COMPLIANCE ET DROIT BOURSIER

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COMPLIANCE ET DROIT BOURSIER
COMPLIANCE ET DROIT
BOURSIER
MANQUEMENTS D‟INITIES IMPUTABLES AUX DIRIGEANTS DE
SOCIETES COTEES : PUBLICATION D‟UN NOUVEAU GUIDE PAR
L‟AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS
Liliana CORREIA
Janvier 2011
En France, les dirigeants de sociétés cotées qui désirent réaliser des
transactions sur les titres de leur société sont soumis à de nombreuses prescriptions liées à la
prévention des manquements d‟initiés.
Le Règlement général de l‟Autorité des marchés financiers (ci-après le «Règlement Général»),
spécifiquement en ses articles 622-1 et 622-2, requiert que la personne qui détient une
information privilégiée s‟abstienne d‟utiliser cette information pour réaliser des transactions sur
les titres concernés. Une information privilégiée désigne, aux termes de l‟article 621-1 du
Règlement Général, une information précise qui n‟a pas été rendue publique, qui concerne,
directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d‟instruments financiers, ou un ou
plusieurs instruments financiers et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d‟avoir une
influence significative sur le cours du titre d‟une société cotée ou d‟un instrument financier, et
pourrait être prise en compte par un investisseur au moment de sa décision d‟investir. Selon
l‟article 622-1 du Règlement Général, les personnes mentionnées à l‟article 622-2 sont celles
qui détiennent une information privilégiée en raison de leur qualité de membres des organes
d‟administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l‟émetteur, ou qui ont accès à
l‟information du fait de leurs fonctions et responsabilités.
Étant donné que les obligations légales auxquelles sont soumis les dirigeants de sociétés cotées
sont assez nombreuses et délicates à apprécier, l‟AMF a annoncé en avril 2010 la création d‟un
groupe de travail concernant les manquements d‟initiés. L‟objectif de ce groupe de travail était
de proposer des mesures ou de recommander des bonnes pratiques permettant aux dirigeants
d‟avoir une meilleure compréhension concernant la gestion de leurs titres.
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SOCIETES COTEES : PUBLICATION D‟UN NOUVEAU GUIDE PAR
L‟AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS
Le groupe de travail a consulté des membres d‟associations professionnelles et d‟associations
de défense des actionnaires, des représentants de sociétés cotées et d‟établissements financiers,
ainsi que des cabinets d‟avocats. En novembre 2010, l‟AMF a publié un guide intitulé « Guide
relatif à la prévention des manquements d‟initiés imputables aux dirigeants des sociétés
cotées1 » (ci-après le « Guide »).
Il convient de rappeler que plusieurs associations professionnelles, spécifiquement l‟Association
française des entreprises privées (ci-après l‟ «AFEP») et l‟Association nationale des sociétés par
actions (ci-après l‟ «ANSA») ont déjà publié un certain nombre de recommandations concernant
les manquements d‟initiés2. Ce type de Guide n‟est donc pas une nouveauté.
Le Guide présente l‟intérêt de compiler les principales mesures concernant la prévention des
manquements d‟initiés, en ce compris les recommandations des associations professionnelles et
d‟autres autorités financières telles que l‟Autorité des services financiers du Royaume Uni3. Le
Guide s‟adresse en premier lieu aux sociétés cotées sur Euronext et Alternext mais aussi à toutes
autres personnes visées à l‟article L.621-18-2 a) et b) du Code monétaire et financier, c'est-àdire aux « membres du conseil d‟administration, du directoire, du conseil de surveillance, le
directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant » et « à
toute autre personne qui a, d‟une part, au sein de la société, le pouvoir de prendre des
décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d‟autre part, un accès
régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cette société. »
L‟identification de ces personnes est un enjeu crucial puisque, dans les grands groupes, le
nombre de salariés ayant accès à des informations privilégiées peut s‟avérer assez élevé.
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Recommandation AMF no. 2010-07 du 3 novembre 2010.
L‟Association française des entreprises privées (AFEP) a publié, en janvier 2008, une guide concernant la
« Prévention des délits d‟initiés » et l‟Association nationale des sociétés par actions (ANSA) a publié la première
édition en mai 2006 du « Guide à l‟intention des sociétés cotées pour l‟établissement des listes d‟initiés et
l‟information des personnes concernées ».
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UK Financial Services Authority (FSA).
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Selon l‟AMF, la plupart des grandes sociétés cotées ont déjà pris des mesures ou mis en place
des dispositifs visant à prévenir l‟utilisation d‟informations privilégiées, tels que la rédaction d‟un
code de déontologie ou d‟un code d‟éthique, l‟organisation d‟une formation spécifique des
salariés susceptibles d‟avoir accès à ces informations et/ou l‟introduction de
la notion de
« fenêtre négative », c‟est-à-dire une période pendant laquelle les salariés possédant des titres
de la société doivent s‟abstenir d‟intervenir sur ces titres. L‟AMF a donc voulu présenter les
mesures les plus couramment mises en œuvre et dont elle recommande l‟application.
1. Prendre des mesures appropriées pour protéger les informations privilégiées et limiter le
nombre de personnes y ayant accès
L‟AMF recommande aux sociétés cotées de mettre en place des mesures appropriées à leur
taille et à leur organisation dans le but de:
Limiter l‟accès à toute information privilégiée
Seules les personnes dont les fonctions ou les responsabilités le nécessitent devraient
pouvoir avoir accès à ce type d‟information. Les mesures devraient s‟appliquer non
seulement au quotidien mais aussi dans le cadre de la préparation d‟opérations
financières et lors de périodes sensibles comme avant la publication des comptes. Les
sociétés doivent limiter le nombre de participants aux réunions, utiliser toujours un nom
de code pour les opérations, et vérifier régulièrement les droits d‟accès informatique.
En cas d„opérations financières, la société devra opérer une distinction entre les
différentes étapes. Lors de l‟étape préparatoire, la société devra constituer une équipe
aussi restreinte que possible. Au fur et à mesure de l‟avancement du projet, la société
pourra ajouter d‟autres personnes, telles que celles extérieures à la société, par exemple.
Pour l‟étape finale, la société établira un calendrier de communication publique et
informera le marché sur les informations sensibles contenues dans le projet. Pendant les
deux premières étapes, la société devra s‟assurer que les personnes impliquées dans le
projet ont signé un accord de confidentialité.
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Définir les règles de confidentialité liées à la conservation et à la transmission des
informations privilégiées
Dès lors que des informations privilégiées ont été transmises à un tiers, la société devra
s‟assurer que ce tiers a bien connaissance de ses obligations en la matière.
Définir les règles de déontologie applicables à toutes les personnes susceptibles de
détenir une information privilégiée.
L‟AMF recommande que ces mesures couvrent également les prestataires, sous-traitants et tous
tiers travaillant pour la société, et que ces parties signent des clauses de confidentialité. De plus,
les sociétés doivent périodiquement réviser et actualiser ces mesures.
2. Codifier les obligations
Les sociétés peuvent formaliser les mesures prises et les obligations imposées dans un document
écrit, sous la forme de procédures ou de codes de déontologie. Le document écrit distinguera
les mesures « permanentes » qui peuvent figurer dans le règlement intérieur ou la charte du
conseil d‟administration, du directoire ou du conseil de surveillance, des mesures spécifiques,
liées par exemple à une opération financière, qui peuvent prendre la forme d‟une procédure de
prévention spécifique.
En outre, il est recommandé que le document inclue un rappel de la définition de l‟information
privilégiée, une description des dispositions légales et réglementaires en vigueur ainsi qu‟une
information sur les sanctions encourues. Ces procédures et code seront mis à jour
régulièrement, et feront l‟objet d‟une évaluation afin de déterminer leur application et leur
efficacité.
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3. Informer et former toutes les personnes susceptibles d‟être concernées
Il est essentiel de développer au sein de la société et auprès de ses salariés une sensibilité ou
une culture concernant la prévention des manquements d‟initiés. Cet objectif peut être atteint
par l‟information et la formation des salariés.
Toute personne inscrite sur la liste des personnes initiées devra en être informée et recevoir des
informations concernant les règles applicables à la détention, à la communication et à
l‟exploitation d‟une information privilégiée et les sanctions applicables.
4. Désigner un déontologue
Contrairement aux banques pour lesquelles la désignation d‟un déontologue est une obligation,
pour les sociétés cotées la désignation d‟une personne chargée de donner un avis
préalablement à toute transaction sur les titres de la société par une personne inscrite sur la liste
d‟initiés est simplement une faculté. L‟avis formulé par le déontologue est seulement consultatif,
la décision d‟intervenir ou non sur les titres de la société revenant à l‟initié. En revanche, les
sociétés sont libres de déterminer le caractère obligatoire ou facultatif de cette consultation.
Le déontologue peut être le directeur juridique, le secrétaire général ou, éventuellement, le
directeur financier. Dans tous les cas, la personne choisie pour le poste doit justifier de l‟autorité
et de la compétence nécessaires pour rendre un avis. Dans son guide, l‟AFEP propose, par
exemple, la création d‟un comité spécialement institué et composé par un représentant de la
direction, du directeur financier, du directeur juridique et d‟un déontologue. L‟ANSA, quant à
elle, suggère que ce comité soit composé du président du comité d‟éthique, du directeur
juridique ou de toute autre personne directement rattachée au président directeur général ou au
directeur général.
Le président directeur général ou le directeur général doivent prévoir une information ex post
des membres du conseil d‟administration ou de surveillance de la société, indépendamment des
déclarations des transactions publiées sur le site de l‟AMF.
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5. Définir les périodes dites de « fenêtres négatives »
Dans son Règlement Général, l‟AMF requiert que les sociétés cotées s‟abstiennent d‟intervenir
sur leurs propres titres pendant certaines périodes4 désignées sous le terme « fenêtres
négatives ». Le Code de commerce prévoit par ailleurs la mise en place de périodes
d‟abstention5.
L‟AMF recommande aux sociétés cotées l‟instauration de « fenêtres négatives » applicables aux
dirigeants et aux personnes assimilées aux dirigeants ainsi qu‟à toute autre personne qui a
accès de manière régulière ou occasionnelle à des informations privilégiées:
30 jours calendaires minimum avant la publication des comptes annuels, semestriels et,
le cas échéant, des comptes trimestriels complets;
15 jours calendaires minimum avant la publication de l‟information trimestrielle.
Les personnes soumises à ces « fenêtres négatives » ne sont autorisées à intervenir sur les titres
de la société que le lendemain de la publication des informations concernées. De plus, l‟AMF
recommande que ces « fenêtres négatives » s‟appliquent également aux opérations financières
susceptibles d‟avoir un impact significatif sur le cours de bourse et dans les cas où il existe une
information privilégiée sur l‟activité de la société.
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L‟article 631-6 du Règlement Général de l‟AMF prévoit : « …l‟émetteur doit s‟abstenir d‟intervenir sur ses propres
titres: 1. Pendant la période comprise entre la date à laquelle cette société a connaissance d‟une information
privilégiée et la date à laquelle cette information est rendue publique ; 2. Pendant la période de quinze jours
précédant les dates auxquelles ses comptes consolidés annuels, ou à défaut ses comptes sociaux annuels, ainsi que
ses comptes intermédiaires (semestriels et, le cas échéant, trimestriels) sont rendus publics. »
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L‟article L.225-197-1 du Code de Commerce dispose “…à l‟issue de la période d‟obligation de conservation, les
actions ne peuvent pas être cédées: 1. Dans le délai de dix séances de bourse précédant et suivant la date à
laquelle les comptes consolidés, ou à défaut les comptes annuels, sont rendus publics, 2. Dans le délai compris
entre la date à laquelle les organes sociaux de la société ont connaissance d‟une information qui, si elle était
rendue publique, pourrait avoir une incidence significative sur le cours des titres de la société, et la date postérieure
de dix séances de bourse à celle où cette information est rendue publique.”
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6. Définir et publier un calendrier de la communication financière
L‟AMF recommande aux sociétés cotées de définir et publier sur leur site internet, un calendrier
de la communication financière. Celui-ci doit préciser les dates de publication des comptes
annuels et semestriels et des informations trimestrielles.
7. Interdiction ou encadrement strict de certaines opérations
L‟AMF constate que certaines sociétés interdisent la réalisation d‟opérations considérées comme
spéculatives (par exemple, opérations d‟achats ou de ventes à découvert, prorogation d‟ordres
sur le service à règlement différé, etc.). En ce qui concerne les opérations de couverture, l‟AMF
recommande aux dirigeants de prendre l‟engagement formel de ne pas couvrir les actions
gratuites ou les stock-options qu‟ils reçoivent.
En conclusion, les dirigeants de sociétés cotées doivent agir d‟une manière responsable et
éthique et doivent éviter toute apparence d‟impropriété. En d‟autres termes, les dirigeants
doivent tout simplement donner l‟exemple. Parallèlement, les sociétés doivent mettre en place
des mesures visant à prévenir l‟utilisation d‟informations privilégiées et une formation adéquate.
Les sociétés ont certainement un intérêt vital à prévenir tous manquements d‟initiés, leur
réputation et leur image étant en jeux.
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TEMPLE-BOYER et Claire PEREZ
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La loi de régulation bancaire et financière : la mise en œuvre nationale du dispositif global de
supervision du secteur financier par Catherine NOMMICK
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Exequatur et dommages et intérêts punitifs prononcés par une juridiction américaine : la position de la
cour de cassation par Yvan GUILLOTTE
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Manquements d’initiés imputables aux dirigeants de sociétés cotées : publication d’un nouveau guide
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Digital Trends for 2011 contribution de James C. ROBERTS III
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