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J’aime, j’en parle : Denis Rouvre
Denis Rouvre est né en 1967 à Épinay-sur-Seine. Il vit et travaille à
Paris. Portraitiste reconnu il publie ses clichés dans la presse
internationale. Outre ses séries de portraits de personnages
célèbres, j’ai choisi de vous parler de son travail à travers 4 projets
que je vous présente dans un ordre non chronologique. Les
dernières séries de Denis sont exposées en France et à l’étranger.
Son travail sur les rescapés du tsunami au Japon par exemple, a été
publié dans le New-York Times Magazine et lui a valu un 3ème Prix
World Press Photo 2012 « Portraits isolés ». Pour sa série
« Lamb » il a reçu le 2ème prix World Press Photo 2010, pour sa
série « After meeting » il reçoit le 2ème prix SONY World
Photography Award 2011 et un Hasselblad Masters en 2012. Il a
aussi publié plusieurs livres, dont « Sortie de match », des portraits
de rugbymans aux Editions de la Martinière. Sont également sortis
en novembre 2012 deux nouveaux livres chez Somogy Editions
d’art, « Low tide », sur les rescapés du tsunami au Japon de mars
2011 et « Lamb », un livre de portraits sur les lutteurs sénégalais.
Je n’oublie pas non plus cet excellent travail intitulé « Automaton »,
avec à la base une idée simple mais géniale, celle de proposer à des
stars du cinéma une expérience inédite. Chacun devait déclencher
Automaton - Marion Cotillard
lui-même une série d’autoportraits avec au total douze vues
imposées en moins de 3 minutes dans une lumière, un décor et un
format identique.
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Automaton - Benoit Poelvorde
Automaton - Maïwenn
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Portrait - Lambert Wilson
Portrait - Claire Keim
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Le tsunami au Japon :
Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9
survenait au large des côtes de l’île de Honshu au Japon. Le tsunami
qui s’ensuivit dévasta près de 600 kilomètres de côtes de la région
de Tohoku, faisant 21 000 victimes et disparus en détruisant
totalement ou partiellement de nombreuses villes et zones
portuaires. La catastrophe naturelle enclencha une série d’accidents
majeurs dans les centrales nucléaires de Fukushima. Le jour même,
environ deux cent quinze mille personnes habitant au plus près de la
zone sinistrée furent évacuées puis, par centaines de milliers, celles
résidant dans un rayon de trente kilomètres durent également
partir. Son travail sur « Low tide » est né de ses interrogations sur
l’aptitude d’un pays riche, organisé et structuré devant faire face à
une catastrophe d’une ampleur colossale. Il avait du mal à imaginer
cela, pour s’en rendre compte par lui-même il a fait deux voyages au
Japon, l'un en novembre 2011 et l'autre en février 2012. Lors de son
premier séjour il fait du repérage et du portrait, sa spécialité. Puis
lors du second déplacement, il prend curieusement beaucoup de
paysages.
Low tide - Tamiko Sato
En fait sa démarche il l’explique très bien dans un entretien accordé à Claire Barbuti pour le site Actuphoto : « J'ai commencé à parcourir les
côtes dévastées en voiture. Très vite, l'évidence m'est apparue qu'il fallait que j'enregistre tout ça, tout ce désastre. J'ai alors commencé à
prendre des paysages en photo, sans vraiment savoir ce que je faisais. Face à ces maisons dévastées, j'ai commencé à me poser des
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Low tide - Takashi Momose
Low tide - Haramachi
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Low tide - Kesennuma
Low tide - Junko Sasaki
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questions sur la population. Je suis alors parti à la recherche de ces rescapés. Je les ai trouvés dans des maisons provisoires, où ils avaient
été totalement relogés. Je demandais à les rencontrer pour qu'ils témoignent, puis je faisais un portrait d'eux avec mon Hasselblad. En fait,
je m'installais dans la maison du chef des différents villages, je montais un studio, puis j'allais frapper à chaque porte des maisons
provisoires en compagnie de mon assistant photo et de mon interprète. »
Il est allé dans les quartiers de logements temporaires les « kasetsu
jūtaku », construits afin de reloger les sans-abris. Ce sont des
maisons préfabriquées, organisées en petits villages et situées en
retrait de la côte. Leurs occupants, surtout des personnes âgées,
tentent d’y subsister. La plupart ont tout perdu, famille, amis,
maison, animaux, et souvent jusqu'au moindre souvenir propre à
forger une histoire personnelle. Leur vie a basculé en quelques
secondes. Denis s’évertue à rencontrer ces japonais frappés par ce
malheur, peu acceptent de parler avec lui et encore moins de se
faire photographier, une crainte culturelle au Japon. Pour ceux qui
relèvent
l’invitation,
il
les
photographie
dans
un
contexte
volontairement dépouillé comme pour rappeler ce qu’ils ont vécu,
tout perdre et recommencer une vie sans repère et sans souvenir
matériel. Au total il va faire 110 tirages de cette rencontre nippone.
Denis concède qu’il y a un côté documentaire dans son approche
mais précise que ce n'est pas la vocation première de sa démarche.
Son travail n'est pas photo journalistique, il voulait vraiment
aborder un même sujet avec 3 contraintes : le
Low tide - Katsuyoshi Hayasaka
témoignage et le paysage.
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portrait, le
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Les sumos :
La transition est toute trouvée pour vous parler d’un autre
reportage entrepris au Japon sur les sumos. Sujet compliqué encore
une fois, car dans ce pays insulaire les sumos sont des demi-dieux
difficiles d’approche. Intéressé par le dépassement de l'homme dans
l'adversité et par l'esthétique qui s'y associe les sumos avaient pour
lui un côté féminin qui l’attirait dans cette dualité avec leur virilité.
Pour approcher ses sujets il a mis deux ans et lors de son reportage
sur le chaos au Japon, il a fait d’une pierre deux coups : « Lorsque
je suis parti pour faire les clichés de l'exposition « Low tide », je
suis parvenu parallèlement à entrer dans un club de lycée japonais.
J'ai fait les photos, je les ai tout de suite envoyées à l'entraîneur.
Après cela, j'ai pu faire 3-4 clubs de sumo, cooptés par le premier.
Mais je ressens vraiment le besoin d'y retourner pour compléter. »
Loin de toute visée documentaire ou photo journalistique, le travail
de Denis Rouvre mise sur l’instant de la rencontre. En éliminant
toute anecdote, en resserrant son cadrage sur le visage et le haut
du corps, en faisant poser ses modèles devant un fond sombre et en
choisissant une lumière contrastée, l’artiste peut mieux se
concentrer sur leurs expressions et sur les traces du combat qui
vient de se passer.
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Sumo
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Sumo
Sumo
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Lamb 2009 - Lutte sénégalaise
Lamb 2009 - Lutte sénégalaise
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Les lutteurs sénégalais :
Des combattants dans l’ombre qui rêvent de lumière ! Voilà la mise
en scène au niveau composition pour cette série intitulée « Lamb »,
qui signifie lutte en wolof. Au Sénégal, 77 grosses écuries
pratiquent quotidiennement ce sport unique qui est un mélange de
lutte classique et de boxe sans gant, car on peut frapper son
adversaire. Les portraits de ces athlètes sont à peine visibles dans
l’obscurité mais révèlent cependant beauté, dureté, sagesse et
détermination. Ces combattants sont accompagnés de leurs grisgris, en effet, les marabouts préparent avec eux les rituels
obligatoires d’avant match. Il faut impérativement se donner toutes
les chances d’être invincible, car les coups et les prises n’atteignent
pas celui qui est préparé et aidé par le meilleur marabout !
C’est cette culture que nous impose les portraits sombres mais
lumineux de Denis, c’est les yeux dans les yeux qu’il nous révèle la
force de ces hommes qui luttent dans les salles obscures ou sur les
plages de la périphérie de Dakar. Ici la lutte est une religion, on est
soit lutteur, soit footballeur mais en aucun cas on peut ne pas
Lamb 2009 - Lutte sénégalaise
pratiquer l’un de ces deux sports. Et la lutte prend peu à peu le pas
sur le foot car la lutte peut octroyer une richesse et une réputation
inégalable, on peut être porté au rang de dieu vivant en devenant un grand champion ! « Leurs regards disent qu’ils sont déjà des lions et
sauteront à la gorge de ceux qu’ils trouveront sur le sable de l’arène… »
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Lamb 2009 - Lutte sénégalaise
Lamb 2009 - Lutte sénégalaise
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Sortie de match - Michel Dieudé
Sortie de match - Thierry Dusautoir
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Sortie de match :
Synopsis de print.photographie.com : « Loin de l’esthétique
travaillée
et
finalement
trompeuse
des
photographies
que
présentent certains calendriers, le monde de l’Ovalie montre enfin
une image pudique, digne et surtout sportive ! Pendant un an, Denis
Rouvre a sillonné la France, couvert un maximum de rencontres du
Top 14 jusqu’à la finale. Match après match, il a eu accès aux
vestiaires et en rapporte un reportage brut, car pris sur le vif, mais
sensible. Cadrés à l’identique, en plan très serré les rugbymen de
tous les clubs se sont laissés photographier à leur sortie de match.
Bobos, traces de terre, bandages... ces visages, souriants ou
grimaçants, nous racontent les chocs, l’enjeu, la solidarité. »
Pour conclure, rien de mieux qu’une invitation à découvrir le site de
Denis Rouvre : http://www.rouvre.com/
Squal
Sortie de match - Franck Alazet
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