CP_35 - Les reglages 1ere partie
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CP_35 - Les reglages 1ere partie
Les Réglages ! Quel vaste sujet !! Pour ne pas s'y perdre, il est important de ne pas chercher à avoir de solutions simplistes ou encore de recettes. Un bon réglage dans un contexte donné pourrait être désastreux dans un autre contexte, même si en apparence le contexte est fort peu différent. Sortir des phrases du genre, si je reprends du "truc" le bateau fera un meilleur cap ou ira plus vite ... sans préciser quel est le type du bateau, son allure, la force du vent, l'état de la mer, ... est le meilleur moyen de se tromper et de rendre interminables les discussions de comptoir sur le sujet. Lorsqu'on réfléchit à un réglage, il est important d'être méthodique. Il ne faut pas passer du bout sur lequel on tire au comportement attendu sans avoir décortiqué chaque étape du processus d'un bon réglage. Passer de l'étape 1 à l'étape 5 (voir ci-contre) sans passer par les étapes intermédiaires donne des réglages qui de temps en temps fonctionnent, le plus souvent ne fonctionnent pas, sans vraiment que l’on en comprenne le pourquoi ... et surtout à d'interminables discussions car tout le monde a un avis différent sans se rendre compte qu'on ne parle pas de la même chose !! Dans ce cahier pratique nous allons commencer par la fin .... par les étapes 4, puis 5. Quelles sont les tensions sur les voiles, comment les voiles se déforment-elles en jouant sur les tensions de leurs bords, et finalement quels bouts je tire ou relâche pour avoir les tensions voulues, et donc les formes voulues ? Dans un prochain cahier pratique, nous pourrons nous focaliser sur les autres étapes 1 à 3 : besoins d'un voilier et formes souhaitées des voiles. 1) Quel est le besoin du voilier actuellement ? Plus de vitesse, plus de cap, plus de tolérance aux aléas du vent, plus de puissance, réduire la gîte, barre trop dure, besoin de plus de confort, ... 2) De là on peut en déduire le type de réglage nécessaire : Prendre un réglage de finesse, prendre un réglage de puissance, trouver un meilleur compromis entre la puissance et la finesse, prendre un réglage de sous-puissance, ou alors un réglage tolérant par rapport aux variations du vent 3) Une fois défini le type de réglage nécessaire on en déduit quelle forme les voiles doivent avoir : voiles plus ou moins bordées, plus ou moins creuses, creux plus ou moins avancé, forme du bord d'attaque, voiles plus ou moins vrillées, ... sans oublier le mariage des voiles entre elles. 4) Une fois les formes des voiles définies, on en déduit quelles tensions on doit donner sur leur guidant, bordure et chute. 5) Une fois que l'on sait où donner de la tension dans les voiles, et seulement là, on peut commencer à parler sur quels bouts on tire, et quels bouts on relâche. Quelles sont les tensions sur les voiles, comment les voiles se déforment-elles en jouant sur les tensions de leurs bords ? Si vous regardez de près le grammage et le tissage des voiles, vous devriez observer un quadrillage. Si vous tirez dans le sens du tissage, la voile se déforme peu. Par contre, si vous tirez en diagonale la voile se déforme et le tissage prend une forme de losange plus ou moins étirée dans le sens de la tension. Les bordures des voiles subissent peu de tension, et les guindants des voiles sont tenus par le mât/l'étai. Seule la chute n'est pas tenue, alors qu'elle subit beaucoup de tension. Comme les voiles se déforment peu lorsque l'on tire dans le sens de leur tissage, la seule solution pour ne pas avoir une voile qui se déforme trop au moindre souffle de vent est de présenter le tissage de la voile dans l'axe (et perpendiculairement) à la chute des voiles. C'est pourquoi toutes les laizes des voiles ne sont pas horizontales, mais en oblique, perpendiculaires à la chute, afin que cette dernière ne se déforme pas. Il en découle que le tissage de la voile arrive en oblique au niveau du mat/de l'étai et se déforme facilement sous l'action du vent, mais nous avons le réglage du cintre du mat/de l'étai ainsi que des drisses et du cunningham pour équilibrer tout ça. Les tensions dues au vent sur une voile sont : - en tête de voile : les tensions sont presque verticales. - à mi-hauteur de voile : les tensions basculent progressivement vers l'horizontale. - en bas de voile : les tensions s'orientent vers le point d'amure et le point d'écoute. De cela on en déduit : Moins de tension de Bordure : Creuse la voile, surtout vers le bas et l'arrière de la voile (et cela d'autant plus que la chute est tendue) Plus de tension de Bordure : Aplatit la voile, en particulier en bas, et recentre le creux de la voile (et cela d'autant plus que la chute est relâchée) Moins de tension de Chute : • Vrille la voile (peut aller jusqu'au dévers), et cela d'autant plus que la voile a un grand rond de chute. • Aplatit la voile dans son ensemble, en particulier en haut, le volume reste localisé en bas au niveau de la bordure. Plus de tension de Chute : • Les profils de la voile tendent à avoir la même incidence sur toute la hauteur de la voile (l'inverse du vrillage), avec si trop accentué, risque de fermer la chute. • Répartit le creux, donné par la bordure, dans l'ensemble de la voile. Si le creux de bordure est faible, on aura beau tendre la chute, le creux global de la voile sera faible. Tension de guindant et flexion mat/étai : Lorsque le vent agit sur la voile, celle-ci se déforme : le creux de la voile recule, ce qui est rarement souhaité. Il faut donc rééquilibrer avec la drisse ou le cunningham. Ainsi, contrairement à ce qui est souvent dit, reprendre de la drisse/cunningham ne réduit pas et n'avance pas le creux, mais empêche le creux de s'accentuer et de reculer sous l'action du vent. Drisse Vent Cunningham Si l'action du vent sur la voile se fait moins sentir (moins de vent, ou passage de l'écoulement laminaire à l'écoulement turbulent), le tissu de la voile n'est plus tiré par le vent, tandis que les tensions le long du guindant restent constantes. Cela déforme le tissage de la voile en créant un losange vertical qui, si les tensions Drisse sont fortes, se voit sous forme de pli verticaux dans la voile. La solution consiste à relâcher la tension le long du guindant pour Cintre rééquilibrer. du mat Lorsqu'on cintre le mat, (même principe si on raidit l'étai), la voile se déforme : le creux de la voile avance et se réduit, cette fois réellement. Pour rééquilibrer les tensions dans le tissu, il faut reprendre de la drisse/cunningham. Cunningham Ainsi : Moins de tension de guidant : Le creux de la voile s'accentue, en particulier en bas de la voile, et recule. Plus de tension de guidant : • Le creux de la voile est bloqué en position et en intensité (le creux n'avance pas ni n'est réduit !!) • Si la tension de guindant est trop forte, le tissage de la voile se transforme en losange vertical et crée un bord d'attaque rond (si encore plus de tension, on voit apparaître des plis verticaux sur le guindant). • Si la tension du guindant est donnée par la drisse, la tête de la voile monte, on tire donc en même temps sur la chute ce qui creuse la voile en particulier en tête de voile (d'où l'intérêt de régler la tension de guindant par le Cunningham si on ne veut pas toucher à la tension de chute). Plus de cintrage du mat/tension de l'étai (à équilibrer par une tension le long du guindant) : • Le creux est réduit et avance (réellement), la voile s'aplatit en particulier le long du guindant. • Plus la tête de mat fléchit, plus la tension de chute de la grand-voile est faible : la voile s'aplatit et vrille, voire déverse. • Sur les gréements en tête : o le cintre du mât est régulier. o l'étai est directement tendu par le pataras. • Sur les gréements fractionnés : o le cintre du mât et très fort au-dessus du capelage de l'étai, puis est régulier sur le reste du mât. Le cintre de la partie médiane du mât est contrôlé par les basses-bastaques si elles existent. o l'étai est un peu tendu pas le pataras mais est directement tendu par les bastaques si elles existent. Quels bouts je tire ou relâche pour avoir les tensions voulues, et donc les formes voulues ? Pour la grand-voile : • • • • • • • • • Drisse : o Augmente/Diminue la tension de guindant. o Augmente/Diminue la tension de chute. Cunningham : o Augmente/Diminue la tension de guindant. o Si le mât est très souple (dériveur/cata) augmente/diminue le cintre du mât et diminue/augmente la tension du chute. Bosse d'empointure : Augmente/Diminue la tension de bordure. Ecoute : o Si l'angle de tire du palan d'écoute est inférieur à 45° : une modification de la tension de l'écoute modifie plus sensiblement la voile selon l'axe vertical que selon l'axe horizontal, on tend/mollit la chute bien avant d'augmenter/diminuer le braquage de la grand-voile. o Si l'angle de tire du palan d'écoute est supérieur à 45° : c'est l'inverse. o Augmente/Diminue la tension de l'étai par cintrage du mât, particulièrement sur les gréements en tête. Chariot : si le chariot est remonté au vent/descendu sous le vent c'est l'ensemble de la voile qui est bordé/relâché sans que la forme de la voile ne soit modifiée. Ensemble Ecoute/Chariot : si le chariot est remonté au vent/descendu sous le vent et que simultanément on règle l'écoute de telle manière que la bôme ne bouge pas latéralement, on mollit/tend la chute de la grand-voile. Halebas : Augmente/Diminue la tension de chute. Si la bôme est souple et la bordure libre : creuse/aplatit la bordure. Pataras : o Gréement en-tête : cintre/raidit le mat : Tend/relâche la tension horizontale vers le mat sur le guidant de la voile. Diminue/Augmente la tension de chute. Tend/relâche l'étai. o Gréement fractionné : cintre le mat, en particulier au dessus du capelage de l'étai : Tend/relâche la tension horizontale vers le mat sur le guindant de la voile. Diminue/Augmente beaucoup la tension de chute. Basses-bastaques (gréement fractionné uniquement) : Diminue/Augmente le cintre du mat à mihauteur : Relâche/tend la tension horizontale vers le mat sur le guindant de la voile. Par ailleurs, quand la grand-voile est établie en cours de navigation : - Si une partie du bord d'attaque semble venir au vent : soit le dévers du mat est trop prononcé en cet endroit (haubans trop relâchés). ou soit la voile y manque de rond de guindant. - Si une poche ou un léger frémissement de la matière apparaît : le mat est trop raide à cet endroit (haubans trop tendus) ou la voile y a trop de rond de guidant. Une voile creuse de moule tend à solliciter la tension de chute et donc à cintrer le mât particulièrement vers le haut. Pour le foc : • • • • • • Drisse : même principe que pour la grand-voile si ce n'est que puisque sous l'action de la force vélique, l'étai se courbe vers l'arrière, et aussi sous le vent, l'action de l'étai ne conduit pas à des tensions horizontales aussi importantes que le mât La drisse du foc n'a pas besoin d'être reprise autant que celle de la grand-voile pour ré-équiliber les efforts dans la voile. Ecoute : o Si l'angle de tire de l'écoute (par rapport au pont) est supérieur à 45° : une modification de la tension de l'écoute modifie plus sensiblement la voile selon l'axe vertical que selon l'axe horizontal, on tend/mollit la chute bien avant de tendre/mollir la bordure et d'augmenter/diminuer le braquage du foc. o Si l'angle de tire de l'écoute (par rapport au pont) est inférieur à 45° : c'est l'inverse. Chariot : si avancé/reculé : o Augmente/Diminue la tension de chute. o Diminue/Augmente la tension de bordure. o Choque/Borde la voile en particulier la partie basse. Ensemble Ecoute/Chariot : si le chariot est avancé /reculé et que simultanément on règle l'écoute de telle manière que le point d'écoute ne bouge pas latéralement : o Augmente/diminue la tension de chute. o Diminue/Augmente la tension de bordure. Pataras : gréement en-tête : Tend/relâche l'étai. Bastaques : gréement fractionné : Tend/relâche l'étai. Par ailleurs, en se courbant vers l'arrière, et sous le vent, l'étai bascule le calage des profils intermédiaires (surtout vers le tiers bas et le milieu, là où les tensions sont proches de la perpendiculaire à l'étai). Pour compenser, il faut ouvrir la chute en proportion. Les surtensions dans la matière à l'avant de la voile favorisent l'ouverture de la chute surtout pour le foc qui ne porte pas de lattes comme la grand-voile. Pour le spi : • • • • • • • Drisse : même principe que pour le foc, si ce n'est que puisque sous l'action de la force vélique, le guidant non tenu se courbe encore plus que pour le foc vers l'arrière, et aussi sous le vent La drisse du spi n'a pas besoin d'être reprise autant que celle de la grand-voile et du foc pour rééquilibrer les efforts dans la voile. Tangon (mouvements horizontaux) : si brassé/choqué : o Diminue/Augmente l'angle d'incidence vent-voile. o Tend/Relâche la bordure. Tangon (mouvements verticaux) : si monté/descendu (balancine et hale bas de spi) : o Diminue/Augmente la tension dans le guidant du spi, et donc affine/creuse* le spi. * : le guidant du spi est complètement libre, il se règle donc comme une chute !! Ecoute : même principe que le foc. Barbers : même principe que le chariot du foc. Ensemble Ecoute/Barbers : même principe que l'écoute/chariot du foc. Pataras/bastaques (en fonction du capelage du spi) : Même principe que pour la drisse. Par ailleurs, relâcher la bordure donne plus de volume vers le bas du spi et favorise le développement du spi en tête si les lisières sont relâchées. Si les tensions sur les lisières latérales sont suffisantes, cela creuse l'ensemble de la voile. A l'inverse, tendre la bordure aplatit le bas de la voile et favorise le devers d'une chute détendue. Si les lisières latérales sont relâchées l'ensemble de la voile est aplati et vrillé. Nous savons maintenant quelles sont les conséquences des actions du gréement courant sur la forme des voiles. Dans le prochain cahier pratique nous examinerons quels sont les besoins du voilier et les types de réglages associés et finalement quelles sont les formes de voiles associées aux types de réglage souhaités. Il suffira alors de lier ces deux cahiers pratiques pour avoir un apercu d'une méthode pour optimiser les réglages. Dans ce deuxieme cahier pratique, un exemple sera pris sur le réglage du chariot-écoute de grand-voile, réglage qui prête souvent à beaucoup de discussion animée. Vincent Herault