« Le premier numéro a prouvé qu`un magazine sur

Transcription

« Le premier numéro a prouvé qu`un magazine sur
DOSSIER 20 ANS !
Les débuts de
Micro Simulateur
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22
N° 219 Avril 2012
& Clavier et Batteur Magazine) dont l’un
était passionné d’aviation. Ensuite, ce
furent de longues discussions autour
d’une table de restaurant, chiffres et
projets à l’appui. Il fallait être crédibles,
prouver qu’il existait un lectorat, que la
publicité suivrait... On y croyait si fort que
nous avons finalement réussi à
convaincre nos financiers.
Les premiers numéros de Micro Sim
ont-ils
connu
un
succès
rapidement ? Comment le magazine
s’est-il fait connaître ? Saviez-vous
déjà qui étaient vos lecteurs et
quelles étaient leurs attentes ?
Le premier numéro a prouvé qu’un
magazine sur la simulation était très
attendu. Nous l’avons fait connaître par
passionné pour les micro-ordinateurs, ce
qui m’a tout naturellement amené à la
presse informatique. Ce qui me séduit
dans la simulation de vol, ce sont bien
sûr les avions - je m’y intéresse depuis
toujours - mais aussi les paysages
virtuels. Le voyageur que j’étais leur
trouve une mystérieuse relation avec la
réalité qui me fascine, qui va bien au delà
de la simple fidélité graphique. Les
passionnés de cartographie me
comprendront. Quand la photographie
numérique est devenue adulte, je suis
retourné à mes sources, bouclant en
quelque sorte la boucle. Aujourd’hui, je
traduis et j’écris de nombreux livres sur
la photo.
Bernard Jolivalt, fondateur et premier
rédacteur en chef de Micro Simulateur
Lancer un magazine
spécialisé dans la
simulation
informatique pouvait
sembler un pari un peu
fou dans les années
1990. Pourtant l’idée a
fait son chemin…
Comment est né Micro
Simulateur ? Son
fondateur nous
raconte cette histoire.
magazines de jeux vidéo. Et
justement, je ne considérais
pas les simulateurs de
l’époque (Flight Simulator 4,
Falcon 4, F-15 Strike Eagle,
Jetfighter, A-10 Tank Killer...)
comme des jeux vidéo. Je
travaillais avec le magazine
Micro-News. Avec Georges Brize,
le rédacteur en chef, et JeanClaude Paulin, le chef de rubrique
– que je connaissais tous deux
depuis quelques années –, nous
avions travaillé en 1991 sur un
dossier d’actualité intitulé «Les
avions de la guerre du Golfe» qui
nous avait passionnés. L’idée d’un
magazine exclusivement consacré à la
simulation me vint à ce moment là.
« Le premier numéro a prouvé
qu’un magazine sur la simulation
était très attendu. »
vril 1992 : la presse informatique se développe et envahit les rayonnages des librairies. Cette explosion du
nombre de titres profite de la démocratisation de la micro informatique personnelle. Les PC prennent le pas sur les
autres plateformes (on pense surtout aux
ordinateurs Amiga ou Atari, très populaires à l’époque), les jeux vidéo commencent à passer du stade de simple loisir exotique à celui d’industrie à part
entière. Dans ce contexte, un nouveau
magazine tente une approche originale
en se spécialisant sur un créneau jusque
là délaissé. Le pari : considérer la simu-
A
lation informatique comme une discipline
à part entière, et non juste une sousbranche du monde vidéo-ludique. 20 ans
après, Bernard Jolivalt, fondateur et premier rédacteur en chef de Micro
Simulateur, nous fait part de ses souvenirs.
MS : Bernard Jolivalt, pouvez-vous
vous présenter un peu à nos
lecteurs ?
B.J. : Mon parcours est assez compliqué.
Il passe par le photoreportage après
quelques années de route assez
aventureuse en Afrique et en Asie. Au
milieu des années 1980, Je me suis
Revenons à Micro Sim. Nous étions
au début des années 90, les PC se
démocratisaient. Le jeu vidéo au sens
large prenait son essor. Or la
simulation – de vol, de courses, de
navigation… – occupait une
proportion des rayonnages bien plus
importante qu’aujourd’hui. Faisiezvous déjà partie des passionnés qui
se ruaient sur ces nouveautés ?
En fait, je n’avais pas à me ruer dessus.
Comme j’étais journaliste dans la presse
micro, ils arrivaient à la rédaction avec
d’autres types de jeux. Les meilleurs
simulateurs tournaient sur des PC, qui
étaient très chers.
Dans ce contexte, comment est née
l’idée d’un magazine consacré
entièrement à la simulation, alors
qu’il existait déjà une presse
spécialisée dans les jeux vidéo ?
J’avais travaillé dans presque tous les
« Nous avons été les rares journalistes
à visiter les simulateurs de combat
aérien des bases aériennes de Mont-deMarsan, d’Orange et d’ailleurs... »
Qui en furent les fondateurs, et pour
quelles raisons ? Comment avezvous convaincu une maison d’édition
(Carredas) de se lancer dans le défi
de Micro Simulateur ?
J’avais fais part de mon idée à Georges
Brize et à Jean-Claude Paulin qui furent
aussitôt enthousiasmés. En quelques
jours, nous avions élaboré le concept du
magazine. Jean-Claude a pris contact
avec deux de ses amis des éditions
Carredas qui publiaient des magazines
dans le domaine de la musique (Guitare
une campagne d’affichage, mais aussi
par des médias qui l’ont découvert et ont
parlé de lui. Il a été présenté par VSD, sur
Télé-Matin, M6, dans des quotidiens
nationaux, etc. Nous avons vu venir des
lecteurs de la presse «jeux vidéo»,
contents de trouver enfin les textes très
techniques qui s’imposent pour la
simulation. L’aspect «Aviation» a aussi
contribué à attirer un lectorat de
passionnés d’aviation et de pilotes. Il n’y
avait aucune concurrence, nous étions
les premiers et donc les seuls sur ce
créneau.
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graphique, il surclassait FS4. Secret
Weapons of the Luftwaffe et ses fabuleux
avions avait aussi marqué la simulation
en 1992. Il y eut aussi de belles réussites
dans la simulation automobile, mais je
dois reconnaître que ce n’est pas
tellement mon domaine.
Les premiers numéros comportaient
déjà des tests de logiciels et de
périphériques, des reportages et
même des cours d’initiation. Mais on
y trouvait aussi des articles sur des
domaines connexes : livres sur
l’aviation, modélisme… Est-ce à dire
que pour séduire le public, il fallait
aller au-delà du simple loisir
numérique, ou au contraire ces
différentes disciplines sont-elles
toujours liées ?
Nous savions dès la conception du
magazine que le passionné de simulation
voulait aller plus loin que son logiciel.
C’est pourquoi les tests étaient
accompagnés de monographies sur les
appareils qui étaient simulés. JeanClaude était une véritable encyclopédie à
lui tout seul. Il fallait aussi donner une
« […] nous avions travaillé en 1991 sur
un dossier d’actualité intitulé «Les
avions de la guerre du Golfe» qui nous
avait passionnés. L’idée d’un magazine
exclusivement consacré à la simulation
me vint à ce moment là. »
crédibilité au magazine. C’est ainsi que
nous avons fait des reportages sur la
simulation professionnelle. Nous avons
été les rares journalistes à visiter les
simulateurs de combat aérien
des bases aériennes de Montde-Marsan, d’Orange et
d’ailleurs... Et probablement les
seuls journalistes à voir les
simulateurs de sous-marins
d’attaque à Toulon. Nous avons
aussi visité les spectaculaires
salons professionnels comme
ITEC. Le public que nous visions
était - et est toujours - exigeant.
Satisfaire cette exigence était très
stimulant.
Toujours dans les premiers
numéros de Micro Simulateur, on
trouvait des tests de logiciels sur
l’aviation, l’automobile, mais aussi
des simulations au sens plus large :
gestion, stratégie voire simulations
sportives (tennis, golf, billard…).
Aujourd’hui, évoquer « simulation »
fait plutôt penser au pilotage
d’avions. De quand date ce
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glissement de sens ?
Lors des premiers numéros, nous avons
effectivement présenté des simulations
sportives, en plus de la simulation de vol
qui a toujours été le noyau dur, si l’on
peut dire. Nous voulions aborder la
simulation dans le sens le plus large,
mais nous avons vite compris que ce
n’était pas ce qu’attendaient nos
lecteurs. Ces tests ont rapidement
disparu. En revanche, nous n’avons
jamais abordé le jeu de rôle qui est un
domaine complètement à part.
C’est un lieu commun que de dire
qu’en vingt ans beaucoup de choses
ont changé… Mais si vous ne deviez
retenir qu’un ou, soyons généreux,
deux
ou
trois
logiciels
particulièrement marquants dans ce
domaine, lesquels citeriez-vous et
pour quelles raisons ?
Il y avait évidemment Flight Simulator 4
dont le graphisme était assez
rudimentaire. J’avais été impressionné
par Falcon 4. Ce n’était pas le premier
simulateur d’avion de combat, mais
c’était le plus réaliste. Sur le plan
La sortie de Flight, le nouveau
simulateur de vol de Microsoft,
annonce une rupture radicale avec
les habitudes prises par les simmers
jusqu’alors. Or ce petit monde a la
réputation de se montrer très
« conservateur » - non pas qu’il soit
opposé au progrès technique, bien
au contraire, mais il n’aime pas qu’on
change ses habitudes… Quel est
votre sentiment à ce sujet ?
Je ne crois pas que Flight soit une «
rupture d’habitude ». Je pense – mais
cela reste à vérifier – que Microsoft a
sans doute peu apprécié qu’une véritable
industrie prospère autour de Flight
Simulator, devenu une simple plateforme à laquelle s’ajoutent ensuite
quantité de décors, avions et autres
extensions développées par des auteurs
et des éditeurs indépendants sur
lesquels Microsoft n’avait aucun pouvoir.
C’est ce foisonnement apparu avec le
module Designer de FS4 en 1990 qui fit
le succès durable de Flight Simulator.
Microsoft a probablement décidé de
reprendre ce marché en main. Pour cela,
il lui fallait repartir sur des bases
nouvelles : une plate-forme, Flight,
donnée gratuitement avec un peu de
terrain et deux avions, le client étant
invité à acheter des scènes et des avions
supplémentaires vendus pour le moment
uniquement par l’éditeur. Je ne sais pas
si des grands noms comme Aerosoft,
Flight1 ou d’autres pourront proposer
des produits pour Flight. Si Microsoft
en fait un simulateur fermé, je doute
qu’il puisse évoluer beaucoup.
Il est illusoire d’imaginer ce que
sera la simulation dans 20 ans –
et à plus forte raison Micro Sim !
Mais si vous pouviez imaginer
ce que devrait être ce loisir à
l’avenir, quelle en serait l’idée
directrice ?
En 1992, jamais nous n’aurions
imaginé le réalisme des simulateurs de
loisir d’aujourd’hui. Le milieu des années
1990 avait vu apparaître les casques de
réalité virtuelle immersive avec des
écrans hélas étriqués et d’une résolution
exécrable, et fort chers. Le flop fut rapide
et définitif. C’est dommage, il y avait une
voie à explorer. Peut-être y reviendra-ton... Ou alors, on peut imaginer un
immense réseau avec des dizaines de
« J’avais été impressionné par Falcon 4.
Ce n’était pas le premier simulateur
d’avion de combat, mais c’était
le plus réaliste. »
milliers d’appareils
volant en même temps et
d’innombrables simulations annexes au
sol (automobiles, trains...) et sur les eaux
donnant vie à une planète virtuelle d’une
incroyable complexité, avec peut-être
des zones de conflits pour les amateurs
de simulation militaire. Une autre piste :
un étroit interfaçage entre la réalité et la
simulation. Le pilote virtuel rencontrerait
des avions véritablement en vol dans le
monde réel, et une météo elle aussi
existante. Quant à Micro Sim, s’il a tenu
vingt ans, il est bien parti pour vingt
autres années et plus.
Alors rendez-vous dans vingt ans !
Merci beaucoup pour toutes ces précisions. Signalons enfin à nos lecteurs
qu’ils peuvent vous retrouver sur votre
site www.bernardjolivalt.com .
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