outils d`analyse de l `evolution des charges de personnel
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Pilotage RH masse salariale Outils d’analyse de l’evolution des charges de personnel Jacques GROLIER Directeur du Master d’Économie et de Gestion des Établissements Sanitaires et Sociaux – Université de Rennes 1 Conférencier à l’École des Hautes Études en Santé Publique Les charges de personnel représentent de loin la part la plus importante des charges des établissements de santé. C’est pourquoi une bonne compréhension de l’évolution de ces dépenses est nécessaire afin d’en favoriser la prévision, la gestion et la maîtrise. L’étude qui est proposée ici porte sur l’analyse de l’évolution de la masse des charges de personnel (partie 1), sur la décomposition du salaire moyen (partie 2) ainsi que sur la structure par catégories de salariés (partie 3). La périodicité de ces études doit être mensuelle. La taille de cette présentation conduit à proposer la partie 1 dans le numéro de janvier, les parties 2 et 3 étant présentées dans le numéro de février de cette même revue. 1- LE SUIVI DE L’ÉVOLUTION DE LA MASSE SALARIALE L’évolution globale de la masse salariale peut être estimée en niveau (glissement) ou en masse (moyenne). Cette évolution résulte d’un effet report et d’un effet courant qu’il convient de bien distinguer dans la mesure où ces concepts jouent sur les marges de manœuvre disponibles. 1.1 L’évolution en niveau (ou glissement) L’évolution en niveau (pour un individu ou un groupe d’individus) est estimée en comparant les salaires de deux mois donnés. Ainsi, on peut comparer le salaire de décembre de l’exercice n au salaire de décembre de l’exercice n – 1 et on a, en évolution dite « instantanée », en notant le salaire du mois de rang k pour l’année n : Effet niveau = S12/n S12/n−1 JANVIER 2011 Santé Application 1.1. Un agent a vu son salaire passer de 1 050 € en décembre n – 1 à 1 155 € en décembre n. L’augmentation du salaire en niveau ou en glissement correspond à : Effet niveau = S12/ n 1155 = = 1,1000 S12/ n−1 1 050 Ce salaire a donc été multiplié par 1,10, c’est-à-dire qu’il a augmenté en niveau de 10 % entre le mois de décembre de l’année n – 1 et le mois de décembre de l’année n1. On comprend que cette information peut en fait correspondre à des situations très différentes, tant pour le salarié que pour l’employeur, selon que l’augmentation de 10 % aura eu lieu au mois de janvier ou au mois de décembre de l’année n. En effet : -- constatée dès janvier de l’année n, l’augmentation en niveau de 10 % correspond à une masse salariale de 12 fois 1 155 €, soit 13 860 € ; (1) On rappelle qu’une évolution peut être exprimée de deux façons différentes : sous forme de coefficient multiplicateur (ici × 1,10 ) ou bien sous forme de taux (+ 10%). Il est équivalent de dire que le salaire a été multiplié par 1,10 ou bien qu’il a augmenté de 10%. Le coefficient multiplicateur (noté cm) est obtenu en ajoutant 1 au taux (cm = 1 + taux) et le taux est obtenu symétriquement en ôtant 1 au coefficient multiplicateur (taux = cm – 1). 1 Pilotage RH masse salariale -- constatée seulement en décembre de l’année n, la même augmentation de 10 % en niveau conduit à une masse salariale annuelle égale à, soit 12 705 €. Une évolution identique en glissement peut donc correspondre à des situations différentes sur le salaire annuel global ( 13 860 = 1, 0909 soit + 9,09 % dans 12 705 notre exemple). Il semble dès lors plus pertinent, tant pour l’agent que pour l’institution, de raisonner en termes de masses. Application 1.2. On a vu, dans l’application 1.1., que le salaire de l’agent était passé de 1 050 € à 1 155 € en un an, et donc qu’il avait augmenté en glissement de 10 % de décembre à décembre. On nous précise maintenant que l’augmentation correspondante de 10 % a eu lieu en juin de l’année n. On précise d’autre part qu’au titre de l’exercice n – 1 une augmentation de 5 % avait été accordée en septembre, faisant à l’époque passer le salaire de 1 000 € à 1 050 €. La masse salariale au titre de n – 1 a donc été de 8 × 1000 + 4 × 1050 soit 12 200 €, c’est-à-dire, en moyenne mensuelle, de 12 200 = 1 016,67 €. 12 (2)L’utilisation de la lettre grecque ∑ permet de synthétiser l’écriture d’additions. 12 ∑S Ainsi, k=1 k,n lue « somme pour k variant de 1 jusqu’à 12 des S k,n » est égale à S1,n + S 2,n + S 3,n + ... + S11,n + S12,n ce qui signifie qu’on additionne les 12 salaires mensuels de l’année n. 1.2. L’évolution en masse (ou moyenne) L’évolution en masse (pour un individu ou un groupe d’individus) est estimée en comparant les masses salariales annuelles pour deux années données. La mesure de l’effet « masse » conduit à comparer la masse salariale annuelle de l’exercice n à la masse salariale de l’exercice n – 1. Cette mesure revient à comparer les salaires moyens mensuels. On a en effet, en notant Sn le salaire moyen mensuel de l’année n(2) : 12 12 ∑ Sk /n ∑ Sk /n k=1 Sommedes12 salaires de l′annéenn S 12 = k=1 = = n 12 Sommedes12 salaires de l′annéen− 1 12 S n−1 n-1 ∑ Sk /n−1 ∑ Sk /n−1 k=1 k=1 12 La comparaison des masses salariales des années n et n – 1 revenant à comparer les salaires moyens de ces deux exercices, on peut donc écrire : 12 Effet masse = 2 ∑ Sk /n S k=1 = n 12 S n−1 ∑ Sk /n−1 k=1 De la même façon, la masse salariale de l’exercice n s’est élevée à 5× 1 050 + 7 × 1155 soit 13 335 € (ou encore 1 111,25 € en moyenne). L’effet masse est donc estimé par : Effet masse = 12 ∑ Sk /n 13 335 1111, 25 S k=1 = n = = = 1, 0930 12 S n−1 12 200 1 016, 67 ∑ Sk /n−1 k=1 L’évolution du salaire de l’agent étudié a donc correspondu à + 9,30 % en masse annuelle entre l’exercice n – 1 et l’exercice n. Le salaire mensuel de l’agent a donc augmenté de 10,00 % de décembre n – 1 à décembre n (variation en niveau), mais son revenu annuel n’a augmenté que de 9,30 % de l’année n – 1 à l’année n (variation en masse). 1.3. L’effet report Les décisions d’augmentation de salaires prises au cours d’un exercice ont un effet sur les charges de personnel de l’exercice, mais aussi sur celles de l’exercice suivant. L’effet report de l’exercice n – 1 sur Santé JANVIER 2011 L a l e t t r e d e s r e ss o urc e s hum a i n e s d a n s l e s é t a b l i ss e m e n t s s a n i t a i r e s , s o c i a u x e t méd i c o - s o c i a u x Pilotage RH l’exercice n (noté ER n−1/ n ) permet de mettre en évidence l’impact des augmentations observées au cours de l’exercice n – 1 (augmentations de salaires ou embauches) sur la masse salariale de l’exercice n. Dans l’hypothèse où aucune augmentation de salaires ne serait observée au cours de l’exercice n, la masse salariale de cet exercice serait égale à 12 fois le salaire de décembre n – 1. L’évolution de la masse salariale de l’exercice n résultant de mesures prises au cours de l’exercice n – 1 peut dès lors être calculée en rapportant 12 fois le salaire de décembre n – 1 (masse salariale théorique de l’exercice n sous l’hypothèse d’une absence de mesures prises au cours de l’année n) à la masse salariale de l’exercice n – 1. L’estimation de l’effet report de l’exercice n – 1 sur l’exercice n s’effectue donc selon le calcul suivant : ER n−1/n = 12 × S12/n−1 12 ∑ Sk /n−1 k=1 Dans la mesure où le salaire moyen d’une année est obtenu en divisant par 12 la somme des 12 salaires mensuels observés, on a : 12 ∑ Sk /n−1 S n−1 = k=1 12 La masse salariale de l’exercice n – 1 est donc égale à 12 fois le salaire moyen, soit : 12 ∑ Sk /n−1 = 12 × Sn−1 k=1 Rapportant 12 fois le salaire de décembre n – 1 à la masse salariale de l’exercice n – 1, l’effet report de l’exercice n – 1 sur l’exercice n peut donc aussi être calculé en rapportant le salaire de décembre n – 1 au salaire moyen mensuel de l’exercice n – 1. On a en effet : JANVIER 2011 Santé ER n−1/n = 12 × S12/n−1 12 ∑ Sk /n−1 = 12 × S12/n−1 S12/n−1 = 12 × S n−1 S n−1 k=1 L’effet report de n – 1 sur n estime donc bien l’augmentation mécanique des charges de personnel constatées au cours de l’exercice n du fait de mesures prises au cours de l’exercice n – 1. Il convient de noter qu’une augmentation au 1er janvier impacte immédiatement l’exercice et donc ne génèrera aucun effet report sur l’année suivante. Une augmentation constatée au mois k de l’année n – 1 va impacter le mois de rang k et les mois suivants jusqu’à décembre (soit 12 – k + 1 mois) en n – 1 et du mois de janvier au mois précédant le mois de rang k (soit k – 1 mois) au titre de l’exercice n. Ainsi, par exemple, une augmentation réalisée en mai n – 1 aura un effet sur 8 mois de l’exercice n – 1 (mai à décembre) et sur 4 mois de l’exercice n (janvier à avril). Application 1.3.1. Concernant le cas de l’agent que nous étudions depuis le début de notre présentation, l’effet report est de : S 1 050, 00 ER n−1/n = 12/n−1 = = 1, 0328 S n−1 1 016, 67 L’augmentation de 5 % constatée au cours du mois de septembre n – 1 va donc être à l’origine d’une augmentation mécanique de 3,28 % de la masse de charges de personnel de l’exercice n par rapport à celles de l’exercice n – 1. Ce résultat est très important car, si on considère qu’il est possible d’augmenter la masse salariale de l’agent de 5 % en n par rapport à n – 1, l’augmentation envisageable de la masse au titre de l’exercice n ne devra pas dépasser 1, 05 − 1 soit 1,67 %. 1, 0328 Ce constat, trop souvent oublié, est détaillé ci-après. 3 Pilotage RH masse salariale Traduisant l’impact de mesures prises au cours de l’exercice n – 1 sur les charges de personnel de l’exercice n, l’effet report contribue donc à limiter en masse les marges de négociation pour l’exercice n. En revanche, l’effet report implique que l’augmentation constatée au cours d’un exercice pourra être d’autant plus importante en niveau qu’elle sera tardive. Mais, souvenonsnous qu’elle génèrera d’autant plus d’effet report sur l’exercice n + 1 qu’elle aura été tardive. Il est dès lors possible d’estimer l’augmentation en niveau négociable en fonction du mois de prise d’effet de l’augmentation, une fois connus les effets report et masse, et de mesurer l’effet report qui en résulte sur l’exercice n + 1. Application 1.3.2. Comme on vient de le calculer plus haut, l’établissement dans lequel se trouve l’agent a donc accordé une augmentation de salaire à ses employés de 5 % en septembre n – 1, ce qui génère un effet report de 3,28 % sur l’exercice n et permet d’envisager une augmentation de 1,67 % au titre de l’exercice n du fait de la volonté de limiter l’évolution de la masse salariale à 5 %. Cette augmentation en masse de 1,67 % au titre de l’exercice n pourra correspondre aux augmentations en niveau suivantes selon les mois de leur prise d’effet (colonne 3) conduisant aux effets reports sur l’exercice n + 1 calculés en regard (colonne 4) : Augmentation à partir du mois de... (1) Effet report n sur n+1 Mars n 1,67 % 12/12 1,67 % 12/11 1,67 % 12/10 1,67 % 1,82 % 2,00 % (4) 0,00 % 0,15 % 0,33 % ... ... ... ... Novembre n 1,67 % 12/2 1,67 % 12/1 10,00 % 20,00 % 8,20 % 18,03 % janvier n Février n Decembre n 4 Calcul (2) Augmentation en niveau exercice n (3) Si la même augmentation en masse de 5 % résulte des différentes augmentations en niveau décrites dans la colonne (3) du tableau ci-dessus, l’effet report correspondant sur l’exercice n + 1 présenté colonne (4) sera bien évidemment de plus en plus élevé jusqu’à devenir insoutenable, passant de 0,00 % (augmentation constatée en janvier n) à 18,03 % (augmentation en décembre de la même année). On le voit, ces résultats doivent être estimés au mieux afin de réaliser de bonnes anticipations de l’évolution des charges de personnel qui vont résulter des mesures prises tant sur l’exercice en cours que sur les exercices suivants. Notons enfin que, dans certains cas, l’effet de report peut être négatif : on parle alors d’effet de déport. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’une prime exceptionnelle est accordée en n – 1 ou encore lorsque des agents ne sont pas remplacés. L’effet de déport existe à partir du moment où le salaire de décembre est inférieur au salaire moyen de l’année. 1.4. L’effet courant L’effet courant permet d’estimer l’augmentation de la masse salariale d’une année résultant de mesures prises au cours de l’année même. On vient de le voir, sans augmentation au cours de l’année n, la masse salariale va être égale à 12 fois le salaire de décembre n – 1. L’effet courant de l’exercice n (noté EC n ) compare donc la masse salariale effective de l’année n à ce qu’elle aurait été sans augmentation, c’est-à-dire 12 fois le salaire de décembre n – 1. En tenant le même raisonnement que celui qui vient d’être présenté, cela revient à comparer le salaire moyen de l’exercice n au salaire de décembre n – 1. L’effet courant est donc égal à : 12 ∑ Sk /n EC n = k=1 12 × S12/n−1 Santé = 12 × S n Sn = 12 × S12,n−1 S 12/n−1 /n-1 JANVIER 2011 L a l e t t r e d e s r e ss o urc e s hum a i n e s d a n s l e s é t a b l i ss e m e n t s s a n i t a i r e s , s o c i a u x e t méd i c o - s o c i a u x Pilotage RH L’effet courant sur l’exercice n mesure donc bien l’augmentation de la masse salariale observée au cours de l’exercice n et résultant exclusivement des mesures prises au cours de l’exercice S12/n−1 n. S n Sn ER n−1/n × EC n = S n−1 × S12/n−1 = S n−1 Application 1.4. Reprenant l’exemple précédent, et rappelant que l’augmentation a été en fait de 10 % en juin et que le salaire moyen de l’exercice n a donc été estimé à 1 111,25 € (application 1.2.), l’effet courant de l’exercice n est tel que : EC n = Sn S12/n−1 = 1111, 25 = 1, 0583 1 050, 00 L’augmentation de 10 % constatée en juin de l’année n explique donc l’augmentation de la masse salariale de l’agent à concurrence de + 5,83 % pour l’exercice n. 1.5. Liens entre évolutions en niveau, en masse, effets report et courant On vient de le voir, l’effet report de l’exercice n – 1 sur l’exercice n met en évidence l’augmentation de la masse salariale de l’exercice n liée à des mesures prises au cours de l’exercice n – 1 (1.3.) et l’effet courant de l’exercice n estime quant à lui l’augmentation de la masse salariale de n liée à des mesures prises au cours de l’exercice n (1.4.). Il en résulte en toute logique que la composition des deux effets va mettre en évidence l’évolution totale de la masse salariale, c’est-à-dire l’effet masse. Le produit de l’effet report de n – 1 sur n par l’effet courant de n est effectivement tel que : S Sn S ER n−1/n × EC n = 12/n−1 × = n = 1, 0328× 1, 0583= 1, 0930 = S n−1 S12/n−1 S n−1 = 1, 0328× 1, 0583= 1, 0930 == Effet Masse L’augmentation de la masse salariale de l’agent, estimée à + 9,30 % en n par rapport à n – 1, provient donc de mesures prises au cours de l’exercice n – 1 à concurrence de + 3,28 % et de mesure prises au cours de l’exercice n lui-même à concurrence de + 5,83 %. D’autre part, si on note que l’effet report de l’exercice n sur l’exercice n + 1 est égal à : S ER n /n+1 = 12/n Sn On a alors, en faisant le produit de l’effet courant n par l’effet report de n sur n + 1 : EC n × ER n / n+1 = Sn S S × 12/ n = 12/ n S12/ n−1 Sn S12/ n−1 = Effet Niveau Application 1.5.2. Reprenant le cas étudié, l’effet courant de l’exercice n s’est élevé à 1,0583 et l’effet report de 1155, 00 soit 1,0394. On n sur n + 1 à 1111, 25 a donc : EC n × ER n / n+1 = Sn S S 1155, 00 × 12/ n = 12/ n = 1, 0583× = 1,1000 = S12/ n−1 Sn S12/ n−1 1111, 25 S Sn S ER n−1/n × EC n = 12/n−1 × = n S n−1 S12/n−1 S n−1 Sn S S 1155, 00 EC × ER n / n+1 = × 12/ n = 12/ n = 1, 0583× = 1,1000 = = Effet Niveau = Effetn Masse S12/ n−1 Sn S12/ n−1 1111, 25 Application 1.5.1. Les effets report de n – 1 sur n et courant de n se sont élevés, pour l’agent étudié, respectivement à 1,0328 et 1,0583 (soit + 3,28 % et + 5,83 %). On a bien : JANVIER 2011 Santé 5 Pilotage RH masse salariale De façon synthétique, on voit donc que : -- l’effet masse de l’exercice n par rapport à l’exercice n – 1 est égal à la composition de l’effet report de n – 1 sur n et de l’effet courant de n ; -- l’effet niveau de décembre n par rapport à décembre n – 1 est égal à la composition de l’effet courant de n et de l’effet report de n sur n + 1. Ces enchaînements peuvent être schématisés comme suit : Effet Masse = ER n−1/n × EC n Masse n - 1 Masse n Exercice n - 1 Temps Exercice n 12 n -1 Exercice n +1 12 n Effet Niveau = EC n × ER n /n+1 L’analyse de l’évolution en masse des charges de personnel a fait appel au calcul du salaire moyen. Il convient de s’intéresser à l’analyse de l’évolution de ce salaire moyen, ce qui sera proposé dans une deuxième partie, et à la mise en évidence de l’effet structure dans une troisième partie. Ces parties 2 et 3 seront présentées dans le numéro de février. 6 Santé JANVIER 2011