AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D`APPEL DE PARIS

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D`APPEL DE PARIS
Grosses délivrées
aux parties le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 5 – 3
ARRET DU 03 MARS 2010
Numéro d’inscription au répertoire général : 07/11560
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n˚
02/18081
APPELANTE
S.A.R.L. STOKIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
39 avenue de l’Opéra
75002 PARIS
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie OUAZAN plaidant et intervenant en tant que collaboratrice du Cabinet
JACQUIN-MARUANI), avocat au barreau de PARIS, toque : P 428
INTIMEE
SOCIETE DE L’HOTEL EDOUARD VII prise en la personne de ses représentants légaux
39 avenue de l’Opéra
75002 PARIS
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre BLATTER plaidant pour la SCP BLATTER-RACLET et Associés,
avocat au barreau de PARIS, toque : P 441
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été
débattue le 5 octobre 2009, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame
GABORIAU, Présidente chargée du rapport.
Madame GABORIAU a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame GABORIAU, Présidente
Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller
Madame PORCHER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
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ARRÊT :
-
contradictoire,
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de
Procédure Civile.
signé par Madame GABORIAU, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du
présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement en date du 10 mai 2007, rendu par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué en
ce sens : ayant rejeté la demande d’annulation du rapport d’expertise et considéré que l’éviction
entraîne la perte du fonds fixe à la somme de 246 750 € le montant de l’indemnité d’éviction toutes
causes confondues due par la Société de l’Hôtel Edouard VII outre les frais de licenciement qui seront
payés sur justificatifs, ?fixe le montant de l’indemnité d’occupation dont la Société STOKIE est redevable,
à compter du 1er juillet 2002, à la somme annuelle de 37 200 € outre les charges et taxes prévues au
bail, en déboutant la Société de l’Hôtel Edouard VII de sa demande tendant à l’indexation de cette
indemnité d’occupation, a désigné Monsieur le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris en
qualité de séquestre, condamne la Société de l’Hôtel Edouard VII à payer à la Société STOKIE la somme
de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant le coût de
l’expertise.
Vu l’appel relevé par la Société STOKIE à l’encontre de ce jugement,
Vu les dernières conclusions :
- de l’appelante, déposées au greffe de la Cour, le 9 septembre 2009 auxquelles il est renvoyé pour
plus ample exposé, au terme desquelles la Société STOKIE, poursuivant la réformation de la décision
entreprise en priant, à titre principal, la cour d’annuler le rapport d’expertise et subsidiairement , de
fixer à 622 208 € l’indemnité d’éviction et à 29 440 € hors taxes par an l’indemnité d’occupation avec
un abattement pour précarité de 20%, très subsidiairement, de fixer l’indemnité d’éviction à 605 380
€, sollicitant, en outre, l’allocation d’une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code
de procédure civile.
- de l’intimée, déposées au greffe de la Cour, le 6 août 2009 auxquelles il est renvoyé pour plus ample
exposé, au terme desquelles la Société de l’Hôtel Edouard VII, concluant au rejet de toutes les
prétentions adverses, poursuit la confirmation de la décision entreprise, en ce qu’elle a écarté la
demande de nullité du rapport d’expertise, et formant appel incident pour le surplus, prie la Cour
de :
-
à titre principal s’il est admis que la valeur du droit au bail est nulle, fixer l’indemnité d’éviction à
5 485 €,
subsidiairement fixer l’indemnité d’éviction à 28 011€ dans l’hypothèse où serait admis que
le transfert du fonds de commerce est possible et que le loyer du bail, s’il avait été renouvelé,
aurait été fixé à la valeur locative,
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❏à titre plus subsidiaire, fixer le montant de l’indemnité d’éviction globale à 54 785 € dans
l’hypothèse contraire, estimée selon la méthode de la rentabilité,
❏ à titre infiniment plus subsidiaire, fixer celle-ci à 139 915€ calculée selon les méthodes de la
rentabilité et du chiffre d’affaires,
❏offre une indemnité de remploi égale à 5 500 €
❏condamner la Société STOKIE à lui verser, à compter du 1er juillet 2002, une indemnité
d’occupation d’un montant annuelle de 55 800 € outre les taxes dont la TVA, et ce avec
indexation en ordonnant la compensation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le cadre juridique
Article L145-9 du code de commerce
‟Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux
dispositions du présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné suivant les usages
locaux et au moins six mois à l'avance.(...)
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs
pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit
demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal
avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été
donné.‶
Article L145-14 du code de commerce
‟Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions
prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction
égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée
suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de
déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un
fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est
moindre.‶
‟Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les
lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les
lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est
déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments
d'appréciation (...)‶
Article L145-29 du code de commerce
‟ En cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage
qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains
du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre. A défaut d'accord entre les parties, le
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séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou
à défaut par simple ordonnance sur requête.
L'indemnité est versée par le séquestre au locataire sur sa seule quittance, s'il n'y a pas
d'opposition des créanciers et contre remise des clés du local vide, sur justification du paiement
des impôts, des loyers et sous réserve des réparations locatives‶.
Article L145-30 du code de commerce
‟ En cas de non-remise des clés à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retient 1
% par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa
seule quittance.
Lorsque le délai de quinzaine prévu à l'article L. 145-58 a pris fin sans que le bailleur ait usé de
son droit de repentir, l'indemnité d'éviction doit être versée au locataire ou, éventuellement, à
un séquestre, dans un délai de trois mois à compter de la date d'un commandement fait par acte
extrajudiciaire qui doit, à peine de nullité, reproduire le présent alinéa.‶
Discussion
Le bail a pris fin le 1er juillet 2002, la destination était : ‟vente de prêt à porter de qualité et ses
accessoires‶. Le local est situé 39 avenue de l’Opéra 7502.
Sur la demande d‵annulation de l’expertise pour manquement à l’obligation d’impartialité
Comme l’a valablement apprécié le premier juge rien ne permet de retenir cette demande,
alors que Maître Blatter a été choisi, en qualité d’avocat, par l’expert judiciaire
postérieurement au dépôt du rapport d‵expertise pour un litige né également postérieurement.
Sur la possibilité de transfert du commerce
Comme l’a également valablement décidé le premier juge, la Société de l’Hôtel Edouard VII
ne démontre pas que la Société STOKIE puisse transférer son fonds de commerce ‟sans perte de
clientèle sur de nombreuses artères passagères et touristiques dans le secteur des lieux loués‶
comme elle l’affirme.
Il sera donc considéré qu’il y a perte du fonds de commerce.
Sur l’indemnité d’éviction
Indemnité principale
La valeur du fonds de commerce, visée à la disposition législative précitée, est au moins égale à
celle du droit au bail qui s’y trouve incluse. Si la valeur marchande du fonds est plus forte que
celle du droit au bail, c’est la première qui est retenue.
EXPERTISE PREMIER JUGE
APPELANTINTIMÉE
COUR
DROIT AU BAIL
150 000 €
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en cas de plafonnement 144 000€
en prenant en compte un déplafonnement 326 920 €
en cas de plafonnement 22 526 €
toutes les hypothèses conduisent à admettre que la valeur du fonds de commerce est supérieure
à celle du droit au bail 140 000 € en cas contraire 314 400 € en cas contraire valeur du fonds de
commerce 210 000 €
En considérant que les deux méthodes conduisent au même chiffre, et en prenant comme
repère prioritaire la méthode de la rentabilité, celle du chiffre d’affaires étant appliquée à titre
de « contrôle » 210 000 € En retenant la méthode de rentabilité et d’une façon générale le calcul
de l’expert méthode de la rentabilité 415 000 €.
À partir de l’EBE 50 000 € confirmation en effet le chiffre retenu est compatible avec les deux
méthodes et en définitive correspond à la demande, relative à la méthode, de la Société STOKIE ;
la rémunération du gérant est seule à prendre en considération comme l’a justement apprécié la
décision entreprise* méthode du chiffre d’affaires 435 102 €
À partir des recettes 134 130 € moyenne des deux méthodes : 423 601 €
Si la moyenne des chiffres d’affaires des trois dernières années (363 800 € arrondi) est
supérieure à celle de l‵époque de l’expertise (342386 €), il n’y a pas lieu à actualisation
particulière du fait que cette augmentation est compensée par une baisse de la capacité
bénéficiaire du fonds de commerce.
Indemnités accessoires :
-
-
frais de remploi : la somme retenue par le premier juge sera confirmée sauf à réduire les
droits de mutation à 5810 € pour tenir compte des nouvelles modalités de calcul de ceux-ci ;
total : 22 610 €
trouble commercial : 7600 €, confirmant la décision entreprise
frais de déménagement : en l’absence de justificatifs, 1 500 € confirmant la décision
entreprise
licenciements : sur justificatifs
fiscalité: rejet, la cour reprenant les motifs des premiers juges
- perte sur stock : rien n’est justifié à cet égard, la décision entreprise étant confirmée
- frais administratif divers : 1500 € faute de justificatifs autres.
Sur l’indemnité d’occupation
Sur le montant
Compte tenu des dispositions de l’article L145-28 du code de commerce, la cour retiendra une valeur
locative de 37 400 € justement affectée d’un coefficient de précarité de 15%.
Il n’est pas justifié, en l’espèce, d’indexer celle-ci.
Sur les autres demandes
La Société de l’Hôtel Edouard VII qui a pris l’initiative de ne pas renouveler le bail devra supporter
tous les dépens de première instance (y compris les frais d’expertise) et l’allocation d’une somme en
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application de l’article 700 du code de procédure civile telle qu’appréciée par le jugement entrepris qui
est justifiée.
En revanche la Société STOKIE succombant devant la cour devra supporter les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort :
I.
Confirme la décision entreprise sauf à réduire les droits de mutation à 5810 € pour tenir
compte des nouvelles modalités de calcul,
II.
II. Condamne la Société STOKIE aux dépens d’appel et autorise sur sa demande, la SCP.
HARDOUIN à recouvrer directement contre la Société STOKIE ceux des dépens dont elle a fait
l’avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER,
LA PRÉSIDENTE,
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