la « pensee du demenagement ».
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la « pensee du demenagement ».
Daniel DERIVOIS Maître de conférences en psychologie, psychologue clinicien Université Lyon 2 – France ENTRE DERACINEMENT ET DEMENAGEMENT : LA « PENSEE DU DEMENAGEMENT ». VERS UN MODELE POUR PENSER LE TRAVAIL PSYCHIQUE DES POPULATIONS DEPLACEES « Devant la mer, nous cherchons le chemin, de l’inconnu à tout inextricable » E. Glissant, 2005. UNE PENSEE EN MOUVEMENT Ce sont des éléments d’une pensée en mouvement que je souhaite proposer ici, une pensée qui s’efforce de nommer et de traduire un certain nombre de processus à l’œuvre dans l’espace psychique d’individus et de groupes d’individus confrontés à l’expérience du déracinement, du déplacement, de la traversée et à la nécessité de continuer d’habiter malgré eux. Ces éléments participent d’une recherche au croisement de deux champs : les enfants abusés (dé-) placés de leurs familles – auprès desquels je travaille comme psychologue clinicien – et les populations déplacés dans d’autres conditions dramatiques (déportés, transplantés, excolonisés, en situation de diaspora, d’exil, de migrations multiples…). Ces deux types de populations ont entr’autres en commun un traumatisme potentiel de l’arrachement qui mobilise un travail psychique intense pour investir de nouveaux espaces, s’approprier de nouveaux territoires, bref habiter à nouveau, se sentir chez soi. Ce n’est pas la situation des enfants déplacés/placés/replacés qui fera ici l’objet de mon propos 1 mais celle d’une catégorie complexe de populations déplacées : ce qu’on 1 Dans un ouvrage en préparation sur « Les adolescents victimes/délinquants » j’étudie la pensée du déménagement dans les déplacements d’enfants et d’adolescents en Maison d’Enfants, en Centre d’Education Renforcée et en Milieu carcéral. pourrait appeler les Haïtiens-Africains (ou Africains-Haïtiens ?) transplantés en Amérique et de nouveau déplacés en terres étrangères. On assiste alors à une migration multiple, une diaspora à plusieurs strates (C. Chivallon, 2004) qui relance à chaque fois la question identitaire et celle de la continuité de la vie psychique. En effet, les populations déplacées par contrainte sont soumises à toute une série d’aménagements et de réaménagements sur le plan psychique. Dans un effort pour comprendre, dans leur globalité, complexité et intrication, certains obstacles rencontrés par ces populations déportées dans le trajet spatio-temporel de leur histoire, je propose d’appeler « pensée du déménagement » un modèle de compréhension du travail psychique nécessaire à l’appropriation de nouveaux espaces (géographique, linguistique, identitaire...). Pour ces peuples arrachés à leurs territoires, le déménagement ou mieux le besoin de déménager devient un réflexe de survie à leur dislocation originaire. Etant donné qu’ils ont vécu le déracinement (subir le déménagement), ils passent à l’acte de déménager (agir le déménagement) pour tenter de lier, de faire advenir, sentir le traumatisme et s’approprier le processus historique et psychique. UN ATTRACTEUR DE LA REALITE PSYCHIQUE : LA CREATION LITTERAIRE Le travail psychique de liaison et ré-appropriation de l’espace peut se lire à travers des symptômes (violences individuelles, groupales, nationales, troubles du comportement, instabilité sociale, politique, crise d’identité…) mais aussi à travers des dispositifs sociaux et artistiques qui, en lui offrant une voie sublimatoire, appellent à une élaboration du traumatisme. L’accent sera mis ici sur la création littéraire comme attracteur et vecteur d’un vécu d’arrachement, et de déplacement en quête de sens. Cependant, mon point de vue n’est pas strictement littéraire mais psychique. Il s’agit du point de vue d’un psychiste qui s’intéresse au fonctionnement psychique, quels que soient les attracteurs et les supports qui le mettent en évidence. En tant que tel, je m’intéresse au processus créateur, aux processus de symbolisation dans l’acte créateur, c’est-à-dire à la manière dont un sujet ou un groupe de sujets (ré-) actualise, (re-) construise – séparément ou simultanément – un événement tout en s’efforçant de donner du sens aux traces réactivées. Il s’agit d’un processus complexe qui saisit l’artiste créateur à un moment de sa vie et le propulse vers un univers de sens potentiels. D. Anzieu (1981) distingue cinq phases du processus créateur : le saisissement créateur (la crise), la mise en image (prise de conscience des représentants psychiques inconscients), le choix du média (le code), la composition de l’œuvre et sa production au dehors (l’adresse). C’est la traversée de ces cinq phases dans ce qu’elles mettent en œuvre de la « symbolisation de l’expérience subjective vécue » (R. Roussillon, 2002) qui m’intéresse. C’est en ce sens que la création littéraire – dont le média est l’écriture – est un attracteur privilégié de la réalité psychique individuelle sur fond de psyché groupale. Ainsi, l’on comprendra que ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui m’intéresse mais son en-deça et son au-delà, les sources et conditions de sa mise en perspective, bref le cheminement psychique qui a donné lieu à son avènement sous la plume ou les doigts de l’auteur (ou des auteurs). Je ferai le choix de centrer l’attention à la fois sur l’auteur singulier et sur une communauté d’auteurs, en tant qu’ils sont concernés par un même « objet groupal de création » : le déracinement. L’objectif, à long terme, est de construire un modèle d’analyse et de compréhension de l’effort pour habiter. Ce modèle pose notamment les questions : où est-on quand on pense ? où eston quand on crée ? et propose de trouver des éléments de réponse dans l’écart que produit la traversée dans son double versant historique et psychique. DERACINEMENT, TRAVERSEE HISTORIQUE ET PSYCHIQUE S’agissant du groupe-peuple haïtien, on peut dire qu’à l’origine il y a eu un arrachement brutal, un déracinement violent de la terre africaine dont les effets sur la capacité à habiter sont encore d’actualité. Le déracinement est potentiellement traumatique, surtout quand il n’est pas choisi. Ses restes continuent de s’actualiser sous des formes diverses. Cette constatation m’a amené (D. Dérivois, 2005, 2006) à formuler deux hypothèses. La première, s’appuyant sur les travaux de B. Goetz (2001), est celle d’une dislocation psychique produite par le déracinement et l’arrachement. Une dislocation qui se traduit notamment par une « mise en errance des lieux », un éclatement des limites, un brouillage des repères spatio-temporels mais qui laisse espérer une reconstruction éventuelle. C’est la raison pour laquelle j’intègrerais ce que E. Glissant (2005) appelle « Pensée du tremblement » à cette réflexion. Cette « pensée sismique du monde qui tremble en nous et autour de nous », qui « s’accorde à l’errance du monde et à son inexprimable », cette pensée de l’imprévisible peut en effet rendre compte de la dislocation. Elle traduit une forme de cette dislocation. Si la dislocation a un côté déstabilisant, elle a aussi un aspect constructif dans la mesure où elle produit de l’écart, de l’inattendu où tout est possible. Il y a ainsi un double aspect dans la dislocation : déstabilisation et possibilité de reconstruction ! Cette possibilité de reconstruction trouve notamment son origine dans l’expérience de la traversée. Ainsi, une deuxième hypothèse porte sur l’intrication d’un double mouvement de la traversée : historique et psychique, chronologique et chronique. Traverser et être traversé à la fois ! Traverser l’espace-temps mais aussi traversé par l’espace-temps de l’histoire, par l’expérience, par les traces mnésiques et amnésiques véhiculées de générations en générations dans l’espace psychique groupal, national. Traversée historique mais aussi psychique qui défie le temps chronologique par l’infiltration d’un hors-temps traumatique, un « temps qui ne passe pas » (J.-B. Pontalis, 2001). Concernant l’histoire du peuple haïtien, point n’est besoin de dire que la traversée (des Afriques aux Amériques) est longue et que nous n’avons pas fini de traverser. A la suite de A. Césaire (1983) le poète R. Depestre (2005) soupire : « Encore une mer à traverser / oh une mer à traverser/ pour que j’invente mes poumons ». En effet, au cours de la traversée, du sens est toujours à inventer. Et c’est la dimension psychique qui met en évidence cette polysémie vitale dans la dynamique du trajet. Il faut une pensée pour contenir cette traversée, assurer sa continuité, pour faire en sorte qu’elle ne soit pas que dramatique, que traumatique, faire en sorte qu’elle sorte de la répétition traumatique de l’histoire vers ce que j’appelle une répétitionsymbolisation qui produise du sens (D. Dérivois, 2004). C’est le projet de la Pensée du déménagement dont les lignes de force sont esquissées ci-après. LES PREMISSES DE LA PENSEE DU DEMENAGEMENT Je propose à présent de distinguer trois concepts de base, deux processus majeurs et trois moments forts qui s’articulent dans cette pensée : Les concepts de base - Le premier concept est celui d’Appareil psychique créateur (inter)national2. Ce concept forgé à partir de l’appareil psychique groupal (R. Kaës, 1976) en articulation avec les phases du processus créateur développées par D. Anzieu (1981) mettent l’accent sur la traversée de l’expérience au niveau individuel mais aussi groupal, national, inter-continental (Afrique, Amérique, Europe, Amérique). L’idée d’un appareil psychique créateur international trouve sa force dans le fait qu’un créateur, un artiste ne produit jamais seul. Même s’il est seul dans sa souffrance personnelle, son « produit » prend sens dans une souffrance collective. Il compose non seulement sur les traces de ceux qui l’ont précédés mais aussi avec ses groupes internes. Son œuvre rend compte d’une groupalité psychique (R. Kaës, 1993). Dans le cas 2 J’ai déjà proposé (2005) de décliner le concept d’appareil psychique groupal de R. Kaës en appareil psychique national pour rendre compte du fonctionnement psychique de toute une nation. des écrivains Haïtiens de la diaspora, ce concept est pertinent dans la mesure où ils sont concernés par un même objet groupal de création. Il y a inter-influence des artistes. Là où le littéraire voit de l’intertextualité, le psychiste fait l’hypothèse d’une création groupale intersubjective, d’une activité créatrice inter-nationale. - Le deuxième concept, l’inconscient post-colonial (Collectif, 1995) montre à la fois une instance centrale dans l’organisation de cet appareil psychique créateur inter-national et la part partagée de l’histoire coloniale. Il met l’accent sur le traumatisme collectif subi et sa présence muette. Il invite à réfléchir sur les restes inconscients de la colonisation dans l’activité créatrice. - Enfin le concept de transmission psychique inconsciente (A. Ciccone, 1999) met en évidence la question du trajet de l’expérience dans la psyché groupale. Quelque chose se transmet de générations en générations. L’histoire se transmet mais aussi les non-dits de cette histoire. « Il y eut un blanc à l’origine /…/ il y eut un blanc de mémoire/ nous séjournons dans ce blanc impossible à éprouver », crie le poète (J. Desrosiers, 1993). De l’Afrique à Haïti, la traversée continue, la transmission du passé s’opère avec ses ratés et ses rebondissements. Il y a d’une part ce qui se transmet (l’histoire, le traumatisme…) mais aussi et surtout la façon dont ça se transmet (par la violence, dans le silence des traces amnésiques…). Ce qui entoure le contenu – c’est-à-dire le contenant – est souvent plus important que le transmis. Ensuite, il y a la manière dont le transmis est reçu et traité par tel ou tel individu, telle ou telle génération. Le traitement du transmis dépend de la disponibilité psychique du récepteur, de sa capacité à répéter-symboliser, d’où les deux processus suivants. Les deux processus qui se complètent - Les processus de répétition sont au cœur de la pensée du déménagement. On ne peut pas ne pas répéter, c’est le propre de la psyché que de répéter ce à quoi elle a été confrontée, directement ou indirectement. « Ce qui se répète, souligne J.-B. Pontalis (2001), est ce qui n’a pas eu lieu, n’a pas trouvé son lieu et qui, n’ayant pas réussi à advenir, n’a jamais existé comme événement psychique ». La répétition peut être un moyen d’intégrer psychiquement ce qui n’a pas eu lieu, un moyen de tenter de psychiser le non-lieu, le « blanc » originaire, le « non encore advenu » - moyennant un cadre de pensée pour accueillir l’effort. Elle peut être la condition du passage de la répétition-répétition (à l’identique) à la répétitionsymbolisation (sens). - Les processus de symbolisation traduisent la mise en forme, en représentation et en sens de l’expérience subjective vécue (R. Roussillon, 2002). Ils rendent compte du traitement de l’éprouvé originaire. Il y a symbolisation individuelle et symbolisation groupale s’étayant sur des symboles universels et intimes. Dans l’acte créateur, chaque artiste tente de symboliser l’intime mais aussi quelque chose de collectif. Chaque artiste rencontre le processus de symbolisation groupale à un moment donné de son histoire personnelle et de l’histoire de la subjectivité groupale. Chaque artiste se saisit du cheminement des traces archaïques au sein de l’appareil psychique groupal, national. Chaque artiste joue sa partition dans le trajet de l’appropriation du processus. Les trois moments dans le trajet de l’appropriation - Le subir est relatif à la construction du traumatisme, dans le fantasme ou dans la réalité. Il n’y a pas de fait traumatique en soi. C’est le sujet, le groupe-peuple, qui traite l’événement sur un mode traumatique, souvent dans l’après-coup. - Le sentir traduit l’effort pour faire advenir les traces du traumatisme subi ou en héritage. C’est dans ce moment que je placerais la phase du saisissement créateur – la période de crise – décrite par D. Anzieu (1981), ce moment où le subir fait effraction dans l’enveloppe corporelle de l’artiste et le « contraint à créer » (R. Roussillon, 1998). - L’agir, ici est relatif au passage à l’acte créateur matérialisé par l’écriture. L’écriture est un passage à l’acte. Elle traduit une tentative de symbolisation. Elle véhicule la violence du traumatisme et vise la transformation de l’agir en représentations. Ces trois moments rendent compte de ce que j’ai appelé la « pulsion traumatique » (D. Dérivois, 2004), c’est-à-dire un ensemble de forces qui poussent à revisiter les lieux psychiques du crime, à se mettre à nouveau en danger, en situation de fragilité, pour pouvoir reprendre le processus à son compte, agir ce qu’on a subi, déménager la zone traumatique de la psyché sous différentes figures. FIGURES DU DEMENAGEMENT A L’EPREUVE DU TRAVAIL CREATEUR La création littéraire, ainsi qu’il a été mentionné plus haut, est l’un des champs où le travail psychique intense de déménagement se donne à voir à travers les processus de symbolisation en jeu dans l’acte créateur. Le passage à l’acte d’écriture devient un moyen utilisé pour traverser et être traversé, pour déménager. Le déménagement n’est pas qu’un simple déplacement dans l’espace physique, géographique. Il suppose avant tout un travail psychique qui se donne à voir à travers plusieurs figures : identitaire, géo-psychique, linguistique. Pour illustrer ces dimensions, je reprendrai, avec un regard différent, l’exemple des extraits de trois « produits » de déménagement chez trois auteurs – R. Depestre, J. Desrosiers, L. Trouillot – (D. Dérivois, 2005, 2006). Le déménagement identitaire (ou la dimension identitaire du déménagement) Cet aspect traduit une façon d’habiter son corps dans l’espace. Quand R. Depestre (1998), « nomade enraciné » en France souligne « J’ai pu être, le plus naturellement du monde, Français à Paris, Brésilien à Sao Paulo, Tchèque à Prague, Italien à Milan, Cubain à la Havane », il met en évidence l’aspect identitaire du déménagement, le vécu de dislocation et une tentative d’ancrage quelque part. Il témoigne de quelqu’un qui essaie de se poser sur une terre, se poser dans une nationalité, dans une identité. Le déménagement géo-psychique (ou la dimension géo-psychique du déménagement) Cette dimension pose la question différemment. Quand J. Desrosiers (1996) à Québec se rend compte que : « le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un regard d’étranger sur soi-même », il fait un pas de plus, il dépasse la recherche d’ancrage identitaire sur une terre, dans une nationalité. Son « produit » illustre un déménagement interne, de soi à soi, une tentative de se poser psychiquement. Partout. Le déménagement linguistique (ou la dimension linguistique du déménagement) Le point de vue linguistique est celui qui nous intéresse le plus ici dans la mesure où il constitue un vecteur pour les autres facteurs, dans la mesure où c’est l’utilisation de la langue (la mise en mots) que ces auteurs ont choisie comme médiation de cette expérience de la traversée et du déménagement. Dans Poétique de la Relation, E. Glissant (1991) donne une belle illustration de ce type de déménagement : « Je parle et surtout j’écris en présence de toutes les langues du monde (…) je ne peux plus écrire de manière monolingue. C’est-à-dire que ma langue, je la déporte et la bouscule non pas dans des synthèses, mais dans des ouvertures linguistiques qui me permettent de concevoir les rapports des langues entre elles aujourd’hui sur la surface de la terre». Ainsi quand L. Trouillot (1997) en Haïti (deuxième strate de la diaspora – exil intérieur) crie : « Désormais…J’île », par l’action d’îler, par cette violence faite à la syntaxe et à l’espace, il tente de se déplacer tout en restant sur place. Il essaie de se poser dans la langue. Il tente un déménagement linguistique. Ainsi que le souligne Y. Lahens (1990), dès l’origine l’écrivain haïtien est exilé par la langue et le territoire. Il n’est donc pas étonnant que son besoin de déménager emprunte aussi des couloirs linguistiques. En essayant de se poser dans une identité, psychiquement ou dans la langue, dans « toutes les langues du monde », ces trois auteurs tentent de ne plus subir l’arrachement et le déracinement, chacun témoigne d’une histoire singulière et collective, d’un appareil psychique créateur individuel sur fond d’appareil psychique créateur inter-national. En effet, ces trois extraits se complètent, parlent d’une même voie/voix, celle d’une identité spatiale en souffrance, à la recherche de contours. DEMENAGER, CREER ET HABITER Créer et déménager. Créer pour déménager. Pour habiter. La pensée du déménagement pose la question : comment habiter ? Elle ose la question de l’aménagement, du ré-aménagement psychique de la dislocation originaire, celle de la manière de se sentir chez soi partout. Déménager, c’est traverser et être traversé en même temps. Penser le déménagement, c’est penser/nommer les processus en jeu en amont et en aval de la traversée historique et psychique. Il y aurait un processus qui va de l’arrachement vers le réaménagement en passant par la dislocation et le déménagement. Déménager suppose l’élaboration des raisons et conditions dans lesquelles on a quitté les lieux. Paraphrasant le philosophe M. Deguy, on pourrait dire qu’il ne suffit pas de quitter sa terre natale pour ne plus y être. Encore faut-il le quitter, et, en le quittant, le quitter - c’est-à-dire déménager ! Et il ne suffit pas d’arriver sur une terre nouvelle pour l’habiter. Encore faut-il y arriver, et, en arrivant, l’habiter vraiment ». La remarque de R. M. Rilke ne peut que renforcer : « Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part ; c’est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine pour y naître après coup et chaque jour définitivement ». Entre déracinement et déménagement, la Pensée du déménagement offre l’espace d’un possible en attente. Elle propose un cadre étayant pour accueillir l’articulation subir/sentir/agir ainsi que les conditions de transformation du déracinement en un cheminement symbolisant où habiter devient possible. Partout ! Références bibliographiques ANZIEU, D., Le corps de l’œuvre, Gallimard, 1981. CESAIRE, A., Cahier d’un retour au pays natal, Présence africaine, 1981. CHIVALLON, C., La diaspora noire des Amériques, CNRS Editions, 2004. 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