Menus propos d`accompagnement prononcés à l`occasion du départ
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Menus propos d`accompagnement prononcés à l`occasion du départ
Menus propos d’accompagnement prononcés à l’occasion du départ à la retraite de Mme Françoise Domalin Cette semaine, on a pu voir, au théâtre municipal et au lycée, un beau travail de l’atelier-théâtre dont tu es l’une des trois têtes pensantes . « Etranges Etrangers » : de quoi faire naître des interrogations dans les têtes juvéniles ; de quoi faire éclore le goût de la littérature jusque dans les corps. Qui prétendrait savoir où tout a commencé ? Tout ? L’envie de transmettre la littérature, De délier un esprit, de voir un œil briller Ou de faire battre un cœur né loin de la culture. Où « ça » a commencé ? A l’école, peut-être. Françoise avait huit ans- Elle vit Jean Valjean, Ou du moins le crut voir, apporter à Cosette La poupée : souvenez-vous : « Ce fut un moment bizarre que celui où les haillons de Cosette rencontrèrent et étreignirent les rubans et les fraîches mousselines roses de la poupée. » Convenez que c’est là , pour l’esprit, une fête. L’école fut donc libératrice qui lui donna Le livre, la scène et la voix des poètes Qu’aussitôt, goulûment, elle s’appropria. De sorte qu’en seconde, à l’Ecole Normale, Elle avait déjà beaucoup lu et put s’intéresser Aux liaisons dangereuses et au célèbre bal De l’enseignement qu’elle préparait assidûment. La ligne Orléans-Tour rythma ensuite ses déplacements Hypokhâgne-khâgne et CPR, elle les fit à Orléans ; A Tour, licence, CAPES et…petit enfant Qui passa brillamment l’oral dans le ventre de sa maman. Premier poste : Nogent-le-Rotrou où coulèrent L’Huisne et les flots d’élèves quatorze ans durant. « Transmettre la littérature ! Enfin ! » Quelle affaire ! 1 Animer le club théâtre fut pour elle un jeu d’enfant. Mieux, elle créa une association (joliment nommée « Expression ») Où élèves et adultes œuvraient à l’unisson Elle créa aussi, à l’occasion, la pétillante Radio-Bouchon Et la nuit de la chanson. A Montesquieu, pendant ce temps, nous t’attendions. Hélas, il nous faudra patienter quinze années Qu’elle passa au Plateau, redoublant d’invention Pour semer des espoirs en têtes perturbées. Elle décida alors d’ensemencer aussi Son jardin personnel : solfège et chant Pour entrer à Résonnance…ce qu’elle fit Préparation de l’agrégation ….réussie. Français-langue-étrangère , pourquoi non ? Et comme « rien de ce qui est humain ne lui est étranger », Des Rwandais croisant son chemin, Elle s’inscrit à la Ligue des Droits de l’Homme N’est-ce pas à l’intelligence d’achever l’œuvre de l’intuition ? Vous l’aurez compris, Françoise vit « à la va comm’ j’te pense ». °°°°° Enfin, à Montesquieu, tu vins : au centre ville ! Un bel endroit, des élèves gentils, Des boutiques pas loin ; tu fis pourtant la difficile : « Quoi, chacun devant sa classe sans connivence aucune ! » D’un courriel écrit de main de maître, à nous tous Tu fis connaître tes états d’âme Et chacun d’applaudir l’aisance de la plume Et le grand caractère qui nous arrivait là. Hélas, six ans c’est court et l’on va regretter Ton dynamisme généreux. Aujourd’hui que tu pars filer des jours heureux Nos pauvres cœurs sont pleins d’amour inexprimé. °°°°° Sûrs qu’ils seront heureux, les jours de ta retraite. Les élèves passent, les auteurs restent. 2 « Retraite » convient mal à qui ne cesse qu’une seule De ses multiples activités : Résonnance t’attend pour chanter La Ligue pour présider Tes moutons pour les cajoler Tes chats pour te tyranniser. C’est pas l’tout : ya l’potager à bêcher, les confitures à tourner, le verger à faucher, Cultiver les carottes autant que l’amitié. Tu as dis que tu reprendrais la plume ; sais-tu que c’est long à tailler ? S’il te reste du temps, tu pourras voyager…, pour le moins, avec pétards et tr Bref, ta retraite, je la vois « aux flambeaux », pour le moins, avec tambours et trompettes, lumières et flonflons, tes deux filles en musique et à l’accordéon. Dans la foule, il y aura peut-être un grand gars un peu gris, un brin rustique qui s’écrira en te voyant : « Hé les gars, v’là ma prof de Français, c’est elle qui m’a fait connaître Michaux ! ». Et, de plaisir, tu rougiras. Eliane Buglio 3 Paroles de Mme Françoise Domalin. Ma carrière s’est déroulée comme sur une voie express depuis septembre 1965 , date à laquelle j’ai signé un contrat m’engageant avec l’Education nationale pour entrer à l’école normale primaire, puis d’autres contrats quand j’ai passé les Ipes , le Capes et l’Agrégation.. Depuis j’ai exercé sans discontinuer dans 3 postes différents seulement : le lycée Rémi Belleau de Nogent le Rotrou, le Collège du Plateau au Mans et enfin le lycée Montesquieu où je n’ai enseigné que 6 ans. Rien de pittoresque ou d’épique donc . Je voulais à 6 ans être maîtresse d’école et c’est ce que j’ai été jusqu’à ce jour. Pour moi l’école a été libératrice : je suis la première femme de ma famille a avoir passé le bac et l’imagination de mes parents n’allaient pas au-delà. Mon métier m’a permis de m’adonner partiellement à ce qui valait à mes yeux d’adolescente la peine de vivre : la littérature, l’écriture, le théâtre . Ils m’avaient été révélés par mes institutrices et professeurs du cours complémentaire parisien que j’ai fréquenté avant d’aller au lycée Paul Bert puis d’opter pour l’école normale. Ce sont mes maîtresses et professeurs qui m’ont fait aimer la poésie et le roman, m’ont emmenée au TNP et au théâtre Sarah Bernardt, m’ont initiée à la musique classique et au chant choral. Quand je me suis trouvée en situation de reprendre le flambeau, j’ai toujours accordé la plus grande importance à cette notion d’éveil à la culture . C’est pourquoi j’ai fait lire des œuvres entières et lire des poèmes de toutes sortes, emmené les élèves au théâtre, au cinéma, au concert, aux musées . J’ai toujours cru que quand on était convaincu soi-même 4 de l’importance vitale de ce que l’on enseignait, la pédagogie .était secondaire . J’ai néanmoins souffert comme toute une génération de profs de lettres tant dans mes études que dans mon enseignement, du diktat d’un formalisme jargonnant qui préfère étudier la technique des textes que de nourrir les élèves de la substantifique moelle de leur contenu. Pauvre Rabelais qui prenait le chien animal philosophique selon lui comme exemple. Nous sommes restés bien longtemps rivés à l’étude de la structure sans nous intéresser à la moelle, la pulpe, la chair, la vie. J’ai survécu en pestant parfois et réussi quelques fois aussi à transmettre ce en quoi je croyais. Ma carrière s’est ouvert en 1973 sous le patronage du gentil Rémi Belleau, poète de la Pléiade sensuel et gracieux, Joli nom pour un charmant lycée sis au bord de l’Huisne et que j’ai aimé entre tous dans son Perche verdoyant . C’était mon premier poste et ma jeunesse et j’avais un bel enthousiasme . Théâtre, radio, écriture, chanson ont été les axes de cette période dont je garde un excellent souvenir. Je glisserai rapidement sur un séjour trop long à mon goût dans un collège un peu difficile où j’ai découvert un autre métier et d’autres plaisirs . J’ai aimé aussi faire lire et écrire des enfants , mettre en scène des textes . Mais cela manquait un peu de vraie littérature . Pour tenir le coup, j’ai fait de la musique et préparé l’agrégation , étudié et enseigné le Fle que j’ai trouvé passionnant. Je termine mon parcours chez monsieur de Montesquieu pour qui j’ai une prédilection toute spéciale : homme de bonne compagnie comme Montaigne, il a abordé dans son œuvre beaucoup des thèmes qui me tiennent à coeur : la situation des femmes, le pouvoir, l’esclavage, la nécessaire séparation des pouvoirs politiques. 5 En une période que je trouve inquiétante, je crois qu’il est bon de relire ce grand bonhomme et c’est pourquoi je suis très heureuse de terminer ma carrière sous sa protection, dans ce bel établissement , dans ce beau quartier ancien . Voir la cathédrale des salles de cours certains soirs est un grand privilège . Pensez à la laideur de certains collèges ! Je suis contente de m’arrêter : longtemps je me suis levée de bonne heure pour corriger des copies et je n’en ai plus envie. Je ne me sens plus autant de pouvoir de conviction pour amener des promotions d’élèves vers ce qui me semble fondamental. Les élèves ont changé : ils sont tellement occupés par le sport, les jeux, leurs portables, leurs musiques, les nouvelles technologies, la peur du lendemain, qu’on ose à peine exiger qu’ils lisent, qu’ils se prennent la tête à argumenter…Je me sens parfois dinosaure. J’aspire à d’autres occupations. Enseigner peutêtre encore mais pas à des publics captifs , mais surtout prendre le temps de faire ce qui me passionne sans regarder la montre, profiter un peu de mes amis et famille, accueillir la petite fille qui va naître en septembre chez ma 2è fille et surtout continuer de m’occuper d’une association qui a fort à faire en ce moment et qui s’appelle la Ligue des Droits de l’Homme . Cultiver mon jardin et un peu plus en quelque sorte.. Je quitte les élèves et des collègues que je ne connais pas tous,mais j’emporte avec moi tous les auteurs qui ont été mes chéris et m’ont accompagnée sur cette route : Montaigne, Molière, Marivaux, Diderot, Hugo, Voltaire,Balzac, Stendhal, Zola, Baudelaire, Aragon, Eluard, Prévert,Michaux. J’en oublie, qu’ils me pardonnent, j’aurai le temps de les fréquenter encore si Dieu me prête vie et une bonne vue. Je vous remercie et vous souhaite bon courage. 6 7