Yahya terryn

Transcription

Yahya terryn
Chicks for money and nothing for free (Het KIP & Kopergietery, B)
Cinq hommes.
Pour raconter leur histoire, ils jettent leur corps dans la bataille.
Les uns contre les autres et pour les autres.
Jusqu'à la conclusion douce-amère.
de et avec :
Gilles De Schryver, Arend Pinoy,
Oliver Roels, Robrecht Vanden
Thoren, Hendrik Van Doorn &
Yahya terryn
Tapant sur les bongos comme des chimpanzés.
Rêves d'adolescents et vraie vie.
dramaturgie :
Ellen Stynen
Chicks for money and nothing for free est un exercice.
De bonheur et de virilité.
La recherche d'un monde idéal où tout est possible
et où rien ne semble factice.
Burps !
Appelez-le du théâtre dansé, du théâtre de mouvement ou un
spectacle physique.
Chicks for money and nothing for free est de toute façon une bataille
épuisante.
UNE COPRODUCTION de Het KIP et
KOPERGIETERY
Het KIP (Koninklijk Instituut voor de
Podiumkunsten ou Institut royal des
Arts de la scène, créé en août 2011)
est le produit de la fusion de
Toneelgroep Ceremonia (la troupe
d'Eric De Volder, décédé en 2010) et
Het GEIT, un jeune collectif gantois. Le
collectif se compose de huit créateurs
et interprètes : Gilles De Schryver,
Johan Knuts, Ineke Nijssen, Oliver
Roels, Yahya terryn, Robrecht Vanden
Thoren, Hendrik Van Doorn et Geert
Vanoorlé. Chicks for money and
nothing for free est une coproduction
avec le théâtre KOPERGIETERY.
coaching :
Pieter Ampe
conception lumière :
Dirk Du Chau
régie technique :
Jeroen Doise, Tijs Michiels
(stagiaire), Bardia Mohammad,
Sebastien Van Huffel
direction de production :
Karel Clemminck
assistance :
Lara D’Hose (stagiaire)
production :
KOPERGIETERY & het KIP
Merci à Swing, Giovanni Van
Hoenacker, Rinus Samyn, Jelle
Clarisse (stagiaire coiffure & beauté),
Bernadette Damman, Campo,
NTGent
âge des spectateurs : 15+
EXTRAITS DE PRESSE
Flamands, veillez sur vos filles ! Car Het KIP et Kopergietery envoient leurs fils. Chicks for money and nothing for
free est un bel exemple de théâtre de mouvement où tout doit céder devant le macho ultime.
CJP, Daan Borloo
Chicks repose sur la soif d'excès : beaucoup d'agressivité, beaucoup de mousse à raser, beaucoup de bière.
(…) Ce n'est pas tant la surenchère virile qui amuse que le fait que le superlatif de la virilité semble surtout très
féminin. Welcome to the Chickendales !
Non, tout cela n'est pas très profond, mais la façon dont cette bande a réglé sa propre exubérance force le
respect. Cela fait de Chicks une pièce de pur plaisir, qui convaincra toutes les femmes et leurs hommes que le
théâtre peut être formidable. La relève gantoise de Platel, Sierens et De Volder semble assurée.
De Standaard, Wouter Hillaert
Cinq hommes, une solide dose de mousse à raser et de bière : il n'en faut guère plus à het KIP pour passer en
revue les clichés de la virilité à la testostérone, dans un spectacle aussi hilarant qu'émouvant. (…)
Chicks est un spectacle très physique au style de jeu proche du mime néerlandais. (…) Avec Chicks, Het KIP
dispose d'un tube irrévocable.
Theaterkrant.nl, Moos van den Broek
UNE CONVERSATION AVEC LES CRÉATEURS
Le lait, c'est pour les bébés.
Quand tu es adulte, tu dois boire de la bière.
Arnold Schwarzenegger dans Pumping Iron
LA COMPETITION AUTOUR DU FEU DE CAMP
Au début des répétitions, à part l'image de l'affiche, un
titre – une version écorchée du titre d'un morceau des
Dire Straits – et la distribution, rien n'était décidé.
Comment avez-vous travaillé ?
Yahya : Le début a été difficile. Nous savions uniquement
que nous voulions parler de la masculinité. Pour l'affiche,
nous avions opté sans vergogne pour la virilité et le
machisme à la Top Gun, mais nous voulions absolument
l'éviter dans la pièce même. La peur de retomber dans
des poncifs nous en retenait. Ce n'est qu'au moment où
nous avons décidé malgré tout de faire face aux clichés
liés à la virilité, que tout un monde s'est ouvert à nous.
Soudain, les possibilités étaient immenses.
Qu'est-ce qui vous a inspirés ?
Yahya : Nous nous sommes racontés des anecdotes du
passé, nous avons regardé des films et des
documentaires qui nous ont envoyés dans une certaine
direction, même si leurs traces ne sont pas toujours
restées visibles dans le spectacle. Mais une influence
directe a été le documentaire Pumping Iron de 1977, qui
montre comment Arnold Schwarzenegger et d'autres
bodybuilders se préparent à la compétition pour le titre
de « Mr Olympia ». C'est légèrement ridicule, mais en
même temps très beau, la façon dont ces petits groupes
d'hommes tentent d'arriver à quelque chose ensemble et
dont ce type – qui est aussi un perdant, en un sens – les
inspire. Nous nous sommes appuyés dessus pour la
première scène du spectacle. À part ça, nous avons
aussi beaucoup travaillé avec des substances que nous
associons à la masculinité : la bière, le tabac, la mousse
à raser. À un certain moment, le plateau était recouvert
d'un fatras d'objets ; nous voulions même y ajouter des
motos miniatures, des drones, des costumes de
Superman, des fusils de paint-ball… L'élimination de tous
ces objets a été une étape importante dans le processus
de répétition. Pour finir, nous en sommes revenus à nos
corps, tout simplement, ainsi qu'à un nombre limité de
matériaux et objets soigneusement sélectionnés.
Arnold Schwarzenegger, Superman… La matière est-elle
proche des hommes (ou garçons) que vous êtes vousmêmes ?
Robrecht : Je le pense, oui. La matière est issue avant
tout de la rencontre entre des individus bien réels. Par
conséquent, le spectacle parle en partie de cette
rencontre, de qui nous sommes. Au théâtre, les
personnages se rencontrent aussi, mais comme ici, il
s'agit de mouvement, la première impulsion vient
réellement de nous-mêmes.
Arend : En fait, le spectacle contient très peu d'éléments
personnels, à part quelques anecdotes. Je me reconnais
autant que je ne me reconnais pas dans l'image de
l'homme telle que nous la proposons. Ce qui est proche
de nous, en revanche, c'est la dynamique de groupe. Et
en ce sens, ça parle de nous en rapport avec les autres
hommes qui sont en scène.
Gilles : Je pense que la pièce parle très explicitement de
ce que cela veut dire d'être un garçon ou un homme. Et
donc de nous-mêmes, puisque nous sommes des
hommes. Le culturisme ne m'intéresse pas en soi, mais
c'est une exagération d'un élément familier. Tout le
monde a une certaine vanité et le bodybuilding en est le
summum : investir tant de temps et d'énergie dans un
truc d'une telle superficialité.
Oliver : Moi, je ne pense même pas que ce soit une
exagération. À seize ans, je faisais partie d'une équipe de
foot et j'étais le seul à ne pas fréquenter la salle de fitness
et le solarium. Je mets ce que nous faisons ici en rapport
avec les moments sous la douche à l'époque où je jouais
au foot. Car ce sont des moments où on est entre
hommes. À seize ans, on se préoccupe de toute façon
beaucoup de tout ce qui a trait au corps. Ça, nous
l'avons retrouvé à présent, pour ce spectacle. Nous
regardons en arrière, vers notre adolescence.
Yahya : Et nous lui disons adieu. Parce qu'il y a du
nouveau, il y a autre chose. Nous sommes à un moment
charnière.
Est-ce que cela vaut aussi pour vous, Hendrik ? Ou en
tant que quadragénaire, êtes-vous un cas à part parmi
ces hommes qui ont la vingtaine ou la trentaine ?
Hendrik : Je suis effectivement conscient de la différence
d'âge. Lors des répétitions, ça se passe bien, c'est
donnant-donnant. J'ai la même énergie qu'eux. Mais
l'écart
d'âge
s'efface également pendant les
représentations. Nous sommes de toute façon très
différents les uns des autres, également sur scène, et
l'âge n'en est qu'une facette. Mes rêves d'adolescent
n'ont pas changé en vieillissant. Je ne pense pas, au
fond, qu'il soit tellement important que j'en suis éloigné
de dix ou quinze ans de plus que les autres. D'ailleurs, je
n'associe pas le spectacle à une étape bien définie dans
la vie d'un homme – par exemple, quand il a une
vingtaine d'années et doit s'établir – mais purement au
fait d'être des garçons ; le sentiment de faire les zouaves
ensemble, d'être forts ensemble.
Arend : Essentiellement, ça ne parle de rien d'autre que
de l'enfant présent dans l'homme. Je suppose qu'un
spectacle fait par six quadragénaires serait différent du
nôtre. Les rêves d'adolescents restent les mêmes, mais la
dynamique et l'approche sont probablement différentes.
Même si c'est marrant de se dire que nous pourrions
encore faire ce spectacle quand nous aurons une
soixantaine d'années.
Gilles : Ce que nous montrons, en définitive, c'est une
palette contrastée de façons d'être, de types de
masculinité. La soif de compétition, l'ambition, mais aussi
la grande incertitude, l'échec et la vulnérabilité.
Yahya : Chicks présente la masculinité sous toutes ses
facettes. Le spectacle brosse le portrait des hommes par
le biais de leurs rêves d'enfance, du garçon qu'ils portent
en eux. Mais à mes yeux, il s'agit aussi de la lutte pour
trouver sa place dans un groupe, et de l'amitié. C'est lié à
la nostalgie : à un certain âge, l'amitié passe après le
couple. Je ne pense pas que ce soit négatif. On peut
encore entretenir un certain nombre d'amitiés, mais
traîner des journées entières avec ses amis n'est plus
possible.
Robrecht : La matière rassemblée est un instantané. Une
certaine nostalgie de l'univers des jeunes garçons en fait
certainement partie. Cette nostalgie et ce regard en
arrière indiquent peut-être qu'un moment charnière va se
présenter dans notre vie. Même si je pense que c'est
propre aux gens de théâtre de s'interroger à nouveau
avant chaque processus de création. Chaque spectacle
est une nouvelle quête : on va réinventer la roue,
regarder qui on a été, qui on est à présent, ce que
signifie cet instant, le sens que pourrait avoir l'avenir …
Hendrik : À un niveau plus abstrait, il s'agit aussi dans
Chicks de se vider le corps. Pas seulement du point de
vue physique – la guerre d'usure attendue reste dans les
limites du raisonnable – mais aussi, ou surtout, au niveau
émotionnel. L'événement a un certain effet cathartique.
Le spectacle repose aussi en grande partie sur la
compétition.
Cette
rivalité
est-elle
typiquement
masculine ?
Yahya : Peut-être, oui. Mais à mon avis, on considère trop
souvent, à tort, la compétition comme néfaste. J'aime le
sport et j'aime les jeux, alors que je perds invariablement.
Et pourtant, c'est plus amusant quand il y a un enjeu, car
à ce moment-là, tout prend une certaine importance.
Ça crée une énergie favorable : on progresse, on arrive
à aller plus loin. Dans le spectacle, l'élément de
compétition est abordé sous plusieurs angles. Même
dans les moments les plus émouvants, il y a de
l'émulation. Prenons une soirée autour du feu de camp.
Ça a l'air merveilleux, mais en même temps on s'énerve
en voyant le type à la guitare qui tente d'impressionner
les filles. Du coup, on prend sa propre guitare en
espérant jouer un morceau encore plus fort qui les
impressionnera encore plus.
Yahya, vous avez subi une commotion cérébrale au
cours des répétitions, ce qui vous a empêché de
participer en tant qu'acteur et danseur. Vous vous êtes
donc chargé de la mise en scène. Mais à l'origine, le
spectacle devait être une création collective des six
interprètes et créateurs.
Yahya : Le spectacle aurait pu exister sans metteur en
scène, mais cela aurait été difficile. Pour la plupart
d'entre nous, c'est la première fois que nous créons un
spectacle de théâtre de mouvement. Ici, nous ne
pouvions retomber que partiellement sur les points de
repère et l'aplomb que nous avons acquis ces dernières
années dans le théâtre de texte. Cela a rendu le
processus plus laborieux, mais aussi plus frais et ouvert.
Dans des spectacles tels que Klein Rusland et PUT, le
mouvement était aussi très présent, mais il restait toujours
subordonné au récit. Dans Chicks for money nous avons
voulu inverser l'ordre. Enfant, Arend, Oliver et moi, nous
avons participé à plusieurs spectacles de théâtre de
mouvement de KOPERGIETERY, dont Mannen, Rennen,
Tom waits for no man… Quand j'ai fait De titel is alvast
geweldig avec Gilles, le texte était un élément nouveau.
Nous avons continué dans cette voie depuis et, dans ce
spectacle, il nous a semblé amusant de rechercher une
nouvelle fois le mouvement.
Ce n'est pas devenu une véritable pièce de danse.
Yahya : C'est plutôt du théâtre imagé. Et c'est intéressant
de voir comment les images peuvent susciter des
émotions. Mais moi, dès le départ, j'avais besoin d'un
texte. Les quelques passages parlés qui ont finalement
été conservés dans la pièce sont des anecdotes qui
servent de contrepoids au mouvement. Elles le rendent
d'une certaine façon plus ordinaire, plus terre-à-terre.
Arend : Moi, il me faut toujours un récit comme point
d'appui. Voilà le tiraillement permanent pendant les
répétitions : va-t-on chercher un récit ou, au contraire,
laisser le mouvement aussi ouvert que possible ?
Oliver : Avec la danse, on court le risque d'aboutir à des
mouvements creux qui ne racontent rien. Pendant les
répétitions, nous avons sondé chaque mouvement pour
trouver un contenu possible, un sens. Le résultat est un
spectacle à mi-chemin entre le théâtre et la danse. Nous
avons examiné comment transposer une donnée
concrète – une fête, par exemple – dans une image qui
n'y renverrait qu'indirectement. Comment montrer
beaucoup de choses à l'aide de quelques éléments
seulement.
Hendrik : Il s'agit effectivement de montrer, plutôt que de
raconter. Nous avons recherché une grande intégrité et
sincérité sur scène.
Gilles : Nous avons découvert combien la simplicité peut
être puissante. À mesure que nous simplifions les images
pour nous, le spectateur peut y lire de plus en plus et ces
images acquièrent davantage de niveaux.
Robrecht : En optant pour la danse et le mouvement,
nous nous sommes rencontrés d'une autre façon. Quand
on travaille sur des textes, le psychologisme arrive bien
plus tôt. On s'y confronte tout de suite mutuellement au
cours d'improvisations, pendant la recherche d'un
contenu. Dans un processus comme le nôtre, il faut laisser
une grande liberté les uns aux autres. Le psychologisme
n'intervient qu'à la fin : qu'avons-nous créé, qu'est-ce que
cela veut dire, où cela a-t-il sa place ?
Chicks for money and nothing for free a reçu le label 15+.
En avez-vous tenu compte ?
Yahya : Oui et non. Ça a certainement déterminé notre
réflexion à propos du spectacle. Quand il nous a fallu
écrire le premier texte de présentation, nous avons
réfléchi au rapport entre les ados de seize ans et les
trentenaires. Pour moi, c'est le fait qu'à seize ans, on doit
décider quel rêve d'adolescent on veut poursuivre, et à
trente ans il faut plus ou moins avoir réalisé ce rêve. Les
plus jeunes parmi nos spectateurs doivent avoir décidé
définitivement dans un an ou deux quelle orientation ils
veulent donner à leur vie et aussi décider à quoi
ressemble leur rêve. Et nous, ce que nous voyons en ce
moment, c'est : est-il arrivé ou est-il plus distant que
jamais ?
Gilles : D'un autre côté, un ado de seize ans est déjà
passablement adulte. En principe, il peut voir n'importe
quel film ou spectacle de théâtre. Nous aurions
probablement fait d'autres choix, à certains endroits, si
ce n'était pas un spectacle jeune public, et nous aurions
abordé la nudité autrement.
Yahya : Mais en même temps, intentionnellement, nous
n'en tenons pas compte, Du point de vue thématique,
c'est proche de ce qui occupe les jeunes, mais je pense
qu'au niveau du rythme et du tempo, c'est un spectacle
audacieux. Nous n'avons pas travaillé à partir de la peur
face aux jeunes de seize ans, nous n'avons pas fait de
pièce qui ne s'arrête jamais, qui continue à tourner sans
cesse. S'ils veulent bousiller le spectacle, ils y arriveront
incontestablement.
le 6 mars 2012
Ellen Stynen