les annonces de division/multiplication de nominal en france

Transcription

les annonces de division/multiplication de nominal en france
LES ANNONCES DE
DIVISION/MULTIPLICATION DE
NOMINAL EN FRANCE :
TIMING, VISIBILITE, MOTIVATION
DES DIRIGEANTS ET INTERET DES
INVESTISSEURS
Bruno PECCHIOLI
Docteur en Sciences de Gestion
CEREFIGE, ISAM-IAE, Nancy2
Université Nancy 2
CEREFIGE
Cahier de Recherche n°2011‐11
CEREFIGE
Université Nancy 2
13 rue Maréchal Ney
54000 Nancy
France
Téléphone : 03 54 50 35 80
Fax : 03 54 50 35 81
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n° ISSN 1960-2782
1 LES ANNONCES DE DIVISION/MULTIPLICATION
DE NOMINAL EN FRANCE :
TIMING, VISIBILITE, MOTIVATION DES
DIRIGEANTS ET INTERET DES INVESTISSEURS1
Résumé:
Les annonces de modification de nominal sont relativement courantes de nos jours en France.
Souvent définies comme des opérations « cosmétiques » sur le marché boursier, sans impact
réel sur la richesse des actionnaires, celles-ci paraissent pourtant appréciées des investisseurs.
L’analyse d’une centaine d’annonces de division/multiplication en 5 ans, de début 2003 à fin
2007, permet alors de mieux cerner les tenants et aboutissants de ces opérations financières.
L’objet de ce papier est donc d’apprécier leur visibilité dans la presse spécialisée notamment,
observer la motivation affichée des dirigeants à mettre en place ces opérations et étudier
l’intérêt qu’y accordent les investisseurs sur le marché français.
Abstract:
Splits/reverse splits announcements are relatively common today in France. Often defined as
"cosmetic" events on the stock market, without real impact on the of shareholders’ wealth,
they appear yet to be appreciated by investors. Then an analysis of a hundred of splits/reverse
splits announcements in 5 years, from early 2003 to end of 2007, allows better understanding
of the ins and outs of these financial operations. The purpose of this paper is therefore to
assess their visibility in the specialized press in particular, to observe managers’ public
incentives to implement these operations and to study the interest granted by investors on the
French market.
1
Pecchioli Bruno ; Docteur en Sciences de Gestion CEREFIGE, ISAM-IAE, Nancy2 2 Certaines opérations sur titres, initiées par les dirigeants d’entreprises cotées, ne présentent a
priori qu’un caractère « cosmétique » sur les marchés financiers. Elles consistent
principalement à modifier la structure de capital de la société mais sans lui apporter aucune
ressource ni bénéfice supplémentaire. Leur mise en place ne peut donc se justifier par un
besoin en capitaux mais s’inscrit en revanche dans la politique financière suivie par l’équipe
dirigeante. Ces outils à sa disposition lui permettent notamment de gérer les relations avec le
marché et conduire une politique de fidélisation et/ou d’élargissement de l’actionnariat, afin
que celui-ci réponde favorablement à une demande ultérieure de fonds. Ces initiatives sont
alors bien souvent « génératrices d’illusions » (E. Ginglinger, 1991). Certes la société
distribue de nouvelles actions, en rembourse d’anciennes, multiplie ou divise le nombre de
titres détenus par chaque actionnaire. Mais en réalité, elle ne modifie pas la situation
patrimoniale de chaque détenteur d’actions. C’est ce qui leur vaut l’appellation d’opérations
« blanches » et la relative difficulté à justifier leur recours par les dirigeants d’entreprises.
Pourtant ces opérations sont assez fréquentes en France et certaines d’entres elles apparaissent
appréciées des investisseurs. Ce papier présente alors une analyse d’un type d’opérations sur
titres particulier ; les divisions et multiplications de nominal, à la lumière des annonces parues
dans le Bulletin des Annonces Légales et Obligatoires2 et la presse financière. Leur principe et
fonctionnement sont abordés en première section. La deuxième section présente les données
récoltées. Les sections trois et quatre détaillent les résultats des différentes études et analyses,
qui sont enfin discutés dans la dernière section.
1. Les divisions/multiplications de nominal, des opérations « blanches »
Les divisions/multiplications de nominal sont autorisées en France depuis un décret d’Octobre
1973. Elles consistent à diviser ou multiplier le nombre d’actions qui constituent le capital
d’une société tout en divisant ou multipliant par le même quotient la valeur unitaire de chaque
titre. Les dividendes et droits de votes sont aussi modifiés en proportion. Il s’agit donc bien
d’une opération « blanche » dans le sens ou celle-ci ne modifie que la structure du capital (le
nombre de titres et leur valeur nominale) sans augmenter ni diminuer les moyens de
financement, la valeur de l’entreprise ou la richesse en portefeuille des actionnaires. La
littérature scientifique Anglo-Saxonne est pourtant relativement riche et abondante sur le
sujet, depuis Dolly dans les années 30 et les articles de référence de Fama, Fisher, Jensen et
Roll (1969) puis Grinblatt, Masulis et Titman (1984). Cette littérature fait ressortir deux
principales hypothèses expliquant le recours à ces opérations. L’hypothèse de « signaling »
indique que les annonces de divisions permettent aux dirigeants de divulguer au marché
l’information privée qu’ils détiennent vis-à-vis des perspectives futures favorables de
l’entreprise (McNichols, Dravid, 1990) (Nayak, Prabhala, 2001). L’objectif est de réduire
l’asymétrie d’information entre dirigeants et investisseurs. L’hypothèse d’ajustement des prix
se base quant-à elle sur l’idée que les divisions/multiplications permettent de ramener le cours
des actions à un niveau optimal en matière de volumes de transactions, de liquidité et de
volatilité, ou répondant à certaines normes (Lakonishok, Lev, 1987) (Lamoureux, Poon, 1987)
(Goyenko, Holden, Ukhov, 2006). Peu de travaux existent cependant avec pour terrain
d’étude un marché autre que le marché américain et notamment le marché français. Les
travaux de Yon (1987) indiquent tout de même, sur la base d’une enquête auprès de dirigeants
d’entreprises françaises, que ces derniers sont plutôt favorables à l‘idée de transmission
d’information. Les différentes études exploratoires suivantes permettent alors d’appréhender
précisément le but actuel des divisions et multiplications de nominal sur ce marché, la
visibilité de leur annonce pour les investisseurs et l’adéquation des motivations affichées et
des résultats réels obtenus.
2
Ci-après BALO.
3 2. L’échantillon d’étude
L’échantillon d’étude retenu pour les analyses recense toutes les opérations de division et
multiplication de nominal effectuées par des sociétés cotées à la bourse de Paris, sur une
période de 5 ans, de Janvier 2003 à Décembre 2007. Proposé au vote de l’Assemblée
Générale, ce type d’opération est tout d’abord annoncé au BALO dans la convocation à cette
même Assemblée. Une fois votée, la division ou multiplication est généralement annoncée
dans la presse spécialisée avant d’être finalement réalisée à sa date d’exercice. Les différentes
dates d’annonce et de réalisation des opérations sont ainsi identifiées et recoupées à partir de
plusieurs sources d’information financière comme le quotidien Les Echos, le BALO, les
rapports annuels des sociétés et plusieurs sites internet dédiés à la bourse et répertoriant les
annonces financières (Euronext, abcbourse, Boursorama, Reuters, AMF). Les informations
relatives aux raisons invoquées par les dirigeants sont retenues à partir de ces mêmes sources.
Enfin, les données financières quantitatives, utilisées dans l’étude de l’évolution des
caractéristiques des titres, sont extraites de la base de données DATASTREAM. Finalement,
l’échantillon se compose de 105 annonces3 réparties assez régulièrement sur les 5 années de la
période d’observation. Le tableau 1 présente la distribution des opérations année par année sur
toute la période étudiée. Les divisions de nominal sont assez courantes sur le marché français,
une vingtaine par an, tandis que les annonces de multiplication de nominal sont nettement
plus rares, avec douze opérations au total. Un fait intéressant peut également être mentionné,
illustré par le tableau 2. La grande majorité des entreprises annonçant une division de nominal
paient régulièrement des dividendes à leurs actionnaires, soit environ 82%. De plus, presque
80% d’entre elles annoncent une distribution de dividendes simultanément à l’annonce de
division. Les sociétés qui initient une multiplication semblent moins disposées à distribuer des
dividendes à leurs actionnaires.
Tableau 1 : nombre d’observations par échantillon et par année
Année
2003
2004
2005
2006
2007
Total
Divisions de nominal
6
18
18
31
20
93
Multiplications de nominal
1
0
3
8
0
12
Tableau 2 : informations relatives au paiement des dividendes
Nombre d’opérations
Entreprises payant des dividendes
Entreprises payant des dividendes l’an passé
Annonces simultanée de dividende
Divisions
de nominal
93
79
73
61
Multiplications
de nominal
12
2
1
2
Total
105
81
74
63
3
Annonces pour lesquelles toutes les informations nécessaires aux analyses sont disponibles et dont les valeurs
quantitatives aberrantes ne nuisent pas aux résultats, d’où le retrait de l’annonce d’Anovo en 2003.
4 3. Analyse des annonces de modification de nominal
Les résultats de trois études se succèdent dans cette section. La première consiste en une
analyse des délais de mise en place des opérations. Elle est complétée par le dépouillement
des articles et informations pertinentes parues dans le quotidien « Les Echos » sur une période
de deux ans afin d’en appréhender plus précisément la visibilité. La troisième étude concerne
plus particulièrement les motivations des dirigeants révélées publiquement au marché dans les
différentes annonces et/ou avis financiers pour justifier le recours aux divisions et
multiplications de nominal.
3.1. Le « timing » et le déroulement des opérations
Le déroulement des opérations est sensiblement différent entre divisions de nominal et
multiplications (Cf. tableau 3). Le processus est bien plus étalé dans le temps et annoncé
davantage à l’avance pour les secondes. Près de la moitié des annonces par voie de presse sont
faites dans les cinq jours précédant la date d’exercice alors que l’opération est prévue depuis
environs deux mois.
Tableau 3 : le timing des opérations (en jours de bourse)
Nombre d’opérations
Nb. j. moyen entre l’annonce au BALO et l’Assemblée Générale
Nb. j. moyen entre l’Assemblée Générale et l’annonce à la presse
Nb. j. moyen entre l’annonce à la presse et la réalisation
Nb. j. moyen entre l’annonce au BALO et la réalisation
Nb. d’annonces à la presse 5 jours maximum avant la réalisation
Div. de
nominal
93
23,7
5,7
14,4
43,8
45
Mult. de
nominal
12
22,4
72,4
14,1
82,6
2
3.2. La visibilité des annonces dans la presse financière
Cette étude complète la précédente et analyse plus particulièrement les articles qui évoquent
textuellement les entreprises de l’échantillon dans « Les Echos », les avis financiers et la
rubrique « Salle des marchés » du quotidien4, reprenant toutes les annonces de marché du
jour. La fenêtre d’observation couvre une période de 3 mois avant la date de réalisation de
chaque opération. On peut alors apprécier de manière plus fine le processus d’annonce de
l’opération à la presse, à destination essentiellement d’investisseurs potentiels pas encore
actionnaires de la société, et juger de la valeur donnée à une telle information dans ce
quotidien (supposé représentatif de ce type de presse). Le tableau 4 récapitule les résultats.
142 articles en rapport avec les sociétés de l’échantillon sont identifiés et retenus à partir de la
base de données « Les Echos ». Ceux-ci traitent de 25 entreprises différentes sur 38
concernées pour cette période. Seulement 16 articles traitent de l’opération de modification du
nominal en question, pour uniquement 11 différentes d’entre elles. Finalement, en y ajoutant
les communiqués de presse et les assertions dans la rubrique « Salle des marchés », 29
opérations sur 38 sont annoncées dans le quotidien. Si l’annonce d’une modification de
nominal présente un caractère informationnel particulier, celui-ci semble pour le moins
confidentiel, noyé d’une part dans la multitude de décisions mises à l’ordre du jour de
l’Assemblée Générale. D’autre part, l’annonce de l’opération n’est pas systématiquement
reprise dans la presse économique et financière en tant que telle. Le cas échéant, les délais
4
Analyse menée en consultant la base de données en ligne « Les Echos » et les quotidiens au format papier
puisque la rubrique « Salle des marchés » et les avis financiers ne figurent pas dans la base.
5 sont longs, puisque l’information est souvent dévoilée dans le journal quelques jours
seulement avant la date d’exercice, voire le jour même.
Tableau 4 : récapitulatif du dépouillement des articles et annonces
parus dans « Les Echos » entre Aout 2003 et Septembre 2005
Nombre d’opérations
Nb. d’articles traitant des entreprises concernées
Nb. d’entreprises différentes dans ces articles
Nb. d’articles mentionnant l’opération de div./mult.
Nb. d’opérations différentes dans ces articles
Nb. d’opérations annoncées dans « Les Echos »
Nb. d’annonces 5 jours max. avant la réalisation
Nb. de jours moyen entre l’annonce et la réalisation
Nb. de jours moyen entre la 1ère annonce et la réalisation
Divisions
de nominal
34
106
23
13
10
27
12
28,8
35,7
Multiplications
de nominal
4
36
2
3
1
2
0
47,5
64,3
3.3. Contenu des annonces et motivations affichées des dirigeants
Cette troisième analyse comprend le recensement de toutes les causes et raisons évoquées
publiquement par les dirigeants d’entreprises de l’échantillon qui annoncent une modification
de nominal. Ces motivations « officielles » figurent dans les annonces au BALO, les avis
financiers, les communiqués de presse ou encore les rapports annuels des sociétés concernées.
Au final, neuf propositions récurrentes se dégagent et sont reprises dans le tableau 5.
Tableau 5 : motivations affichées des dirigeants à l’annonce de l’opération
Nombre d’opérations
Améliorer la liquidité du titre
Faciliter l’accès aux investisseurs individuels
Réajuster le cours après une période de forte hausse
Diminuer la volatilité du titre
Se rapprocher des normes du secteur
Elargir la base de l’actionnariat
Sortir de la situation de « penny stock »
Rendre le titre plus attractif pour les institutionnels
Ajuster la parité d’échange en vue d’une OPE
Div. de
nominal
93
51
33
8
0
1
1
0
0
1
Mult. de
nominal
12
1
0
0
6
4
0
6
2
0
Total
105
52
33
8
6
5
1
6
2
1
Les deux objectifs principaux quant au recours aux divisions sont d’améliorer la liquidité des
titres et de faciliter l’accès aux investisseurs particuliers. Alors qu’il s’agit plutôt de
revaloriser le cours dans le cas des multiplications, pour sortir d’une situation de « penny
stock » généralement peu appréciée des investisseurs et rendre le titre plus attractif pour les
institutionnels. Ces deux opérations de sens opposé semblent ainsi destinées à favoriser tantôt
les investisseurs individuels tantôt les institutionnels, selon que l’on baisse ou augmente le
niveau de cours des titres. L’objectif n’apparait pas être d’ordre informationnel mais
davantage opérationnel, aussi bien pour les divisions que les multiplications. En ce sens il
6 n’est plus en accord avec les résultats antérieurs de l’enquête de Yon (1987) mais il faut tout
de même nuancer cette interprétation. Les informations récoltées ne sont pas des réponses
précises de la part des décideurs à une véritable enquête mais seulement des objectifs évoqués
de manière publique et volontaire.
4. Etude des caractéristiques des actions en division/multiplication
Ce deuxième volet d’analyses étudie l’évolution de plusieurs caractéristiques des titres en
division/multiplication. Plusieurs fenêtres d’observation sont employées. L’objectif est
d’apprécier dans une certaine mesure l’impact des opérations sur ces caractéristiques et mettre
en perspective les motivations des dirigeants précédemment abordées avec les effets observés
sur le marché. Les annonces de modification de nominal sont souvent accompagnées d’une
annonce simultanée sur le montant du prochain dividende à verser. Ainsi les résultats sont
différenciés par sous-échantillons (SE) selon que les sociétés distribuent ou non des
dividendes à leurs actionnaires (D et ND).
4.1. La liquidité et les volumes de transactions
La motivation principale à diviser, révélée par la communication des dirigeants à leurs
actionnaires et aux investisseurs potentiels, s’inscrit dans une logique d’optimisation de la
liquidité des actions et de facilitation des transactions sur le marché. Cette notion de liquidité
peut être observée via les volumes de transactions. Les taux de rotation journaliers moyens
(TRM) sont alors calculés en divisant les volumes journaliers par le nombre de titres en
circulation et comparés sur deux périodes, l’une antérieure à l’opération l’autre ultérieure.
Deux durées sont considérées pour chaque période ante et ex-opération: un an (250 jours de
bourse) et 6 mois (125 jours de bourse) avec une fenêtre tampon de 20 jours. Les résultats des
tests paramétrique de Student et non-paramétrique de Wilcoxon figurent au tableau 6.
Mult. de
nominal
Div. de
nominal
Tableau 6 : Comparaison des taux de rotations journaliers moyens
à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
SE
Nb TRM
D
79
ND
14
Total
93
D
2
ND
10
Total
12
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
≠
moy.
0,0322
0,0057
-0,0110
0,0073
0,0258
0,0059
0,0339
0,1333
-0,1530
-0,0010
-0,1220
0,0210
tStud.
Pr >
3,51
0,58
-0,52
0,40
3,03
0,68
0,79
0,93
-1,21
-0,01
-1,14
0,24
0,0007
0,5639
0,6100
0,6949
0,0032
0,4991
0,5734
0,5242
0,2575
0,9886
0,2778
0,8136
∑ des scores
ZWil.
avant après
5984,5 6576,5 1,028
6184
6376
0,332
200
206
0,115
196
210
0,299
8306,5 9084,5 1,058
8527,5 8863,5 0,456
5
5
0
5
5
0
111
99
-0,416
99
111
0,416
156
144
-0,317
144
156
0,317
Pr >
0,3041
0,7398
0,9085
0,7652
0,2900
0,6482
1,0000
1,0000
0,6776
0,6776
0,7508
0,7508
Ils dévoilent une hausse significative du taux de rotation moyen à 1 an des entreprises en
division de 2,58%, principalement les sociétés distributrices de dividendes avec une hausse de
3,22%. Aucune différence n’est significative à 6 mois, de même pour les multiplications de
nominal, quelle que soit la politique de distribution des dividendes ou la fenêtre d’estimation.
7 Les résultats du test de Wilcoxon ne sont pas plus significatifs. L’hypothèse d’une
amélioration de la liquidité des actions dont le nominal serait modifié est ainsi difficilement
vérifiable. Elle apparait finalement plutôt négligeable sur ces données.
4.2. La structure de l’actionnariat au travers de l’évolution du « flottant »
La facilitation d’accès aux investisseurs individuels et la répartition entre particuliers et
institutionnels est approchée par la notion de « flottant » des actions. Il indique la part en %
des actions d’une société qui est disponible à la négociation pour le public et les investisseurs
ordinaires. Cette part représente en fait les titres de capital qui ne sont pas détenus pour des
raisons stratégiques par les dirigeants ou les investisseurs institutionnels notamment. Le
tableau 7 détaille l’évolution du flottant moyen des sociétés de l’échantillon durant les mois
entourant l’annonce et la réalisation de l’opération. La probabilité de rejet du test t de la
moyenne est entre parenthèses.
Tableau 7 : évolution du flottant lors de l’opération de modification de nominal
Divisions de
Multiplications de
nominal
nominal
Nombre d’opérations
93
12
Flottant moyen avant l’annonce
0,496 (<0,001)
0,555 (<0,001)
Flottant moyen entre annonce et réalisation
0,491 (<0,001)
0,573 (<0,001)
Flottant moyen après la réalisation
0,523 (<0,001)
0,573 (<0 ,001)
Le flottant augmente en moyenne suite à la division, particulièrement après la date d’exercice
(d’environ 3%), pour dépasser 50%. Il augmente aussi pour les multiplications de nominal
d’environ 2%, alors qu’il dépasse déjà 50%, mais juste après l’annonce et non à la réalisation
de l’opération. La variation du flottant intervient dans ce cas lorsque le niveau de prix du titre
est encore « abordable » pour les particuliers, avant son augmentation annoncée. Ainsi, les
divisions de titres paraissent aller dans le sens d’une augmentation de la part des investisseurs
particuliers, de par la baisse de niveau cours de l’action, au détriment des institutionnels plus
sophistiqués. Les résultats pour les multiplications de nominal appuient eux aussi d’une
certaine façon l’hypothèse d’une contrainte budgétaire et l’importance de la variable prix dans
les choix de portefeuilles de titres des petits porteurs.
4.3. Le risque et la volatilité des cours
50% des multiplications de nominal de l’échantillon sont mises en place par les dirigeants
dans un souci apparent d’optimiser le risque des titres et diminuer leur volatilité (6 opérations
sur 12). Pour apprécier l’incidence des modifications de nominal sur le risque des actions, la
volatilité des titres est comparée sur les mêmes intervalles que les taux de rotation moyens
d’une part et autour des dates d’annonce et d’exercice des opérations d’autre part. Cette
dernière analyse permet d’observer si un saut de variance survient à l’une ou l’autre de ces
dates, ou entre les deux. La formule utilisée est la variance des rentabilités quotidiennes sur la
période. Les résultats sont résumés dans les tableaux 8 et 9 ci-après.
8 Mult. de
nominal
Div. de
nominal
Tableau 8 : Comparaison des volatilités moyennes des titres
à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
SE
Nb Volat. ≠ moy.
D
79
ND
14
Total
93
D
2
ND
10
Total
12
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
1 an
6 m.
0,0001
0,0007
-0,0040
-0,0006
-0,0005
0,0005
0,0148
0,0229
0,0047
0,0048
0,0064
0,0079
tStud.
Pr >
0,18
0,82
-0,72
-0,11
-0,48
0,46
0,90
0,92
0,49
0,48
0,77
0,86
0,8599
0,4168
0,4869
0,9165
0,6345
0,6488
0,5347
0,5264
0,6344
0,6431
0,4552
0,4072
∑ des scores
avant après
5938
6623
5904
6657
196
210
167
239
8211
9180
8029
9362
5
5
5
5
93
117
93
117
132
168
133
167
ZWil.
1,189
1,307
0,299
1,631
1,318
1,814
0
0
0,869
0,869
1,010
0,953
Pr >
0,2343
0,1910
0,7652
0,1029
0,1874
0,0697
1,0000
1,0000
0,3847
0,3847
0,3123
0,3408
Tableau 9 : Comparaison des volatilités moyennes des titres
à 15 jours avant /après la date d’annonce (An.) et d’exercice (Ex.)
SE
Div. de nominal
D
ND
Mult. de nominal
Total
D
ND
Total
An.
0,0017
1,37
0,1746
∑ des scores
avant après
6123 6438
Ex.
0,0038
2,58
0,0117
5755
6806
1,826
0,0679
An.
0,0110
1,29
0,2180
165
241
1,723
0,0848
Ex.
0,0275
1,08
0,3007
186
220
0,758
0,4484
An.
0,0031
1,87
0,0653
8313
9078
1,040
0,2981
Ex.
0,0339
1,83
0,0709
7950
9441
2,029
0,0424
An.
-0,0030
-0,41
0,7541
5
5
0
1,0000
Ex.
0,0202
2,00
0,2949
4
6
0,387
0,6985
An.
0,0273
1,92
0,0875
91
119
1,020
0,3075
Ex.
0,0026
0,12
0,9056
90
120
1,096
0,2730
An.
0,0223
1,81
0,0970
132
168
1,010
0,3123
Ex.
0,0056
0,31
0,7637
127
173
1,299
0,1939
Nb Volat. ≠ moy.
79
14
93
2
10
12
tStud.
Pr >
ZWil.
Pr >
0,546
0,5851
Le test de Student ne détecte aucune différence significative de la volatilité à moyen terme.
Les modifications de nominal, qu’il s’agisse de divisions ou de multiplications, ne semblent
pas impacter de façon durable cette mesure de risque des actions. Seules les divisions sur un
9 horizon de 6 mois présentent une différence significative au seuil de 10%, dans le sens d’une
augmentation, au regard du test de Wilcoxon. Cependant, cette différence n’est plus
significative à 1 an. Il est impossible de conclure à une quelconque variation sur la base de ces
données et résultats. Par contre, à plus court terme, l’impact sur le risque apparait plus
significatif. La variance des rentabilités des entreprises en division subit un saut positif à la
date de réalisation, surtout pour les entreprises qui distribuent des dividendes. Le test de
Student est significatif aussi pour les entreprises en multiplication, mais exhibe un saut de
variance à la date d’annonce de l’opération. Aucun résultat n’est significatif avec le test de
Wilcoxon pour ce sous-échantillon. Finalement, le risque des titres dont le nominal est
modifié varie aux mêmes intervalles que le flottant et appuie en ce sens les résultats
précédents. L’augmentation momentanée du risque peut être imputable à un renforcement de
l’activité des investisseurs, notamment les particuliers peu sophistiqués, sur les actions en
fractionnement ou multiplication. Cet accroissement ponctuel de leurs transactions entraine un
« bruit » à l’origine des modifications de volatilité, autour respectivement des dates d’annonce
et de réalisation.
4.4. Le rapport de division et le niveau de prix avant et après l’opération
Pour terminer ces analyses, les caractéristiques moyennes de prix des actions des sociétés de
l’échantillon sont dressées dans l’idée d’y déceler une préférence pour un certain niveau de
prix, en relation notamment avec leur taille. Les valeurs moyennes de taille et de cours 5 jours
avant l’annonce comme les valeurs cibles (cours avant/facteur de division) figurent au tableau
10. La taille est calculée comme le logarithme de la valeur de marché de la société 5 jours
avant l’annonce au BALO. La probabilité de rejet du test t de la moyenne est entre
parenthèses. Les divisions rétablissent un niveau de cours inférieur à 100€ en divisant par
presque 5 en moyenne la valeur des titres en circulation. Tandis que les actions en
multiplication voient leur niveau de cours se redresser au dessus de l’unité pour atteindre une
moyenne d’environ 8€. Enfin, les sociétés qui divisent sont de plus grande taille que celles qui
multiplient leurs titres, comme celles qui distribuent des dividendes par rapport à celles qui
n’en paient pas.
Mult. de Div. de
nom. nominal
Tableau 10 : valeurs moyennes des prix des actions
et taille des entreprises en division/multiplication
SE
Nb.
D
ND
Total
D
ND
Total
79
14
93
2
10
12
Cours avant
226,153 (0,023)
309,572 (0,199)
238,711 (0,009)
1,225 (0,438)
0,477 (<0,001)
0,602 (0,004)
Cours cible
Facteur de div.
Taille
81,105 (0,099)
25,145 (0,005)
72,681 (0,082)
12,470 (0,425)
7,197 (<0,001)
8,076 (<0,001)
4,448 (<0,001)
7,214 (0,003)
4,864 (<0,001)
0,091 (0,059)
0,086 (<0,001)
0,087 (<0,001)
6,251 (<0,001)
4,918 (<0,001)
6,072 (<0,001)
5,619 (0,243)
3,848 (<0,001)
4,143 (<0,001)
5. Discussion et conclusion
Finalement, les différentes analyses menées dans ce papier entrainent davantage de questions
que de réponses vis-à-vis des opérations de modifications de nominal, sur le marché français
notamment. C’est un terrain d’étude intéressant de par ses spécificités institutionnelles et la
concentration importante de son actionnariat. L’hypothèse classique outre-Atlantique de
signal n’apparait pas dans les buts affichés publiquement par les praticiens. L’information
relative à cet évènement particulier n’est pas vraiment relayée de façon instantanée dans la
10 presse spécialisée et les différents canaux de diffusion. Elle se retrouve en outre souvent
noyée dans une multitude d’autres informations pouvant avoir un effet modérateur ou
substituable. Quant à l’idée d’un ajustement des prix dans le but d’optimiser les transactions
ou d’influer sur le risque des actions, celle-ci est confrontée à des résultats empiriques très
peu significatifs. Ils ne permettent pas de conclure à de réelles variations des mesures
considérées à moyen terme. Toutefois, la possibilité pour les dirigeants de favoriser telle ou
telle catégorie d’investisseurs en agissant sur le niveau de prix des actions se révèle être une
piste de recherche intéressante. Elle l’est d’autant plus qu’il n’y a pas d’ajustement des
quotités de négociation en France, contrairement au marché américain. La conséquence
directe est alors une modification mécanique, en proportion du facteur de division, du montant
nécessaire à un investisseur potentiel pour entrer dans le capital de la société. En ce sens, les
divisions facilitent effectivement l’accès aux investisseurs individuels. L’intérêt des
multiplications de nominal renvoie également à l’existence de certaines normes et aux
préférences des investisseurs en termes de prix. La revalorisation de cours suite à la
multiplication permet de revaloriser le titre lui-même en le sortant d’une situation de « penny
stock » à laquelle les investisseurs associent généralement une image de mauvaise qualité.
Deux éléments majeurs relatifs au comportement différencié des investisseurs se dessinent
ainsi au travers de la discussion des résultats. Ces éléments sont reconnus par les dirigeants
d’entreprises cotées françaises et intégrés dans leur politique financière. D’une part il existe
certainement une contrainte de prix pour les investisseurs particuliers, avec un budget limité à
allouer à l’épargne. Cette contrainte peut se traduire en termes de barrière à l’entrée dans le
capital de l’entreprise pour cette catégorie d’investisseurs, si un niveau élevé est maintenu.
D’autre part, certaines normes ou croyances paraissent influer sur le choix du niveau de prix
cible des dirigeants. Les actions cotées en dessous d’1€ sont mal perçues par l’ensemble des
investisseurs tandis que les actions cotées au dessus de 100€ sont « chères » pour les petits
porteurs. Les dirigeants tiennent dès lors à leur disposition un outil d’ajustement de la
composition et de la taille de leur actionnariat, en agissant sur le niveau de cours des titres.
Ces observations ouvrent naturellement la voie vers des recherches plus poussées.
L’utilisation de méthodologies d’études d’évènements appropriées permettrait d’analyser à de
façon instantanée l’impact des annonces sur les caractéristiques des titres, tout en distinguant
les effets modérateurs possibles d’annonces simultanées (comme l’évolution du dividende).
La piste d’un ajustement de l’actionnariat par la gestion du niveau de cours est aussi à creuser.
Alors que la théorie classique indique que le niveau de prix unitaire des titres est négligeable
et sans incidence, l’épreuve des pratiques réelles révèle que cette variable a une valeur pour
les différents acteurs du marché. Un modèle théorique d’ajustement de l’actionnariat par le
choix d’un niveau de prix « optimal » pourrait alors être envisagé, afin d’éclairer les
recherches quant au à la problématique du choix du prix unitaire des actions.
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