stgermain - Concerts d`été à Saint

Transcription

stgermain - Concerts d`été à Saint
CONCERTS
D’ÉTÉ À
GERMAIN
ST
Rue des Granges, au cœur de la Vieille Ville de Genève
du 6 juillet au 1er septembre 2014
DOSSIER DE PRESSE
Entrée libre, tous les dimanches et lundis, à 18h30
Collecte à la fin des concerts
www.concertstgermain.ch
La saison 2014... 6-7 juillet
13-14 juillet
...en un coup d’œil
ANDREA DE CARLO & LUCA GUGLIELMIp. 6
Sonates de J.S. Bach et de C.P.E. Bach pour viole de gambe et clavier
QUATUOR AVIV
Quatuors n° 3 op. 30 de Tchaïkovski et n° 9 op. 116 de Chostakovitch
p. 10
20-21 juillet IL POMO D’ORO & RICCARDO MINASIp. 14
Deux concertos pour violon de J.S. Bach et les Quatre Saisons de Vivaldi
27-28 juillet LA COMPAGNIA DEL MADRIGALEp. 18
Madrigaux sur des textes tirés de l’Orlando Furioso de l’Arioste
3-4 août
WILLIAM SABATIER TRIO CELEBRACIÓN
Música de Leopoldo Federico, maestro del Tango
p. 22
10-11 août
ROBERTA MAMELI & MICHEL KIENERp. 26
Lieder et cantates de Haydn et de Mozart
17-18 août
QUATUOR TERPSYCORDES et QUATRE INSTRUMENTISTESp. 30
Le Septuor op. 20 de Beethoven et le Quintette pour clarinette KV 581 de Mozart
24-25 août
CHRISTOPH PRÉGARDIEN & MICHAEL GEESp. 34
Dichterliebe op. 48 et autres lieder de Robert Schumann
31 août/1er sept
BOGDAN ZVORISTEANU & ALESSIO NEBIOLOp. 38
Hommages à Niccolò Paganini et Francesco Tárrega
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A propos des Concerts à Saint-Germain
Edition 2014, vers un nouveau cap !
Les Concerts d’été à Saint-Germain ont été créés pour offrir aux mélomanes de
tous genres une heure de musique de qualité dans un lieu invitant au recueillement.
La paroisse de Saint-Germain met en effet à notre disposition, au cœur de la Vieille
Ville, le cadre magnifique de son église, l’une des plus anciennes de Genève.
Les Concerts d’été organisés à l’église Saint-Germain ont passé en 2013 le cap de
leurs 40 ans. Respectant une tradition désormais solide, mais gardant un esprit
très jeune et ouvert aux nouveautés, cette nouvelle saison 2014 vous propose un
éventail harmonieux d’œuvres diverses.
Le comité s’efforce de proposer des programmes d’une variété aussi grande que
possible de musique de chambre classique, de la Renaissance au XXe siècle. Les
seuls critères inconditionnels retenus sont la valeur « spirituelle » des œuvres et la
qualité des artistes. Le but constant de nos concerts est d’associer à l’excellence
des interprètes la variété des propositions culturelles, en respectant l’équilibre entre
musique vocale et instrumentale et entre les diverses périodes de l’histoire de la
musique.
Cet été, nous retrouverons des musiques déjà appréciées du côté de Saint-Germain,
tout en explorant des sentiers peu fréquentés, afin de partager encore de belles
émotions. Une programmation d’une grande richesse, tant au niveau du répertoire
que des intérprètes.
Le succès remporté depuis quarante ans démontre que ces concerts répondent à
une demande. Le public qui s’y presse prouve son intérêt à trouver en ces fins de
journées d’été une heure de calme et de sérénité à l’écoute de la musique.
Au cours de cette édition 2014, vous aurez l’occasion d’entendre un pianoforte de 1749,
sous les doigts de Luca Guglielmi, avec Andrea De Carlo à la viole de gambe (6-7 juillet).
Deux quatuors de renommée internationale nous feront l’honneur de leur présence :
le Quatuor Aviv dans un programme de musique russe (13-14 juillet) et l’ensemble
Terpsycordes, accompagné de quatre instrumentistes pour le fameux quintette de
Mozart et le grand septuor de Beethoven (17-18 août). Nous fêterons également les
Quatre Saisons avec le violoniste baroque Riccardo Minasi et l’ensemble Il Pomo
d’Oro (20-21 juillet), avant de continuer sur un répertoire baroque et chevaleresque,
avec les poèmes de l’Orlando Furioso et les sept chanteurs de la Compagnia del
Madrigale (27-28 juillet). Le chant résonnera aussi en l’église Saint-Germain par la
voix de la soprano Roberta Mameli, accompagnée par Michel Kiener (10-11 août),
ainsi que du ténor Christoph Prégardien, aux côté du pianiste Michael Gees, dans le
fameux Dichterliebe de Schumann (24-25 août). Enfin, quelques notes du Sud pour
voyager de la vieille ville genevoise aux faubourgs de Buenos Aires, avec le trio du
bandonéoniste William Sabatier (3-4 août). Pour conclure cette saison 2014, notre
route continuera de la péninsule ibérique à l’Est de l’Europe, dans un programme
en hommage à Paganini et à Tárrega par Bogdan Zvoristeanu et le guitariste
Alessio Nebiolo (31 août - 1er sept.).
C’est avec l’esprit d’une nouvelle jeunesse que nous avons franchi l’étape de notre
quarantième saison, et c’est bien sûr avec joie que nous poursuivons l’aventure
aujourd’hui, pour offrir au public un été coloré et chaleureux.
Bernardino Fantini
Président
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ANDREA DE CARLO
6-7 juillet, 18h30
viole de gambe
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
Biographies
Né à Rome en 1963, Andrea De Carlo a
obtenu les diplômes de contrebasse, puis
de viole de gambe avec Paolo Pandolfo.
Il a travaillé avec d’importants ensembles
tels qu’Elyma de Gabriel Garrido, Labyrinto
de Paolo Pandolfo et Concerto italiano
de Rinaldo Alessandrini, avec lesquels
il a donné de nombreux concerts dans
les grands festivals internationaux et
enregistré plus de quarante albums.
LUCA GUGLIELMI
pianoforte
La rencontre historique entre un instrument qui va disparaître, la
viole de gambe, et un instrument en plein essort, un extraordinaire
Silbermann de 1749, reconstitué par Kerstin Schwarz. La factrice
nous fera l’honneur de sa présence pour la première représentation
publique de cet instrument du XVIIIe siècle.
JOHANN SEBASTIAN BACH (1685 - 1750)
Sonate pour viole de gambe et clavier en sol majeur, BWV 1027
Prélude pour luth ou clavecin en mi bémol majeur, BWV 998
Sonate pour flûte et clavecin, BWV 1032
Sonate en trio pour orgue, BWV 527
Fantaisie et fugue en do mineur pour clavier, BWV 906
CARL PHILIPP EMANUEL BACH (1714 - 1788)
Photo : Marco Borggreve
Photo : DR
Sonate pour viole de gambe et basse continue en do majeur, Wq 136, H558
En 2005, il crée l’ensemble Mare Nostrum
autour du consort de violes et de la
musique pour cette formation. Avec celuici, il a enregistré pour MA Recordings
(États-Unis) une orchestration originale de
l’Orgelbüchlein de J.S. Bach, qui a reçu
le Diapason d’or « Découverte » en 2011.
En 2009, une collection de polyphonie
française pour le label Ricercar (Belgique)
lui a valu cinq Diapasons et le Coup de
cœur de l’Académie Charles-Cros de
Paris. L’album de cantates romaines
de Marco Marazzoli pour le label Arcana
(Angleterre) a été le premier pas d’un
projet dédié à la musique romaine et,
en particulier, à Alessandro Stradella.
Directeur artistique du Festival international
Alessandro Stradella à Nepi (Italie), il
travaille avec Mare Nostrum à un projet
dédié à la diffusion et à l’enregistrement
des œuvres de ce compositeur. Cet été
sortira le premier enregistrement mondial
de la sérénade La Forza delle stelle ovvero
Il Damone.
www.andreadecarlo.it
Luca Guglielmi est né à Turin en 1977.
Il s’est formé auprès de Ton Koopman,
Patrizia Marisaldi, Vittorio Bonotto, Eros
Cassardo, Sergio Pasteris et Alessandro
Ruo Rui. Depuis 1993, il est actif dans
plusieurs secteurs musicaux : carrière
de soliste dans le monde entier (clavecin,
orgue, clavicorde et pianoforte) et
collaborations avec plusieurs musiciens,
chanteurs et ensembles (Jordi Savall,
Cecilia Bartoli, Sara Mingardo, Il
Giardino Armonico, Ensemble Zefiro).
Luca Guglielmi exerce aussi une activité
pédagogique (stage de musique ancienne
d’Urbino, Pamparato, San Feliu de Guixols
et Barbaste) ; il compose et assure la
direction de chœurs et d’orchestres.
Depuis 1997, il est l’assistant de Jordi
Savall avec lequel il joue régulièrement
en duo, de même qu’en trio avec Rolf
Lislevand. Il collabore également avec
l’Ensemble La Fenice de Jean Tubery et
le Ricercar Consort de Philippe Pierlot.
En 2005, Luca Guglielmi fonde le
Concerto
Madrigalesco,
ensemble
vocal et instrumental avec instruments
originaux pour la musique composée entre
1500 et 1800, et principalement pour le
répertoire avec clavier obligé et le Seicento
Italiano. Il a à son actif plus de quarante
enregistrements (entre autres chez Decca,
Teldec, Naïve, Alia Vox, Alpha, CPO,
Stradivarius, ORF et MA Recordings),
comme soliste ou avec ensembles.
www.lucaguglielmi.com
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Les œuvres
Pour ce premier concert de la 41e saison,
deux membres de la famille Bach seront
à l’honneur : Johann Sebastian et son
cinquième enfant et troisième fils, Carl
Philipp Emanuel, probablement le plus
célèbre de sa génération.
Est-ce bien nécessaire de retracer la
carrière du père, l’un des musiciens les
plus connus – sinon le plus connu – de tous
les temps ? Rappelons brièvement que
Johann Sebastian, né à Eisenach, fils d’un
organiste et musicien de la cour, fut l’élève
de l’organiste Georg Böhm avant d’obtenir
ce même poste, d’abord à Armstadt, puis
à Mühlhausen ; attaché quelques années
à la chapelle du duc de Saxe-Weimar, il fut
nommé en 1717 maître de chapelle à la cour
de Anhalt-Köthen. En mai 1723, il devint
Cantor (directeur de la musique) de SaintThomas à Leipzig où s’écoulera le reste de
sa vie.
Quant à Carl Philipp Emanuel, né à
Weimar, il commença des études de droit
mais se tourna bien vite vers la musique,
devenant claveciniste à la cour de Frédéric le
Grand, à Berlin, puis reprenant le poste de
Telemann comme directeur de la musique
d’église à Hambourg. Il a exercé une grande
influence comme théoricien, notamment par
son célèbre Essai sur la véritable manière
de jouer les instruments à clavier, dont le
tome 2 traite de l’« accompagnement et
libre fantaisie ». Par « accompagnement »,
il entend la basse chiffrée qui, dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle, implique une
diversité de nuances et de formules raffinées
qu’il restitue avec la plus grande précision.
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Les œuvres au programme seront
présentées sur des instruments analogues
à ceux que les compositeurs ont pu
connaître, d’où l’authenticité de ce que
nous entendrons.
La viole de gambe est un instrument
à cordes et à frettes joué à l’aide d’un
archet. Le terme italien viola da gamba
le distingue de la viola da braccio par
la différence de tenue de l’instrument
(la basse de viole est tenue entre les
jambes, d’où son nom). Elle est née
en Espagne à la fin du XVe siècle ; la
première peinture la représentant, jouée
par un ange, date de 1475. Apportée en
Italie grâce au pape espagnol Alexandre
VI, elle y remporta d’emblée un succès
énorme. Des instruments magnifiques
sont sortis des centres de fabrication
italiens : Brescia, Crémone, Milan, Venise,
entre autres. Diffusée dans toute l’Europe,
elle fut en vogue jusqu’à la Révolution
française. Elle tomba néanmoins dans
l’oubli, supplantée par le violoncelle aux
plus amples possibilités techniques. C’est
avec la redécouverte de son répertoire,
la musique baroque, qu’elle a été
progressivement remise au goût du jour,
notamment par des interprètes comme
Wieland Kuijken ou Jordi Savall. Elle est
même utilisée en musique contemporaine,
par Philippe Hersant par exemple. Le
film d’Alain Corneau Tous les matins du
monde a contribué à la faire apprécier du
grand public.
Quant au pianoforte, il est plus connu
puisqu’il est l’ancêtre de nos pianos
modernes. Le titre du programme de
ce soir se réfère à Johann Gottfried
Silbermann (1683 - 1753), célèbre facteur
d’instruments de l’époque baroque. Luca
Guglielmi dispose en effet d’un pianoforte
de Kerstin Schwarz (Florence) qui est la
copie d’un instrument de Silbermann de
1749. Inventeur de la « pédale forte », celuici soumit ses premiers instruments au
jugement de J.S. Bach, dont les critiques le
conduisirent à perfectionner la conception
de ses pianos.
Avec la Sonate pour viole de gambe et
clavier BWV 1027, nous nous trouvons
d’emblée à l’apogée de la littérature
pour viole de gambe. Le Prélude en mi
bémol majeur BWV 998 fait partie d’une
suite écrite pour luth ou clavecin dans les
années 1740. Avec ses arpèges, il rappelle
le Clavier bien tempéré, dont le deuxième
livre lui est à peu près contemporain. Le
très beau et serein « Largo e dolce » (BWV
1032) est le deuxième mouvement d’une
sonate datée généralement de 1736. Elle a
été écrite pour flûte et clavecin. Un peu plus
ancienne (datant probablement de 1730)
est la Sonate en trio pour orgue BWV 527.
Luca Guglielmi en interprétera au clavecin
le premier mouvement, « Andante ». La
Fantaisie et fugue en do mineur BWV 906
a posé problème aux musicologues car
elle ne semblait pas être terminée, mais
en réalité elle est bien complète : il s’agit
d’une fugue avec un da capo, c’est-à-dire
qu’il faut la reprendre à son début. Elle est
organisée, comme bon nombre d’autres,
dans une forme ABA.
L’œuvre qui terminera ce concert est la
Sonate pour viole de gambe et basse
continue en do majeur, de Carl Philipp
Emanuel, composée en 1745.
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
Mail : [email protected]
Tél. : +41 (0)79 474 47 90
Bernardino Fantini, président
Mail : [email protected]
Tél : +41 (0)78 792 19 63
texte : Christiane Privat
www.concertstgermain.ch
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QUATUOR AVIV
Sergey Ostrovsky, violon
Evgenia Epshtein, violon
Noémie Bialobroda, alto
Aleksandr Khramouchin, violoncelle
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13-14 juillet, 18h30
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
Deux des plus célèbres compositions russes pour quatuor à cordes,
l’une romantique l’autre contemporaine, dans l’interprétation de
musiciens à la sensibilité parfaitement appropriée.
Biographies
Les œuvres
Le Quatuor Aviv a été formé en Israël en
1997 par des musiciens d’origine russe ;
on comprend aisément que ces langages
leur soient intimement familiers. Distingués
par de nombreux prix de concours
réputés (Prague, Heenen, Graz, Bordeaux,
Melbourne) et récompensés par plusieurs
distinctions, ils ont joué dans les salles de
concert les plus prestigieuses du monde de
la musique de chambre (Wigmore Hall, Weil
Recital Hall).
Les œuvres au programme du Quatuor
Aviv nous offrent le contraste saisissant
entre l’expression théâtrale du drame
personnel chez Tchaïkovski et la déploration
contenue de la tragédie de tout un monde
chez Chostakovitch. Elles illustrent les
pouvoirs de la musique autant que les
tourments de l’âme russe qui devient ainsi
la nôtre.
Le Quatuor compte parmi ses mentors
Isaac Stern, le Alban Berg Quartet, Walter
Levin, Henry Meyer et Ben-Zion Shamir,
et a collaboré avec des artistes tels que
Yefim Bronfman, Boris Petrushansky, Anton
Dressler, Toby Appel, Gilles Vonsattel, Boris
Berman, Pierre-Laurent Aimard ou Eliso
Virsaladze.
PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI (1840 - 1893)
Quatuor à cordes n° 3 en mi bémol mineur, opus 30
DIMITRI CHOSTAKOVITCH (1906 - 1975)
Quatuor à cordes n° 9 en mi bémol majeur, opus 117
Les enregistrements chez Naxos, dont ceux
des oeuvres de Schulhoff et Dohnanyi, ont
été acclamés par les critiques, notamment
pour leur fraîcheur et leur vivacité.
Sergey Ostrovsky a été longtemps le
premier violon solo de l’Orchestre de la
Suisse Romande, poste qu’il a quitté pour
se concentrer sur sa carrière de chambriste.
Photo : DR
www.avivquartet.com
Trois quatuors à cordes, un sextuor, un
trio avec piano : la musique de chambre
occupe une place modeste dans l’œuvre
de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Les critiques
s’accordent en revanche pour souligner
la constance de sa qualité par opposition
au reste de sa production, et à distinguer
le troisième quatuor comme le meilleur.
Tchaïkovski lui préférait le deuxième,
plus austère et « abstrait ». Son premier
quatuor (1871) est aussi le premier exemple
significatif du genre en Russie. On rappellera
tout de même que l’on doit aux aristocrates
russes des générations précédentes
d’avoir suscité quelques chefs-d’œuvre :
l’opus 33 de Haydn (quatuors russes) et
les quatuors de Beethoven dédiés aux
princes Razoumovsky et Galitzine. Le
Quatuor à cordes n° 3, écrit en 1876, est
contemporain de la composition du Lac
des Cygnes et d’un voyage à Paris où
Tchaïkovski découvre avec enthousiasme
Carmen de Bizet. Il est un tombeau pour
son ami, le violoniste Ferdinand Laub (18321875), qui avait créé ses deux quatuors
précédents et qui était mort peu de temps
auparavant. Sa tonalité inhabituelle de mi
bémol mineur est d’une exécution malaisée
pour les instrumentistes à cordes et donne à
l’ensemble une couleur très particulière (par
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l’absence de résonnance « sympathique »
des notes de la gamme avec les cordes
à vide des instruments). Mi bémol mineur
sera aussi la tonalité du dernier quatuor
de Chostakovitch, œuvre également d’un
caractère élégiaque.
L’immense premier mouvement (629
mesures) s’ouvre pianissimo par une longue
introduction lente « Andante sostenuto » qui
installe le caractère douloureux de l’œuvre.
L’« Allegro moderato » enchaîné est construit
avec une grande science contrapuntique
sur l’opposition entre un premier thème au
caractère de valse mélancolique dont les
appuis sont constamment déplacés par
des syncopes, et un deuxième thème, en si
bémol majeur. Un bref épisode en la majeur
(tonalité très éloignée de si bémol) constitue
l’apogée du mouvement qui se conclut par
la reprise de l’introduction. Le deuxième
mouvement, un bref scherzo, en si bémol
majeur, résonne comme l’évocation de
fêtes passées. Le troisième mouvement
est construit comme une scène d’opéra
combinant trois éléments : un thème
de marche funèbre, un motif de liturgie
funèbre et un thème de déploration marqué
« piangendo e molto espressivo » (en pleurs
et très expressif). Il s’achève sur un accord
de mi bémol mineur dans l’aigu marqué
« pianissimo, morendo ». Le « Finale » en
mi bémol majeur a un caractère de danse
russe très optimiste (risoluto) que vient
interrompre comme un memento mori une
brève citation de l’introduction du premier
mouvement.
On connaît la fameuse réplique de Mozart
à l’Empereur Joseph II, qui lui reprochait
trop de notes dans l’Enlèvement au Sérail :
« Sire, pas une de trop ». On ne voit pas
que cette impertinence orgueilleuse
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ait marqué l’évolution de son style ni
compromis sa carrière. Lorsqu’en 1936,
le tsar rouge, Joseph Staline, fait savoir
sur un ton menaçant son déplaisir du
dernier opéra de Chostakovitch (Lady
Macbeth), le compositeur, dont plusieurs
amis ont disparu dans les purges, est
obligé de réformer son style pour sauver
sa vie. Une lettre d’Isaiah Berlin récemment
publiée (Enlightening : Letters 19461960, Random House) relate une visite du
compositeur à Oxford en 1958, entouré
d’officiels soviétiques : « De toute ma vie,
je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi
terrorisé et oppressé ». Historiquement,
l’appréciation de l’œuvre de Chostakovitch
a oscillé entre la critique d’un conformisme
stylistique et le décryptage d’une résistance
à l’oppression. Et de fait, il est impossible de
ne pas entendre la plainte de l’âme, jusque
dans les œuvres encensées par le régime
(la Cinquième symphonie, le Quintette avec
piano). Dans son œuvre, le totalitarisme
est présent autant comme une contrainte
formelle que comme ce dont l’expérience
vécue est l’objet du discours musical.
Dans la même lettre, Berlin décrit la
transfiguration du visage de Chostakovitch
jouant sa musique : « ...la timidité et la
terreur étaient parties, et une expression
de formidable intensité, d’inspiration à dire
vrai, était apparue ; j’imagine que c’était
ainsi que devaient apparaître les musiciens
du XIXe siècle lorsqu’ils jouaient ». Plus loin,
il résume : « …quel extraordinaire effet la
censure et la prison produisent sur un génie
créateur : ils le limitent mais le rendent plus
profond ».
Le Quatuor n° 9, annoncé dès 1961,
ne verra le jour que quatre ans après
le huitième (1960), en mai 1964. L’ère
Khrouchtchev (qui se termine cette année-
là) est une période de relatif dégel en
URSS : en 1962 Soljenitsyne publie Une
journée d’Ivan Denissovitch (qui aborde
l’existence des camps) et Chostakovitch,
devenu membre du parti, compose la
Treizième symphonie sur des poèmes de
Evtouchenko en mémoire du massacre de
Babi Yar. La dénonciation de l’antisémitisme
et l’évocation des victimes juives de la
guerre étaient interdites jusque-là. Lady
Macbeth est enfin rejouée et Kondrachine
crée la Quatrième symphonie, retirée par le
compositeur en 1936.
Ce neuvième quatuor est dédiée à Irina
Chostakovitch, sa troisième épouse
depuis 1962. Il est en mi bémol majeur
(Chostakovitch espérait écrire un quatuor
dans chacun des 24 tons), en cinq
mouvements enchaînés. Deux mouvements
lents entourent un bref scherzo. Les
mouvements extrêmes sont de dimension
asymétrique. Le premier mouvement,
relativement court, est de forme sonate
à deux thèmes sans développement. Le
dernier mouvement, le plus long, est une
forme de sonate-rondeau. Les exégètes
(Judith Kuhn, dans The Cambridge
Companion to Shostakovich) ont repéré
plusieurs citations. Le mouvement oscillant
de seconde qui ouvre l’œuvre et la soustend est une citation du monologue de
Pimène, l’historien de Boris Godounov.
La mélodie du premier adagio cite le
monologue de Marie de Wozzek de Berg
tandis que le deuxième adagio reprend
le thème de la mort d’Ophélie dans la
musique de Chostakovitch pour le film
Hamlet. On relève également un thème du
Trio avec clarinette de Galina Oustvolskaïa,
déjà utilisé dans le cinquième quatuor.
texte : Michel Starobinski
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
Mail : [email protected]
Tél. : +41 (0)79 474 47 90
Bernardino Fantini, président
Mail : [email protected]
Tél : +41 (0)78 792 19 63
www.concertstgermain.ch
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IL POMO D’ORO
RICCARDO MINASI
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
violon
Alfia Bakieva, violon
Zefira Valova, violon
Giulio D’Alessio, alto
Biographies
20-21 juillet, 18h30
Il Pomo d’Oro, orchestre fondé en 2012,
accorde une forte priorité à l’opéra, tout
en se consacrant également à la musique
instrumentale en diverses formations.
Ses membres comptent parmi les
meilleurs représentants de l’interprétation
authentique sur instruments d’époque.
Ils forment un ensemble d’une qualité
exceptionnelle, alliant connaissances
stylistiques, haute compétence technique
et enthousiasme artistique. Il Pomo d’Oro
travaille avec ou sans chef d’orchestre.
Pour la saison 2012-2013, il a choisi
Riccardo Minasi comme chef principal.
Sous la baguette de ce dernier, l’orchestre a
enregistré l’Imperatore de Vivaldi ainsi que
Tamerlano, avec trois contreténors – M.E.
Cencic, F. Fagioli et X. Sabbata. En 2013,
Il Pomo d’Oro a donné des concerts dans
toutes les grandes villes européennes.
Federico Toffano, violoncelle
Davide Nava, contrebasse
Maxim Emelyanychev, clavecin
Un ensemble spécialisé et un virtuose du violon baroque nous
livrent une interprétation originale de deux concertos de J.S. Bach
et de l’œuvre la plus célèbre de Vivaldi.
JOHANN SEBASTIAN BACH (1685 - 1750)
Concerto en la mineur, BWV 1041
Concerto en sol mineur, BWV 1056 R
ANTONIO VIVALDI (1678 - 1741)
Le nom de l’orchestre fait référence au titre
d’un opéra d’Antonio Cesti, composé en
1666 pour le mariage de l’empereur Léopold
Ier d’Autriche et de Marie-Thérèse d’Espagne.
Les Quatre Saisons
Violoniste et chef d’orchestre, né à Rome
en 1978, Riccardo Minasi évolue
également en qualité d’assistant musical
pour de nombreux ensembles tels que
le Concert des Nations de J. Savall, Il
Giardino Armonico ou encore l’Orchestre
Symphonique de Madrid. Il collabore avec
plusieurs formations baroques et des
artistes tels que Luca Pianca ou Christophe
Coin, pour n’en citer que quelques-uns.
Comme chef d’orchestre, il a dirigé, entre
autres, le Zürcher Kammerorchester et
l’Australian Brandenburg Orchester. Depuis
2004, il enseigne le violon, la musique
de chambre et la pratique d’exécution
philologique et d’orchestre baroque au
sein de différentes institutions, telles que
le Conservatoire Bellini de Palerme, la
Julliard School of Music de New-York ou
l’Université de Culture Chinoise de Taipei.
Il donne régulièrement des master classes
dans le monde entier. Son enregistrement
des Sonates du Rosaire de Heinrich Biber
s’est placé parmis les finalistes du Modem
Classical Awards de Cannes en tant
qu’album de l’année 2009.
www.il-pomodoro.ch
Photo : DR
Photo : DR
www.riccardominasi.com
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Les œuvres
Ce que l’on appelle depuis le XVIIIe siècle
« concerto » est une composition de
caractère symphonique, dans laquelle
un instrument soliste dialogue avec
l’orchestre. Le but de l’œuvre est de
permettre au soliste de déployer toute sa
virtuosité. L’histoire du concerto remonte
au XVIe siècle, à Venise, avec notamment
Andrea et Giovanni Gabrieli ; il n’avait alors
pas pris sa forme définitive, mais faisait
déjà dialoguer des voix ou des instruments.
En 1717, à son arrivée à Köthen à la petite
cour du Prince Léopold d’Anhalt, Johann
Sebastian Bach trouve un orchestre de
virtuoses créé à l’initiative du Prince, grand
amateur de musique instrumentale. C’est
pour cet orchestre que Bach compose
ses meilleures partitions orchestrales,
dont, probablement en 1720, le Concerto
en la mineur. Cette pièce est une preuve
admirable de la capacité de Bach à
innover à partir de modèles sacralisés par
la tradition. Ainsi, il parvient à individualiser
la partie du soliste de celle de l’orchestre
et, qui plus est, à ce que les deux groupes
échangent thème et mélodie, à ce qu’ils se
mélangent puis se séparent, créant une
sensation de mouvement continu et de
changement permanent. Autre nouveauté
pour l’époque : l’accompagnement est
riche en détails et non plus relégué à un
rôle secondaire, ce que l’on pressent
déjà dans l’« Allegro » initial. L’« Andante »
central commence en basse continue et
se développe en une formule rythmique
et mélodique sur laquelle le soliste déploie
une mélodie émouvante. L’ « Allegro assai »
final prend la forme d’une gigue qui clôt la
partition de façon brillante.
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Le Concerto en sol mineur a été reconstitué
d’après le célèbre Concerto pour clavier
et cordes en fa mineur. Le « Largo » se
retrouve également dans la Cantate n° 156,
Ich steh mit einem Fuss im Grab où il fait
office de sinfonia d’ouverture.
On ne présente plus Les Quatre Saisons.
Ces quatre concertos accompagnés
de quatre sonnets attribués également
à Antonio Vivaldi, décrivent le
déroulement des saisons. Sur la
partition, le compositeur a précisé les
correspondances avec les poèmes,
explicitant
même
certains
détails
aboiements de chien, nom d’oiseaux :
coucou, tourterelle, pinson.
texte : Laure Bovy
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
Mail : [email protected]
Tél. : +41 (0)79 474 47 90
Bernardino Fantini, président
Mail : [email protected]
Tél : +41 (0)78 792 19 63
www.concertstgermain.ch
La bouche, qui nourrit le corps avec des
aliments matériels, répand aussi la parole
et la pensée. La chair se restaure par elle,
et c’est par elle, en même temps, que se
communique l’idée. L’odorat, qui donne aux
poumons l’air vital, donne au cerveau tous les
parfums du monde : l’odeur des fleurs, des
bois, des arbres, de la mer. L’oreille, qui nous
fait communiquer avec nos semblables, nous a
permis encore d’inventer la musique, de créer
du rêve, du bonheur, de l’infini et même du
plaisir physique avec des sons !
Guy de Maupassant (1850-1893)
L’inutile beauté
18
LA COMPAGNIA
DEL MADRIGALE
19
27-28 juillet, 18h30
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
Rossana Bertini, soprano
Francesca Cassinari, soprano
Elena Carzaniga, alto
Giuseppe Maletto, ténor
Raffaele Giordani Carzaniga, ténor
Marco Scavazza, baryton
Daniele Carnovich, basse
La Compagnia del Madrigale est
actuellement le groupe de madrigalistes le
plus important au niveau international.
Elle naît en 2008, à l’initiative de Rossana
Bertini, Giuseppe Maletto et Daniele
Carnovich, qui, après avoir chanté ensemble
pendant plus de vingt ans le répertoire
de madrigaux et de polyphonie sacrée,
décident de fonder leur propre ensemble,
sans chef, et intègrent dans l’équipe
Francesca Cassinari, Elena Carzaniga,
Raffaele Giordani et Marco Scavazza.
Grâce à la musicalité intrinsèque du poème, de nombreuses parties
de l’Orlando on été utilisées par les plus grands musiciens du
premier baroque pour les madrigaux, interprétés par l’ensemble le
plus réputé de ce répertoire.
L’Orlando Furioso
Madrigaux sur le poème chevaleresque de Ludovico Ariosto (1474 - 1533)
Hoste da Reggio (c. 1520 - 1569)
Orlando di Lasso (1532 - 1594)
William Byrd (c. 1540 - 1594)
Giaches de Wert (1535 - 1596)
Benedetto Pallavicino (1551 - 1604)
Cipriano de Rore (c. 1515 - 1565)
Vincenzo Ruffo (1510 - 1587)
Philippe Verdelot (1470/80 - c. 1552)
Alfonso Ferrabosco l’ancien (1543 - 1588)
Alessandro Striggio (1540 - 1592)
Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525 - 1594)
Jan Tollius (c. 1550 - 1603)
Andrea Gabrieli (c. 1532 - 1585)
Biographies
En 2009, ils enregistrent avec le groupe
I Barocchisti dirigé par Diego Fasolis
L’ Amfiparnaso de Orazio Vecchi, en
collaboration avec la Radiotelevisione della
Svizzera Italiana. Suivra un enregistrement
du Premier livre de madrigaux de Palestrina
dans le cadre d’un large projet dédié à
l’œuvre complète du compositeur sous
la supervision musicologique de l’expert
Francesco Luisi. En 2011, une anthologie
de madrigaux sur les textes de l’Arioste
tirés de l’Orlando Furioso est éditée sous le
label Arcana. Ce programme a été présenté
aux festivals prestigieux de Ravenne et
d’Utrecht qui représentent des lieux de
références pour la musique ancienne.
En collaboration avec la maison d’édition
espagnole Glossa, La Compagnia del
Madrigale enregistre le Sixième livre de
madrigaux de Carlo Gesualdo à l’occasion
du 400e anniversaire de sa mort. Le disque
obtient un Choc Classica ainsi qu’un
Diapason d’Or. Ce succès sera suivi par
la publication en 2013 du Premier livre de
madrigaux à cinq voix de Luca Marenzio
et l’enregistrement recevra une belle
reconnaissance internationale avec un
nouveau Diapason d’Or et l’Editor’s Choice
de Grammophone. Le rapport solide
avec la maison d’édition Glossa permet
l’élaboration d’un triple album dédié aux
Responsoria de Carlo Gesualdo et d’autres
œuvres spirituelles encore inédites.
Parallèlement à son développement
discographique, la présence de La
Compagnia del Madrigale prend de
l’ampleur sur les scènes et se produit dans
de nombreux festivals et salles de concerts
renommées : MiTo, Unione Musicale à
Turin, Schwetzinger SWR Festspiele,
RheinVokal, Kölner Philharmonie, Victoria
Hall de Genève dans le cadre des 40
ans des Concerts d’été à Saint-Germain,
Musée d’Orsay à Paris et Pontificio Istituto
di Musica Sacra de Rome.
L’ensemble a été invité à la 18e édition de
Europe Cantat à Turin, où il a tenu un atelier
sur les madrigaux de Monteverdi qui a attiré
de nombreux étudiants provenant de divers
horizons. La Compagnia del Madrigale a le
projet d’enregistrer les œuvres spirituelles de
Claudio Monteverdi ainsi que le Cinquième
livre de madrigaux de Luca Marenzio tout
en continuant à élaborer et à étudier des
programmes autour du Canzoniere de
Pétrarque, de la Gerusalemme Liberata du
Tasse ainsi que des Vêpres à la Vierge et de
la Selva Morale de Monteverdi.
www.lacompagniadelmadrigale.com
20
Les œuvres
L’Orlando furioso (Le Roland furieux) de
Ludovico Ariosto (1474-1533), par la
musicalité intrinsèque de ses vers, son
imagination luxuriante, la complexité et la
mobilité des affects représentés, a fourni
aux musiciens un vaste matériel poétique
pour la composition des madrigaux.
Le poème chevaleresque, épique, de
l’Arioste, avec ses quarante-six chants
et près de quarante mille vers, est un
enchevêtrement d’épisodes, de figures, de
descriptions d’actions et de personnages
multiples, qui se croisent et se superposent
dans des situations toujours changeantes,
comme dans un labyrinthe de situations
et de jeux des sentiments. Cette œuvre
crée des personnages en perpétuel
mouvement. Lancés dans l’action, ils sont
mus continuellement par la quête d’un idéal
et surtout par la recherche du véritable
amour. C’est l’amour qui domine le poème,
qui fait perdre la raison à Roland et le rend
furieux, l’amour comme pouvoir magique
qui nous fait croire ce qu’il veut, confond
le réel et l’irréel, le désir et sa satisfaction :
« Amour, amour, tu rends invisible ce qui
frappe nos yeux, tu nous fait voir ce qui est
invisible ! » (Chant I, 56). Ce mouvement
perpétuel produit une vaste palette de
sentiments, de passions et d’émotions
différentes, subtilement décrites par un
riche vocabulaire poétique.
Le poète ne vise pas la vraisemblance ou la
raison, il construit des images multiples du
désir et du rêve qui ne s’arrêtent jamais, il
vise la beauté et les émotions, exactement
comme la musique, qui semble même être
à la base de la structure du poème, de
21
sa forme : les parties du poème sont
appelées « Chants » et au début l’Arioste
lui-même invite à la musique : « Je chante...
les amours, les aventures, les combats, les
voyages, les enchantements ». C’est grâce
à la structure musicale propre au poème
que les compositeurs ont réussi à déployer
au mieux leur créativité. Ils peuvent, en
effet, s’appuyer sur la construction poétique
pour aboutir à une osmose entre texte et
musique et exprimer ainsi les sentiments
des amoureux ou illustrer les complaintes
des amants abandonnés ou trahis. La forme
idéale pour la mise en musique d’un poème
de cette grande complexité est le madrigal,
par sa force expressive, son audace, sa
liberté formelle et l’écriture à plusieurs voix
qui permet de nombreux contrastes.
L’Orlando furioso a été publié et révisé
à maintes reprises, entre 1505 et 1532,
et c’est à cette période que le madrigal
prend son essor, pour connaître son plus
haut degré d’accomplissement en Italie à
la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle.
Cette forme de musique vocale élégante
et flexible veut être l’expression directe
des passions de l’âme par un traitement
textuel et musical très étroit. L’Orlando
furioso représente un répertoire d’images,
d’états psychologiques, de situations et de
métaphores, qui servira de base formelle
à une écriture musicale audacieuse
ouverte à l’expérimentation. La musique
transforme la réalité poétique en lui
donnant une nouvelle dimension sonore et
émotionnelle.
texte : Maria Irene Fantini
Le madrigal
A partir de la première moitié du XVIe
siècle, une nouvelle forme musicale prend
naissance dans les cours et les cercles
intellectuels d’Italie. Les humanistes,
passionnés par les civilisations anciennes,
proposent un renouveau des arts et
de la musique qui puisse se hisser à la
hauteur des formes classiques et mettre
les passions humaines au centre de la
créativité, au même niveau que le sentiment
religieux. Les poètes, grâce à la leçon
de Pétrarque, visant le raffinement et
l’élégance, traitent de sujets plus sérieux
et utilisent une forme plus libre, accordant
une attention particulière à la sonorité
des mots et au rythme de la phrase. Cela
rapproche naturellement la poésie de la
musique. Toutes deux s’associent pour
donner expression aux sentiments et
aux passions les plus profonds. A cette
époque, l’Italie accueille de nombreux
compositeurs
franco-flamands
attirés
par la vivacité culturelle et la possibilité
d’obtenir des charges au sein des cours
aristocratiques ou dans les institutions
ecclésiastiques. Ces musiciens sont les
maîtres du style polyphonique, adapté à la
musique sacrée mais également utilisé pour
des chansons profanes, style très différent
des genres italiens populaires de l’époque,
plus simples. Le madrigal est la synthèse
entre les formes populaires italiennes,
notamment de la frottola et de ses dérivés,
et le style rigoureux de la polyphonie francoflamande, où toutes les voix ont la même
importance. Il s’agit d’une forme vocale
polyphonique, sans accompagnement
d’instruments, avec un nombre de voix
allant de deux à huit, mais plus fréquemment
situé entre trois et cinq. Contrairement aux
musiques strophiques, très répandues
dans la musique populaire, les madrigaux
sont presque toujours composés sur
des poèmes de qualité sans répétition
strophique, ni refrain. Les compositeurs
adaptent la structure musicale au sens du
texte et visent à l’expression des sentiments
décrits dans chaque vers. Comme l’a
écrit Vicentino en 1555, « la musique
faite sur un texte n’a pas d’autre propos
que d’en exprimer le sens, les passions
et affections au moyen de l’harmonie ».
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
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Bernardino Fantini, président
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TRIO CELEBRACIÓN
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Biographies
3-4 août, 18h30
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
Formé de William Sabatier au bandonéon,
Aurélie Gallois au violon et Romain Lecuyer
à la contrebasse, le Trio Celebración a
pour vocation de relire la musique du
Maestro Leopoldo Federico. Entré
de son vivant au panthéon du tango,
Federico est aujourd’hui, après plus de
soixante ans de carrière, un patriarche
respecté de tous. Ce héros discret fut
l’artificier cadanero (tête de file) des plus
beaux orchestres de Buenos Aires, un
arrangeur et compositeur génial et un
chef d’orchestre charismatique. Il est au
bandonéon ce que peut être Frédéric
Chopin au piano ou John Coltrane au
saxophone. Il a révolutionné le bandonéon
et l’a inscrit pour toujours comme un des
éléments les plus importants du continuum
tanguero (du tango). Aujourd’hui, sa
musique résonne sous les doigts de tous
les bandonéonistes du monde.
William Sabatier, bandonéon
Aurélie Gallois, violon
Romain Lecuyer, contrebasse
Accompagné par un violon et une contrebasse, William Sabatier nous
fait découvrir les tangos de Leopoldo Federico qui est au bandonéon
ce que Chopin est au piano.
Música de LEOPOLDO FEDERICO (1927 - ), maestro del Tango
Photo : Lilian Vazquez
Improvisations
William Sabatier aborde très jeune
l’univers du tango, au contact de son
père. Sa rencontre avec le bandonéoniste
français Olivier Manoury l’oriente vers une
technique plus actuelle de son instrument.
Grand spécialiste de la musique d’Astor
Piazzolla, il est régulièrement invité par
de nombreux orchestres classiques,
en tant que soliste et arrangeur dans
les œuvres pour orchestre du maître
argentin. Il participe à de nombreuses
créations théâtrales (en 2000, Novecento
avec Jean-François Balmer) ainsi que
des ballets (en 1999, Che Quijote y
Bandoneón avec Maurice Béjart). Depuis
2006, il écrit la musique des spectacles
de Laurent Vercelletto (John & Joe, L‘Or
de Blaise Cendrars, Un Steak de Jack
London, pour n’en citer que quelquesuns). Depuis des années, il côtoie les
meilleurs musiciens de tango (Osvaldo
Calo, Mauricio Angarita, Ciro Perez,
Diego Trosman, Enrique Pascual, Juan
Cedrón, Olivier Manoury, Vidal Rojas,
entre autres). En 2005, il forme un trio
avec Ciro Perez et Norberto Pedreira qui
tournera en Europe et dont le premier
album Las Siluetas Porteñas est salué
par la critique. En 2007, il crée le Conjunto
Negrecha, un ambitieux orchestre de
tango qui travaille sur la relecture du
répertoire, son actualisation et la création
de nouvelles pièces. En 2009, avec son
projet Monteverdi-Piazzolla, il est l’invité
du chef d’orchestre García Alarcón au
festival de musique baroque d’Ambronay.
En 2014, il donne sa suite pour quatuor
à cordes et bandonéon Les Hommes
de Piaf avec le Quatuor Terpsycordes.
Le public genevois a eu l’occasion de
l’entendre en septembre 2013 au Victoria
Hall de Genève, lors du concert de notre
40 e anniversaire.
Aurélie Gallois débute le violon à l’âge
de cinq ans avec Eliane Vavasseur. Elle
obtient plusieurs premiers prix à des
concours (Bellan, Nérini, UFAM) et, en
2003, un premier prix de violon et de
musique de chambre à l’unanimité,
avant de se perfectionner dans la
classe de Catherine Jacquet. Au sein du
groupe familial TOT’M, elle s’initie dès
l’adolescence aux musiques d’Irlande
et d’Europe de l’Est et développe son
amour pour les musiques populaires en
évolution, tout en continuant d’interpréter
un répertoire classique. En 2004, sa
rencontre avec le bandonéoniste Olivier
Manoury va être déterminante dans son
parcours, faisant naître une véritable
24
25
passion : le tango. Elle étudie le tango
traditionnel et populaire, s’initie à un
répertoire de tango plus contemporain au
sein du Cuarteto Lunares pour lequel elle
écrit tous les arrangements. Depuis, elle
multiplie les expériences dans l’univers
du tango contemporain ou traditionnel,
en France et à l’étranger. Avec son
premier groupe, Los Lobos del Tango,
elle joue la musique d’Andrea Marsili,
Victor Parma et Gerardo Jerez Le Cam ;
elle joue également Pugliese, Salgan ou
Di Sarli avec l’Orquesta Silbando et se
produit enfin avec le Trio Celebración.
L’enregistrement
d’albums
ponctue
régulièrement sa carrière. Sa seconde
passion est la musique baroque et
médiévale sur instruments anciens. Dès
2008, elle étudie le violon et l’alto baroque
et obtient en 2011 son Diplôme d’études
musicales de musique ancienne, puis
entre en 2012 au Cycle concertiste du
Conservatoire à rayonnement régional de
Paris où elle étudie avec Pierre Bismuth.
Elle a également occupé le poste de
violoniste au sein du Quatuor à cordes de
l’Armée de Terre et joué en soliste avec
l’Orchestre de la Musique Principale de
l’Armée de Terre.
2004, il rejoint l’Orquesta Escuela de Tango
avec lequel il se produit régulièrement à
Buenos Aires et participe à de nombreux
enregistrements. Pendant cette période
et jusqu’en 2005, il développe une intense
activité musicale en Argentine comme
accompagnateur de tango et entreprend
de nouveaux projets avec Kelo Palacios,
guitariste et compositeur de folklore, en
compagnie duquel il se produira en France
en 2005. De retour en France, il intègre le
Cuarteto Cedrón et le Cuarteto Gancedo.
En 2007, il participe avec l’Alter Quintet à
l’enregistrement du dernier disque de Raúl
Barboza ; avec cet ensemble, il réalise
une résidence en Poitou-Charentes,
suivie d’une tournée en Argentine et au
Brésil. Depuis 2007, il accompagne le
groupe chilien Quilapayún. Parallèlement,
il cherche à promouvoir avec l’association
Buenos Aires Musiques les échanges
entre musiciens français et argentins et
sensibilise les enfants à la culture argentine
en organisant des ateliers et des concerts
éducatifs. Il participe comme intervenant,
dès 2006, aux orchestres-écoles de
tango. Sollicité par José Luis Barreto et
Ludovic Michel, il est contrebassiste soliste
au sein de leur ensemble Tanguísimo.
Romain Lecuyer commence par
étudier la guitare avec Roberto Aussel.
Après l’obtention d’un Diplôme d’études
musicales en 1999, il découvre les musiques
actuelles et improvisées ; il opte alors pour
la contrebasse. Parallèlement, il s’initie
aux musiques actuelles en participant
à une résidence avec Julien Lourau. Un
voyage en Argentine déterminera de
nouveaux choix musicaux. La découverte
du tango l’incite à s’inscrire à l’Escuela de
Musica Popular d’Avallaneda où il étudie
également le folklore argentin. De 2002 à
Le projet Trio Celebración de William
Sabatier est soutenu par la SPEDIDAM
(Société de perception et de distribution
des droits des artistes-interprètes).
www.williamsabatier.com
Les œuvres
Le terme tango, à l’étymologie incertaine,
est originaire de la communauté noire
d’Amérique latine issue de l’esclavage ;
il a connu divers sens au sein de cette
communauté, dont l’un des premiers
fut l’« endroit où le négrier parquait les
esclaves avant l’embarquement ». Le
tango comme genre musical est né, avec
la danse du même nom, à Buenos Aires
entre 1850 et 1900. Bien que le fondement
harmonique du tango soit européen, la
rythmique contient en partie des modèles
africains et latino-américains (comme le
rythme habanera). Les premiers tangos
avaient un rythme 2/4, supplanté dès
1920 par la mesure 4/4. Le mode de jeu
des orchestres de tango est en partie
polyphonique et réparti de manière égale
entre les groupes instrumentaux, si bien
que les instruments se relaient soit dans
leur fonction d’instruments rythmiques,
soit en portant le thème et le contrecando
(contre-chant). La technique musicale et
l’usage de la sonorité dans l’instrumentation
du tango n’étaient pas fixés et purent être
développés, dans la première moitié du XXe
siècle, jusqu’à la virtuosité. Un orchestre
de tango typique est composé d’un piano,
d’une contrebasse, de deux violons et
de deux bandonéons. Le bandonéon,
instrument phare du tango, fut introduit
aux alentours de 1850 par les immigrants ; sa
sonorité d’instrument à vent lui permet de
remplacer les parties jouées initialement
par la flûte ; dans les notes aiguës, le
bandonéon sonne comme un violon,
ce qui rend le jeu en commun plus aisé.
A partir de 1960, et en particulier avec
Astor Piazzolla, certains compositeurs ont
écrit des tangos aux rythmes complexes
et changeants, difficiles à danser, plus
adaptés à une exécution en concert
qu’aux soirées dansantes, les milongas
argentines.
texte : Laure Bovy
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
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Bernardino Fantini, président
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ROBERTA MAMELI
Biographies
10-11 août, 18h30
soprano
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
MICHEL KIENER
pianoforte
Une soprano experte du baroque et un pianofortiste spécialiste de
l’interprétation authentique nous présentent des chefs-d’œuvre du
classique.
FRANZ JOSEPH HAYDN (1732 - 1809)
Englische Canzonetten Hob. 26a
WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756 - 1791)
Oiseaux si tous les ans, KV 307
Dans un bois solitaire, KV 308
Das Lied der Trennung, KV 519
Als Luise die Briefe ihres ungetreuen Liebhabers verbrannte, KV 520
Abendempfindung, KV 523
FRANZ JOSEPH HAYDN
Photo : DR
Photo : Kohei Take
Arianna a Naxos, cantata Hob. 26b:2
Roberta Mameli, née à Rome, diplômée
en chant au Conservatoire de Musique
Giuseppe Nicolini de Plaisance et en violon
à la Scuola Civica de Crémone, a suivi des
master classes avec Bernadette Manca
di Nissa, Ugo Benelli, Claudio Desdari,
Enzo Dara, entre autres. Elle a travaillé
le répertoire de musique ancienne avec
Roberta Invernizzi et Sara Mingardo. Elle
est régulièrement invitée par les opéras et
les salles de musique les plus prestigieux,
avec un répertoire qui va du baroque au
XXe siècle. La plupart des grands festivals
l’ont accueillie, ainsi le Festival de Musique
Ancienne de Rome, le Festival Baroque
de Viterbo, La Folle Journée de Nantes,
le Festival de la Chaise-Dieu, ceux de
Royaumont, de Santander, de Graz et
le Forum Alte Musik de Cologne. Elle a
travaillé sous la baguette des chefs les
plus renommés, tels que Claudio Abbado,
Christopher Hogwood, Jordi Savall et Jeffrey
Tate. Très demandée pour le répertoire
baroque, Roberta Mameli collabore
avec plusieurs ensembles pratiquant sur
instruments d’époque, tels que l’Accademia
Bizantina, La Venexiana, Le Concert des
Nations, entre autres. Parmi les opéras
qu’elle a interprétés, figurent ceux de
Mozart, Monteverdi, Haendel, Cherubini et
Wagner. Roberta Mameli donne des master
classes de chant, notamment en Italie, en
Autriche et au Japon. Sa discographie est
impressionnante : on se limitera à citer,
parmi les enregistrements les plus récents,
L’Incoronazione di Poppea et, au nombre de
ses projets, plusieurs œuvres de Haendel,
dont Atalanta, Armida ou encore Alcina. Son
album Round M : Monteverdi meets Jazz a
été l’une des meilleures ventes 2010.
www.robertamameli.com
Né à Genève, Michel Kiener se forme
au conservatoire de cette ville, où il
obtient les prix de virtuosité de piano
et de clavecin. Il poursuit ses études au
Conservatoire Sweelinck d’Amsterdam
avec Anneke Uittenbosch et Gustav
Leonhardt. Il est ensuite lauréat du
Concours international de clavecin de
Bruges. Sa formation parallèle de pianiste
et de claveciniste lui permet d’aborder le
toucher très particulier des pianofortes
des XVIIIe et XIX e siècles. Une large
activité consacrée à la musique de
chambre lui vaut d’être le partenaire
de nombreux artistes, parmi lesquels
figurent les meilleurs interprètes de la
musique sur instruments historiques,
notamment Christophe Coin, les frères
Kuijken, Erich Höbarth, Ryo Terakado,
Gustav Leonhardt, les ensembles Il
Giardino Armonico et Il Gardellino
ainsi que les chanteuses Guillemette
Laurens, Jennifer Smith et Marie-Claude
Chappuis. Ses enregistrements font
référence : « La version intégrale de Michel
Kiener des Variations Goldberg de J.S.
Bach est de bout en bout une merveille,
peut-être l’une des plus personnelles et
des plus abouties que le disque nous
ait données ces dernières années »
(Diapason). A propos de l’intégrale de
l’œuvre pour clavecin de J.P. Rameau,
on peut lire dans Répertoire : « Entre
confidence et fière élégance, cette
version est à compter désormais parmi
les références », ou dans Le Temps :
« Magnifiquement enregistrée, cette
intégrale des Pièces de clavecin de
Rameau se hisse d’emblée au sommet ».
Sa discographie comporte également un
récital de musique romantique avec la
soprano Marta Almajano et un récital de
sonates et fantaisies pour le pianoforte de
28
W.A. Mozart. Michel Kiener est membre
fondateur de l’ensemble Fratres, conseiller
artistique de l’association Amarcordes, et a
été, pendant près de trente ans, conseiller
artistique des Concerts d’été à SaintGermain. Menant de front ses activités
de concertiste et de pédagogue, il est en
outre fortement engagé dans la recherche
fondamentale : son approche permet
de travailler entre autres sur le rubato, la
notion de legato propre à la musique dite
« ancienne », la référence au parler et au
chant humain, au ressenti des affects.
Les œuvres
Fidelity, She never told her love et The
wanderer appartiennent aux deux recueils
de six chansons anglaises que Joseph
Haydn écrivit à Londres en 1794 et 1795,
publiés sous le titre English Canzonettas.
Haydn leur ajouta trois mélodies publiées
séparément, dont O tuneful voice. Les
canzonettas anglaises exploitent une
palette émotionnelle bien plus variée que
les lieder allemands ; par leur écriture,
elles évacuent l’influence de la romance
pour anticiper le lied romantique. Si les
canzonettas sont généralement de forme
strophique, Haydn introduit souvent dans
les reprises des variantes significatives.
Ainsi par exemple, dans The wanderer,
avec ses silences inquiets et ses harmonies
chromatiques tourmentées, la seconde
strophe révèle une partie vocale identique
alors que la partie de clavier y est enrichie
par une nouvelle mélodie expressive en
contrepoint dans le registre d’alto, ce qui
confirme que Haydn pensait au quatuor à
cordes en écrivant ces mélodies. Fidelity,
avec son fa mineur passionné, aurait pu
être jouée, sans grande modification,
29
comme une œuvre de « Sturm und
Drang » pour clavier seul. Haydn donne
l’impression de se servir du sens général
des mots, plutôt que des contours du
poème, pour créer une structure de forme
sonate, autonome et libre : à l’introduction
turbulente en fa mineur, succède un
second thème apaisant en la bémol ;
suit le développement central court et
modulant, une réexposition du thème
en fa majeur qui comprend un éclat final
orageux en fa mineur et un postlude
expressif au piano, teinté de chromatisme.
She never told her love est la seule
mélodie que Haydn composa sur un texte
de Shakespeare. Musicalement traité sous
forme d’arioso libre, ce texte permet une
richesse de contrastes rhétoriques et
audacieux. O tuneful voice parvient à une
véritable interpénétration de la poésie et
de la musique, avec une forme qui reflète
et accentue la progression émotionnelle
des strophes. Anna Hunter, une amie
de Haydn, écrivit ce poème comme un
cadeau d’adieu pour le compositeur avant
qu’il ne quitte définitivement l’Angleterre.
Wolfgang Amadeus Mozart aimait la
musique et la voix humaine dont il s’est
servi comme instrument prédominant de
l’expression musicale tout au long de sa
carrière. Les deux chants sur des poèmes
français, Oiseaux si tous les ans et Dans
un bois solitaire, ont été écrits durant son
séjour à Mannheim pour Gustl Wendling, fille
du compositeur et flûtiste Johann Baptist
Wendling, qui aurait elle-même offert les
textes à Mozart. Das Lied der Trennung
date de 1787, l’année de Don Giovanni et
de la Petite Musique de Nuit. C’est l’un
des chants les plus émouvants de Mozart,
la fin en est proprement bouleversante.
Als Luise die Briefe... condense de
manière prodigieuse, en 21 mesures, le
regret de voir se consumer les feuilles, la
douleur, et l’amour qui continue à brûler ;
le caractère pathétique de ce lied en fait
l’un des plus romantique du compositeur.
Abendempfindung, écrit quelques jours
après que Mozart eut appris la mort de
son père, est d’une profonde tristesse ; il
représente une magnifique méditation sur
la mort en voyant la nuit tomber.
Arianna a Naxos, cantate pour soprano
et clavier écrite en 1787, devint l’une
des œuvres préférées de Haydn. Le
compositeur ne donna jamais suite à son
intention d’en écrire un accompagnement
orchestral. Quoiqu’il en soit, la partie de
clavier est dotée d’une écriture hautement
idiomatique ; son caractère expressif,
tout comme ses nuances, suggèrent
clairement l’emploi d’un fortepiano et non
d’un clavecin. Le destin de la princesse
crétoise abandonnée par Thésée sur
l’île de Dia (Naxos), a attiré maints
compositeurs, de Claudio Monteverdi à
Richard Strauss. Le texte anonyme que
Haydn a mis en musique porte en luimême un dénouement tragique. Cette
cantate alterne récitatifs et arias en quatre
sections distinctes : l’œuvre s’ouvre par un
récitatif lent et pensif, en mi bémol « Teseo
mio ben », suivi d’une aria en si bémol,
notée largo, « Dove sei mio bel tesoro »,
dont la phrase initiale, merveilleusement
sensuelle, n’est pas sans rappeler le « Dove
sono » de la Comtesse de Figaro. L’angoisse
intérieure d’Arianna devient de plus en
plus perceptible, exprimée par l’instabilité
harmonique de la musique et ses brusques
changements dans le mode mineur.
L’aria se désunit pour laisser la place au
second récitatif « Ma, a chi parlo chi ? »,
d’un drame intense, riche en variations
de motifs et de tempo. Puis, lorsque son
abandon s’impose douloureusement à elle
« Ei qui mi lascia », Arianna éprouve tour
à tour le désespoir et l’indignation dans
l’arioso poignant en fa mineur « Già più
non reggo ». La fille de Minos retrouve une
ultime dignité royale dans l’introduction en
fa majeur de la dernière aria « Ah, che morir
vorrei », mais sa détresse outragée fait
une dernière fois irruption dans le presto
conclusif en fa mineur. Après le dernier
éclat désespéré de la chanteuse en fa
mineur « Misera abandonata », le postlude
du piano culmine en une cadence en fa
majeur qui se joue presque de la conclusion
lugubre et laconique de l’œuvre.
texte : Laure Bovy
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
Mail : [email protected]
Tél. : +41 (0)79 474 47 90
Bernardino Fantini, président
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31
QUATUOR TERPSYCORDES
et
QUATRE INSTRUMENTISTES
Girolamo Bottiglieri, violon
Raya Raytcheva, violon
Caroline Cohen-Adad, alto
François Grin, violoncelle
Biographies
17-18 août, 18h30
Le Quatuor Terpsycordes, fondé en
1997, a été récompensé lors de nombreux
concours internationaux, dont un Premier
prix à Genève en 2001.
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
Les membres de cet ensemble ont
suivi l’enseignement de Gábor TakácsNagy avant de se perfectionner auprès
de membres des quatuors Budapest,
Hagen, Lasalle ou Mosaïques, notamment.
Galvanisés par le contraste de leurs
origines (Italie, Bulgarie et Suisse), ils
gardent toujours à l’oreille le souffle de
la muse Terpsichore qui relie le geste et
l’esprit. Terre, psy, cordes.
Lorenzo Coppola, clarinette
Giorgio Mandolesi, basson
Olivier Darbellay, cor
Michaël Chanu, contrebasse
Jouant des instruments d’époque, le quatuor genevois et ses
amis dévoilent la richesse des timbres de deux chefs-d’œuvre du
classique.
Ses enregistrements reflètent la volonté
de toucher l’essence du texte, dans une
démarche alliant rigueur et fantaisie :
La jeune fille et la mort de Schubert et
l’Opus 132 de Beethoven, révélés pour
la toute première fois sur instruments
d’époque (Ricercar et Ambronay Editions),
Schumann (Opus 41) et Haydn (Opus 33
et Les sept dernières paroles du Christ en
Croix) mis en regard (Claves et Ricercar),
sans oublier des créations contemporaines
du compositeur suisse Gregorio Zanon
(Claves).
WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756 - 1791)
Quintette avec clarinette en la majeur, KV 581
LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770 - 1827)
Septuor pour vents et cordes en mi bémol majeur, op. 20
Photo : DR
Photo : Patrick Bühler
www.terpsycordes.com
Lorenzo Coppola est né à Rome.
Après la clarinette moderne, il étudie
les clarinettes historiques avec Erich
Hoeprich
au
Conservatoire
royal
de La Haye. Installé à Paris depuis
1991, il a collaboré avec plusieurs
ensembles, parmi lesquels le Freiburger
Barockorchester, Les Arts Florissants
(W. Christie), l’Orchestre du XVIIIe siècle
(F. Bruggen), La Grande Écurie et la
Chambre du Roy (J.C. Malgoire), La Petite
Bande (S. Kuijken) et Libera Classica
(H. Suzuki). Il a la chance de partager son
amour pour la musique de chambre avec
des artistes comme Andreas Staier,
Isabelle Faust, Alexander Melnikov,
Hidemi Suzuki, et des ensembles tels que
Zefiro (A. Bernardini), le Manon Quartett
(A. Daskalakis), le Quatuor Kuijken
(S. Kuijken), le Quatuor Terpsycordes. Il
est professeur de clarinette ancienne
à l’École supérieure de musique de
Catalogne à Barcelone.
Après avoir obtenu en 1991 son Premier
prix au Conservatoire de musique Santa
Cecilia de Rome, le bassoniste Giorgio
Mandolesi étudie avec Milan Turković
à l’École de musique de Florence et
Daniele Damiano (premier basson solo
du Berliner Philarmoniker) à l’Accademia
Chigiana de Sienne. Basson solo à
l’Orchestra Giovanile Italiana et à la
Gustav Malher Jugend Orchester, il
remporte quatre concours de basson
solo à Cagliari, Venise, Gênes et Paris.
Après avoir exercé cette fonction au
Théâtre San Carlo de Naples et au Théâtre
Carlo Felice de Gênes, il entre, dans la
même position, à l’Orchestre de Paris.
Il étudie le basson baroque et classique
avec Alberto Grazzi à la Scuola Civica di
Musica de Milan, où il obtient un Premier
prix en 1999. Il joue ensuite avec plusieurs
ensembles et orchestres sur instruments
anciens et est également membre des
octuors à vents classiques Philidor et
Zefiro. Il est actuellement professeur
de basson moderne et baroque à la
Musikhochschule Winterthur et assistant
32
33
pour la classe de basson au Conservatoire
national supérieur de musique et de danse
de Paris. Il enregistre pour différentes
maisons de disques, telles que Virgin,
Calliope, Stradivarius et Bongiovanni.
Olivier Darbellay est né à Berne. Il
étudie le violoncelle au conservatoire de
sa ville natale avec Patrick Demenga et
Peter Hörr et termine en même temps ses
études de cor auprès de Thomas Müller
à Berne et à Bâle. Avec Bruno Schneider,
il obtient son diplôme avec distinction à
Fribourg-en-Brisgau. Après ses Premiers
prix au concours de la Tribune des jeunes
interprètes à Lisbonne en 2000 et de
l’Union des radios francophones, il joue en
soliste et comme chambriste dans le cadre
de nombreux festivals ainsi que sur les
scènes les plus prestigieuses d’Europe,
d’Amérique du Nord et d’Asie. Ses
intérêts se partagent entre l’interprétation
de la musique baroque et classique sur
instruments d’époque et le répertoire
contemporain. Sa collaboration avec
des compositeurs comme Heinz Holliger,
Brice Pauset, Rico Gubler et Jean-Luc
Darbellay, qui ont écrit pour lui, est d’une
importance particulière. En plus de ses
activités d’interprète, il est professeur
aux Hautes écoles de Lausanne et de
Lucernei; l’aspect pédagogique a ainsi
pris des dimensions de plus en plus
enrichissantes et importantes, avec des
cours d’interprétation et des ateliers en
Europe, en Russie et en Asie.
www.olivierdarbellay.com
Médaillé d’or de contrebasse et de solfège
à l’École nationale de musique de Valence
en 1989, Michaël Chanu se perfectionne
au Conservatoire national supérieur de
musique et de danse de Lyon (1993),
puis au Conservatoire de Montréal
(1994). Soliste de l’Ensemble Orchestral
Contemporain de Daniel Kawka depuis
1994, il affectionne tout particulièrement
le répertoire de musique contemporaine,
mais participe aussi à diverses productions
avec l’Orchestre National de Lyon,
l’Orchestre National de l’Opéra de Lyon,
l’Orchestre de Besançon et l’Orchestre de
Montpellier. Spécialisé dans l’interprétation
de la musique ancienne sur instruments
historiques, il a été pendant quinze ans
contrebassiste de l’Ensemble 415 sous la
direction de Chiara Banchini. Il est aussi
membre fondateur de l’Ensemble Unisoni
et joue avec la Chambre Philarmonique,
le Parlement de Musique, le Concert de
l’Hostel Dieu, les Musiciens du Louvre et
les Nouveaux Caractères. Michaël Chanu
s’est également produit en musique de
chambre dans de nombreux festivals aux
côtés d’artistes tels que Régis Pasquier,
Alain Planès, Gérard Caussé, Christophe
Coin, Isabelle Moretti, le Quatuor Ravel
et le Quatuor Terpsycordes. Il exerce
également des activités pédagogiques
et a participé à une quinzaine
d’enregistrements.
Les œuvres
On sait que la clarinette – encore peu
courante à l’époque – a une signification
toute
particulière
pour
Wolfgang
Amadeus Mozart : dès son affiliation
à la franc-maçonnerie, elle va devenir
l’instrument par excellence de cette
fraternité. Pour corroborer ce rôle
symbolique, rappelons l’importance du
chiffre trois pour cette confrérie. Or les
tons de mi bémol (trois bémols à la clef)
et de la majeur (trois dièses) conviennent
tout particulièrement à l’instrument. Ce
sont ceux des trois chefs-d’œuvre que le
compositeur a consacrés à la clarinette.
Le Quintette avec clarinette en la majeur
est dédié à Anton Stadler, l’ami intime de
Mozart et le plus grand clarinettiste de son
temps. Il était également facteur de cet
instrument dont il avait notamment étendu
le registre vers le grave. C’est lui qui créa
ce quintette le 22 décembre 1789 avec
Mozart à l’alto.
Le
registre
grave
est
d’ailleurs
particulièrement exploité dans cette
œuvre, certes brillante, mais aussi tendre
et heureuse. Si la clarinette émerge
naturellement par son timbre, Mozart
n’en fait pas pour autant un instrument
dominateur : les cordes dialoguent avec
elle dans un grand équilibre des rôles, en
un esprit de tolérance et de fraternité.
Dans le Septuor pour vents et cordes
en mi bémol majeur de Ludwig van
Beethoven, les trois instruments à vent
(clarinette, basson et cor) s’associent
à un quatuor à cordes composé d’un
violon, d’un alto, d’un violoncelle et
d’une contrebasse. La pièce, dédiée à
l’impératrice Marie-Thérèse, date de la
fin de la première période créatrice du
compositeur. Elle remporta d’emblée
un immense succès qui finit par lasser
Beethoven. Parlant de cette œuvre
quelques années plus tard, il déclara :
« Il y a là-dedans beaucoup d’imagination,
mais peu d’art... ».
Le public d’aujourd’hui, comme celui
d’alors, ne partagera certainement pas
cette sévérité et appréciera une formation
peu courante et riche en timbres,
puisqu’elle associe bois, cuivre et cordes.
Les musiciens doivent faire preuve de
virtuosité pour rendre tout le piquant de
cette œuvre brillante, vive, voire parfois
humoristique
texte : Christiane Privat
Contact :
Claire Rufenacht, attachée de presse
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Tél. : +41 (0)79 474 47 90
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CHRISTOPH PRÉGARDIEN
ténor
35
24-25 août, 18h30
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
MICHAEL GEES
piano
Le célèbre cylce romantique de lieder dans l’interprétation du plus
grand ténor spécialiste de ce répertoire et de son pianiste d’élection.
ROBERT SCHUMANN (1810 - 1856)
Cinq Lieder op. 40, sur des textes de Hans Christian Andersen,
traduits par Adalbert von Chamisso (1840)
Biographies
Les œuvres
Le ténor Christoph Prégardien est
une des principales figures du lied et de
l’oratorio de ce dernier quart de siècle.
Il a également un répertoire d’opéra
considérable. Il est le partenaire des plus
grands chefs (Nikolaus Harnoncourt, René
Jacobs, Wolfgang Sawallisch, Riccardo
Chailly) et orchestres. Ses nombreux
enregistrements de lieder (avec Michael
Gees et Andreas Staier) ont fait sensation.
Il a reçu de très nombreuses distinctions
autant pour ses enregistrements que
pour sa carrière. Récemment, il a dirigé la
Passion selon Saint Jean, prémisse d’une
carrière de chef d’orchestre. Il enseigne à
la Hochschule für Musik de Cologne et il a
publié un livre de pédagogie du chant.
On rapporte que Robert Schumann
pleura toute la nuit après avoir appris que
Franz Schubert, son idole qu’il espérait
rencontrer et dont il aimait particulièrement
les lieder, était mort (19 novembre 1828). En
1840, Schumann a déjà composé l’essentiel
de son œuvre pianistique, dont l‘inspiration
doit beaucoup à la littérature et aux figures
de E.T.A. Hoffmann et de Jean Paul. De
fait, jusqu’à cette date, à l’exception d’une
dizaine de lieder de jeunesse, il n’a écrit que
pour le piano. Or, le 1er février 1840, à Leipzig,
après de longs mois d’improductivité
tourmentée, il compose le premier des plus
de 130 lieder qui surgiront cette année-là,
avant qu’il n’abandonne le genre pour les
sept années suivantes. Dans cette éclosion
miraculeuse, on compte les œuvres les plus
importantes du répertoire depuis la mort
de Schubert. De force agissante implicite
dans l’œuvre pianistique, la poésie devient
moteur explicite de l’expression musicale.
www.pregardien.com
Six Lieder et Requiem op. 90, sur des textes de Nikolaus Lenau (1850)
Dichterliebe op. 48, cycle de Lieder,
sur des textes du Lyrisches Intermezzo de Heinrich Heine
Photo : © Prégardien / Gees
Michael Gees, pianiste et compositeur, fut
un enfant prodige. A quinze ans, il renonce
à la carrière toute tracée, et déjà bien
engagée, pour élargir son horizon. Revenu
à la musique, il déploie une activité de
musique de chambre et d’accompagnateur
de lied, largement saluée par la critique et
récompensée. Il dirige le Consol Theater
de Gelsenkirchen, un incubateur pour
jeunes talents artistiques. Il est, lui aussi,
professeur à la Hochschule für Musik de
Cologne.
www.michaelgees.de
Les Lieder opus 40 ont été composés
en juillet, immédiatement après le cycle
Frauenliebe und Leben sur des textes
d’Adelbert von Chamisso, qui est aussi
le traducteur autant que l’adaptateur des
poèmes de Hans Christian Andersen.
Le premier lied Märzveilchen (la violette
de mars) se rapproche de l’ouverture
de Dichterliebe par son thème : dans
l’extase d’un jour ensoleillé un jeune
homme admire une fenêtre ornée de
fleurs dessinées par le givre ; derrière la
vitre, les yeux bleus souriants d’une jeune
fille. Le poème se conclut par un appel
ironique à la clémence divine pour le jeune
homme. La thématique des trois lieder
centraux est particulièrement désespérée :
Muttertraum (le rêve d’une mère) peint une
36
mère berçant tendrement son petit tandis
qu’à la fenêtre les corbeaux se réjouissent
de dévorer le cadavre du futur voleur sur le
gibet ; Der Soldat est le récit de l’exécution
d’un soldat par son meilleur ami qui, seul du
peloton, l’atteindra au cœur ; Der Spielmann
(le violoneux) est la vision par le poète d’un
violoneux dont les cheveux blanchissent à
mesure qu’il joue pour la noce de sa bienaimée avec un autre. Le poète-musicien
réalise à l’expression des spectateurs que
le même sort est en train de lui advenir. La
thématique du musicien jouant à la noce de
celle qu’il aime était déjà celle du neuvième
lied de Dichterliebe. Verratene Liebe
(l’amour trahi) est une adaptation d’un
poème grec moderne anonyme transcrit
par Claude Fauriel (1772-1844) et traduit
par Chamisso. Un couple d’amoureux
s’embrasse sous les étoiles. Ils se croient
seuls, mais une étoile tombe du ciel, et
bientôt toute la nature répand la nouvelle
de leur amour. La noirceur des poèmes
centraux contraste avec le bonheur de
Schumann, puisque son mariage est alors
assuré, les bans seront publiés le mois
suivant.
Les Lieder opus 90 furent composés en
juillet 1850 à Dresde, à la veille du départ
pour Düsseldorf. Schumann voulait
honorer la mémoire de Nikolaus Lenau,
confiné dans un asile d’aliénés depuis
1844, et qu’il supposait mort. En fait, il
apprit son décès (22 août 1850) le jour
de la création de ces lieder le 25 août.
Les six poèmes de Lenau sont suivis
d’une paraphrase du Requiem attribuée à
Héloïse en mémoire d’Abélard. L’ensemble
s’ouvre par le Lied eines Schmiedes (chant
d’un forgeron) extrait du Faust de Lenau
(le poème qui inspira la Faust-Symphonie
de Liszt). Le forgeron ferre le cheval de
37
Faust en lui souhaitant un heureux voyage,
espoir démenti par la tragédie en cours.
Le sublime Meine Rose dit la dévotion
amoureuse, extatique, à la rose mourante,
brulée par le soleil ; Kommen und
Scheiden est l’évocation des retrouvailles
avec l’aimée, vécues comme les premiers
bourgeons du printemps, et de son départ,
qui est comme la disparation du dernier
rêve de jeunesse. Die Sennin (la gardienne
de vaches), évoque la jeune femme et son
chant (une imitation de yodle) promis à la
disparition ; Einsamkeit (solitude) est un
paysage de désolation, refuge de celui qui
a renoncé à l’amour. Der schwere Abend
(le soir pesant), dans la tonalité funèbre de
mi bémol mineur, évoque l’amertume d’un
soir de séparation, l’amour finissant et le
souhait de mort pour les amants.
Dichterliebe (les amours du poète) fut
composé entre le 24 mai et le 1er juin 1840.
Schumann avait brièvement rencontré
Heinrich Heine à Munich en 1828, à
l’occasion d’un pèlerinage à Bayreuth sur la
tombe de Jean Paul. Il avait découvert peu
après le Buch der Lieder (1827) où figure
le Lyrisches Intermezzo, d’où sont extraits
les poèmes du cycle. Le titre du cycle
ainsi que ceux des lieder individuels (leur
incipit) sont de Schumann. Le projet initial,
hypothétique, de composer l’entièreté de
l’Intermezzo (65 poèmes !) a rapidement
cédé la place à un ensemble de vingt
lieder, dont, lors de la publication en 1844,
il retranchera encore quatre lieder qui furent
publiés séparément en 1854 et 1858. La
décision de retirer ces lieder dénote le souci
de resserrer l’ensemble, sans tenir compte
de la grande qualité des pièces écartées
(une décision regrettée par Charles
Rosen). La forme cyclique, inaugurée par
Beethoven (An die ferne Geliebte, 1816) et
reprise par Schubert, est ici manifeste par la
progression émotionnelle plus que narrativei:
la naissance de l’amour, la trahison, le
désespoir, la consolation ironique. L’unité
du cycle est surtout évidente dans la
logique des enchaînements harmoniques
des lieder. Aucun des éléments du cycle
ne peut exister indépendamment des
précédents ; leur brièveté et leur caractère
parfois inachevé harmoniquement leur
donne le caractère typiquement romantique
de fragments. Le piano n’est pas ici un
accompagnateur mais un narrateur, à partie
égale avec le chant. Le cycle se termine par
la longue citation au piano de la conclusion
du douzième lied, comme un surgissement
nostalgique du souvenir.
texte : Michel Starobinski
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BOGDAN ZVORISTEANU
31 août / 1er sept., 18h30
violon
Eglise Saint-Germain
rue des Granges
ALESSIO NEBIOLO
guitare
Violoniste virtuose par excellence mais également guitariste,
Paganini nous a laissé une grande quantité de musique pour ces
instruments, synthèse exquise entre qualité technique et richesse
mélodique.
PABLO DE SARASATE (1844 - 1908)
Romanza Andaluza
NICCOLÒ PAGANINI (1782 - 1840)
FRANCISCO TÁRREGA (1852 - 1909)
Danza Mora pour guitare
Capriche Arabe pour guitare
BÉLA BARTÓK (1881 - 1945)
Sonate n° 6
Six danses populaires roumaines
Sonata Concertata MS 2
Deux Caprices pour violon seul
ISAAC ALBÉNIZ (1860 - 1909)
MANUEL DE FALLA (1876 - 1946)
Sevilla
Tres canciones populares españolas
TOMAS BARRERA (1870 - 1938)
et
RAFAEL CALLEJA (1870 - 1938)
Adios Granada (extrait de la zarzuela « Emigrantes »)
Biographies
Bogdan Zvoristeanu a commencé ses
études de violon avec son père et les a
poursuivies à l’Académie de musique de
Budapest auprès de Ştefan Gheorghiu.
Au bénéfice d’une bourse de l’Académie
internationale de musique Menuhin
(IMMA), il approfondit ses connaissances
à Gstaad avec Alberto Lysy. Il est lauréat
de plusieurs concours, notamment Tibor
Varga (Sion), George Enescu (Bucarest),
Leopold Mozart (Salzbourg), Concours
international
de
Genève.
Comme
soliste et chambriste, il a participé à de
nombreux festivals au Japon, en Chine, en
Corée, au Canada, en Amérique du Sud
ainsi que dans toute l’Europe. Plusieurs
de ses interprétations ont fait l’objet
d’enregistrements en direct et ont été
retransmises par diverses stations de radio.
En 2008, pour le trentième anniversaire
de l’IMMA, il a interprété l’intégrale des
œuvres de Johann Sebastian Bach
pour violon seul, enregistrée par le label
Dinemec Classics. Depuis 2002, Bogdan
Zvoristeanu est premier violon solo de
l’Orchestre de la Suisse Romande. Il joue
sur un violon de Nicolò Gagliano datant de
1761, gracieusement prêté par la Fondation
Tharice de Bâle.
Né à Alessandria (Italie), Alessio Nebiolo
commence ses études musicales sous la
direction du professeur Gianpiero Biello à
Asti ; il les poursuit avec Guido Margaria
au Conservatoire Antonio Vivaldi de sa ville
natale. En 2003, il obtient au Conservatoire
de Lausanne le diplôme de virtuosité avec
félicitations du jury, sous la conduite du
guitariste brésilien Dagoberto Linhares.
Sa formation se termine avec un diplôme
de soliste (avec orchestre) qu’il obtient en
2005, également avec les félicitations du
jury, et le prix pour le meilleur diplôme
de soliste. Il est déjà lauréat de plusieurs
concours. Il mène aujourd’hui une carrière
internationale et se produit comme
soliste à travers le monde ; il participe
à d’importants festivals et a donné
des récitals dans la plupart des pays
européens, en Asie, aux États-Unis et
en Amérique du Sud. Il collabore avec le
Grand Théâtre de Genève et l’Orchestre
de la Suisse Romande. Il a enregistré cinq
albums avec différents labels en France
(Arpeggio), en Italie (Classica Viva, GuitArt)
et au Mexique (Tempus).
Depuis 2001, il fait partie du Lausanne
Guitar Trio et, dès 2003, joue en duo avec
l’accordéoniste Nadio Marenco. Alessio
Nebiolo est par ailleurs professeur de
guitare au Conservatoire de Musique de
Genève.
Photo : Philippe Pache
Photo : DR
www.alessio-nebiolo.com
40
Les œuvres
Deux « Hommages » dans ce programme :
l’un à Niccolò Paganini, l’autre à Francisco
Tárrega.
C’est évidemment comme violoniste et
compositeur pour cet instrument que
Niccolò Paganini est le plus connu.
Né à Gênes, il faisait à treize ans déjà
une première tournée et composait de la
musique complexe. Avec sa virtuosité et
son magnétisme personnel, son succès
fut énorme, non seulement en Italie mais
aussi à Vienne, en Allemagne (Goethe,
Heine et Schumann l’admiraient), à Paris
et à Londres. Doué d’un sens certain
de la publicité, il cultivait son apparence
méphistophélique et des histoires couraient
sur ses pouvoirs diaboliques... Paganini
a véritablement révolutionné la technique
du violon. Il fait un grand usage des
harmoniques, du staccato et du pizzicato
(y compris à la main gauche), pratique la
« scordatura » (désaccord) pour obtenir
des effets spéciaux, lance de nouveaux
coups d’archet. Son instrument préféré
était le Cannone, un Guarneri de 1743,
mais il appréciait aussi le Vuillaume, fidèle
reproduction du Cannone fabriquée par le
luthier français Jean-Baptiste Vuillaume.
Il possédait également des Amati et des
Stradivarius.
On sait moins que Paganini fut aussi un
remarquable guitariste et qu’il a composé
des œuvres pour cet instrument. Le duo
interprétera sa Sonate n° 6 et la Sonata
Concertata MS 2. Enfin, deux de ses
fameux Caprices seront joués au violon
seul.
Le second hommage va à Francisco
41
Tárrega, musicien moins connu, pourtant
considéré comme le père de la guitare
moderne. Ses débuts dans la vie sont
pittoresques. Né à Villarreal, en Espagne,
il y commença ses études musicales,
poursuivies à Barcelone auprès de Julián
Arcas. Il dut les interrompre lorsque Arcas
parti en tournée à l’étranger et, alors âgé de
seulement dix ans, il fit une première fugue
et essaya de commencer une carrière dans
les cafés et les restaurants de Barcelone...
Il fut bientôt retrouvé et ramené à son dévoué
père. Trois ans plus tard, nouvelle fugue, pour
Valence cette fois, où il rejoignit un groupe de
bohémiens. A nouveau, son père le retrouva ;
mais il repartit une troisième fois, encore à
Valence. Ce fut sa dernière tentative d’évasion.
Il entra au Conservatoire de Madrid en
1874 et y étudia aussi la composition. A la
fin des années 1870, il enseignait la guitare
et donnait régulièrement des concerts.
Tárrega rencontra beaucoup de succès et
commença à voyager dans d’autres régions
d’Espagne. C’est alors qu’il composa ses
premières œuvres pour guitare, en plus de
jouer celles d’autres compositeurs. Il était
connu comme le « Sarasate » de la guitare
(voir ci-après) et a beaucoup contribué à
faire connaître son instrument, jusqu’alors
confiné à l’accompagnement, comme un
instrument de récital. A notre programme,
sa Danza Mora, inspirée par un rythme de
tambour qu’il entendit à Alger, et Capriche
Arabe.
Pablo de Sarasate, espagnol également,
est comme Paganini violoniste virtuose
et compositeur. Il a étudié à Madrid et à
Paris. Très célèbre lui aussi, renommé pour
sa pureté de son, il a créé de nombreuses
œuvres composées pour lui, entre autres
la Symphonie espagnole de Lalo, les
deuxième et troisième Concertos de
Bruch, et, de Saint-Saëns, les premier
et troisième concertos ainsi que son
Introduction et Rondo Capriccioso. Sa
propre musique est généralement inspirée
du folklore espagnol ; c’est le cas de la
Romanza Andaluza par laquelle débutera
le concert d’aujourd’hui.
Le programme fait encore honneur à la
musique espagnole avec Sevilla, d’Isaac
Albéniz, et Trois chansons populaires
espagnoles de Manuel de Falla. Extrait
de la zarzuela (une sorte d’opérette
espagnole) intitulée Emigrantes, de
Tomas Barrera et Rafael Calleja, Adios
Granada est certainement une de leurs
pièces les plus connues.
Nous quitterons enfin le sud de l’Europe
pour écouter une œuvre bien connue
de Béla Bartók, six de ses Danses
populaires roumaines. Nous restons dans
le style général de ce programme avec
cette musique d’inspiration folklorique.
Joyeuse et entraînante, elle est jouée par
toutes sortes de formations, des solistes
aux ensembles importants. Le violon et la
guitare lui restituent toute sa vivacité et sa
fraîcheur.
texte : Laure Bovy
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Une belle histoire
Comité des Concerts d’été à St-Germain
Il s’agit de l’un des plus beaux monuments de notre cité. Lieu chargé d’histoire, l’église
Saint-Germain date – pour l’essentiel de l’édifice – des XIVe et XVe siècles, mais des
fouilles menées en 1906 ont démontré qu’elle fut précédée par des sanctuaires des
époques romane et paléochrétienne. Ses origines remontent donc à l’époque de
l’introduction du christianisme dans notre région, soit la fin du IVe siècle.
Président
Bernardino Fantini
L’édifice actuel a été construit au lendemain du grand incendie de 1334 qui ravagea
toute la colline ; il fut remanié un siècle plus tard. Le culte catholique cessa d’y être
célébré lors de la réforme en 1535.
Temporairement désaffectée, l’église retrouva sa destination première en 1803,
durant l’occupation française. La messe y est alors à nouveau célébrée définitivement
lorsque Genève rejoint la Confédération, en 1815. En 1873, Saint Germain devient
la première église catholique-chrétienne de notre ville. Toutefois, elle ne revêtit son
visage actuel que lors de sa restauration complète, opérée de 1959 à 1966.
Organiste titulaire des orgues de l’église depuis 1972, Gloria Floreen pensait
depuis quelque temps déjà à partager avec d’autres artistes le plaisir qu’elle avait
de jouer dans ce bel édifice et, ainsi, d’ouvrir ce dernier au public qui n’avait guère
l’occasion d’en admirer l’intérieur.
Restait à obtenir l’accord du Conseil de paroisse de Saint-Germain et de M. Franz
Murbach, le curé d’alors, qui hésitaient à ouvrir leur lieu de culte à des activités
qui ne soient purement religieuses. Une membre du Conseil de paroisse, eut
cette belle formule qui mit les deux parties d’accord : « La musique instrumentale
classique, c’est la prière des athées ».
Certaines conditions furent toutefois posées, comme celle de ne pas applaudir,
ni pendant ni à la fin des concerts, pour préserver le caractère sacré du lieu.
Cette condition a été respectée jusqu’au début des années 1990.
Le succès fut tel qu’il devint bientôt nécessaire de dédoubler les concerts. Ils
n’avaient lieu, en 1974, que le dimanche, mais, à partir de septembre 1975, il fut
décidé de les répéter le lundi. Dès le début, les musiciens furent les artisansbâtisseurs des « Concerts d’été en l’église Saint-Germain ». Ils acceptaient
de jouer sans garantie, s’ingéniaient à réduire les frais au minimum, des amis
leur offraient un logement et ils se contentaient d’une collecte très modeste.
Sans eux, sans leurs efforts et leur générosité, il est difficile d’imaginer que
cette aventure musicale ait perduré jusqu’à aujourd’hui.
Conseiller artistique
Girolamo Bottiglieri
Administrateur
Marie-Madeleine Pécoud
Trésorier
Cédric Chapuis
Membres
Laurence Bordier
Laure Bovy
Anthony Chenevard
Christian Dunant
Maria Irene Fantini
Ani Gasparyan
Olivia Jacobson
Michaela Kiedl
Jean-Claude Pache
François-Xavier Poizat
Christiane Privat
Monique Cécile Python
Michel Starobinski
Réviseur
Anne Petitpierre
Concerts d’été à Saint-Germain
Avenue Ernest-Hentsch 10, CH-1207 Genève
[email protected]
www.concertstgermain.ch
graphisme et réalisation : Anthony Chenevard / Claire Rufenacht
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Remerciements
Les Concerts d’été à Saint-Germain tiennent à remercier
l’ensemble des partenaires et des amis qui les soutiennent.
Nos principaux donateurs :
la Ville de Genève (Département de la culture et du sport)
l’État de Genève (Département de l’Instruction publique, de la culture et du sport)
la Commune de Troinex et la Loterie Romande
ainsi que nos principaux mécènes :
Fondation Valeria Rossi di Montelera
Fondation de bienfaisance du groupe Pictet
Bordier & Cie
Cargill International SA
Starling Hotel Geneva