philippe, de Th. Simon, et de Revault d’Allonnes. Ce fut
en ma faveur que se prononça le directeur de l’Enseignement
supérieur Bayet, mais le Ministre, sollicité de divers côtés,
hésitait à nommer le plus jeune des candidats. Divers projets
furent conçus et abandonnés pendant que quelques ministres
se succédaient sous l’action du jeu parlementaire. Enfin l’arrêté,
prêt depuis plusieurs mois, fut signé en 1912, et j’eus la grande
joie d’entrer comme chef responsable dans ce laboratoire,
dont J. Philippe devenait Directeur adjoint. Mais l’impression
d’abandon que j’éprouvais en y entrant ne fut pas sans abattre
une partie de cette joie. L’électricité n’avait jamais été installée
dans le local de la nouvelle Sorbonne ! Il fallait renoncer
à travailler quand la nuit venait ; il n’y avait pas de crédit
prévu pour le service ; le crédit normal d’entretien était resté
misérable. Le matériel était celui qu’avait constitué Beaunis,
il n’avait pas été accru ni renouvelé, la bibliothèque n’avait
toujours que son fond initial et les Bulletins du laboratoire ne
s’y trouvaient même pas ; il n’y avait pas une seule des Année
Psychologique, ce périodique essentiel, dont l’éditeur Masson me
confiait à ce moment la direction » (Piéron, 1939, pp. 193-194).
Il fallut à Henri Piéron un gros effort pour obtenir des crédits, pour équiper
le local, accroître le matériel, reconstituer la bibliothèque et attirer de futurs
chercheurs. Une lettre du ministère datée du 21 décembre 1912 précisera :
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
317
« Un crédit extraordinaire de 1 000 francs vous a été ouvert sur le chapitre
24 du budget de l’exercice 1912 pour solder en 1912 les frais de première
installation du laboratoire de psychologie physiologique de l’École Pratique
des Hautes Études placé sous votre direction. Cette décision est prise à titre
tout à fait exceptionnel et ne constitue en aucun cas un précédent pour
l’avenir ». Son amitié avec Édouard Toulouse lui permit, dans cette période
de transition, d’utiliser encore tout l’équipement du Laboratoire de Villejuif
où Piéron poursuivit encore certaines recherches et continua ses cours et ses
démonstrations pratiques au laboratoire de Villejuif.
Après la guerre, ce fut une période de grand essor grâce à l’appui
de l’Académie des Sciences et de la Caisse des Recherches Scientifiques
(Piéron, 1939). La création en 1920 par Piéron de l’Institut de Psychologie
à l’Université de Paris (cf. Nicolas, 2002), commun aux facultés des Lettres
et des Sciences, permit l’organisation (pour la préparation de ses diplômes)
au Laboratoire de travaux pratiques de psychologie. Pour cela, il obtient
une nouvelle salle qui agrandira le laboratoire initial. Ignace Meyerson
(1888-1983) fut nommé préparateur en 1921 puis Directeur adjoint en 1923
après le départ à la retraite de Jean Philippe. Marcel François (1899-1937)
deviendra le nouveau préparateur. Lorsque fut créée en 1923, au Collège de
France, une chaire de physiologie des sensations pour Piéron, le laboratoire
associé à cette chaire, faute de place dans les locaux du Collège, fut
provisoirement hébergé dans les locaux du laboratoire de la Sorbonne, dont
l’exiguïté posait tous les jours les problèmes les plus aigus, en raison du
nombre des collaborateurs et d’élèves qui devaient se disputer la place pour
pouvoir poursuivre leurs travaux (Piéron, 1939). Lorsque Charles Henry
atteignit l’âge de la retraite, en 1925, les locaux du laboratoire de Physiologie
des sensations furent attribués à Piéron. Ainsi, les deux laboratoires de
l’EPHE furent réunis ; l’unité primitive fut rétablie et le nom du laboratoire
de l’EPHE fut ainsi celui de « Laboratoire de Psychologie expérimentale et
Physiologie des sensations ». À la même époque (1926) un second directeur
adjoint, Alfred Fessard (1900-1982), fut nommé au laboratoire aux côtés de
I. Meyerson.
C’est grâce au laboratoire de Psychologie physiologique que Piéron
put héberger les nouveaux chercheurs que ne manque pas d’attirer sa
présence au Collège de France. En même temps, un poste d’assistant
pour le laboratoire du Collège de France fut confié à Gustave Durup. Si
Piéron obtint encore une extension des locaux, celle-ci devait rapidement
se révéler insuffisante car le laboratoire dut abriter en 1928 le service
des recherches psychologiques, dirigé par Mme Piéron, et les séances de
travaux pratiques de l’Institut national d’Orientation professionnelle dont
Piéron avait obtenu la création avec la collaboration d’Henri Laugier
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
318
Serge Nicolas
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(1888-1973) et de Julien Fontègne (1879-1944). Ainsi jusqu’en 1938, les
locaux de la Sorbonne abritèrent le Laboratoire unifié de l’EPHE, le
laboratoire d’enseignement de l’Institut de psychologie de l’Université
de Paris, le laboratoire du Collège de France, le service des recherches
psychologiques et le laboratoire d’enseignement de l’Institut national
d’Orientation professionnelle (Oléron, 1966). L’installation de locaux au
Collège de France pour le laboratoire de la chaire de physiologie des
sensations en 1938 et la construction de l’Institut national d’Orientation
professionnelle, achevée début 1939, permirent de décongestionner le
vieux laboratoire dont la réfection n’avait jamais été entreprise depuis sa
fondation par Beaunis. À la veille de la guerre 1939-1945, les locaux de la
Sorbonne restaient encore communs à l’Institut de psychologie et à l’EPHE
(pour un historique : Nicolas, 2002).
PAUL FRAISSE (1911-1996) : QUATRIÈME
DIRECTEUR DU LABORATOIRE
Lorsque la guerre éclate, les chercheurs du laboratoire sont mobilisés. Parmi
eux on trouve Paul Fraisse (1911-1996) qui avait intégré le laboratoire
en 1937 après avoir effectué des recherches sur le rythme à l’Université
de Louvain sous la direction du professeur Albert Michotte (1881-1965).
De son côté, Piéron acceptera de prendre la direction d’un service de
sélection des pilotes dans le cadre de l’inspection médico-physiologique
de l’Armée de l’Air. Il part alors à Mérignac accompagné par A. Fessard,
G. Durup et G. Bernyer en emportant une grande partie du matériel du
laboratoire. Ainsi de nombreux appareils seront soustraits plus tard à la
convoitise des Allemands et mis à l’abri dans les locaux prêtés par le Recteur
de l’Université de Bordeaux. Après l’armistice de 1940, Piéron décide de
revenir à Paris. Il sera privé de la collaboration de I. Meyerson frappé par
les lois raciales qui se réfugie à Toulouse où il restera comme professeur
après la guerre jusqu’à sa nomination comme directeur à la 6e section de
l’EPHE.
En dépit de toutes les difficultés, la vie du laboratoire reprend ainsi que
l’enseignement de l’Institut de psychologie toujours partie intégrante du
laboratoire. En 1941, Yves Galifret entre au laboratoire pour aider Piéron
dans ses recherches ; en 1942, P. Jampolsky viendra à son tour et étudiera
le mouvement optométrique. Paul Fraisse revient de captivité en 1943 et
devient Directeur adjoint à l’EPHE (1943-1952). Piéron lui confiera le
soin de développer à nouveau les recherches de psychologie expérimentale,
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
319
lui, restant personnellement orienté vers les recherches de physiologie des
sensations qui se poursuivent dans son laboratoire au Collège de France
où il a maintenant des locaux. Fraisse est alors chargé des conférences de
psychologie expérimentale. Il réorganise les travaux pratiques du diplôme
de psychologie expérimentale. Il lui sera également confié en 1945 les
travaux pratiques du certificat de psychophysiologie créé en 1944 à la
Faculté des Sciences sous l’impulsion de Piéron et P. Grassé. C’est en
septembre 1945 que Geneviève Oléron est appelée comme collaboratrice
technique au CNRS à aider Paul Fraisse dans ses recherches et dans la
préparation des travaux pratiques.
En 1947, après avoir passé le diplôme de psychologie expérimentale de
l’Institut, deux nouveaux chercheurs entrent au laboratoire, Pierre Oléron,
qui sous la direction de Piéron va commencer ses études sur le rôle du
langage dans le développement de l’intelligence et Vincent Bloch, qui sous
la direction de Fraisse s’intéressera aux conduites émotives en relation avec
le réflexe psycho-galvanique (il s’orientera plus tard vers la psychologie
animale). Cependant les mêmes locaux ne peuvent plus servir à la fois
aux recherches et à l’enseignement pratique. Le laboratoire obtient la
construction de deux nouvelles pièces en surélévation au-dessus du palier
de la salle Y. Elles sont occupées par de nouveaux chercheurs : Madeleine
Jampolsky et Germaine de Montmollin qui s’orientera vers la recherche en
psychologie sociale expérimentale.
C’est en 1952 que Paul Fraisse succède à Henri Piéron comme
directeur du Laboratoire EPHE qui prend le titre de laboratoire de
« Psychologie expérimentale et comparée » (Oléron, 1966). Il est nommé
Maître de conférences en psychologie expérimentale (1957) puis l’année
suivante professeur de psychologie expérimentale à la Sorbonne (pour un
historique : Nicolas, 2002). C’est en 1959 que l’université achète l’ancien
hôtel des Sociétés savantes, localisé au 28 rue Serpente. Pierre Oléron
(1915-1995) qui vient d’être nommé professeur de psychologie génétique
à la Sorbonne fonde un laboratoire et intègre les locaux laissés vacants
par le départ de Paul Fraisse qui a installé son laboratoire à l’hôtel des
sociétés savantes. C’est dans ce lieu que seront formés à la recherche, entre
les années 1960 et 1980, toute une génération de psychologues qui ont
marqué ou marquent encore l’histoire de la psychologie expérimentale
française (pour une liste voir Nicolas, 2002, p. 280-283). Lors de son
départ à la retraite, Fraisse a laissé en héritage le plus ancien laboratoire de
psychologie expérimentale en France et la plus prestigieuse revue française
de psychologie : L’Année psychologique. En 1979, il abandonne en effet la
direction du vieux laboratoire EPHE de « Psychologie expérimentale et
comparée » qui est d’abord confiée à Geneviève Oléron (1979-1983) puis à
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
320
Serge Nicolas
r Doriane Gras r Juan Segui
Marie-France Ehrlich (1984-2000) qui va en changer l’appellation (Laboratoire de psychologie cognitive de la communication) comme d’ailleurs son
successeur Francis Eustache (Laboratoire de neuropsychologie cognitive
et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine). Ce laboratoire
EPHE sera associé pendant de très nombreuses années au laboratoire
de psychologie expérimentale de l’université Paris Descartes (Paris V)
dirigé successivement par Georges Noizet (1979-1984), par Claude Bonnet
(1984-1992) puis par Juan Segui (1993-2001), avant d’être délocalisé plus
récemment sur l’université de Caen.
CONCLUSION : L’HÉRITAGE DE BINET
Voici ce qu’a écrit Piéron (1912, p. 245) sur Binet après sa nomination
comme directeur au laboratoire de psychologie physiologique de la
Sorbonne :
« S’il n’occupa point dans les hiérarchies officielles le rang qui
aurait dû lui revenir, Alfred Binet représenta le mieux aux yeux
de l’étranger la psychologie scientifique française dont il fut un
des premiers et un des plus fidèles pionniers. Si son inlassable
activité l’entraînait parfois vers la littérature, et surtout vers
le théâtre où ses qualités psychologiques lui valurent de réels
succès, – comme celui de l’Homme mystérieux, en collaboration
avec André de Lorde, – le plus clair de son travail était toujours
la recherche psychologique ; et il ambitionnait de s’essayer à
toutes les méthodes psychologiques, d’apporter sa contribution
dans tous les domaines qui s’ouvrent à l’étude de l’esprit. . .
Binet fut surtout un “découvreur” ; il se sentit attiré de trop de
côtés pour se livrer exclusivement à une catégorie de recherches,
s’acharner à approfondir un sillon unique. À coup sûr certains
de ses travaux ne sont pas définitifs, certaines de ses idées
sont discutables, et comment en serait-il autrement dans des
domaines nouveaux et presque inexplorés ? Mais bien des faits
établis avec cette conscience, cette honnêteté scientifique si
précieuse qui le caractérisaient, sont aujourd’hui acquis ; bien
de ses suggestions ouvrirent des voies nouvelles . . . à l’étranger,
L’année psychologique, 2011, 111, 291-325
Le laboratoire de Binet
321
car il eut peu d’élèves en France. La psychologie française, qui
ne peut opposer que bien peu de noms à la cohorte des savants
allemands ou américains, perd en Alfred Binet un de ceux qui
lui ont le plus fait honneur. »
Binet demeure encore aujourd’hui une figure incontournable de
l’histoire de la psychologie, son nom étant connu de tous les psychologues
à travers le monde. En France, s’il existe un héritage de Binet il faut le
chercher dans l’esprit actuel de la recherche scientifique en psychologie.
On a vu que les successeurs directs de Binet ont été Piéron et Fraisse qui
ont conservé la direction de la structure du laboratoire EPHE d’origine.
Mais nombreux sont ceux aujourd’hui encore qui se réclament les héritiers
de la tradition Binet-Piéron-Fraisse. Cette tradition s’est construite avec les
années grâce aux liens qui ont pu être établis entre l’EPHE, l’Université de
Paris et le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). Il serait
en effet illusoire de rechercher une filiation par le biais de la structure
de recherche (EPHE) et/ou par le biais de son implantation géographique
(Sorbonne). Il est clair que les politiques actuelles de la recherche, où de
nombreux partenaires sont impliqués (Universités, CNRS, INSERM), ne
permettent plus de conserver des laboratoires historiques, comme celui de
Binet. Ce laboratoire a été mais il n’est plus, l’évolution dans les intitulés
le montre bien. Il ne s’agit pas alors de savoir quelle est la structure qui
pourrait encore prétendre utiliser le nom de « Laboratoire Binet » mais
quelles sont celles qui peuvent ou pourraient en revendiquer l’héritage ; et
il en existe déjà plusieurs à Paris même qui gardent l’esprit de la discipline
expérimentale initié par Binet et développé par Piéron dans les locaux de
la Sorbonne, puis par Fraisse et ses successeurs dans les locaux de la rue
Serpente. Institutionnellement, le laboratoire de Binet a disparu depuis
longtemps mais son héritage en termes de conception de la discipline ne
cesse d’exister.
Reçu le 25 octobre 2010.
Révision acceptée le 13 mars 2011.
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