Approche générique pour la conception et l`ingénierie de jeux d

Transcription

Approche générique pour la conception et l`ingénierie de jeux d
Approche générique pour la conception et l’ingénierie de jeux
d’entreprise multimédias coopératifs
Cas du jeu de la maintenance multimédia
Mounir Babari, Abdelkader Mahi, Patrick Prévôt
ICTT, Bat. 401 INSA de Lyon, 20, Av. Albert Einstein, 69621 Villeurbanne cedex, France.
(babari, mahi, prevot)@gprhp.insa-lyon.fr
Tél. : +33 (0)4.72.43.79.91 Fax: +33 (0)4.72.43.79.92
Résumé
Ce travail a pour objet de définir les différentes étapes
de l’ingénierie et de la conception d’un jeu d’entreprise
multimédia depuis sa scénarisation jusqu’à l’obtention
d’un prototype. Notre approche est justifiée et illustrée
par un jeu d’entreprise multimédia dédié à la
maintenance.
Nous rappelons d’abord les principes et modèles d’un
jeu d’entreprise, ainsi que le rôle qu’il est amené à
jouer, en tant qu’authentique produit de formation, en
milieu industriel. Nous décrivons ensuite les modèles
utilisés lors de la conception et le développement d’un
tel produit de formation, bâti sur une architecture multiagents.
Abstract
The aim of this paper is to define steps of design and
engineering of a multimedia business game, from its
scriptwriting to prototype building. Our approach is
proved thanks to a multimedia maintenance game. At
first we give some characteristics of a business game
and define the role it plays as an industrial learning
product. Then, we describe the design models used, and
the engineering process using a multi-agent
architecture.
MOTS CLES : jeu d’entreprise, modélisation,
simulation, systèmes multi-agents, travail coopératif.
KEY WORDS : business game, simulation, modelling,
multi-agent, groupware.
1. Introduction
L’homme a toujours manifesté un intérêt « génétique »
pour jouer, vivre des situations inédites dont il est le
héros (avec des risques… mais plutôt virtuels), relever
des défis (aptitude à l’action), mesurer immédiatement
les conséquences de ses choix (valorisation de soi)…
Tous ces ressorts psychologiques sont autant
d’éléments déclencheurs de la motivation dans
l’action.
Pourquoi ne pas les mettre au service de la formation
professionnelle? C’est ce que des organismes de
formation tels que le Centre International de Pédagogie
d’Entreprise [CIPE 1990] ont compris et essayé de
mettre en œuvre à travers des jeux comme : Réactik
(maîtrise des flux, réduction des stocks et des délais de
production), Puissance7 (méthodologie de résolution de
problème), Kitsmed (réduction du temps de
changement de fabrication), le jeu de la Maintenance
(exemple qui illustrera l’ensemble de cet article)
[Edilude 1998]…
Il fallait cependant parfois faire preuve de beaucoup
d’imagination pour restituer le réalisme des situations
proposées (situations elles-mêmes tirées de cas réel
d’entreprise). Le développement fulgurant des
Techniques de l’Information et de la Communication
(TIC) est venu apporter la pierre manquante à l’édifice.
La qualité de la scénarisation, des interfaces, de la
réalisation
d’un
(micro)
monde
réel,
des
médias…produisent un environnement pédagogique
idéal et crédible. Pris par le jeu, ses objectifs, ses
enjeux, ses leurres, les apprenants franchissent les
étapes, acquièrent un savoir, des comportements, des
méthodes … sans véritablement en avoir conscience
[Akkouche & Prévôt 1998]. Les objectifs pédagogiques
sont alors atteints non seulement rapidement, mais
aussi de manière durable (par la mémorisation du
contexte).
Tout en restant fidèle à l’esprit du jeu et au contenu
informationnel, nous avons pédagogiquement rebâti les
jeux d’origine :
• Sur la forme : les supports (plateau de jeu, dés,
objets
symboliques…)
et
les
documents
d’accompagnement (descriptifs d’étapes, fiches
d’incident, protections…) sont conservés sous
forme d’objets multimédias interactifs;
• Sur l’approche : à chaque étape, les méthodes ou
concepts découverts par le jeu sont mis en
application sur un cas industriel type;
• Sur le fond : par une couverture plus approfondie
du domaine abordé (glossaire, exemples, sites…) ;
• Sur le mode d’animation : loin de disparaître,
l’animation pédagogique demeure une composante
essentielle du processus de formation; elle se fait
désormais d’une toute autre manière (alternance de
séquences multimédias, de séances de debriefing, de
déclenchement d’aléas…), le rôle de l’animateur et
ses fréquences d’intervention [Prévôt & Akkouche
1997] étant définis dès la conception du jeu.
Nous étudions ici l’ensemble du processus de
conception, de réalisation et de validation d’un jeu
d’entreprise en explicitant les règles, modèles et
architectures utilisés. Le jeu d’entreprise choisi pour
illustrer certains aspects de cette approche est un jeu
concurrentiel : le Jeu de la Maintenance Multimédia.
Quatre équipes d’apprenants s’y affrontent sous la
conduite d’un animateur (le principe de 4 équipes de 3
apprenants est un invariant de tous les jeux que nous
concevons).
Le corps de cet article suit le processus de
développement d’un jeu d’entreprise selon la figure 1 :
Scénarisation
Modélisation
Prototypage
Simulation
Evaluation de
l’interface
Evaluation de
la
configuration
1. Reposant sur une pédagogie de la découverte, le
jeu permet à des participants, placés en position
d’acteurs, de tirer les conclusions de leurs propres
succès et erreurs.
2. Le jeu reproduit, en général, une situation proche
de la réalité, sur les plans conceptuel, événementiel
et/ou environnemental. En quittant la salle de
formation, les apprenants sont prêts à passer à l’acte
et à mettre en application ce qu’ils ont vécu, sur les
problèmes de leurs entreprise (d’où l’importance
d’une formation juste à temps).
3. Le groupe est constitué de membres de services
ou de niveaux hiérarchiques différents, qui ont ainsi
l’occasion de partager leurs expériences et leur
savoir-faire. Au delà de l’apport de connaissances
techniques, c’est la culture même de l’entreprise
qui s’enrichit.
Contrairement aux apparences et aux idées préconçues
des futurs apprenants, le jeu d’entreprise n’est pas là
pour les distraire. Ses véritables objectifs sont de leur
faire apprendre une technique, comprendre une
méthode, acquérir un savoir…
2.3 Le jeu de la maintenance
Produit fini
Validation d’usage
L’illustration
par de
un développement
jeu particulier (ici
le jeu
Figure apportée
1. Processus
du jeu
de la maintenance) ne doit pas faire oublier le souci de
généricité de notre approche pour le développement de
jeux de la même classe (parcours à événements)
mettant des équipes d’apprenants en situation de
coopération ou de concurrence.
2. Les jeux d’entreprise
2.1 Principes
Les jeux d’entreprise sont une variante des jeux de rôle.
Ils placent en concurrence des sous-groupes
d’apprenants, associés généralement à des entreprises
différentes [Akkouche 1996]. Ceci implique un
échange entre plusieurs groupes d’apprenants utilisant
chacun ses compétences et ses possibilités d’action au
service d’un but commun ou partagé. Ainsi, les
apprenants sont suffisamment pris, voire passionnés,
par l’enjeu (véritable leurre), pour franchir sans
douleur et sans s’en apercevoir les étapes cognitives ou
conceptuelles nécessaires pour y arriver. Les objectifs
des apprenants sont ainsi différents de ceux du
formateur qui consistent à faire comprendre et
maîtriser, en situation d’action, des notions, des règles,
des concepts…
2.2 Avantages
Un tel support pédagogique présente trois avantages:
Le jeu de la maintenance a pour buts de faire assimiler
les principaux concepts de la maintenance industrielle
et maîtriser différents outils d’analyse. Cet
apprentissage a un objectif double vis-à-vis des
apprenants : à court terme, constituer ou renforcer leurs
connaissances du sujet ; à long terme, les amener à
développer des comportements, qu’ils seront à même
de reproduire dans leur entreprise ou leur futur
environnement professionnel [Babari 1999]. Ce jeu est
basé sur le principe d’une aventure collective (rallye
africain).
3. Scénarisation
La scénarisation est la première phase. Elle consiste à
définir un ensemble de spécifications qui décrivent, en
détail, l’ordonnancement des scènes, des actions, et la
manière (multimédia) dont doit être faite la
transcription informatique (cf. fig.2).
Il faut, avant tout, choisir un sujet porteur et monter
une histoire réelle ou fictive qui passionne et accroche
le public cible. Grâce à cette histoire le public est
transporté dans un autre environnement (lieu – temps –
action) et est solidairement impliqué dans un enjeu
bien identifié. Le choix fait pour le jeu de la
maintenance est un rallye africain : il s’agit de rallier
Novicity à Expertown (cf.fig. 3.).
Il faut ensuite définir l’enjeu : ici, plusieurs équipages
sont en concurrence. L’enjeu commun est donc
simplement de remporter l’épreuve (c’est le leurre).
Vient alors la définition des places d’apprentissage.
Ces places sont les lieux de passage obligés de la
trajectoire de formation de tout apprenant [Akkouche
I. & Prévôt P. 1998]. Elle représentent les objectifs
pédagogiques (successivement atteints de la formation).
Pour l’exemple choisi (jeu de la maintenance), il s’agit
de :
concours
risques
défi
déroulement
fils conducteurs
performance
gain
Choisir un enjeu
graphisme
Construire une histoire
thème
événements enclenchés
Définir les objets et les décors
fonction
mosaïque
progressive
Scénarisation
du jeu d’entreprise
Choisir une pédagogie
de la découverte
construite
Construire une
alternance pédagogique de phases
d’animation
de présentation
découverte
de bilan
temps
(époque, durée)
rôles
graphisme
degré de liberté
Définir les événements
et construire les situations interactives
interactives
Choisir et respecter des unités
espace
(micro-monde, lieu)
Définir les personnages acteurs
action
(problématique, objectifs)
simulateur
interfaces
contexte
ludique
liberté
d’action
Identifier des Places d’apprentissage
outils
méthodes
concepts
Figure 2. Scénarisation d’un jeu d’entreprise.
modèles
comportements
1. Découvrir les principes fondamentaux de la
maintenance totale dirigée vers l’obtention, le
maintien et l’amélioration de la disponibilité réelle des
équipements :
• collaboration inter-services ;
• rôle du conducteur de machine; maintenance
préventive
(conditionnelle,
améliorative,
systématique);
• maintenance corrective (curative, palliative) ;
• remise à niveau des équipements.
2. Maîtriser les méthodologies pratiques à mettre en
œuvre [CIPE 1990] pour améliorer :
• le Taux de Rendement Global (T.R.G);
• la Moyenne des Temps de Bon Fonctionnement
(M.T.B.F.) ;
• la Moyenne des Temps des Tâches de
Réparation (M.T.T.R) ;
• l’analyse causale des pannes ;
• le chiffrage des aléas et la gestion du flux
d’informations lié à la maintenance ;
• la recherche de solutions pour y répondre.
•
dans chaque acte il y ait une alternance
pédagogique de séquences de présentation /
découverte, d’interaction et de bilan.
Chaque acte est lui même constitué d’un ensemble de
scènes assemblant des objets pédagogiques (actifs,
cliquables) et des décors (habillages contextuels
passifs) (cf. fig. 5) conformes à la charte de
communication (cf. fig. 4).
Comme pour toute histoire, il faut également définir, au
delà des équipes, les personnages à mettre en scène et
préciser leur rôle, le lieu, le moment et la durée de leur
intervention.
La scénarisation comprend aussi l’élaboration de
recommandations concernant la coordination et
l’équilibre dans l’utilisation des médias et des modes :
• choix du son, de l’image et des modes d’action
afin d’équilibrer les canaux (programmation
neurolinguistique ) et les modes de perceptions
(modèle de Hermann [Hermann 1982]) ;
• définition d’une charte de communication (cf.
fig.4) véritable norme que le maître d’œuvre
s’engage à respecter pour l’ensemble du produit
(guide de réalisation contractuel avec le maître
d’ouvrage).
Il s’ensuit un découpage de l’histoire en plusieurs
actes, afin que :
• le formateur assure sa fonction d’animation
(briefing / debriefing).
Architecture
Séquencement
Rôles
Formes
OBJETS ET
PERSONNAGES
ORGANISATION
ECRAN
Positions
Graphisme
LOGOS
ICONES
Principes
CHARTE DE COMMUNICATION
NAVIGATION
Effet mémoire
Norme que le maître d'œuvre s’engage à respecter
pour l’ensemble du produit.
Musiques Voix on/off
SONS
Bruits
événementiels
TERMINOLOGIE
TEXTURES
Tailles
GUIDE UTILISATEUR
AIDE - MESSAGES
CARACTERES
COULEURS
Polices
BOUTONS
Symboles
Fond d’écran
Formes/Tailles Position
Objets pédagogiques
Figure 4. Charte de communication
Outils et
instruments
Zone cliquable :
Case Evénement
Personnage :
équipage
Décors : paysage
Saharien
Glossaire, carnet de
bord, aide
Tableau de bord :
navigation
Figure 5. Exemple du poste de pilotage
4. Alternance jeu / cas industriel réel:
Nous avons choisi d’approfondir les concepts abordés à
chaque étape en les illustrant immédiatement dans un
contexte industriel réel. Cette mise en application est
assurée par l’animation du formateur (séance de
débriefing) et une partie multimédia directement greffée
sur le jeu. Nous disposons ainsi d’une alternance
pédagogique: découverte, intégration, expérimentation
par le jeu (action), puis approfondissement et
appropriation par une transposition de la situation en
milieu industriel.
Le principe de la transposition industrielle est le
suivant : un client a plusieurs fournisseurs (les équipes)
produisant le même type de produit avec le même type
de machine (les voitures). A la suite d’une
restructuration de l’usine et donc d’une redéfinition de
la politique d’approvisionnement, le client veut une
importante quantité de pièces (les kilomètres
parcourus) en un minimum de temps (le chronomètre
du rallye). Conscient des problèmes de trésorerie que
peut engendrer cette demande inhabituelle, le client
indemnise les fournisseurs à chaque lot livré (à chaque
passage sur une case prime) par une somme d’argent
identique pour toutes les équipes (les primes). Si la
production
d’un
fournisseur
est
interrompue
volontairement (arrêt programmé) ou involontairement
(aléa), il perd du temps et reste bloqué (accumulation
d’heures dans le compteur temps d’un équipage victime
d’un incident de parcours).
Le fournisseur, qui satisfait la demande le plus
rapidement est celui qui, en principe (si l’on considère le
facteur chance), a la meilleure politique de maintenance.
Il est le plus à même de satisfaire le client dans les délais
et avec la qualité requise. Pour déterminer le fournisseur
gagnant, le client raisonne ainsi : le délai de livraison de
cette commande lui sert de base pour évaluer le prochain
délai. Il prend ainsi en compte les gains de temps
susceptibles d’être apportés par la maintenance
améliorative et ceux provenant d’une bonne formation
du personnel.
Cette phase de scénarisation aboutit à un story board
prêt à être réalisé.
5. Modélisation du jeu
Notre modèle est basé sur une approche multi-agents
pour les raisons suivantes :
1. dans les systèmes multi-agents (SMA), comme
pour les jeux, les actions sont les éléments
structurants du système ;
2. l’aspect coopératif des jeux d’entreprise impose
une vision distribuée ;
3. les jeux d’entreprise doivent pouvoir s’adapter à
des modifications de structure ou d’environnement
apportées par l’auteur.
La figure 6 propose une modélisation du jeu de la
maintenance par un SMA.
Ce modèle définit les connaissances, les compétences et
le comportement d’agents en interactions mutuelles ou
avec leur environnement. Notre SMA se compose d’un
environnement, un ensemble d’agents, des objets et un
réseau de communication :
• l’environnement E
regroupe la base des
événements (défaillances par: usure, fonctionnement
hors normes, mauvais emploi,…) et l’organisation du
parcours (graphe dynamique reliant différents types
de cases : stands, case rallye, prime, exercices, …) ;
• l’ensemble d’objets O. Ces objets sont passifs: ils
peuvent être perçus, créés, détruits et modifiés par
les agents actifs;
• l’ensemble A des agents actifs représente les
équipes de joueurs. Chaque agent possède son
propre modèle de l’environnement et des autres
Environnement
agents (position actuelle, chemin parcouru, position
des autres joueurs, etc.) et sa propre stratégie.
SMA du jeu de la maintenance
Base des événements
Modèle du plateau de jeu
Chronomètre du jeu
Réseau de communication
Actions & Perceptions
Agents actifs
Formation
Copilote
Dé
Equipes
Préventions
Capteurs
Feuille de route
Equipe 1
Freins
Equipe 2
Huile
Chrono
Carnet de bord
Equipe N
Objets
Figure 6. Exemple du Système Multi-Agents associé au jeu de la
maintenance
b.
•
le réseau de communication unissant les agents A
aux objets O dans l’environnement E du jeu. Ce
réseau s’appuie sur des relations et des opérations:
a. les relations R traduisent les relations entre les
différentes composantes du SMA, elles peuvent
être de trois types :
• relations entre deux ou plusieurs agents R <
Ai,.. ,An> (e.g. dépassement entre voitures) ;
• relations entre un agent et l’environnement
R<Ai,E> (e.g. événement provoquant une
panne) ;
• relations entre un agent et un objet R <Ai,Oj>
(e.g. effectuer une maintenance de niveau 1
(5S)).
les opérations Op permettent aux agents de A
de percevoir, de produire, de modifier ou de
manipuler les objets de O (e.g. lancer du dé,
acheter une prévention).
6. Prototypage et validation de l’interface
Un prototype est une version informatique simplifiée du
jeu, destinée ici essentiellement à valider :
• les interfaces utilisateur : navigation, lisibilité,
mémorisation, surcharge de l’écran, répartition des
objets sur l’écran, degré d’utilisation de chaque
média;
• la facilité d‘interaction avec le système;
• la facilité d’exploitation des données du jeu
(feuille de route, carnet de bord, etc.), des outils et
des instruments;
• la qualité de la communication entre les joueurs
d’une même équipe;
•
la qualité des échanges entre les équipes et
l’animateur.
Ce prototype intègre un nombre important de capteurs
de comportement (espions) qui nous renseigneront sur
le comporteront des différents acteurs concernés par le
jeu ( équipes, animateur ).
Les tests d’usage portent sur des échantillons
représentatifs d’équipes de joueurs et d’animateurs
d’horizons et de cultures différents.
Plusieurs cycles (modification du prototype – validation
d’usage) sont nécessaires pour arriver à une version
définitive du jeu.
7. Simulation et
configuration
validation
de
la
Le prototype ne se préoccupe pas de choisir une
configuration du jeu, et ne peut pas garantir l’atteinte
des objectifs pédagogiques. Il faut donc disposer d’un
banc de tests complémentaire.
Dans la version d’origine du jeu, l’équipe qui appliquait
le moins les concepts liés à la maintenance pouvait
paradoxalement arriver en tête, l’aléa des tirages
l’emportant sur les conséquences de la mise en
application d’une véritable politique de maintenance. Ce
type de situation ne peut être évité que si le jeu est
statistiquement testé sur des dizaines de sessions. La
durée minimale d’une session (8 heures) interdit de
mener cette expérimentation en situation réelle. Nous
avons donc recours à un simulateur. Les équipes sont
virtuelles et les tirages aléatoires. Les résultats,
instantanés, peuvent alors nous aider à déterminer une
configuration du jeu (structure et longueur du parcours,
densité et variété d’incidents, fréquence et diversité des
protections, niveau des investissements, ampleur des
pénalités, …) qui garantit l’atteinte des objectifs de la
formation.
La procédure adoptée est la suivante:
1. identification par l’auteur des différentes stratégies
de la maintenance possibles (basées sur la maintenance
préventive, la maintenance curative, la prise de risque,
absence de stratégie, …) ;
2. classement par l’auteur de ces stratégies par ordre
décroissant de leur apport pédagogique (la meilleure est
celle qui valorise le maximum de concepts) ;
3. choix d’une configuration de jeu : parcours,
événements, nombre de cases, emplacement des stands,
etc. ;
4. exécution du simulateur, pour chacune des stratégies
identifiées, autant de fois que nécessité par les critères
statistiques (nombre minimum d’occurrences cases,
événements,…) :
4.1. si la configuration est jugée non valide :
modification ponctuelle de la configuration (un
attribut) et retour au début de l’étape 4 ;
4.2. si elle est jugée comme valide : mémorisation de
cette configuration i.e. si les résultats sont cohérents
avec l’ordre des stratégies établi par l’auteur. Retour
à l’étape 3 pour la définition d’une nouvelle
configuration ;
5. classement final des configurations valides selon des
critères de niveau de difficulté, de longueur, de densité
d’événements…
Notons que les agents sont définis à un niveau
conceptuel et peuvent être implémentés par des objets,
des acteurs ou tout autre langage[Ferber J. 1995]. Nous
avons opté pour l’utilisation du C++ pour implémenter
notre SMA. Le simulateur est composé de 3 modules : le
module d’initialisation, le module de simulation et le
module de visualisation-exploitation :
a) Module d’initialisation
Ce module sert à initialiser les différentes composantes
du système multi-agents (nombre d’équipes, stratégie de
chaque équipe définie par les choix de parcours, les
investissements, …).
b) Module de simulation :
Ce module est destiné à simuler le comportement
(initialisation,
progression,
investissements,
formations…) des équipes (virtuelles) pour la
configuration du jeu définie dans le module
d’initialisation. Les agents actifs (équipes) du SMA sont
représentés par des threads ou processus légers
(lightweight processes). L’utilisation des threads permet
à plusieurs unités d'exécution de partager un même
espace d'adressage et de s’exécuter en multitâche
préemptif géré par le noyau du système d’exploitation.
Ainsi parmi les tâches de ce module on peut citer :
• la création des threads (agents actifs ), le code
d’un thread étant une méthode membre de la classe
qui représente l’agent. Cette méthode décrit le
cycle de vie d’un agent et son interaction avec
l’environnement de jeu dans le cadre de la stratégie
de maintenance choisie dans le module précédent.
Les threads, une fois créés, vont s’exécuter en
multitâche;
• la synchronisation des threads par des sémaphores
pour gérer l’exclusion mutuelle et l’accès aux
ressources partagées (e.g. deux voitures dans une
même case ou dans le goulot d’étranglement (cf.
fig. 3));
• la génération des événements et la sauvegarde de la
trace de la simulation (écriture dans les feuilles de
route de chaque équipe).
c) Module de visualisation - exploitation
A la fin de chaque déroulement simulé du jeu, le
simulateur permet de visualiser les résultats (compte
rendu de la simulation, feuilles de route de chaque
équipe, interclassement sur critères de temps ou d’argent
dépensé, historique des parties suivant les différentes
stratégies).
8. Produit fini
Le produit fini résulte du couplage de la partie interface,
validée grâce au prototype, et de l’implémentation du
système multi-agents (SMA), validé par le simulateur.
Reste à le soumettre à des tests d’usage. Les données
issues des différents capteurs de comportement injectés
dans le système feront l’objet d’une analyse statistique
pour un aménagement final.
Conclusion et perspectives
L’approche que nous venons de présenter, a mis en
avant un certain nombre de préceptes pour concevoir et
élaborer des jeux d’entreprise multimédia. En
particulier, nous avons mis en évidence :
• des modèles de conception et de structuration d’un
jeu;
• l’utilisation de l’approche multi-agents;
• l’utilisation de la notion de threads, s’exécutant
dans un environnement de simulation multitâches,
et la résolution des problèmes liés à la
synchronisation des agents actifs du SMA ;
• la possibilité de mise en œuvre d’instruments
d’évaluation et de mesure de la qualité des produits
(contenant interactif multimédia et contenu
pédagogique).
L’illustration apportée par un jeu particulier (ici le jeu
de la maintenance) ne doit pas faire oublier le souci de
généricité de notre approche pour le développement de
jeux de la même classe (parcours à événements) mettant
des équipes d’apprenants en situation de coopération ou
de concurrence.
Références
Akkouche I., Prévôt P. 1998. Conception et génération
de jeux d’entreprise. NTICF’98, INSA de Rouen,
France.
Akkouche I. 1996. Téléenseignement : formation
professionnelle à distance et formation coopérante.
Thèse de doctorat présentée à l’INSA de Lyon, 223 p.
CIPE Centre International de la pédagogie d’entreprise
1990. Guide de l’animateur du jeu de la maintenance.
Crampes M. 1998. L’acte d’apprentissage au cœur de la
simulation. NTICF’98, INSA de Rouen, France.
Drogoul A. & Ferber J. 1994. Multi-Agent Simulation
as a tool for modeling societies : Application to social
differenciation in ant colonies. Artificial social systems,
vol. 830.
Ferber J. 1995. Les systèmes multi-agents, vers une
intelligence collective. InterEditions, Paris.
Guide Edilude 1998. Une sélection des meilleurs jeux
de formation pour l’entreprise, l’insertion et la vie
sociale. Paris, Les éditions d’organisation.
Hermann N. 1982. The creative brain. NASSP- Bulletin.
Prévôt P. & Akkouche I. 1997. Les Nouvelles
Technologies Educatives et leurs usages. In
Connaissances et savoir-faire en entreprise : intégration
et capitalisation. Edition Hermès, 343-380.
Savall M. & Pécuchet J.P. 1998. ANTIC- un projet de
simulation d’exercices d’état-major pour la formation
sur réseau des officiers de la sécurité civile. NTICF’98,
INSA de Rouen, France.