Un dialogue de sourds autour d`un projet inanimé : et après

Transcription

Un dialogue de sourds autour d`un projet inanimé : et après
Rédacteur de la contribution : Daniel Mouranche
NOM DE L’ORGANISATION (le cas échéant) : AUT Fnaut Ile de France
Statut de l’organisation / Objet de l’organisation (le cas échéant) : améliorer en Ile-de-
France les conditions de déplacement des usagers des transports, des piétons et
des cyclistes ainsi que la qualité de vie des riverains, en donnant la priorité aux
modes de déplacement les moins dévoreurs d’espace et d’énergie, et les moins
polluants
Contact (Nom / Mail / Téléphone) : [email protected]
Association des Usagers des Transports
FNAUT Ile-de-France
Paris le 9 décembre 2011
Contribution à la concertation sur le barreau de Gonesse, nouvelle branche du RER D
Un dialogue de sourds autour d'un projet inanimé :
et après ?
La concertation sur le barreau de Gonesse a bénéficié de modalités satisfaisantes : 50
jours, 5 réunions publiques, des rencontres d'usagers du RER D et avec les habitants, et
surtout d'un tiers garant désigné par la CNDP.
A la veille du dernier jour, force est de constater que les positions sont restées les mêmes
et que les porteurs du projet ne l'ont guère rendu plus attractif.
En gros, il y a d'un côté des élus cumulant mandat local et national qui veulent tenir un
engagement ancien « acté », notamment dans le SDRIF de 2008, sensé lutter contre
1
l'enclavement et le chômage, de l'autre des défenseurs de la qualité de vie et de
l'environnement que le rassemblement en collectif a rendu particulièrement déterminés
dans leur opposition à l'un des trois objectifs affichés : anticiper l'urbanisation de terres
agricoles.
Entre les deux, il y a les quatre porteurs du projet, RFF, STIF, Région et Etat, qui déroulent
une procédure attachée à un projet en voie de verrouillage, insensible au contexte.
Or, les raisons de mettre en cause les choix présentés sont nombreuses, que l'on soit du
bord des élus ou du collectif. L'AUT les regroupe ici en deux catégories selon qu'elles visent
les réponses techniques du maître d'ouvrage RFF, ou l'évolution du contexte.
I Les caractéristiques du projet définies par RFF ne sont pas
convaincantes
Un tracé trop long pour un barreau pourtant sans desserte du territoire actuel :
pourquoi faire 11,5 km quand il n'y a que 7,5 km à franchir et que le seul arrêt est une
gare en plein champs ? Hors extrémités, les six ouvrages d'art et les 4 coudes sont-ils
vraiment tous nécessaires ? Sur le cycle de vie d'une infrasructure ferroviaire, le km
supplémentaire coûte cher : le coût des détours doit pouvoir être apprécié au regard des
autres contraintes qui peuvent en être la cause.
Une insertion dans le réseau ferré à courte vue : le barreau proposé est un segment de
rocade. Dans l'intérêt du développement du réseau francilien, ne faut-il pas prévoir son
raccordement dans les deux sens aux radiales entre lesquelles il s'insère ? Notamment,
ne faut-il pas étudier sereinement tous les scénarios d'un « raccordement Nord », quelque
soit l'appréciation actuelle de l'opportunité de l'appliquer au RER D (c'est à dire d'offrir à
des rames RER D venant du Nord , par exemple de Goussainville, d'emprunter le barreau
?) La réponse rapide apportée par RFF dans le débat (trop cher et trop risqué pour
l'exploitation du RER D), manque manifestement de vue prospective.
Deuxième interrogation : le barreau ne doit-il pas ménager des extensions à ses deux
extrémités, à l'Ouest vers les lignes H, et à l'Est vers l'autre branche du RER B, ne serait ce
que pour pouvoir décharger un jour le trafic fret de la grande ceinture lorsqu'elle devra
faire une place à la tangentielle Nord ?
Les rabattements ignorés : qu'il s'agisse d'irriguer les zones d'emploi de la zone
aéroportuaire de Roissy CDG ou les quartiers défavorisés des communes du Val de
France, le barreau n'est pas la solution. Il ne fait qu'un lien entre un seul de ces quartiers,
celui de la gare de Villiers-Gonesse-Arnouville (VGA), et un pôle voisin de Roissy CDG, au
demeurant déjà tous deux bien desservis dans d'autres directions. Le dossier aurait du
comporter des études d'intermodalité en vue de répondre au premier objectif affiché :
2
améliorer l'accès aux pôles d'emploi pour les populations de l'Est du Val d'Oise. Il est
particulièrement regrettable que le dossier ne comporte pas une évaluation de Roissy Val,
ni une étude de son raccordement au parc des Expositions. Le choix même de ce terminus
ne doit-il pas être considéré comme un pis-aller, et pouvoir être remis en cause, au titre de
ce premier objectif ? Quant à la qualité du rabattement des autres quartiers valdoisiens
sur VGA, il n'est même pas sûr que son évaluation fasse partie des études des transports
existants tardivement lancée par le STIF pour une échéance mi 2012.
Les travaux de fiabilisation du RER B et D non corrélés au projet : alors que tous
s'accordent sur l'absolue priorité des travaux de renforcement des infrastructures des
RER en vue de leur faire retouver une régularité convenable, le dossier ne livre pas la liste
de ceux qui sont particulièrement nécessaires lorsque sera ajoutée au RER D cette
nouvelle branche et que cette branche sera injectée sur l'emprise du RER B un peu avant le
Parc des expositions. L'AUT fait sienne en particulier la demande de SADUR d'un jeu
d'aiguilles au Nord de VGA permettant le retournement de n'importe quel train en cette
future gare de fourche. Elle demande en plus que cette liste prenne en compte non
seulement le raccordement Sud du barreau à VGA et Nord au Parc des expositions, mais
également à titre optionnel les autres raccordements et extensions évoqués plus haut
dans l'intérêt du réseau.
II L'évolution du contexte a enlevé de la pertinence au projet
L'un de ses trois objectifs n'apparaît plus aussi moteur : accompagner la création d'un
futur pôle urbain et d'activités sur le triangle de Gonesse.
Sous l'effet de la crise et du consensus sur la densification de la ville, il n'est pas impossible
que la révision du SDRIF revienne en arrière sur cette option d'aménagement et laisse les
terres agricoles à leur vocation. On relève d'ailleurs un premier signe d'essoufflement du
projet : du noble espoir d'attirer des entreprises à haute valeur ajoutée, les élus sont
passés à la négociation avec Auchan de l'implantation d'un centre commercial, il est vrai
« le premier d'Europe» et accompagné d'espaces ludiques exceptionnels. L'incertitude est
d'autant plus dérangeante pour le projet que cet objectif est à l'origine du choix de la seule
gare intermédiaire du barreau, au détriment de la desserte des populations actuelles de
Gonesse, et explique deux des quatre coudes du tracé.
3
La profusion de projets sur le triangle de Gonesse appelle un examen d'ensemble,
inexplicablement différé à ce jour, mais avec un préalable.
Quand tant de secteurs de l'Ile de France attendent des investissements de transport, le
triangle de Gonesse est l'objet de trois projets lancés : au présent barreau ferré s'ajoute le
BHNS objet d'une concertaion il y a 4 mois, et à ces deux projets du STIF s'ajoute la
branche Le Bourget RER - Roissy du réseau Grand Paris Express (GPE) de la SGP, mis sur
orbite par un décret du 26 août dernier. Il y a d'autant moins besoin d'insister sur l'a
nécessité d'une vision d'ensemble et d'une hiérarchisation que ces trois projets ont été
empilés sans jamais réaliser une évaluation du dispositif de desserte existant.
Or, il est loin de l'inconsistance, puisque deux lignes de bus relient VGA à Roissy RER B
d'une part (TransVO 22), au parc d'exposition d'autre part (TransVO 23), et qu' un
transport à la demande, adapté aux horaires décalés, est offert (FILEO). Le fait, rapporté
par la première contribution du collectif pour le triangle de Gonesses, que ce dispositif est
peu utilisé entre habitat de l'Est valdoisien et emplois de Roissy-Villepinte, et que la
fréquentation du bus 23 de 6000 voyageurs par jour est concentrée sur des usages plus
locaux, interpelle. En effet de deux choses l'une : soit l'objectif n° 1 assigné au barreau et
au BHNS, lutter contre le désenclavement et le chômage des communes de l'Est
valdoisien, est irréaliste faute d'adéquation entre offre et demande, soit il peut être atteint
de façon incomparablement plus économique et plus rapide en augmentant
significativement fréquence, amplitude, nombre de parcours complets (un sur quatre
actuellement entre VGA et parc des expositions aux heures de pointe pour le bus 23 !) et
notoriété du dispositif existant.
D'évidence, il importe de faire précéder l'examen d'ensemble des projets d'une étude
approfondie de l'existant. Comme indiqué plus haut, le STIF en a enfin passé commande
pour une livraison en juin 2012. Il faudrait toutefois vérifier son cahier des charges. Il ne
peut s'agir en aucun cas, à ce stade de désordre, d'une réflexion sur des restructurations,
c'est à dire des suppressions de supposés doublons, que le STIF a l'habitude d'associer très
tôt à la conduite de ses projets. A l'inverse, il est éminément souhaitable d'y adjoindre une
expérimentation qui peut commencer immédiatement : renforcer le service des bus 22 et
23, notamment le nombre de parcours complets aux heures de pointe, et observer
l'appréciation des usagers effectifs et potentiels.
A noter que ce délai laisse le temps à une éventuelle révision du SDRIF sur le triangle de
Gonesse.
Une autre idée apte à séduire, le TCSP Bezons-Villepinte, est remise à l'ordre du jour.
4
La ligne est inscrite dans le SDRIF de 2008, mais dans la troisième corbeille (phase 3). Or,
elle a été aussi retenue dans l'acte motivé du 26 août 2011 de la SGP parmi les réseaux
complémentaires de GPE, qui la fait passer elle aussi à la gare nouvelle du triangle de
Gonesse et au parc des expositions, mais beaucoup plus au Sud que la gare de VGA. Du
fait de cette initiative, le STIF a répondu en réunion publique que c'est à la SGP de
poursuivre les réflexions préalables à sa transformation en projet.
S'il est vrai qu'il n'est pas souhaitable d'ajouter un quatrième projet sur le triangle de
Gonesse avant d'avoir une vision plus ordonnée des trois autres, il n'en reste pas moins
nécessaire de faire avancer l'étude de la faisabilité de cette ligne de deuxième niveau au
long cours. La ligne est comparable au T1, mais décalée de 3 à 5 km, ce qui la place dans
la première frange de la grande couronne,.
Il est en tout cas urgent d'apporter aux acteurs un éclairage pour dissiper l'ombre qu'un
grand projet routier contesté, le BIP, a porté sur le projet de TCSP. Son esquisse épouse
en effet le tracé de la route en pointillé de sorte qu'il est automatiquement associé au BIP
dans l'esprit tant des promoteurs de celui-ci que de ses détracteurs. Il importe de montrer
rapidement qu'un TCSP peut s'intégrer aussi bien dans le tronçon du BIP déjà réalisé à l'Est
que dans les rues les moins étroites de Montmorency sommairement réaménagées.
Le retard et le délai de la solution « barreau ferré » ne répondent plus à l'urgence.
Si rien ne presse pour desservir les pleins champs du triangle de Gonesse, l'ouverture des
valdoisiens sur les emplois de l'Est et la sécurisation de l'accès au parc des expositions et à
Roissy CDG est un exigence très actuelle. Or, selon RFF, la meilleure hypothèse aujourd'hui
de mise en service de ce barreau pourtant imaginé dès 1998 est 2020. Il y a donc autre
chose à faire : c'est ainsi qu'est né le projet BHNS. Il a été porté par un financemnt
exceptionnel, celui du plan Espoir Banlieue, comme d'ailleurs l'accélération des études du
barreau qui a permis l'élaboration du dossier mis en concertation (financement qui
apparaît encore moins irréprochable). Mais le plan Espoir Banlieue n'appelle-t-il pas une
solution encore plus vite mise en oeuvre que le BHNS, c'est à dire le renforcement du
dispositif actuel de bus et de transport et à la demande ? L'AUT est favorable non
seulement au renforcement immédiat des TransVO 22 et 23, mais aussi à la création
d'une nouvelle ligne Noctilien entre Roissy, les communes de l'Est valdoisien et le Nord
Ouest de Paris sans attendre le développement de ce réseau envisagé dans les prochaines
années par le STIF.
5
Conclusion
La poursuite des études du barreau de Gonesse apparaît à ce jour inapropriée et source
de dépenses inutiles tant que :
− le dispositif de transport existant n'a pas été soigneusement évalué au regard des
objectifs,
− la révision du SDRIF n'a pas confirmé l'étalement urbain prévu sur le triangle de
Gonesse,
− une vision d'ensemble avec les autres projets BHNS et GPE n'est pas dégagée, sans
perdre de vue les opérations proches décidées, comme le barreau Roissy Picardie et la
tangentielle Nord, ou en gestation comme la rocade TGV Nord,
− l'idée d'un TCSP de Bezons à Villepinte n'est pas mieux éclairée,
− la pertinence des options techniques retenues par RFF n'est pas prouvée,
− les compléments indispensables du barreau ne sont pas identifiés, tant pour les
rabattemnts aux gares que pour la récupération d'une régularité convenable des deux
RER reliés parle barreau.
Si le principe d'un barreau fer n'est pas forcément à remettre en cause, on attend d'abord
des trois autorités responsables, l'Etat, la Région et le STIF, à la fois une remise en ordre
des études de transport dans le secteur et un renforcement immédiat du réseau existant,
dusse-il être provisoire.
Daniel Mouranche
membre du bureau
6
7