A-2004/N°09

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A-2004/N°09
Siréas
asbl
Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale
Année : 2004
DOCUMENT n° 9
Analyses et études
Quelques principes et questions pratiques sur l’apatridie
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Quelques principes et questions pratiques sur
l’apatridie
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I. Le droit à une nationalité
Avant de se pencher sur la notion de l’apatridie, il convient de rappeler que plusieurs textes
internationaux confirment le droit à une nationalité.
L’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 précise : « Tout
individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ni
du droit de changer de nationalité ».
L’article 24-3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que « Tout
enfant a le droit d'acquérir une nationalité » et l’article 7 de Convention des droits de l’enfant
signée à New York le 20.11.1989 précise également que : « L’enfant est enregistré aussitôt sa
naissance et a dès celle-ci le droit d’acquérir une nationalité ».
Le droit à une nationalité a ainsi été érigé en un droit fondamental de la personne humaine. La
nationalité est en effet nécessaire pour pouvoir bénéficier de nombreux droits, on pense
notamment au droit de vote, au droit au travail, au droit de voyager, au droit aux soins
médicaux, au droit à l’éducation…« En fait le droit d’avoir des droits »
La nationalité peut s’acquérir de plusieurs façons : par la filiation (ius sanguinis), du fait de la
naissance sur le territoire d’un pays (ius soli), mais aussi du fait de résider un certains nombre
d’années dans un pays, ou du fait du mariage.
Certains traités internationaux ont pour visée de limiter l’apatridie. C’est ainsi que sous
l’égide des Nations Unies, a été signée la Convention sur la réduction des cas d’apatridie,
Convention signée à New York le 30 août 1961. Sous l’égide du Conseil de l’Europe, la
Convention européenne sur la nationalité a été signée à Strasbourg le 6.11.1997.
II. L’apatridie
a. Notion
“Une personne qu’aucun état ne considère comme son ressortissant par application de sa
législation”.
C’est en ces termes que la Convention de New-York relative au statut des apatrides du 28
septembre 1954 approuvées par loi du 12.5.1960 définit l’apatridie.
Notons que la mention « nationalité indéterminée » que nous retrouvons parfois sur les CIRE,
ne signifie pas que la personne est apatrides, mais qu’elle n’a pas encore pu prouver sa
nationalité, notamment par la présentation d’un passeport valide.
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b. Reconnaissance de l’apatridie – la preuve de l’état d’apatride
A la différence de ce qui est prévu par la législation en matière de reconnaissance de la qualité
de réfugié, aucune procédure n’est organisée par le droit belge pour examiner les demandes de
reconnaissance de la qualité d’apatride. Malgré son appellation, le Commissariat général aux
réfugiés et apatrides n’est, aux termes de la loi du 15 décembre 1980, pas compétent pour
reconnaître la qualité d’apatride, mais uniquement pour délivrer aux apatrides reconnus les
documents ou certificats qui leur seraient normalement délivrés par leurs autorités nationales.
A défaut de procédure ad hoc, c’est le tribunal de première instance qui est compétent pour
déterminer si une personne est, ou n’est pas apatrides. Cette compétence découle de sa
compétence plus générale en matière d’état des personnes, dont la nationalité est un des
attributs.
La preuve de l’état d’apatride appartient au demandeur apatride. Celui-ci doit établir la preuve
d’un fait négatif : aucun pays ne le reconnaît comme son ressortissant. Preuve impossible à
rapporter à moins de faire le tour de tous les pays ou leurs ambassades, sans en oublier un.
En pratique le juge se contente de vérifier si la personne en question peut être reconnue
comme un ressortissant selon les législations du pays sur le territoire duquel elle est née, dans
lequel elle a séjourné ou dont ses parents ont la nationalité. Dans la négative, la personne se
voit reconnaître le statut d’apatride.
L’article 2 de la Convention de la Haye 1930 stipule que : « Toute question relative au point
de savoir si un individu possède la nationalité d’un Etat doit être résolue conformément à la
législation de cet Etat ». C’est ce même principe qui a été retenu dans le nouveau code de
droit international privé belge : « La question de savoir si une personne physique a la
nationalité d’un Etat est régie par le droit de cet Etat »
Le passeport n’est pas nécessairement une preuve de nationalité (c’est un titre de voyage). Il
faudra vérifier les mentions qu’il y a sur le passeport.
C’est ainsi que les documents de voyage palestiniens, les cartes d’identité ou laisser- passer ne
permettent pas de prouver la nationalité. Mais le seul fait qu’un Etat refuse de délivrer un
passeport n’est pas une preuve en soi de l’apatridie.
c. Cas pratiques
- Les Palestiniens
Il existe une nation palestinienne mais pas d’Etat palestinien. L’autorité palestinienne dispose
d’une autonomie et exerce une compétence rationae personae dans un territoire déterminé. A
défaut d’Etat palestinien, la nationalité palestinienne n’existe pas.
L’article 2 de la Convention de 1954 dispose qu’elle ne s’applique pas aux personnes qui
bénéficient d’une assistance ou d’une protection d’un organisme ou d’une institution des
Nations Unies autre que le HCR.. Ex : United Nations Relief and Work Agency for Palestine
Refugees in the Near East (UNRWA). Il faut se trouver en Syrie, Liban, Jordanie, Cisjordanie
ou Gaza
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La majeure partie des palestiniens sont donc apatrides s’ils n’ont pas obtenu de nationalité
dans leur pays d’accueil.
- L’Ex-URSS
Plusieurs cas d’apatridies sont apparus suite à l’éclatement de l’URSS, qui eut pour
conséquence la création de nouveaux Etats.
Des personnes qui ont vécu pendant longtemps sur le territoire de certains nouveaux Etats ne
se voient parfois pas attribuer la nationalité de cet Etat au moment de la création de celui-ci,
pas plus qu’elles ne se voient attribuer la nationalité de leur état d’origine.
D’après la loi russe sur la citoyenneté de 1991, sont russes tous ceux qui résident sur le
territoire de la fédération au moment de l’entrée en vigueur de la loi ; les personnes ayant un
parent ou mariée avec une personne, de nationalité russe peuvent également acquérir la
nationalité russe.
Il existe également de nombreux cas d’apatridie découlant de l’éclatement de l’exYougoslavie.
d. Droit de séjour des personne apatrides
- Le Candidat- apatride
La Convention de New York ne contient pas de disposition similaire à l’article 33 de la
Convention de Genève, qui exprime le principe de non- refoulement.
L’acte final de la Convention précise toutefois qu’il s’agit d’un « principe général accepté
suivant lequel aucun Etat n’expulsera en aucune manière vers les frontières de territoire où
sa vie ou sa liberté serait menacée ». Le principe de non- refoulement bénéficie donc au
‘candidat apatride’.
La jurisprudence belge s’est prononcée dans le sens d’une reconnaissance au ‘candidatapatride’ d’un droit de séjour pendant la durée de la procédure. Cette jurisprudence repose sur
deux arguments.
Premièrement, n’ayant pas définition pas d’autres pays où il peut s’établir régulièrement, le
contraindre à demeurer en situation irrégulière est un traitement inhumain et dégradant au
sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et de libertés
fondamentales.
Deuxièmement, le priver du droit au séjour revient à le priver de mener cette procédure dans
la mesure où il est difficile voire impossible, de mener une procédure lorsque l’on se trouve
en situation irrégulière et lorsque l’on ne dispose d’aucune ressource et d’aucun droit à s’en
procurer.
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C’est ainsi que pendant la procédure, il existe une possibilité de demander en référé la
délivrance d’un titre de séjour temporaire (Attestation d’Immatriculation) (Nivelles, réf.,
24.6.1997).
-L’apatride reconnu
Il convient de constater que la reconnaissance par le Tribunal de première instance ou la Cour
d’appel de la qualité d’apatride à une personne ne signifie pas de facto qu’il soit autorisé au
séjour en Belgique.
Tel est l’opinion du bureau d’étude de l’office des étrangers : « Finalement, il est utile
d’encore insister sur le fait que la constatation officielle de l’apatridie n’a pas pour
conséquence que l’intéressé se voit reconnaître un droit de séjour dans le Royaume. Cela n’a
également pas pour conséquence que l’intéressé se trouve de facto dans l’impossibilité
matérielle de partir vers son pays d’origine ou de se rendre dans un pays tiers »
Une fois la qualité d’apatride reconnue à une personne, celle-ci devra donc introduire une
demande d’autorisation de séjour pour circonstances exceptionnelles sur pied de l’article 9
alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers, et argumenter le circonstances exceptionnelles qui l’empêchent
d’introduire sa demande de séjour depuis le poste diplomatique de son pays d’origine.
e. Fin de la situation d’apatridie
L’acquisition d’une nationalité par un apatride met bien évidemment fin à la situation
d’apatridie.
L’article 19 du Code de la Nationalité belge réduit à deux ans de résidence principale le délai
pour pouvoir demander la naturalisation pour celui dont la qualité d’apatride a été reconnue
en Belgique.
Julie Maenaut
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