Schillinger : deux étoiles de père en fils - Haut-Rhin

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MARDI 2 FÉVRIER 2016
GASTRONOMIE
Schillinger : deux étoiles de père en fils
Dévoilé hier matin, le Guide Michelin 2016 a permis de clore le secret de polichinelle entourant le JY’S depuis plusieurs jours : l’établissement colmarien obtient une deuxième
étoile, douze ans après la première. L’occasion de revenir sur le parcours de Jean-Yves Schillinger, qui n’a pas toujours voulu « décrocher des étoiles ».
sons étoilées : Boyer à Reims, Robuchon et Le Crillon à Paris. Puis
revient une première fois en Alsace
seconder son père, au mitan des années 1980.
« Continuer à faire
notre boulot »
Aujourd’hui, son ambition pourrait
s’arrêter là. « La structure du JY’S
permet d’atteindre les deux étoiles,
pas plus. Je préfère être un bon deux
étoiles que d’aller, difficilement, en
cueillir une troisième, jure le Colmarien. Maintenant, on va l’apprécier, continuer à faire notre boulot
du mieux possible. » Une deuxième
étoile impliquerait que les prix de
son restaurant soient revus à la hausse – entre 5 et 7 % –, pas question pour autant de parler augmentation selon lui.
Le patron du JY’S à Colmar, aux faux airs de Gordon Ramsay, décroche une deuxième étoile. Comme son père trente ans
avant lui.
Archives L’Alsace/Jean-François Frey
le suit depuis six ans, Nicola Iarocci.
La cuisine a toujours sonné comme
une évidence pour l’homme aux
faux airs de Gordon Ramsay. « Je suis né cuisinier, je ne pensais
pas à un autre métier. À l’époque,
on ne décidait pas, on faisait le même métier de père en fils… », ajoute
Deux d’emblée pour la Villa Lalique
Alvezio Buonasorte
Tout le monde s’attendait à voir la
Villa René Lalique obtenir d’emblée trois étoiles au Guide Michelin
2016, tant le cadre cossu – avec des
objets Lalique pour décor – et bucolique, sur les hauteurs de Wingensur-Moder, et l’équipe à sa tête
plaidaient pour cette consécration.
Jean-Georges Klein – triplement
étoilé lorsqu’il était à L’Arnsbourg,
à Baerenthal – a pris les rênes de ce
nouveau restaurant ouvert en septembre dernier avec Romain Iltis,
meilleur sommelier de France 2012
et meilleur ouvrier de France 2015
en sommellerie. Finalement, cette
table ne devra se contenter « que »
de deux étoiles…
« Un écrin à la hauteur
des trois étoiles »
Le PDG de Lalique, Silvio Denz, rêvait pourtant des trois macarons
d’entrée de jeu. Mais, beau joueur,
il se dit « extrêmement fier de cette
consécration, qui vient saluer le
savoir-faire et la détermination de
Le chef Jean-Georges Klein avec le PDG de Lalique, Silvio Denz, dans leur écrin de
Wingen-sur-Moder.
Archives L’Alsace/Dominique Gutekunst
nos équipes, aussi bien derrière les
fourneaux qu’en salle ».
« Les trois étoiles sont le résultat
d’une alchimie en cuisine, en salle,
à l’accueil… Je pense que l’écrin est
à la hauteur des trois étoiles. Il
nous reste à régler encore une multitude de tout petits détails pour
les mériter dès l’an prochain. Nous
avions prévu d’ouvrir en juin, ce qui
nous aurait permis de peaufiner
davantage ces points. Avec l’ouverture en septembre, cela nous a laissé moins de temps », réagit le très
discret et toujours modeste chef,
que sa femme Nicole avait accompagné à Paris pour l’événement.
Jean-Georges Klein savait qu’une
récompense l’attendait quand le
directeur du Michelin l’avait appe-
lé, vendredi vers 19 h, sans lui dire
le nombre d’étoiles décernées. Luimême et son équipe n’ont été informés qu’hier vers 9 h. Il a prévu
de réunir rapidement ses collaborateurs afin de parvenir à une meilleure coordination en cuisine
et en salle, et « faire ce dernier pas,
le plus difficile, même si nous en
avons déjà fait un grand avec ces
deux étoiles », confie-t-il. Il associe
d’ailleurs tous ses collaborateurs à
cette récompense, et notamment
son chef exécutif Jérôme Schilling,
son second Michel Scheidler, son
directeur de salle Patrick Meyer et
son chef pâtissier Nicolas Multon.
Il admet cependant sa déception
de voir son ancienne maison mosellane, L’Arnsbourg à Baerenthal –
dont il possède la moitié des parts
avec sa sœur Cathy – n’obtenir
qu’une seule étoile, après avoir
perdu ses trois macarons, l’an dernier, en raison de son départ. Silvio
Denz l’avait persuadé, à 65 ans, de
relever ce nouveau challenge en
acceptant un contrat de cinq ans
avec la Villa René Lalique.
Le Crocodile retrouve le firmament
« C’est une surprise pour l’équipe
du Crocodile car nous nous étions
préparés pour essayer de regagner
une étoile en 2017… La reprise du
restaurant s’est déroulée dans des
conditions difficiles après la perte
par l’établissement de son étoile,
l’an dernier », confie son nouveau
propriétaire, Cédric Moulot, à présent seul aux commandes du célèbre établissement strasbourgeois.
« Je tiens à saluer Monique et Émile
Jung [qui avaient mené cette maison jusqu’aux trois étoiles], à mes
côtés depuis mon arrivée au Crocodile, mais aussi Gilbert Mestrallet,
notre ancien sommelier, qui a fait
un travail remarquable depuis 40
ans et qui vient de prendre sa retraite, fin 2015 », poursuit-il.
« Nous allons travailler pour confirmer cette étoile, en 2017, comme
nous l’avions fait durant la première année qui avait suivi l’attribution de l’étoile au 1741 », précise-til. Avec ces deux restaurants – Le
Crocodile et le 1741 –, Cédric Moulot devient le seul propriétaire de
deux étoilés français dans la même
ville, hors Paris.
ment changé, toutes les six semaines, par le chef Ludovic Kientz, afin
de continuer à mettre en valeur des
produits de saison », annonce Cédric Moulot.
Une dizaine d’embauches
« Comme au 1741, où je m’y étais
engagé, nous n’allons pas changer
nos prix en raison de l’attribution
d’une étoile. J’ai d’ailleurs baissé
les prix de 30 % au Crocodile, à mon
arrivée, parce que nous n’avions
plus de macaron », souligne-t-il. Il
a demandé depuis à Julien Dugourd, le chef du deux étoiles d’Èze
(Alpes-Maritimes), le Château de la
Chèvre d’Or, de lui concocter la
Le Strasbourgeois Cédric Moulot.
Archives L’Alsace/Dominique Gutekunst
nouvelle carte des desserts. « Le
reste de la carte va être régulière-
Cette baisse des prix et le bouleversement consécutif à la perte de
l’étoile a provoqué une importante
chute du chiffre d’affaires au Crocodile. Toutefois, le nouveau patron
des lieux entend encore « limiter
les réservations et les couverts,
puis recruter rapidement une dizaine de collaborateurs dans le but de
conserver la qualité, puis d’accroître progressivement le niveau afin
de tenter d’obtenir une seconde
étoile dans les prochaines années,
comme pour le 1741 », glisse-t-il,
en précisant : « Tout en restant
humbles… »
Al. B.
IRE04
Jean-Yves Schillinger. Passé par
l’école hôtelière de Strasbourg pendant deux ans – de 1979 à 1981 –, il
se forme auprès de grandes mai-
Jean-Yves Schillinger a savouré cet
« aboutissement » en famille, hier
à Paris. Sa fille de 16 ans pourrait
bien marcher sur ses traces à son
tour : elle souhaite intégrer l’école
hôtelière de Lausanne dans les années à venir.
Cinquante étoilés dans l’Acal
Alsace
La nouvelle grande région Acal
totalise désormais 50 restaurants
étoilés, dont 29 sont situés en
Alsace, 14 en Lorraine et 7 en
Champagne-Ardenne. Deux tables alsaciennes perdent leur
étoile : Le Rendez-vous de Chasse,
à Colmar – après le départ de
Julien Binz pour Ammerschwihr –,
et La Casserole, à Strasbourg,
qu’Éric Girardin a quittée pour La
Maison des Têtes à Colmar.
Champagne-Ardenne
Rien de bouge dans le département de la Marne, qui concentre
toujours l’ensemble des sept étoilés champardennais. L’Assiette
Champenoise, à Trinqueux, est le
seul autre triple étoilé de l’Acal,
que son chef Arnaud Lallement a
obtenu en 2014. Il y a par ailleurs
un double étoilé à Reims (Les
Crayères), où l’on trouve aussi
deux tables une étoile.
Lorraine
La Lorraine est la grande perdante
de la promotion 2016 : de 16 une
étoile, elle passe à 14, avec deux
dégradations : Le Bistroquet, à
Belleville (54), et Le Soldat de l’An
II, à Phalsbourg (57).
Les restaurants étoilés en Alsace
Nouvelle étoile
attribuée en 2016
Auberge du Cheval blanc
Villa René Lalique
Lembach
WingenGundershoffen
sur-Moder
Le Cygne
Saverne
Kasbür
Sessenheim
Auberge au Boeuf
La Wantzenau
Relais de la Poste
Marlenheim
Le Cerf
Hostellerie du Rosenmeer
Strasbourg
Rosheim
Le Crocodile
Umani
Esprit Terroir
Buerehiesel
1741
Gavroche
La Fourchette des Ducs
Le Bistro des Saveurs
Obernai
Rhinau
Au vieux Couvent
Auberge Frankenbourg La Vancelle
Illhaeusern
Maximilien
La Table du Gourmet
Chambard
La Nouvelle Auberge
Auberge de l’Ill
Zellenberg
Riquewihr
Kaysersberg
Colmar
L’Atelier du Peintre
JY’S
Wihr-au-Val
Il Cortile
Mulhouse
Riedisheim
Rixheim
Sierentz
La Poste
Le 7e Continent
Auberge St-Laurent
Infographie L’Alsace - Source: Guide Michelin 2016
moins de soucis. On est son propre
patron. » Retour au bercail, donc,
Son père serait fier de lui. Déjà et ouverture du JY’S rue de la Poisauréolé en 2004, Jean-Yves Schillin- sonnerie en 2004. Succès imméger vient de décrocher à 52 ans une diat. Cette deuxième étoile a été
deuxième étoile au Guide Michelin. plus longue à se dessiner, mais le
Jean Schillinger a obtenu la sienne Colmarien a tout fait pour l’obtenir.
au même âge – la première en « J’ai arrêté le consulting depuis
1974, la seconde en 1986. Douze trois ans pour me consacrer au resans les séparent à chaque fois.
taurant. Je savais ce qu’il fallait faire. Tout est dans les petits détails :
S’il marche aujourd’hui sur les tra- changer le plus souvent la carte,
ces paternelles, s’il affirme que re- opter pour la créativité des plats,
cevoir un tel sésame « cela fait avoir une équipe constante… C’est
toujours plaisir », le patron du JY’S, ce qui fait toute la différence », asà Colmar, n’était pas parti pour sure-t-il.
« décrocher des étoiles » dans ses
jeunes années. Il a préféré s’éloiNicola Iarocci, chef
gner, dix ans durant, aux États« fidèle et créatif »
Unis.
Décor cosy, terrasse au bord de la
Suivront deux ouvertures de res- Lauch pour mieux profiter de la Petaurants à New York, Destinée tite Venise durant les beaux jours,
(1997) et Olica (1999), puis la nais- cuisine du monde pour 60 cousance d’une fille, la même année. verts : c’est un peu tout cela qu’a
« J’étais davantage dans la menta- récompensé hier le prestigieux guilité américaine : ouvrir des restau- de gastronomique. Sans oublier le
rants à la chaîne…, constate Jean- travail d’équipe : Jean-Yves SchillinYves Schillinger. Et puis je me suis ger est entouré d’une équipe de 16
rendu compte que s’occuper de son personnes – dont neuf en cuisine –
propre établissement occasionne et d’un chef « fidèle et créatif » qui
Pierre Gusz