Document - Fontaine O Livres
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Groupement d’employeurs : une solution alternative pour l’emploi dans la filière livre Rencontre du 30 janvier 2014 Avec Fontaine O Livres, Paris Mix Group’Emploi et le MOTif Comment le groupement d’employeurs peut-il répondre aux besoins des structures de la chaîne du livre ? Quels sont ses avantages par rapport à un travailleur indépendant ? Quel est le temps de présence du salarié dans l’entreprise ? Comment est-il recruté ? Quels sont les engagements de l’employeur ? Avec : Delphine Blondin, chef de projet, groupement Paris Mix Group’ Emploi Simon Boichot, webmarketer, salarié de Paris Mix Group’Emploi Amélie Salembier, gérante de Molpé Music, employeur de Paris Mix Group’Emploi Yann Chapin, responsable de l’association Fontaine O Livres Emma Perrier-Lopez, chargée de projet pour la filière livre, Fontaine O Livres Une réponse concrète à des besoins précis Aux origines du groupement d’employeurs, les besoins d’une filière apparemment bien éloignée du monde du livre : le secteur agricole. « La structure juridique du groupement d’employeurs a été créé en 1985, pour répondre aux besoins des agriculteurs en fonction des saisons et créer en même temps des emplois pérennes, indique Delphine Blondin. L’outil a ensuite investi d’autres secteurs, plus récemment les entreprises du domaine culturel. » Créé en 2009, Paris Mix Group’Emploi est le premier groupement d’employeurs francilien dans la filière des industries créatives. Principalement présent dans le secteur 1 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014) musical, il souhaite aujourd’hui s’étendre au secteur du livre, pour répondre aux contraintes et aux besoins de recrutement de ses acteurs. « Cela fait quelques années que nos adhérents nous font remonter des besoins d’emploi identifiés », rapporte Yann Chapin, dont l’association Fontaine O Livres regroupe des professionnels parisiens du livre (éditeurs, libraires, diffuseurs, graphistes, correcteurs…). « Ces besoins portent notamment sur des fonctions annexes, comme la communication en ligne, le développement web, les relations presse, la comptabilité, etc. Nous nous sommes donc tournés vers Paris Mix, qui a développé avec succès un groupement d’employeurs dans le secteur de la musique pour proposer au monde du livre la solution du groupement. » Paris Mix Group’Emploi emploie actuellement trois salariés à temps plein : un webmarketer, un webmaster et un administrateur/chargé de gestion de la paie. Ils partagent leur temps entre une douzaine d’entreprises du secteur musical. Prochaine étape : créer courant 2014 un premier emploi mutualisé dédié au secteur du livre. Dans le cadre d’un partenariat avec Paris Mix Group’Emploi, Fontaine O Livres jouera le rôle d’intermédiaire auprès des entreprises (éditeurs, libraires…) : « Nous accompagnerons les entreprises pour recueillir leur besoins en termes de missions et de compétences et ferons le lien avec Paris Mix Group’Emploi. Ensuite, nous reviendrons vers elles à partir du moment où la création du poste est envisageable », précise Yann Chapin. Mutualiser les besoins et les compétences Parmi les membres du groupement d’employeurs, Molpé Music est une société de production de spectacles et de disques et d’accompagnement d’artistes. Avec trois salariés permanents, la société reste une petite structure, mais a des besoins croissants auquel le groupement a permis de répondre : « Nous avons connu un développement assez important et nous avons constaté très vite des difficultés à cause d’un manque de compétences dans divers domaines, raconte Amélie Salembier, gérante de Molpé Music. Nous souhaitions notamment renforcer notre visibilité sur le web, mais je n’ai pas de formation en communication web ou en webmarketing. Idem pour l’administration, mes compétences étaient suffisantes pour gérer la société à sa naissance, mais à partir du moment où les choses se sont accélérées, je me suis retrouvée débordée. » Sa société tente alors de trouver des solutions, notamment en passant par le dispositif du contrat aidé : « Mais cela s’est vite avéré insuffisant, car cela ne nous permettait pas d’embaucher une personne à haut niveau de compétences. Et on n’avait ni le temps ni les moyens de former quelqu’un. C’est à ce moment qu’on a entendu parler du groupement d’employeurs. On a commencé à travailler par ce biais avec notre webmarketer, Simon. Puis on a constaté d’autres besoins, en administration et en gestion. Et on s’est rendus compte qu’autour de nous, plusieurs employeurs avaient les mêmes besoins, ce qui nous a permis de passer à nouveau par la solution du temps partagé que permet le groupement. » Depuis janvier 2014, Molpé Music accueille deux journées par mois une personne chargée de la gestion de la paie et de l’administration. Ce salarié présente l’avantage d’être spécialiste des problématiques du secteur musical où les intermittents du spectacle sont nombreux. « Ce que nous permet le groupement d’employeurs, c’est la mise en commun de compétences professionnelles et pointues au service de l’entreprise. Il rend possible 2 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014) l’embauche de personnes compétentes, directement opérationnelles, qu’on ne pourrait pas embaucher seuls », témoigne Amélie Salembier. Un salarié, huit entreprises différentes Simon Boichot, webmarketer, intervient également deux journées par mois au sein de Molpé Music : « J’anime les différents réseaux sociaux de l’entreprise, je réalise des déclinaisons graphiques pour Internet, des bannières, des images pour Facebook, des habillages pour les sites… Je travaille également sur Youtube, sur les vidéos et leur monétisation. Bref, je suis un peu un ‘’couteau-suisse du web’’ », raconte-t-il. En tout, il travaille à temps plein pour huit entreprises différentes : « Six d’entre elles représentent une activité stable, je les vois régulièrement. Et il y a des structures que je ne vois qu’une fois toutes les deux semaines, ou bien une fois par mois. » Comment se répartit son temps de travail ? Simon Boichot le reconnaît, le travail pour ses différents employeurs demande adaptation et organisation : « Sur le papier, je dois réaliser un nombre défini de journées par semaine mais dans la réalité, la frontière est beaucoup plus poreuse. Par exemple, si je lance une campagne mail le lundi et que j’ai des réponses dans la semaine, je ne peux pas ne pas répondre sous prétexte que ma journée de travail au sein de l’entreprise est passée. J’ai la chance d’avoir des employeurs qui comprennent que j’ai besoin de souplesse, ensuite c’est à moi de m’organiser pour ne léser personne. » Partager le temps de l’employé Aucun salarié du groupement n’est employé à temps partiel : « Le groupement embauche un salarié à temps plein, en CDI. Il relève de la responsabilité de la structure de trouver un nombre suffisant d’employeurs pour lui garantir son salaire à la fin du mois. Les mois où les plannings sont moins remplis, l’association Paris Mix joue ainsi le rôle de tampon et prend en charge le salarié les jours où il n’est pas employé à l’extérieur », explique Delphine Blondin. « Je peux aussi profiter de ces journées pour me mettre à jour sur les différents projets de mes employeurs », ajoute Simon Boichot. L’entreprise s’engage sur un temps de présence minimum du salarié d’une journée par mois. Un planning mensuel de travail est déterminé. « L’objectif est d’annualiser le volume d’activité puis d’essayer d’avoir le plus de flexibilité possible car les activités sont parfois saisonnières », explique Delphine Blondin, qui souligne l’importance d’établir ces plannings à l’avance : « Si on sait en amont qu’on aura davantage de besoins en mars qu’en juillet, ou qu’on anticipe par exemple la rentrée littéraire, cela va permettre au groupement d’employeurs de trouver à l’avance une entreprise qui aura une activité pendante. » Dans le secteur musical, les pics d’activité se situent principalement autour de Noël et début janvier. « J’ai alors un calendrier chargé, et une charge de travail qui augmente significativement en fonction des besoins. Mais rien qui ne m’empêche de m’organiser », témoigne Simon Boichot. Pour Amélie Salembier, la saisonnalité d’une activité n’est pas un obstacle au recours au groupement d’employeurs : « J’emploie Simon deux jours par mois, afin d’avoir un travail sur le long terme. Par contre, au moment de la sortie d’un disque, je vais recourir à une attachée de presse spécialisée qui va travailler intensément sur cette mission. Ce sont pour moi deux choses différentes : je ne fais pas travailler Simon sur les projets ponctuels, mais sur la visibilité de la société de manière pérenne. » 3 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014) Un salarié « davantage impliqué dans le projet de la maison » « Avant de recourir au groupement d’employeurs, on a comparé les différentes solutions, poursuit Amélie Salembier : le recours à un intermittent, à un auto-entrepreneur, aux contrats aidés… Financièrement, par rapport à des travailleurs indépendants, il se révèle plus intéressant de faire appel au groupement d’employeurs. Si l’on voulait embaucher un indépendant dans les conditions financières que permet le groupement, cela nous reviendrait à recourir à un intermittent payé 100 euros net la journée, ce que personne n’accepterait dans le secteur… » L’argument financier n’est pas le seul : « Le salarié sera aussi davantage impliqué dans le projet de la maison », souligne Emma Perrier-Lopez. Amélie Salembier évoque le lien de « subordination » introduit par le contrat : « Le salarié du groupement d’employeurs est employé par l’entreprise une journée par mois, on peut lui demander des choses qu’on ne demanderait à un freelance, des petites choses qui ne rentrent pas précisément dans les missions. » « En tant qu’employé au sein des structures, on nous demandera toujours de faire plus que des freelance. Ces derniers, quelles que soient leurs compétences ou leur application, resteront extérieurs aux problématiques de l’entreprise », confirme Simon Boichot. « Les freelance peuvent aussi parfois jouer sur un certain manque d’information du client, qui ne sait pas forcément quoi lui demander précisément, pour en tirer profit ou passer sous silence certains aspects. Moi, j’essaye d’accompagner, d’expliquer à mes employeurs ce que je fais et pourquoi je le fais. Je travaille avec des petites structures, qui ne sont pas forcément formées sur la promotion numérique, et j’essaye de former les employeurs pour pouvoir aller plus loin dans les missions qui me sont confiées. » Pour Amélie Salembier, le partage d’un salarié entre plusieurs employeurs permet également sa montée en compétences : « Par exemple, en matière de communication dans le monde de la musique, ce sont les mêmes réseaux, la même façon de travailler. D’une certaine manière, on peut donc mutualiser et partager le travail que réalise le salarié chez les autres employeurs. Je travaille avec des attachées de presse freelance, et même si elles sont spécialisées dans la musique, les rapports sont différents : il sera évidemment beaucoup plus difficile d’être dans la mutualisation, de leur demander ce qu’elles font pour les autres. » « Pour l’employé, travailler au sein d’un groupement est aussi un bon tremplin, cela fait une belle ligne sur le CV et permet de rencontrer beaucoup de gens différents », complète Simon Boichot. Des coûts d’emploi maîtrisés pour l’entreprise La rémunération du salarié est fixée en commun lors de la définition du profil. « Je réalise des simulations que je soumets aux membres du groupement d’employeurs. Par exemple, la première simulation de salaire pour le profil de gestionnaire de paie aboutissait à un salaire de 1 880 euros bruts par mois, ce qui semblait délicat au vu du profil demandé. Ce qui intéresse les employeurs, c’est la rémunération à la journée, donc je leur ai fait de nouvelles propositions, j’ai refait les simulations et on a pu aboutir à 2 220 euros mensuels. Ce qui nous a permis de trouvé de beaux profils », indique Delphine Blondin. « La prestation du salarié est facturée mensuellement, en fonction des journées de travail du salarié. Par exemple, 188 euros HT la journée pour Simon Boichot », ajoute-t-elle. 4 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014) Un coefficient d’1,85 est appliqué au salaire horaire brut de l’employé. « Ce montant comprend le paiement des charges patronales et sociales, les congés payés et la médecine du travail et les frais de structure du groupement. Les frais de fonctionnement représentent 20 %. » Lors de leur adhésion au groupement, les entreprises versent également une garantie de paiement représentant environ 20 % de la mise à disposition annuelle du salarié. « Cette somme versée n’est pas utilisée et doit servir à continuer à payer l’employé dans le cas où un ou plusieurs employeurs quitteraient le groupement en cours d’année. Mais nous n’avons jamais eu ce souci jusqu’à maintenant, et beaucoup de recours sont possibles avant son utilisation. La garantie est restituée à l’entreprise lors de la sortie du groupement d’employeurs, un peu comme une garantie lors d’une location immobilière. » « Il s’agit simplement d’un matelas en cas de dysfonctionnement », ajoute Yann Chapin. « Un contrat tripartite est ensuite signé entre l’employé, l’employeur et le groupement d’employeurs. Le groupement est l’employeur nominatif, mais moralement et hiérarchiquement, c’est bien l’entreprise qui emploie le salarié. Celui-ci, dès la signature de son contrat, fait alors partie de l’équipe, devient force de proposition pour l’entreprise. Son but, comme celui de l’entreprise, est alors de développer la société », précise Delphine Blondin. L’engagement est signé pour un an renouvelable, avec un préavis de trois mois pour sortir du groupement. Des profils de poste spécifiques aux besoins Les missions de l’employé sont définies en amont par chaque employeur. Pour Delphine Blondin, « il faut saisir au mieux les besoins des entreprises pour créer un profil de poste spécifique. L’emploi créé doit répondre à ces besoins, il est d’ailleurs le plus souvent transversal. C’est là toute l’expertise du groupement d’employeurs : créer des emplois spécifiques et apporter un accompagnement RH que n’ont pas forcément les structures. » Comment se déroule le recrutement ? « Une fois le profil de poste créé, je reçois les CV et je réalise une première sélection que je soumets aux employeurs. Le temps de recrutement peut durer entre trois semaines et un mois. Puis on mène des entretiens. Par exemple, pour la récente embauche d’un gestionnaire de paie, les huit employeurs concernés étaient présents, et se sont mis d’accord sur le choix final », raconte Delphine Blondin. « Au début, témoigne Amélie Salembier, il est certain qu’entre tous les employeurs qui discutaient, nous avions des idées différentes. Mais au bout de deux ou trois réunions, on se rend compte qu’on arrive à mettre en commun les objectifs et à identifier les missions ». « Recueillir précisément les différents besoins des entreprises va nous permettre de définir un profil de poste le plus adapté possible. Par exemple, si des maisons d’édition recherchent un chef de produit numérique, nous activerons un réseau important, que nous combinerons aux sources traditionnelles de recrutement », ajoute Emma Perrier-Lopez. « On mobilise nos réseaux pour essayer, en quelque sorte, de recruter le mouton à cinq pattes. C’est ce que nous doit nous permettre le partenariat avec Fontaine O Livres pour la filière livre », commente Delphine Blondin ». Mais « l’emploi via le groupement d’employeurs n’est pas la panacée pour toutes les fonctions, prévient Yann Chapin. Il porte le plus souvent sur les fonctions annexes, et pas sur le cœur de métier. » À une compagnie de théâtre qui avait contacté Paris Mix Group’Emploi pour trouver un profil d’administrateur permanent, Delphine Blondin a ainsi conseillé de ne 5 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014) pas recourir au groupement d’employeurs : « Je les ai mis en contact direct avec une personne susceptible de leur convenir, car passer par le groupement revenait plus cher dans leur cas. Le groupement d’employeurs est un outil efficace, mais il n’a pas forcément réponse à tout. » 6 Rencontre avec Paris Mix (Le MOTif, février 2014)