de Canton à Xining

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de Canton à Xining
voyage lecteurs LA CHINE
LA CHINE AVEC LUC
de Canton à Xining
Après 4 mois passés en échange universitaire à Canton, Luc Gimbert, étudiant de 23 ans, a souhaité terminer
ses études par un périple de près de 9.000km en Chine : deux mois en solitaire, sur une petite moto Suzuki
125cm3, depuis la ville de Canton en passant par le Yunan, les hauts plateaux du Kham Tibet, jusqu’à Xining,
la capitale du Qinhai dans le Nord-Ouest de la Chine. Récit d’un périple fort en émotion ! Par Luc Gimbert
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L
e jour du départ était fixé au
1er juin 2012, le lendemain
de mon dernier cours à
l’université Sun Yat de
Canton. Voilà près de 1 an
que j’avais ce voyage en tête, et à
deux jours du départ, il me faut
encore acheter une bonne partie de
l’équipement dont la moto et
peaufiner mon carnet de voyage.
Toutes mes affaires sont étalées dans
ma chambre : boussole, cartes de
chaque province à traverser,
téléphone portable, “Lonely Planet”
et “Guide du Routard” de la Chine,
quelques pièces mécaniques de
rechange, gants, chaussures
montantes et bien sûr deux très
bonnes bouteilles de vin en cas de
bonne (ou de mauvaise) rencontre…
Je crois que je suis prêt ! La
première journée de route fut tout
sauf agréable ! Je n’aurais jamais
imaginé qu’il soit si difficile de sortir
de l’agglomération de Canton : il fait
chaud, beaucoup trop chaud sous
mon casque et le réseau routier
autour de la ville est à me rendre
fou. Je n’arrive pas à me repérer
avec les panneaux écrits en chinois,
quant à ma boussole, elle ne me sert
à rien car je change de cap
continuellement entre deux
échangeurs. Mon voyage commence
vraiment à partir du second jour et
plus jamais je ne sentirai la même
frustration que lors de cette
première journée. Mes deux
premières semaines dans la Chine
intérieure me mènent à l’Ouest du
Guangdong, dans le parc naturel de
Lingnan. Je fais ensuite route vers le
Guangxi pour passer quelques jours
dans les rizières de Yangshuo. Je
découvre enfin toute la beauté de la
campagne chinoise : je parcours
cette région de rizières et de collines
en forme de pain de sucre. Tous les
soirs, je m’arrête dans un petit
bourg, les Chinois que je rencontre
sont très accueillants : je suis
systématiquement invité à dîner ! Ils
sont souvent très intéressés par mon
voyage, je suis le premier « laowai »
(étranger) qu’ils rencontrent. Mon
très mauvais accent chinois les fait
beaucoup rire et nous passons
ensemble d’excellentes soirées
arrosées de bière locale. Après
Yangshuo, je pars pour Guilin et les
rizières du dragon. Je file ensuite
tout droit vers la frontière avec le
Vietnam à la rencontre des ethnies
locales, les Lolos noirs. Je m’arrête
aussi voir Detian Pubu : ce sont les
secondes plus grandes chutes d’eau
du monde, d’après l’office de
tourisme chinois. Direction ensuite
Hua Shan, la montagne aux fleurs,
connue pour les énigmatiques
peintures rupestres sur ses falaises.
Je me retrouve sur un petit bateau
pendant quelques heures. J’apprécie
le calme de cette visite et la sérénité
de l’endroit. Je passe donc 4 jours à
longer la frontière vietnamienne. La
route a bien changé depuis mon
départ de Canton. Je circule très
souvent sur de petites voies
régionales très rarement
goudronnées. Pour me repérer, je
compte sur les très nombreux
pompistes des stations-service Petro
China. Ils ne se trompent guère sur
les directions, à partir du moment où
vous ne leur indiquez pas de
destination à plus de 30 km. Après
15 jours en solitaire, j’arrive enfin à
l’entrée de la province du Yunnan. Je
dois retrouver mon ami Bogdan
Rousset à Jianshui pour 15 jours de
traversée de la province. Nous lui
trouvons rapidement une moto et
nous mettons le cap vers Yuanyang,
vallée inscrite au patrimoine mondial
de l’UNESCO pour ses rizières en
terrasses. Le spectacle est
époustouflant. Nous passons deux
journées autour du site. La
montagne a été travaillée sur des
dizaines de kilomètres. Les nuances
de vert sont un véritable spectacle.
Pour tous les deux, les vraies raisons
de la traversée du Yunnan sont la
Luptatur aborem acearunt liqui blabo. Nequatur, solu
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Luptatur aborem acearunt liqui blabo. Nequatur, solu
découverte des contreforts du Tibet,
à la pointe Nord de la région, entre la
ville de Dali et Shangrila. Nous
fonçons donc sur les petites routes en
direction du lac de Dali, étape
incontournable avant d’affronter nos
premiers cols de montagne. Le petit
centre historique de la ville est une
bonne halte pour se remettre sur
pied. 200 km plus au nord, nous
entrons dans la ville de Lijiang,
ancienne plaque tournante des
caravanes de yacks qui rejoignaient
Kunming depuis Lhassa et l’Inde.
Malgré les nombreuses évolutions
pour accueillir les touristes du monde
entier, la cité n’a pas perdu de son
charme. Nous passons une journée à
nous perdre le long de ses petits
canaux. À mi-chemin entre Lijiang et
Shangrila, nous décidons de faire une
halte sportive aux Gorges du Saut du
Tigre. Nous laissons nos motos sur le
bord de la route et enfilons des
chaussures de marches pour deux
exceptionnelles journées de
randonnée, sous un soleil de plomb.
Le 27 juin, nous arrivons dans la
fabuleuse cité de Shangrila. La route
qui y mène nous donne un premier
aperçu des paysages tibétains : nous
sommes à plus de 3.000 m d’altitude.
La route serpente péniblement le
long des pâturages. Nous arrivons
enfin sur le plateau. Nos machines
ont du mal à avancer à cause du
manque d’oxygène. Tout excités, nous
garons nos bécanes sur la place
centrale de la ville, au pied du grand
temple de Shangrila et nous partons
à la recherche d’un guide pour un trek
de deux jours dans la montagne
environnante. Après une journée de
randonnée, nous nous arrêtons dans
un abri de nomades, pour partager le
thé au beurre de yack. Encore un
souvenir inoubliable. Nous camperons
quelques kilomètres plus loin, dans
un pâturage d’herbe à yack. À notre
retour, Bogdan et moi, nous nous
séparons. Je dois filer dans quelques
jours pour Deqin et le Sichuan. Je
reprends mon voyage seul. Je rejoins
la route Sud Sichuan-Tibet qui fait le
lien entre Lhassa et Chengdu. A plus
de 4.800 m d’altitude, dans la boue,
sous la pluie, la grêle puis la neige. Je
vis l’une de mes meilleures galères du
voyage. Avec le peu d’oxygène dans
l’air, ma moto ne dépasse plus les
40 km/h. De toute façon les 40 cm
de boue au sol ne m’auraient pas
vraiment permis d’aller plus vite.
J’arrive péniblement à Ya’An, en
banlieue de Chengdu pour une
journée de repos dans un centre pour
pandas. Fini les routes cabossées,
aujourd’hui je me comporte comme
un parfait touriste attendri par leur
côté pataud. Cette halte n’est que de
courte durée. Jai très envie de revenir
dans les montagnes du Sichuan, et à
1.500 km au Nord-Ouest de Ya’An se
trouve la région du Kham Tibet et le
col de Dégé à plus de 5.000 m
d’altitude. L’idée de me frotter à
nouveau à la montagne me taquine.
Cette région n’est ouverte aux
étrangers que depuis quelques mois,
et je suis bien tenté d’aller y
vadrouiller quelque temps.
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Ces 10 jours de trajets vers Dégé
furent une immersion totale dans
l’environnement tibétain. Il n’y a
qu’une seule route dans cette
province, reliant quelques bourgs tous
les 100 km. Les habitants vivent
comme il y a 100 ans : de l’élevage de
yack et des quelques commerces du
bourg. Niveau confort, c’est le néant :
pas une douche à 500 km à la ronde.
Entre deux bourgs, ce ne sont que des
vallons couverts de prairies. On se
sent seul au monde. Je croise moins
de 5 voitures par jour. C’est presque le
désert. Je suis transporté dans ces
paysages et j’y repense encore très
souvent. Au fil du trajet, je choisis
mes haltes selon les quelques
endroits à visiter : les tours de Damba
et son pont suspendu, les lamaseries
de Ganzi et de Sershu et finalement le
centre d’imprimerie bouddhiste de
Dégé. J’arrive finalement à Yushu,
dans la province du Qinhai, dernière
province de mon voyage. J’avoue que
toute la fatigue accumulée par ces 7
semaines de route me pèse. Il est
voyage lecteurs LA CHINE
Equi repro dolest pernamusa volorro viditis eost rectet ommod
temps d’arriver au lac Qinhai, le
plus grand de Chine et de boucler ce
périple. La route entre Yushu et
Xining, la capitale du Qinhai, est une
voie simple, droite, à perte de vue.
Pas un véhicule sur la route. Peu à
peu le climat change. Plus l’altitude
baisse, plus la chaleur est de retour.
En 3 jours, je passe de -4°c sous la
neige du col de Bayankala Shan à
4.828 m à la chaleur étouffante de
Xining, ville nouvelle chinoise
entourée d’un désert de sable qui
ressemble au Sahara ! L’arrivée à
Xining est une véritable fête !
J’appelle ma famille et passe une
après-midi à envoyer des nouvelles
depuis un internet café. Je n’en avais
pas vu depuis plus de 7 jours. Il me
reste encore une semaine avant de
devoir rentrer à Canton. Je reste
donc 3 jours à Xining le temps de
revendre ma moto et une partie de
mon équipement. Les Chinois sont
forts en affaire et je ne revends pas
ma moto suffisamment chère pour
rentrer à Shanghai et Canton en
avion. Avec 3 000 yuan en poche, je
dois prendre le train : 35 h de voyage
non stop sur une banquette simple !
À mon arrivée à Shanghai, je
passe chez Kevin, un de
mes amis qui travaille ici depuis 2
ans. J’apprécie ce retour à la
civilisation et au confort des grandes
villes. Je retrouve sur place Sammy,
grand fan de side-car, qui s’est offert
un vieux Changjiang. Ce side-car est
la réplique chinoise de la réplique
russe (ndlr : l’auteur fait
ici référence aux
marques Ural
et
Alignam eat.
Qui corem
voluptatus
volendest
Alignam eat. Qui
corem voluptatus
volendestrum
reped quias et
quaerem
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Dniepr) des side-car BMW allemands
de la Seconde Guerre mondiale. Il me
laisse le conduire sur le Bund, toute
une soirée durant. Ce sont mes
derniers moments à moto en Chine.
Une semaine plus tard, je quitte
Canton. Direction Hong Kong pour
de nouvelles aventures ! RT