L`acier dans la construction. Partie 1 : Corrosivité des
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L`acier dans la construction. Partie 1 : Corrosivité des
Techniques & pratique Le secteur de la construction est le plus grand consommateur d’acier, celui-ci étant apprécié par les architectes et maîtres d’ouvrage pour sa légèreté, sa parfaite homogénéité et son comportement prédictible sur chantier. Cependant, comme tous les métaux, l’acier possède un point faible : il se corrode, ce qui entraîne des conséquences économiques considérables. Evaluer les risques de corrosion et bien choisir la nuance d’acier et son système de protection sont la garantie d’une meilleure durabilité des ouvrages en acier. 1Introduction L’acier entre dans le bâtiment sous de multiples formes : tôles formées à froid pour les façades, les couvertures et les planchers, profilés laminés à chaud pour les ossatures, armatures pour les bétons, tuyaux pour les canalisations ou encore cornières, châssis, escaliers, gardecorps, ancrages, boulons et quincaillerie (cf. figure 1). Il constitue l’un des métaux les plus utilisés car il allie à sa légèreté des propriétés techniques exceptionnelles et des atouts économiques incontestables. Il possède entre autres une bonne résistance à la traction, une excellente aptitude à la déformation et une bonne soudabilité. Si l’acier possède incontestablement un certain nombre de qualités, il présente, comme tous les métaux, l’inconvénient majeur de s’oxyder au contact des éléments corrosifs qui l’entourent. Sa corrosion risque alors d’altérer les performances de l’ouvrage et d’en réduire la durée de vie. Les problèmes de corrosion de l’acier ne peuvent donc en aucun cas être négligés. L’évaluation du risque de corrosion du métal dans son milieu d’utilisation peut permettre de retarder la corrosion, de limiter son ampleur et, dans le meilleur des cas, d’éviter son apparition. Ceci nécessite de prendre connaissance des facteurs de corrosion présents dans l’environnement avant la réalisation de l’ouvrage. Une fois la corrosivité du milieu déterminée sur la base de ces facteurs, la nuance d’acier et son moyen de protection peuvent ensuite être choisis en tenant compte de cette contrainte. De nouveaux alliages d’acier plus résistants à la corrosion et de nouvelles techniques de protection de l’acier ont été développés afin de faire face aux problèmes de corrosion. Le choix du matériau adéquat permet alors de réduire les coûts de fonctionnement, difficilement estimables, qui seraient dus à l’entretien, à la réparation ou au remplacement des éléments corrodés. L’acier dans la construction Partie 1 : Corrosivité des milieux et nuances d’acier La première partie du présent article s’intéressera aux principaux facteurs de corrosion nécessaires à l’évaluation de la corrosivité des différents milieux d’exposition de l’acier. Les nuances d’acier et leurs systèmes de désignation seront ensuite décrits et explicités. Quant aux principaux moyens de protection de l’acier contre la corrosion, ils feront l’objet de la seconde partie de cet article. Ce texte ne fournit pas de règles d’usage de l’acier dans la construction mais peut servir de guide en ce qui concerne les facteurs de risque de corrosion de l’acier et les moyens d’évaluation de ce risque. Il met à disposition des informations permettant d’identifier correctement les aciers et permet, dans sa seconde partie, d’en savoir plus sur les systèmes de protection qui offrent à l’acier une meilleure résistance à la corrosion. 2Corrosivité des milieux en contact avec l’acier La corrosion est une destruction du matériau par un retour spontané du métal à un état naturel de plus grande stabilité, c’est-à-dire sous forme d’oxydes et d’hydroxydes. Suivant son application, l’acier sera exposé aux environnements plus ou moins corrosifs que sont l’atmosphère, l’eau, le sol et le béton. A chacun de ces milieux correspond toujours une phase aqueuse qui est manifeste lorsqu’il s’agit de canalisations ou de réservoirs d’eau, mais qui est plus discrète lorsqu’il s’agit de béton armé. La présence de deux espèces oxydantes majeures dans cette phase aqueuse, à savoir l’oxygène dissous et les ions H+ ou protons, favorise le développement de la corrosion par oxydation du fer, élément principal de l’acier, selon les réactions électrochimiques suivantes : • oxydation du fer : 2 Fe 2 Fe2+ + 4e- (1) • réduction de l’oxygène : O2 + 2H2O + 4e- 4OH- (2) • réduction des ions H+ : 4 H+ + 4e- 2H2 (3) Ces réactions aboutissent à la précipitation d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2 qui s’oxyde en- Fig. 1 Escalier extérieur en acier suite pour former des oxydes ferriques hydratés tels que la lépidocrocite et la goethite. Ces produits d’oxydation forment un film à la surface du métal. Si, par chance, ce film est imperméable, insoluble et non fragile, il peut isoler efficacement le métal de son environnement et enrayer le processus de corrosion. On parlera alors de passivation du métal. Dans le cas de l’acier, le film d’oxyhydroxyde de fer n’est protecteur que dans des conditions très particulières : en milieu acide fortement oxydant ou en milieu alcalin (pH > 9-10). En effet, l’acier (non allié) n’est pas un métal dit ‘passivable’, à l’inverse d’alliages d’aluminium ou d’aciers inoxydables dont l’emploi repose spécifiquement sur cette propriété. Dès lors que le film n’est pas protecteur, l’oxydation du fer se poursuit et entraîne progressivement la dissolution de l’acier non protégé. Il s’ensuit une réduction graduelle de son épaisseur – soit localisée, soit généralisée – se traduisant par une série de désagréments pas forcément dangereux, mais souvent préjudiciables et inadmissibles : taches et piqûres des ? P. Steenhoudt, ir., chercheur, laboratoire ‘Chimie du bâtiment’, CSTC Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & Pratique tôles et des profilés, éclats et fissures du béton armé, percements de canalisations, … En réalité, les réactions électrochimiques qui conduisent à la corrosion de l’acier sont d’une grande complexité et dépendent de multiples facteurs. A chacun des milieux précités correspond une série de paramètres spécifiques à prendre en compte pour en évaluer la corrosivité. Ces paramètres et les processus qui les accompagnent sont explicités ci-après pour chaque milieu en contact avec l’acier. 2.1 Corrosivité de l’atmosphère 2.1.1 Humidité relative : principal activateur de la corrosion atmosphérique Si la corrosion sèche existe, sa vitesse de développement dans l’atmosphère est négligeable et non préoccupante. Elle ne joue un rôle important que pour des appareils fonctionnant à très haute température. C’est principalement la teneur en vapeur d’eau ou l’humidité relative de l’atmosphère qui est à la base des phénomènes de corrosion atmosphérique de l’acier [9]. Si l’humidité relative est élevée, il se forme à la surface de l’acier un film d’eau fortement oxygéné, parfois invisible, d’épaisseur variable, qui constitue une couche mince d’électrolytes. Si l’humidité relative est faible (inférieure à 60 %), la vitesse de corrosion de l’acier est négligeable. C’est notamment le cas à l’intérieur des bâtiments chauffés, ventilés ou climatisés, à l’exception des pièces d’eau, des buanderies ou des cuisines qui peuvent présenter temporairement une humidité relative particulièrement élevée (jusqu’à 100 %). Dans les atmosphères ‘normales’ contenant d’office des agents polluants (SO2, sels marins, suie, particules, ...), on admet que l’acier ainsi que les autres métaux se corrodent à une vitesse accélérée lorsque l’humidité relative de la couche d’air située au-dessus de la surface excède 70 % [2]. La condensation de l’eau à des valeurs d’humidité relative inférieures à 100 % se produit notamment lorsque la température de l’air baisse ou si la surface elle-même est refroidie par rayonnement et que l’air en contact avec celle-ci commence, lui aussi, à se refroidir au-dessous de la température du point de rosée. C’est le cas, par exemple, lorsque la surface rayonne vers un ciel nocturne dégagé. Si la rencontre de l’air avec une surface froide constitue l’une des causes de la formation d’eau à l’état condensé, il en existe d’autres. Il peut s’agir de la condensation de l’eau dans des capillaires ou crevasses de taille moléculaire à la suite de phénomènes de tension superficielle réduisant la pression saturante à l’intérieur des capillaires [5]. Ceci met en évidence l’importance de la rugosité de surface dans les phénomènes de corrosion. L’eau à l’état condensé dépend aussi de l’hygroscopicité des produits de corrosion solubles dans l’eau et des poussières de l’atmosphère [2]. Ces produits peuvent favoriser la formation d’un film électrolytique avant même d’atteindre les 70 % d’humidité relative. Fig. 3 Corrosion de la toiture d’un bâtiment en acier. • Ajoutons que la géométrie et l’orientation d’un ouvrage en acier influencent également la condensation de la vapeur d’eau. C’est ainsi qu’on peut observer la présence de rosée sur le toit d’une voiture et non pas sur ses côtés (cf. figure 2). Il en va de même pour les bâtiments : la durée d’humidification (durée de mouillage ou temps de persistance de l’humidité) à la surface d’un toit en acier peut être deux fois plus élevée que celle des éléments de façade. On peut donc s’attendre à une augmentation proportionnelle du taux de corrosion de la toiture [39] (cf. figure 3). 2.1.2 Polluants gazeux et particulaires • Nombre de gaz et de poussières provenant des activités humaines (industrie, agriculture, circulation automobile, chauffage, …) sont injectés dans l’atmosphère. Ces polluants atmosphériques peuvent se déposer sur les surfaces qu’ils rencontrent ou bien réagir entre eux ou avec la vapeur d’eau présente dans l’atmosphère. Les nouveaux composés formés peuvent à leur tour se déposer sur les surfaces par voie sèche ou par voie humide (pluie, neige, brouillard, condensation). Ces polluants sont plus concentrés en région industrielle ou à forte densité de population qu’en région agricole ou faiblement peuplée. Fig. 2 Condensation sur le toit d’un véhicule. Parmi ces polluants, on retrouve des activateurs de la corrosion atmosphérique tels que : • l’oxyde de soufre ou anhydride sulfureux (SO2) Ce polluant gazeux des plus agressifs provient essentiellement de la combustion du Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page • charbon et du pétrole (combustibles fossiles). Des corrélations entre le niveau de SO2 dans l’air et le niveau d’attaque de l’acier ont prouvé que le SO2 accélère de façon sensible le processus de corrosion. Les prévisions de la vitesse de corrosion dans une région doivent tenir compte de la teneur annuelle en SO2 dans l’atmosphère, mais aussi de la pollution locale pouvant provenir, par exemple, de la cheminée d’un bâtiment dégageant du SO2 à proximité [39] l’ozone L’ozone (O3) de la troposphère (basses couches de l’atmosphère s’élevant du sol jusqu’à 20 km d’altitude environ) est un gaz extrêmement irritant et incolore, dangereux parce que nous le respirons, contrairement à l’ozone de la stratosphère que nous ne respirons pas et qui nous protège du rayonnement solaire ultraviolet. Ce gaz provient de la transformation des NOx (oxydes d’azote) et des COV (composés organiques volatils) sous l’effet des rayons UV. Sa teneur habituellement faible dans la troposphère semble augmenter dans l’hémisphère nord en raison des activités humaines. L’ozone a un pouvoir oxydant qui le rend, à concentration équivalente, aussi agressif vis-à-vis de l’acier que l’oxyde de soufre [2] l’acidité des eaux de condensation Les ions H+ responsables de l’acidité des eaux sont des oxydants qui participent aux réactions d’oxydoréduction de la corrosion. A l’état naturel, l’eau atmosphérique est légèrement acide (pH 5,6) par dissolution du dioxyde de carbone (CO2 + H2O HCO3- + H+), mais la pollution de l’atmosphère due à l’industrie et à la circulation automobile rend cette eau aujourd’hui beaucoup plus acide (pH 4 couramment observé). Cette acidification de l’atmosphère provient de la transformation dans l’air des NOx en HNO3 et des SO2 en H2SO3 et H2SO4 [39], acides forts se dissociant dans l’eau en libérant des protons. Les NOx (NO + NO2) sont formés au cours de tout processus de combustion à haute température, soit par oxydation de l’azote de l’air par l’oxygène, soit par combustion des produits azotés contenus dans les combustibles les chlorures présents dans l’atmosphère La salinité atmosphérique due aux chlorures augmente distinctement les vitesses de corrosion atmosphérique de l’acier, pas seulement Techniques & pratique par augmentation de la teneur en électrolytes de l’eau atmosphérique, mais par l’influence du chlore sur la concentration de l’eau en ions H+ (pH) et par la solubilité des complexes de chlorures de fer formés à la surface de l’acier. Dans le cas de métaux comme le zinc et le cuivre, les sels de chlore formés sont moins solubles et la teneur en chlorures dans l’atmosphère influence donc moins la vitesse de corrosion de ces métaux. L’impact des chlorures sur la corrosion est surtout à considérer dans les régions proches de la côte. En effet, à cet endroit, la concentration en chlorures dans l’air est d’environ 100 µg/m3 alors qu’en zone urbaine ou industrielle, elle est de l’ordre de 10 à 30 µg/m3. Dans un environnement atmosphérique maritime, les surfaces abritées de la pluie, sur lesquelles les chlorures peuvent se coller, présentent un risque de corrosion supérieur en raison de la présence de ces sels hygroscopiques. Le dépôt des chlorures en région côtière dépend aussi des facteurs influençant le transport des sels de mer à l’intérieur des terres, tels que la direction et la vitesse du vent, la topographie locale ou encore la distance du front de mer. Les effets extrêmes des chlorures sont principalement ressentis dans des zones de très violents embruns et des bords de mer des régions à climat chaud et humide mais aussi dans des zones d’éclaboussures affectées par les sels de déverglaçage • les dépôts de particules (suie, poussières, cendres volantes) à la surface de l’acier Les particules présentes dans l’atmosphère sont de composition, de forme et de dimension très diverses. Les grosses particules proviennent à la fois de sources naturelles, comme la terre ou le sable soufflé par le vent, et de sources anthropiques, comme la poussière des ouvrages de construction. Les particules plus fines peuvent être émises directement par les procédés de combustion (suie, cendres volantes, …) ou résulter de la condensation de gaz ou de réactions chimiques entre gaz, donnant lieu à la formation d’un solide. Les particules peuvent aussi s’agglomérer entre elles. Plus les particules seront lourdes, plus elles auront tendance à sédimenter et à former des dépôts sur les surfaces rencontrées. Ces dépôts peuvent déclencher la corrosion de l’acier, soit en favorisant les processus d’aération différentielle aux zones de contact (voir § 2.2.3), soit en fournissant des électrolytes hygroscopiques qui participent directement aux réactions de corrosion. Enfin, la température, l’intensité et la durée de l’insolation, les précipitations (pluie et neige) et la direction des vents constituent des paramètres environnementaux qui s’ajoutent à ceux déjà cités pour influencer la corrosivité de l’atmosphère. Les facteurs cités ci-avant ont été considérés eu égard aux atmosphères extérieures. Il est évident que, pour les atmosphères intérieures de bâtiments destinés à une activité spécifique (pis- Tableau 1 Classification de la durée de persistance de l’humidité sur les surfaces [33]. Classe Durée de persistance de l’humidité τ1 τ2 τ3 τ4 τ5 Heures/an Pourcentage τ ≤ 10 10 < τ ≤ 250 250 < τ ≤ 2500 2500 < τ ≤ 5500 5500 < τ τ ≤ 0,1 0,1 < τ ≤ 3 3 < τ ≤ 30 30 < τ ≤ 60 60 < τ Tableau 2 Classification de la pollution par les substances contenant du soufre [33] (*). Catégorie Vitesse de dépôt du SO2 (par jour) mg/(m2.d) Concentration de SO2 µg/m3 P0 P1 P2 P3 Pd ≤ 10 10 < Pd ≤ 35 35 < Pd ≤ 80 80 < Pd ≤ 200 Pc ≤ 12 12 < Pc ≤ 40 40 < Pc ≤ 90 90 < Pc ≤ 250 (*) Représenté par le dioxyde de soufre (SO2). Tableau 3 Classification de la pollution par les sels contenus dans l’air sous forme de chlorures [33]. Catégorie Vitesse de dépôt des chlorures (par jour) mg/(m2.d) S0 S1 S2 S3 S≤3 3 < S ≤ 60 60 < S ≤ 300 300 < S ≤ 1500 cine, étable, usine de produits chimiques, …), il faut tenir compte d’autres facteurs, trop nombreux pour être examinés ici. A titre d’exemple, considérons le cas particulier de l’atmosphère des bâtiments où logent des animaux et où les causes de corrosion sont nombreuses. Les animaux expirant un grand volume d’humidité dans l’air, les risques de condensation s’accroissent si les bâtiments ne sont pas bien ventilés. En même temps, le gaz ammoniac, qu’on trouve habituellement en milieu d’élevage, se mélange facilement à cette humidité pour produire de l’ammoniaque liquide, qui attaque la plupart des surfaces métalliques [14]. 2.1.3 Classification de la corrosivité des atmosphères Lorsqu’on en vient à considérer la question de la corrosion d’un métal destiné à être utilisé dans un lieu donné, on doit d’abord établir l’ensemble ou la moyenne des conditions environnantes. C’est ce que prévoit la norme ISO 9223 [33]. Celle-ci propose un classement de corrosivité des différentes atmosphères en se basant sur des classes de durée de persistance de l’humidité (tableau 1) et des catégories de pollution par les chlorures et l’anhydride sulfureux (tableaux 2 et 3). Ces deux substances permettent en effet, à elles seules, de représenter l’ensemble des atmosphères existantes, à l’exception des atmosphères extrêmes, telles que celles des usines chimiques ou métallurgiques. Comme de nombreux paramètres peuvent influencer la formation d’humidité sur les surfaces métalliques (voir § 2.1.1), la durée de persistance de l’humidité considérée dans la norme correspond uniquement au laps de temps pendant lequel l’humidité relative dépasse 80 % à une température supérieure à 0 °C. Les atmosphères se divisent subséquemment en 5 classes de corrosivité croissante, décrites au tableau 4 (p. 4) en fonction des vitesses de corrosion de l’acier. Les valeurs numériques renseignées correspondent à la vitesse de corrosion relevée après un an sur des aciers de référence exposés à des atmosphères de corrosivité déterminée. Les valeurs numériques rlin, issues de la norme NBN EN ISO 9224 [34], correspondent à des vitesses stabilisées de corrosion résultant d’une longue exposition dans ces mêmes atmosphères. La dernière colonne du tableau 4 (p. 4) décrit les environnements atmosphériques types correspondant à chaque classe de corrosivité (NBN EN 12500 [23]). En fonction de la classe de durée de persistance de l’humidité et des catégories de pollution par les chlorures et l’anhydride sulfureux, on peut déterminer la classe de corrosivité à laquelle appartient une atmosphère donnée en se référant au tableau 5 (p. 5). Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & Pratique Tableau 4 Classes de corrosivité et vitesses de corrosion de l’acier non allié pour une exposition dans les classes de corrosivité correspondante [6, 8]. Classe de corrosivité Corrosivité C1 Très faible C2 Vitesse de corrosion de l’acier rcorr g/(m2.a) rlin µm/an Environnements types (exemples) Intérieur Extérieur rcorr ≤ 10 rlin ≤ 0,1 Bâtiments chauffés à faible humidité relative et pollution insignifiante (bureaux, écoles, musées, …) Zone sèche ou froide, environnement atmosphérique très faiblement pollué et très peu humide (certains déserts, centre de l’Antarctique, …) Faible 10 < rcorr ≤ 200 0,1< rlin ≤ 1,5 Bâtiments non chauffés à température et humidité relative variables. Faible risque de condensation et peu de pollution (stockage, salles de sports, …) Zone tempérée, environnement atmosphérique faiblement pollué (SO2 < 12 µg/m3) (régions rurales, petites villes, …) Zone sèche ou froide, environnement atmosphérique peu humide (déserts, régions subarctiques, …) C3 Moyenne 200 < rcorr ≤ 400 1,5 < rlin ≤ 6 Volumes à fréquence modérée de condensation et pollution modérée due à un procédé de fabrication (usines agroalimentaires, laveries, brasseries, laiteries, …) Zone tempérée, environnement atmosphérique moyennement pollué (SO2 :12 à 40 µg/m3) ou moyennement affecté par les chlorures (régions urbaines, régions côtières à faible dépôt de chlorures, …) Zone tropicale, environnement atmosphérique faiblement pollué C4 Forte 400 < rcorr ≤ 650 6 < rlin ≤ 20 Volumes à fréquence élevée de condensation et à forte pollution due à un procédé de fabrication (usines, piscines, …) Zone tempérée, environnement atmosphérique fortement pollué (SO2 : 40 à 80 µg/m3) ou substantiellement affecté par les chlorures (régions urbaines polluées, régions industrielles, régions côtières sans embruns salins, régions fortement affectées par les sels de déverglaçage, …) Zone tropicale, environnement atmosphérique moyennement pollué C5 Très forte 650 < rcorr ≤ 1500 20 < rlin ≤ 90 Volumes où la condensation est quasi permanente et/ou la pollution due à un procédé de fabrication est très élevée (mines, grottes pour installations industrielles, hangars non ventilés en région tropicale humide, …) Zone tempérée, environnement atmosphérique très fortement pollué (SO2 : 80 à 250 µg/m3) et/ou très fortement affecté par les chlorures (régions industrielles, régions côtières, atmosphères marines avec embruns salins, …) Zone tropicale, environnement atmosphérique fortement pollué et/ou affecté par les chlorures Lorsqu’il faut décider d’une protection à appliquer contre la corrosion, l’étude du microenvironnement, c’est-à-dire des conditions prévalant autour de la construction, est particulièrement déterminante puisqu’elle permet de connaître avec une plus grande précision les conditions auxquelles sera soumis l’ouvrage. Si ces conditions ne sont pas toujours connues au stade de projet, le nécessaire doit toutefois être fait pour les identifier le plus exactement possible. 2.2 Corrosivité des eaux L’eau étant l’un des principaux éléments nécessaires à la corrosion, les ouvrages en acier constamment ou temporairement immergés Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page dans une eau aérée ou véhiculant cette dernière subiront une corrosion plus importante que ceux exposés à l’atmosphère et seulement occasionnellement en contact avec l’eau de condensation, la pluie ou la neige [3]. Si, pour certains ouvrages, des métaux peuvent être immergés dans l’eau (ouvrages portuaires, stations de forage en mer, pipelines, …), les Techniques & pratique Tableau 5 Classe de corrosivité de l’atmosphère en fonction des catégories de pollution et de la durée de persistance de l’humidité [33]. Durée de persistance τ1 τ2 τ3 τ4 τ5 S0-S1 S2 S3 S0-S1 S2 S3 S0-S1 S2 S3 S0-S1 S2 S3 S0-S1 S2 S3 P0-P1 C1 C1 C1 ou C2 C1 C2 C3 ou C4 C2 ou C3 C3 ou C4 C4 C3 C4 C5 C3 ou C4 C5 C5 P2 C2 C1 C1 ou C2 C1 ou C2 C2 ou C3 C3 ou C4 C3 ou C4 C3 ou C4 C4 ou C5 C4 C4 C5 C4 ou C5 C5 C5 P3 C1 ou C2 C1 ou C2 C2 C2 C3 C4 C4 C4 ou C5 C5 C5 C5 C5 C5 C5 C5 cas les plus fréquents de corrosion des métaux par l’eau concernent les canalisations des installations sanitaires et de chauffage ainsi que les canalisations d’évacuation [9]. La nature de l’eau et sa chimie varient selon son origine (eau souterraine, eau de pluie, eau d’évacuation, eau de ruissellement, eau industrielle, eau de ville, …) et selon son utilisation (véhiculée ou stockée, aérée ou non aérée, chauffée, surchauffée ou refroidie, …). La série de normes NBN EN 12502 (parties 1 à 5) [26] fournit des recommandations pour l’évaluation du risque de corrosion interne des matériaux métalliques (dont les aciers) dans les installations de distribution et de stockage de l’eau. Outre la conception de l’installation, sa mise en service et ses conditions de fonctionnement, ces normes considèrent l’influence des caractéristiques de l’eau sur le risque de corrosion. L’eau en contact avec l’acier des canalisations, des cuves ou des citernes peut contenir, en quantités variables, des sels minéraux dissous, des gaz dissous, des matières organiques ou minérales en suspension (sable, limon, argile, matières végétales, …) et des microorganismes (bactéries, amibes, virus, …) qui constituent autant d’agents influençant la corrosivité de l’eau. 2.2.1 Sels minéraux dissous Les sels minéraux dissous (Na+, Ca2+, Cl-, Mg2+, SO42-, CO32-, SiO32) ou électrolytes augmentent la conductivité de l’eau, qui favorisera les échanges de charges, permettant une dissolution plus facile des métaux. Une eau ‘naturelle’ qui ruisselle sur le sol à la suite de précipitations atmosphériques se charge en sels par action physique et chimique sur son parcours aérien et souterrain. Si le sol traversé est gypseux, l’eau sera chargée en Ca2+ et en SO42-. Si c’est un sol calcaire, elle sera chargée en Ca2+ et en CO32-. Cette eau reste cependant moins minéralisée qu’une eau de mer riche en ions Na+ et Cl- et donc plus corrosive. Une eau de ville considérée comme potable est par contre traitée pour satisfaire aux exigences de la directive européenne 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (chaque Région ayant édité un règlement basé sur cette directive) [8]. Ces exigences définissent notamment des valeurs limites de concentration en sels tels que les chlorures, les sulfates, les nitrates, les fluorures ou le sodium. La directive impose également une limite en matière de conductivité de l’eau. A priori, on ne doit pas vraiment s’inquiéter des sels dissous dans l’eau en contact avec l’acier lorsqu’on s’intéresse à la corrosion de celui-ci, sauf en cas de pollution par les chlorures ou les sulfates, encore appelés ions remarquables, ou si l’eau est trop faiblement concentrée en ions Ca2+ et CO32- nécessaires à la formation d’un film protecteur adhérant à la surface de l’acier (voir § 2.2.2). sous-jacent accessible aux autres agents corrosifs. De plus, ils participent au cycle des bactéries sulfatoréductrices et, partant, au développement des corrosions bactériennes (voir § 2.2.4). L’origine des sulfates dans l’eau peut être naturelle (altération des minerais sulfurés tels que la pyrite ou le gypse, décomposition de la végétation et de la faune avoisinante) ou anthropique (infiltrations d’eau superficielle contaminées par les émissions de soufre provenant des combustibles fossiles, par les sulfatages agricoles, par les rejets ménagers et industrielles). D’autres facteurs, tels que l’altération des matériaux métalliques constitutifs des canalisations, des cuves et des appareils, peuvent encore accroître la minéralisation de l’eau. Cette altération entraîne un enrichissement de l’eau en éléments chimiques indésirables (fer, cuivre, zinc, plomb, …), ce qui pourrait nous amener à dire que la corrosion est, dans un certain sens, un processus autocatalytique. 2.2.2 Gaz dissous Les chlorures sont des ions particulièrement mobiles, ils se concentrent facilement dans les microfissures de la surface de l’acier. Ils entraînent alors localement une chute importante du pH et favorisent une corrosion acide de l’acier. De plus, ils s’adsorbent à la surface de celui-ci et rendent poreux les dépôts formés. Dans une eau de distribution, des chlorures en concentration supérieure à la normale peuvent provenir d’une défaillance d’un traitement de désinfection de l’eau (les chlorures sont des sous-produits de la désinfection au dioxyde de chlore) ou du mauvais fonctionnement d’un adoucisseur à résine échangeuse d’ions. Dans une eau ‘naturelle’, l’origine des chlorures est multiple : terrains salés, urines des animaux, salage des routes, rejets de stations d’épuration, rejets industriels et agricoles, … A l’instar des chlorures, les sulfates rendent les dépôts poreux et donc la surface de l’acier L’eau contient également des gaz dissous (oxygène, anhydride carbonique, azote, …) en quantités variables selon la température et la pression. Parmi ces gaz, l’oxygène, qui se dissout sans dissociation, constitue un initiateur et un activateur essentiel de la corrosion de l’acier par l’eau. La teneur en oxygène dissous peut atteindre 4 mg/l dans une eau aérée et bien plus dans une eau saturée en oxygène (environ 10 mg/l à 15 °C et à pression atmosphérique). Une eau en contact permanent ou occasionnel avec l’air sera plus corrosive qu’une eau isolée de l’atmosphère. Cela permet d’expliquer les différences de comportement de l’acier en milieu ouvert et fermé. Les conduites d’une installation sanitaire dans laquelle l’eau est sans cesse renouvelée (apport continu d’oxygène) seront plus souvent sujettes à des problèmes Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & Pratique de corrosion que les conduites d’une installation de chauffage dans laquelle l’eau n’est renouvelée que dans le cas exceptionnel d’une vidange pour entretien ou réparation. Par contre, si la teneur en oxygène dissous est très faible, c’est l’ion H+ ou proton qui prendra le relais et qui contribuera au processus de corrosion du fer (voir réaction (3), p. 1). Les protons présents dans l’eau proviennent moins de la dissociation de l’eau en protons et en ions hydroxyles que de l’acide carbonique (H2CO3) issu de la dissolution dans l’eau du CO2 atmosphérique. Ce second gaz dissous intervient donc dans le développement ������������������������������ de la corrosion en formant des protons selon les trois réactions suivantes : • CO2 + H2O H2CO3 (4) • H2CO3 H+ + HCO3- (5) • HCO3- H+ + CO32- (6) Le pH d’une eau, autrement dit sa concentration en protons, est réglé par l’équilibre calcocarbonique. �������������������������������� Il s’agit de l’équilibre des hydrogénocarbonates qui sont peu stables et se transforment en carbonates selon la réaction globale suivante : • 2 HCO3- CO32- + CO2 + H2O (7) Les carbonates formés réagissent avec les ions calcium présents dans l’eau pour former le carbonate de calcium (CaCO3), très peu soluble, qui précipite pour produire ce qu’on appelle communément le tartre. Les hydrogénocarbonates ne resteront stables dans l’eau que si la teneur en CO2 est suffisante. La concentration en CO2 nécessaire à cette stabilité est appelée CO2 équilibrant et est donnée pour une température et une concentration en HCO3- déterminées. Si la concentration en CO2 dans l’eau (appelé CO2 libre) est supérieure à la concentration d’équilibre, le CO2 en excès (appelé CO2 agressif) peut dissoudre le CaCO3. L’eau est alors considérée comme agressive. Dans le cas contraire, elle est considérée comme incrustante ou entartrante et elle déposera une couche de carbonate de calcium adhérente qui empêchera les agents corrosifs tels que l’oxygène et les protons d’atteindre la surface de l’acier. La figure 4 ci-contre représente graphiquement les trois cas de figure possible de la répartition du CO2 dans l’eau [35]. La notion d’agressivité d’une eau est différente de la notion de corrosivité mais, sous certaines conditions, une eau agressive pourrait être corrosive vis-à-vis de l’acier non protégé par un dépôt de carbonate de calcium. C’est pourquoi, dans le but de protéger les réseaux de distribution, les compagnies donnent généralement à l’eau un caractère légèrement incrustant afin qu’un léger dépôt de CaCO3 tapisse les canalisations et limite ainsi le développement de la corrosion [13]. Il existe aujourd’hui des logiciels, utilisés par les entreprises de traitement de l’eau, qui permettent de définir les conditions d’équilibre calcocarbonique d’une eau et l’inci- Fig. 4 Représentation graphique de la répartition du CO2 dissous [35]. Répartition du CO2 d’une eau agressive CO2 total CO2 sous forme d’hydrogénocarbonate CO2 libre CO2 équilibrant CO2 excédentaire Répartition du CO2 d’une eau à l’équilibre CO2 total CO2 sous forme d’hydrogénocarbonate CO2 libre CO2 équilibrant Répartition du CO2 d’une eau incrustante CO2 total CO2 sous forme d’hydrogénocarbonate CO2 libre CO2 équilibrant dence d’un traitement imposé ou de déterminer la quantité nécessaire de produit traitant pour atteindre un état donné. Ces logiciels sont basés sur la méthode française de Legrand, Poirier et Leroy, mondialement reconnue [29]. En plus du CO2 et de l’oxygène, d’autres gaz dissous dans l’eau peuvent également avoir une action corrosive vis-à-vis de l’acier ; citons simplement les cas de corrosion liés à la formation et l’accumulation d’H2S dans des eaux usées stagnantes. L’H2S se transforme en acide sulfurique sous l’influence de bactéries aérobies (voir § 2.2.4) [9]. 2.2.3 Matières minérales ou organiques en suspension L’eau véhicule des matières en suspension qu’elle emporte sur son passage. Ces matières sont constituées de sable, de limon ou d’argile, de débris minéraux provenant de roches ou de métaux, de débris organiques issus de la décom- position de végétaux, … Si l’eau n’est pas filtrée, les matières qu’elle transporte pourront sédimenter sur l’acier ou s’accrocher aux aspérités des canalisations, des cuves ou des réservoirs et générer une corrosion sous dépôt, appelée corrosion par aération différentielle. Ce type de corrosion, très couramment observé, résulte de la création par le dépôt sédimenté de zones de moindre aération (voir figure 6, p. 7). Les parties faiblement oxygénées sous les dépôts jouent le rôle d’anode et se corrodent, tandis que les zones mieux oxygénées serviront de cathodes et seront donc protégées (voir figure 5). Cette corrosion de type localisé est la plus dangereuse puisqu’elle conduit à des piqûres ou des crevasses qui se développent rapidement jusqu’à perforation du métal [4]. Notons que la sédimentation de dépôts métalliques plus nobles que l’acier provoque en outre une corrosion galvanique de l’acier. C’est nottamment le cas des dépôts de cuivre. Pour cette raison, il est fortement déconseillé de placer des éléments en cuivre en amont d’éléments en acier Fig. 5 Corrosion par aération différentielle. Corrosion O2 Cathode Boue Acier e- Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Anode Techniques & pratique Fig. 6 Corrosion par aération différentielle dans la partie inférieure d’un tube en acier. induit une hétérogénéité de la concentration en oxygène à l’interface métal/biofilm. Cette hétérogénéité, de même qu’une répartition non uniforme du biofilm laissant des zones non couvertes, peut entraîner une corrosion par aération différentielle (voir § 2.2.3) [10]. pendant diverses installations industrielles, le plus souvent en contact avec de l’eau stagnante ou quasi stagnante (échangeurs de chaleur, circuits anti-incendie, condenseurs). 2.3 Corrosivité dans une installation de chauffage ou une installation sanitaire. 2.2.4 Micro-organismes Les eaux non stériles peuvent contenir une grande variété de micro-organismes, incluant les amibes, les algues, les levures, les protozoaires et les bactéries. Ces micro-organismes peuvent s’adsorber à la surface de l’acier et générer un biofilm d’aspect gélatineux qui comprendra aussi des macromolécules organiques (protéines, glycoprotéines, acides humiques, …) et/ou des particules inorganiques. L’accrochage du biofilm à la surface de l’acier devient irréversible à partir du moment où les micro-organismes fixés sécrètent des polymères extracellulaires qui assurent la cohésion du biofilm. Si les conditions physicochimiques à l’interface métal/solution sont favorables, la croissance et la multiplication des bactéries colonisatrices se poursuivent pour atteindre un état stationnaire, rythmé par des étapes de détachement et de nouvelles adhésions [12]. Les micro-organismes peuvent également produire des métabolites corrosifs pour l’acier. Par exemple, les bactéries sulfo-oxydantes (Thiobacillus thiooxidans et ferroxidans, Thiothrix et Beggiatoa) entraînent une biocorrosion aérobie acide en diminuant le pH de l’eau par formation d’acide sulfurique à partir des sulfures ou du soufre utilisés comme donneurs d’électrons. Les bactéries ferro-oxydantes autotrophes (Gallionella ferruginae) ou hétérotrophes (Sphaerotilus, Leptothrix sp, Crenothrix sp) créent, par contre, des conditions propices à une corrosion par aération différentielle en oxydant l’ion ferreux en ion ferrique, conduisant à la formation d’une zone d’anaérobiose sous un dépôt d’hydroxyde ferrique [4]. En l’absence d’oxygène, en milieu aqueux non aéré, l’acier peut subir une biocorrosion anaérobie provoquée par des bactéries dites sulfatoréductrices (ou sulfurogènes). Ces bactéries se complaisent dans les zones peu aérées (sous des dépôts, par exemple) où elles favorisent la formation de sulfure d’hydrogène par réduction de composés soufrés et notamment des sulfates présents dans l’eau. Or, les propriétés corrosives de l’H2S sur l’acier non allié, notamment en milieu acide, sont bien connues. L’hydrogène sulfuré réagit avec les ions Fe++ pour former un sulfure de fer noir. La corrosion se manifeste alors sous la forme de piqûres ouvertes remplies de produits de corrosion noirs qui réagissent avec de l’acide pour dégager de l’H2S nauséabond. La présence de micro-organismes peut constituer un facteur accélérateur ou, plus rarement, initiateur d’une corrosion. On parlera dans ce cas de corrosion microbienne, de corrosion MIC (Microbiologically Induced Corrosion) ou simplement de biocorrosion. La norme NBN EN ISO 8044 [27] définit le terme ‘corrosion microbienne’ comme étant une corrosion associée à l’action de micro-organismes présents dans le système de corrosion (1) et le terme ‘corrosion bactérienne’ comme une corrosion microbienne particulière due à l’action des bactéries. Selon Chantereau, la corrosion bactérienne rassemble « tous les phénomènes de corrosion où des bactéries, agissant directement ou par l’intermédiaire des substances provenant de leur métabolisme, jouent un rôle primordial, soit en accélérant un processus déjà établi, soit en créant les conditions favorables à son établissement » [7]. Tous les biofilms ne sont pas corrosifs et d’aucuns pensent même qu’ils peuvent parfois exercer un effet d’inhibition de la dissolution du métal, notamment parce qu’ils agissent comme barrière limitant la diffusion de l’oxygène [28]. Cette hypothèse est cependant contredite par d’autres, qui considèrent que le biofilm n’est ni résistant ni uniforme [30]. Pour qu’un biofilm soit corrosif (indépendamment du phénomène de corrosion par aération différentielle qu’il peut entraîner), il faut que les conditions physicochimiques de l’environnement proche du biofilm soient propices au développement des bactéries et que les produits de leur métabolisme soient agressifs pour le métal concerné. Très souvent, la corrosion des aciers due à des micro-organismes n’apparait que lorsqu’un processus de corrosion électrochimique est déjà amorcé. La biocorrosion peut notamment être causée par l’hétérogénéité biologique du biofilm qui Les problèmes de corrosion ayant pour origine la présence de micro-organismes touchent ce- (1) Le système de corrosion s’entend comme le métal et son environnement. des sols Les sols sont toujours humides et l’eau interstitielle qui y circule est chargée de nombreux sels (sulfates, chlorures, nitrates, acides organiques, …). Ils constituent de ce fait des milieux électrolytiques propices à la corrosion des métaux. Les ouvrages concernés par la corrosivité des sols sont les éléments métalliques de renforcement de remblai, les parois de palplanches, les canalisations enterrées, les conduits souterrains, les supports d’ancrage, les buses métalliques, les réservoirs de stockage, … (cf. figure 7). Comme ces ouvrages ne peuvent pas faire l’objet d’un entretien régulier et qu’il est impossible de modifier la nature des sols, il est important de bien déterminer la corrosivité de ces derniers afin de prendre des mesures appropriées de protection de l’acier. Les paramètres à considérer pour juger de la corrosivité d’un sol et donc de la nécessité d’appliquer ou non une protection à l’acier sont : • la nature du sol (pH, acidité, alcalinité, …) • sa texture (perméabilité à l’oxygène) • sa teneur en eau (présence d’une nappe phréatique à proximité) • sa résistivité électrique (teneurs en sels dissous) • la nature des sels présents (chlorures, sulfates, sulfures, …) • la présence de bactéries, dont les bactéries sulfato-réductrices qui, en milieu désaéré, accélèrent la corrosion de l’acier (voir § 2.2.4) • la présence de courants vagabonds (voies ferrées, lignes à haute tension, protection cathodique de structures situées à proximité, …) • les éventuelles hétérogénéités verticales ou horizontales (veines d’argile dans un terrain Fig. 7 Palplanche en acier. Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & Pratique Tableau 6 Conditions de sol pouvant suggérer une force corrosive élevée [25]. Caractéristiques Type de sol Perturbations électriques Pollution Autres Circonstances Exemples de critères Sol naturel Présence de tourbe, de lignite, de charbon, … Zones telles que marais, étangs marécageux, … Zone de marées Présence d’une nappe phréatique saumâtre ou d’eau de mer Sols anaérobies (possibilité de corrosion microbienne induite) Sol artificiel Sols contenant des cendres, des scories, des sous-produits industriels, des résidus de déchets domestiques, … Zones remblayées par des sous-produits industriels (tout type) Matériaux recyclés non contrôlés Dispositif à courant continu (CC) Proximité de chemins de fer à CC, de tramways, de métros, … Proximité d’une structure à protection cathodique ou d’anodes, ... Dispositif à courant alternatif (CA) Proximité de lignes électriques à CA, de réseaux ferroviaires à CA Proximité de prises de terre à CA Sol contaminé Contamination par des sels de dégivrage, du fumier, des fertilisants, des rejets industriels ou des effluents d’égouts perméables Topographie et hydrographie Présence, sur le chemin d’une canalisation, d’un point bas, d’une traversée de ruisseau ou de rivière, … Toponymie Indications, données par les noms de village, relatives aux caractéristiques particulières de la nature de sol Interface triple Nappe phréatique fluctuante poreux) en raison des cellules de corrosion qu’elles risquent de former par aération différentielle. Les facteurs influençant la corrosivité des sols sont trop nombreux pour être tous analysés lorsqu’on veut déterminer les risques de corrosion dans un milieu déterminé. Seuls les paramètres globaux (résistivité, pH, teneur en eau, …), facilement accessibles, sont généralement pris en compte [9]. La norme NBN EN 12501-1 sert de base à l’évaluation du risque de corrosion dans les sols des structures métalliques [24]. Elle définit en effet une méthode d’évaluation des forces corrosives des sols et énumère en outre les facteurs les plus défavorables à prendre en compte. Cette évaluation est effectuée en considérant le métal nu en contact direct avec le sol, sans tenir compte d’une éventuelle protection. La norme NBN EN 12501-2 [26] traite plus spécifiquement de l’évaluation des forces corrosives dans les sols renfermant des ouvrages composés de matériaux ferreux faiblement ou non alliés, dont l’acier. Cette dernière propose plusieurs niveaux d’enquête conduisant à déterminer de façon plus ou moins précise la force corrosive d’un sol. Les conditions de sol telles que présentées au tableau 6 sont examinées par une enquête préliminaire basée sur une étude géologique, une étude topographique et une recherche d’informations spécifiques (présence de sources de courant, pollution par des effluents industriels, des sels de déverglaçage, des engrais, des dépôts ou décharges, …). Si aucune autre étude n’est réalisée et qu’au moins un des critères du tableau 6 est rempli, la force corrosive doit être considérée comme élevée. Une étude sur site peut ensuite être menée pour effectuer des mesurages de la résistivité du sol (ρ) et des gradients de potentiels aux emplacements les plus défavorables et aux périodes de l’année les plus critiques. Des valeurs de résistivité inférieures à 30 Ωm indiquent un sol de force corrosive élevée. Si ces valeurs sont supérieures, l’enquête doit être poursuivie par un prélèvement d’échantillons de sol. Ceux-ci sont portés en laboratoire pour y mesurer les valeurs de résistivité et de pH. La connaissance de ces deux valeurs permet d’évaluer, à l’aide du schéma de la figure 8, la force corrosive de la zone de prélèvement. En présence d’une nappe phréatique (ouvrage partiellement immergé) ou d’une large gamme de valeurs de résistivité (ρ max/ρ min > 3) ou de pH (pH max-pH min > 1,5), un statut de force corrosive moyenne devra être modifié en statut de force corrosive élevée. Dans le cas d’un sol composé de matériaux de remblai, la force corrosive sera faible si les critères du tableau 7 (p. 9) sont remplis. Fig. 8 Force corrosive d’un échantillon de sol [26]. > 9,5 Signalons que, même dans des sols de force corrosive faible, le risque de corrosion existe toujours à l’interface air/sol. 6 – 9,5 Elevée Moyenne Faible pH 2.4 Corrosivité des bétons 4,5 – 6 2.4.1 Le béton armé : une première association acier-béton intéressante < 4,5 Le béton, matériau de construction par excellence, possède une grande résistance à la compression (25 à 60 MPa, voire beaucoup plus pour les nouveaux bétons à hautes performances), mais sa résistance à la traction est environ dix fois plus faible que sa résistance en compression. De plus, le béton de ciment a un comportement fragile. Son 0 10 30 50 100 Résistivité du sol ρ∗ (valeur minimale de résistivité après ajout d'eau déionisée) (Ωm) Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & pratique Tableau 7 Critères de corrosivité des matériaux de remblai [26]. Paramètres Force corrosive faible Résistivité ρ* > 100 Ωm pH (*) 6 < pH < 9 Sulfure < 10 mg/kg Carbone Aucune détection visuelle de charbon, de coke, de graphite ni de résidus carbonifères (*) Les matériaux n’entrant pas dans cette gamme de pH, mais présentant toutefois des taux d’acidité ou d’alcalinité faibles peuvent être considérés comme ayant une force corrosive faible. utilisation comme matériau de construction, qui remonte à l’époque romaine, n’a pris son plein essor qu’avec l’invention du béton armé. Dans celui-ci, des armatures, c’est-à-dire des barres en acier (originellement en fer), compensent sa faible résistance à la traction. En effet, l’acier présente une résistance à la traction de l’ordre de 500 MPa. La faisabilité technique du composite acier-béton repose sur la quasi-équivalence des coefficients de dilatation thermique du béton et de l’acier. En outre, le pH basique (pH > 11) d’un béton sain et celui de la solution interstitielle contenue dans les pores du béton sont favorables à la formation d’une couche de passivation (produit blanc à base de ferrite de calcium hydraté) qui protège les armatures contre la corrosion en éliminant tout contact que pourrait avoir l’acier avec l’oxygène et l’eau, même si, avant d’être enrobées par le béton, ces armatures étaient couvertes de rouille par leur exposition à l’atmosphère. Le béton assure donc par son alcalinité une protection des armatures. 2.4.2 Principaux activateurs de la corrosion dans le béton : les chlorures et la carbonatation La corrosion des armatures du béton est cependant le phénomène de dégradation le plus fréquent des ouvrages en béton armé. En effet, le béton alcalin évolue en réagissant avec son environnement. Aucun béton de construction n’est parfaitement étanche et tous les bétons subissent des altérations provoquées par des contraintes mécaniques (déformations dues à des charges excessives, à des chocs, …), des contraintes thermiques (variations extrêmes de température) ou des réactions chimiques (dissolutions, gonflements, …) qui entraînent des fissurations. Au contact de l’atmosphère, de l’eau ou du sol, certains gaz ou liquides constitutifs de ces milieux pénètrent dans le béton via les pores et les fissures, chemins privilégiés vers les armatures. Ces gaz ou liquides peuvent contenir des agents agressifs pour l’acier, tels que le gaz carbonique (ou anhydride carbonique) et les chlorures qui modifient localement la composition chimique du béton et de la solution interstitielle, provoquant la destruction du film de passivation des armatures. Les chlorures présents dans le béton peuvent provenir du milieu ambiant (milieu marin, sels de déverglaçage) ou avoir été introduits lors du gâchage (adjuvants chlorés, granulats contaminés, eau de mer). Ces ions très solubles dans l’eau sont transportés par diffusion (gradient de concentration) ou par entraînement (convection) de l’eau qui pénètre dans le béton par pression ou par capillarité. A partir d’une certaine concentration, qui varie en fonction du pH ou plutôt du rapport (Cl-)/(OH-), les chlorures vont entraîner la dépassivation des armatures et participer à la formation d’une rouille verte composée de fer tri- et divalent incluant les ions chlores [37]. Cette rouille verte est stable en l’absence d’oxygène. Cette concentration critique, surtout au droit des armatures, est comprise entre 0,4 et 1 % en masse d’ions chlorures par rapport à la masse de ciment. A cet égard, la norme NBN EN 206-1 et son complément belge, la norme NBN B 15-001 [15] spécifient que la teneur en chlorures d’un béton ne doit pas dépasser : • 0,4 % lorsque le béton contient des armatures en acier ou des pièces métalliques noyées • 0,2 % s’il contient des armatures de précontraintes en acier [1]. Fig. 9 Corrosion d’armatures avec éclatement du béton. La pénétration du CO2 provenant du milieu environnant provoque la carbonatation du béton. Ce gaz réagit avec l’hydroxyde de calcium Fig. 10 Armature corrodée avec réduction de la section utile. Ca(OH)2, réserve alcaline du béton, pour former du carbonate de calcium CaCO3. La carbonatation s’accompagne d’une réduction du pH de la solution interstitielle à des valeurs proches de 9, alors que les valeurs habituelles de cette solution sont plutôt de l’ordre de 13 [32]. A de telles valeurs de pH, la couche passive se dissout et la surface de l’acier n’est plus protégée. Il se forme également une rouille verte plus stable que celle formée par les chlorures [37]. La dépassivation des armatures est initiée lorsque la carbonatation ou les chlorures ont traversé le béton d’enrobage et atteint les armatures. La corrosion se développe ensuite en présence d’oxygène et d’humidité. La rouille verte s’oxyde en magnétite noire ou en oxyhydroxyde de fer avec libération de protons. Ceux-ci acidifient le milieu, qui devient dès lors plus agressif et amplifie la corrosion. Il n’y a pas de corrosion lorsque l’atmosphère est très sèche (humidité relative < 40 %) ou lorsque le béton est totalement immergé dans de l’eau désaérée. L’humidité relative la plus favorable à la corrosion est de l’ordre de 70 à 80 %. Au-delà, la diffusion de l’oxygène nécessaire au développement de la corrosion est considérablement diminuée. Les produits de corrosion occupant un volume largement supérieur au volume initial de l’acier, la formation de rouille exerce une pression interne dans le béton, ce qui peut entraîner sa fissuration, voire son éclatement (voir figure 9). Selon l’état d’oxydation, le fer métallique peut en effet former des oxydes ou hydroxydes dont le volume peut être jusqu’à six fois supérieur au volume initial [9]. La fissuration du béton facilite ensuite le transport des agents agressifs jusqu’au niveau de l’acier, ce qui aura pour conséquence une augmentation de la vitesse de corrosion. Deux autres effets nuisibles de la corrosion sur la stabilité Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page Techniques & Pratique de l’ouvrage en béton se produisent : la perte d’adhérence et la réduction de la résistance des barres d’acier en raison de la diminution de leur section utile par progression de la corrosion [32] (voir figure 10). 2.4.3 Autres associations acier-béton dans la construction L’association acier-béton ne se limite pas au béton armé. Il existe de nombreux éléments de construction mixtes en acier-béton qui utilisent le béton pour résister aux efforts de compression et l’acier pour résister aux efforts de traction et aux efforts tranchants. Il peut s’agir de planchers de grande portée, de poutres avec coffrage en acier (coffrage perdu) ou encore de colonnes en acier enrobées de béton. Cette conception offre aussi l’avantage d’améliorer sensiblement la résistance à l’incendie des ouvrages. Le béton renforcé de fibres d’acier constitue un autre exemple d’association acier-béton. Les fibres situées à proximité de la surface peuvent éventuellement se corroder en raison de la carbonatation ou de la présence de chlorures dans l’environnement. Les recherches ont cependant démontré qu’il n’y avait pas de risques de dégradation par éclatement du béton [38]. La corrosion des fibres entraîne uniquement un problème d’ordre esthétique. L’encastrement de tuyauteries en acier dans une chape constitue, quant à lui, un exemple d’association acier-mortier qui connaîtra les mêmes problèmes de corrosion que les armatures dans le béton si la chape est trop souvent humide (infiltrations d’eau, inondations, …) et que les tuyaux ne sont pas munis d’une protection efficace et continue adhérant aux tuyaux [6]. Qu’il soit au contact de l’atmosphère, immergé dans l’eau, enterré dans le sol ou enrobé de béton, l’acier doit faire face à l’agression de divers agents corrosifs inévitablement présents dans ces milieux. Si l’étude de l’environnement d’un ouvrage souligne une corrosivité élevée, il faut s’attendre à la dégradation progressive de l’acier avec nécessité d’un entretien ou de réparations pour préserver l’ouvrage, à moins qu’il soit fait usage d’une nuance d’acier spécifique résistant à la corrosion ou que des mesures particulières soient prises pour protéger l’acier de la corrosion. Ces mesures de protection sont nombreuses et leur choix dépend de plusieurs facteurs. Il s’agira par exemple d’augmenter l’épaisseur de l’acier, d’isoler l’acier de son environnement ou encore de le protéger par un revêtement spécifique. Ces mesures et d’autres encore seront étudiées dans la seconde partie de cet article. Les nuances d’acier, leurs compositions et leurs propriétés spécifiques sont décrites ci-après afin de pouvoir procéder à une sélection judicieuse d’un acier en fonction de la corrosivité du milieu d’application. 3 L’acier, un matériau nuancé à bien choisir 3.1 Fer, carbone et éléments d’alliage L’acier est obtenu par transformation du fer en présence de carbone additionné en quantité variable (jusqu’à environ 2 %). Lorsque la teneur en carbone est inférieure à 0,10 %, on parle d’acier ‘à très bas carbone’. Si la teneur en carbone est de 2 à 6 %, il s’agit de fonte. La teneur en carbone influence directement les propriétés de l’acier. Celui-ci sera d’autant plus plastique et malléable qu’il contient peu de carbone. A l’inverse, il sera plus dur et résistant s’il en contient beaucoup. Contrairement à la fonte, l’acier est donc ductile : on le met facilement en forme par des compressions à froid. L’acier peut également contenir d’autres éléments chimiques provenant d’impuretés (soufre, phosphore, …) ou ajoutés intentionnellement (silicium, nickel, chrome, cuivre, manganèse, …) pour en améliorer les caractéristiques physiques (coefficient de dilatation), chimiques (résistance à la corrosion) ou mécaniques (limite d’élasticité, résistance à la traction). On parle d’aciers alliés à partir d’une certaine teneur en éléments autres que le carbone, le fer, le soufre, le phosphore et l’azote. Cette teneur varie pour chaque élément (voir tableau 8). En général, si aucun de ces éléments d’addition n’atteint 5 %, on dit que l’acier est faiblement allié; il est fortement allié dans le cas contraire. Les aciers non alliés pour lesquels aucune des valeurs du tableau 8 n’est atteinte sont souvent improprement appelés ‘acier au carbone’. Tableau 8 Teneurs limites en éléments spécifiques permettant de distinguer aciers non alliés et aciers alliés [16]. Eléments spécifiques (sauf C, P, S, N) Teneur limite en % poids Al Aluminium B Bore Bi Bismuth Co Cobalt Cr Chrome Cu Cuivre La Lanthanides (pris individuellement) Mn Manganèse Mo Molybdène Nb Niobium Ni Nickel Pb Plomb Se Sélénium Si Silicium Te Tellure Ti Titane V Vanadium W Tungstène Zr Zirconium Autres (pris individuellement) 0,30 0,0008 0,10 0,30 0,30 0,40 0,10 Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 10 1,65 0,08 0,06 0,30 0,40 0,10 0,60 0,10 0,05 0,10 0,30 0,05 0,10 Vu le grand nombre d’éléments d’alliage [10] et le nombre plus élevé encore de combinaisons possibles de ces éléments, il n’existe pas un seul type d’acier, mais un grand nombre de nuances d’acier avec des qualités physiques, mécaniques et chimiques différentes. Il a donc été jugé utile de trouver des systèmes normalisés pour les identifier et les classer. 3.2 Classement et désignations nuances d’acier des La norme NBN EN 10020 [16] propose une classification des nuances d’aciers sur la base de leur composition chimique et de leur principale classe de qualité. Cette dernière est définie selon les caractéristiques spécifiques des nuances d’acier leur permettant de répondre aux exigences particulières de certaines applications. Le tableau 9 (p. 11) fournit les différentes classes de nuances d’acier, précise les principales prescriptions relatives à chaque classe et renseigne quelques exemples d’application. La norme NBN EN 10027-1 [19] reprend ces deux catégories de classification (selon les caractéristiques et selon la composition chimique) et propose deux systèmes de désignation symbolique des aciers constitués de caractères alphanumériques : • catégorie 1 : les aciers désignés à partir de leur emploi et de leurs caractéristiques mécaniques ou physiques • catégorie 2 : les aciers désignés à partir de leur composition chimique. 3.2.1 Catégorie 1 Les aciers sont désignés aux moyens de symboles principaux qui sont fonction de leur emploi et de leurs propriétés mécaniques ou physiques. Des ���������������������������������� symboles additionnels peuvent être ajoutés à la désignation de l’acier pour décrire celui-ci plus complètement. ���������� Ils précisent d’autres caractéristiques de l’acier ou du produit en acier, telles que son énergie de rupture, son état de livraison (normalisé, trempé et revenu, ...), ses propriétés technologiques particulières (adéquation à un revêtement, aptitude au formage à froid, résistance aux intempéries, …) et le type de revêtement appliqué (galvanisation, électrozingage, ...). La signification des symboles est précisée en détail au tableau 10 (p. 12). Le tableau 11 (p. 12) donne quelques exemples de désignation symbolique de différentes nuances d’acier. 3.2.2 Catégorie 2 Les aciers peuvent également être désignés sur la base de leur composition chimique. Le tableau 12 (p. 13) fournit la signification des différents symboles utilisés et le tableau 13 (p. 14) propose quelques exemples de dé- Techniques & pratique signation symbolique de diverses nuances d’acier. 3.3 Prescription d’acier La norme précise encore que : • lorsqu´un acier est spécifié sous la forme d’une pièce moulée, sa désignation symbolique doit être précédée de la lettre G • lorsqu’un acier est produit en métallurgie des poudres, sa désignation symbolique doit être précédée des lettres PM. En règle générale, les aciers prescrits dans les documents contractuels, les cahiers de charges et autres spécifications de projets sont désignés par les symboles de la norme NBN EN 10027‑1, préférée à la norme NBN EN 10027‑2. Par contre, les très nombreuses normes de produit publiées identifient les nuances d’acier applicables aussi bien par l’une de leurs désignations symboliques que par leur désignation numérique. Elles laissent cependant à l’acheteur le choix du système de désignation. Enfin, la deuxième partie de la norme NBN EN 10027 [20] spécifie un système de numérotation pour la désignation des nuances d’acier, connu sous le nom de numéros des aciers. Ce système, dénommé système numérique, est complémentaire des systèmes de désignation symbolique présentés ci-avant. Un Bureau européen d’enregistrement est chargé de l’attribution et de la gestion des numéros d’acier. La structure de ces numéros d’acier est définie comme schématisé à la figure 11 (p. 14). et choix de la nuance Notons encore que la désignation symbolique des nuances d’acier applicables est spécifiée dans ces normes de produit selon l’une ou l’autre des deux catégories précitées en fonction du type de produit et de son application. Par exemple, pour les tôles et bandes en acier inoxydable résistant à la corrosion, la norme NBN EN 10088-2 [22] utilise la désignation symbolique basée sur la composition chimique, alors que, pour les produits laminés à chaud en acier de construction, les six normes de la série NBN EN 10025 [17] utilisent la désignation symbolique selon leur emploi et leurs caractéristiques mécaniques ou physiques. Le choix de la nuance d’acier à prescrire pour un usage donné doit se faire non seulement sur la base des exigences de l’application telles que la résistance mécanique de l’acier, mais aussi en prenant en compte les propriétés de mise en œuvre de l’acier (soudabilité, …), sa disponibilité et son coût. Parmi les exigences liées à l’application, il y a notamment lieu d’examiner les résultats de l’évaluation du risque de corrosion du métal dans son milieu d’utilisation (voir § 2). Le choix peut être judicieusement orienté vers des nuances d’acier qui, par leur composition chimique, sont plus Tableau 9 Classification des nuances d’acier selon la norme NBN EN 10020 [16]. Classification selon la classe de qualité Classification selon la composition chimique Aciers spéciaux Aciers de qualité L’ajustement précis de leur composition chimique et leurs conditions particulières d’élaboration et de contrôle leur confèrent des propriétés améliorées permettant de répondre à des exigences sévères Aciers répondant à des exigences de ténacité, de grosseur de grain et/ou de formabilité Aciers non alliés spéciaux - aciers d’une plus grande pureté (teneurs particulièrement faibles en inclusions non métalliques) - aciers généralement destinés à un traitement de trempe et revenu ou à un traitement de trempe superficielle - aciers présentant des valeurs de résistance à la déformation ou de trempabilité élevées ou limitées, parfois associées à l’aptitude au formage à froid, à la soudabilité ou à la ténacité Par ex. : aciers pour armatures de précontrainte Aciers non alliés Aucune des valeurs limites du tableau 8 n’est atteinte Autres aciers alliés Aciers non inoxydables pour lesquels au moins une limite du tableau 8 est atteinte Aciers inoxydables Aciers contenant au minimum 10,5 % de chrome et au maximum 1,2 % de carbone Aciers non alliés de qualité Autres aciers alliés de qualité; par exemple : Autres aciers alliés spéciaux; par exemple : - aciers à grains fins soudables pour construction - aciers pour rails, palplanches et cadres de mine - aciers pour produits plats laminés à chaud ou à froid, destinés à des opérations lourdes de formage à froid aciers alliés pour constructions mécaniques, aciers pour appareils à pression, pour roulements, pour outils, … Aciers inoxydables Aciers subdivisés selon : • leur teneur en nickel (Ni < 2,5 % ou Ni ≥ 2,5 %) • leurs caractéristiques particulières : - résistance à la corrosion - résistance à l’oxydation à chaud - résistance au fluage Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 11 Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 12 + les symboles suivants pour les aciers à grain fin : A = durcissement par précipitation M = laminage thermomécanique N = normalisé ou laminage normalisant Q = trempé et revenu G = autres caractéristiques Deux symboles du groupe 2 peuvent parfois être nécessaires Pour les aciers de nuance S : 2 caractères alphanumériques correspondant à l’énergie de rupture en flexion à une température d’essai donnée J -> 27 joules K -> 40 joules L -> 60 joules R -> à 20 °C 0 -> à 0 °C 2 -> à -20 °C 3 -> à -30 °C 4 -> à -40 °C 5 -> à -50 °C 6 -> à -60 °C Les symboles du groupe 2 peuvent avoir un suffixe numérique de façon à distinguer différentes qualités selon la norme de produit applicable Pour les aciers de nuances S : C = formage à froid spécial D = galvanisation à chaud E = émaillage F = forgeage H = profil creux L = basse température M = laminage thermomécanique N = normalisé ou laminage normalisant P = palplanche Q = trempé et revenu S = construction navale W = résistant aux intempéries An = symbole chimique des éléments d’alliage + un chiffre représentant la teneur en cet élément Groupe 2 Groupe 1 Pour l’acier Symboles additionnels Symboles indiquant une condition de traitement : +AR = brut de laminage +N = normalisé ou laminage normalisant +P = durci par précipitation +Q = trempé +QA = trempé à l’air Symboles indiquant le type de revêtement : +Z = revêtement de zinc par immersion à chaud (galvanisation) +ZE = revêtement électrolytique de zinc (électrozingage) +OC = revêtement organique Symboles indiquant des exigences particulières pour les produits en acier : +CH = trempabilité à cœur +H = trempabilité Les symboles suivants sont séparés des symboles précédents par le signe « + » Pour les produits en acier S275JR S355K2C E360 S235J2W+AR S355J0W+N S460Q S620QL S890QL1 Aciers de construction non alliés Aciers de construction à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique Aciers de construction à haute limite d’élasticité à l’état trempé et revenu Vérification de la valeur d’énergie de flexion par choc : Qualité Q : à -20 °C Qualité QL : à -40 °C Qualité QL1 : à -60 °C Nuance d’acier Désignation NBN EN 10025-6 NBN EN 10025-5 NBN EN 10025-2 Norme de produit applicable [17] Tableau 11 Exemples de désignation symbolique des nuances d’acier selon leur emploi et leurs caractéristiques mécaniques ou physiques. Exemples pour les aciers Y : Y1770, Y1230 (prEN 10138-2 et 4) Pour les aciers de nuance Y : nnn = 3 chiffres correspondant à la résistance nominale à la traction, en MPa Exemples pour les aciers S : S185, S235, S275, S355 ou S450 (NBN EN 10025-2) Pour les aciers de nuance S, P, E, L ou B : nnn = 3 chiffres correspondant à la valeur minimale (spécifiée dans la norme de produit applicable) de la limite d’élasticité, en MPa, pour la gamme d’épaisseur la plus faible S acier de construction métallique P acier pour appareils à pression E acier de construction mécanique L acier pour tubes de conduite B acier pour béton Y acier pour béton précontraint D produit plat pour formage à froid H produit plat à haute résistance pour formage à froid S’il s’agit d’une pièce moulée la désignation est précédée de la lettre G : G acier moulé Caractéristique mécanique Domaine d’application désigné par une lettre Symboles principaux Tableau 10 : Signification de la désignation symbolique des nuances d’acier selon leur emploi et leurs caractéristiques mécaniques ou physiques [19]. Techniques & Pratique Symboles additionnels Symboles principaux C = formage à froid D = pour fil pour étirage E = à teneur maximale en soufre spécifiée R = avec une fourchette de teneur en soufre spécifiée S = pour ressorts U = pour outils W = pour fils pour électrodes de soudage G = autres an = symbole chimique de l’élément d’alliage spécifié + un chiffre unique représentant 10 x la moyenne de la fourchette spécifiée de la teneur en cet élément Groupe 1 Groupe 2 Exemples : +AR = brut de laminage – – Pour les produits en acier Aucune lettre Aciers non alliés d’une teneur en manganèse ≥ 1 %, aciers non alliés de décolletage et aciers alliés (à l’exclusion des aciers rapides) dont la teneur en chaque élément est < 5 % X Aciers inoxydables et autres aciers alliés (à l’exclusion des aciers rapides) dont la teneur d’au moins un des éléments d’alliage est ≥ 5 % +N = normalisé ou laminage normalisant +P = durci par précipitation Symboles indiquant une condition de traitement +Q = trempé – +QA = trempé à l’air a = symbole chimique du ou des éléments dont la teneur est plus élevée (dans le cas d’une même nuance d’acier) n-n = teneurs moyennes en %, arrondies à l’entier le plus proche, des éléments d’alliage, séparées par des traits d’union et dans l’ordre suivant : • tungstène (W) • molybdène (Mo) • vanadium (V) • cobalt (Co) – HS Aciers rapides (aciers utilisés principalement pour l’usinage et le formage, qui, de par leur composition chimique, possèdent la dureté et la résistance après trempe la plus élevée à haute température, jusqu’à 600 °C) Les symboles suivants sont séparés des symboles précédés par le signe « + » a = symbole chimique séparé par un trait d’union, indiquant un élément d’alliage dont la teneur est comprise entre 0,2 et 1,0 %, suivi de : n = 10 x la teneur spécifiée pour l’élément d’alliage n-n = teneurs moyennes en %, arrondies à l’entier le plus proche, des éléments d’alliage, séparées par des traits d’union et dans l’ordre décroissant Symboles indiquant des exigences particulières pour les produits en acier Exemples : +CH = trempabilité à cœur +H = trempabilité – Facteur 4 : Cr, Co, Mn, Ni, Si, W Facteur 10 : Al, ������������������������ Be, Cu, Mo, Nb, Pb, Ta, Ti, V, Zr Facteur 100 : Ce, N, P, S Facteur 1000 : B n-n = multiples par un facteur entier de la teneur moyenne, en %, des éléments d’alliage, séparés par des traits d’union et dans l’ordre décroissant a = symbole chimique des éléments d’alliage dans l’ordre décroissant de leur teneur nnn = 100 x la teneur moyenne spécifiée en carbone, exprimée en % C Aciers non alliés (à l’exclusion des aciers de décolletage) d’une teneur moyenne en manganèse < 1 % Eléments d’alliage Teneur en carbone Nuances de composition chimique Tableau 12 Signification de la désignation symbolique des nuances d’acier selon leur composition chimique [19]. Techniques & pratique Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 13 Techniques & Pratique Tableau 13 Exemples de désignation symbolique de nuances d’acier selon leur composition chimique. Nuance d’acier Aciers non alliés (nuance C) Aciers non alliés dont la teneur de chaque élément est < 5 % Aciers inoxydables (nuance X) Aciers rapides (nuance HS) Désignation Norme de produit applicable C20D C35E C85S NBN EN 10016-2 NBN EN 10083-1 NBN EN 10132-4 13CrMo4-5 27MnCrB5-2 EN 10028-2 NBN EN 10083-3 X10CrNi18-8 X5CrNiCuNb16-4 NBN EN 10088-2 NBN EN 10088-2 HS2-9-1-8 HS6-5-2C NBN EN ISO 4957 NBN EN ISO 4957 Fig. 11 Structure des numéros d’acier [20]. 1. XX XX Numéro d’ordre (arbitraire) Numéro du groupe d’acier correspondant à la classification des aciers selon la norme NBN EN 10020 et renseigné dans la norme NBN EN 10027-2 Numéro du groupe matériau (1 = acier, les autres numéros pouvant être alloués à d’autres matériaux) Exemples : désignation numérique 1.4542 1.8959 résistantes aux intempéries, à l’oxydation à chaud ou à la corrosion. Ces nuances d’acier spécifiques sont décrites ci-après. 3.4 Usage d’aciers alliés spécifiques résistant à la corrosion 3.4.1 Aciers inoxydables Parmi les aciers alliés, les aciers inoxydables possèdent la propriété avantageuse de résister à la corrosion. Cette propriété contribue pour l’essentiel à la réputation de ces aciers de plus en plus appréciés par les prescripteurs et les maîtres d’ouvrage. Mais il ne s’agit pas là du seul avantage des aciers inoxydables. Leurs multiples aspects (mat, brillant, poli, gravé, coloré, …) contribuent à l’esthétique des ouvrages et leurs caractéristiques mécaniques élevées, leur recyclabilité, leurs qualités sanitaires ainsi que leur longévité offrent une réponse aux exigences du développement durable [31]. Dans le domaine de la construction, ils sont couramment utilisés en extérieur pour les façades ou les toitures et sont aussi régulièrement mis en œuvre en métallerie ou en décoration intérieure. Ils conviennent également pour les canalisations d’eau, les installations de chauf- désignation symbolique X5CrNiCuNb16-4 S355JOW fage et de refroidissement, les conduits de fumée, les garde-corps, la serrurerie ou encore pour les armatures du béton armé. Par définition, les aciers inoxydables sont des aciers alliés qui contiennent au minimum 10,5 % de chrome et au maximum 1,2 % de carbone [16]. Ces alliages présentent une résistance élevée à la corrosion à chaud ou à froid dans de nombreux milieux. Cette résistance chimique est due à la présence du chrome qui protège, par passivation, la surface de l’acier (formation d’une très fine couche d’oxyde de chrome Cr2O3). L’expression ‘acier inoxydable ‘ est donc abusive, la formule ‘acier passivable’ eut été plus correcte d’un point de vue scientifique. Deux autres éléments chimiques participent également à cette résistance à la corrosion : le nickel et le molybdène. Ce dernier améliore plus particulièrement la résistance à la corrosion en milieu chloruré. Les aciers inoxydables existent aujourd’hui sous plus de 100 nuances contenant, en plus des éléments précités, du titane, du cuivre, du tungstène, du niobium et de l’azote en quantité variable, ce qui leur confère des propriétés particulières. En effet, l’action conjuguée des éléments d’alliage a non seulement pour but Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 14 norme de produit applicable NBN EN 10088-2 NBN EN 10025-5 d’accroître la résistance à l’oxydation, mais aussi celui d’améliorer d’autres caractéristiques telles que la soudabilité ou la résistance mécanique. Ainsi, le tungstène améliore la tenue des aciers aux températures élevées et le titane évite l’altération des structures lors des travaux de soudure. 3.4.1.1 Cinq familles de microstructure La norme NBN EN 10088-1 [21], qui remplace actuellement un grand nombre de normes nationales, subdivise les aciers inoxydables suivant leur microstructure en cinq familles : • les aciers ferritiques et semi-ferritiques : aciers résistants à l’oxydation atmosphérique et aux solutions oxydantes, adaptables aux applications à température élevée. Ils sont magnétiques, non durcissables et ont une faible soudabilité • les aciers martensitiques : aciers pouvant subir un traitement thermique (trempe, recuit, revenu) qui leur confère des caractéristiques de résistance mécanique intéressantes. Ils sont magnétiques, très rigides, résistants mais fragiles aux chocs et difficiles à souder. Ces aciers sont surtout utilisés dans l’outillage, les outils de coupe et les ressorts. Ils sont en général moins résistants à la corrosion que les aciers ferritiques Techniques & pratique • les aciers à durcissement par précipitation : aciers austénitiques et martensitiques comportant des additions particulières et présentant des caractéristiques mécaniques accrues par la précipitation de composés durcissants. Ils possèdent aussi une bonne résistance à la corrosion • les aciers austénitiques : de loin les plus nombreux (70 % de la production mondiale) en raison de leur excellente résistance à la corrosion, de leur très grande ductilité (proche de celle du cuivre) et de leurs très bonnes caractéristiques de déformabilité et de soudabilité. Ils ne se trempent pas mais peuvent acquérir une certaine dureté par l’usinage à froid. Amagnétiques, ils couvrent plus de 90 % des applications dans le bâtiment [11] • les aciers austéno-ferritiques (ou Duplex) : aciers présentant des propriétés de résistance mécanique plus élevées que les aciers austénitiques. Ces aciers ont une bonne résistance à la corrosion sous contrainte. Parmi la catégorie des aciers austénitiques, les aciers austénitiques sans molybdène sont les nuances les plus fréquemment utilisées parce qu’elles représentent un bon compromis entre le coût et la résistance à la corrosion. 3.4.1.2 Trois classes de propriétés d’utilisation La norme NBN EN 10088-1 utilise les désignations symboliques et numériques des normes NBN EN 10027-1 [19] et 10027-2 [20] et classe aussi les aciers selon leurs propriétés d’utilisation : • les aciers résistant à la corrosion font partie des six groupes repris au tableau 14. Le tableau 15 renseigne la gamme de composition chimique des aciers inoxydables résistant à la corrosion selon leur famille de microstructure • les aciers réfractaires font partie des groupes d’acier 1.47xx ou 1.48xx. Bien que tous les aciers inoxydables puissent supporter des températures élevées, les nuances d’acier réfractaire sont adaptées aux températures les plus hautes. Ces aciers résistent aux effets des gaz chauds et des produits de combustion à des températures supérieures à 550°C • les aciers résistant au fluage repris dans le groupe 1.49xx sont des aciers présentant une bonne résistance à la déformation sous contrainte mécanique de longue durée à des températures élevées. 3.4.1.3 Classification américaine : toujours en usage Bien qu’ils se révèlent moins précis que la dénomination européenne, les codes établis par l’American Iron and Steel Institute (AISI) sont Tableau 14 Groupe des aciers inoxydables résistant à la corrosion. Groupe Teneur en Ni Molybdène Additions spéciales 1.40xx < 2,5 % Sans Mo Aucune 1.41xx < 2,5 % Avec Mo Aucune 1.43xx > 2,5 % Sans Mo Aucune 1.44xx > 2,5 % Avec Mo Aucune 1.45xx et 1.46xx – – Ti, Nb, Cu, ... Tableau 15 Composition chimique des aciers inoxydables résistant à la corrosion (gamme des teneurs en % masse). Familles Carbone Chrome Nickel Molybdène Ferritique 0,025 à 0,08 % 10,5 à 30 % 0 à 1,6 % Jusqu’à 4,5 % Martensitique + A durcissement par précipitations Jusqu’à 1,2 % 11,5 à 19 % Jusqu’à 7,8 % Jusqu’à 2,80 % Austénitique Jusqu’à 0,15 % 16,0 à 28 % 3,5 à 35 % Jusqu’à 8 % Austéno-ferritique 0,03 à 0,05 % 21 à 28 % 3,5 à 8 % 0,1 à 4,5 % Tableau 16 Correspondance entre la désignation des aciers inoxydables. Famille d’aciers inoxydables Désignation NBN EN 10027-1 Désignation NBN EN 10027-2 Désignation AISI (US) Ferritiques 1.4016 1.4510 1.4521 X6Cr17 X3CrTi17 X2CrMoTi18-2 430 439 444 Martensitiques 1.4542 1.4057 1.4034 X5CrNiCuNb16-4 X17CrNi16-2 X46Cr13 630 431 420 Austénitiques 1.4301 1.4307 1.4401 1.4404 1.4571 1.4305 X5CrNi18-10 X2CrNi18-9 X5CrNiMo17-12-2 X2CrNiMo17-12-2 X6CrNiMo17-12-2 X8CrNiS18-9 304 304L 316 316L 316Ti 303 Austéno-ferritiques (Duplex) 1.4362 1.4462 X2CrNiN23-4 X2CrNiMoN22-5-3 323 F51 (329LN) souvent utilisés. Par exemple, d’après la norme européenne, un inox AISI 316L (L pour low carbon) correspond à au moins deux nuances d’acier (X2CrNiMo 18-14-3 et X2CrNiMo 17-12-2) dont l’une est plus résistante à la corrosion car plus riche en chrome et en nickel. Le tableau 16 fournit quelques correspondances entre la classification européenne et le système AISI. Les nuances d’acier inoxydable les plus utilisées dans le bâtiment sont : • les aciers austénitiques au chrome-nickel 1.4301 et 14307 (ou 304 et 304L selon le code AISI) qui ont une résistance améliorée à la corrosion. Ils sont couramment utilisés pour l’aménagement extérieur et intérieur de bâtiments dans un environnement urbain normal • les aciers austénitiques au chrome-nickelmolybdène 1.4401 et 1.4404 (ou 316 et 316 L selon le code AISI) pour les milieux plus agressifs. Similaires aux aciers précédents, leur teneur en molybdène leur permet de résister aux attaques chimiques des chlorures et de convenir aux zones côtières, aux zones industrielles et aux soubassements des façades soumis aux dépôts des sels de déverglaçage • les aciers ferritiques au chrome 1.4510 et 1.4016 (ou 439 et 430 selon le code AISI). La première nuance est utilisée pour les toitures et est revêtue d’une couche d’étain. La deuxième nuance convient pour l’intérieur dans des assemblages sans soudure [11]. Les nuances d’acier inoxydable utilisées pour les armatures du béton sont précisées dans un précédent article de CSTC Contact [36]. Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 15 Techniques & Pratique 3.4.2 Aciers à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique En matière de résistance à la corrosion, on ne distingue pas uniquement les aciers inoxydables. Il existe également des ‘aciers à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique’ définis par la norme NBN EN 10025-5 [18]. Ces aciers sont désignés par la lettre W (symbole additionnel selon la norme NBN EN 10027‑1). Il s’agit d’aciers auxquels un certain nombre d’éléments d’alliage, tels que le chrome et le cuivre, ont été ajoutés afin d’accroître leur résistance à la corrosion atmosphérique par la formation, sous l’influence des conditions atmosphériques, d’une couche auto-protectrice d’oxydes très dense sur le métal de base. Ces aciers sont aussi appelés ‘aciers patinables’ ou ‘aciers auto-protecteur’. Ils sont choisis non seulement pour des raisons esthétiques mais aussi pour des raisons économiques étant donné qu’ils ne nécessitent pas d’entretien. Cependant, pour ces aciers, la protection apportée dépend directement des conditions environnementales prévalant sur le chantier. Une alternance de périodes sèches et humides est favorable à la formation de la couche auto-protectrice d’oxyde du métal de base. Ces aciers ne conviennent pas lorsqu’ils sont totalement immergés ou enterrés, ni pour des applications intérieures ou lorsqu’ils risquent d’être en contact fréquent avec des sels de déneigement. Le choix de la nuance d’acier résistant à la corrosion dépend principalement des conditions atmosphériques et environnementales, de la conception architecturale, de l’aspect de surface à obtenir et de la fréquence des entretiens à effectuer. Ce choix doit véritablement s’opérer au cas par cas, en tenant compte du fait que la longévité et le faible taux d’entretien de l’ouvrage peuvent diminuer in fine le coût global de la construction et permettre de la sorte de réaliser un investissement initial plus important. La seconde partie du présent article, à paraître prochainement, sera consacrée aux différents moyens de protection de l’acier contre la corrosion. n t Bibliographie 1. Apers J., Desmyter J. et Pollet V. De nouvelles normes «bétons». Partie 1 : nouvelle version de la norme NBN B 15-001. Bruxelles, ��������������������������������������������� Les Dossiers du CSTC, n° 2004/3.4. 2. Béranger G. et Mazille H. Corrosion des métaux et alliages : mécanismes et phénomènes. Paris, Editions Lavoisier, Hermes Science Publications, 2002. 3. Bouillette J.-P. Protection des constructions en acier contre la corrosion. Paris, Techniques de l’ingénieur, vol. 4, n° C 2 505, 1983. 4. Centre français de l’anticorrosion Les différentes formes de corrosion aqueuse. Paris, CEFRACOR, cours n° 4. 5. Centre français de l’anticorrosion Matériaux métalliques : phénomènes de corrosion. Partie IV : les différentes formes de corrosion aqueuse. Paris, CEFRACOR. 6. Centre scientifique de la construction Les chapes pour couvre-sols. 1ère partie : matériaux. Performances. Réception. Bruxelles, CSTC, Note d’information technique, n° 189, 1993. 7. Chantereau J. Corrosion bactérienne. Bactérie de la corrosion. Paris, Technique et documentation, Lavoisier, 1980. 8. Conseil européen Directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Bruxelles, Communautés européennes, Journal Officiel, n° L330, 5 décembre 1998. 9. Cresson R., Gudin T. et Tache G. Corrosion et protection des métaux dans le bâtiment. Paris, Centre d’assistance technique et de documentation, 1998. 10. Dagbert C., Compere C. et Feron D. Biodétérioration des matériaux. Prévention et lutte contre la corrosion : une approche scientifique et technique. Presses polytechniques et universitaires romanes, 2004. 11. Euro-Inox Le bon usage de l’inox dans le bâtiment. Bruxelles, Euro-Inox, 2002-2003, www.euro-inox.org. 12. Feugeas F., Magnin J.P., Cornet A. et Rameau J.J. Corrosion influencée par les microorganismes, influence du biofilm sur la corrosion des aciers, techniques et résultats récents. France, Journal de Physique III, 1997. 13. GLS Agressivité et corrosivité. Toussus-le-Noble, GLS, Mémotec 17, 2006. 14. Huffman H. et Johnson J. Corrosion des goussets d’assemblage de fermes de toit dans les bâtiments d’élevage. Ontario, Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales, février 1994. 15. Institut belge de normalisation NBN EN 206-1 Béton. Partie 1 : spécification, performances, production et conformité. Bruxelles, IBN, 2001. 16. Institut belge de normalisation NBN EN 10020 Définition et classification des nuances d’acier. Bruxelles, IBN, 2000. 17. Institut belge de normalisation NBN EN 10025 Produits laminés à chaud en aciers de construction. Bruxelles, IBN, 2005.les installations de distribution et stockage d’eau. Bruxelles, IBN, 2005. Les Dossiers du CSTC – 2006/4 – Cahier n° 6 – page 16 Techniques & pratique t Bibliographie (suite et fin) 18. Institut belge de normalisation NBN EN 10025-5. Produits laminés à chaud en aciers de construction. Partie 5 : Conditions techniques de livraison pour les aciers de construction à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique. Bruxelles, IBN, 2004. 19. Institut belge de normalisation NBN EN 10027-1 Systèmes de désignation des aciers. Partie 1 : désignation symbolique. Bruxelles, IBN, 2005. 20. Institut belge de normalisation NBN EN 10027-2 Systèmes de désignation des aciers. Partie 2 : système numérique. Bruxelles, IBN, 1992. 21. Institut belge de normalisation NBN EN 10088-1 Aciers inoxydables. Partie 1 : Liste des aciers inoxydables. Bruxelles, IBN, 2005. 22. Institut belge de normalisation NBN EN 10088-2 Aciers inoxydables. Partie 2 : conditions techniques de livraison des tôles et bandes en acier de résistance à la corrosion pour usage général. Bruxelles, IBN, 2005. 23. Institut belge de normalisation NBN EN 12500 Protection des matériaux métalliques contre la corrosion. Risque de corrosion dans un environnement atmosphérique. Classification, détermination et appréciation de la corrosivité des environnements atmosphériques. Bruxelles, IBN, 2000. 24. Institut belge de la normalisation NBN EN 12501-1 Protection des matériaux métalliques contre la corrosion. Risque de corrosion dans les sols. Partie 1 : généralités. Bruxelles, IBN, 2003. 25. Institut belge de la normalisation NBN EN 12501-2 Protection des matériaux métalliques contre la corrosion. Risque de corrosion dans les sols. Partie 2 : matériaux ferreux peu ou non alliés. Bruxelles, IBN, 2003. 26. Institut belge de normalisation NBN EN 12502 Protection des matériaux métalliques contre la corrosion. Recommandations pour l’évaluation du risque de corrosion dans les installations de distribution et stockage d’eau. Bruxelles, IBN, 2005. 27. Institut belge de normalisation NBN EN ISO 8044 Corrosion des métaux et alliages. Termes principaux et définitions (ISO 8044:1999). Bruxelles, IBN, 2000. 28. Ismail K.M., Gehrig T., Jayaraman A., Wood T.K., Trandem K., Arps P.J. et Earthman J. C. Corrosion Control of mild steel by aerobic bacteria under continuous flow conditions. Houston, NACE International, Corrosion, vol. 58, n° 5, 2002. 29. Legrand L., Poirier G. et Leroy P. Les équilibres carboniques et l’équilibre calcocarbonique dans les eaux naturelles. Paris, Editions Eyrolles, 1981. 30. Little B. et Ray R. A perspective on corrosion inhibition by biofilms. Houston, NACE ��������������������������������������������������� International, Corrosion, vol. 58, n° 5, 2002. 31. Moulinier F. Contribution du choix des matériaux de construction au développement durable, positionnement des inox. Luxembourg, 7ème Congrès International pour la protection contre la corrosion, du 30 mai au 2 juin 2006. 32. Neville A.M. 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