Mars 2015 - Université de Rennes 1

Transcription

Mars 2015 - Université de Rennes 1
Mars 2015
Synthèse bibiographique
En biologie et biotechnologie
Universite de Rennes 1
UFR SVE
Master Biologie et Gestion
La molécule CD90, cible potentielle
dans le traitement des glioblastomes
Remerciements
Mes remerciements vont naturellement vers Véronique Quillien, chercheuse au
centre Eugène Marquis, pour m’avoir permis de réaliser cette synthèse bibliographique
et pour ses précieux conseils.
Note des responsables du diplôme : «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter
dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de
manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il
ne peut donc s'engager vis à vis d'éventuelles erreurs ».
1
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
La molécule CD90, cible potentielle dans le traitement des glioblastomes
Aude Menage1, Véronique Quillien2
1Master
2 Biologie et Gestion, Université de Rennes 1, Rennes, France
de Biologie Clinique, Centre Eugène Marquis et UMR 6061, Rennes, France
2Département
Résumé
Les agents ciblants sont des molécules spécifiques à un type cellulaire donné pouvant être
utilisées en thérapie ou en diagnostic d’une tumeur. L’antigène CD90 possède de multiples
fonctions dans des types cellulaires variés. C’est notamment un marqueur des cellules souches
des glioblastomes, tumeurs cérébrales malignes de grade IV. Il aurait un rôle prépondérant
dans le maintien de la tumeur dans plusieurs cancers. Son rôle dans les glioblastomes n’est
pas encore bien défini mais il pourrait être impliqué dans la formation de niches vasculaires
cérébrales. Cependant, son manque de spécificité fait qu’il ne peut pas être envisagé comme
cible thérapeutique.
Mots clés : Thy-1 - CD90 - Glioblastomes - marqueur - cible thérapeutique - cancers
Table des matières
Remerciements ....................................................................................................................................... 1
Résumé .................................................................................................................................................... 2
Introduction............................................................................................................................................. 3
I.
Les glioblastomes ............................................................................................................................ 4
a.
Pronostic, symptômes et traitements ......................................................................................... 4
b.
Les agents ciblants des glioblastomes : nature et rôles .............................................................. 5
II.
La molécule CD90 ............................................................................................................................ 6
a.
Origine, structure et localisation ................................................................................................. 6
b.
Fonctions non immunologiques de CD90.................................................................................... 7
c.
Rôle de CD90, marqueur de cellules souches cancéreuses......................................................... 9
III.
Rôles du marqueur CD90 dans les glioblastomes ..................................................................... 13
Conclusion et perspectives .................................................................................................................... 14
Bibliographie.......................................................................................................................................... 16
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Introduction
Les tumeurs cérébrales sont dites primaires si elles apparaissent au sein du cerveau. Ce
sont des tumeurs soit bégnines, soit malignes ; c’est dans ce deuxième cas que l’on trouve les
gliomes. Ce nom est dû au fait que la tumeur prend origine dans les cellules gliales, qui forment
le tissu nerveux de soutien. Ces gliomes représentent 50 à 60 % des tumeurs cérébrales
primaires, soit 2000 à 3000 nouveaux cas par an, en France. Enfin, 75 % des tumeurs gliales
sont de haut grade (Haberer et al., 2010 - b).
Parmi ces dernières se trouvent les glioblastomes qui sont les tumeurs cérébrales
malignes à plus mauvais pronostic. Ils peuvent prendre origine au sein des astrocytes, cellules
gliales participant à la barrière hémato-encéphalique, ce qui leur vaut aussi le nom
d’astrocytomes de grade IV. L’âge médian auquel ces tumeurs sont diagnostiquées est de 55
à 60 ans et les seuls facteurs de risque reconnus sont les radiations ionisantes, mais cela
concerne de rares cas (Fisher et al., 2007). Les traitements proposés à ce jour suivent le
principe de la trithérapie comprenant la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie ; mais
leur efficacité est modeste, en effet ce sont des traitements palliatifs et non curatifs. De plus,
la forte capacité d’infiltration de ces tumeurs et le fait que les traitements soient peu
spécifiques expliquent le faible temps de survie des patients après diagnostic.
Différentes hypothèses sont proposées quant à l’origine de ces tumeurs qui sont
hétérogènes tant au niveau génétique qu’au niveau de leur phénotype. Ainsi, les cellules
souches des glioblastomes (CSGs), pourraient jouer un rôle déterminant dans l’élaboration de
la tumeur et sa récidive. En effet, ce sont les plus résistantes aux traitements par
chimiothérapie et radiothérapie (Bao et al., 2006). Les thérapies ciblantes, couplées à la
trithérapie, ont pour but d’augmenter la spécificité des traitements pour les rendre plus
efficaces tout en diminuant leur toxicité envers les cellules saines. Il devient alors nécessaire
de rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques via des marqueurs spécifiques des cellules
cancéreuses, et même des cellules souches cancéreuses (Reardon et Wen, 2006).
Différents marqueurs ont pu être mis en évidence concernant les glioblastomes,
notamment la molécule CD90 qui fait l’objet d’études afin de déterminer si elle pourrait être
utilisée comme cible dans le traitement de ces tumeurs cérébrales de haut grade. Cette
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
synthèse concerne les fonctions et rôles connus de cette molécule, en lien avec les cancers
puis plus précisément avec les glioblastomes.
I.
Les glioblastomes
a. Pronostic, symptômes et traitements
Il existe différentes hypothèses concernant l’origine des glioblastomes et certaines
altérations génétiques ont été mises en évidence. La transformation des cellules gliales en
cellules cancéreuses peut notamment être due à une accumulation d’aberrations génétiques
entraînant des modifications dans l’expression de protéines telles que p53 (pour le cycle
cellulaire) ou encore VEGF-R (récepteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire)
(Welzel et al., 2005).
Le pronostic de ces tumeurs de haut grade est très mauvais, la survie moyenne était
estimée de 9 à 15 mois en 2011, pouvant aller de quelques semaines à 4 ans. Les symptômes
varient en fonction de la localisation de la tumeur. Ils peuvent se traduire par un déficit focal,
des céphalées, des crises d’épilepsie (dans un tiers des cas), de l’hypertension intracrânienne
ou encore une modification du comportement ou du caractère.
Les traitements consistent toujours en une chirurgie dans un premier temps. L’ablation
de la tumeur, si elle est visiblement complète, permet d’améliorer le pronostic du patient.
Toutefois, elle ne suffit pas, ces tumeurs étant infiltrantes. S’ensuivent donc, pour les patients
en bon état général, des traitements par radiothérapie et chimiothérapie, au témozolomide
(Haberer et al., 2010-b). Le témozolomide est un agent alkylant faisant partie des
imidotétrazines. Il va avoir, par son action cytotoxique, un appariement aberrant des bases de
l’ADN alors méthylé, entraînant l’apoptose de la cellule (Simon et al., 2005).
La haute toxicité de ces traitements peut entraîner les effets aigus suivants : asthénie,
risque d’hypertension intracrânienne, alopécie, érythème cutané et crises d’épilepsie
(Haberer et al., 2010-a). Concernant la toxicité tardive, les informations sont moins précises
puisque le pronostic de survie des patients est très court et qu’elle dépend de facteurs aussi
variés que le volume de tissus irradiés ou encore l’âge. Elle peut se manifester par des
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
dégradations neurocognitives, une nécrose cérébrale, ou encore des troubles vasculaires ou
endocriniens (Haberer et al., 2010-a).
Afin d’envisager de nouvelles cibles dans les traitements par chimiothérapie, la recherche
de marqueurs spécifiques est importante.
b. Les agents ciblants des glioblastomes : nature et rôles
Les traitements de chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie peuvent être couplés avec
des thérapies ciblantes (Reardon et Wen, 2006), visant de manière sélective un agent
responsable de la croissance tumorale, pouvant être un marqueur cellulaire de la tumeur ou
être présent dans son microenvironnement. En étant plus spécifiques à la tumeur, ils
permettent une meilleure sélectivité thérapeutique et une toxicité amoindrie pour les tissus
sains. Ces thérapies ciblantes permettent une amélioration des taux de réponse et de survie
(Vignot et Besse, 2007).
D’autre part, les cellules souches des glioblastomes ont les mêmes caractéristiques que
les cellules souches neurales, c’est-à-dire la multipotence, la capacité d’auto-renouvellement
et le maintien d’un stade indifférencié (Lottaz et al., 2010). Elles se différencient des autres
cellules tumorales du fait de leur forte résistance à la chimiothérapie. Hypothétiquement,
cibler les cellules souches cancéreuses, en épargnant les cellules souches normales, devrait
éradiquer une tumeur. Cela nécessite l’identification de cibles thérapeutiques, marqueurs des
cellules souches cancéreuses uniquement (Clarcke et al., 2006).
Parmi les agents ciblants des glioblastomes, il existe des inhibiteurs de tyrosine kinase,
notamment les inhibiteurs de l’EGFR (récepteur du facteur de croissance épidermique), l’EGF
étant un oncogène reconnu dans les glioblastomes (Kuan et al., 2001). Il y a également les
inhibiteurs d’angiogénèse, comme l’anticorps monoclonal bévacizumab dirigé contre VEGF,
les glioblastomes étant fortement vascularisés (Kesari et al., 2005). De plus, les cellules
souches des glioblastomes se trouvent dans des niches périvasculaires, c’est-à-dire qu’elles
sont concentrées autour de vaisseaux sanguins (Calabrese et al., 2007). D’autres thérapies
ciblent les voies de signalisation, comme les inhibiteurs des voies Ras/MAPK et PI3K/Akt
(Reardon et Wen, 2006).
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Parmi les différents marqueurs de CSGs (cellules souches cancéreuses) étant à ce jour
identifiés, il existe l’antigène de surface CD133, mais il est peu spécifique ; en effet, il est
retrouvé dans les CSGs mais aussi dans les cellules souches normales du cerveau, ainsi que
dans beaucoup d’autres tissus. De plus il a été montré que toutes les CSGs n’expriment pas le
CD133. La même remarque peut être faite pour le marqueur CD44 ; concernant l’antigène de
surface CD90, des recherches sont en cours (Clarke et al., 2006).
II.
La molécule CD90
a. Origine, structure et localisation
La macromolécule Thy-1 ou CD90 a dans un premier temps été trouvée sur les thymocytes,
comme antigène de surface. Elle joue alors un rôle dans l’activation des lymphocytes T, qui
sont responsables de la réponse immunitaire secondaire. Son expression diminue avec la
différenciation des cellules. Elle est également exprimée à la surface de certains neurones, des
cellules endothéliales, des fibroblastes et des cellules souches sanguines. Chez l’Homme, le
gène codant pour la protéine CD90 est localisé sur le segment chromosomique 11q22.3 (Rege
et Hagood, 2006).
Thy-1 (ou CD90) est une protéine de 25-37 kDa dont la partie N-glycosylée est un
glycophosphatidylinositol (GPI). C’est par cette partie que Thy-1 est ancrée dans le feuillet
externe de la bicouche lipidique de la membrane des cellules, plus précisément au niveau des
radeaux lipidiques. Selon les espèces, les types de tissus et les différents stades de
développement, cette partie glycosylée peut fortement varier. Comme indiqué en figure 1,
une enzyme, la phospholipase GPI-PLD, pourrait cliver l’ancre GPI pour obtenir une forme
soluble de Thy-1. Une autre forme soluble pourrait être obtenue par une protéase (Bradley et
Hagood, 2010).
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Figure 1 : Structure de la molécule Thy-1 (CD90), d’après Bradley et Hagood, 2010.
b. Fonctions non immunologiques de CD90
D’après l’étude publiée en 2006 par les chercheurs Rege et Hagood, Thy-1 est un important
régulateur des interactions cellule-cellule et cellule-matrice. Les fonctions de cette molécule
qui seront détaillées sont celles ayant un rapport direct avec les tumeurs ou avec le tissu
nerveux, elles sont regroupées dans le tableau 1.
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Tableau 1 : Les fonctions non immunologiques de Thy-1 (en tant que récepteur, sauf pour les astrocytes),
d’après l’étude de Rege et Hagood, 2006 [NC = Non Connu, I = Intégrine]
Type
cellulaire
Ligand
Réponse
Voie de
signalisation
Implication
clinique
Neurones
NC
Intégrine β3
Gαi, canaux
calciques N&L,
c-fyn, tubuline
NC
Régénération
axonale
Neurones
Cellules
endothéliales
Activation de
l’excroissance des
neurites
Inhibition de
l’excroissance des
neurites des astrocytes
Adhésion
- Iαvβ3
(mélanome)
- IαXβ2, IαMβ2
(leucocytes)
NC
Assemblage du complexe
d’adhésion, organisation
des fibres de stress,
diminution de la motilité
NC
Désassemblage du
complexe d’adhésion
NC
- métastases
- recrutement
des leucocytes
SFK, p190
RhoGAP
Réparation des
plaies, fibrose
pulmonaire
SFK, PI 3-kinase
Réparation des
plaies, fibrose
pulmonaire
Récepteur :
Intégrine β3
FAK, p130Cas,
Rho A, paxilline,
vinculine
Fibroblastes
pulmonaires
TSP-1
(fibroblastes
pulmonaires)
Astrocytes
(Thy-1 est un
ligand)

Formation du complexe
d’adhésion et des fibres
de stress
Régénération
axonale
Thy-1 module l’excroissance des neurites
L’antigène Thy-1, s’il est exprimé dans une lignée cellulaire neuronale, inhibe
l’excroissance des neurites des astrocytes matures, mais ce n’est pas le cas pour les cellules
de Schwann. Cette molécule a un rôle dans la stabilisation des synapses et le blocage de la
réparation neuronale dans les régions riches en astrocytes du cerveau. Son rôle ne serait pas
essentiel dans le développement du système nerveux ou pour inhiber la régénération axonale,
mais plutôt dans la formation du réseau neuronal.
La molécule Thy-1 se complexe avec des protéines G inhibitrices, avec les membres c-fyn
(protéines oncogènes) de la famille des protéines kinases Src (Src Family Kinase, qui sont des
tyrosines kinases-non récepteurs) mais aussi avec la tubuline, dans les radeaux lipidiques.
Cette molécule aurait potentiellement un rôle de régulation dans la réorganisation du
cytosquelette impliquée dans l’excroissance neuronale. Cette hypothèse a été vérifiée chez
des poussins (Henke et al., 1997).
En tant que récepteur neuronal, Thy-1 peut se lier à un ligand sur les astrocytes :
l’intégrine β3. Ainsi, Thy-1 induirait la formation d’un complexe d’adhésion et de fibres de
8
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
stress. Leurs interactions pourraient entraîner une signalisation bidirectionnelle, inhibant
l’excroissance des neurites.

Thy-1 serait potentiellement un suppresseur de tumeurs dans le cancer ovarien et le
carcinome nasopharyngien
Dans les ovaires, la molécule Thy-1 est exprimée seulement sur les cellules non tumorales.
Il existe une régulation positive de TSP-1 (antiangiogénique), de SPARC (protéine de sécrétion,
acide et riche en cystéine) et de la fibronectine dans les cellules non tumorales. Thy-1
modulerait TSP-1 et la fibronectine, facteurs limitants de la prolifération tumorale, donc Thy1 pourrait potentiellement inhiber la croissance tumorale en activant la fibronectine (Rege et
Hagood, 2006).

Thy-1 activerait la migration cellulaire transendothéliale des leucocytes et des cellules
de mélanome
Thy-1 est particulièrement exprimé sur les cellules endothéliales microvasculaires dans
les mélanomes et leurs métastases. Il existe une interaction spécifique entre l’intégrine αvβ3
des mélanomes et l’antigène Thy-1 présent sur les cellules endothéliales, entraînant une
adhésion cellulaire ; de plus, l’expression de αvβ3 est corrélée positivement avec la
progression tumorale des mélanomes et la formation des métastases (Saalbach et al., 2005).
D’autre part, l’étude de 2004 de l’équipe de Wetzel suggère que la migration cellulaire
transendothéliale des leucocytes nécessite Thy-1, associé à l’intégrine αMβ2, et aurait donc
un rôle dans le recrutement des leucocytes et l’extravasation dans l’inflammation.
c. Rôle de CD90, marqueur de cellules souches cancéreuses
L’ensemble de cette partie porte essentiellement sur l’étude menée en 2014 par le
chercheur H. Lu et son équipe. Elle porte sur le cancer du sein, et plus particulièrement sur
une niche de cellules souches cancéreuses et les voies de signalisation qu’elles utilisent pour
communiquer avec les monocytes et les macrophages.
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Une transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) est une transition de cellules
carcinomateuses (cellules épithéliales cancéreuses) en cellules de type mésenchymateux,
induite afin que les cellules isolées étudiées aient la capacité de se différencier en de
nombreux types cellulaires et d’acquérir les caractéristiques d’une cellule tumorale (motilité,
capacité invasive et augmentation de la résistance à l’apoptose). Elles sont également
résistantes aux agents de chimiothérapie et peuvent régénérer une croissance tumorale à
l’arrêt du traitement (propriétés des cellules souches cancéreuses - CSCs). Les cellules
HMLEs sont des cellules épithéliales mammaires humaines isolées ayant subi une
recombinaison génétique incorporant des oncogènes et des gènes associés au cancer. Enfin,
les cellules HLMERs sont issues des cellules HMLEs dans lesquelles a été incorporé l’oncogène
H-Ras V12.
Après avoir subi une EMT, les cellules HMLERs acquièrent des propriétés de CSCs ; des
changements significatifs de niveaux d’expression des protéines sont alors observés. La plus
grande augmentation d’expression des protéines de la membrane plasmique concerne la
molécule CD90. Une augmentation significative de l’expression de CD90 dans les cellules
souches mammaires humaines et dans des fractions de cellules souches cancéreuses a aussi
été observée (Lim et al., 2010 ; Shipitsin et al., 2007). Dans cette étude, la capacité des cellules
HMLERs à initier une tumeur a été mesurée en fonction de la quantité de marqueurs CD90
présents sur la cellule. Les cellules HMLER CD90hiCD24- ont initié 60 fois plus de tumeurs que
les cellules témoins et celles-ci étaient plus invasives et métastatiques. Les cellules HMLER
CD90lo ont rarement formé des tumeurs. Ces résultats sont en concordance avec ceux trouvés
sur la lignée de cellules cancéreuses du sein humaines MB-MDA-435, qui forment des tumeurs
plus grosses et plus agressives chez les cellules CD90hi que les cellules CD90lo. De plus le niveau
d’expression de la molécule CD90 est négativement corrélé avec le temps de survie des
patients.
Suite à ces observations, les cellules HMLER CD90hi, ayant les propriétés de CSCs et
exprimant hautement le marqueur CD90, ont été mises en culture avec des monocytes afin
de reproduire les conditions des tumeurs associées aux monocytes (TAMs). Le niveau
d’expression des cytokines IL-6, IL-8 et GM-CSF augmente fortement dans cette co-culture par
rapport au témoin (cellules HMLER CD90hi seules, sans monocytes). Les voies de signalisation
10
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
décrites dans l’article de H. Lu à partir des résultats obtenus et de la littérature sont présentées
en figures 2 et 3.
Figure 2 : Sécrétion de cytokines induite par la communication juxtacrine des HMLER CD90hi (CSCs) des TAMS
avec les monocytes
Comme le montre la figure 2, un des rôles de la molécule CD90, présente sur les CSCs
CD90hi, est d’augmenter l’adhérence entre les monocytes et les CSCs. Cette adhérence entre
ces cellules est en fait une liaison entre le récepteur EphA4 (qui est un récepteur tyrosine
kinase) présent sur les CSCs et le ligand Ephrine A présent sur les monocytes, il s’agit d’un
mode de communication juxtacrine. C’est cette liaison entre les monocytes et les CSCs CD90 +
qui engendre une sécrétion accrue des cytokines IL-6, IL-8 et GM-CSF. Le rôle des interleukines
6 et 8 est d’induire et de maintenir l’état de cellules souches cancéreuses et d’augmenter leur
expansion. Elles agissent par une voie de communication autocrine et paracrine (Li et al., 2012
– Hartman et al., 2013 – Korkaya et al., 2011). Le rôle de GM-CSF est la différenciation des
TAMs en phénotypes de support tumoral.
11
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
+
Figure 3 : Voies d’activation intracellulaires induites par la liaison du récepteur EphA4 des CSCs CD90 + au
ligand Ephrin A des monocytes ; entraînant la sécrétion des cytokines IL-6, IL-8 et GM-CSF par activation de
leurs gènes
Par son action précédemment décrite, la molécule CD90 engendre des voies d’activation
cellulaires telles que présentées sur la figure 3. En effet, l’activité de la phosphorylation de la
tyrosine kinase EphA4 dans les cellules HMLER CD90- est fortement diminuée par rapport à
son activité dans les cellules HMLER CD90+. Ces voies de signalisation intracellulaires sont
activées lors de la liaison du récepteur EphA4 des cellules HMLER CD90+ au ligand Ephrin A des
monocytes. EphA4 est lié à la phospholipase Cγ1 (Zhou et al., 2007) qui, par sa production de
diacylglycerol, peut activer différentes protéines kinases C, dont la PKCδ. Une protéine kinase
de la famille des Src module aussi la signalisation intracellulaire induite par l’activation de
EphA4 (Kalo et al., 1999). PKCδ active la dégradation de IκB ce qui engendre une translocation
de NF-κB dans le noyau (Lu et al., 2009). Ce qui, finalement, induit la transcription de différents
gènes dont ceux codant pour les cytokines IL-6, IL-8 et GM-CSF (Hoffmann et al., 2002 – Sasaki
12
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
et al., 2011 – Yoon et al., 2012). Ces cytokines sont ensuite sécrétées par les cellules HLMER
CD90+, renforçant leurs caractéristiques tumorales. Il existe donc un rétrocontrôle positif du
récepteur EphA4.
III.
Rôles du marqueur CD90 dans les glioblastomes
Les cellules souches des glioblastomes expriment les signatures moléculaires des cellules
souches mésenchymateuses et neurales, ce qui leur donne des capacités de différenciation en
ces deux types de lignées cellulaires. Cela affecte leur comportement concernant la formation
de la tumeur mais aussi son expansion à travers sa capacité et ses mécanismes d’invasion ;
ainsi que pour le risque de récidive (Tso et al., 2006). L'expression de CD90 implique un
phénotype d’EMT de myofibroblastes, impliqués dans la migration et la motilité cellulaire dans
le tissu conjonctif (Koumas et al., 2003). Les marqueurs des cellules souches
mésenchymateuses conduisent à un processus d’angiogenèse inflammatoire dans le stroma,
par un type de communication autocrine et paracrine, ce phénomène observé dans la tumeur
in situ pourrait avoir un lien avec le mauvais pronostic des glioblastomes (Tso et al., 2006).
La molécule CD90 est exprimée par les glioblastomes, et plus précisément, par les cellules
souches des glioblastomes (CSGs). Sa présence est significativement plus élevée dans les
gliomes de haut grade (grade III et grade IV) par rapport aux gliomes de bas grade (I et II) et
aux cellules gliales normales, dans lesquels CD90 n’est que peu exprimé. De plus, les niveaux
d’expression des marqueurs CD133 et CD90 sont plus faibles dans des cellules tumorales non
souches différenciées à partir de CSGs que dans ces mêmes CSGs avant différenciation, la
différence d’expression étant similaire pour les deux marqueurs (He et al., 2012). D’après
cette même étude, les cellules souches des glioblastomes (CSGs) CD133+ seraient une souspopulation des CSGs CD90+. L’équipe de He a aussi montré qu’il n’y a pas de différence
significative entre les populations CD90+/CD133+ et CD90+/CD133- concernant leur capacité à
former des sphères mais que la population CD90-/CD133- requiert plus de deux fois plus de
cellules pour former des sphères par rapport aux deux premières populations citées. La
capacité de formation de sphères est spécifique aux cellules souches, l’ensemble de ces
13
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
résultats confirme donc que CD90 est essentiellement un marqueur des cellules souches de
glioblastomes.
D’autre part, l’équipe de J. He, lors de cette même étude datant de 2012, démontre que
les cellules CD90+ sont regroupées au niveau de la vascularisation des tumeurs dans les
gliomes de haut grade. Le marqueur ayant été utilisé pour repérer les cellules endothéliales
est CD31. De plus, les cellules endothéliales créent des niches de cellules souches au sein des
glioblastomes et entretiennent, par leur ligand NOTCH, l’auto-renouvellement des cellules
souches cancéreuses (Zhu et al., 2011). Ce serait donc les CSGs, CD90+, qui seraient présentes
dans les niches vasculaires des glioblastomes (HE et al., 2012).
Au cours de son étude en 2011, l’équipe de Zhu démontre également, chez les souris, que
quand les cellules souches des glioblastomes se différencient, l’activité de NOTCH est réduite ;
elles expriment moins le marqueur CD133 et elles perdent de leurs capacités tumorigènes.
Différents articles mettent en évidence que les CSGs pourraient potentiellement se
différencier en cellules endothéliales capables de vasculariser la tumeur (Wang et al., 2010 –
Ricci-Vitiani et al., 2010). La molécule CD90+ étant présente sur ces CSGs, elle pourrait
éventuellement être utilisée comme cible dans les traitements des glioblastomes par antiangiogenèse.
Conclusion et perspectives
La molécule CD90 est un marqueur des cellules souches des glioblastomes plus général
que le marqueur CD133 qui en serait une sous-population. Il permet donc de cibler plus
largement les cellules souches au sein d’un glioblastome. Une partie, au moins, de ces CSGs
se trouverait principalement dans des niches vasculaires, se différenciant elles-mêmes en
cellules endothéliales nécessaires pour lui assurer nutriments et oxygène par vascularisation.
Elles pourraient également se différencier en trois lignées neurales représentant les cellules
gliales, les neurones et les oligodendrocytes (Zhu et al., 2011).
Le phénotype EMT de myofibroblastes induit par CD90 pourrait être une piste pour
expliquer le mécanisme de migration et d’invasion des CSGs. Il pourrait également être
14
A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
intéressant de rechercher quelles molécules induisent une communication autocrine et
paracrine responsable du processus d’angiogenèse observé par le groupe de recherche de Tso
en 2006. Celui-ci étant induit par les marqueurs de cellules souches mésenchymateuses, CD90
pourrait en faire partie.
Des agents ciblants pourraient être utilisés en imagerie et/ou thérapeutique pour des
cellules tumorales surexprimant les récepteurs des éphrines. Compte tenu des découvertes
faites sur les interactions entre monocytes et CSCs CD90+ dans le cancer du sein, il serait
intéressant de savoir si les mêmes interactions ont lieu dans les glioblastomes. Ceux-ci se
trouvant au moins en partie dans des niches vasculaires, les CSGs sont susceptibles d’utiliser
le même mécanisme intracellulaire que les TAMs démontré par Lu et son équipe en 2014,
illustré en figure 3. C’est-à-dire, la sécrétion de cytokines renforçant les caractéristiques
tumorales.
Les fonctions de CD90 décrites dans diverses cellules, notamment son rôle joué dans la
réorganisation du cytosquelette quand il est exprimé par les fibroblastes ; son rôle dans
l’excroissance des neurites pour la formation du réseau neural ; son association avec les
intégrines dans les mélanomes et les carcinomes entraînant migration cellulaire et
extravasation, pourraient également faire l’objet de nouvelles pistes de recherche au sein des
glioblastomes des niches vasculaires.
L’étude de la molécule CD90 au sein des glioblastomes pourrait permettre de mieux
comprendre le mécanisme des CSGs. Mais le fait que l’antigène CD90 soit présent dans des
types cellulaires aussi nombreux que variés et l’importance de ses fonctions ne permettent
pas de conclure sur une utilisation envisageable de cette molécule comme cible thérapeutique
dans le traitement des glioblastomes (manque de spécificité). Pour cibler un marqueur de
CSCs en thérapie ciblante, il faut connaître parfaitement la molécule pour ne pas risquer de
causer des dommages aux cellules saines plus graves encore que les dommages dus au cancer.
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A. Menage – SBBB – Molécule CD90 et glioblastomes
Bibliographie
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