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Tiré à part
NodusSciendi.net Volume 17 ième Octobre 2016
UNE GEOCRITIQUE DES LIEUX INERTES
Volume 17 ième Octobre 2016
Étude Réunie par
Dr. YRO Timbo Adler Vivien
Université Péléforo Gon Coulibaly
ISSN 2308-7676
Comité scientifique de Revue
BEGENAT-NEUSCHÄFER, Anne, Professeur des Universités, Université d'Aix-la-chapelle
BLÉDÉ, Logbo, Professeur des Universités, U. Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
BOHUI, Djédjé Hilaire, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
DJIMAN, Kasimi, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny
KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC
MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB
SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou
TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII
VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau
WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges
Organisation
Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait,
Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine,
Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Production / SYLLA Abdoulaye,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
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Volume 17 ième Octobre 2016
ISSN 2308-7676
Sommaire
1- Le cimetière dans les romans de Véronique Tadjo, YRO Timbo Adler
Vivien
2- De la notion de cimetière dans la littérature africaine : quelques
perspectives géocritiques, ASSANVO-KADJO Abanlan Rosemonde
3- L’espace du cimetière dans la littérature africaine, TIAHO
Lamoussa
4- Étude et analyse des espaces de cimetières et mondes possibles
chez les Kaamba (gan) du Burkina Faso, FARMA Bamoussa
5- Le polyandrion, résidence factice du défunt numbado spiritualisé,
LOUARI Dieudonné Yendifimba
6- Figures tombales d’Orient, KOUAKOU Jean-Marie
7- La tombe lieu de rencontre – du conte oral au cinéma au Nigeria,
UGOCHUKWU Françoise
8- Poésie, mémoire et douleur, ACHIE Arthur Modeste
9- Du discours rapporte au discours réfléchi: analyse énonciative de
l'épitaphe tombale, DJOKOURI Innocent
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Volume 17 ième Octobre 2016
ISSN 2308-7676
La tombe lieu de rencontre – du conte oral au cinéma au
Nigeria
Françoise Ugochukwu
Open University (GB)
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Volume 17 ième Octobre 2016
ISSN 2308-7676
En pays igbo, au sud-est du Nigeria, la vie commence et finit toujours au village
ancestral. Comme l’écrivait en 1933 l’auteur du premier roman igbo, « ceux qui se
sont expatriés finissent tous par rentrer au pays […]. La loi du retour a de profondes
racines » (Nwana 2010 : 21), ce que confirme le proverbe, « Isi di ala anaghi ato na mba
[le fils du sol ne reste jamais perdu { l’étranger] » (Igwe 1986 : 29). C’est qu’après la
naissance, en zone rurale, on enterre le cordon ombilical de l’enfant au pied d’un
arbre de la cour, et que jamais l’adulte ne pourra donc couper ce cordon, qui le
ramène au même endroit en fin de vie.1 Les morts sont traditionnellement inhumés
individuellement au village ancestral, dans la cour, devant ou derrière la maison
principale, loin des officiers d’état-civil (Douglas 2013). Les tombes ne sont en outre
que très rarement marquées de façon permanente : on n’y trouve habituellement ni
mention du nom, ni pierres tombales, ni ornements ; on ne s’y rend pas non plus en
pèlerinage et les études sur les pratiques mortuaires omettent de les mentionner.
Ce choix s’explique par la croyance, reflétée dans les contes populaires, que la
mort est un passage, un déplacement, qui transporte le défunt au travers d’une zone
arborée ou le long d’un sentier { peine marqués, ordinaires et sobrement décrits, et
qui ne gardent pas trace du disparu. Quand la tombe est évoquée, contes et films
évoquent le plus souvent un simple trou ou un monticule de terre retournée,
anonyme, isolé et dont la banalité contraste avec la puissance qu’elle recèle. On
retrouve dans les films de Nollywood le même traitement de la tombe que dans les
contes : lieu de séparation mais aussi de rencontre et de dialogue entre l’orpheline et
sa mère, entre la veuve et son mari, entre les villageois et leur héros assassiné, elle se
révèle porte entr’ouverte entre ici-bas et un au-delà compris comme lointain et
souterrain, dernier recours et borne-frontière entre l’avant et l’après, la maltraitance
et la délivrance. La veuve et l’orpheline y dialoguent avec leurs disparus et y
obtiennent conseils, réconfort et parfois vengeance.
La mort, trajet d’un espace à l’autre
En pays igbo, comme presque partout ailleurs au Nigeria, la vie est vécue tout
entière { l’ombre de la mort qu’elle prépare, tournée vers elle, du fait de l’importance
capitale que revêtent les funérailles, pour l’avenir du défunt comme pour la
réputation de sa famille.2 Ceux qui ont vécu une vie complète - se sont mariés, ont eu
1
C’est ce qui explique que les Igbo, comme la plupart des Africains de la diaspora, choisissent d’être
rapatriés au pays pour y être inhumés.
2
On pourra se rendre compte de l’importance des funérailles { la lecture des nombreux articles de
presse récemment placés en ligne et relatant la magnificence de ces cérémonies tout en critiquant les
dépenses exagérées qu’elles peuvent occasionner. Les funérailles se veulent une mise en scène et la
preuve tangible, mesurée au nombre de participants et { l’abondance des mets offerts, de
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des enfants et ont contribué de façons diverses au bien-être communautaire – s’en
vont, à leur mort, dans le monde des esprits, d’où ils reviendront périodiquement
pour se réincarner dans l’un de leurs descendants. Tous les morts n’atteignent
cependant pas ce repos temporaire : leur destination est déterminée par la qualité de
leur vie, la célébration des funérailles ou leur absence. « Les esprits de ceux qui, pour
leur malheur, sont morts de mort violente ou hors normes et dont les funérailles ont
conséquemment été écourtées, ne peuvent ni revenir à la vie ni entrer dans l’au-delà.
Ils errent donc, sans corps et sans toit, cherchant à se venger de leur peine en nuisant
aux humains » (Isichei 1976 : 25-26).3 Le cas extrême dans ce domaine est celui des
ogbanje4, mot traduit par ‘voyageur’ (o gba nje, ‘il/elle voyage’, fait la navette) et qui
désigne un phénomène assez fréquent, celui d’un esprit qui réincarne un enfant mort
précédemment, censé renaître de la même mère et poursuivre un cycle de morts et
de réincarnations accélérées.
Il n’existe pas au Nigeria de cloison étanche entre les deux espaces que délimite la
mort - comme le rappelait ailleurs Birago Diop (1961 : 180), « les morts ne sont pas
morts. » La vie, rythmée par les prières aux ancêtres, la participation aux funérailles
du clan et aux festivals traditionnels, est une longue conversation entre la ‘terre des
humains’, ala mmadu, et ‘la terre des esprits’, ala mmuo, espaces que les contes
décrivent habituellement comme situés au même niveau, selon une optique plus
horizontale que verticale5 et qui omet alors la mention de l’inhumation. Les récits
oraux brodent sur le canevas de la tradition, selon laquelle les humains naissent après
avoir traversé une forêt ou une étendue d’eau, vont faire leurs affaires au marché
qu’est la vie et s’en retournent par le même chemin : la destinée humaine se joue
donc entre forêt/rivière et marché, ce dernier représentant le village. La langue écrit
la mort comme un déplacement, un trajet : ‘il est parti’, o laala, ‘il est allé chez les
esprits’, o gara mmuo. Les rites funéraires mettent l’accent sur le fait que la mort
n’est, selon les contes, ni un état ni un endroit mais le chemin qui mène au monde des
esprits, qui est également le monde des justes défunts promus au rang d’ancêtres et
l’importance sociale des défunts, de l’appréciation communautaire de leur contribution ; c’est aussi
une façon de les accompagner, idupu, au moment de leur départ.
3
Ces derniers portent différents noms : Akalogeli, Umunadi, Ekwensu, selon leur nature, mais tous sont
malveillants et cruels - ce sont de ‘mauvais esprits’, ajo mmuo.
4
Le même phénomène se retrouve en pays yoruba, au sud-ouest du pays, sous le nom d’abiku. Selon
McCabe (2002: 45), « le corpus de littérature nigériane écrite comprend au moins trente textes dans
lesquels l’àbíkú ou l’ògbánje jouent un rôle central. La plupart sont en anglais et comptent des textes
canoniques de Tutuola, Achebe, Soyinka, Clark-Bekederemo, Emecheta et Okri. » Le seul ouvrage
consacré à la question est celui de Chinwe Achebe (1986).
5
Le ‘ciel’ chrétien, absent des rituels funéraires traditionnels et introduit en pays igbo par les
missionnaires de l’époque coloniale, a pris le nom igbo igwe, désignant à la fois un titre honorifique et
la voûte céleste, domaine du seul Chukwu, dieu suprême des Igbo et la seule divinité à ne pas recevoir
de culte. On retrouve la même horizontalité dans l’espace politique de cette société acéphalique.
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qui veillent sur le village avant de se réincarner à tour de rôle toutes les deux
générations et jusqu’{ sept fois. Ubesie (1978 : 220) rappelle que « Ndi Igbo kwere na
onye nwuo, mkpuru obi ya ga-amalite njem, gawa obodo o ga-ano zuo ike » [les Igbo
croient que lorsque quelqu’un meurt, son âme se met en route vers le pays où il va se
reposer].6
La mort en quatre dimensions
La mort est omniprésente dans les contes populaires, témoins d’une société où la
santé n’était jamais loin de l’agonie. Sur les 54 contes merveilleux recueillis par
l’auteur entre 1973 et 1987, trente-quatre voient mourir au moins un, parfois plusieurs
personnages. Ces textes sont donc nombreux à exorciser la mort, en présentant les
détails de ce voyage vers l’inconnu au travers de personnages qui ont fait ce voyage
et en sont revenus. Selon les contes, la distance espace-temps d’un monde à l’autre
est mesurée, soit en heures de marche, comme le révèle La Flûte, un conte réécrit par
Achebe (1977 : 5), soit par la mention des paysages rencontrés : sept forêts et sept
rivières, ou « sept rivières et sept pays », mmiri n’asaa mba n’asaa (Ugochukwu 1992 :
181) ou encore, selon Achebe, « sept rivières, sept forêts et sept collines »7 - le chiffre
sept étant pour les Igbo le nombre de l’infini et de la plénitude. Enendu, l’adolescent
du conte, défie son père dont il exige le trône. Sommé d’accomplir deux tâches
surhumaines l’une après l’autre, il traverse « sept rivières, sept pays, sept rivières,
sept pays » avant d’arriver chez le tradipraticien qui doit lui donner les moyens
d’accomplir sa mission. De l{, il s’aventure hors du monde des humains : « il est parti,
a traversé sept rivières, sept pays, sept rivières, sept pays, et il est arrivé chez les
ogres » (Ugochukwu 1992 : 181-182). La distance parcourue est la même dans les deux
cas, ce qui peut s’expliquer par le fait que dans les contes comme aujourd’hui dans
les films nigérians, tradipraticiens et devins sont établis en bordure du monde des
esprits, pour mieux communiquer avec eux et faciliter la rencontre entre eux et leurs
clients. La description linéaire du parcours vient par ailleurs confirmer la croyance
selon laquelle humains et esprits partageraient la même terre, séparés par un no
man’s land franchi dans les deux sens. Vivant ou mort, l’homme reste pleinement
conscient et en contact aussi bien avec les autres défunts qu’avec la communauté
des vivants, situation facilitée par la répartition du sol et des activités et
l’organisation de la vie quotidienne comme par la réincarnation périodique de
l’ancêtre et l’errance perpétuelle des mauvais esprits. C’est ce qu’exprime de façon
comique un film récent, Thirty Minutes from Hell (2015) où, le jour même de son
6
Cf. Izunwa (12) : « l’Igbo conçoit la mort comme un mouvement d’ ‘ici’ vers une autre région de même
caractère, avec la possibilité d’un retour ».
7
Achebe, Le Malaise cité dans Ogbaa (1992 : 144).
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enterrement, un mort, fatigué d’être secoué outre mesure par la danse des porteurs
au cours du trajet qui l’emmène de la morgue à sa résidence, quitte son cercueil pour
rejoindre le village en taxi, causant la panique { chaque rencontre lorsqu’il
questionne : « vous n’avez donc jamais vu de mort qui se promène ? »
Les deux mondes dont on vient de parler peuvent aussi parfois être présentés
comme superposés, l’homme vivant sur terre et les esprits dessous (Ogbaa 1992: 21 &
27), et cette seconde optique introduit le concept du trou. Dans le conte de ‘l’enfant
{ la ceinture’, la petite fille différente des autres, née de l’art du féticheur, et dont la
mère a vendu l’une des perles du collier de hanches auquel sa vie était attachée, s’en
retourne chez les esprits ; elle court « jusqu’{ ce qu’elle saute dans un trou si profond
qu’on ne pouvait en voir le fond. Et elle n’est jamais ressortie. C’est comme ça qu’elle
est partie » (Ugochukwu 1992 : 78). On retrouve la même description dans The Drum
[Le Tam-tam] (1977) d’Achebe, autre récit venu en droite ligne des contes, où « le trou
était vraiment large et semblait descendre par degrés » pour aboutir à « une vaste
clairière » (Achebe 1977 : 13). Ces deux descriptions, comme d’ailleurs les libations
quotidiennes aux ancêtres, viennent corroborer le fait que l’entrée dans la tombe,
espace associé à la terre non cultivée, voire sauvage, est considéré comme le départ
sur le chemin de la transition qui change l’être humain en esprit et lui permet
d’atteindre l’au-delà. Autre illustration de la croyance : au cours de la sixième étape
de son intronisation, Eze Nri, le chef de la ville de Nri, s’allonge sur le sol et on le
recouvre entièrement de terre ; au bout de vingt et un jours, il fait une apparition
publique, tout de blanc vêtu (couleur des esprits) comme l’incarnation d’un esprit
(Onwuejeogwu 1981 : 88).8
La tombe et la profondeur ésotérique
Le parcours initiatique du chef de Nri, qui vient d’être évoqué, s’éclaire en outre
dans le contexte de l’attirance igbo pour la profondeur, ime : profondeur de la
maison où se trouve la chambre du maître, ime ulo ‘profond maison’ ; profondeur de
la connaissance, imi emi ; profondeur de la matrice de la femme enceinte, ‘elle est
enceinte’ o di ime ; profondeur de l’avenir, ‘demain est enceinte’ echi di ime. Au plus
profond, ime ime9, se trouve l’explication des choses. Plus on va profond, moins on
voit clair, mais plus on comprend, avec la promesse d’ ‘y voir clair’ ihu uzo, ‘voir
chemin’, plus tard.10 On trouve une illustration de ce concept dans Timbers and
8
Cf. Jell-Bahlsen (2008 : 217-221). Les Européens ont au début, et du fait de leur couleur, été considérés
comme venant du pays des esprits.
9
Le superlatif est obtenu par le redoublement de l’adverbe.
10
Cette philosophie explique la persistance de la messe en latin bien au-delà du Concile de Vatican II
(1962-65) { l’université de Nsukka, comme le succès des sociétés de masques et de la fraternité
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Calibres (2015), l’un des films de Nollywood mettant à l’écran l’une des nombreuses
sociétés secrètes prisées par les Nigérians. On y voit trois hommes politiques
influents utiliser leur richesse et leurs contacts pour intimider leurs rivaux, et
consolider leur pouvoir la nuit au cours de réunions secrètes au cours desquels ils
apparaissent, vêtus de pourpre et allongés chacun dans un cercueil, symbolique de la
tombe. La pièce où sept d’entre eux se réunissent est décorée de petits cercueils et
de poupées ensanglantées. Leurs rivaux ont eux aussi leurs réunions secrètes, où ils
apparaissent momentanément réduits { l’état de squelettes rongés par les cafards.
Un autre film, Last Burial (2011) raconte les derniers jours d’un homme qui a échangé
la richesse contre une vie écourtée et finit par mourir mais passe ensuite plusieurs
jours assis immobile dans son cercueil avant qu’une délivrance ne lui permette de
mourir pour de bon et d’être inhumé.
L’espace en profondeur suggéré dans ces films par l’espace creux du cercueil est à
rattacher { l’opposition que notent Nwala (1985 : 30) et Mojekwu (1994 : 121) entre le
monde visible et le monde invisible, ce qui est invisible au profane ne l’étant pas à
l’initié, et les deux mondes étant aussi réels l’un que l’autre. Les contes combinent
parfois de façon explicite les deux points de vue mentionnés plus haut, et décrivent
alors la terre des esprits, pénétrée via la tombe, comme à la fois lointaine et
souterraine. Deux enfants, revenant de chez l’ogresse qui les avait attirés jusque chez
elle, traversent ainsi successivement une grille, par où elles étaient venues, au fond
d’un trou, puis un autre trou, une grande forêt, une grande étendue d’eau et un
dernier trou (Ugochukwu 1992 : 280-283), la succession des trous à remonter
symbolisant à la fois la distance entre les deux mondes et l’extrême difficulté, une
fois de l’autre côté, de rejoindre le monde des vivants.
Sentiers forestiers
La mort, charnière entre les deux mondes, est marqueur de frontière. La tradition
enseigne que depuis l’au-delà, « il y a deux routes vers le monde des hommes. Ces
routes traversent cette zone frontière floue qui sépare les deux mondes. De chaque
côté, au bout de la route, se trouvent postées deux formidables déités féminines :
Onabuluwa et Nne mmiri, Celui qui soutient le monde et Mère l’Eau » (Achebe 1986 :
17). Ces deux routes passent, l’une par la forêt, l’autre par l’eau. Les contes
mentionnés plus haut, s’ils attestent du passage d’un monde à l’autre, ne font que
très rarement mention d’une tombe, qui suggèrerait un état statique ; ils évoquent le
plus souvent un trou et/ou une ‘mort’ graduelle, une transformation qui s’opère par
paliers, dans un mouvement de glissement, de disparition progressive, et passe
Ogboni, ou encore de la franc-maçonnerie, des Rose-Croix, d’Eckankar et autres sociétés d’importation
en pays igbo.
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presque inaperçue. Le conte décrit ainsi l’esprit-enfant dans sa fuite alors qu’elle
coupe à travers champs pour rejoindre la brousse : « l’enfant se transformait
rapidement en esprit. Elle courait! Personne ne peut courir aussi vite! Il était
impossible de voir l’empreinte de ses pas sur le sol. On ne voyait pas ses pieds
toucher terre... Elle avait l’air de voler » (Ugochukwu 1992 : 77). Basden (1938 : 366)
notait déj{ il y a plus d’un siècle que l’esprit d’une personne morte prématurément se
transformait en un oiseau qu’on appelle ‘il pleure: fio ! fio !’O be fio fio.11 L’oiseau
meurt ensuite et redevient un esprit qui s’en va vers le monde des morts. Selon les
contes, il n’apparaît que pour annoncer ou révéler la mort des enfants assassinés ou
le retour de l’ogbanje dans l’autre monde : « elle est morte là-bas - parce que c’était
une ogbanje. Aussitôt, elle s’est transformée en oiseau et elle est allée se percher sur
la petite bonne en chantant » (Ugochukwu 1992 : 269).
11
Ce nom est une onomatopée, qui imite le cri de l’oiseau après l’avoir introduit.
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Le flou de ces évocations, qui omettent de pointer du doigt vers une tombe,
rappelle qu’autrefois, un grand nombre de morts n’étaient pas enterrés mais jetés
dans la ‘mauvaise brousse’, ajo ohia, désignée dans Omenuko (Nwana 2010 : 56)
comme « la brousse froide », ikpa oyi. Toutes les sources historiques s’accordent sur
son usage ancien : on y jetait les restes de sacrifices, et les enfants nés
‘anormalement’ - jumeaux, mauvaises présentations et enfants nés avec des dents,
entre autres (Basden 1938 : 262-263). Ceux qui
mouraient de ‘mauvaise mort’ onwu ojo,
étaient, soit abandonnés là de même manière,
parfois même avant même leur mort, soit
grossièrement recouverts de terre puisque
« les
mauvaises
morts
ne
donnent
normalement pas droit à des funérailles
complètes » (Awolalu 1979 : 254). C’était le cas
des victimes de la variole12, de la dysenterie, de
l’hydropisie, des hernies, kystes et hydrocèle,
des lépreux et des malades mentaux, des
femmes décédées en cours de grossesse ou en couches, de ceux morts de mort
violente, le cas des suicidés étant considéré comme le plus grave de tous. Certains
des films représentatifs de la vie d’autrefois, comme l’adaptation cinématographique
du premier roman d’Achebe, Things Fall Apart (1987) évoquent ces morts en se
servant d’effets spéciaux ou les mettent en scène sous l’apparence de ‘revenants’.
Dans le film, immédiatement après le meurtre rituel du jeune Ikemefuna, une longue
scène digne du théâtre grec antique et qui ne figurait pas dans le roman montre
Okonkwo, le personnage principal, seul en pleine nuit dans la forêt maudite,
pourchassé par les ombres d’Ikemefuna et d’autres enfants tués comme lui,
enveloppés dans la dentelle blanche habituellement portée par les familles en deuil.
Ces formes sans visage, dont la blancheur se détache sur l’arrière-plan obscur de la
forêt, l’entourent, l’accusent comme ayant participé au meurtre et le maudissent de
leurs cris : « sang pour sang ! Malédiction pour malédiction! » Elles vont l’encercler de
plus en plus près jusqu’à ce qu’il finisse par s’écrouler au sol.
Des films plus récents mettent à l’écran cette même forêt pour en faire le lieu
d’autres meurtres, respectant par là même la tradition puisqu’aucune des victimes
n’aurait pu, { l’époque, être enterrée au sein du village. Dans Crying Blood (2013),
directement inspiré d’un fait divers, une veuve, injustement accusée d’avoir tué son
mari, est enterrée vivante au pied d’un arbre en brousse après avoir en vain pleuré
sur la tombe de celui qui ne pouvait plus la défendre. The Buried Virgin (2016), film
12
Également associée à un esprit, « Kitikpa, l’incarnation toute-puissante de la petite vérole » (Achebe
1981 : 59).
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historique, s’ouvre, lui, sur le meurtre d’une jeune fille, kidnappée à la lisière de la
forêt pendant la corvée de bois et enterrée vivante pour assurer la fortune à son
meurtrier.13
Parcours aquatiques
Qu’elle soit clairement perçue ou non, la zone frontière aboutit toujours { un
point précis, celui que marquera la tombe, et qui lui sert à la fois de limite et de seuil
vers l’au-delà - souvent une étendue d’eau, qui marque la limite aquatique extrême
entre le monde des humains et celui des esprits.14 Un conte (Ugochukwu 1992 : 97)
dit ainsi qu’ « à la frontière entre le pays des esprits et celui des humains, il y avait une
rivière. » C’est cette frontière que franchissent non seulement les morts mais aussi
ceux qui, { l’instar d’Enendu l’adolescent téméraire, sont envoyés en mission chez les
esprits. Le fils du roi « est arrivé { un endroit où il y avait de l’eau partout. Il ne savait
pas si l’eau était profonde, il ne voyait pas jusqu’où elle s’étendait. Mais le chemin
s’arrêtait l{ : il n’y avait plus que de l’eau. […] Il est entré dans l’eau et il a marché
longtemps. Et il est arrivé au fond de l’eau, chez les esprits » (Ugochukwu 1992 : 316).
Le témoignage des contes est confirmé par Parrinder selon lequel « les morts sont
d’habitude censés se rendre dans un monde souterrain ». Certains, ajoute-t-il,
« pensent qu’il leur faut traverser une rivière » (1976 : 136). C’est le cas { Nnewi, ville
proche du port d’Onitsha, où l’on croit que lorsque quelqu’un meurt, son esprit
traverse la rivière Ele pour atteindre le monde souterrain (Alutu 1986: 387). Cette
même croyance trouve son écho en littérature écrite: La route de la faim d’Okri
(1994), roman dans le prolongement des mythes igbo, confirme cette topographie
dès la première page : « Au commencement était une rivière ». Notons que l’eau est
clairement perçue autant comme un chemin que comme un habitat. Elle est la
seconde route vers le monde des esprits, la première s’enfonçant dans la forêt et
passant par l’arbre au pied duquel les ogbanje ont enterré le gage de leur serment.
Dans l’un des contes sur les ogbanje, on trouve même une combinaison des deux
routes : c’est « au bord de l’eau, en haut d’un arbre » (Ugochukwu 1992 : 88) que le
chasseur rencontre pour la première fois celle qui va devenir sa fille ; c’est l{ aussi
qu’il se postera après sa mort pour en bloquer l’actualisation et la forcer { revenir { la
vie. Cette combinaison souligne ici l’imminence du passage en même temps que
l’énormité de sa menace.
13
Sur le traitement des veuves, lire Ugochukwu 2015 ; les meurtres rituels liés { l’acquisition de la
richesse sont par ailleurs fréquemment dénoncés dans les media nigérians.
14
La grande forêt, avec ses arbres géants, est dans les contes comme dans la tradition populaire la
seconde frontière entre ces deux mondes. Cf. Achebe 1986, Ugochukwu 1992 : 36 & Ugochukwu 2002.
12
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L’esprit qui avait pris forme humaine { l’aller, en abordant la terre des humains,
abandonne sa dépouille sur la berge ou au pied de l’arbre au retour. Les vivants, de
leur côté, ne dépassent habituellement pas cette frontière naturelle : fillettes et
garçonnets vont au cours d’eau et en reviennent. Ceux qui entrent dans l’eau entrent
dans la mort, non pas parce qu’ils ne savent pas nager - comme le dit Omenuko
(Nwana 1933 : 3), « tout le monde chez nous sait nager » - mais parce que l’eau
représente la porte de la mort comme le révèle le conte d’Ona, cette fillette noyée
par sa sœur ainée qui la jalousait. « L’eau a emporté Ona, et elle a descendu la rivière.
Les esprits de l’eau qui vivaient là l’ont appelée, ils l’ont emmenée au fond de l’eau, là
où était leur demeure ; ils lui ont mis des gouttes dans les yeux, et elle a oublié qu’elle
était un être humain » (Ugochukwu 1992 : 152). Quant au fils de l’arc-en-ciel, cet
enfant qui désirait rejoindre son père disparu, sa mère est allée consulter le devin, qui
« leur a dit d’aller chercher un canari blanc, une pièce de tissu blanc, et d’autres
choses blanches, sept, de tout apporter au bord de la rivière et d’amener l’enfant l{bas » (Ugochukwu 1992 : 228). L’enfant est alors tombé { l’eau et s’est noyé. Ce
dernier conte insiste sur la couleur blanche des offrandes à apporter, couleur
toujours associée aux funérailles et qui signale ici la mort de l’enfant.
La tombe refermée
Les vivants ne peuvent pas rejoindre les morts au-delà de la frontière dont on
vient de parler – que celle-ci soit chemin ou tombe : seuls ces derniers ont le pouvoir
de revenir, si toutefois celui-ci leur est donné. C’est ce qui explique les conversations,
les appels et les chants rapportés par les contes, qui tous ont le même but : tenter de
communiquer par-delà la mort. Le conte de ‘la mort du guerrier’ vient enrichir cette
anthropologie de la tombe. Il s’agit l{ de deux villes constamment en guerre :
Chaque fois que les gens de la grande ville […] venaient pour vaincre Iberedum et
l’encerclaient, le roi élevait la voix et appelait Ezulu, le vaillant guerrier, le beau
garçon qui savait lutter. Quand Ezulu entend chanter son père, il dégaine son
épée, il sort en courant, il tue, il tue, il tue, il tue, et les gens de la grande ville
s’enfuient en courant : il a sauvé Iberedum (Ugochukwu 1992 :106-107).
Mais le roi d’Iberedum, un don Juan impénitent, va tuer son fils pour plaire { une
prostituée dépêchée par le village ennemi et qui a su l’envoûter. Le lendemain, les
ennemis envahissent le village, sûrs de pouvoir maintenant s’en emparer.
Les ennemis sont allés tout droit au palais, ils ont capturé le roi et ils l’ont
emmené. Il se lamentait, mais personne n’était plus l{ pour le défendre. Quand ils
13
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sont passés devant la tombe d’Ezulu, le roi a regretté amèrement ce qu’il avait
fait, et s’est dit :
- Oh oh ! Je vais essayer d’appeler Ezulu, pour voir s’il peut revenir me
défendre…
- Ezulu, guerrier, Ezulu !
Beau garçon d’Iberedum !
Ezulu, guerrier, Ezulu !
Beau garçon d’Iberedum !
Sors, les ennemis arrivent, Beau garçon d’Iberedum !
Que chacun tue, que chacun tue,
Beau garçon d’Iberedum
Et les ennemis s’en vont,
Beau garçon d’Iberedum !
Quand il chantait, les gens qui l’emmenaient l’ont giflé en lui disant :
Qui est Ezulu ? Continue à marcher !
Il a pleuré, oh ! Et s’est remis { chanter. […] Pendant qu’il chantait, la tombe
d’Ezulu s’est ouverte et Ezulu est sorti. Quand les gens l’ont vu sortir, ils ont lâché
le roi et se sont enfuis pour aller raconter ça à ceux de leur ville. On est allé
appeler le féticheur, et il leur a fait un autre gris-gris pour empêcher Ezulu de
ressortir. Alors ils sont retournés à Iberedum et ils ont pris le roi. Il a chanté
encore, mais Ezulu n’est plus ressorti (Ugochukwu 1992 : 113-114).
Le proverbe apporte la meilleure conclusion au conte :
Ozu di n’ili si na ya na-anu olu akwa ndi mmadu
Le mort qui est dans la tombe dit qu’il entend les lamentations des gens
mana aja nyigidere ya ekweghi ya bilie
Mais que la terre qu’on a jetée sur lui l’empêche de se lever (Igwe 1986 : 69).
Quel que soit le lieu où le corps est inhumé, abandonné ou englouti, le conte
démontre que, même en l’absence des cérémonies requises, la mort scelle une
séparation, comme on le voit à la fin du récit des deux petits amis : l’enfant assassiné
par les parents de son ami, déterminés à mettre fin à une amitié qu’ils jugeaient non
productive, revient au milieu de la nuit pour rapporter à son ami qui le cherche ce qui
s’est réellement passé. Il conclut : « maintenant, il n’y aura plus rien entre nous. Je
suis seulement venu te dire adieu, parce que nous ne nous verrons plus »
(Ugochukwu 1992 : 133).
14
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Le lieu du dernier adieu
Dans les films, la tombe devient la bouche du tunnel au bord duquel les vivants
viennent, en guise d’adieu, demander pardon pour les peines causées et promettre
aux défunts de faire amende honorable, comme dans My Blood my Sweat (2013), suite
du film Release me o Lord (2013) où Osita, de retour d’Europe après dix ans d’absence,
vient sur la tombe de son père lui demander pardon de n’avoir pas pu rentrer { temps
et lui promettre de venger sa mort. Dans le film bilingue yoruba/Igbo Temi Ni Nkem
(2004), un père vient lui aussi sur la tombe de son fils pour maudire ses meurtriers et
s’engager à le venger. Et la dernière scène de Bed to Grave (2015, ci-dessus) permet à
une jeune femme de retrouver la trace de sa mère pour découvrir qu’elle est morte
six mois auparavant, et, debout devant sa tombe, de lui promettre d’organiser ses
funérailles dès qu’elle le pourra.15
Un certain nombre de films de Nollywood ont choisi de traiter la question du
veuvage, et plus précisément le traitement traditionnel des veuves entre le décès du
mari et l’enterrement. La tombe, qui n’y figure donc pas physiquement, est pourtant
au centre du récit, continuellement évoquée au travers des rituels qui se rattachent à
l’inhumation et qui cherchent à l’évidence à sceller la séparation entre l’épouse et son
mari défunt. D’autres films, plus nombreux, s’ouvrent sur un décès, souvent celui des
parents, et parfois des enfants adultes d’une veuve, et ce sont ceux qui donnent { la
figure de la tombe son rôle central en même temps qu’ils mettent en avant la
puissance du chant funèbre traditionnel. Dans ces films, majoritairement dus à des
réalisateurs igbo, ces chants ont jusqu’ici surtout été en igbo16, comme l’illustre la
première scène du film Cry for help (2001), au sous-titre révélateur, « l’agonie d’une
orpheline », où une jeune fille en vêtements de deuil, accroupie sur la tombe de ses
parents, s’adresse une dernière fois { eux en chantant tout en pleurant :
O masiri m o
Ebe o masiri gi
[C’est bon pour moi]
[Puisque c’est bon pour toi]
15
Les funérailles, cérémonies élaborées et habituellement coûteuses, qui rassemblent famille étendue
et amis, si elle suit d’habitude l’enterrement (la mise en terre, qui ne peut attendre longtemps), peut
aussi se dérouler des mois, et parfois des années après, si la famille n’est pas prête { endosser cette
responsabilité au moment du décès.
16
Les films nigérians sont dans leur immense majorité marqués par leur provenance ethnique –
rappelons que les trois ethnies majoritaires sont les Igbo, les Yoruba et les Hausa. 99% des films
produits par les Igbo sont en anglais, les refrains seuls restant en igbo; les films yoruba sont quasiment
tous en yoruba, avec des chants en yoruba, et de plus en plus sous-titrés en anglais; les films hausa
sont en hausa et généralement non sous-titrés. Peu de réalisateurs viennent de groupes ethniques
minoritaires.
15
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na o gaadiri m otu a
[qu’il en soit ainsi pour moi]
Ebe o masiri gi na o masiri m o ! [Puisque c’est bon pour toi, c’est bon pour moi]
C’est bon pour moi].
(Ugochukwu 2010 : 124).
Painful Soul (2012) s’ouvre quant à lui sur les lamentations déchirantes d’une jeune
fille qui pleure sur les tombes voisines de ses parents et de son frère, morts le même
jour après avoir ingéré un plat empoisonné préparé par son oncle. Elle est sur le point
de se suicider là pour les rejoindre, et c’est un malafoutier17 qui passait qui la sauvera.
La tombe lieu de rencontre
Le mythe de fondation de Nri, capitale spirituelle du pays igbo, atteste de
l’ancienneté de la tradition d’inhumation dans cette région, en même temps qu’il
attire l’attention sur l’importance de la tombe dans la culture :
17
Qui recueille, prépare et vend le vin de palme.
16
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Il y avait une famine.
Le chef de Nri demanda à manger à Dieu.
Dieu lui dit d'offrir son fils aîné et sa fille aînée en sacrifice.
Ils reçurent les tatouages traditionnels.
On les sacrifia à Dieu.
Au bout de douze jours (trois semaines igbo),
sur la tombe du fils poussèrent une igname et un palmier à huile.
Sur la tombe de la fille
poussèrent un taro, un épi de maïs et des légumes.
Dieu dit : partagez-les entre tous les Igbo
et que ceux-ci vous paient tribut» (Onwuejeogwu 1975 : 64). 18
Le texte présente deux mondes en contact, en dialogue - ici par le biais de la
nourriture : le monde des humains d’une part, et le monde surnaturel, symbolisé ici
par la personne de Chukwu, le Dieu tout-puissant du panthéon igbo, d’autre part. Il
illustre ensuite la dépendance où se trouvent les humains, dont la vie, symbolisée ici
par la nourriture que résument igname et huile de palme, est soutenue par Chukwu.
Au-delà de cette coutume, le même texte fonde la religion traditionnelle en liant
prière/demande à la divinité, sacrifice et exaucement. Toute demande, pour être
exaucée, doit être accompagnée d’un sacrifice qui implique dans certains cas la mort
d’un être cher - ici les deux enfants. On retrouvera ce modèle, inversé, dans le
fonctionnement des sociétés secrètes signalées dans les films de Nollywood et au
sein desquelles les sacrifices humains sont présentés comme condition de
gratification de la cupidité. Le fait que la tombe soit présentée ici comme lieu de
l’intervention de Chukwu n’est pas anodin : en associant ainsi la tombe et le don
surnaturel, il attribue à ce marqueur de mort et de séparation qu’est la tombe le rôle
de lieu de rencontre privilégié entre vivants et disparus.
On retrouve le même thème dans un conte qui met en scène une orpheline
maltraitée. Le conte, dominé par le pommier, est une allégorie de la croyance
traditionnelle igbo et du lien qu’elle établit entre les esprits des ancêtres et la
communauté.19 L’orpheline vit séparée du reste de la maisonnée jusqu’{ ce qu’elle
renoue le dialogue avec sa mère par l’intermédiaire du pommier. Ubesie disait encore
que « ce qu’on cherche au pied du pommier, udara, c’est la naissance. » De guerre
lasse, et dans l’impossibilité de se réfugier auprès de sa mère pour en recevoir ce
18
Voir aussi Basden 1921: 389
Comme l’explique Ubesie (1978 : 35), « d’après les gens, les pommes sont le fruit qui attire le plus les
enfants, parce qu’ils l’aiment beaucoup. Les enfants { naître eux aussi aiment les pommes. C’est
pourquoi les Igbo croient que les enfants qui cherchent à venir au monde se rassemblent en grand
nombre au pied du pommier, autant et plus que ceux qui sont déjà nés. »
19
17
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qu’on lui a refusé, la fillette, qui de plus n’a aucun espoir de voir son père, tiraillé
entre sa fille et sa seconde épouse, prendre sa défense, finit par ramasser les pépins
que les autres ont jetés. Elle s’en va ensuite derrière la maison de sa mère, une
maison qu’elle partageait autrefois avec celle-ci20 et qu’elle est seule { occuper
maintenant. Il y a là déplacement physique vers la mère décédée, non seulement
représentée par sa maison personnelle, mais par son arrière-cour, l’endroit où la
femme passe le plus clair de ses journées à préparer le repas et à laver le linge. Une
comparaison avec une variante du conte notée en Haïti et où l’orpheline s’en va
« derrière le bouquet d’arbres qui cachaient la tombe de sa mère » (Romain 1959 : 123124), permet de pénétrer plus avant le sens caché du récit : l’arrière-cour est aussi
l’endroit où se trouve la tombe de la mère. Ce déplacement entérine la situation de
fait qui est celle de l’exclusion de l’orpheline. Il contribue également à couper
temporairement la communication entre l’orpheline et les autres enfants, entre elle
et le monde des humains, ouvrant en même temps la possibilité d’une
communication avec sa mère défunte. Arrivée dans l’arrière-cour, elle creuse d’abord
la terre pour y enfouir les pépins. Dans une culture où le monde des esprits, que
rejoignent à leur mort les esprits de ceux qui ont vécu, comme sa mère, une vie
pleine, se situe aussi sous terre (Ugochukwu 2009 : 47), ce geste est significatif : il
rouvre la voie à la communication entre mère et enfant. Le trou une fois creusé, la
fillette enterre les pépins, comme une offrande qui reproduit { l’envers le geste
ancien d’affection de la mère revenant du marché et offrant la pomme { sa fille.
Chant, dénonciation et pouvoir
L’orpheline se met alors { chanter, entamant un dialogue avec l’arbre, point de
rencontre traditionnel avec les ancêtres et investi ici d’une fonction maternelle, et lui
raconte son infortune, sur le mode des incantations adressées ailleurs aux esprits :
Pommier de ma mère
Nda
Pommier de ma mère
Nda
Pousse pour l’enfant qui n’a ni père ni mère
Nda
Sais-tu que la femme de mon père
20
Dans les maisonnées polygames, le père avait sa maison personnelle et chacune des femmes vivait
séparément, avec ses enfants, dans une maison individuelle mais partageant la même cour.
18
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Nda
A acheté des pommes au marché
Nda
Et n’a pas donné sa part
Nda
A l’enfant qui n’a ni père ni mère ?
Nda (Ugochukwu 1992 : 326).
Ces incantations, répétées tous les jours, provoquent une accélération du
processus naturel : les pépins germent, un pommier pousse, grandit, « substitut
végétal de la mère morte » (Calame-Griaule 1969 : 23).21 Le chant se transforme alors
pour accompagner l’arbre dans le processus vital : « grandis ! », « porte des fruits ! ».
En réponse { la prière de l’orpheline et en reconnaissance de son innocence,
l’arbre porte des fruits qui mûrissent rapidement et tombent à ses pieds, prêts à être
ramassés.22 On retrouve ici l’arbre du conte-type devenu « le véritable protagoniste
de l’action et pas seulement une donnée naturelle, au point qu’il s’établit un rapport
de complicité quasi humaine […] entre le héros et l’arbre. Il s’agit donc d’un être
merveilleux non-anthropomorphe, dont l’action se situe dans les limites élargies de
ses attributs naturels » (Görög-Karady 1970 : 50). L’arbre dont il est question dans ce
conte est traditionnellement lié au monde des esprits ; « poussé magiquement sous
l’effet de la chanson et { l’emplacement de la tombe de la mère { laquelle recourt la
victime, [il] est source de consolation pour elle et de renforcement vital » (Hurbon
1969 : 85). Dans le conte, les pépins enterrés et l’arbre qui en jaillit sont le symbole de
la mort et de la continuité de la vie, de la relation à la mère perdue et retrouvée, de
l’héritage reçu et du lien renoué.
Comme l’arbre près de la tombe maternelle transmet la complainte de l’orpheline,
la tombe aquatique laisse passer la voix, cette fois dans l’autre sens, comme le
confirme le conte de l’enfant noyée. Apres s’être jetée dans le fleuve, traumatisée
par l’infanticide qu’on vient de la forcer à commettre, une jeune bonne se noie.
« L’eau l’a submergée : on ne voyait plus que sa langue, qui pointait hors de l’eau, et
qui est restée là à flotter » (Ugochukwu 1992 : 207). C’est cet organe de la parole qui
lui permet un peu plus tard de révéler, par le chant cette fois encore, le meurtre au
malafoutier venu sur la berge récolter son vin.
Les contes évoqués illustrent en outre la croyance selon laquelle posséder le nom
de quelqu’un, c’est posséder un pouvoir sur cette personne. La mort elle-même ne
peut résister à la mention du nom, comme le montrent aussi bien le conte où le petit
21
Cf. Ugochukwu 1992 : 46 et 290. Le même chant dont la puissance incantatoire a pour effet de faire
grandir l’arbre en un temps record, est rapporté par la plupart des autres variantes.
22
La coutume veut qu’on ne ramasse les pommes qu’une fois tombées.
19
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Oko assassiné revient voir son ami à l’appel de son nom, que ce conte où, { l’appel de
son nom par son père, « la tombe d’Ezulu s’est ouverte et Ezulu est sorti » (1992 :114).
Les lamentations des veuves, des victimes et des orphelines, en particulier, ont le
pouvoir, sinon de faire revenir les morts, en tout cas de rappeler leur ombre et
d’enclencher leur vengeance, comme on le voit dans le film The Buried Virgin (2016)
où l’ombre de la morte resurgit périodiquement de sa tombe pour poursuivre les
coupables.
Demain le cimetière ?
Aujourd’hui, au Nigeria, les morts continuent d’être
inhumés dans les cours, comme l’illustre fidèlement la
dernière scène du film Bed to Grave (2015) où une jeune
femme partie à la recherche de sa mère découvre sa
tombe derrière la maison. Il n’existe de cimetières que
depuis peu de temps au pays, et uniquement, semble-til, dans la capitale, Abuja, à Lagos et dans d’autres
mégapoles régionales où cette nouvelle pratique, qui
se propagerait si l’on en croit certains journaux locaux, s’explique probablement par
la vente des terrains familiaux et la perte progressive des maisons familiales dans les
villages ancestraux. Mais deux articles de presse récents (Duru 2013 et Tijani 2016)
signalent les difficultés auxquelles font face les familles des défunts inhumés dans les
cimetières de Lagos, d’Ibadan, de Sagamu, de Port-Harcourt, Bonny, Okirika,
Degema, Ahoada, et de Calabar : ces espaces inspirés de l’Occident, dont certains ont
été ouverts il y a plus de dix ans déjà, disposent d’un espace insuffisant pour
répondre à une demande grandissante, et ne peuvent par conséquent pas garantir la
pérennité des tombes, souvent réattribuées moins d’un mois après la mise en terre.
Ils souffrent en outre d’un manque de main-d’œuvre qualifiée, d’une quasi-absence
d’archives fiables, et sont le plus souvent très mal entretenus, ce qui a donné lieu à la
création sauvage de cimetières privés réservés à ceux qui peuvent se permettre de
dépenser des sommes colossales pour s’assurer le repos. Le manque d’hygiène et
d’équipements sanitaires des cimetières communautaires est aujourd’hui une
menace qui a attiré l’attention de l’auteur d’une étude (Douglas 2013) sur les cinq
premiers cimetières communautaires en existence.
Ce développement des cimetières n’a pour l’instant eu aucun effet sur Nollywood,
dont les films n’ont semble-t-il encore intégré ni ces espaces, si même l’une de leurs
tombes individuelles. Il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque Douglas lui-même
reconnaît que la pratique traditionnelle se maintient, d’autant plus que « la plupart
des sociétés africaines (comme le Nigeria) […] croient que les funérailles sont la
20
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façon la plus respectable de traiter les morts, et se consolent en offrant aux familles
et aux amis une tombe spécifique » (2013 : 58). Une chose est sure en tout cas : le
malade mental qui a élu domicile sous un arbre au milieu des tombes au cimetière de
Calabar, y cuisine, y mange et y fait sa lessive (Tijani 2015) a tout { fait le profil d’un
personnage nollywoodien.
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Filmographie
Bed to Grave (2015)
Réalisateur: John Izedonmi
Producteur: Onyinye Chidubem Chiamaka Omechi
Distribution: Ini Edo, Khareema Aguiar, Eko Smith Asante & Nadia Buha
The Buried Virgin (2016)
Réalisateur: Larrie Gee
Distribution : Zainab Ugwuatuonwu, Akachi Max, Ifeanyi Odikaesieme & Prince Gozie
Nwaeze.
Cry for Help (2001)
Réalisateur : Andy Amenechi
Producteur: Anayo Nwafor
Distribution: Clem Ohamezi, Andy Chukwu, Rita Nzelu, Ngozi Nwosu, Amaechi
Muonagor & Nkiruka Sylvanus
Femi Ni Nkem (2004)
Producteur : Femi Davies
Distribution : Segun Arinze, Ejike Asiegbu, Ngozi Nwosu, Larry Koldsweat, Yemi
Sodimu, Jide Kosoko, Moji Olaiya, Dele Odule & Baba Wande.
The Last Burial (2011)
Réalisateur: Lancelot Oduwa Imasuen
Producteur: Prince Emeka Ani
Distribution : Clem Ohameze, Chika Anyanwu, Eucharia Anonobi & Sam Dede
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My Mother’s Blood (2013)
Réalisateur: Vincent D anointed
Producteur : Ikenna Irikannu
Distribution: Ngozi Ezeonu, Chinyere Wilfred, Emma Umeh & Chizoba Osakwe
Painful Soul (2012)
Réalisateur: Obinna Ukaeze
Producteur: Precious Okafor
Distribution: Mercy Johnson-Okojie, Chika Ike, Ngozi Ezeonu, Charles Anwurum &
Gozie Alichi
Release me o Lord (2013) suivi de My Blood My Sweat (2013)
Réalisateur: Ifeanyi Ogbonna
Producteur: Chigbo Onyemesili
Distribution : Pete Edochie, Eve Essien, Chinwe Owoh, Ken Eric, Clem Ohameze &
Chinwetalu Agu
Thirty minutes from Hell (2015)
Réalisateur: Amayo Uzo Philips
Producteur: Martins Onyebuchi Onyemaobi
Distribution: Clem Ohemeze, Eve Esin, Charles Awurum, Kingsley Ogbonna, McSmith
Ochendu & Noni Igboanugo
Things Fall Apart (1987)
Réalisateur: David Orere
Producteur: Adiela Onyedibia
Distribution : Pete Edochie, Nkem Owoh, Loco, Funso Adeolu, Fabian Adibe, Justus
Esiri, Nduka Eya, David Ihesie, Manly Rollings & Marius Ugada.
Timbers and Calibres (2015)
Réalisateur: MacCollins Chidebe
Producteur: Arinze Edobeatu
Distribution : Pete Edochie, Clem Ohameze, Charles Okafor, Sam Loco-Efe &
Geraldine Ekocha
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